Islam, islamophobie et extrême-gauche

Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 11 Mar 2015, 10:24

Ce topic pour discuter des rapports de l'extrême-gauche avec l'islam. Ce rapport passant souvent par des relations avec des islamistes ou des identitaires style PIR plus qu'avec des musulmans de notre classe. L'essentialisation d'une culture arabo-musulmane et sa défense au nom de l'anticolonialisme et de l'antiracisme (peut-on être raciste envers une religion!?!?) tend à remplacer la lutte de classes dans les modes d'intervention vers ces populations.
Par exemple, le CAPAB et le NPA ont participé à des journées contre l'islamophobie aux côtés de l'UOIF et de PSM:
http://indigenes-republique.fr/wp-conte ... e_2014.pdf
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 11 Mar 2015, 10:32

Un camarade marocain du NPA dénonce les alliances avec des islamistes. Il faut noter que la structure en question, Participation et spiritualité musulmane (PSM), est présente dans toutes les initiatives liées à l'islamophobie que la gauche relaie.

« Assez de Participation et Spiritualité musulmanes dans nos luttes ! »

Hassan Aglagal, militant marocain membre du NPA, est scandalisé de voir Participation et Spiritualité musulmane, un mouvement religieux réactionnaire d’origine marocaine, participer régulièrement à des initiatives antiracistes aux côtés de formations de gauche. Suite à notre prise de position contre le fait de tenir meeting commun avec l’UOIF, il nous a sollicités pour rendre publique son indignation face à cet état de fait. Nous publions son texte ci-dessous.

Plusieurs militants ont pris récemment position contre le fait de tenir un meeting commun contre l’islamophobie avec des organisations réactionnaires se revendiquant de l’islam. Le nom de l’UOIF a été beaucoup cité1. Cela va tout à fait dans le sens de ce que je dénonce depuis plusieurs années auprès de mes camarades s’agissant de la présence régulière parmi les signataires de ce type d’appels de l’association réactionnaire Participation et Spiritualité musulmanes (PSM), encore annoncée au meeting du 6 mars. Je vous propose donc de découvrir ce qu’est vraiment cette organisation, et pourquoi il n’est pas possible de s’allier avec elle dans le cadre d’une lutte antiraciste qu’il est pourtant en effet primordial de mener.

Manif pour Tous et Alliance Vita

Participation et Spiritualité musulmanes (PSM) est l’association qui représente en France le mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), mouvement de l’islam politique fondé en 1973 au Maroc par le mystique soufiste Abdelassame Yassine (1928-2012) qu’elle considère comme « un père intellectuel et spirituel »2. PSM est essentiellement à l’œuvre en France pour mettre en lumière, auprès d’un plus large public, l’homme qu’il fut et ses « enseignements ».

Cependant, tout comme l’UOIF, PSM n’est pas une organisation à vocation purement religieuse et n’hésite pas à s’impliquer activement dans les débats de société, défendant des positions tout à fait réactionnaires. Elle a ainsi appelé à manifester le 24 mars et le 26 mai 2013 aux côtés de la droite et l’extrême droite lors de « La Manif Pour Tous »3 et affiche sans vergogne sa sympathie pour l’Alliance Vita, l’un des principaux lobbys français anti-IVG. PSM a d’ailleurs participé à son université d’été 2013.

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Le Collectif des Citoyens Musulmans pour l’Enfance à la Manif pour Tous, image tirée du site de PSM dans un article évoquant sa participation à ce collectif lyonnais. (psm-enligne.org/index.php/activites/rhones-alpes/2292-au-coeur-de-la-manif-pour-tous)

Un mouvement influent au Maroc

Al Adl Wal Ihsane assure son implantation (recrutement, collectes d’argent…) en Europe à travers de nombreuses associations comme PSM. Il est également présent au Canada et au États-Unis. Parmi ses sections, on compte par exemple l’Observatoire canadien des droits de l’homme ou L’Organisation nationale pour le dialogue et la participation en Espagne. Ce mouvement n’est pas uniquement la plus grande force politique organisée au Maroc, mais aussi une organisation très implantée dans les pays où il y a une forte présence d’immigrés marocains.

Au Maroc, Al Adl Wal Ihsane s’est fait connaître en s’investissant dans les mobilisations contre les guerres en Irak et pour la Palestine. Pendant le mouvement du 20-Février, Al Adl Wal Ihssane était la plus grosse organisation avant son retrait pour ne pas nuire à l’autre parti islamiste, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), entré au gouvernement en novembre 2011. S’il est impossible d’avoir des chiffres exacts concernant les effectifs et le budget de ce mouvement, il semblerait bien qu’il soit soutenu financièrement par une partie de la bourgeoisie commerçante5. Il collecte aussi des sommes auprès de ses adhérents et de ses sympathisants à l’étranger.

Du sang sur les mains

Même si le mouvement dit bannir la violence, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl au Maroc. Les milices des disciples de Yassine ont ainsi été impliquées directement dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc) : en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.

En octobre 1991, Maâti Boumli a été enlevé puis assassiné à l’université d’Oujda. Douze étudiants adlistes ont été arrêtés puis condamnés à 20 ans de prison pour homicide. Malgré cela, le groupe n’a jamais reconnu sa responsabilité, arguant que ses militants ont été « injustement emprisonnés pendant d’aussi longues années ». Le deuxième crime attribué à un militant d’Aldl Wa Ilhsane remonte au 25 février 1993. Benaïssa Aït El Jid a été assassiné près de l’université de Fès. La confrérie a été une nouvelle fois montrée du doigt mais il a fallu attendre 13 ans pour qu’en octobre 2006, Omar Mouhib, un de ses militants, soit enfin arrêté pour sa participation au meurtre d’Aït El Jid. Le procès s’est soldé par une condamnation en appel de Mouhib à dix ans de prison6

Lire : Contre les étudiants, les islamistes au service de la répression étatique

Ce sont les mêmes criminels d’autres groupes islamistes, qui partagent la même formation politico-religieuse que Adl wal Insane, qui ont assassiné Omar Benjelloun au Maroc, Mehdi Amil et Hussein Marwa au Liban, Faraj Fouda en Égypte, Tahar Djaout et Abdelkader Alloula en Algérie, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en Tunisie.

Une alliance impossible

Ce mouvement réactionnaire et obscurantiste, comme tous les mouvements de l’islam politique, ne cesse de répéter le slogan creux « l’islam est la solution » comme réponse aux questions concrètes dans le domaine social et politique, et d’exiger un retour pur et simple au passé pour appliquer la « Charia » et les lois du « véritable islam », celui de l’époque du prophète ! Ce courant politique, ayant profité antérieurement de la faiblesse de la gauche et de la montée des mouvements de même filiation idéologico-politique depuis que les Ayatollah se sont emparés du pouvoir en Iran, est devenu la plus grande force organisée au Maroc. De toute évidence, tous les mouvements islamistes réactionnaires comme celui de « Justice et bienfaisance » rejettent la laïcité et la séparation entre religion et politique et s’opposent à l’égalité des droits et à la liberté d’expression. Les membres de PSM n’ont aucun intérêt à dévoiler leur projet politique, et ont la capacité de cacher leurs vraies idées en pratiquant une certaine dissimulation reposant sur la « taqiya ».

C’est hallucinant de voir des organisations comme le NPA, le PCF, Ensemble, Les antifas du Capab fréquenter des associations réactionnaires comme PSM et l’UOIF! Ces deux associations ne peuvent en aucun cas être des partenaires d’organisations de gauche.

S’il est juste de mener la bataille contre le racisme et contre TOUTES les oppressions, il ne faut la mener qu’avec des partenaires ayant une certaine crédibilité, et non avec des organisations réactionnaires et obscurantiste comme PSM et l’UOIF !

Hassan Aglagal

notes:
1) Quelques unes de ces prises de position, venues d’horizons différents : Yann Kindo, Ornella Guyet, Caroline de Haas.
2) Voir : saphirnews.com/Abdessalam-Yassine-un-savant-resistant-face-a-l-oppression_a15986.html
3) Voir sur Archive.org et sur psmra.fr/2013/05/la-manif-pour-tous-appel-a-manifester-le-26-mai-a-paris/
4) psm-enligne.org/index.php/activites/national/2475-musulmans-et-chretiens-pour-la-defense-de-la-vie
5) C’est en tout cas ce qu’affirme le journal libéral Tel quel.
6) Voir sur le site de Tel Quel.
7) Pour une vision plus complète de l’histoire de l’UNEM, voir sur le compte Facebook de l’Union des étudiants pour le changement du système éducatif (Uecse).
8) Régime interdisant toute activité syndicale et imposant aux étudiants un uniforme.

source : http://confusionnisme.info/2015/03/03/assez-de-participation-et-spiritualite-musulmanes-dans-nos-luttes/
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Blackwater » 11 Mar 2015, 20:53

Protestation devant les libertaires d’aujourd’hui sur les capitulations devant l’islamisme

Une fois de plus, les fascistes islamistes ont tué en France - comme ils le font partout où ils sévissent - et de nouveau, on a pu noter la faiblesse des réactions et des positions prises par certains camarades et même constater leur aveuglement par rapport au fait brut.

Pourtant un chat est un chat !
Il y a des victimes et des assassins !
Mais dans de nombreux commentaires qu’on peut lire, le charabia utilisé finit par dissoudre la réalité des faits jusqu’à faire disparaître ceux et celles qui ont été massacrés.

