Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Rataxes » 14 Nov 2013, 13:52

Salut. Je place ce post ici, après avoir hésité avec "mouvement politique et sociaux". Mais il me semble que dans la mesure ou il s'agit d'une proposition de base théorique commune, le message a plus sa place ici. Déplacez le si vous pensez que c'est mieux...
Nous ( le collectif tantquil, http://www.tantquil.net) avons essayé de définir le plus simplement possible ce que nous entendons par "communisme antigestionnaire".

Pour un réseau communiste antigestionnaire

Le collectif tantquil, son site Internet et sa revue, a déjà deux ans. Ces deux années à développer des analyses abordables, à réunir des personnes issues notamment de divers courants communistes et/ou libertaires, autour de discussions et de débats publics nous poussent aujourd’hui à franchir un pas. Parce que nous sommes face aux mêmes limites et aux mêmes nécessités (la difficulté de lutter. La nécessité de parler de tactique. La nécessité d’exister, d’avoir une expression publique). Nous proposons de constituer un réseau.


Nous n’entendons pas mettre en avant des pratiques particulières, des formes de luttes spécifiques, il s’agit de mettre nos forces en commun : mettre en commun de la thune, partager nos analyses et informations, parler de nos tactiques locales, le tout à une échelle plus large que ce qui existe actuellement, mais aussi dans des cadres formels.

Bien sûr, il existe déjà des formes de réseaux, souvent basés sur des logiques de milieux, c’est-à-dire informelles et affinitaires. Mais cela ne nous satisfait pas. En effet, cela favorise des mécanismes de cooptation, enferme dans un entre-soi confortable, limite fortement les possibilités d’ouvertures… Bref, participe souvent à exclure les personnes qui ne correspondent pas à un certain modèle militant ce qui est mine de rien, une contradiction importante par rapport à nos positions !

Bon, on ne dit pas que l’on va régler toutes ces questions juste en montant un réseau, mais cette formalisation permet de poser ces questions et de tenter d’y répondre ensemble et en actes.

Si nous voulons former ce réseau, c’est aussi pour donner à nos positions les moyens d’avoir une existence publique à une échelle plus large.

Il ne s’agit pas dans ce texte de détailler la forme de ce réseau, car ce n’est pas à nous de la fixer : elle sera à déterminer collectivement. Mais plutôt d’expliciter ce que nous entendons par « communisme antigestionnaire » afin de proposer une base commune.



6 ans déjà que le monde est en crise, et aucune perspective de relance de l’économie ne se dessine, si l’on excepte les gesticulations régulières de la presse bourgeoise: autant le dire, ce n’est pas près de s’arrêter.

De la Chine aux USA, en passant par le Moyen-Orient, tous les continents sont secoués par cette crise. L’Europe est aux premières loges. Le nombre de pays au bord de la faillite augmente année après année, dans une valse sans fin de plans d’ajustements structurels toujours plus brutaux.

Dans ce jeu de domino, certains peuvent, en tombant, faire basculer l’ensemble. Aujourd’hui, c’est le cas de la France qui possède plusieurs banques parmi les plus grosses du monde, un des principaux marchés et la deuxième économie de la zone euro… Et déjà 5 millions de chômeurs.

Nous ne sommes pas en mesure de prévoir les prochains épisodes de la crise, de l’austérité et de ses conséquences. Mais on peut affirmer avec certitude que notre situation sous le capitalisme ne peut aller qu’en empirant. Nous pouvons quand même anticiper ce qui va nous tomber dessus : aggravation de la crise du logement, augmentation du chômage, baisse des salaires directs et indirects (chute des allocations, réforme des retraites), dégradation des conditions de travail… Le tout entraînant la détérioration spécifique de la situation des femmes prolétaires, parce qu’elles sont majoritairement concernées par le travail précaire et parce qu’une telle dégradation signifie une augmentation écrasante du travail domestique. Il suffit de voir du côté de l’Espagne, de la Grèce, de l’Italie pour observer tout cela; et il serait bien illusoire de penser que cette vaste dégradation des conditions de vies des prolétaires peut, comme le nuage de Tchernobyl être arrêtée par les frontières françaises.

En somme, il n’y a pas assez richesses pour tout le monde. Pour que la masse de capital continue à valoir quelque chose, à être rentable, il faut qu’elle rapporte toujours plus. Cela signifie qu’il faut en permanence que les capitalistes augmentent leurs profits.

Augmenter ses profits, cela peut vouloir dire pour une entreprise particulière, innover, trouver de nouvelles techniques de production, etc. Mais pour l’ensemble de l’économie, cela signifie surtout baisser les salaires, appauvrir les prolétaires. Ce n’est pas un secret, c’est ce que dans un mouvement collectif, patrons, États et Cie appellent « la compétitivité ».

Si nous avons du mal à boucler les fins de mois, les États ont quant à eux du mal à boucler leurs budgets. Une même logique est à l’œuvre, il s’agit dans tous les cas d’augmenter la part de richesse créée qui va au capital.

Mais cela n’est pas sans poser problème : pour les États, comme pour les prolétaires, les budgets sont dans le rouge. Certes, il semble toujours possible de s’endetter pour faire face aux dépenses courantes. Et cela fait des années que c’est le cas, et que l’endettement privé et public explose.

Lorsque des prolétaires sont en faillite, on saisit leurs biens. On les expulse de leurs maisons. Ensuite, on revend ces biens, et les banques se remboursent. Lorsque des millions de prolétaires sont en faillite, on saisit aussi leurs biens. On les expulse aussi de leurs maisons. Mais il n’y a personne pour les racheter, et les banques qui leur ont prêté de l’argent risquent à leur tour de tomber. C’est ce qui s’est passé en 2008, et à l’époque les États ont sauvé le système bancaire mondial. Aujourd’hui, ce sont les États qui menacent d’être en faillite. Et derrière, il n’y a plus rien pour garantir le système bancaire, pour garantir la valeur de l’argent.

Alors les capitalistes montrent les dents, et vont chercher l’argent où il se trouve, à la source de toute la richesse créée : Nous. Il s’agit d’écraser le prolétariat sous le travail, tout en le payant le moins possible. De supprimer toutes les conventions collectives. De licencier tout le monde, puis de réembaucher au compte-goutte, à leurs conditions. De faire travailler gratuitement les chômeurs et les chômeuses

Pour nous, les prolétaires, cela se résume en un mot : pénurie. Pénurie de logements, alors même que des millions de maisons sont vides. Pénurie de bouffe dans nos placards, alors même que des millions de tonnes sont produites et jetées. Pénurie de pognon sur nos comptes en banques, alors même que la quantité de monnaie en circulation augmente énormément.

