Le pouvoir au peuple, pas aux politiciens

Le pouvoir au peuple, pas aux politiciens

Messagede digger » 03 Jan 2014, 16:11

Un document pas vraiment original, mais qui rappelle quelques évidences à la veille d’échéances électorales . Cela illustre aussi le sujet Pirouette et cacahuètes viewtopic.php?f=73&t=3470#p51487


Le pouvoir au peuple, pas aux politiciens! Une Critique de l’électoralisme socialiste
Par le Collectif du Minnesota de la First of May Anarchist Alliance
Novembre 2013
http://m1aa.org/?p=797

I.
Tout autour des quartiers de Central, Corcoran, Phillips et Powderhorn à Minneapolis on peut voir les panneaux rouges & blancs d’un mètre “Ty Moore à la Mairie”, symboles de l’effort impressionnant que la campagne organise. La littérature de cette campagne met en avant la justice sociale, en particulier le mouvement actuel pour défendre les propriétaires contre une hypothèque et une expulsion.. Le Parti Vert (deuxième parti à Minneapolis) et, de manière significative, la direction du syndicat SEIU (1) soutiennent la campagne de Ty – appelant à un défi clair pour une gouvernance démocrate-agriculteurs-ouvriers pour Minneapolis. Qu’est-ce qu’il y a de mal à cela ?
Pas mal de chose, en réalité. Les campagnes électorales, y compris celle-ci, ont pour but de mettre "notre homme" au pouvoir – le gouvernement – et "d’éduquer" la population sur des questions importantes. Mais quelle sorte de pouvoir est-ce cela? Et qu’enseigne-t’on à la population ?

II.
Le gouvernement n’est pas une institution démocratique. C’est une bureaucratie sous forme de pyramide avec plus de pouvoir et moins de personnes plus on monte. "L’État", comme les anarchistes appellent le gouvernement, – y compris la Mairie – est un système imposé à la population et à la terre dans lequel l’autodétermination est enlevée au peuple pour être "confié à un petit nombre. Et, par usurpation ou par délégation de pouvoir, ce petit nombre se trouve investi du droit de faire les lois sur tout et pour tous et de contraindre le peuple à les respecter en se servant au besoin de la force de tous..” (Malatesta, un anarchiste italien de la vieille école) (2)
L’État s’imbrique dans et est généralement subordonné à la hiérarchie économique des super-riches, leurs entreprises et leurs banques – ce que le mouvement Occupy a appelé “le 1%” et ce à quoi les anarchistes se réfèrent comme la “classe dirigeante”. Ensembles, la classe dirigeante et l’État contrôlent le système d’exploitation, d’oppression et d’aliénation – et les guerres, les bas salaires, les brutalités policières, le harcèlement sexuel, la gentrification, la destruction de l’environnement l’ennui et la dépression qui en résultent et qui dominent nos vies.
Donner la priorité à une campagne électorale municipale s’apparenterait à prétendre que les travailleurs devraient consacrer leur énergie à choisir la bonne personne pour être leur PDG ou entrer dans le conseil d’administration.

III.
Historiquement, la population s’est organisée de deux manières pour s’opposer à ce système :
La Réforme ou la Révolution.
La réforme est l’idée que le système peut être modifié avec succès et amélioré à travers des moyens légaux et notamment la participation à ses canaux officiels tels que les groupes de pression et les élections. Les réformistes prétendent que c’est l’approche réaliste et pacifique pour le changement.
Le problème est que le système, très habile à incorporer et à coopter les efforts réformistes, s’est montré incroyablement résistant à tout changement structurel fondamentale mené de l’intérieur. Il est construit de manière à administrer la division de classe, le racisme, le sexisme et l’ homophobie – pas pour y mettre fin. Celles et ceux qui acceptent la logique d’aide au système sont récompensés. Beaucoup plus de réformistes ont été changé par le système que le contraire.
Les réformes les plus significatives sous le capitalisme ont été en réalité le produit des luttes menées de l’extérieur du système et non par des politiciens amis à l’intérieur. Des grèves sur le tas, du mouvement pour la libération des noirs, de la résistance à la guerre, jusqu’à ACT-UP et aux grèves des immigrés le 1er mai, – les mouvements militants de masse utilisant l’action direct en dehors du système ont contraint les gouvernements de gauche comme de droite à satisfaire les revendications populaires.
Les révolutionnaires veulent empêcher ces mouvements indépendants de défendre seulement les acquis du passé ou de ne présenter que des revendications limitées lorsqu’ils passent à l’offensive, en mettant en cause toutes les relations sociales autoritaires et le système qui les gère et les défend. Cela demandera une révolution sociale qui expropriera les riches, dissoudra l’appareil d’État, renversera le patriarcat structurel et culturel (le sexisme) et la suprématie blanche (le racisme) et construira une auto-gouvernance décentralisée, directement démocratique et écologique à partir du bas. Faire campagne pour des municipales, c’est se détourner de nos tâches.