La question palestinienne devient la question juive

Depuis quelques années, des enfants et des adultes sont assassinés parce que juifs. Malheureusement ces crimes ne semblaient pas émouvoir, ni même être perçus comme racistes. Il a fallu qu’ils soient associés avec ceux perpétrés contre Charlie Hebdo pour provoquer l’indignation générale. Comment des jeunes sont-ils devenus des assassins aussi déterminés et sans la moindre pitié ?
Quelle trajectoire et quel parcours ont-ils suivis pour en venir à tuer de sang-froid des enfants et des hommes ? Certains parlent d’endoctrinement ou de lavage de cerveau, ce qui serait encore une façon de les excuser.
Si depuis toujours en France nous connaissons le racisme en général, et celui anti-arabe en particulier, - que nous n’avons pas été les derniers à combattre -, beaucoup d’entre nous, n’ont pas vu depuis des années la montée « en silence » de l’antisémitisme, notamment, dans les quartiers dits difficiles, mais pas uniquement. Un racisme qui s’est développé parallèlement au conflit israélien-palestinien mais sans, là aussi, en être la seule source.
Ce que nous pouvons constater c’est que les Français de confession juive se voient communautarisés et responsabilisés collectivement de la politique israélienne envers les Palestiniens. Ce sentiment associé à d’autres opinions caricaturales du genre lobby et argent est hélas diffusé et repris au sein d’une partie de la jeunesse qui se revendique musulmane. Pire, de préjugé imbécile, ce point de vue est devenu une position politique, que certains, saisis par la fureur, ont traduit en actes criminels. Avec les islamistes de ce type, la question palestinienne est devenue la question juive au sens nazi, c’est-à-dire la volonté clairement affichée d’éliminer les juifs, comme l’ont illustré horriblement les Mérah et autres sinistres illuminés.
Comment ne pas voir que ces assassinats sont de fait, et aux dépens de personnes de chair, des actes antisémites.
Hier, nos anciens avaient compris que l’affaire Dreyfus ne se réduisait pas à la seule injustice judiciaire mais qu’était devenue celle de l’antisémitisme, et comme telle, qu’il fallait s’y opposer fermement. Ils s’engagèrent majoritairement et de façon décisive du côté dreyfusard. Bien plus que d’avoir été historiquement du bon côté, ils avaient pris la seule position juste. Pour ce faire, la lucidité était nécessaire mais s’accompagnait et appelait d’autres vertus comme le courage.

L’islamophobie, la manipulation des mots

Aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que le terrain est glissant. Il peut le devenir si nous reprenons à notre compte des arguments qui le favorisent. Par exemple, le terme islamophobie - que même des libertaires utilisent - participe de cet égarement, pour ne pas dire plus.
C’est donc avec effarement et consternation que j’ai lu le manifeste : « Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie ! » (http://www.bboykonsian.com/Libertai...).
Ce texte défend principalement la thèse que l’islamophobie est une forme de racisme. Les signataires reprennent donc à leur compte les arguments les plus souvent avancés par les islamistes eux-mêmes.
Que des libertaires en viennent à s’aligner sur ces mêmes arguments démontre que leur lucidité critique est en berne.
De nouveau, comme hier avec les négationnistes, nous retrouvons chez certains camarades une même impossibilité de comprendre les arrière-pensées de certains. Mais déjà, lors de la parution du livre « L’impasse islamique » de Hamid Zanaz (Les Editions libertaires, 2009), on avait pu constater la position faiblarde de nombreux libertaires pour qui la critique de l’islam semble impossible, sinon taboue.
A les lire, l’islamophobie serait un habit neuf du racisme dans la mesure où il viserait non pas une religion mais une communauté consubstantiellement associée à celle-ci. Tant pis pour ceux qui en sont exclus ! Que tous les Arabes ne soient pas des musulmans ni des islamistes ni même des croyants est sans doute une subtilité trop grande pour nos camarades ! Que dire aussi des peuples africains ou asiatiques dont les croyances sont multiples et ne forment pas non plus une seule communauté identitaire.

L’opium des peuples

Par ailleurs, il semble acquis pour certains de ces camarades que l’islam serait une religion des opprimés et que, par conséquent, l’attaquer reviendrait à cautionner les oppresseurs. Là encore, nous sommes surpris par ces camarades qui d’habitude ne jurent que par une grille marxiste de la lutte des classes mais qui pour l’occasion oublient de l’appliquer.
La religion est l’opium du peuple, cette formule ne vaudrait pas pour l’islam. Pour d’autres c’est le judaïsme qui ne l’est pas. Elle ne serait en définitive l’apanage que du seul christianisme. Pourtant à l’heure actuelle, nous retrouvons ces religions au cœur de nombreux conflits et en partie, responsables de leur non résolution. Pensons à la Palestine où les fous de Dieu font la loi en prétextant que cette terre est sacrée et qu’ils en sont les héritiers.
Ce parti pris de ne pas considérer la dimension religieuse comme une force autonome et opérante qui génère des codes et des valeurs empêche nos camarades de voir dans la société en mouvement certaines tendances à l’œuvre, et donc à sous-estimer leur impact d’abord dans la vie quotidienne, et ensuite au niveau du politique. Aujourd’hui, les religions dans leur version intégriste se déploient dans le tissu social comme des idéologies agissantes. Il faut être aveugle ou céder à des analyses non opératoires comme le marxisme vulgaire pour ne pas le constater. Ce que sous-estiment et ne veulent pas voir nos camarades, c’est la dynamique actuelle de l’islam militant. Un prosélytisme très actif qui parfois s’exerce par une pression allant jusqu’à la menace mais peut-être nos camarades sont-ils loin des cités et quartiers que l’on dit difficiles… Cette recrudescence militante ne doit rien à une intervention étrangère, même si parfois il existe des aides financières, notamment pour la construction de mosquées ou indirectement dans l’investissement social.
Lorsqu’on prend le métro à Paris de très bonne heure, on voit des travailleurs immigrés - ceux qui embauchent dès 6 heures du matin, souvent pour nettoyer les entreprises -, et ce qu’ils lisent ou récitent plutôt, ce ne sont pas des brochures révolutionnaires ni même des poèmes mais bien le Coran ! Plus récemment, j’ai aussi vu des femmes le lire. Ce qui est incontestablement nouveau.
Nulle intention de notre part de faire une caricature de l’islam ni d’ailleurs de l’expliquer d’une manière savante, mais de l’observer, ici et maintenant, dans ses débordements, ceux-là même qui se laissent voir. Non pas comme « autre » dans son aspect culturel qui nous dérangerait comme certaines traditions, mais lorsqu’il s’attaque à des valeurs libératrices et universelles, ou même à celles de la République avec les faiblesses qu’on lui connaît, mais qui permet à un espace public laïque de maintenir à distance toutes les religions qui auraient la prétention de l’occuper.
Précisons toutefois que nous faisons une différence entre islam et islamisme. Entre ces deux termes, l’écart qui les sépare, on pourrait l’identifier à un activisme idéologique qui est justement ce qui nous interpelle quand il s’implante dans le tissu social.

Cette dynamique se fonde sur des conversions enthousiastes, des engouements soudains, des entraînements collectifs et des mimétismes parfois alimentés par un repli communautaire. Encore une fois, le dire ce n’est pas dénoncer ni stigmatiser collectivement une population, mais c’est voir sans idéalisme ni grille de lecture le monde tel qu’il est.

Le fondamentalisme n’est pas conciliable avec notre idéal

Il y a plus d’une vingtaine d’année, dans un bus j’ai entendu un groupe de jeunes dégueuler leur haine par un « mort aux juifs ! » Hélas, ce genre de paroles n’avait rien de nouveau… Ce qui pouvait l’être, c’est qu’il était professé à l’intérieur d’un bus, donc dans un espace public.
Comment aujourd’hui, après ce qui s’est passé avec Merah, peut-on s’entêter à minimiser des faits que chacun d’entre nous peut parfois entendre ou voir ? Pour nous, ce ne sont pas des indicateurs anecdotiques, mais des révélateurs d’un islam certes minoritaire et fort éloigné de la majorité des musulmans, mais qui se diffuse imperceptiblement… On entend souvent dire que l’islam ce n’est pas ça. Bien sûr que non, mais aujourd’hui pour certains c’est aussi ça.
Même si cet islam est complétement dévoyé et fortement défiguré, que gagnons-nous à nier son emprise sur certains ?
Aujourd’hui, et particulièrement en Europe, dans les quartiers dits difficiles, les facs, les prisons ou sur internet, l’adhésion à l’islam peut se faire pour certains sur un mode séparatiste qui favorise un repli communautaire. Dans leur zèle, ces nouveaux convertis se sentent en guerre contre l’Occident pris en bloc, sans distinction, opposés fondamentalement aux valeurs dites occidentales, qu’ils repoussent comme sataniques, dangereuses et surtout corruptrices. Ce sentiment peut conduire certains au djihad, et jusqu’au martyr. On les retrouve partout, hier en Afghanistan aujourd’hui en Syrie, comme volontaires, combattants islamistes sans nationalités.
L’actualité spectaculaire est saturée par leurs agissements au grand plaisir des puissants de ce monde qui ont trouvé un nouvel ennemi vers qui détourner l’attention. L’islam est multiple dans sa manière d’être pratiqué et vécu. Il y a ceux qui choisissent le retrait et d’autres plus interventionnistes, c’est pourquoi nous évitons d’en voir un seul.
Entre fondamentalistes, frères musulmans, salafistes, wahhabites et kharidjites, sans parler de la division principale entre sunnites et chiites ou encore du soufisme, pas facile pour la plupart d’entre nous de connaître les différences essentielles entre ces courants.
De même entre un simple croyant et celui qui prône la charia, nous ne sommes pas confrontés à la même pratique de l’islam. Pour certains musulmans, le Coran est une réponse à tout et une « constitution perpétuelle » agissant déjà hier comme elle le fait aujourd’hui, et le fera aussi demain.
L’islam fondamentaliste n’est pas conciliable avec notre temps historique, qu’à sa façon il voudrait abolir ou dissoudre dans un retour à une origine supposée et éternelle. Pour autant, comme pour d’autres fanatiques religieux ou pas, les islamistes savent s’accommoder de la réalité et faire avec. Les islamistes ne sont pas des révolutionnaires ni encore moins des anticapitalistes. Ils s’accommodent très bien des affaires pécuniaires et banquières comme le démontre leur gestion des territoires qu’ils contrôlent.

