Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 05 Nov 2013, 14:14

La sociologie anarchiste du fédéralisme

Texte inédit traduit
Texte original : The Anarchist Sociology of Federalism - Colin Ward
Freedom, Juin-Juillet 1992
http://theanarchistlibrary.org/library/colin-ward-the-anarchist-sociology-of-federalism

Le contexte

La minorité des enfants de tous les pays européens qui ont eu l’opportunité d’étudier l’histoire de l’Europe ainsi que celle de leur propre pays ont appris qu’il y avait eu deux grands évènements durant le siècle dernier ; l’unification de l’Allemagne, réalisée par Bismarck et l'empereur Wilhelm I, et celle de l’Italie, réalisée par Cavour, Mazzini, Garibaldi et Victor Emmanuel II.

Le monde entier, ce qui signifiait à l’époque le monde européen, a accueilli favorablement ces victoires. L’Allemagne et l’Italie avait abandonné toutes ces petites principautés, républiques, cités-états et provinces papales, pour devenir des états-nations, des empires et des conquérants. Elles ressemblaient à la France, dont les petits despotes locaux avaient finalement été unifiés par la force d’abord par Louis XIV avec son slogan majestueux ‘L’État c’est moi’, puis par Napoléon, héritier de la Grande Révolution, tout comme Staline au vingtième siècle qui a construit la machinerie administrative pour se mettre en conformité. Ou elles ressemblaient à l’Angleterre dont les rois (et un gouvernant républicain, Oliver Cromwell) avait réussi à soumettre les gallois, les écossais et les irlandais, et ensuite dominé le reste du monde en dehors de l’ Europe. La même chose était arrivé à l’autre extrémité du continent. Ivan IV, nommé à juste titre ‘Le Terrible’, avait conquis l’Asie Centrale jusqu’au Pacifique et Pierre Ier, connu comme ‘Le Grand’, avait mis la main sur la Baltique, la plus grande partie de la Pologne et l’ouest de l’ Ukraine, en utilisant les techniques qu’il avait apprise de la France et de la Grande Bretagne .

L’opinion éclairée à travers l’Europe a salué le fait que l’Allemagne et l’Italie avaient rejoint le club des gentlemen des puissances nationales et impérialistes. Le résultat final lors de ce siècle fut des aventures consternantes de conquêtes, la perte dévastatrice de jeunes vies dans tous les villages d’Europe lors de deux guerres mondiales, la montée des démagogues populistes comme Hitler et Mussolini, ainsi que de leurs imitateurs , jusqu’à ce jour, qui prétendent que ‘L’État c’est moi’.

Par la suite, chaque nation a eu sa moisson de politiciens de toutes tendances qui ont plaidé pour l’unité européenne, dans tous les domaines: économique, social, administratif et, bien sûr, politique.
Inutile de dire que, dans les efforts pour promouvoir l’unification prônée par les politiciens, nous avons une multitude de technocrates à Bruxelles formulant des édits sur quelles variétés de graines potagères ou quels constituants de steaks hachés ou de glaces peuvent être vendus dans les magasins des états membres. Les journaux se font joyeusement l’écho de ces bagatelles. La presse porte beaucoup moins d’attention à un autre courant d’opinion pan-européen, qui se manifeste dans des positions exprimées à Strasbourg et venant de personnes de diverses tendances du spectre politique, qui osent affirmer que les États-Nations sont un phénomène du seizième au dix-neuvième siècle, qui n’aura aucun avenir utile dans le vingt-et-unième siècle. L’histoire à venir de l’administration d’une Europe fédérée qu’elles s’efforcent de découvrir est un lien entre, disons, la Calabre, le Pays de Galles,l’Aquitaine, l’Andalousie, la Galice ou la Saxe, comme régions plutôt que comme nations,à la recherche de leur identité régionale, économique et culturelle, perdue lors de leur intégration dans les états-nations, où le centre de gravité est ailleurs.

Lors de la grande vague des nationalismes du dix-neuvième siècle, il y eut une poignée de voix prophétiques et dissidentes, appelant à un type différent de fédéralisme. Il est intéressant, pour le moins, de noter que ceux dont les noms survivent furent les trois théoriciens les plus connus de l’anarchisme de ce siècle : Pierre-Joseph Proudhon, Michel Bakounine et Pierre Kropotkine. L’évolution de la gauche politique durant le vingtième siècle a rejeté leur héritage comme infondé. Tant pis pour la gauche, puisque la route a été laissée libre pour la droite qui a pu mettre en place son propre programme de fédéralisme et de régionalisme. Écoutons, juste quelques minutes,ces précurseurs anarchistes.