Mais cela ne suffit toujours pas, la récession entraînant la baisse des recettes de l’état, et donc plus de déficits, entraînant plus d’attaques…

Jusqu’au moment où la monnaie même risque de tomber en crise, et où il n’y a qu’une alternative : défendre ce système et le gérer ou bien le détruire. C’est là que la situation peut basculer, soit vers notre écrasement et une réorganisation du capitalisme ; soit vers la révolution communiste. Autrement dit : Continuité de l’exploitation, ou rupture.

Mais il ne s’agit pas ici de désigner une utopie lointaine : nous sommes pour le communisme, c’est-à-dire pour un mouvement révolutionnaire qui abolit les classes, les genres, l’État, la valeur, la propriété… La liste est longue de toutes les merdes qui forment le capitalisme et qu’il faudra supprimer.

Et nous pensons que la dynamique de cette suppression, c’est l’abolition des classes et des genres. Ces deux mouvements nécessitent de fonctionner parfois de manière séparée parce que le rapport homme/femme est conflictuel. Par l’expression « ces deux mouvements », nous entendons la lutte des prolétaires pour l’abolition des classes et, au sein du prolétariat, la lutte pour l’abolition des genres qui implique l’auto organisation des femmes entre elles. Mais nous pensons que ces deux mouvements ne seront qu’un moment de la suppression générale du capital, ce qui est l’affaire de tous et toutes.

Face à nous, il y a le capital et les impératifs de sa gestion. Il s’agit de gérer le business, c’est-à-dire la misère pour presque tout le monde. Tous les discours gestionnaires, qu’ils entendent moraliser, réformer le capitalisme, ou même qui prétendent l’abattre, reposent sur le même principe: le maintien, aménagé de manière différente, des classes sociales et des genres.

Ces discours gestionnaires se développent à des échelles différentes :

- La gestion des affaires courantes : la « bonne gouvernance ». Les coalitions roses, vertes, bleues, oranges, au pouvoir en Europe et ailleurs.

- La gestion alternative : les différents « populismes », les keynésianismes, les souverainismes… Le retour à la drachme ou à la lire italienne. Le SMIC a 1500 euros ou a 10 000 francs ou encore les discours opposant le « banquier immoral et apatride » à « l’honnête patron du coin »…

- La gestion alternativiste: le mutuellisme, les monnaies alternatives, l’autogestion de la misère.

Il ne s’agit pas ici de critiquer les tactiques de survie qui consistent à se partager les miettes. Il s’agit de dire que cela ne constitue en rien une stratégie de sortie du capitalisme. Au contraire, elle ne peut fonctionner que dans le cadre de celui-ci.

On retrouvait, par exemple, ces trois niveaux de gestion en Argentine il y a dix ans. Les entreprises autogérées ont pu participer à la relance de l’économie. Les monnaies alternatives ont été finalement acceptées par l’État (notamment pour lever les impôts), lui même entre les mains de keynésiens (péronistes) qui ont fini par rembourser le FMI. Chacun trouve sa place à son échelle, les différents niveaux de gestion s’articulent pour remettre le capitalisme en route depuis la petite collectivité, jusqu’à l’échelle supra-nationale des institutions monétaires.

Il s’agit dans tous les cas de gérer la pénurie. Pour cela, il faut que les prolétaires hommes et femmes retournent au boulot quitte à bosser gratos par moment. Et parmi eux, que les femmes assument en plus, la charge de la reproduction au sein du foyer. Cette charge est alourdie en temps de crise. Être obligé de faire 10 km de plus pour faire ses courses et payer 20c de moins par produit est un des exemples quotidiens de cette intensification de la journée de travail des femmes.

Si le capital a gagné en Argentine grâce à la bonne gestion et au partage dit « équitable » cela ne veut pas dire qu’il gagnera toujours. Il gagnera tant que les règles du jeu seront les siennes, celles de l’exploitation, de la gouvernance de la pénurie et de la crise.

Ce que nous voulons dire, c’est que ça ne peut pas bien se passer : Gérer la crise sera toujours aménager la défaite et qui dit défaite, dit un bon paquet de personnes sur le carreau. Nous sommes trop nombreux pour les miettes toujours plus petites que l’on peut récupérer. Alors autant jouer la gagne.

Voilà pourquoi nous nous définissons comme communistes anti-gestionnaires.

Ce positionnement est issu d’une adhésion, c’est-à-dire qu’il entre en jeu autre chose que le calcul froid de nos intérêts individuels : face à la débrouille individuelle ou collective, nous voulons nous en sortir ensemble, et par ensemble, on entend tout le monde.

Enfin, nous pensons que c’est dans la perspective d’un mouvement social de lutte contre l’austérité, que les nécessités évoquées plus haut se feront sentir face aux différents discours et pratiques gestionnaires auxquels nous serons confrontés et qu’il faudra combattre.

Nous ne développerons pas plus ici. Il reste beaucoup à dire, à écrire, à discuter. Si vous vous retrouvez sur les bases que nous décrivons, nous vous invitons à diffuser ce texte.

http://www.reseauantigestion.org
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Pïérô » 14 Nov 2013, 15:26

Cela me semble bien confus. Si se démarquer du léninisme amène a abdiquer sur des fondamentaux communiste libertaire je vois pas vraiment l’enjeu politique. Je ne vois pas bien le rapport au communisme tel qu’il a émergé au sein du mouvement ouvrier et que le mouvement anarchiste s’est approprié en lui donnant un peu de sens, et en prenant exemples et éléments dans l’Histoire du mouvement ouvrier (Ukraine, Espagne, etc...). La question de la gestion et du pouvoir est bien ligne de fracture a différents endroits, d’une part avec les léninistes et d’autre part avec les confus et anarchoïdes individualistes libéraux. Le communisme a bien une dimension gestionnaire collective, une dimension en projet de société qui pourtant pouvait rassembler puisque Marx au delà de la transition passant par le socialisme d’Etat, le truc empoisonné, ramenait au même plan anarchie et communisme. C’est à partir de l’analyse de ce que l’on nous a servi en “communisme” mais en réalité en capitalisme d’Etat qu’il y a matière à construire du sens. Je pense que cette initiative au lieu de participer à créer du sens est en l’état un peu malheureuse, et ne participe pas vraiment à éclairer la dimension communiste de notre combat avec un projet de société qui tiendrait la route. Il y a là aussi un autre problème à mon sens sur la question de la dynamique autogestionnaire, car il me semble lire que les expérimentations de ce type seraient condamnées en laissant penser à l'avènement de la révolution comme un phénomène qui tomberait du ciel. Pour le côté révolutionnaire, ce genre de truc sorti d’un chapeau de magicien, en concept de "communisme antigestionnaire" un peu comme le concept de "communisation" auparavant, ressort d’avantage du côté sombre de la force alors que je pensais que tranquil.net participait à éclairer. :wink:
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Autogérer

Messagede altersocial » 14 Nov 2013, 21:21

Gérer:
Du latin gerĕre, gestum (« porter sur soi », « produire, enfanter », « conduire, gérer », « jouer le rôle de, représenter », « exécuter, mener ») dont le fréquentatif est gestare (« porter habituellement sur soi », « colporter »). La racine verbale *ges subit un rhotacisme en *ger (fréquent en latin, voyez à ce titre Rhotacisme sur Wikipédia). De là l’alternance gérer / gestion qui subsiste dans les composés du verbe.