L’ambition politique de l’islam

En revanche, nous pensons que l’islam, historiquement et dès son origine, est éminemment politique par sa volonté de conquête à la pointe du sabre, de la cité ou de territoires nouveaux. Sa nature est foncièrement éloignée d’une posture quiétiste. Le privé lui est trop étroit.
Pour autant, nous ne voulons pas nous polariser sur l’islam seul. C’est contre toutes les religions que nous adressons notre critique surtout lorsqu’elles se changent en intégrisme ! A l’heure actuelle, qui pourrait faire semblant de ne pas voir que l’islam occupe le terrain d’une manière aussi visible et prépondérante ?
Ce combat n’a rien de dépassé, ne relève pas d’un anticléricalisme primaire et reste actuel. Quel genre de libertaires sont-ils, ceux qui cherchent à désarmer cette nécessaire démystification ?
Oui, nous persistons à dénoncer et à combattre la religion, non pas spécifiquement ni en spécialiste, mais lucidement et en rapport avec son déploiement dans la cité et l’acuité de ses menaces… La foi individuelle tant qu’elle reste dans la sphère du privé nous laisse indifférents et relève effectivement de la liberté individuelle. Face à une persécution délibérée des croyants, les libertaires devraient s’opposer à toutes les mesures liberticides qui les viseraient.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui, c’est même le contraire, avec des religions nettement offensives qui ne se contentent pas de conquérir des âmes, mais veulent légiférer dans la cité avec pour les fondamentalistes islamistes la volonté d’imposer la charia. Sans hurler avec les loups en désignant excessivement un nouvel ennemi intérieur, nous devons tenter d’être des observateurs lucides de notre monde, celui-là même où nous vivons. Celui-ci n’est pas uniquement parcouru par la lutte des classes, d’autres fractures le traversent et l’orientent comme c’est le cas avec des mouvements religieux.
Sur ce point, en reprenant les arguments islamistes, nos camarades démontrent leur incapacité à prendre en compte la dynamique militante et prosélyte de l’islam dans sa version fondamentaliste. Cette dernière pourtant peut se repérer à travers des réseaux multiples, associatifs et culturels dont l’activité au quotidien s’installe durablement - y compris pour certains de ces « ayatollahs » - en exerçant des pressions comme le fait d’interpeller les femmes qui travaillent, qui selon eux, montrent une trop grande liberté de mœurs.
Alors pourquoi une telle mansuétude et indulgence de la part de nos camarades ? Nous aimerions comprendre pourquoi ce soudain respect pour cette seule religion… au moment même où des hommes et surtout des femmes sont si cruellement opprimées jusqu’à en mourir ! Doit-on y déceler une forme de contrition, un repentir inconscient ?
En quoi la critique de l’islam fait de nous des apologistes de l’Occident ou le soutien d’une politique impériale vis-à-vis des pays arabes ? C’est ce genre de raccourci qu’on appliquait à nos anciens lorsqu’ils critiquaient l’URSS.
Nous savons pourtant que ce type d’argument empêche toute critique, embrume puis embaume la pensée. Il y a quelque chose d’étrange dans ce soutien passif, non revendiqué comme tel, mais qui le devient, dans la mesure où l’on s’abstient du recul nécessaire pour observer l’islam réel et en actes.

D’aveugles porteurs de valises

Quelle sorte de libertaires sont-ils ceux qui se montrent plus offusqués - même si parfois la critique est méritée - par Charlie Hebdo, Michel Onfray ou par Caroline Fourest que par l’assassinat d’enfants juifs par Merah ?
Bien sûr, je ne dis pas que ces camarades sont indifférents, mais je constate que les méfaits de Merah ou d’autres tueurs racistes n’ont pas suscité autant d’indignations ni de papiers dans nos journaux ou sur les sites du mouvement. Pourtant ces enfants ont été assassinés parce que juifs.
Cette abomination est pourtant, on le sait, louée par certains jeunes de cités qui font de ce sinistre Merah, un héros.
Bien sûr, et heureusement, les Merah, les Kouachi et les Coulibaly ne sont pas légions. Pourtant, nos camarades devraient se rappeler que par le passé il y a déjà eu des individus dont le parcours était semblable. Rappelons-nous de Khaled Kelkal, ou d’autres encore, dont la dérive terroriste et souvent meurtrière exerce une influence néfaste jusqu’à susciter d’autres vocations…
Une explication uniquement sociologique me semble nettement insuffisante pour comprendre leur histoire, même si des similitudes peuvent exister comme les problèmes d’identité, la délinquance ou la prison dont on connaît trop bien les effets destructeurs. Il est difficile, sinon impossible, de trouver le moment du basculement qui conduit ces jeunes à tirer dans le tas, mais j’ai du mal à ne responsabiliser que le capital, l’Amérique et autres grands Satans dans les tueries d’enfants juifs.

Bien sûr, nous ne devons pas accuser tous les musulmans d’être potentiellement des fascistes islamistes ou des réactionnaires fondamentalistes. En revanche, nous devons clamer sans ambiguïté que l’islamisme radical est un fascisme, et comme tel, nous devons le combattre publiquement, avec la rigueur d’une pensée qui ne cède pas au « tiers-mondisme » réchauffé que certains nous proposent. Ce n’est pas à nous d’être des idiots utiles ni des porteurs de valise pour un islam de France ou d’ailleurs. Si nous utilisons le terme de fascisme, nous le faisons par comparaison au niveau de la brutalité exercée, mais aussi en rapport au totalitarisme que l’islamisme imposerait immanquablement dans sa volonté de régir toute la vie humaine selon la charia. D’ailleurs, celui-ci ne cache nullement ses intentions réactionnaires et liberticides.

Ne pas sanctuariser les religions

Enfin, soyons clairs, il ne s’agit pas de notre part de nous polariser sur l’islam seul mais bien de combattre l’oppression sous toutes les formes par lesquelles elle exerce son emprise. Comme la religion demeure aujourd’hui encore une force d’inertie et de contrôle foncièrement négative, nous revendiquons pleinement le droit au mouvement libertaire de ne pas être islamophile, ni de craindre d’être catalogué comme islamophobe.
En critiquant l’islam nous ne cédons pas au racisme ni ne visons une population particulière.
Si nous avalons les arguments de nos camarades comme de tous ceux qui aujourd’hui pointent l’islamophobie comme un racisme, alors il adviendra que la critique de l’islam sera impossible. Pire, cette religion deviendra quasi intouchable et bénéficiera ainsi d’un statut de « sacré ». Certains de ces zélateurs veulent d’ailleurs instituer le délit de blasphème pour poursuivre plus facilement les « incroyants ». Aspirant à légiférer la société selon le Coran littéralement, ils sont semblablement aux fascistes, prêts à imposer de façon totalitaire leurs règles, et gare à ceux qui ne seraient pas de leur avis. Pour le faire, ils n’attendent pas nécessairement d’être aux commandes d’un pays comme en Iran.

L’islamophobie est sans aucun doute, comme l’antisionisme, un terme qui peut couvrir une opinion moins avouable. Incontestablement, certaines personnes foncièrement racistes peuvent s’y reconnaître et l’employer dans ce sens ! Mais pour autant, comme avec le sionisme, ne pas être un partisan inconditionnel de ce nationalisme étatique ne fait pas de nous et automatiquement des antisémites comme cherchent à le faire accroire les partisans de l’Etat d’Israël.
Les islamistes font pareil avec l’islam, en essayant de faire accréditer le fait que cette religion est identitaire et communautaire et donc qu’il est forcément sacrilège et finalement raciste de la critiquer.

Dénoncer les débordements de l’islam, ce n’est pas s’attaquer à une communauté en particulier ni aux immigrés en général. C’est affronter clairement l’oppression ici et maintenant, comme les libertaires l’ont toujours fait. Bien que dans ce climat délétère, il ne semble pas toujours facile de défendre nos positions, nous avons tout à perdre de ne pas le faire. Seule la lucidité nous éclaire. Camarades, ne soyez pas plus royalistes que le roi ni plus islamistes que les musulmans. Par ailleurs, ce n’est pas parce que la droite et l’extrême-droite font de l’anti-islam leur fonds de commerce, que nous devons cesser de dénoncer ce qui doit l’être…

La laïcité dévoyée

C’est en qualité de libertaires que nous réaffirmons notre opposition à l’islam, ainsi qu’à toutes les religions, qui jusqu’à aujourd’hui n’ont jamais démontré leur bienveillance à l’égard de l’humanité. Ni plus ni moins d’opposition à l’une ou à une autre religion.
Après les tueries de Vincennes et de Charlie Hebdo, on nous propose avec insistance et apaisement dans le sens du poil une laïcité au rabais plutôt favorable aux religions. Cette interprétation est une sacrée opportunité que les religieux de tout poil ont compris et s’empressent de défendre. Car elle peut se comprendre comme un rempart contre toute remise en question de l’idée religieuse et peut devenir une arme contre l’athéisme ou même la moindre pensée libre.
En attendant une révolution sociale qui ne vient pas, combattre pour la laïcité ne semble pas dépassé comme certains camarades le prétendent. Nous devons le faire fermement sur des positions qui excluent la gestion de l’espace public et de la cité par le religieux. C’est à cette condition et au minima que le « vivre ensemble » est possible et que la gangrène du communautarisme religieux ne s’installera pas dans les rapports sociaux.

Dans ce contexte, nous devons rester d’indécrottables incroyants pour qui le monde ne se réduit pas à des paroles sacrées ni à un mode de vie consacré par des lois prescrites par la Bible, le Coran ou la Torah. Nous sommes du côté de la vie qui offre chaque jour des possibles et que toutes les religions voudraient définitivement enserrer.
Nous ne demandons à personne d’abjurer sa foi, chacun-e peut croire ce qu’il veut. En revanche, nous prenons le droit d’être incroyants, de ne pas plaire aux culs bénis et serrés, de vivre sans Dieu en toute quiétude.
Ce droit n’est pas négociable.
Nous n’avons pas à nous excuser de vivre selon nos désirs, de manger et de boire ce qui nous plaît ! Il est important de le rappeler.
Les mots ont fort heureusement une définition, mais leur usage parfois ambivalent dans un sens ou un autre peut être très politique. Les libertaires ont toujours été là pour combattre le racisme, ils continueront à le faire sans concessions mais avec cohérence et lucidité.

P-V
Texte corrigé et débattu, écrit en 2013 et repris en 2015

http://www.autrefutur.net/Protestation-devant-les
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 13 Mar 2015, 21:22

Le PIR, toujours dans ses délires communautaristes tente d'expliquer le "nouvel antisémitisme" de certains musulmans par le philosémitisme de l'Etat et de la gauche!
En gros, en commémorant la Shoa, l'Etat fait monter l'antisémitisme en oubliant les autres souffrances "ethniques". Mais il ne s'agirait pas que d'une stratégie d'Etat, la gauche elle-même serait "philosémite", d'où sont "incapacité" à identifier d'où vient l'antisémitisme en France. Qui en viendrait pas des quartiers populaires mais de... tous les autres, y compris ceux qui luttent contre le racisme. Belle pirouette pour dédouaner le sujet révolutionnaire préféré du PIR, le musulman. Au passage, on est à deux doigts du concept de pollution mémorielle. Mais il faut se rappeler que Houria Boutelja a déjà commis un texte trouvant des excuses aux actes de Merah.
http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantiracisme-en-france-3/

la conclusion est particulièrement significative:
Ainsi, si l’on est clairement anti-raciste et qu’on s’inquiète de la montée de l’extrême-droite qui va viser prioritairement les populations des quartiers et qu’on s’inquiète du sort des Juifs devenus cibles de groupes terroristes, il faut avoir le courage de s’attaquer aux formes actuelles du racisme d’État : islamophobie, négrophobie et rromophobie et s’attaquer au philosémitisme d’État qui est une forme subtile et sophistiquée de l’antisémitisme de l’État-Nation.

