de conan » 28 Mai 2009, 21:40
C'est pas faux, mais la nature humaine ce n'est pas que ça quand même, c'est aussi des trésors de ressources, de créativité et d'entraide en cas de galère (bombardement, tremblement de terre, inondation...). Et la nature ne s'exprime pas tant par la compétition que par l'inscription dans une harmonie -cf Kropotkine, ou La loi du plus faible, de J-Marie Pelt.
Et la nature humaine, c'est aussi, comme tu le dis, le besoin permanent de légitimer par l'éthique. Même l'assassin s'en cherche une. Tout le monde essaie de se justifier.
Je ne sais pas s'il est possible de définir l'humain comme un animal compétitif par nature, d'autant que les animaux ne sont pas plus compétitifs que ne le réclame leur survie.
Je crois que l'homme est riche de potentiels immenses, d'empathie, de capacité à inventer, à s'ouvrir aux autres et au monde... tout autant qu'il est capable de la bêtise la plus crasse, du repli le plus égoïste, du délire fanatique le plus sidérant, de la sclérose la plus triste.
Je crois que l'éducation des individus aux schémas qui régissent les rapports humains joue un rôle déterminant dans l'éthique complexe d'une société.
Dans la nôtre, il s'agit encore de plier chaque individu, dès sa naissance, à la hiérarchie, à l'obéissance intégrée, au sein de la famille dès le début de la vie -les torgnoles sont moins données spontanément mais la morale chrétienne père-fouettarde-geignarde-frustrée à la papa est toujours aussi prégnante. Puis très vite, de l'école, puis du taf. Le temps et l'espace sont, contrairement à la nature, artificiellement clos, en une projection délirante d'abstractions, de concepts étriqués appliqués au réel. En cadrant et en enfermant temps et espaces en une succession d'éléments clos, il s'agit d'atomiser l'individu en l'enfermant à jamais dans les clapiers économiques et mentaux. En canalisant toute forme de liberté dans le choix misérable de quoi consommer et de quoi voter, grâce à la télé, grâce au vedettariat de la coolitude, grâce aux cravatards qui nous invitent à la mascarade électorale... partout, il s'agit de mettre en avant le signe, le signifiant, le spectacle, plutôt que la vie.
L'argent est l'aboutissement de la tyrannie du signe, de l'aliénation abstraite. Représentant la peur d'autrui qu'implique la marchandisation des rapports, la légitimation de l'arnaque consubstantielle à toute économie privée, c'est le règne de la duperie matérialisée, de l'irréel pris pour le réel ultime.
Toute cette propagande est diffuse, mais globale, notre cerveau est si impregné de tout ça, que malgré sa souplesse et son infinie capacité à inventer, il suit en automate, parce que toutes les dimensions de la vie infligent comme une évidence à l'homme, né pour être libre, qu'il doit accepter et perpétuer l'aliénation... comme une nécessité. Cette évidence de la duperie néanmoins demeure, et toute incartade, toute manifestation de liberté réelle provoque une telle gêne honteuse chez les serfs volontaires qu'ils projettent leur aigreur et leur honte sur ce qui leu renvoie l'image de leur lâcheté.
La réussite du pouvoir capitaliste, c'est d'intégrer transcendance, signe, hiérarchie et marchandisation de tout, tels un logiciel dans chaque individu. De sorte que chaque individu devienne acteur de sa propre dégradation, devienne lui-même le bourreau, le castrateur.
Pas facile d'être anar... l'anarchie a pour paradoxe l'impossibilité de révolutionner globalement les consciences autrement qu'en renversant le système global, mais l'évidence que ce renversement ne peut être construit et porté à ses débuts que par des personnes assez fortes pour changer d'elles-mêmes leur conscience.