Gérer c'est donc administrer. Administrer les choses. Autogérer le communisme c'est quoi le problème ? :wink:

Comme disait un vieux barbu:
On devra passer du "gouvernement des hommes à l'administration des choses". Plus de pouvoir politique, plus de gouvernement. Agir sur les choses, et non plus sur les autres.

A moins de penser que le communisme est une dictature politique ou une prestidigitation permanente. L'un comme l'autre étant le produit du même manque de confiance élitiste en la capacité des masses.


Un communiste autogestionnaire :mrgreen:.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede leo » 15 Nov 2013, 12:33

Personnellement, je vois ce texte comme un point de vue « anti-réformiste ».
Ce qui est pointé, c’est l’autogestion ou les alternatives que certains prônent et/ou mettent en place dans cette société.
Le texte donne des exemples de ça : l' autogestion d’entreprises comme en Argentine ou ailleurs, le pouvoir politique local ou gouvernemental avec plus de « participation » et de consultation populaire, la revitalisation d’une « économie nationale », ou les petites « alternatives locales » comme les monnaies à l’échelle d’une ville, d’un canton… et les stratégies qui visent les conséquences d’un phénomène et non ses causes, comme les campagnes contre « la dette » menées par des courants comme ATTAC, les gauches dites alternatives, des syndicats comme SUD, la Fondation Copernic, le Monde Diplomatique, les ex-altermondialistes des Forums sociaux, des ONG...
Pour tous ces gens, il ne s’agit de combattre le capitalisme et l’exploitation mais le libéralisme et la « finance ». Ils recherchent ce que pourrait être un nouveau keynésianisme, un capitalisme mieux régulé, mieux « géré » et un peu moins inéquitable.

Il y a toute une mouvance qui se définit par rapport à ça, avec des gens qui, par ailleurs, peuvent se dire communistes, ou anarchistes, ou écologistes ou sans autre étiquette qu’« alternatifs » ou « autogestionnaires ».

Cela fait partie de toute une tradition politique du mouvement ouvrier qu’on peut résumer en une formule : gérer les acquis. Et là, on a toute la ribambelle de ce qui a été fait : les mutuelles, les coopératives, la conquête des municipalités, puis de postes de députés, la gestion d’associations à caractère social, culturel, éducatif, de syndicats intégrés au système et fonctionnels avec lui, des comités d’entreprises… Et tout cela se gère, avec des budgets, des moyens, des administrateurs, des permanents, des salariés, des gens à qui l’on rend des services (et d’où peuvent naître des rapports de type clientéliste), des subventions sans lesquelles rien ne fonctionne et donc des rapports avec le pouvoir politique qui peut « aider » à débloquer un dossier, avec les administrations pour la gestion courante, etc…

Et tout cela a formé ce qu’on a appelé historiquement le réformisme. Ça a été un ensemble de projets, avec des trajectoires de conquête de pouvoirs et d’espaces dans le cadre du capitalisme et dans les instances politiques de la société bourgeoise parlementaire.

La critique politique de cette tendance a rejouer toujours cette même partition me semble plutôt salutaire.
leo
 
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Rataxes » 15 Nov 2013, 16:11

Peu importe comment on appellera le fait de s'occuper des choses dans la société communiste. Ce n'est pas l'objet de ce texte de lancer un débat là dessus.
A vrai dire, ça me rappelle le débat qu'on a lorsqu'on dit qu'on veux abolir le travail : "il faudra bien produire, qu'est-ce que ça veux dire, c'est jouer sur les mots, etc" ou encore l'économie " on aura toujours besoin d'une économie "...
Le truc, c'est qu'en effet on produira des trucs, et en effet, on aura des besoins à satisfaire.
Mais le concepts de "travail" comme celui d"économie" sont déterminés par le capitalisme: le travail, c'est le travail salarié ou domestique. L'économie, c'est l'économie capitaliste.
Dire qu'on va abolir le travail signifie le travail tel qu'il est sous le capitalisme.
( C'est peut-être plus simple dans d'autre langues qui utilisent des mots différents pour travail et activité productrice, comme en anglais avec work et labor... )

Maintenant, venons en au fait. Pourquoi parlons nous de gestion? Pourquoi on se qualifie de communiste antigestionnaire ?
Par ce qu'il nous semble que c'est dans la période qui s'ouvre, une nécessité de s'opposer à toute forme de gestion du capital, c'est à dire, comme nous le soulignons dans le texte, de la pénurie capitaliste.
Comme l'écrit justement léo:
leo a écrit: gérer les acquis. Et là, on a toute la ribambelle de ce qui a été fait : les mutuelles, les coopératives, la conquête des municipalités, puis de postes de députés, la gestion d’associations à caractère social, culturel, éducatif, de syndicats intégrés au système et fonctionnels avec lui, des comités d’entreprises… Et tout cela se gère, avec des budgets, des moyens, des administrateurs, des permanents, des salariés, des gens à qui l’on rend des services (et d’où peuvent naître des rapports de type clientéliste), des subventions sans lesquelles rien ne fonctionne et donc des rapports avec le pouvoir politique qui peut « aider » à débloquer un dossier, avec les administrations pour la gestion courante, etc…


Ce que nous disons, c'est que ça ne peux pas bien se passer, de cette manière là : que dans une période ou le capital va serrer de plus en plus la vis, la seule manière de "bien gérer" les acquis, consistera toujours plus a en restreindre l'accès.
Il y a ceux qui peuvent profiter du partage des miettes, et les autres. Car il n'y a pas assez de miettes pour tout le monde, le gâteau rétrécit...

