Individu et société

Individu et société

Messagede Berckman » 02 Jan 2009, 14:04

EDIT (willio) : Topic homophobie scindé.
---

Willio a écrit:Je pense qu'il ne faut pas concevoir une oppression au niveau d'un groupe, d'une minorité... on créer nous même du communautarisme comme je le disais. Je ne nie pas l'oppression mais il faut la voir sur les individus car c'est d'une liberté individuelle dont il s'agit. C'est pas vraiment à mettre le même plan que la conscience de classe, tu vois... Et puis, tu l'as peut-être remarqué, je ne suis pas non plus très fan des termes comme comme "prolétariat", "lutte des classes"... car encore une fois on place le conflit à un niveau communautaire, c'est jamais très bon.

Le problème, c'est que ce n'est pas en cessant de nommer la réalité qu'on la fait disparaitre. Par contre, on fait disparaitre les outils qui permettent AUX INDIVIDUS de comprendre qu'il ne s'agit pas d'un rapport de domination qui se structurerait à l'échelle inter-individuel, mais d'un rapport social/societal de domination, dont on ne peut s'extraire entièrement seul, à l'échelle individuelle, parce que des mécanismes sociaux sont là pour réprimer celles et ceux qui tentent de sortir de ce rapport de domination, ou pour "ramener par la fenêtre" ce qui a été "sorti par la porte". Cela vaut pour la lutte de classe comme pour la lutte contre le patriarcat.
Cette posture brandit une vision libérale de l'individu, considéré de manière abstraite, hors des rapports sociaux, alors qu'il est le produit permanent de ces rapports sociaux, et s'il contribue à les nourrir, il ne peut s'en extraire seul... Du coup justement, cette posture laisse l'individu seul face à des logiques sociales structurelles, et en organisant son isolement, elle organise aussi son impuissance à s'émanciper concrètement de la domination. C'est le principe de l'atomisation individuelle actuelle organisée par le capitalisme pour les salariés, par exemple : le contrat de travail c'est justement cette idée d'un rapport uniquement inter-individuel, qui fait croire qu'il puisse exister une relation équitable entre patron et employeur, 2 "individus", et que l'inégalité éventuelle ne serait que le fruit de ce rapport individuel et pas d'une organisation sociale fondée sur la division en classe.
Je crois d'ailleurs qu'on touche un des principal point de divergence entre anarchisme individualiste et anarchisme communiste.

Sinon ben globalement d'accord avec VB...
Berckman
 

Re: Homophobie

Messagede Olé » 02 Jan 2009, 14:34

Dsl du HS, car c'est pas vraiment le sujet du topic.

Berckman a écrit:Cette posture brandit une vision libérale de l'individu, considéré de manière abstraite, hors des rapports sociaux, alors qu'il est le produit permanent de ces rapports sociaux, et s'il contribue à les nourrir, il ne peut s'en extraire seul...


Non. On peut revendiquer la liberté de l'individu sans nier qu'il se construit aussi par le rapport social avec les autres. Pour moi ce n'est pas incompatible.
En revanche les détracteurs de l'individualisme anarchiste ont une tendance ( que je trouve parfois un peu holiste voir marxiste) à considérer que seul la société produit un individu, et à n'y voir qu'un résultat, la société précédant l'individu, et l'individu n'étant alors qu'une invention de l'homme contemporain.
Cette analyse a ses limites évidentes, comme la première.


Berckman a écrit: le contrat de travail c'est justement cette idée d'un rapport uniquement inter-individuel, qui fait croire qu'il puisse exister une relation équitable entre patron et employeur, 2 "individus", et que l'inégalité éventuelle ne serait que le fruit de ce rapport individuel et pas d'une organisation sociale fondée sur la division en classe.
Je crois d'ailleurs qu'on touche un des principal point de divergence entre anarchisme individualiste et anarchisme communiste.
.

Je ne pense pas. Perso, je ne nie pas un rapport de domination basé sur l'appareil de production, j'estime simplement qu'il n'explique pas l'Histoire, et qu'il y a d'autres rapports de domination qui rentrent en compte. Je pense aussi que si le capitalisme et le néo-libéralisme nient l'individu malgré l'idée commune qui sous-entend l'inverse, ne penser la société qu'en terme de classes sociales revient aussi à nier l'individu, en ne le voyant que sous le prisme économique du groupe social, et rien d'autre.
Je pense qu'on devrait ouvrir un fil "Individu et anarchie" sur le sujet, s'il n'est pas déjà ouvert.
Pour le sujet de l'homophobie rien à rajouter pour ma part à mes précédents posts.
Olé
 

Re: Homophobie

Messagede joe dalton » 02 Jan 2009, 14:35

Le problème, c'est que ce n'est pas en cessant de nommer la réalité qu'on la fait disparaitre. Par contre, on fait disparaitre les outils qui permettent AUX INDIVIDUS de comprendre qu'il ne s'agit pas d'un rapport de domination qui se structurerait à l'échelle inter-individuel, mais d'un rapport social/societal de domination, dont on ne peut s'extraire entièrement seul, à l'échelle individuelle, parce que des mécanismes sociaux sont là pour réprimer celles et ceux qui tentent de sortir de ce rapport de domination, ou pour "ramener par la fenêtre" ce qui a été "sorti par la porte". Cela vaut pour la lutte de classe comme pour la lutte contre le patriarcat.

je ne suis pas d'accord avec cette façon de poser le probleme ! il ne s'agit pas de ne pas se nommer en tant l'homosexuel, ni même de s'organiser dans la lutte contre le patriarcat en tant que tel ! je crois que ce qui fait débat ce sont les revendication porter sur ces luttes : le doit de disposer de son corps, où le droit d'être reconnue en tant que minorité séparée, avec ses lois, et ses valeurs !
joe dalton
 

Re: Homophobie

Messagede willio » 02 Jan 2009, 15:37

On part en sucette par rapport au topic initial...au pire on scindera le topic si on veut continuer ailleurs.

Berckman a écrit:Le problème, c'est que ce n'est pas en cessant de nommer la réalité qu'on la fait disparaitre. Par contre, on fait disparaitre les outils qui permettent AUX INDIVIDUS de comprendre qu'il ne s'agit pas d'un rapport de domination qui se structurerait à l'échelle inter-individuel, mais d'un rapport social/societal de domination, dont on ne peut s'extraire entièrement seul, à l'échelle individuelle, parce que des mécanismes sociaux sont là pour réprimer celles et ceux qui tentent de sortir de ce rapport de domination, ou pour "ramener par la fenêtre" ce qui a été "sorti par la porte". Cela vaut pour la lutte de classe comme pour la lutte contre le patriarcat.
Cette posture brandit une vision libérale de l'individu, considéré de manière abstraite, hors des rapports sociaux, alors qu'il est le produit permanent de ces rapports sociaux, et s'il contribue à les nourrir, il ne peut s'en extraire seul... Du coup justement, cette posture laisse l'individu seul face à des logiques sociales structurelles, et en organisant son isolement, elle organise aussi son impuissance à s'émanciper concrètement de la domination. C'est le principe de l'atomisation individuelle actuelle organisée par le capitalisme pour les salariés, par exemple : le contrat de travail c'est justement cette idée d'un rapport uniquement inter-individuel, qui fait croire qu'il puisse exister une relation équitable entre patron et employeur, 2 "individus", et que l'inégalité éventuelle ne serait que le fruit de ce rapport individuel et pas d'une organisation sociale fondée sur la division en classe.