Dernière question : qu’est-ce qui empêche la gauche de gauche de lutter contre le philosémitisme d’État ? Ma réponse est sans ambiguïté : elle est elle-même, à quelques exceptions près, peu ou prou philosémite.
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Banshee » 13 Mar 2015, 22:20

En effet, on avait fait tout un dossier sur le PIR dans le bulletin :
viewtopic.php?f=86&t=7508

Avec ce que vous venez de poster, s'il y en a qui ne sont pas encore convaincus, c'est à désespérer...

Par contre, je remets ici le lien vers le site de bbkonsian car celui que tu as posté, Blakbomba, ne fonctionne pas :
http://www.bboykonsian.com/Libertaires- ... a2635.html
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Re: Islam, islamophobie, racisme(s) et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 23 Mar 2015, 12:36

La journée contre le racisme a été l'occasion pour l'OCL Paris de prendre position contre les théories post-modernes/décoloniales à la différence de l'appel national inter-orga qui parle de rromophobie, négrophobie, islamophobie... Voir paragraphe en italique.
(EDIT: je viens de voir que Piero l'a mis dans un autre topic, tant pis, il a aussi sa place ici)
Dans le fumet nauséabond qui se dégageait déjà bien avant le 7 janvier, cette manifestation est bienvenue. Il est bienvenu de rappeler que nous sommes opposé-e-s à tous les racismes. Nous sommes opposé-e-s à ce racisme colonial, qui non content de pourchasser les immigré-e-s, se refuse toujours à considérer les jeunes des quartiers populaires comme français-es égaux-égales en droits à tou-te-s les autres citoyen-ne-s. Nous sommes opposé-e-s à cette vieille tradition nationale d'antisémitisme, tradition honteuse maintenant et qui ne se proclame plus ouvertement dans la bonne bourgeoisie, mais tradition sur laquelle surfe l'extrême-droite pour tenter de récupérer des supporters dans les quartiers populaires. Nous ne supportons pas cette chasse aux rroms qui semblent avoir l'aval tacite de tous. Nous ne croyons pas au « choc des civilisations ». Comment l'occident après la traite négrière, après les massacres coloniaux, après la destruction de l'Irak, après ses nombreuses interventions meurtrières à travers toute la planète peut-il prétendre lutter contre la barbarie ? Nous n'oublions pas comment les « manifs pour tous » ont redonné vigueur aux vieux relents homophobes, ni le sexisme éhonté de ceux et celles qui ont réussi à travers leur « journée de retrait de l'école » à enrayer les timides tentatives de l'éducation nationale pour promouvoir l'égalité hommes-femmes.

Bref, nous sommes opposé-e-s à tous les racismes. Et nous ne le sommes pas seulement pour des raisons morales. « Diviser pour mieux régner » a toujours été la doctrine constante de tous les pouvoirs. Nous sommes pour l'émancipation sociale. Et nous savons bien que le racisme a toujours été le meilleur moyen d'opposer les exploité-e-s entre eux et elles. C'est la tactique aussi vieille que le pouvoir du bouc émissaire. Le racisme agit aussi de façon plus subtile. Il se traduit par des conditions d'exploitation différentes, ce qui permet d'isoler les un-e-s des autres lors de la défense (légitime) d'avantages acquis qui ne sont pas généralisés à tou-te-s, les un-e-s étant stigmatisé-e-s comme privilégié-e-s, les autres désigné-e-s comme jaunes potentiel-le-s. Nous savons bien pourtant que le capitalisme s'est toujours appuyé sur l'existence de populations dominées pour aggraver l'exploitation de tous, noirs contre syndicalistes blancs aux Etats-Unis, hommes contre femmes la première moitié du 20ème siècle en France, français-es contre immigré-e-s et sans-papiers aujourd'hui et depuis toujours. Nous savons bien que ce n'est qu'en intégrant l'ensemble des situations de domination que nous pourrons gagner notre émancipation.

Et c'est là que nous sommes gêné-e-s par certaines évolutions de la lutte antiraciste. Le racisme divise la population, nous divise, en de multiples catégories. Ces catégories ne sont pas fondées sur ce que nous faisons, si nous vivons de l'exploitation des autres ou non, sur le rôle que nous jouons, si nous participons volontairement à la domination ou non, mais sur ce que nous sommes, nos origines raciales ou ethniques, nos orientations sexuelles, notre sexe, nos croyances... Il nous enferme dans des identités qu'il a fabriquées lui-même. Chacun de ces groupes subit des discriminations spécifiques qui sont mises en concurrence les unes avec les autres. Le combat antiraciste glisse alors d'un projet émancipateur, la libération de l'humanité de toutes les exploitations et de toutes les dominations, à une concurrence malsaine : qui souffre le plus ? Quel antiracisme spécifique est le plus légitime ? Nous nous égarons alors dans des listes de l'ensemble des discriminations en tâchant de n'en oublier aucune, et pourtant nous en oublierons toujours tant la liste est extensive. Certes, l'émancipation ne peut être l'oeuvre que des travailleurs eux-mêmes. Certes, la lutte contre le racisme passe par chacun des groupes qui en sont victimes, et qui lutte contre son oppression spécifique. Mais si nous reprenons systématiquement les catégories de nos ennemis, si nous nous égarons dans des discussions sans fin sur la question de savoir lequel parmi les racismes est le plus virulent, le plus urgent à combattre, notre lutte sera perdue d'avance. Le pouvoir pourra toujours trouver des catégories délaissées à surexploiter, des groupes discriminés à opposer contre les autres.

Tous les racismes sont solidaires. Derrière le racisme anti-arabe et anti-noir, l'antisémitisme et le sexisme ne sont jamais loin. Ne l'oublions pas, et restons solidaires contre tous les racismes.

Groupe OCL Paris

http://www.ainfos.ca/fr/ainfos12033.html
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Alex » 26 Mar 2015, 07:04

http://www.fichier-pdf.fr/2015/02/01/ch ... harlie.pdf

J'ai cru comprendre qu'ici certain-es avaient quelques... Inimités avec les gens d'AQNI/La Sulfat', mais je pose ça ici quand même.
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Cramazouk » 26 Mar 2015, 19:54

http://cramazouk.tumblr.com/post/114685 ... fraternite

Ma réaction à la énième agression de femme voilée... Et si tout le monde se mettait à porter le voile (même et surtout les hommes tiens) ?
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 01 Avr 2015, 16:32

Tract de la CGA Région parisienne pour le 21 mars.
Tout y passe: police qui "exécute", domination blanche et bourgeoise en France, minorités nationales, soutien au détraqué de Joué-les-Tours. Sans compter un passage assez obscur sur " les Fidèles et les compradores capitalistes" que je comprends pas bien. C'est tellement nébuleux qu'ils n'ont pas mis ce texte sur les sites de la CGA.
Vive le groupe Prachanda de la CGA! (leader du PC maïste népalais) :mrgreen:
Communiqué du groupe de la région Parisienne

Encore une fois de plus le racisme d’État frappe et gagne des avancées considérables dans la société. Alors que des organisations soi-disant militantes sont plongées dans une myopie politique, sans retour et dangereuse, l’exemple le plus frappant demeure l’initiative prise par l’intersyndicale de format·rices·eurs de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Créteil visant à interdire le port de signes religieux aux étudiant·e·s stagiaires alors qu’il n’existe pas de législation interdisant le port de signes religieux au sein de l’enseignement supérieur. C’est une attaque contre les femmes et leur volonté de choisir leur vie.

Nous dénonçons l’État policier et ses crimes racistes. Un contrôle d’identité qui tourne mal, une personne est tuée. La police plaide la légitime défense ou une mort « naturelle ». La victime est criminalisée. L’État et les médias relaient la version officielle, c’est-à-dire la version policière. Et la justice acquitte. Toujours le même scénario. 90% des victimes de crimes policiers sont racisées1. Ce n’est pas un hasard.
En 2005, Zyed et Bouna sont morts parce qu’ils étaient poursuivis par la police. Trois semaines de révoltes lourdement réprimées partout en France. L’état d’urgence est décrété, c’est la première fois en France depuis la guerre d’Algérie : tout un symbole. Dix ans que les familles de Zyed et Bouna attendent que justice soit faite. Dix années de procédure judiciaire pour que le procureur demande la relaxe des policiers… Dix ans d’attente pour une injustice de plus ?
Depuis dix ans, ce sont des dizaines de victimes tombées sous les coups et les balles de la police : Lamine Dieng, Wissam El Yamni, Amine Bentounsi, Lahoucine Ait Omghar, Ali Ziri, Abdelhakim Ajimi, Abdoulaye Camara, Bilal Nzohabonayo… et tant d’autres.
À chaque fois, mensonges d’État, mensonges de la police, une justice complice qui acquitte voire couvre, nie ou légitime. Pourquoi ? Parce que les crimes policiers sont le fait d’un racisme d’État. La police peut tuer en toute impunité, parce qu’au regard de la République, historiquement coloniale et esclavagiste, certaines vies ont moins de valeur que d’autres. Ni erreur, ni bavures : la police est un appareil d’État dont la violence est organisée rationnellement et légitimée par des procédures légales. Le contrôle d’identité au faciès, comme un rappel à l’ordre symbolique, est l’expression quotidienne d’un racisme structurel . C’est, pour la police — au service de l’État — un moyen de contrôle et de soumission des minorités nationales et religieuses. État et police, main dans la main, perpétuent ainsi la domination blanche et bourgeoise.

Dans un contexte de peur et de méfiance, en plus de la pression sociale qui étouffe les couches populaires les plus précaires (pouvoir d’achat, chômage, précarité des salaires, remise en cause des acquis sociaux les plus élémentaires), les Fidèles et les compradores capitalistes se frottent les mains et profitent pour prendre nos libertés et nous détourner des réalités sociales par un projet de lois liberticides dit nouveau projet de loi sur les renseignements qui sera présenté au parlement dans les jours à venir.

Ce n’est plus un étonnement, suite aux attentats qui ont lieu mercredi dernier en Tunisie, d’entendre le directeur du guide du routard dire que la Tunisie a besoin d’être protégée par la France car « n’oublions pas que la Tunisie a été sous protectorat français ». Et dire par la suite que ces attentats ont un avantage, les touristes pourront profiter de prix attractifs. C’est effectivement sans complexe que le passé colonial est remis au goût du jour : domination, paternalisme, exploitation.
L’État et ses satellites (mairies, partis…) s’appuient sur la peur provoqué·e·s par les attentats de début janvier pour renforcer un nationalisme d’État, raciste.
Nous nous opposons à la mascarade républicaine et nationaliste menée par le gouvernement, qui tente d’unir derrière lui l’ensemble des partis bourgeois, du Front national au Front de gauche, ce qui participe au confusionnisme ambiant et à la banalisation des idéologies de l’extrême-droite.