A une époque il a semblé nécessaire aux communistes de se baptiser également libertaire. Il s'agissait de s'opposer aux étatistes. En substance ceux ci disaient " ne vous inquiétez pas, nous somme comme vous pour le communisme, mais tout d'abord, laissez nous utiliser les armes de l'état pour parer au plus pressé, pour remettre les ouvriers au travail et réprimer les anciens exploiteurs"...
En réalité, cela ne consistait, comme tu le soulignais Pïérô, qu'à créer un capitalisme d'état.

Nous disons qu'aujourd'hui, il est nécessaire de s'opposer à tout ceux qui sous prétexte que c'est irréaliste de lutter pour le communisme que la gratuité est un leurre, etc et qui préfèrent gérer le capitalisme a leurs sauces: ils ne prétendent que le repeindre en rose, en vert ou en rouge, pas le détruire. Au mieux, certains veulent l'auto-gérer, faire des monnaie locales, fédérer dans un marché parralèle les entreprise en coopératives...

Nous disons que cela exclu tout les plus galériens et galériennes du partage (parfois car n'ayant pas la nationalité, pas de la bonne couleur etc.). Il suffit de voir ce qui se passe en Grèce.
Que la pénurie, toujours plus grande, met hors jeu de plus en plus de monde. Que cela ne va servir qu'à auto-gérer, non pas le communisme, mais bien le capitalisme. Et qu'à ce jeu là, c'est toujours les mêmes qui perdent.
Les camarades des entreprises récupérés en Argentine en savent quelque chose: ces débats, ils les ont eus , et des tendances se sont dégagées: ceux qui parlaient de faire tourner les usines pour vendre des produits, embaucher des membres de leurs familles, etc, et ceux qui voulaient réfléchir orienter la production vers les besoin de la collectivité, y a pas de gentil et de méchant, là dedans, il y a des orientations sociales et politiques. Et c'est souvent les condition données à un endroit donnés, qui font pencher la balance.
En Argentine, le débat a tourné court, car il ne s'agissait que d'un pays isolé. Que si le pesos était foutu, le dollars, lui avait cours, et que les capitaux internationaux pouvaient relancer l'économie. Mais que se passe t-il, si une crise révolutionnaire de ce type éclate en Europe? Aux USA? C'est l'ensemble du monde capitaliste qui tremble.

Il s'agit en somme d'une boussole pour penser la révolution, mais aussi dés aujourd'hui, réfléchir a nos luttes.
Car souvent, nous sommes confrontés à cette question, et dans le cadre du capital, nous nous buttons avec les rapport capitalistes: on ne peut que gérer la pénurie.
Mais comme les syndicaliste révolutionnaires, à une époque, ne se satisfaisaient pas de lutter seulement pour améliorer leurs conditions sous le capital, et voulaient abolir les classes sociales, nous disons qu'auto-gérer la misère ne suffira pas à la faire disparaitre. Et qu'il faut à nouveau affirmer la nécessité de la révolution communiste.
Que le maintien de monnaie, même locale, le maintien de salariat, même dans un cadre coopératif, c'est le maintien de l'exploitation.
Alors, comment fait on ? Eh bien on ne sait pas. On a pas de solutions toutes prêtes. Bien sûr, il s'agit de lutter, de résister aujourd'hui aux attaques du capital, mais nous n'avons pas d'alternative à proposer, comme ça, qu'il suffirait d'appliquer. Car dans le capitalisme, on ne peut que faire cela, résister. Pour voir plus loin, il faut causer révolution.
Mais on veux en discuter plus largement, diffuser nos positions... Faire exister une expression révolutionnaire large, ouverte. Échanger avec des personnes issus d'horizons divers.
Et puis on verra bien, hein!

Voilà, j'espère avoir été clair dans cette réponse un peu longuette, et qui, je précise, n'engage que moi.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede digger » 16 Nov 2013, 13:21

J’entends la critique du réformisme, d’une part, et d’initiatives alternatives d’autre part.A cela tu sembles opposer "la révolution". J’entends aussi (et partage) l’opinion de Piero. Est-ce le retour à la préparation du "Grand Soir" ?
penser la révolution, mais aussi dés aujourd'hui
pour moi, c’est ici et maintenant, avec les moyens du bord, plutôt qu’échaffauder de grandes théories sur l’avenir radieux après la prise de la Bastille.
Or le ici et maintenant, c’est pas folichon et ca ne permet pas de voir le proche avenir en noir et rouge. Alors, oui, beaucoup "gèrent" ce qu’ils/elles ont, avec ce qu’ils/elles ont. C’est à dire pas grand chose. Et ce n’est pas une question de s’en satisfaire ou pas. La révolution, la transformation radicale de la société, est un désir, une aspiration. Mais si le désir est un moteur important, le révolutionnaire qui vit dans sa bulle n’est pas d’une grande utilité.
Nous vivons tous dans une société capitaliste dont nous sommes les victimes et les acteurs à divers degré. Et, ici comme ailleurs, des individus agissent de la manière qui leur semble la plus appropriée, dans des organisations ou mouvements divers qui leur convient le mieux, face à cela.
Comme tu le dis
Car dans le capitalisme, on ne peut que faire cela, résister.

Pour voir plus loin, il faut causer révolution
me semble être une réponse peu satisfaisante. Sauf à considérer que la révolution est un événement qui se fera à date précise, déclenchée par la volonté de quelques-un-es, dans un but précis.
Si une révolution doit avoir lieu, elle ressemblera probablement à tout, sauf à nos envies, et aura lieu là et quand nous ne nous y attendrons pas, suite à un ou des évènements qui ne viendront pas de l’initiative d’une petite avant-garde révolutionnaire.
Alors de quoi parler ? Sinon "gérer" au mieux le temps et les réalités qui nous séparent peut-être d’une hypothétique révolution ?
Gérer pour moi, c’est réfléchir à la mutualisation de moyens, à la mise en réseau de luttes, à la mise en place d’outils d’entraide (matérielle, financière...), que sais-je encore....Développer le socle et la base, ne pas mettre la fin avant les moyens,et ce sont les moyens qui décideront de la fin.
Bon, alors peut-être que tu n’as pas encore été assez long et que j’enfonce des portes ouvertes. Pour moi, ce n’est pas encore assez clair.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Kzimir » 16 Nov 2013, 13:40

Perso par principe ça me soule comme pas possible cette tendance qu'on a à l'extrême gauche à créer un nouveau réseau/orga/collectif/structure/machintruc tout les quatres matins. En plus je suis pas antigestionnaire, alors voilà. Pour moi la perspective ne peut être que la construction de contre pouvoir et d'institutions de classe, et que la construction de ces structures implique nécessairement dans une certaine mesure l'intégration de ceux ci à la gestion de la société (ne serait ce que par le cadre des CE, des DP, etc.). Et sinon, en lisant le texte j'ai l'impression qu'il y a une focalisation sur les franges les plus pauvres du prolétariat, et non sur le prolétariat dans son ensemble. C'est un choix réflechi ou c'est seulement une impression de ma part ?
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede altersocial » 20 Nov 2013, 10:32

En gros le texte débute bien, un langage simple, accessible pour décrire des rapports sociaux complexes, et qui n'oublie pas le genre, la femme, ce prolétaire, au foyer, de l'homme.