Je suis d'accord avec toi sur l'analyse, ce n'est pas cela que je conteste. Ok il faut voir l'individu dans son contexte social, ok les mécanismes sociétaux ne sont pas qu'une simple somme de mécanismes inter-individuels et ok aussi avec toutes les analyses des dominations sociales qu'on peut faire. Il y a des rapports de domination spécifiques qui ne s'applique qu'au niveau social.

Mais tout ça n'implique pas forcement le fait de faire de son "groupe social" une identité (à la fois identité pour l'individu, et identité de groupe), et ce pour deux raisons (qui coïncident d'ailleurs avec ces deux aspects).

- La première, qu'a développé Léo, c'est qu'il faut faire attention à ne pas réduire l'individu à son rôle social, sa fonction et ne pas le voir comme un pur produit social.

- La deuxième, stratégique, c'est qu'il n'est pas bon selon moi de lutter "frontalement" contre les groupes qui nous oppriment sans apporter une critique supérieure, une critique de la structure du système social, en plaçant le débat au dessus de ces conflits. C'est pas le patron qu'il faut plumer, c'est son existence qu'il faut remettre en cause (enfin je ne t'apprends rien). Le patron est dans son rôle de patron, c'est la fonction qui fait l'individu...
Le fait de lutter classe contre classe donne l'impression qu'on veut diminuer l'écart entre les deux et la domination de l'une sur l'autre, alors que c'est les classes qu'il faut détruire.
Et même si tu as ce but (j'espère bien !), utiliser les concepts de lutte des classes et de conscience de classe pour l'atteindre me semble inadapté.
Si l'oppression s'exerce effectivement sur les individu-e-s d'une classe, ce n'est pas pour autant contre les autres classes qu'il faut lutter mais contre l'existence de ces classes et l'existence même des rapports de domination. Pour moi le concept de lutte des classes déplace (dans les esprits du moins) la source du problème et nous fait taper au mauvais endroit. On glisse rapidement vers des idées de dictature du prolétariat.

Je crois d'ailleurs qu'on touche un des principal point de divergence entre anarchisme individualiste et anarchisme communiste.

Non, pour moi les deux sont loin d'être incompatibles (j'ai même parlé de complémentarité dans je ne sais plus quel topic). Dans la deuxième raison, c'est bien mon coté communiste libertaire qui n'est pas d'accord avec ta stratégie révolutionnaire. Mon individualisme n'intervient que dans la première raison et ne s'oppose ni à l'analyse sociale des rapports de domination ni à sa réponse sociale.
C'est un certain communisme qui diverge d'avec l'individualisme, mais pas le communisme libertaire tel que je le conçois.
willio
 

Re: Homophobie

Messagede Berckman » 02 Jan 2009, 20:53

Non. On peut revendiquer la liberté de l'individu sans nier qu'il se construit aussi par le rapport social avec les autres. Pour moi ce n'est pas incompatible.
En revanche les détracteurs de l'individualisme anarchiste ont une tendance ( que je trouve parfois un peu holiste voir marxiste) à considérer que seul la société produit un individu, et à n'y voir qu'un résultat, la société précédant l'individu, et l'individu n'étant alors qu'une invention de l'homme contemporain.
Cette analyse a ses limites évidentes, comme la première.

Non. Je pense que les individualistes font la même erreur que les marxistes, c'est à dire qu'il refusent le rapport dialectique individu-société, et qu'ils considèrent (ou ont tendance à considérer) soit pour les uns l'individu sans rapport aux conditions sociales qui le créent, soit pour les autres la société sans rapport avec les individus concrets qui la composent. Dans les deux cas on est dans les concepts et pas dans la réalité matérielle. Or justement les individus s'ils veulent se construire en tant qu'individus émancipés des structures sociales de dominations, doivent commencer par les identifier, et identifier leur positions dans ces structures de dominations. Mais ces structures de dominations doivent être saisie dans leur manifestation concrète, c'est à dire pas comme des concepts (comme le font les marxistes, où tout du moins une grande partie d'entre eux) mais comme ensemble bien réels d'individus, d'être humains vivant caractérisés par leur positions dans les rapports de production
Ceci n'a rien à voir avec le communautarisme. Pour abolir les classes sociales, encore faut-il en reconnaître l'existence. Idem pour abolir les genres.
BRef ce n'est pas en niant la lutte de classe qu'on construit les conditions de l'abolition des classes sociales. L'irruption de cette affirmation de l'antagonisme des classes (en terme d'intérêt) c'est au contraire ce qui a posé la question sociale, et a permis de montrer que l'émancipation individuelle n'était pas possible pour les classes dominées dans le cadre du système capitaliste. C'est l'affirmation de a lutte des classe qui permet son dépassement dans l'abolition des classes sociales, pas sa négation (qui au contraire n'entretient que le statu quo, on le voit justement depuis les années 80, quand s'est imposé dans le domaine politique cette négation de la lutte des classes).
De même, c'est la revendication homosexuelle (et féministe !)qui a permis de faire bouger les lignes, de visibiliser le caractère sexiste, hétéronormé de la société (et donc son caractère patriarcal) et qui crée les condition d'un dépassement des frontières de genre.
Affirmer une situation sociale qui nous est faites ne signifie pas s'y enfermer, mais au contraire se donner les moyens de bouger les lignes en les identifiant. Au contraire, évacuer ce stade de l'affirmation

Je ne pense pas. Perso, je ne nie pas un rapport de domination basé sur l'appareil de production, j'estime simplement qu'il n'explique pas l'Histoire, et qu'il y a d'autres rapports de domination qui rentrent en compte. Je pense aussi que si le capitalisme et le néo-libéralisme nient l'individu malgré l'idée commune qui sous-entend l'inverse, ne penser la société qu'en terme de classes sociales revient aussi à nier l'individu, en ne le voyant que sous le prisme économique du groupe social, et rien d'autre.

Personne ne pense la société qu'en terme de classes sociales dans le courant anarchiste (ni comme moteur de l'histoire), il y a l'opposition à l'ensemble des rapports de dominations qui justement sont identifié comme des rapports sociaux, c'est à dire collectifs, qui donc ne peuvent se résoudre à la seule échelle individuelle.

Mais tout ça n'implique pas forcement le fait de faire de son "groupe social" une identité (à la fois identité pour l'individu, et identité de groupe), et ce pour deux raisons (qui coïncident d'ailleurs avec ces deux aspects).

- La première, qu'a développé Léo, c'est qu'il faut faire attention à ne pas réduire l'individu à son rôle social, sa fonction et ne pas le voir comme un pur produit social.