Nous dénonçons le climat raciste et islamophobe qui sévit dans ce pays et en Europe depuis plus de vingt ans avec son corollaire de lois liberticides et répressives envers les immigré·e·s, les musulman·e·s et les minorités nationales. C’est ce qu’on observe déjà rien que dans les menus pur porc imposés.
Ainsi nous condamnons les politiques menées par l’État, notamment le quadrillage des quartiers populaires, les expulsions, la chasse aux femmes voilées (dans les écoles, universités, lieux d’hébergement, touristiques…), aux sans-papiers et aux Rroms, les arrestations, y compris pour « apologie du terrorisme », de personnes ivres ou mineures parfois même, et les exécutions qui ont forgé depuis de trop nombreuses années les bases d’un racisme « décomplexé » et ont largement contribué à l’augmentation des actes de violence à l’encontre des musulman·e·s et des personnes désignées comme telles.

Nous dénonçons également la déferlante islamophobe datant de ce début d’année, allant de l’agression physique contre des femmes à l’attentat à l’arme de guerre dans une indifférence quasi-totale des médias.

Nous dénonçons de même un antisémitisme où la minorité nationale juive est rendue responsable de l’oppression des autres minorités, dans un contexte de multiplication des actes antisémites, dont la prise d’otage début janvier. Mais nous ne sommes pas dupes et dénonçons l’instrumentalisation de l’État qui cherche systématiquement à désigner les musulman·e·s, comme intrinsèquement antisémites et hostiles aux Juives et Juifs. Un tel discours permet d’activer des dynamiques racistes et islamophobes alors que l’antisémitisme est en réalité un vieux produit du nationalisme français.

« L’unité nationale » se fait automatiquement dans l’exclusion des minorités opprimées (immigré·e·s, Rroms, sans-papiers, LGBTI…). Mais bien plus, les monter les unes contre les autres est aussi une stratégie d’État pour maintenir son pouvoir.

Nous n’oublions pas plus généralement la misère sociale, la stigmatisation par l’État et les médias des minorités musulmanes et Rroms et l’impérialisme des États, qui ont largement leur part de responsabilité dans le climat actuel.
Dans un contexte s’inscrivant dans la montée générale du fascisme, tout ceci converge vers un même prétendu « choc des civilisations » qui entretient l’idée d’une « guerre de tou·te·s contre tou·te·s ».

En tant qu’anarchistes, nous refusons cela et prônons la lutte contre le système capitaliste, patriarcal, raciste, impérialiste et néocolonial, par tous les moyens requis, incluant la prise en charge de notre propre autodéfense.

Nous devons permettre l’alliance entre toutes les minorités opprimées, qu’elles soient religieuses, nationales ou sexuelles, de manière autonome et sans hiérarchie. Nous avons besoin de nous unir autour de nos intérêts communs, sur des bases de classe, pour développer des luttes populaires capables de faire plier nos ennemis : États et bourgeoisies, quelles que soient les étiquettes dont ils se parent (« républicain », « islamiste »…).

http://paris-luttes.info/du-colonialism ... cisme-2886
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Pïérô » 02 Avr 2015, 23:19

Je n'arrive pas à me retrouver entre l'appel

" Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie ! "
viewtopic.php?f=70&t=5730&p=78093&hilit=appel+de+libertaire+contre+l%27islamophobie#p78093

et le texte posté par BlackBombA
" Protestation devant les libertaires d’aujourd’hui sur les capitulations devant l’islamisme "
viewtopic.php?f=70&t=11649#p192903

Je pense qu'il nous faudrait faire un peu plus d'efforts pour articuler aujourd'hui des luttes qui peuvent faire question.

Pour moi, le terme "islamophobie" fait question en tant que tel, car il s'agit surtout d'une forme de racisme et de nationalisme dans l'expression de ce qui est dénoncé à travers l'emploi de ce terme. Et le fait d'énoncer ce terme comme cela ne permet pas d'avoir cette lecture directe, et laisse la possibilité à diverses interprétations dans lesquelles la religion entrerait dans le domaine d'un "acquis culturel" indépassable. Mais il y a un angle d'attaque à travailler, car on ne peut pas en rester là dans le contexte, et je dirais l'enjeu, les enjeux. L'enjeu reste celui de l'émancipation par rapport aux religions qui sont des éléments réactionnaires et oppressifs. Les enjeux peuvent se comprendre en terme de dynamique lorsque l'on prend l'exemple de l'islam pour exemple, mais il est clair que c'est ce qui est au centre de ce topic qui me semble interrogeable. De quelle "extrème gauche" on parle ??

Il y en a une qui me semble claire, celle de LO et du POI qui se rejoint en une défense de la laïcité en interdiction et loi "républicaine", et qui se retrouve à nager en eaux troubles, et celle du NPA en girouette bien confuse qui se retrouve à cohabiter avec le PIR et des officines religieuses réactionnaires. Dans le mouvement anarchiste il faut constater à nouveau qu'une position libérale peut se confronter à une position libertaire. Il reste justement à travailler qu'elle serait cette position. Je pense qu'il s'agit de réussir à articuler notre combat contre l'oppression religieuse avec un combat général contre le racisme et l'oppression, et dans ce contexte où il est clair que c'est la religion musulmane, et au delà tout ce qui est basané qui est visé, il faut arriver à tracer une ligne politique, pas facile, mais lisible. Pour exemple ce n'est pas le fait de légiférer sur le voile qui suffira à pouvoir imaginer que les femmes puissent s'en débarrasser. Je pense que la lutte féministe, en recul depuis longtemps, doit reprendre sa place dans le débat et l'enjeu, et que c'est bien en terme de combat d'idées et de luttes et de soutien sur le terrain que l'on arrivera à faire bouger les lignes. Je prends souvent pour exemple le fait que des femmes voilées ne puissent pas avoir une vie normale dans le domaine public, et notamment dans le domaine de l'accompagnement de leurs gamins-es lors des sorties scolaires, pour dire que ces femmes subissent une double punition qui les confine à la maison. Il y a là matière à réfléchir et agir pour que l'on puisse participer à faire que ces femmes puissent être d'avantage actrices dans la vie sociale, sortir du confinement, sans taire notre critique sur la question du voile, qui reste un symbole de l'oppression spécifique des femmes.

Je n'ai pas forcément la recette, mais je pense qu'il y a matière à produire un peu mieux que les textes qui nous sont servis ici.
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Cramazouk » 03 Avr 2015, 00:41

Dans mon article sur l'égalitarisme, j'ai présenté ça comme ça :
Il est aussi capable de défendre les victimes d’oppressions comme les musulmans dans une société islamophobe, bien que dans un pays majoritairement musulman il serait plutôt contre l’Islam en tant que structure de domination. L’anarchisme était d’ailleurs largement anticlérical dans l’ancienne France très chrétienne.

http://cramazouk.tumblr.com/post/115202 ... alitarisme

Pas sûr que ça vous avance beaucoup. Enfin c'est sans aucun doute clair pour tout le monde mais sans doute moins pour le public visé.

Rappeler aussi que la laïcité est aussi, et c'est indissociable, la liberté de culte même dans l'espace public.

Que l'émancipation doit être une démarche personnelle, aidée grâce à la mise à disposition de la propagande anarchiste, dans le respect de la spiritualité des personnes en ce qui concerne la religion. Nous refusons la loi et a forciori la loi qui sous couvert d'une hypocrite émancipation opprime les gens. Pointer le résultat désastreux malgré l'intention citoyenne parfois louable.

Le Monde Diplomatique remettait ça sous l'angle de la prolophobie aussi :
Islamophobie ou prolophobie ?
par Benoît Bréville, février 2015

Au lendemain des assassinats perpétrés à Charlie Hebdo et dans le magasin Hyper Cacher, des élèves ont refusé d’observer la minute de silence en hommage aux victimes. Un des arguments avancés par les récalcitrants touchait aux « deux poids, deux mesures » de la liberté d’expression en France : pourquoi parle-t-on autant de cette tuerie alors que des gens meurent dans l’indifférence au Proche-Orient ? Pourquoi Charlie Hebdo pourrait-il injurier une figure sacrée de l’islam quand Dieudonné se voit interdire de critiquer les juifs ? La question est jugée si cruciale que Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, a estimé, le 15 janvier dernier, qu’il était nécessaire de former les enseignants pour y répondre.

A n’en pas douter, la formation proposée reprendra l’argument développé par les principaux médias et partis politiques depuis le début de l’affaire des caricatures : il existe une différence de nature entre des dessins considérés comme blasphématoires par des croyants et des propos antisémites constitutifs d’un délit car portant atteinte à la dignité des personnes. Il est également probable que l’explication ne fera pas taire tous les rebelles. Car le cas de Dieudonné et des caricatures masque un problème plus profond : des éditorialistes et des intellectuels comme Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Philippe Tesson, mais aussi des journaux comme Le Point, L’Express, Valeurs actuelles ou encore Le Figaro, peuvent afficher leur rejet de l’islam, tantôt décrit comme une croyance rétrograde, tantôt comme une « menace pour l’identité de notre pays » — selon les mots d’un sondage commandé par le site Atlantico.fr, dont on peine à imaginer qu’il évoque de la sorte une autre religion. « La popularité de Dieudonné tient au fait que, pour lui, si on peut s’en prendre impunément ou presque aux Noirs, aux Arabes, aux musulmans, en un mot aux “subalternes”, il est quasiment impossible (...) de toucher à un seul cheveu des juifs ou de toucher à Israël, sans être immédiatement taxé d’antisémitisme (1) », estime l’ethnologue Jean-Loup Amselle.

Ce fonctionnement de la liberté d’expression est interprété de diverses manières. Certains le justifient par le génocide juif et un antisémitisme séculaire au sein de la société française, qui obligeraient à rester constamment sur ses gardes. Pour d’autres, il reflète une islamophobie profondément ancrée dans les mentalités, héritée de la période coloniale, qui rend tolérables aux yeux de tous les propos hostiles aux musulmans. Quant à eux, les adeptes des théories du complot voient dans ce déséquilibre le signe de la prétendue mainmise des juifs sur les médias et les organes de pouvoir : en alimentant la haine de l’islam, le « lobby juif » légitimerait les interventions occidentales dans le monde arabe pour, au final, favoriser les desseins d’Israël ou de Washington. Ce type de discours, produit et relayé par les sites d’Alain Soral ou de Thierry Meyssan, rencontre un succès grandissant. Il profite, pour s’implanter dans les esprits, du vide théorique et politique laissé par le reflux des formations progressistes.