Mais ce qui frappe c'est l'absence complète d'une dynamique dialectique dans la perspective révolutionnaire : refuser dans un tout ou rien théâtral ce qui se fait d'expériences dans les réalisations autogestionnaires du présent. Dans ce tout ou rien on condamne alors la "gestion" comme refuge au système plutôt que de l'analyser aussi comme une amorce d'un autre possible au sein du capitalisme. Au lieu de voir en quoi le capitalisme peut mécaniquement se tirer une balle dans le pied et ouvrir des brèches vers les possibles on se focalise sur ses limites, sans articuler l'un et l'autre vers la construction d' un dépassement. Aujourd'hui produire sans patron, à l'échelle de l'entreprise-caserne demain produire à l'échelle généralisée sans marché pour abolir le marché et l'entreprise.
Bref l'anti gestionnaire est le pire produit de l'idéologie autogestionnaire, cette dernière, approche a-critique de l' "autogestion", qui fatalement devait produire son contraire: sa critique aveugle et tout aussi formaliste.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede SchwàrzLucks » 20 Nov 2013, 18:56

Rataxes a écrit:Mais comme les syndicaliste révolutionnaires, à une époque, ne se satisfaisaient pas de lutter seulement pour améliorer leurs conditions sous le capital, et voulaient abolir les classes sociales, nous disons qu'auto-gérer la misère ne suffira pas à la faire disparaitre. Et qu'il faut à nouveau affirmer la nécessité de la révolution communiste.
[...]
Alors, comment fait on ? Eh bien on ne sait pas. On a pas de solutions toutes prêtes. Bien sûr, il s'agit de lutter, de résister aujourd'hui aux attaques du capital, mais nous n'avons pas d'alternative à proposer, comme ça, qu'il suffirait d'appliquer. Car dans le capitalisme, on ne peut que faire cela, résister. Pour voir plus loin, il faut causer révolution.


Pourquoi cet emploi systématique du passé quand on parle des SR ? :lol: Donc en gros on glorifie les SR du passé... pour expliquer deux lignes plus loin que "on ne sait pas" comment faire aujourd'hui. Et dans le capitalisme, mille fois non, on ne peut pas faire que résister, on peut aussi avancer... mais pour ça, il faut s'organiser ! La révolution, c'est pas un truc idéologique, c'est pas une affaire de discussions d'intellectuels (qui d'ailleurs sont rarement des prolos, suffit de voir la proportion que prend l'encadrement à l'EG...), c'est une affaire de pratiques. Les "révolutionnaires" qui ne cessent de regretter "la CGT de la grande époque où les SR menaient la danse" et qui expliquent que "maintenant, les syndicats c'est tout pourri", feraient mieux de questionner leurs pratiques. Voir un taux de syndicalisation aussi faible chez les "révolutionnaires" (je ne donnerai pas celui de la FA, c'est à pleurer) et un tel manque de réflexion stratégique (et des pratiques institutionnelles au possible) comblé par des appels incantatoires à la révolution chez les rares syndiqués de ces groupes politiques, c'est à pleurer.

Bref, si le syndicalisme révolutionnaire dominait, c'est aussi parce que les "révolutionnaires" étaient syndiqués, faisaient le taf, et prenaient le temps de former les camarades. On ne forme pas des révolutionnaires en martelant de la pure théorie.

Qui plus est, appeler à l'anti-gestion, c'est se tirer une balle dans le pied. L'enjeu, c'est de former le plus de prolos possibles, non seulement pour combattre et rogner autant que possible sur le Capital, mais aussi à la gestion non pas de quelques entreprises isolées mais de la société future. Il s'agit concrètement de gérer collectivement dès aujourd'hui une contre-société ouvrière, avec ses institutions de solidarité propre, sa sociabilité, etc. Refuser de s'y joindre sous prétexte que "ça parle pas d'abolition de l'argent" (qui n'est pas LA question prioritaire aujourd'hui; et ça ne fera probablement pas l'unanimité le jour de la révolution non plus, le débat devra avoir lieu), c'est faire dans le clivage, refuser l'unité. Et refuser l'unité, c'est soit se tirer une balle dans le pied, soit laisser le champ libre à l'encadrement pour gérer la société du futur. Pas étonnant alors que des sales types comme Jappe (un universitaire à la con qui nie la lutte des classes) en fassent le point central de leur idéologie, ça évite de parler des structures : le jour où ça va péter ils pourraient squatter les bonnes places tranquillement.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Rataxes » 20 Nov 2013, 20:29

Digger,tu a tout a fait le droit de ne pas mettre la même chose que le texte derrière le mot "gestion" mais c'est sur la base de ce texte qu'il y a débat, je pense. En tout cas a titre personnel, je ne peux pas répondre par rapport a ce que chaque personne met de différent derrière ce mot. Ainsi tu écrit:
digger a écrit:Gérer pour moi, c’est réfléchir à la mutualisation de moyens, à la mise en réseau de luttes, à la mise en place d’outils d’entraide

En l’occurrence, le texte est assez clair, je cite:
Rataxes a écrit:Nous proposons de constituer un réseau.
Nous n’entendons pas mettre en avant des pratiques particulières, des formes de luttes spécifiques, il s’agit de mettre nos forces en commun : mettre en commun de la thune, partager nos analyses et informations, parler de nos tactiques locales, le tout à une échelle plus large que ce qui existe actuellement, mais aussi dans des cadres formels.

Je suppose que tu vois bien que ce n'est justement pas ce que nous qualifions de "gestion".
Sur la critique du "Grand Soir"... Ce terme est devenu un épouvantail qu'on agite devant tout discours révolutionnaire. Oui, la révolution sera une rupture, une phase énorme de politisation, le temps se fait plus court, énormément de ce qu'on tenait pour acquis et remis en cause... Ceci dit c'est une vieille polémique, et depuis plus d'un siècle les réformistes critiquent les révolutionnaires là dessus. Un dernier mot: c'est une métaphore, il ne s'agit pas d'"une journée" mais d'un moment historique, qui a un avant et un après.