Un individu n'a pas UN "rôle" social (mais de multiples rôles sociaux), mais est le produit des influences des différentes structures sociales, mais aussi de son expérience propre et irréductible (elle-même par ailleurs déterminée par le contexte social, enfin bref, c'est la poule et l'oeuf). Pour s'émanciper justement de l'influence de ces structures sociales (et des rôles qui lui sont imposés), il doit justement en prendre conscience, car on ne peut s'extraire de ce dont on n'a même pas conscience. Prendre conscience de nos identités multiples, ce n'est pas s'y enfermer, c'est justement se donner les moyens de les dépasser.
Même en rhétorique, on ne peut nier une proposition qui n'a pas été énoncée. Dans la réalité sociale, on ne peut pas modifier ce qu'on n'identifie pas...
Cela vaut pour le capitalisme comme pour le patriarcat...

- La deuxième, stratégique, c'est qu'il n'est pas bon selon moi de lutter "frontalement" contre les groupes qui nous oppriment sans apporter une critique supérieure, une critique de la structure du système social, en plaçant le débat au dessus de ces conflits. C'est pas le patron qu'il faut plumer, c'est son existence qu'il faut remettre en cause (enfin je ne t'apprends rien). Le patron est dans son rôle de patron, c'est la fonction qui fait l'individu...
Le fait de lutter classe contre classe donne l'impression qu'on veut diminuer l'écart entre les deux et la domination de l'une sur l'autre, alors que c'est les classes qu'il faut détruire.

C'est une tarte à la crème : justement, puisque c'est la fonction qui fait l'individu, le problème n'est pas individuel, mais collectif. C'est justement un PROBLEME de classe, pas d'individu (c'est pas un tel qui est gentil ou méchant, mais un groupe qui occupe une position dans les raports de production et défend ses intérêts). Comme dit Warren Buffet (seconde richese mondiale), "la guerre de classe existe, c'est ma classe, la classe des riches qui est en train de la gagner." Pourquoi gagne t'elle ? Parce que justement les classes populaires ne se reconnaissent plus comme telles, mais comme des "individus" : en faisant disparaitre cette prise de conscience de classe, et de l'antagonisme de classe (la lutte des classe), on fait disparaitre les outils d'identification du problème, donc on ne se donne pas les moyens de le résoudre (en liquidant les classes) : au contraire on fait croire que le problème est inter-individuel, ou serait l'oeuvre de force invisibles et indépassables.
Reconnaître l'existence des classes sociales, c'est justement désindividualiser le problème, et donc permettre les condition de sa résolution, par l'abolition des classes. Et par la même, supprimer un des rapports de dominations qui pèse sur les individus.
Les individus concrets tirent justement de cette identification de leur position sociale et des antagonismes sociaux, les possibilités d'actions concretes, qui leurs permettent de dépasser soit le caractère fallacieux du discours libéral (l'individu isolé, atomisé, qui "pourrait" tout indépendemment du concept, ce qui justifie la théorie libérale du contrat), soit le caractère fallacieux du discours marxistes mécanistes (le changement sans leur action volontaire comme individus des classes populaires, individu opprimé mais comme processus métaphysique inéluctable).
Pour détruire les classes comme structure, il faut supprimer l'écart entre les classe. Pour supprimer l'écart entre les classes, il faut constater leur existence. Il faut aussi s'attaquer au quotidien à le diminuer, cet écart, c'est encore le meilleur chemin pour le supprimer, par un processus d'égalisation. Prendre conscience de sa condition ne signifie asolument pas s'en satisfaire, mais savoir d'où l'on part. Cela ne préjuge pas d'où l'on arrive, mais ça nous permet de réfléchir concrètement au chemin qu'il faut prendre.
Ce qui nous diffère des marxistes, c'est que quand nous parlons de classes sociales, nous parlons des individus biens concrets qui les composent, pas d'un "concept" immatériel qui aurait une "mission historique", indépendement de la réalité immédiate, matérielle et concrète de cette classe, c'est à dire des individus biens réels et concrets qui la composent...

Et même si tu as ce but (j'espère bien !), utiliser les concepts de lutte des classes et de conscience de classe pour l'atteindre me semble inadapté.
Si l'oppression s'exerce effectivement sur les individu-e-s d'une classe, ce n'est pas pour autant contre les autres classes qu'il faut lutter mais contre l'existence de ces classes et l'existence même des rapports de domination. Pour moi le concept de lutte des classes déplace (dans les esprits du moins) la source du problème et nous fait taper au mauvais endroit. On glisse rapidement vers des idées de dictature du prolétariat.

Il n'y a pas de contradiction entre lutter contre la bourgeoisie et pour l'abolition des classes sociales. Bien au contraire, ce sont les facettes de la même dynamique. Justement parce que l'on parle de classes (structures sociales collectives) et pas de positions individuelles.
Bien au contraire, lutter contre la classe dominante, c'est lutter contre ses intérêts. Lutter contre ses intérêts, c'est lutter contre son appropriation du pouvoir et des richesses produites. C'est donc créer les conditions concrètes d'une société sans classe et sans Etat. Un processus d'égalisation (vers une société sans classes et sans état) suppose la prise de conscience des inégalités (société de classe) et des raisons de leur existence (lutte des classes, capitalisme).
Berckman
 

Re: Individu et société

Messagede Olé » 02 Jan 2009, 21:56

Mais dans une grosse partie de ta réponse Berckman tu vas dans le même sens que moi.

Lorsque tu dis:

Berckman a écrit:Non. Je pense que les individualistes font la même erreur que les marxistes, c'est à dire qu'il refusent le rapport dialectique individu-société, et qu'ils considèrent (ou ont tendance à considérer) soit pour les uns l'individu sans rapport aux conditions sociales qui le créent, soit pour les autres la société sans rapport avec les individus concrets qui la composent. Dans les deux cas on est dans les concepts et pas dans la réalité matérielle.



cf ce que je disais => "On peut revendiquer la liberté de l'individu sans nier qu'il se construit aussi par le rapport social avec les autres. Pour moi ce n'est pas incompatible...Cette analyse ( donc marxiste et/ou holiste) a ses limites évidentes, comme la première. " Je veux par là dépasser l'idée que tu critiques aussi, c'est à dire que voir la société comme juste la somme d'individus, comme quelque chose qui n'existe pas, ou à l'inverse, la société produisant l'individu a des limites évidentes. Mais moi dans ma façon de voir l'individualisme, ce n'est pas incompatible. ( ps: je ne calque pas ma notion de l'individu sur des textes individualistes, chez qui j'ai vu aussi des failles évidentes, dont tu as fait la remarque)


Berckman a écrit:Or justement les individus s'ils veulent se construire en tant qu'individus émancipés des structures sociales de dominations, doivent commencer par les identifier, et identifier leur positions dans ces structures de dominations. Mais ces structures de dominations doivent être saisie dans leur manifestation concrète, c'est à dire pas comme des concepts (comme le font les marxistes, où tout du moins une grande partie d'entre eux) mais comme ensemble bien réels d'individus, d'être humains vivant caractérisés par leur positions dans les rapports de production


Parfaitement d'accord.
Pour la suite, je ne te réponds pas, puisque j'ai dit que je ne niais pas la lutte de classes, juste que je prenais aussi du recul, ne la considérant pas valable pour tout.