Ces interprétations, pour différentes qu’elles soient, reposent sur une même approche ethnoculturelle, qui définit les groupes sociaux selon leurs origines ou leurs religions (les « juifs », les « musulmans », les « Arabes »...). Mais le « deux poids, deux mesures » observé en matière de discours stigmatisants se prête à une tout autre lecture, essentiellement sociale. Les juifs sont implantés en France de très longue date, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne. Beaucoup s’installent entre la fin du XIXe siècle et le début de la seconde guerre mondiale, fuyant les pogroms et la montée du nazisme en Europe centrale et orientale. Ouvriers, artisans ou petits commerçants, les juifs arrivés dans l’entre-deux-guerres vivent souvent dans des quartiers pauvres et délabrés, où ils se heurtent au racisme de leurs voisins français. Comme nombre de réfugiés, ils disposent parfois d’un capital culturel supérieur à la moyenne de leur pays d’origine (un trait également observé parmi les réfugiés afghans, syriens ou africains). Puis une nouvelle vague, issue de la décolonisation de l’Afrique du Nord, se produit après 1945. Au fil des décennies, certains descendants de ces premiers arrivés s’élèvent dans la société, au point d’occuper aujourd’hui des postes de pouvoir, notamment dans les milieux journalistique, politique et universitaire — c’est-à-dire ceux qui produisent, orientent et contrôlent les discours publics.

Les immigrés de culture musulmane, eux, sont plus nombreux à arriver en France après la seconde guerre mondiale, et surtout à partir des années 1960, en provenance du Maghreb puis d’Afrique subsaharienne, parfois recrutés par l’industrie en fonction de critères physiques. Leurs enfants et leurs petits-enfants grandissent dans une société en crise, frappée par un chômage de masse et une précarité croissante dont ils sont les premières victimes et qui amenuisent leurs chances d’ascension sociale. Si certains se hissent au rang des classes moyennes et même supérieures, ils demeurent globalement peu représentés dans les plus hautes sphères (2). Fréquemment attaqués par les médias et les dirigeants politiques, les étrangers et les Français musulmans ont peu d’armes pour se défendre dans l’arène publique, ce qui permet au discours raciste de fonctionner à plein régime. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Roms, groupe le plus dépourvu de ressources pour s’opposer aux discours stigmatisants, font l’objet d’attaques plus rudes encore, depuis M. Jean-Marie Le Pen, qui juge leur « présence odorante et urticante », jusqu’à M. Manuel Valls, selon lequel « les Roms ne peuvent pas s’insérer en France, dans leur majorité » et ont donc « vocation à rentrer chez eux ».

La situation actuelle des juifs et des musulmans fait écho, par certains aspects, à celle des migrants russes et arméniens de l’entre-deux-guerres. Les Russes émigrent en France après les révolutions de 1905 et, surtout, de 1917 ; leur nombre s’élève à soixante-douze mille en 1931. La plupart travaillent dans l’industrie automobile ou comme chauffeurs de taxi, et appartiennent aux catégories populaires. Mais le groupe compte également une élite généralement francophone, souvent issue de la noblesse ou de la bourgeoisie : des peintres, des journalistes, des éditeurs, des écrivains si bien insérés dans le milieu culturel parisien qu’ils impulsent une « mode russe » dans les années 1920. L’ensemble du groupe profite de cette réussite, bénéficiant d’un « traitement de faveur (3) » qui le met à l’abri des brimades frappant d’autres migrants.

Les Arméniens, par exemple. Arrivés en France après le génocide de 1915, ils occupent presque exclusivement des emplois non qualifiés. Quoique peu nombreux (dix-sept mille en 1931), ils sont jugés d’emblée « inassimilables ». « Si les Russes sont loin du peuple français à bien des égards, ils ont en général un niveau culturel qui permet des contacts. Avec les Arméniens, ce contact même est difficile (4) », considère ainsi Georges Mauco, la tête pensante des politiques migratoires pendant les années 1930 et sous le régime de Vichy. Ainsi la condition sociale détermine-t-elle puissamment la perception des migrants comme celle de leurs descendants, par le truchement du bouclier institutionnel qu’elle procure aux uns et dont elle prive les autres. Pourtant, depuis trente ans, cette grille de lecture est de moins en moins mobilisée : on lui préfère une analyse culturelle, qui envisage les problèmes des migrants selon des critères d’origine.

Le tournant intervient entre 1977 et 1984. Pendant les trois décennies précédentes, la thématique de l’immigration est peu présente dans les discours publics. Les médias évoquent les étrangers incidemment, quand ils parlent de logement, d’emploi ou d’économie. Loin de ses positions des années 1930, la droite salue alors l’apport des travailleurs étrangers. Ainsi, après la mort de cinq ouvriers africains asphyxiés dans leur sommeil par les fumées d’un feu mal éteint dans un foyer d’Aubervilliers, Le Figaro explique, sur un ton qu’on ne lui connaît plus : « Qui veille à la santé de ces infortunés transplantés ? Ils balaient les rues lorsque les caniveaux sont gelés, puis ils tentent de triompher de la tuberculose qui les mine ou de l’oxyde de carbone ! Voilà le sort de ces déshérités. Il importe d’y apporter d’urgence un remède (5). »

La situation change avec la crise économique en 1975 et, plus encore, après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. En moins de trois ans, la question des « travailleurs immigrés » cède le pas au « problème des Arabes », de la « deuxième génération » et, par ricochet, des musulmans. Des événements qu’on analysait autrefois de manière sociale sont désormais abordés selon un biais ethnique.

En juillet 1981, des jeunes affrontent la police dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise (6). Comme en 1976 et en 1979, mais, à l’époque, la presse locale avait cantonné l’affaire à la rubrique « faits divers ». Passée dans l’opposition, la droite entend cette fois profiter de l’événement pour affaiblir le nouveau gouvernement, qui vient de régulariser cent mille clandestins. Aussi transforme-t-elle ces affrontements en fait de société, témoignant du « problème de l’immigration », alors même qu’on pouvait y voir le résultat de la dégradation physique et sociale des grands ensembles de logements sociaux ou du désœuvrement des jeunes dans un contexte de chômage endémique et de « désouvriérisation » massive. « Dans les quartiers à forte densité maghrébine, la situation devient explosive. Le gouvernement, en supprimant les expulsions d’individus douteux, encourage donc les dévoyés », écrit Le Figaro le 7 juillet 1981. Dès lors, ce que l’historien Gérard Noiriel appelle le « filon national-sécuritaire » sera exploité sans relâche par ce journal, qui dénonce tour à tour les régularisations de sans-papiers ouvrant « en grand la porte de notre pays à l’invasion et à l’aventure » (22 septembre 1981), les « bandes de loubards (...) essentiellement d’origine maghrébine » (5 juillet 1982), ou encore la « loi des immigrés » qui régirait le quartier des Minguettes (22 mars 1983).

Ce discours se teinte d’une coloration religieuse au moment des grèves dans l’industrie automobile — un secteur durement touché par la crise, dans lequel la main-d’œuvre étrangère constitue plus de la moitié des effectifs. Le mouvement commence à l’automne 1981 et atteint son point culminant en 1983-1984. Ce qui n’était au départ qu’un simple conflit du travail, rappelant par certains aspects le mouvement de grève spontané qui naquit de la victoire du Front populaire en 1936, est alors présenté comme un affrontement culturel. Sous prétexte qu’ils demandent, entre autres, l’ouverture de salles de prière dans les usines — une pratique encouragée par le patronat dans les années 1970, qui y voyait un moyen d’assurer la paix sociale (7) —, le gouvernement et la presse accusent les grévistes d’être manipulés par les ayatollahs iraniens. Ces travailleurs « sont agités par des groupes religieux et politiques dont les mobiles ont peu à voir avec les réalités sociales françaises », explique le premier ministre Pierre Mauroy le 11 janvier 1983.

Même son de cloche au Figaro, qui ajoute : « Les plus optimistes comptent sur les facultés d’assimilation des populations étrangères, comme cela s’est produit dans le passé avec les colonies italiennes et portugaises. Mais l’exemple n’est hélas plus valable. L’origine culturelle de la nouvelle immigration constitue un obstacle difficile à surmonter. » Or les Portugais n’ont pas toujours eu aussi bonne presse. Longtemps leurs pratiques religieuses ostensibles et empreintes de superstition leur furent reprochées, au point qu’ils furent décrits, dans l’entre-deux-guerres, comme une « race exotique », plus difficile à intégrer que les Italiens (8). Lesquels furent, auparavant, jugés moins intégrables que les Belges...

Quand elle ne s’aligne pas sur la position de ses adversaires, la gauche des années 1980 répond aux attaques contre l’immigration maghrébine en valorisant la « culture beure », reprenant, de manière inversée, le discours culturaliste de la droite. Libération, qui joue un rôle actif dans cette entreprise, ouvre dès septembre 1982 une rubrique « Beur » qui informe sur les événements artistiques supposés intéresser les membres de cette « communauté ». Puis le quotidien soutient activement la Marche pour l’égalité et contre le racisme, qu’il rebaptise « Marche des beurs » et dont il détourne le sens, et accompagne la création de SOS Racisme par des proches du Parti socialiste, contribuant ainsi à déplacer le regard de la lutte pour l’égalité à celle contre les discriminations. Le Monde se réjouit que « les enfants de la seconde génération immigrée s’emparent de la chanson, du cinéma, du théâtre » (4 juillet 1983), tandis que l’hebdomadaire Marie-Claire célèbre la « crème des beurs » (avril 1984). Mais, si la culture de l’élite gagne en légitimité, la base, dont les conditions d’existence se dégradent sous l’effet de la désindustrialisation, reste en butte au mépris.

En moins de trois ans, le débat sur l’immigration a été vidé de son contenu social. Depuis ce renversement, les étrangers et leurs descendants sont sans cesse rappelés à leur « communauté », à leur religion, au risque d’accentuer le fossé entre les Français « autochtones » d’un côté, les immigrés et leurs descendants de l’autre. Les sujets directement liés à l’immigration (le racisme, les discriminations, etc.) sont abordés comme des problèmes culturels, alimentant les préjugés, le fantasme d’un « choc des civilisations » et la poussée de l’extrême droite. Quelle que soit sa cause, tout événement géopolitique, social ou même sportif impliquant une majorité d’acteurs d’origine arabe ou musulmane ravive immanquablement le débat sur l’islam, l’immigration et la place de ces derniers dans la République : guerre du Golfe, attentats du 11-Septembre, conflit israélo-palestinien, affrontements entre jeunes et policiers en banlieue, footballeurs d’origine algérienne s’abstenant de chanter La Marseillaise, etc.