Pour le reste je ne perçois pas vraiment nos désaccords.

Kzimir a écrit:Et sinon, en lisant le texte j'ai l'impression qu'il y a une focalisation sur les franges les plus pauvres du prolétariat, et non sur le prolétariat dans son ensemble. C'est un choix réflechi ou c'est seulement une impression de ma part ?


Non, nous parlons du prolétariat dans son ensemble.

altersocial a écrit:Dans ce tout ou rien on condamne alors la "gestion" comme refuge au système plutôt que de l'analyser aussi comme une amorce d'un autre possible au sein du capitalisme. Au lieu de voir en quoi le capitalisme peut mécaniquement se tirer une balle dans le pied et ouvrir des brèches vers les possibles on se focalise sur ses limites, sans articuler l'un et l'autre vers la construction d' un dépassement. Aujourd'hui produire sans patron, à l'échelle de l'entreprise-caserne demain produire à l'échelle généralisée sans marché pour abolir le marché et l'entreprise.
Bref l'anti gestionnaire est le pire produit de l'idé


C'est en connaissance de cause que nous faisons cette critique. Il n'y a pas de dépassement sur la base dont tu parle. La gestion alternative du capital, si elle peut être une perspective immédiate de survie ne constitue en rien une rupture: elle fonctionne sur les bases mêmes du capitalisme (plus-value, argent, marché, etc)
Ainsi, ou est le dépassement? Pour toi, cela semble être dans la gestion par les ouvriers de telle usine, de leur usine. Nous sommes donc en désaccords. Le remplacement de la gestion d'une boite par son patron par sa gestion collégiale (ce qui d'ailleurs est souvent a moitié faux) n'est pas plus une sortie du capitalisme que le remplacement de la propriété privée des moyens de production par la propriété étatique n'ouvre la voie vers le communisme. Ce n'est pas une histoire de gestion, mais d'abolition.

SchwàrzLucks a écrit:Pourquoi cet emploi systématique du passé quand on parle des SR ?

Car les SR n'existent plus en tant que force sociale, et que le terme est aujourd'hui disputé par des courants assez différents. Pour autant, souvent, les camarades qui s'en réclament font des choses intéressantes. Mais franchement, tout ne marche pas a l'huile de coude! Et ce n'est pas parce que les quelques militants libertaires/SR/etc qui existent " ne se bougent pas assez le cul" que le syndicalisme révolutionnaire est moribond! Il y a des raisons objective, a chercher dans la manière dont se structure la lutte des classes, pas juste un défaut de volontarisme de quelques-uns! Mais le débat n'est pas là.
En revanche, lorsque tu dit:
Il s'agit concrètement de gérer collectivement dès aujourd'hui une contre-société ouvrière, avec ses institutions de solidarité propre, sa sociabilité, etc. Refuser de s'y joindre sous prétexte que "ça parle pas d'abolition de l'argent


Cela pose des questions: ce n'est pas parce que ça ne parle pas d'abolition de l'argent, que ce dont tu parle est critiquable, mais plutôt car ça se limite a une fraction au demeurant réduite du prolétariat. Le risque pointé dans le texte, c'est que cette contre-société, qui dans le capitalisme, ne peut qu'en aménager les contours, gérer les miettes, puisse non pas inclure l'ensemble, mais au contraire exclure , en particulier les plus précaires.
Il suffit ainsi de voir le fonctionnement d'une mutuelle, s'il y a un afflux (trop) massif de (trop) pauvres: elle dégringole. Et une "bonne solution"(gestionnaire) pour éviter la dégringolade, c'est d'en restreindre l'entrée, ou de différencier les droits.
En somme, il y a le risque de défendre la structure pour elle même, pas pour ce qu'elle permet a un moment donné. Et c'est aussi ce risque que nous pointons derrière le terme de gestion: le renfermement sur soi de fractions du prolétariat, qui gèrent SES œuvres.
Ceci dit, ce texte n'est pas du tout dirigé contre le syndicalisme, ou le para-syndicalisme ( mouvement de locataires, d'expulsés, de précaires dans des cadres associatifs ou de collectifs etc...). Qui reste notre principal outil de lutte.
Modifié en dernier par Rataxes le 20 Nov 2013, 22:37, modifié 1 fois.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede altersocial » 20 Nov 2013, 21:55

Salut Rataxes :wink:

Rataxes a écrit:
altersocial a écrit:Dans ce tout ou rien on condamne alors la "gestion" comme refuge au système plutôt que de l'analyser aussi comme une amorce d'un autre possible au sein du capitalisme. Au lieu de voir en quoi le capitalisme peut mécaniquement se tirer une balle dans le pied et ouvrir des brèches vers les possibles on se focalise sur ses limites, sans articuler l'un et l'autre vers la construction d' un dépassement. Aujourd'hui produire sans patron, à l'échelle de l'entreprise-caserne demain produire à l'échelle généralisée sans marché pour abolir le marché et l'entreprise.
Bref l'anti gestionnaire est le pire produit de l'idé


C'est en connaissance de cause que nous faisons cette critique. Il n'y a pas de dépassement sur la base dont tu parle. La gestion alternative du capital, si elle peut être une perspective immédiate de survie ne constitue en rien une rupture: elle fonctionne sur les bases mêmes du capitalisme (plus-value, argent, marché, etc)


On est d'accord sauf sur l'amorce : le possible de demain est déjà dans le présent je développerai plus tard (pas le temps de soir - désolé) :wink:

Ainsi, ou est le dépassement? Pour toi, cela semble être dans la gestion par les ouvriers de telle usine, de leur usine. Nous sommes donc en désaccords.


J'ai dit exactement le contraire, mais sans être dans un tout ou rien dans ce qui se construit aujourd'hui.

Le remplacement de la gestion d'une boite par son patron par sa gestion collégiale (ce qui d'ailleurs est souvent a moitié faux) n'est pas plus une sortie du capitalisme que le remplacement de la propriété privée des moyens de production par la propriété étatique n'ouvre la voie vers le communisme. Ce n'est pas une histoire de gestion, mais d'abolition.


L'administration des choses est déjà l'abolition car elle présuppose la disparition de ce qui fonde le pouvoir de classe : le capital.

Autogérer aujourd'hui l'entreprise pour l'abolir demain dans un contexte d'autogestion généralisée. D'un communisme autogestionnaire donc.