Berckman a écrit:De même, c'est la revendication homosexuelle (et féministe !)qui a permis de faire bouger les lignes, de visibiliser le caractère sexiste, hétéronormé de la société (et donc son caractère patriarcal) et qui crée les condition d'un dépassement des frontières de genre.

Je n'ai pas nié la lutte des homos et féministes ni leur utilité, relis mes posts en question. J'ai dit que l'affirmation d'une identité sexuelle voir parfois d'une communauté d'individus centré sur la sexualité allait contre les principes de dépassement du cadre hétéro vs homo, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Berckman a écrit:
Je ne pense pas. Perso, je ne nie pas un rapport de domination basé sur l'appareil de production, j'estime simplement qu'il n'explique pas l'Histoire, et qu'il y a d'autres rapports de domination qui rentrent en compte. Je pense aussi que si le capitalisme et le néo-libéralisme nient l'individu malgré l'idée commune qui sous-entend l'inverse, ne penser la société qu'en terme de classes sociales revient aussi à nier l'individu, en ne le voyant que sous le prisme économique du groupe social, et rien d'autre.

Personne ne pense la société qu'en terme de classes sociales dans le courant anarchiste (ni comme moteur de l'histoire), il y a l'opposition à l'ensemble des rapports de dominations qui justement sont identifié comme des rapports sociaux, c'est à dire collectifs, qui donc ne peuvent se résoudre à la seule échelle individuelle.

Ok on est d'accord. Seulement moi je pense que si cela ne se résout pas à l'échelle individuelle, la réponse individuelle est la seule valable. C'est à l'individu d'affirmer sa liberté et le respect de son individualité partout, en théorie et en pratique, pour moi l'individualisme c'est aussi ça. Et ça ne veut pas dire que je nie l'utilité de s'associer dans ce but avec d'autres individus voir des orgas, bien que je reste sceptique sur les orgas ( mais ça tu le sais déjà) et de s'organiser librement dans l'action.

Un individu n'a pas UN "rôle" social (mais de multiples rôles sociaux), mais est le produit des influences des différentes structures sociales, mais aussi de son expérience propre et irréductible (elle-même par ailleurs déterminée par le contexte social, enfin bref, c'est la poule et l'oeuf).


Heureusement que tu as ajouté la phrase (en gras) car ça faisait limite marxiste. Non encore une fois l'individu n'est pas un produit, la société agit sur lui, je ne le nie pas, mais il a aussi une existence et une substance propre. Et le fait d'ailleurs de remettre en cause la société dans laquelle il est montre qu'elle agit sur lui...mais montre aussi qu'il est loin de n'être qu'un produit, puisque il peut la nier.



C'est une tarte à la crème : justement, puisque c'est la fonction qui fait l'individu, le problème n'est pas individuel, mais collectif. C'est justement un PROBLEME de classe, pas d'individu (c'est pas un tel qui est gentil ou méchant, mais un groupe qui occupe une position dans les raports de production et défend ses intérêts). Comme dit Warren Buffet (seconde richese mondiale), "la guerre de classe existe, c'est ma classe, la classe des riches qui est en train de la gagner." Pourquoi gagne t'elle ? Parce que justement les classes populaires ne se reconnaissent plus comme telles, mais comme des "individus" : en faisant disparaitre cette prise de conscience de classe, et de l'antagonisme de classe (la lutte des classe), on fait disparaitre les outils d'identification du problème, donc on ne se donne pas les moyens de le résoudre (en liquidant les classes) : au contraire on fait croire que le problème est inter-individuel, ou serait l'oeuvre de force invisibles et indépassables.
Reconnaître l'existence des classes sociales, c'est justement désindividualiser le problème, et donc permettre les condition de sa résolution, par l'abolition des classes. Et par la même, supprimer un des rapports de dominations qui pèse sur les individus.


Assez d'accord avec tout ça encore une fois, sauf sur ta conclusion. Désindividualiser le pb est aussi une erreur ( comme le fait à l'inverse de ne pas tenir compte d'existence de classes) car c'est enlever toute responsabilité à l'individu, en lui montrant qu'il n'y a pas de réponse individuelle, qu'il n'est pas maitre de se prendre en charge face à cela, que c'est macro social. Lorsque l'individu a pris conscience de ce que tu expliques, il peut se désaliéner, n'oublions pas que la société n'est pas un gros monstre abstrait, mais aussi quelque chose qui existe par l'acte individuel et qui est né de ça. Si un type de société est né d'actes individuels ( aussi nombreux et compliqués soient-ils) elle peut aussi être mis à terre par ces mêmes actes. Et qui peut changer sa conscience et ses actes? L'individu, ce qu'il y a de plus réel.

ps: j'essaierai de faire un texte pour préciser ma pensée sur ce débat, puisque là ce ne sont que des bouts de réponses.
Olé
 

Re: Individu et société

Messagede Berckman » 04 Jan 2009, 20:55

Mais dans une grosse partie de ta réponse Berckman tu vas dans le même sens que moi.

Oui je te répons à la fois à toi et à willio...


Je veux par là dépasser l'idée que tu critiques aussi, c'est à dire que voir la société comme juste la somme d'individus, comme quelque chose qui n'existe pas, ou à l'inverse, la société produisant l'individu a des limites évidentes. Mais moi dans ma façon de voir l'individualisme, ce n'est pas incompatible. ( ps: je ne calque pas ma notion de l'individu sur des textes individualistes, chez qui j'ai vu aussi des failles évidentes, dont tu as fait la remarque)

Tu es démasqué, vil communiste libertaire !


Berckman a écrit:Or justement les individus s'ils veulent se construire en tant qu'individus émancipés des structures sociales de dominations, doivent commencer par les identifier, et identifier leur positions dans ces structures de dominations. Mais ces structures de dominations doivent être saisie dans leur manifestation concrète, c'est à dire pas comme des concepts (comme le font les marxistes, où tout du moins une grande partie d'entre eux) mais comme ensemble bien réels d'individus, d'être humains vivant caractérisés par leur positions dans les rapports de production


Parfaitement d'accord.
Pour la suite, je ne te réponds pas, puisque j'ai dit que je ne niais pas la lutte de classes, juste que je prenais aussi du recul, ne la considérant pas valable pour tout.
Idem, réponse surtout à Willio. Vil communiste libertaire !

Je n'ai pas nié la lutte des homos et féministes ni leur utilité, relis mes posts en question. J'ai dit que l'affirmation d'une identité sexuelle voir parfois d'une communauté d'individus centré sur la sexualité allait contre les principes de dépassement du cadre hétéro vs homo, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Non, l'affirmation de l'identité des opprimés n'est pas antagoniste avec le dépassement de la situation d'oppression, c'est au contraire une condition de ce dépssement . Bien évidemment, c'est le point de départ, pas d'arrivée. Dans ce cas, s'affirmer en tant que femme ou homo/bi/lesbienne, c'est affirmer le caractère collectif et organisé de la domination, ce qui permet une lutte collective, et non l'isolement face à un rapport social de domination.

