La coopérative de thé et infusion qui vient d'obtenir 2,8 M€ de fonds d'Unilever annonce une production d'ici le printemps
Ils n'avaient pas prévu de vendre leur production ce jour-là, mais à peine Olivier Leberquier et Gérard Cazorla ont-ils sorti de leur carton les boîtes d'infusion sorties de l'usine de Gémenos, que plusieurs personnes se pressaient pour les acheter. Hier matin, les deux leaders emblématiques du combat des Fralib, qui ont obtenu la création de leur coopérative, sont venus participer à la journée de convergence des luttes organisée par la CGT sur le site des Moulins Maurel, à La Valentine. Devant ce parterre de syndicalistes arrivés de tout le département, et de représentants d'une pléiade de sensibilités de gauche, les deux hommes, toujours employés d'Unilever, puisque leur licenciement en tant que salariés protégés n'est pas encore intervenu, incarnent l'idée que "la lutte paie".
Et pour cause. La ScopTI (pour thé et infusion), vient tout juste de recevoir sur son compte les 2,8 M€ issus de l'accord de fin de conflit avec la multinationale, qui s'ajoutent aux 177 000 € de capital de démarrage, financé par les 58 coopérateurs, tous anciens salariés. 58 actionnaires, qui disposent chacun d'une voix, et sont décisionnaires chaque fois qu'un choix stratégique s'impose. Vendredi le conseil d'administration a ainsi présenté à l'assemblée générale les options entre lesquelles il va devoir trancher en matière de politique commerciale. "Il y a trois possibilités ; soit on recrute un directeur commercial en interne, soit on a le choix entre deux sociétés extérieures" explique Gérard Cazorla. Car pour lancer la production d'ici la fin du premier trimestre 2015, le plus déterminant est la conquête des rayons de la grande distribution.
"Nous savons déjà qu'ils sont intéressés. Actuellement il n'existe qu'un seul acteur sur le marché pour les marques de distributeur" rappelle Olivier Leberquier "Unilever a arrêté de produire pour elles dans les années 90. Mais aujourd'hui les MDD représentent 20 % de parts de marché." Les coopérateurs ont déjà des accords avec deux sociétés, française et allemande, pour mobiliser l'approvisionnement nécessaire au démarrage, en moins d'un mois. À cette filière de distribution s'ajouteront les "niches" sur lesquelles la ScopTI compte se positionner, avec du thé vert haut de gamme en provenance d'une coopérative de Yên Bái au Vietnam, dont un échantillon a déjà été commercialisé sous forme de "production militante" ou encore les sachets d'infusion à base de tilleul fourni par les petits producteurs de Buis-les-Baronnies.
Reste la question de la marque. La Scop s'est allouée les services d'une équipe de consultants, dont certains ont participé à l'expérience du Tour du made in France, chargée d'animer des réunions de brainstorming avec les salariés, pour la choisir. "Plusieurs questions se posent ; faut-il une seule marque ou deux par exemple, notamment pour notre production bio ?" s'interrogent les deux représentants de la Scop, qui vient d'obtenir cette semaine la certification bio délivrée par Ecocert. Les Fralib, dont le combat avait suscité l'adhésion de nombreux soutiens, espèrent que leurs produits, annoncés pour le printemps 2015, rencontreront celle du consommateur.
La question du foncier
C'était en septembre 2012. Eugène Caselli signait l'acquisition du terrain et des bâtiments où est implantée l'usine Fralib, à Gémenos, moyennant 5,3 M€, avec les SCI Gounod Jouques et Gounod Gémenos, qui en étaient alors propriétaires, Unilever étant locataire des lieux. Un acte politique fort, qui permettait aux salariés porteurs du projet de coopérative, de bénéficier de ces locaux, le temps de lancer leur activité. Le président déclairait alors "Dans le cadre de ces projets, que MPM soutiendra dans la limite de ses compétences, Marseille Provence Métropole mettra à disposition des repreneurs ces terrains et bâtiments sous la forme d'une location ou d'une vente".
Et il est visiblement désormais temps de réclamer un tel loyer, de l'ordre de 500 000 € par an, dont la Scop n'est toutefois pas en mesure de s'acquitter durant ses premières années de démarrage. Des discussions sont donc en cours avec la collectivité. "Nous pourrions nous séparer d'une partie du terrain, les locaux administratifs notamment" explique Gérard Cazorla. Mais même dans cette hypothèse, un loyer serait pour l'heure trop lourd. De son côté, MPM que nous n'avons pu joindre hier, doit cependant s'acquitter de charges. La Région quant à elle vient de voter une subvention de 80 000 € à l'association Force et Bonté coopératrice de la Scop, pour bénéficier d'expertises, notamment sur ces questions là.
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