IV.
Mais la campagne électorale de Ty ne soulève-t’elle pas au moins des questions intéressantes? N’enseignera t’elle pas le socialisme à la population ?
Tout d’abord, des mouvements dans la ville avaient déjà soulevé les questions de bas salaires dans les services, de la crise des hypothèques et des droits des immigrés. Nous n’avons pas besoin d’un politicien pour légitimer ces mouvements. Plus troublante est la constatation que cette campagne porte ces revendications à un niveau plus élevé. Ce ne seront pas les résolutions du conseil municipal qui empêcheront les hypothèques ou augmenteront les bas salaires mais une collectivité mobilisée prête à empêcher physiquement les expulsions du shérif et des travailleurs organisés prêts à faire grève.
Deuxièmement, la campagne de Ty Moore n’en dit pas long sur le socialisme. La campagne ne mentionne pas le capitalisme, le socialisme, le contrôle ouvrier ou la révolution . C’est un choix important. Ty Moore fait campagne pour réformer le capitalisme, pas pour l’abolir.
Mais les campagnes électorales nous en enseignent davantage que ce qui est écrit dans leurs programmes. Même si la campagne était plus explicitement radicale, elle dit aux gens que le changement social viendra en élisant de meilleurs politiciens . Elle présente toutes les caractéristiques d’une campagne institutionnelle – l’adoration pour un seul individu, l’exagération de son “leadership”, des promesses creuses"d’obtenir des résultats pour vous". Il s’agit d’une approche élitiste qui renforce la passivité des gens en faisant de quelqu’un d’autre le “leader” qui fera , au lieu de proposer à tous de prendre le contrôle de nos propres vies. Les militant-es et les membres de la collectivité qui se sont lancés dans la campagne de Ty Moore n’ont pas comme priorité d’organiser des face à face pour planifier des actions directes sur les lieux de travail , dans les établissements scolaires ou dans les quartiers , ou de discuter et de débattre du remplacement de la police raciste par des milices communautaires, ou comment les rôles étroits entre sexes étouffent notre humanité ; ou encore comment construire un pouvoir à la base contre la bureaucratie syndicale. Ils/elles se mobilisent autour de "notre homme" et encourage les gens à collecter des fonds et à aller voter. C’est la principale leçon que les participant-es à la campagne ont reçu : comment participer à ce système injuste.

V.
Alternative Socialiste a réuni un front impressionnant autour de son candidat. La campagne le décrit comme une rupture: “Une large coalition est en train d’émerger comme base de pouvoir alternative anti-multinationales à Minneapolis, unissant des dirigeants syndicaux avec des socialistes, des écologistes avec des démocrates déçus, des leaders de block club (3) avec des agriculteurs, des défenseurs des droits de l’homme avec des organisateurs LGBT, des commerçants somaliens avec des Maisons Occupées ”.
Ce que nous notons au sujet du noyau dur de cette coalition , c’est qu’il est constitué d’organisations influencées et financées par la direction de la SEIU, et partage leur réformisme du haut vers le bas, dirigé par des professionnels, avec un vernis militant. Il semble que la direction de la SEIU reconnaît une approche similaire dans la campagne de Ty et qu’elle a calculé qu’une rupture avec le DFL (4) ici aiderait à consolider l’hégémonie de ce genre de politique envers la collectivité, le monde syndical et les militants sociaux de Minneapolis. Non seulement le réformisme est inadéquat pour combattre le capitalisme et l’État, mais, pour garder sa place au sein du système, les réformistes doivent être en mesure de maintenir l’ordre au sein des radicaux et de la base. Sur le plan national, la SEIU a employé la manière forte avec ses dissidents internes (comme placer des militants locaux sous tutelle) et Occupy Homes (5) a évincé ses solides militants anarchistes. Un des principaux dirigeant de l’organisation sœur britannique de Socialist Alternative a menacé de "donner les noms" des centaines de militants qui se sont confrontés à la police durant les émeutes de la Poll-Tax contre la politique de Margaret Thatcher. Nous ne devrions pas systématiquement partir du principe qu’un socialiste à la mairie serait un allié pour les mouvements sociaux radicaux.