Ok on est d'accord. Seulement moi je pense que si cela ne se résout pas à l'échelle individuelle, la réponse individuelle est la seule valable. C'est à l'individu d'affirmer sa liberté et le respect de son individualité partout, en théorie et en pratique, pour moi l'individualisme c'est aussi ça. Et ça ne veut pas dire que je nie l'utilité de s'associer dans ce but avec d'autres individus voir des orgas, bien que je reste sceptique sur les orgas ( mais ça tu le sais déjà) et de s'organiser librement dans l'action.
Il y a contradiction dans cette affirmation. L'échelle individuelle ne peut être la seule valable, puisque justement le rapport de domination est collectif. Que le processus de libération collective implique aussi la nécessité d'un processus de libération individuelle (donc de la volonté individuelle de se libérer) est une chose évidente. Mais à l'inverse, l'individu ne peut se libérer seul, parce que justement la domination est systèmique, pas interindividuel. Le respect de l'individualité, on peut l'imposer matériellement quant on s'associe face aux dominant-e-s, pas de manière isolée. Autonomie individuelle, force collective !

Heureusement que tu as ajouté la phrase (en gras) car ça faisait limite marxiste. Non encore une fois l'individu n'est pas un produit, la société agit sur lui, je ne le nie pas, mais il a aussi une existence et une substance propre. Et le fait d'ailleurs de remettre en cause la société dans laquelle il est montre qu'elle agit sur lui...mais montre aussi qu'il est loin de n'être qu'un produit, puisque il peut la nier.

L'individu n'est pas seulement un produit social, mais l'est aussi. De la même manière que la société n'est pas seulement le produit des actions individuelles, mais l'est aussi. On ne peut nier la société. On peut si opposer, mais pas la nier. Cela n'a pas plus de sens que "nier" le pouvoir, ça ne le fait pas disparaitre, il faut s'y opposer.

Assez d'accord avec tout ça encore une fois, sauf sur ta conclusion. Désindividualiser le pb est aussi une erreur ( comme le fait à l'inverse de ne pas tenir compte d'existence de classes) car c'est enlever toute responsabilité à l'individu, en lui montrant qu'il n'y a pas de réponse individuelle, qu'il n'est pas maitre de se prendre en charge face à cela, que c'est macro social.

Non ce n'est pas enlever toute responabilité à l'individu, c'est ré-évaluer sa responsabilité, ce n'est pas montrer qu'il n'y a pas de réponse individuelle, c'est montrer que la réponse ne peut pas être qu'individuelle.

Lorsque l'individu a pris conscience de ce que tu expliques, il peut se désaliéner, n'oublions pas que la société n'est pas un gros monstre abstrait, mais aussi quelque chose qui existe par l'acte individuel et qui est né de ça. Si un type de société est né d'actes individuels ( aussi nombreux et compliqués soient-ils) elle peut aussi être mis à terre par ces mêmes actes. Et qui peut changer sa conscience et ses actes? L'individu, ce qu'il y a de plus réel.

Personne ne peut se désaliéner tout seul. C'est la lutte collective, le partage d'expérience, l'entraide, les échanges d'idées qui permettent de faire reculer l'aliénation.
Berckman
 

Re: Individu et société

Messagede yves » 04 Jan 2009, 22:31

L'anarchiste individualiste se désintéresse d'une révolution violente ayant pour but une transformation du mode de distribution des produits dans le sens collectiviste ou communiste, qui n'amènerait guère de changement dans la mentalité générale et qui ne provoquerait en rien l'émancipation de l'être individuel. En régime communiste celui-ci serait aussi subordonné qu'actuellement au bon vouloir du Milieu: il se trouverait aussi pauvre, aussi misérable que maintenant; Au lieu d'être sous le joug de la petite minorité capitaliste actuelle, il serait dominé par l'ensemble économique. Rien ne lui appartiendrait en propre. Il serait un producteur, un consommateur, un metteur ou un preneur au tas, jamais un autonome.
yves
 
Messages: 178
Enregistré le: 07 Déc 2008, 23:36

Re: Individu et société

Messagede Olé » 04 Jan 2009, 22:37

Putin tu soules grave. Tu l'as déjà mis dans un autre topic ta récitation d'Armand. Tu peux nous donner ton avis bordel?
Olé
 

Re: Individu et société

Messagede yves » 04 Jan 2009, 22:43

mon avisest celui d'armand
yves
 
Messages: 178
Enregistré le: 07 Déc 2008, 23:36

Re: Homophobie

Messagede willio » 23 Jan 2009, 13:09

Berckman, avec un peu (beaucoup :lol: ) de retard, je te réponds comme promis.


Berckman a écrit:Or justement les individus s'ils veulent se construire en tant qu'individus émancipés des structures sociales de dominations, doivent commencer par les identifier, et identifier leur positions dans ces structures de dominations. Mais ces structures de dominations doivent être saisie dans leur manifestation concrète, c'est à dire pas comme des concepts (comme le font les marxistes, où tout du moins une grande partie d'entre eux) mais comme ensemble bien réels d'individus, d'être humains vivant caractérisés par leur positions dans les rapports de production.

Oui.

Berckman a écrit:Pour abolir les classes sociales, encore faut-il en reconnaître l'existence. Idem pour abolir les genres.

Oui aussi.


Berckman a écrit:BRef ce n'est pas en niant la lutte de classe qu'on construit les conditions de l'abolition des classes sociales. L'irruption de cette affirmation de l'antagonisme des classes (en terme d'intérêt) c'est au contraire ce qui a posé la question sociale, et a permis de montrer que l'émancipation individuelle n'était pas possible pour les classes dominées dans le cadre du système capitaliste. C'est l'affirmation de a lutte des classe qui permet son dépassement dans l'abolition des classes sociales, pas sa négation (qui au contraire n'entretient que le statu quo, on le voit justement depuis les années 80, quand s'est imposé dans le domaine politique cette négation de la lutte des classes).
[...]
Un individu n'a pas UN "rôle" social (mais de multiples rôles sociaux), mais est le produit des influences des différentes structures sociales, mais aussi de son expérience propre et irréductible (elle-même par ailleurs déterminée par le contexte social, enfin bref, c'est la poule et l'oeuf). Pour s'émanciper justement de l'influence de ces structures sociales (et des rôles qui lui sont imposés), il doit justement en prendre conscience, car on ne peut s'extraire de ce dont on n'a même pas conscience. Prendre conscience de nos identités multiples, ce n'est pas s'y enfermer, c'est justement se donner les moyens de les dépasser.
Même en rhétorique, on ne peut nier une proposition qui n'a pas été énoncée. Dans la réalité sociale, on ne peut pas modifier ce qu'on n'identifie pas...
Cela vaut pour le capitalisme comme pour le patriarcat...