Il s'agit concrètement de gérer collectivement dès aujourd'hui une contre-société ouvrière, avec ses institutions de solidarité propre, sa sociabilité, etc. Refuser de s'y joindre sous prétexte que "ça parle pas d'abolition de l'argent"


Cette citation n'est pas de moi, si tu peux éditer, merci :wink:
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede Rataxes » 20 Nov 2013, 23:02

Salut !
Et désolé pour l'erreur de citation, c'est corrigé :wink:
Tu écrit par ailleurs dans ta réponse:
altersocial a écrit:L'administration des choses est déjà l'abolition car elle présuppose la disparition de ce qui fonde le pouvoir de classe : le capital.
Autogérer aujourd'hui l'entreprise pour l'abolir demain dans un contexte d'autogestion généralisée. D'un communisme autogestionnaire donc.


Je crois que c'est peut être là ou on ne s'entend pas: enlever les capitalistes de l'équation ne supprime pas le capital. Comme en URSS, par exemple, ou les bourgeois avaient été remplacés par des bureaucrates qui géraient l'économie.
Le capital est fondé sur un rapport social d'exploitation: le salariat. Il s'agit de produire des marchandises, et de faire une plus-value. Cette plus-value est réalisée ensuite, du fait de la vente des produits. Ce qui rend l'entreprise "compétitive" c'est sa capacité a produire ces marchandises en utilisant (et en payant) le moins de travail possible. La conséquence, c'est qu'une entreprise qui vend des produits plus chers, car elle paye mieux ses salariés, elle baisse les cadences, etc, est une entreprise qui va tout droit vers la faillite, sauf exception ( marchés de niches, marchés captifs, etc)
(Désolé si j'enfonce des portes ouvertes, mais revenir a des bases de discussion permet de ne pas faire de malentendus.)
Bref, dans le cadre du système capitaliste les "ilots" coopératifs doivent composer avec les mêmes règles que tout le monde pour vendre leurs produits, ce qui amène aux limites qu'on connait.
C'est comme ça, et ça ne signifie pas qu'il faudrait refuser les coopératives, juste, je le répète, ne pas en faire la perspective révolutionnaire.
Car ce que je vois mal, c'est vraiment ça:
altersocial a écrit:Autogérer aujourd'hui l'entreprise pour l'abolir demain

Le passage m'échappe. Et il me semble qu'au contraire, le mouvement coopératif a pour perspective de fédérer les alternatives, dans un genre de "tiers secteurs" qui au final gagnerais la société, mais en gardant l' échange via le marché, l'argent etc. En gros, le programme des alternatifs. Une perspective collectiviste, quoi. Et là dessus, les critiques des communistes libertaires (Cafiero, Kropotkine...) restent je pense tout aussi valables.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede leo » 21 Nov 2013, 17:05

Je pense que si on en reste à discuter en rond (à tourner) sur le mot autogestion, on n’avance pas.
Comme sur pratiquement tous les termes et concepts utilisés (communisme, pouvoir, travail, politique, organisation, anarchisme…), chacun à sa propre définition, ça devient vite la cacophonie.
J’ai dit dans un post précédent, que je trouvais ce texte salutaire, en deux mots parce qu’il a une vertu de délimitation politique.
Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas problématique.
Se définir comme « antigestionnaire », me semble réactif, comme tous les « anti » quelque chose d’ailleurs.
Et cela risque de rater un peu sa cible, si celle-ci n’est pas seulement verbale, discursive.

Parce que dans les dynamiques de luttes, les conflits sociaux, il y a souvent des aspects « autogestionnaires », des tendances à l’autonomie/auto-organisation, des volontés de ne pas déléguer et de prendre en charge la lutte de bout en bout… Pas toujours, loin de là (hélas), mais c’est du moins ce que l’on défend, en principe.

Et parce qu’aussi dans les tentatives d’autogestion ou les réalisations autogérées (les « îlots de socialisme » pour certains), il y a des conflits, des contradictions, des relations de pouvoir, des affrontements… en plus des contraintes « objectives » du marché et de l’environnement capitaliste.

Le groupe Fagor est en faillite. On le sait vaguement en France parce que cela va provoquer la fermeture de plusieurs sites industriels du groupe. Mais, Fagor, c’est surtout le « vaisseau amiral » de la Mondragrón Corporación Cooperativa (MCC), le plus grand groupe de coopératives du Pays basque (et de l’Etat espagnol) : près de 300 entreprises, 37 000 emplois en Euskal Herria, plus de 80 000 au total dans le monde. C'est le premier groupe économique en Pays basque et le septième dans l’Etat espagnol.

Depuis des années, les affaires de la branche électroménager vont mal. Les travailleurs associés, coopérateurs, ont accepté des baisses de salaires et aussi de verser une partie de leur économie au capital pour renflouer les caisses (soit en augmentation de capital puisqu’ils en détiennent déjà des parts, soit en prêts).
Ça n’a pas suffi et la boîte est maintenant en cessation de paiement, prélude au dépôt de bilan. Non seulement, ils vont perdre leur emploi, mais aussi le fric qu’ils avaient mis dans la société. Double peine !

Bien. Si l’on en reste à des considérations abstraites et générales, on peut se dire : voyez où ça mène les coopératives et l’autogestion dans le système. On aura raison. Et les défenseurs de « modèle coopératif » auront tort. Mais en même temps, à ces travailleurs (qui se battent en ce moment du côté d’Arrasate, en Guipuzcoa), on leur dit quoi ? Ça leur fera une belle jambe si on leur dit que les coopératives, c’est de la merde. Sauf peut-être qu’un coopérateur a plus à perdre qu’un simple salarié, et que là, il y a effectivement un piège (une petite partie des travailleurs de Fagor ne sont pas coopérateurs et ils risquent de s’en sortir moins mal).
Mais dans ce cas, est-ce que le problème, c’est l’autogestion ou le capitalisme et sa crise actuelle (et dans celle-ci, la plus moins grande crise de certains secteurs) ? Et la réponse à cette situation, en ce moment, est-ce que c’est l’autogestion ou la lutte pour récupérer le plus possible de moyens de vivre ? Et quelle dynamique de lutte, avec qui, contre qui, etc. ?

