Le vol de la fusée Heavy Falcon : vers une privatisation de l’espace ?
La société Space X d’Elon Musk a réussi à créer l’événement la semaine dernière grâce à la spectaculaire réussite du vol de démonstration du lanceur Heavy Falcon, désormais le plus puissant au monde devant ceux que les États peuvent envoyer dans l’espace. Ce succès est autant technologique que médiatique, au vu du nombre d’internautes qui ont suivi la retransmission en direct du vol de la fusée sur YouTube.
Beaucoup de commentaires insistent sur la dimension historique de l’événement, mais ne peut-on y voir également le signe d’une certaine forme de « privatisation » de l’espace ? La question ne tient pas tellement à la dimension quasi publicitaire de cette opération, bien attestée par les images de l’expédition d’une voiture Tesla en direction de Mars, assurant la promotion de l’autre société phare d’Elon Musk. Elle se pose parce que le statut juridique des ressources spatiales connaît depuis quelques années un changement profond ouvrant la porte à une appropriation par des entreprises privées, dont Space X n’est que la représentante la plus visible.
L’espace non appropriable, un principe fragile
Jusqu’à une date récente, le statut juridique de l’espace et des ressources extra-atmosphériques était fixé par le Traité de l’Espace, adopté en 1967 sous l’égide des Nations unies. Ce texte tendait à faire de l’espace une « chose commune » (res communis) au sens où les Romains entendaient déjà ce terme et l’appliquaient à l’air ou à la mer : une ressource ne pouvant faire l’objet d’une appropriation à titre exclusif et librement utilisable par tous. Le Traité de 1967 consacre ainsi un droit de libre exploration et utilisation, tout en fixant des règles de non-revendication de souveraineté nationale sur l’espace :
« L’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ».
Ces principes ont longtemps constitué la clé de voûte du statut juridique de l’espace, même si leur acceptation est demeurée fragile en raison de la rivalité entre États. Pour preuve, le Traité sur la Lune de 1979, qui réaffirmait le principe de non- appropriation et incluait cet astre dans le « patrimoine commun de l’Humanité » n’a pas été ratifié par de grandes puissances spatiales comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou la France. Mais aujourd’hui, la crise économique durable et la réduction conséquente des budgets étatiques consacrés à l’exploration spatiale sont à l’origine de nouvelles tentations de remettre en cause ces règles.
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