Là je ne suis plus d'accord car tu mêles deux choses (existence et lutte) que je distingue. Je reconnais l'existence des classes mais je n'affirme pas la lutte des classes. Autrement dit, il faut connaître les objets et les mécanismes de domination (ils sont en grande partie d'ordre collectif, donc il faut reconnaitre l'existence de classes) sans pour autant affirmer que ces classes doivent lutter en tant que telles. Car dans le cas contraire, même si on prétend vouloir abolir les classes à terme, on ne fait que les ancrer plus profondément (pas dans le sens où il y a encore plus d'écart entre les classes mais dans le sens où ce schéma dual s'imprime dans les esprits sans perspective pour en sortir : on parle en terme de victoires ou de défaites d'une classe sur l'autre comme s'il n'y avait que ça comme solution, comme s'il devait éternellement y avoir des exploité-e-s et des exploiteureuses et qu'il s'agissait seulement de savoir qui serait dans quel camp).
La lutte classe contre classe ne fait qu'affirmer un peu plus cette dualité indépassable.

Berckman a écrit:De même, c'est la revendication homosexuelle (et féministe !)qui a permis de faire bouger les lignes, de visibiliser le caractère sexiste, hétéronormé de la société (et donc son caractère patriarcal) et qui crée les condition d'un dépassement des frontières de genre.
Affirmer une situation sociale qui nous est faites ne signifie pas s'y enfermer, mais au contraire se donner les moyens de bouger les lignes en les identifiant. Au contraire, évacuer ce stade de l'affirmation

Si en effet les revendications collectives (en se reconnaissant en tant que groupe opprimé) peuvent faire bouger les choses et améliorer la vie des individu-e-s de ce groupe, ce n'est pas ça qui détruira les groupes. Les luttes homos ont permis de diminuer les discriminations mais elles l'ont fait en affirmant une identité homo, en faisant des cases homos/hétéro où l'on nous dit qu'il faut être fier de son groupe, comme on est fier de sa patrie...
:gay: :france:
Perso, je préfère que les discriminations cessent par le fait que l'on reconnaisse simplement la liberté absolue des individu-e-s. Etre homo n'est ni mieux ni moins bien que d'être autre chose. Et je précise bien que ce n'est pas équivalent à nier l'existence des préférences sexuelles, mais à refuser d'en faire des critères qui importeraient pour quelque jugement que ce soit (même s'il s'agit de prôner l'égalité !).


Berckman a écrit:C'est une tarte à la crème : justement, puisque c'est la fonction qui fait l'individu, le problème n'est pas individuel, mais collectif. C'est justement un PROBLEME de classe, pas d'individu (c'est pas un tel qui est gentil ou méchant, mais un groupe qui occupe une position dans les raports de production et défend ses intérêts).

C'est un problème de classe auquel on peut apporter une réponse individualiste puisque justement c'est le collectif qu'on veut détruire. Au lieu de l'affirmer, autant le détruire directement par nos actes et notre façon de penser.

Berckman a écrit:Comme dit Warren Buffet (seconde richese mondiale), "la guerre de classe existe, c'est ma classe, la classe des riches qui est en train de la gagner." Pourquoi gagne t'elle ? Parce que justement les classes populaires ne se reconnaissent plus comme telles, mais comme des "individus" : en faisant disparaitre cette prise de conscience de classe, et de l'antagonisme de classe (la lutte des classe), on fait disparaitre les outils d'identification du problème, donc on ne se donne pas les moyens de le résoudre (en liquidant les classes) : au contraire on fait croire que le problème est inter-individuel, ou serait l'oeuvre de force invisibles et indépassables.
Reconnaître l'existence des classes sociales, c'est justement désindividualiser le problème, et donc permettre les condition de sa résolution, par l'abolition des classes. Et par la même, supprimer un des rapports de dominations qui pèse sur les individus.

Il ne s'agit pas du tout d'individualiser le problème car l'analyse et même la réponse doivent être collectives. Je ne souhaite pas une réponse individuelle mais une réponse collectivement individualiste !

Berckman a écrit:Pour détruire les classes comme structure, il faut supprimer l'écart entre les classe. Pour supprimer l'écart entre les classes, il faut constater leur existence. Il faut aussi s'attaquer au quotidien à le diminuer, cet écart, c'est encore le meilleur chemin pour le supprimer, par un processus d'égalisation.

Là encore, je ne suis pas d'accord avec ce schéma. Réduire l'écart entre les classes sonne un peu réformiste. Les bourgeois ne se laisseront pas faire, on ne peut pas espérer une égalisation, même par la lutte, à moins d'aboutir à un système d'inspiration soviétique. Il ne faut pas une égalisation par diminution de l'écart mais une égalisation "de fait", par la destruction concrète des classes (expropriations, autogestion des outils de production, etc.), c'est à dire de la domination.


Berckman a écrit:Ce qui nous diffère des marxistes, c'est que quand nous parlons de classes sociales, nous parlons des individus biens concrets qui les composent, pas d'un "concept" immatériel qui aurait une "mission historique", indépendement de la réalité immédiate, matérielle et concrète de cette classe, c'est à dire des individus biens réels et concrets qui la composent...

Il est clair qu'il y a un mieux par rapport aux marxistes mais il y a deux problèmes. Le premier c'est que malgré ce que tu peux penser et dire, l'interprétation marxiste colle à la peau de l'expression "lutte des classes" (donc mauvais choix tactique). Deuxièmement ça ne change pas tout ce que j'ai dit plus haut (donc mauvais choix tout court :lol: ).
willio
 

Re: Homophobie

Messagede Berckman » 23 Jan 2009, 15:59

Là je ne suis plus d'accord car tu mêles deux choses (existence et lutte) que je distingue. Je reconnais l'existence des classes mais je n'affirme pas la lutte des classes. Autrement dit, il faut connaître les objets et les mécanismes de domination (ils sont en grande partie d'ordre collectif, donc il faut reconnaitre l'existence de classes) sans pour autant affirmer que ces classes doivent lutter en tant que telles. Car dans le cas contraire, même si on prétend vouloir abolir les classes à terme, on ne fait que les ancrer plus profondément (pas dans le sens où il y a encore plus d'écart entre les classes mais dans le sens où ce schéma dual s'imprime dans les esprits sans perspective pour en sortir : on parle en terme de victoires ou de défaites d'une classe sur l'autre comme s'il n'y avait que ça comme solution, comme s'il devait éternellement y avoir des exploité-e-s et des exploiteureuses et qu'il s'agissait seulement de savoir qui serait dans quel camp). La lutte classe contre classe ne fait qu'affirmer un peu plus cette dualité indépassable.