VI.
La campagne de Ty Moore a réussi à faire des remous et qu’il perde ou qu’il gagne (6), en défiant le DFL, elle pourrait avoir ouvert un espace pour une politique alternative à Minneapolis. Ces aspects positifs potentiels sont minés par la nature du projet : une campagne radicale réformiste pour entrer au gouvernement. Toutes nos expériences démontrent qu’elle perdra son radicalisme et n’obtiendra aucune réforme significative.
Même si nous nous opposons aussi bien sûr à la principale adversaire de Ty, Alondra Cano (la candidate DFL soutenu par l’ establishment de la ville et par quelques militant-es) et que nous n’essayons pas de saboter les efforts de Socialist Alternative, nous ne pouvons soutenir aucun politicien, y compris la campagne de Ty Moore.
Nous sommes enthousiastes envers les possibilités croissantes en vue d’un changement radical et le réseau incroyablement complexe d’organisations et d’individus qui luttent et expérimentent différentes approches – mais il est crucial que des mouvements trouvent des manière de réfléchir et d’évaluer nos expériences et notre histoire.  Nous comprenons que quelques ami-es et allié-es considèrent différemment la situation. La discussion et le débat sont bons pour le mouvement. Nous considérons ceci comme une contribution dans le cadre d’une conversation en cours et avons hâte de combattre à vos côtés aussi souvent que possible .
Nous continuerons à porter nos efforts sur la construction de mouvements radicaux autonomes d’ouvriers, d’étudiants, de prisonniers et d’exclus. Notre objectif est la révolution, pas seulement des réformes. Notre force réside dans les quartiers, les lieux de travail et d’enseignement – pas dans un isoloir.
Pour un socialisme sans politiciens
Le Pouvoir Au Peuple, Pas Aux Politiciens!

NDT
1. Service Employees International Union Un peu plus de 2 millions d’adhérent-es, actif dans le milieu sanitaire, les services publics et la surveillance. Fidèle soutien d’Obama (28 millions de $ dépensés pour la campagne électorale de 2008)

2. Sic. L’anarchie http://kropot.free.fr/Malatesta-Anarchie.htm

3. Sorte d’assemblée de quartiers

4. DFL Democratic-Farmer-Labor Party http://www.dfl.org/

5. http://www.occupyhomesmn.org/

6.Pour la petite histoire, dans la neuvième circonscription, Ty Moore a perdu contre Alondra Cano,par 1 987 voix contre 1 758.
digger
 
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Re: Le pouvoir au peuple, pas aux politiciens

Messagede digger » 04 Jan 2014, 11:14

Un article dans Libcom sur le même thème. (30/12/2013)
Socialist electoralism and the capitalist state
http://libcom.org/blog/socialist-electoralism-capitalist-state-30122013
digger
 
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Re: Le pouvoir au peuple, pas aux politiciens

Messagede bipbip » 07 Mai 2017, 18:31

Jacques Rancière : « Le peuple est une construction »

Nous ignorons qui des deux candidats occupera bientôt le trône. Nous savons seulement qu’il faudra, plus encore que naguère, tenir tête au nouveau pouvoir — qu’il ait le visage d’un Golden Boy, carnassier à temps plein et apôtre de Margaret Thatcher, ou celui d’une héritière, républicaine auto-proclamée escortée de fascistes en cravate. Il fut souvent question du « peuple », le temps de cette campagne ; aux commentaires médiatiques du match de la veille, préférons le temps long : le philosophe Jacques Rancière nous parle, justement, de ce « peuple » qui n’est, à ses yeux, pas la population mais la somme des anonymes en paroles et en actes. Le peuple de la démocratie, mot dont l’auteur de La Méthode de l’égalité tient à nous rappeler tout le tranchant tant que « l’État [sera] gouverné par des drogués du pouvoir et des représentants des intérêts financiers ».

... http://www.revue-ballast.fr/jacques-ran ... struction/
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