Or le sentiment d’appartenance à une « communauté » arabe ou musulmane n’est pas une donnée naturelle. Il se construit au fil des politiques publiques (création de structures comme l’Union des organisations islamiques de France, en 1983, financement d’associations...), mais aussi de ces événements qui renvoient les populations immigrées à leurs origines. A cet égard, la guerre du Golfe (1990-1991) a joué un rôle fondateur. Alors que les bombardiers alliés décollent vers Bagdad, quelques élèves de collège et de lycée dénoncent la domination de l’Occident et affichent leur solidarité avec le monde arabe. « Saddam, c’est un Arabe en butte à l’ostracisme de tous, comme nous dans nos cités. Pour une fois, nous ne nous sentons pas humiliés, mais défendus », déclarait alors un lycéen (9). Ces réactions, très minoritaires, déclenchent aussitôt un débat sur la loyauté des enfants d’immigrés. « Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, le beur de Saint-Denis se sentira toujours proche de ses frères qui conspuent la France dans les rues d’Alger et de Tunis », écrit Le Figaro Magazine (25 janvier 1991). Par réaction, les enfants d’immigrés affirment davantage leurs origines et leur religion stigmatisées. Selon les sociologues Stéphane Beaud et Olivier Masclet, cette guerre joue « un rôle important dans la construction d’une conscience plus “raciale” que sociale chez les enfants d’immigrés maghrébins, d’autant plus enclins à penser la société sous la forme d’oppositions successives — Eux/Nous, Occidentaux/Arabes, Français/immigrés, riches/pauvres, etc. — qu’ils sont eux-mêmes marqués par leur expérience de diverses formes de relégation (10) ».

L’idée que les populations arabe et noire posent un problème inédit dans l’histoire de l’immigration a progressivement gagné l’ensemble du spectre politique. Elle divise même la gauche radicale, dont certains courants postulent la singularité des immigrés « postcoloniaux » et de la manière dont ils seraient perçus par les « Blancs ». « Le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s’y réduire, la politique coloniale », indique l’appel des Indigènes de la République lancé en 2005. « C’est bien en tant qu’Arabes, que Noirs ou que musulmans que les populations issues des anciennes colonies sont discriminées et stigmatisées (11) », estime Sadri Khiari, l’un des fondateurs du mouvement. Selon lui, la « violence spécifique dont les Noirs et les Arabes sont l’objet ou qu’ils portent dans leur mémoire en tant que descendants de colonisés et émigrés-immigrés (...) détermine des revendications qui n’appartiennent qu’à eux, comme celles relatives aux discriminations raciales, au respect de leurs parents, à l’abrogation de la double peine ou, pour les musulmans, au droit d’avoir des lieux de prière dignes et de porter le voile. En réalité, même lorsque leurs exigences sont identiques à celles de leurs voisins blancs, eh bien elles sont différentes (12) ».

Ce discours, qui contribue à mettre en concurrence des causes légitimes (celle des classes populaires « blanches » et celle des « minorités ») en privilégiant ce qui les sépare au détriment de ce qui les rapproche, s’appuie sur un postulat discutable : si les Noirs et les Arabes sont discriminés, est-ce essentiellement en fonction de leur couleur de peau ou bien en tant que pauvres ? L’exemple des « contrôles au faciès », à l’origine de fréquents affrontements entre jeunes et policiers, éclaire la problématique. En 2007-2008, deux sociologues ont suivi discrètement des patrouilles de police aux abords des stations de métro Gare-du-Nord et Châtelet - Les Halles, à Paris (13). Passant au crible cinq cent vingt-cinq contrôles, ils constatent que les personnes identifiées comme « noires » ou « arabes » ont respectivement 6 et 7,8 fois plus de risque d’être contrôlées que les Blancs. Mais une autre variable s’avère tout aussi déterminante : l’apparence vestimentaire. Les personnes vêtues d’une « tenue jeune », en particulier celles qui arboraient un « look hip-hop », présentent 11, fois plus de risque d’être contrôlées que celles portant une « tenue de ville » ou « décontractée ». Autrement dit, un « Blanc » avec un survêtement et une casquette — la panoplie de la jeunesse populaire de banlieue — est plus exposé à la répression policière qu’un « Noir » portant un costume et une cravate.

Evidemment, la frontière entre ces variables n’est pas étanche. La jeunesse d’origine immigrée est nettement surreprésentée dans la population affichant un « look hip-hop ». Les discriminations raciales s’ajoutent aux inégalités sociales pour les renforcer, rendant ces deux problèmes indissociables. Le choix d’insister sur tel ou tel critère — la couleur de peau ou l’appartenance aux classes populaires — est à la fois politique et stratégique. Il participe de la définition des fractures de la société française. Souligner la composante sociale des inégalités permet de combattre l’idée que les populations d’origine maghrébine et africaine constitueraient un problème spécifique, totalement distinct des précédentes vagues migratoires et des classes populaires dans leur ensemble.

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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Banshee » 28 Avr 2015, 19:00

Le texte de Quartiers libres :
Problèmes d'orientations chez les chasseurs de confusionnistes :

Il est, actuellement, de bon ton chez certains blogueurs ou militants du monde virtuel d’affubler leurs adversaires ou ennemis politiques de divers qualificatifs diffamatoires et stigmatisants.

Parmi ceux-là, les termes « confusionniste », « rouge-brun », « conspirationniste » ou « antisémite » ont le vent en poupe.

Ces étiquettes sont autant de termes destinés à salir et à discréditer ceux que l’on vise, tout en faisant l’économie d’une critique politique construite.

Quitter le champ politique pour les rivages de la réprobation morale permet de se poser, à peu de frais, en gardien d’une orthodoxie imaginaire, de cacher ses propres faiblesses d’analyse et ses incohérences.

Si le fait d’essayer de poser des lignes de partage idéologique nettes entre son combat et celui de ses ennemis est une intention louable et une nécessité politique, il faut reconnaitre que, derrière cette volonté se cache bien souvent des desseins moins honorables. Cela permet d’exister dans un petit monde politique marginal en distribuant les bons et les mauvais points. Il s’agit alors d’une posture morale davantage que politique.

L’antiracisme et l’antifascisme moral des années 80 et 90 n’ont jamais stoppé le Front National, et l’emploi de l’étiquette de « facho » pour désigner tout et n’importe qui a été contre-productif.

Reprenons une à une les catégories de ces chasseurs.

Depuis le 11/9, le qualificatif « conspirationniste » est employé à tors et travers. Cette étiquette infamante couvre d’opprobre les auteurs de textes présentant des doutes et des critiques légitimes autant que les faiseurs de récits délirants fondés sur une idéologie plus que douteuse. Depuis le début des années 2010, certains militants « antifascistes de sensibilité libertaire » se sont autoproclamés experts en conspirationnisme « de gauche ».

Animés par une logique relevant du soupçon policier, ils considèrent que tout relais de texte ou d’information depuis une source « suspecte » implique obligatoirement une adhésion idéologique totale, même lorsque cela est fait en toute ingénuité. Ainsi, l’utilisation d’un texte venant d’un site conspirationniste, fait forcément de vous un conspirationniste, quand bien même le texte seul ne permettait aucunement de le laisser croire, et malheur à vous si une de vos productions est reprise par ce genre de sites: cela est la preuve irréfutable de vos accointances avec la « bête immonde ».

Il n’est pas question de nier l’existence de thèses conspirationnistes et de leur impact politique auprès des classes populaires et au-delà, mais de mettre en garde contre une propension à l’accusation généralisée contre toute forme de discours critique.

Cette chasse aux sorcières conspirationnistes aboutit à la disqualification de toute remise en cause des discours officiels et institutionnels, ne faisant que délégitimer les critiques contre certains états et organismes financiers. Les doutes ou le scepticisme deviennent suspects contribuant ainsi à faire croire que nous vivons dans un monde libre de toute désinformation, manipulation ou collusion d’intérêts. Cette critique généralisée du « conspirationnisme » ne repose sur aucune analyse politique et provient souvent d’une méconnaissance totale du phénomène. Elle ne fait que jeter l’anathème sur une partie des gauches radicales et des discours critiques qu’elles peuvent porter, servant en cela les intérêts de ceux qui nous dirigent.

Une telle vision des choses aurait conduit, en d’autres temps, à taxer de conspirationnistes ceux qui remettaient en cause la propagande américaine autour des armes de destruction massive irakiennes, ceux qui dénonçaient l’implication de la CIA et du Pentagone derrière nombre de coups d’état militaires en Amérique latine et ailleurs, ceux qui dévoilaient les expérimentations pharmaceutiques sur les populations africaines et ceux qui révélaient les ententes secrètes entre multinationales ou l’existence de certaines coteries commerciales ou politiques .

Étrange posture pour des militants « libertaires » qui rejoignent ainsi des positions similaires à celles des néo-conservateurs et fait cause commune avec des propagandistes néo-libéraux et les gardiens du temple républicain.



Confusionnisme et rouge-brunisme :

Ces qualificatifs stigmatisants, ne répondent jamais à une définition claire tout comme les termes « confusionniste » et « rouge-brun », très appréciés de ces mêmes chasseurs de confusionnistes. Ils renvoient à l’idée d’une stratégie d’infiltration des droites radicales dans les mouvements de gauche pour le premier et à l’« aile gauche » de la révolution conservatrice allemande et du nazisme pour le second. L’emploi de ces étiquettes fourre-tout relève de la pure et simple escroquerie intellectuelle. Ils laissent entendre que les croyances et engagements politiques seraient simples, cohérents et sans ambiguïté, ou que des idéologies opposées ne pourraient se mobiliser sur des combats similaires, et ce même lorsque les raisons de ces engagements n’ont strictement rien de commun.

Selon ces représentants auto-proclamés d’une inquisition « libertaire », la gauche non gouvernementale serait donc infiltrée par d’horribles rouge-bruns visant à promouvoir des thèses d’extrême droite et à soutenir des régimes « malfaisants » (Russie, Chine, Iran, Venezuela). Cette gauche serait le masque de l’Axe du Mal en France.