La lutte des classes, ce n'est pas une "idée" selon laquelle "les classes doivent lutter entre elle", mais une réalité : il y a un antagonisme d'intérêt entre les classes : les uns (patrons, actionnaires...) ont intérêt à faire le plus de profit, et donc à payer moins les autres et à les faire travailler plus. Les autres ont intérêt à bosser le moins possible (pour regagner du contrôle sur leur vie) et à être payé plus (pour se faire voler moins, reprendre une partie ou la totalité de ce qui leur est volé). Ce constat, c'est celui de la lutte des classes... Ces intérêts sont irréconciliables, puisque pour s'enrichir, une minorité appauvrit la majorité. Pour que la majorité échappe à l'appauvrissement, elle doit s'en prendre aux "richesses" que d'autres leur ont volé, et remmmetre en cause le système économique qui produit ce vol.
La lutte des classes est une lutte des classes laborieuses pour réduire les inégalités, récupérer ce qu'on lui vole, et une lutte de la bourgeoisie pour accroître le vol. Cette réduction des inégalmités n'est pas contradictoire avec la perspective de la suppression des inégalités, alors que le maitien ou l'accroissement de cette inégalité va au contraire dans le sens radicalement opposé, et est fondamentalement contradictoire avec la perspective égalitaire.
C'est ça, la lutte des classes.


Si en effet les revendications collectives (en se reconnaissant en tant que groupe opprimé) peuvent faire bouger les choses et améliorer la vie des individu-e-s de ce groupe, ce n'est pas ça qui détruira les groupes. Les luttes homos ont permis de diminuer les discriminations mais elles l'ont fait en affirmant une identité homo, en faisant des cases homos/hétéro où l'on nous dit qu'il faut être fier de son groupe, comme on est fier de sa patrie...
:gay: :france:
Perso, je préfère que les discriminations cessent par le fait que l'on reconnaisse simplement la liberté absolue des individu-e-s. Etre homo n'est ni mieux ni moins bien que d'être autre chose. Et je précise bien que ce n'est pas équivalent à nier l'existence des préférences sexuelles, mais à refuser d'en faire des critères qui importeraient pour quelque jugement que ce soit (même s'il s'agit de prôner l'égalité !).

sauf qu'encore une fois, il s'agit d'une vision libérale (celle du "droit", de la "liberté" d'individus sans considération des rapports sociaux qui soustendent leur action). Personne n'a dit qu'être homo, est mieux qu'être hétéro. On est pas sur le terrain de la morale. Par contre, être homo, c'est dans la société hétéropatriarcale, être sujet à une repression systémique, être opprimé. Se regrouper entre opprimé, cela ne signifie pas se satisfaire de cette situation, mais identifier cette situation précisémment pour la changer...



C'est un problème de classe auquel on peut apporter une réponse individualiste puisque justement c'est le collectif qu'on veut détruire. Au lieu de l'affirmer, autant le détruire directement par nos actes et notre façon de penser.

Sauf que ce n'est pas parce qu'on change d'idées sur les choses que la réalité change. Pour que la réalité change, il faut une action collective, parce que c'est elle qui permet de "rééuilibrer une situation déséquilibrer", alors que l'individu seul se fait écraser. C'est justement l'objet du système social capitaliste, patriarcal et étatique de nous atomiser, de nous pousser à voir nos perpectives dans le seul cadre individuel.
Je ne veut pas détuire "le collectif" (comme absolu, ce n'est pas possible), mais un certain type de système économique et social, qui induit la domination de classe (comme je veux détruire tous les autres systèmes de domination)


La suite plus tard (taf)
Berckman
 

Re: Homophobie

Messagede Berckman » 23 Jan 2009, 20:44

Là encore, je ne suis pas d'accord avec ce schéma. Réduire l'écart entre les classes sonne un peu réformiste. Les bourgeois ne se laisseront pas faire, on ne peut pas espérer une égalisation, même par la lutte, à moins d'aboutir à un système d'inspiration soviétique. Il ne faut pas une égalisation par diminution de l'écart mais une égalisation "de fait", par la destruction concrète des classes (expropriations, autogestion des outils de production, etc.), c'est à dire de la domination.

Hum, je pense qu'il faudrait ouvrir une discussion sur le reformisme, qui ne correspond pas à mon avis à ce que tu évoques.
L'objectif final n'est pas de "réduire l'écart", mais de lutter contre les inégalités, pour les abolir. Pour cela, on construit un rapport de force, et tout ce qui réduit cet écart est bon à prendre, parce que la méthode (action directe) qui permet d'arracher les "avancées" renforce la force collective, l'autonomie individuelle et collective, et la conviction qu'on peut changer les choses en agissant collectivement (donc renforce le point de vue révolutionnaire)ce que nous "prenons" est fonction du rapport de force. Moi je suis convaincu qu'on ne saute pas un ravin sans apprendre à sauter, ou à construire un pont...

Berckman a écrit:Ce qui nous diffère des marxistes, c'est que quand nous parlons de classes sociales, nous parlons des individus biens concrets qui les composent, pas d'un "concept" immatériel qui aurait une "mission historique", indépendement de la réalité immédiate, matérielle et concrète de cette classe, c'est à dire des individus biens réels et concrets qui la composent...

Il est clair qu'il y a un mieux par rapport aux marxistes mais il y a deux problèmes. Le premier c'est que malgré ce que tu peux penser et dire, l'interprétation marxiste colle à la peau de l'expression "lutte des classes" (donc mauvais choix tactique). Deuxièmement ça ne change pas tout ce que j'ai dit plus haut (donc mauvais choix tout court :lol: ).[/quote]
Non je ne penses pas que l'interprètation marxiste colle à la peau de cette expression. D'ailleurs Marx n'en est pas à l'origine...
Berckman
 

Re: Individu et société

Messagede scrash » 23 Jan 2009, 23:19

Sur la lutte des classes, et même si j'ai un point de vue révolution individuelle de la vie, je rejoins Berckman.

Je me rappelle vaguement d'études qui disaient qu'avec un support théorique les populations étaient plus enclines à l'action.

Le concept de lutte des classes légitime les luttes concrètes, et donc les favorise. On est plus enclins à faire grève si l'on se croit dans son bon droit...

Ce qui m'inquiète, et là l'individualiste revient, c'est l'après...

Après avoir fait la révolution sur une base aussi légère (genre on a besoin d'un ennemi pour bouger), j'ai peur qu'on reconstruise à peu près la même chose... mais bon c'est surement une peur irrationnelle.
on a tous une part d'ombre, mais on n'est pas que l'ombre
scrash
 
Messages: 149
Enregistré le: 10 Jan 2009, 12:44

Re: Homophobie

Messagede willio » 24 Jan 2009, 00:46

Berckman a écrit:La lutte des classes, ce n'est pas une "idée" selon laquelle "les classes doivent lutter entre elle", mais une réalité : il y a un antagonisme d'intérêt entre les classes : les uns (patrons, actionnaires...) ont intérêt à faire le plus de profit, et donc à payer moins les autres et à les faire travailler plus. Les autres ont intérêt à bosser le moins possible (pour regagner du contrôle sur leur vie) et à être payé plus (pour se faire voler moins, reprendre une partie ou la totalité de ce qui leur est volé). Ce constat, c'est celui de la lutte des classes... Ces intérêts sont irréconciliables, puisque pour s'enrichir, une minorité appauvrit la majorité. Pour que la majorité échappe à l'appauvrissement, elle doit s'en prendre aux "richesses" que d'autres leur ont volé, et remmmetre en cause le système économique qui produit ce vol.
La lutte des classes est une lutte des classes laborieuses pour réduire les inégalités, récupérer ce qu'on lui vole, et une lutte de la bourgeoisie pour accroître le vol. Cette réduction des inégalmités n'est pas contradictoire avec la perspective de la suppression des inégalités, alors que le maitien ou l'accroissement de cette inégalité va au contraire dans le sens radicalement opposé, et est fondamentalement contradictoire avec la perspective égalitaire.
C'est ça, la lutte des classes.