En Argentine, il y a des centaines d’entreprises récupérées et autogérées depuis des années. Généralement, cela commence à la suite de faillites, généralement réelles et parfois frauduleuses. Il est clair que le redémarrage de la production sous cette forme n’est pas une menace pour la rentabilité du capital : on est sur des segments de production qui sont déjà effondrés. Par contre, l’intérêt de ces processus, ce sont les moments de lutte, quand le quartier se mobilise, quand les travailleurs et leurs soutiens s’affrontent à la loi qui respecte la propriété privée et donc les empêche de réellement s’approprier l’entreprise tout en leur imposant de récupérer les vieilles dettes laissées par l’ancien patron de la boîte… La dynamique est intéressante, les questions qu’elle pose aussi. Mais, le résultat, quand les choses se mettent en place parfois au bout de plusieurs années, quand l’autogestion commence véritablement, quand la nouvelle entreprise autogérée et coopérative a obtenu une « personnalité juridique » lui permettant d’exister et de fonctionner, c’est la gestion du quotidien (dans les pires conditions) et le boulot (avec généralement beaucoup moins de salaire) qui importent, occupent tout le temps et l’espace, et la dynamique de lutte s’épuise d’elle-même, logiquement.

En revanche, quand des chômeurs de ce même pays ont essayé (il y a une dizaine d’années) de créer des activités productives pour subvenir à leur besoins, certains sont allés beaucoup plus loin. Non seulement, ils ne voulaient pas bosser pour un taulier et obéir à des chefs, mais en plus, ils concevaient le fait de travailler, les efforts à faire, selon trois critères principaux : 1) le caractère qualitatif des relations sociales du projet (esprit communautaire, horizontalité, égalité, entraide, « compagnérisme » comme ils disent…) et pas les critères de rentabilité ; 2) le fait que le résultat de la « production » soit utile aux besoins de la communauté, du mouvement, du quartier ; 3) le fait que ces projets productifs restaient à l’intérieur et sous le contrôle de mouvements de luttes, parmi d’autres activités (auto-formation, culturels, garderies…) et les conflits à l’origine du mouvement et qui se poursuivent (occupations illégales de terrains et de hangars pour réaliser les projets, manifs et barrages de routes pour arracher des allocations, du salaire indirect ou même basiquement des paniers de produits de première nécessité auprès des autorités ou même parfois des supermarchés).

Démarches intéressantes en ce qu’elles ne sont ni de la débrouille, ni des projets entrepreneuriaux plus ou moins autogérés, avec objectifs de rentabilité, de croissance, de retour sur investissements et de profit, avec des marchandises à vendre dans un marché et tous les problèmes pour trouver les débouchés, les clients, être compétitifs, etc.
Là, ça reste une pratique de lutte, collective, avec un haut niveau de socialisation et la dimension économique des projets (maraîchages, boulangerie, cantines communautaires, menuiserie, ateliers de couture, réparation mécanique, petite maçonnerie…) se centre sur le quartier, sur les besoins et capacités financières très basses des habitants (le quartier, c’est la même composition sociale que les personnes impliquées dans les mouvements de chômeurs).

Deux-trois exemples, pour essayer de mettre les choses dites en rapport avec une certaine réalité et avec un point de vue dessus. Pour montrer qu'un même mot ne dit pas la même chose.

Autrement dit, est-ce que ce qui fait la ligne de partage et de conflit dans la société (y compris dans ses espaces autogérés) n’est pas celle du conflit lui-même, pas seulement comme réalité objective, mais comme axiomatique, comme parcours de lutte et point de vue sur le monde ?
Est-ce que l’un des principaux clivages politiques ne passe pas par ce rapport conflictuel à la société, par nécessité bien sûr mais aussi parce qu’on pense que c’est dans ces moments-là que des choses se débloquent, que des gens avancent (et nous avec), que des idées et propositions qui ne faisaient pas sens avant, deviennent des options possibles. Bref, que le cadre des références immédiates et les rapports de force se modifient.

Et face à ce conflit comme « culture », comme critère et référence politique, face à une « ligne générale » de l’antagonisme comme expression d’une subjectivité contre les rapports sociaux imposés, face aux dynamiques de lutte qui sont les seules capables de provoquer des ruptures avec l’ordre établi, il y a des gens (individus, groupes constitués…) qui vont s’y opposer ou essayer d’en jouer et de s’en servir, qui vont privilégier la place qu’ils pourront occuper dans les rouages de cette société, les espaces de pouvoir qu’ils pourront conquérir dans le système, la possibilité faire carrière dans les médiations politiques, institutionnelles ou dans des projets économiques, etc… Et contribuer à la paix sociale, à désamorcer les luttes quand elles menacent leur position, et par voie de conséquence apporter leur pierre au renforcement du « système » d’exploitation/domination.

Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose qui, finalement, transcende et traverse l’idée d’autogestion (et ses pratiques) et qui la coupe en deux, la fait éclater : le conflit, les mouvements de lutte, leurs dynamiques, et leurs caractères qualitatifs autant que leurs capacités à des moments déterminés d’entraînement, de généralisation et de transformation ?

Alors, antigestionnaire ? Oui, sans doute, mais encore.

Au-delà des termes et des manières de se définir, comment traduire ce refus de ne pas cogérer le système dans les luttes ? Quelles dynamiques ? Quelles lignes de ruptures et de fractures dans les mouvements et les pratiques possibles ? Comment ? Sur quoi serait-il souhaitable que portent les conflits ? Qu’est-ce qui importe à tel ou tel moment d'une situation donnée, dans telle ou telle lutte ? Selon quels critères ?
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede fabou » 21 Nov 2013, 21:26

On en a pas mal débattu dans le sud, avec les initiateurs de ce "RCA" :)

Personnellement, si j'adhère bien entendu à cette démarche, j'aimerai que cette perspective de dépassement des projets gestionnaires (qu'ils soient "co-" ou "auto-"), se généralise à l'ensemble de la vie quotidienne et ne reste pas limitée à l'économie.

Même si je ne suis pas d'accord avec la définition du terme "politique" telle qu'établie dans ce texte, je trouve qu'il pose la question de la gestion sous un angle un peu plus global que le RCA, et de fait apporte une complémentarité à l'appel anti-gestionnaire : " Bannir la politique de nos luttes "
Modifié en dernier par fabou le 21 Nov 2013, 22:09, modifié 1 fois.
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Re: Base commune pour un réseau communiste antigestionnaire

Messagede SchwàrzLucks » 21 Nov 2013, 22:01

Leo, tu parles d'une "coopérative"/d'"autogestion" ou certains employés sont "coopérateurs" et d'autres "simples employés". Autrement dit, il y a des patrons qui travaillent et d'autres qui sont de simples prolos. Bref, ça n'a plus rien à voir avec de la gestion ouvrière ! La gestion ouvrière/l'autogestion, c'est quand tou-te-s les salarié-e-s sont coopérateurs, pas une partie (et déjà là il y a matière à critiquer). Ou alors on va commencer à parler d'autogestion quand un artisan (ou deux associés, soyons fous !) travaille avec ses ouvriers !

Je répondrai à Rataxes à l'occasion.
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