Tout ce qui ne correspond pas à la vision au demeurant peu claire de ces inquisiteurs est ainsi disqualifié. Parfois, le simple fait d’être « rouge » est assimilé à un début de fascisme, et l’attaque semble difficile à contrer. Pourtant, on est rouge ou on est brun, dans les faits les « rouges-bruns » sont peu nombreux et forment un courant des droites radicales.

Calomniateurs et calomniés ne voient le monde qu’à travers leur prisme occidental. Cette vision franco-centrée fait fi des complexités locales en imposant une lecture du monde ancrée dans un schéma occidental, exact inverse de la vision « campiste » (terme usité par nos chasseurs pour désigner les soutiens à l’axe du mal, sans l’avoir défini). Qu’on le déplore ou qu’on le regrette, c’est l’impérialisme le plus agressif, donc le plus proche, qui est considéré comme l’ennemi prioritaire et non pas le plus éloigné.

De facto Poutine, l’Iran et même la Chine peuvent apparaitre comme des remparts ou des alliés objectifs pour de larges fractions de la population en Amérique latine, en Afrique et dans le monde arabe. À l’opposé, en Europe de l’Est, ce sont les USA et l’UE qui apparaissent comme un rempart face à la Russie.

Au Moyen-Orient, certains voient en l’Iran l’ennemi principal et sont prêts à s’allier avec les USA ou Israël. Inversement, certains voient en la Syrie un rempart face aux TakTaks.

On pourrait multiplier les exemples qui confirment que les analyses partent des situations locales qui conditionnent des stratégies et non une idéologie. L’écrire ne revient pas à soutenir cette stratégie mais simplement d’en rendre compte. Ce refus de la complexité du monde et des rapports de domination aboutit à servir l’impérialisme occidental face à celui de la Russie ou de la Chine.

Avec l’écroulement d’un anti-impérialisme conséquent sur le plan politique et militaire, il ne reste que l’affrontement et la concurrence entre impérialistes.

Il n’est pas question de nier les accointances, les liens et les soutiens de quelques rares militants et de structures dites de « gauche » à des thèses ou à des militants du camp adverse. Les basculements idéologiques et stratégiques existent, mais l’utilisation de termes génériques et de raccourcis sémantiques empêchent de comprendre et donc de combattre ces revirements politiques ouvrant la porte à un système de suspicion généralisée. Les mêmes qui accusent certains d’être des « rouge-bruns » peuvent être la cible de cette accusation par d’autres. N’oublions pas que Pierre Bourdieu a été taxé en son temps de rouge-brun par une presse prête à dégainer ce terme infamant pour disqualifier son positionnement politique. Ces accusations inconsidérées de rouge-brunisme ne font finalement que desservir ceux qui les profèrent. L’accusé a beau jeu de mettre en avant le flou et l’inconsistance de l’accusation, même si celle-ci peut dans certains cas être valable.

Nos chasseurs de rouge-bruns ne semblent pas comprendre le basculement de l’hégémonie culturelle à droite et donc la droitisation générale des cadres de réflexion : primat identitaire et culturaliste, acceptation du capitalisme néolibéral, disparition d’un camp anti-impérialiste, fossé entre gauches et classes populaires, etc.

Autre élément notable caractérisant cette police de la pensée : leur intransigeance à géométrie variable. Ils se montrent intransigeants face aux ennemis des USA et de la France, mais ils sont bien silencieux face à leurs camarades qui soutiennent ouvertement Israël. La lutte contre le colonialisme et le soutien à la résistance du peuple palestinien ne semble pas être inscrits dans leur agenda politique.

Ne parlons pas de la lutte contre l’islamophobie, dont le terme est sujet à des logorrhées verbales visant à le disqualifier à coups d’arguments piochés chez Caroline Fourest, Manuel Valls and co. À leurs yeux, il est plus coupable de relayer des informations issus de médias qu’ils ont à tort ou à raison blacklistés que de se faire le relais de propagandistes ouvertement pro-israéliens ou qui soutiennent la politique gouvernementale française.

Ainsi, le site Conspiracy Watch, animé par un militant du PS et Mondialisme.org, site gauchiste ouvertement sioniste, sont des références pour ces chasseurs de rouge-bruns.

Ils refusent et dénoncent la présence d’organisations musulmanes lors de manifestations ou de conférences mais sont moins regardants avec une gauche chantre de la Françafrique et des interventions militaires à but « humanitaire ».

Sous couvert d’une pureté idéologique dans le positionnement politique, ils se complaisent dans une intransigeance à géométrie variable. En somme, ils sont une incarnation caricaturale à l’extrême des contradictions et des échecs des gauches françaises. On est surtout face à une absence d’action politique concrète et à une fuite dans le virtuel.

Pour en donner un exemple récent assez ironique : un chant de soutien au YPG, que nous avons relayé, appelle à la guerre contre « les hordes salafo-sionistes », est-on face à du confusionnisme, du rouge-brunisme ? Nos chasseurs de confusionnistes ont été bien silencieux, gênés de s’en prendre aux camarades kurdes ?

Antisémitisme:

Le genre de procédés détaillés ici trouve son apogée dans la chasse frénétique aux « antisémites de gauche» dont la démonstration de leur existence se fait toujours attendre.

Cette idée fut mise à la mode, aux débuts des années 2000, par les dénonciateurs, Pierre André Taguieff en tête, d’un « nouvel antisémitisme » censément porté par les arabo-musulmans des quartiers et la gauche radicale. Diffusée, à l’origine, par des figures du néo-conservatisme et de l’extrême droite, elle rencontre depuis quelques temps une fortune nouvelle tant au gouvernement Hollande que chez des militants gauchistes de papier (ou plus exactement de clavier) qui, perdus dans les airs ou les cafés de Montreuil et de Nanterre passent leur temps à se rependre virtuellement sur le prétendu antisémitisme de leurs « camarades ».

À un niveau international, ce « nouvel antisémitisme » en grande part fantasmé sert les intérêts israéliens et permet, au niveau national, de réhabiliter une extrême droite qui se serait débarrassée, comme par magie, de ses oripeaux antisémites.

Cette dénonciation d’un « nouvel antisémitisme » intégrée par des militants de gauche, leur permet de manifester un soutien à Israël qui ne s’accorde que peu à leurs prétendues positions idéologiques.

Faisant preuve d’une absence totale de rigueur historique et adoptant une définition extensible de l’antisémitisme, ils abreuvent la toile de textes larmoyants et décontextualisés où les raccourcis douteux rivalisent avec des raisonnements fallacieux.

Les récentes attaques contre les positions du PIR (organisation critiquable comme toutes les autres quant à sa stratégie et ses analyses politiques) sur le philosémitisme d’État et le racisme en sont un exemple parlant. Si le texte du PIR peut bien évidemment être discuté et critiqué, il a valu à son auteure de se voir comparée à l’antisémite Édouard Drumont. Pourtant, un simple coup d’œil au bestseller du pape de l’antisémitisme, La France juive (1886), ou à son journal, La Libre Parole, suffit à montrer l’inanité de ce rapprochement.

Visiblement, ces contempteurs ne se sont même pas donné la peine de regarder la prose des antisémites réels.

Les raccourcis historiques sont la norme.

À force, de se référer à ce que l’on ne connait pas, on finit par dire n’importe quoi, mais cela n’est pas le souci de ces paresseux rageurs et pleins de suffisance. La chasse aux antisémites imaginaires à gauche leur permet de refuser d’aborder la réalité de l’antisémitisme en France et ailleurs, et de disqualifier par un usage foutraque le terme lui-même en l’accolant à tout le monde.

En fin de compte, ils n’aboutissent qu’à produire l’effet inverse de ce qu’ils prétendent obtenir.

L’histoire apprend à se méfier des postures moralisantes et à ne pas oublier que certains philosémites et antifascistes virulents des années 1930 se sont mués en fer de lance de l’antisémitisme et/ou du fascisme ; le cas de Gaston Bergery est à cet égard instructif.

La disqualification, à défaut de la clarification, peut amener certains chasseurs à ressembler de plus en plus à leurs proies.


repris joyeusement par Chouard, ReOpen, l'Action Française (si si...)

Et la réponse d'AQNI :

Edit : les copies d'images ne sont plus lisibles. Donc, voici le lien à lire à partir de la page 3.
http://www.fichier-pdf.fr/2015/04/30/br ... ew/page/3/
Modifié en dernier par Banshee le 01 Mai 2015, 22:48, modifié 1 fois.
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Alex » 28 Avr 2015, 20:39

A noter que Quartiers Libres a, pour se refaire une virginité anti-conspi, publié un article intégralement pompé sur les Morbacks véners sur la dangerosité du cas Chouard. Voilà voilà.
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede abel chemoul » 04 Mai 2015, 10:14

Tout le monde n'est pas d'accord au NPA sur les alliances à faire avec le PIR, surtout suite à la sortie de Boutelja à Oslo. Deux textes de réflexions personnelles sont sorties coup sur coup.
texte pro-PIR: http://www.npa2009.org/idees/la-gauche- ... isemitisme
texte anti-PIR: http://www.npa2009.org/idees/un-autre-p ... -bouteldja
Si cette affaire a les mêmes conséquences que l'affaire de la candidate voilée il y a quelques années, le NPA va encore se balkaniser un peu plus.


Le texte anti-PIR signale au passage une déclaration récente de Boutelja (après son discours à Oslo) tenue dans Vacarme :
"Il y a des priorités. Nous devons d'abord exister pour nous-mêmes et construire notre propre espace. Notre choix premier est de toujours parler aux indigènes, de ne pas perdre le fil avec nous-mêmes - en particulier quand nos alliés nous somment de condamner Dieudonné... Ce sont des positions très dures à tenir quand on pense aux deux pôles entre lesquels nous sommes pris : d'un côté les indigènes sociaux qui sont très sensibles, par exemple, aux questions relatives à Dieudonné, que certains voient comme un héros, un résistant; de l'autre, nous avons construit un système d'alliance avec certains milieux de gauche pour qui Dieudonné est un fasciste. Quand nous devons sacrifier l'un de ces pôles, c'est celui des blancs que nous sacrifions."
En gros elle confirme ce qui a déjà été sous-entendu de longue date au PIR: elle préfère un "indigène" antisémite à un "blanc" de gauche. Si on suis sa logique racialiste, l'AL devrait préférer un néonazi à un sans-pap...
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Re: Islam, islamophobie et extrême-gauche

Messagede Alex » 04 Mai 2015, 17:00

Boutleja fait l'unanimité au sein du PIR ? Elle tient des propos de plus en plus craignos et qui, pour le coup, tiennent vraiment du communautarisme (en l’occurrence, faire passer le statut de descendants de colonisés avant le positionnement politique)
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