C'est justement ce que je conteste. Pour moi l'intérêt des classes laborieuses n'est pas de moins travailler/gagner plus et en somme se faire un peu moins exploiter qu'avant. Leur intérêt c'est de bosser sans patron, d'organiser collectivement les rapports entre besoins et production, etc.
Tu dis que la lutte des classes est une réalité, d'accord, je ne nie pas que des gens (en tout cas la grande majorité des personnes conscientes de l'exploitation) pensent comme tu le dis, mais je trouve qu'il faut changer cette réalité, que cette manière de voir la lutte n'est pas pertinente et conduit au maintien des classes (avec seulement une légère action sur l'écart entre celles ci).


sauf qu'encore une fois, il s'agit d'une vision libérale (celle du "droit", de la "liberté" d'individus sans considération des rapports sociaux qui soustendent leur action).

Arg, me parle pas de droit ! J'analyse et je dénonce les rapports sociaux en question, en les considérant en tant que tels. Mais j'y apporte une réponse qui tend à émanciper directement les individu-e-s de toutes les formes de domination.

Personne n'a dit qu'être homo, est mieux qu'être hétéro.

C'est pourtant ce qui se ressent de nombreux mouvements. Pourquoi une gay pride ?

On est pas sur le terrain de la morale. Par contre, être homo, c'est dans la société hétéropatriarcale, être sujet à une repression systémique, être opprimé. Se regrouper entre opprimé, cela ne signifie pas se satisfaire de cette situation, mais identifier cette situation précisémment pour la changer...

J'ai pas dit que se regrouper c'était se satisfaire de la situation. Je suis pour se regrouper, mais pas pour sortir des revendications communautaires.

C'est un problème de classe auquel on peut apporter une réponse individualiste puisque justement c'est le collectif qu'on veut détruire. Au lieu de l'affirmer, autant le détruire directement par nos actes et notre façon de penser.

Sauf que ce n'est pas parce qu'on change d'idées sur les choses que la réalité change. Pour que la réalité change, il faut une action collective, parce que c'est elle qui permet de "rééuilibrer une situation déséquilibrer", alors que l'individu seul se fait écraser. C'est justement l'objet du système social capitaliste, patriarcal et étatique de nous atomiser, de nous pousser à voir nos perpectives dans le seul cadre individuel.
Je ne veut pas détuire "le collectif" (comme absolu, ce n'est pas possible), mais un certain type de système économique et social, qui induit la domination de classe (comme je veux détruire tous les autres systèmes de domination)

Oui d'accord je me suis mal exprimé. On peut y apporter une réponse collective en effet, et ne pas détruire "le collectif" dans l'absolu. Ce que je voulais dire, c'était détruire les groupes sociaux antagonistes en terme d'intérêt (les classes quoi). Cette réponse peut être collective dans l'organisation mais individualiste dans le fait qu'elle veut que la lutte ne se fasse pas en tant que classe mais en tant qu'individu-e-s souhaitant s'en libérer.

Berckman a écrit:
Là encore, je ne suis pas d'accord avec ce schéma. Réduire l'écart entre les classes sonne un peu réformiste. Les bourgeois ne se laisseront pas faire, on ne peut pas espérer une égalisation, même par la lutte, à moins d'aboutir à un système d'inspiration soviétique. Il ne faut pas une égalisation par diminution de l'écart mais une égalisation "de fait", par la destruction concrète des classes (expropriations, autogestion des outils de production, etc.), c'est à dire de la domination.

Hum, je pense qu'il faudrait ouvrir une discussion sur le reformisme, qui ne correspond pas à mon avis à ce que tu évoques.

Oui ce que tu dis n'est pas en soi du réformiste mais ça "sonne réformiste", c'est à dire que ça se rapproche d'une certaine idéologie qu'on fréquemment les réformistes, sans être du réformisme. Bref, c'est pas très important.

L'objectif final n'est pas de "réduire l'écart", mais de lutter contre les inégalités, pour les abolir. Pour cela, on construit un rapport de force, et tout ce qui réduit cet écart est bon à prendre, parce que la méthode (action directe) qui permet d'arracher les "avancées" renforce la force collective

Que ça renforce la force collective je n'en doute pas, mais on a beau être fort-e-s, encore faut-il taper dans la bonne direction. Et justement ces "avancées" m'interrogent un peu. Les luttes ont obtenues des tas de ces "avancées" mais regardons nos vies et demandons nous si on se rapproche du but...ou pas. A quoi ont servies toutes les luttes dans l'éducation ? Au fait que ça se dégrade moins vite que prévu peut-être... je ne crois pas qu'on puisse s'en contenter et voir des victoires partout quand on ne fait que repousser une dégradation des conditions de vie. Le concept idéalisé de lutte des classes permet peut-être de galvaniser certaines personnes mais concrètement on se fait bien baiser.

l'autonomie individuelle et collective, et la conviction qu'on peut changer les choses en agissant collectivement (donc renforce le point de vue révolutionnaire)ce que nous "prenons" est fonction du rapport de force. Moi je suis convaincu qu'on ne saute pas un ravin sans apprendre à sauter, ou à construire un pont...

Le problème d'un ravin, c'est qu'on ne peut pas s'entraîner à sauter, si on fait un trop petit saut on tombe... :lol: Je pense qu'il faut d'abord changer son état d'esprit, voir et penser la société autrement pour sortir le bon saut du premier coup. C'est désespérant de se retrouver en lutte avec des gens qui au final n'ont pas de vision et d'analyse globale des problèmes. C'est parfois assez hypocrite de s'associer avec eux parce qu'en fait on ne se bat pas vraiment pour la même chose.

Berckman a écrit:Non je ne penses pas que l'interprètation marxiste colle à la peau de cette expression. D'ailleurs Marx n'en est pas à l'origine...

Pourtant j'ai bien l'impression que quand tu parles aux gens de lutte des classes, ils croient que tu leur parles d'histoire et particulièrement d'histoire communiste, avec bien sûr tout ce qu'on peut associer facilement au communisme.


scrash a écrit:Je me rappelle vaguement d'études qui disaient qu'avec un support théorique les populations étaient plus enclines à l'action.

Le concept de lutte des classes légitime les luttes concrètes, et donc les favorise. On est plus enclins à faire grève si l'on se croit dans son bon droit...


Ce que je présente est aussi un support théorique. :wink: Alors certes je n'ai pas de grand slogan ou d'expression qui enivre et révolte les foules mais j'ose espérer que ce n'est pas indispensable pour lutter. Il suffit de réfléchir un minimum pour voir qu'on est "dans son bon droit" (même si l'expression ne me convient pas).
willio
 

Suivante

Retourner vers Débats de société

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun-e utilisateur-trice enregistré-e et 3 invités