Proudhon

D’abord, il y eut Proudhon, qui a consacré deux de ses volumineux travaux à l’idée de fédération opposée à celle d’état-nation. Il y eut La Fédération et l’Unité en Italie en 1862, et l’année suivante, Du Principe Fédératif. 1

Proudhon était citoyen d’un état-nation unifié et centralisé, dont il fut obligé de fuir pour la Belgique. Et il craignait l’unification de l’Italie pour plusieurs raisons. Dans De la Justice en 1858, il affirmait que la création de l’Empire allemand n’apporterait que des problèmes aux allemands et au reste de l’Europe et a poursuivi son argumentation à travers l’histoire politique de l’Italie .

Au premier plan, l’histoire, à travers laquelle des facteurs naturels comme le climat et la géologie avaient modelé des coutumes et attitudes locales “L’Italie” affirmait-il , “est fédérale par la composition de son territoire; elle l’est par la diversité de ses habitants; elle l’est par son génie ; elle l’est par ses mœurs ; elle l’est encore par son histoire ; elle est fédérale dans tout son être et de toute éternité. ... par la fédération vous la rendrez autant de fois libre qu’elle formera d’États indépendants” 2. Il ne s’agit pas pour moi de défendre l’hyperbole du langage de Proudhon, mais il avait d’autres objections. Il avait compris comment Cavour et Napoléon III s’étaient mis d’accord pour transformer l’Italie en une fédération d’états, mais il avait aussi compris que la Maison de Savoie ne se contenterait de rien de moins qu’une monarchie constitutionnelle centralisée. Et en plus de cela, il se méfiait énormément de l’anticléricalisme libéral de Mazzini, non pas par amour de la papauté mais parce qu’il avait conscience que le slogan de ce dernier, ‘Dio e popolo’, pouvait être exploité par n’importe quel démagogue qui se saisirait de la machinerie de l’état centralisé. Il affirmait que l’existence de cet appareil administratif constituait une menace absolue pour la liberté local et personnelle. Proudhon était pratiquemen le seul théoricien politique du dix-neuvième siècle à percevoir cela :

“Libérale aujourd’hui avec un gouvernement libéral, elle deviendra demain un instrument formidable d’usurpation pour un pouvoir usurpateur, et après l’usurpation, un instrument formidable de despotisme ; sans compter que par cela même elle est une tentation perpétuelle pour le pouvoir, une menace perpétuelle pour les libertés des citoyens. Sous le coup d’une force pareille, il n’y a point de droits individuels ou collectifs qui soient sûrs d’un lendemain. Dans ces conditions, la centralisation pourrait s’appeler le désarmement d’une nation au profit de son gouvernement ...” 3

Tout ce que nous savons de l’histoire du vingtième siècle en Europe, en Asie, en Amérique du Sud ou en Afrique, justifie cette perception. Pas plus que le style de fédéralisme nord-américain, si amoureusement conçu par Thomas Jefferson, ne garantit la disparition de cette menace. Un des biographes anglais de Proudhon, Edward Hyams, commente: “Il est devenu évident depuis la seconde guerre mondiale que les présidents des Etats-Unis peuvent utiliser et utilisent l’appareil administratif fédéral d’une manière qui se moque de la démocratie”. Et son traducteur canadien cite la conclusion de Proudhon :
“Sollicitez l’opinion des hommes de la masse et ils vous renverront des réponses stupides, volages et violentes ; Sollicitez leur opinion en tant que membres d’un groupe défini avec une réelle solidarité et un caractère distinctif et leurs réponses seront responsables et avisées. Exposez-les au ‘langage’ politique de la démocratie de masse, qui représente ‘le peuple’ comme uni et les minorités comme traitres et ils donneront naissance à la tyrannie ; exposez-les au langage politique du fédéralisme, par lequel le peuple est présenté comme un agrégat diversifié d’associations réelles et ils résisteront à la tyrannie jusqu’au bout.”

Cette observation révèle une compréhension profonde de la psychologie politique. Proudhon extrapolait à partir de l’évolution de la Confédération Suisse mais il existe d’autres exemples en Europe . Les Pays-Bas avait la réputation d’une politique pénale clémente ou tolérante. L’explication officielle en était le remplacement du Code Napoléon en 1886 par un “ code criminel spécifiquement hollandais” basé sur des traditions culturelles comme la "fameuse ‘tolérance’ hollandaise et la tendance à accepter les minorités déviantes". Je cite le criminologue hollandais, le Dr Willem de Haan, qui avance l’explication selon laquelle la société hollandaise "a été basée traditionnellement sur des fondements religieux, politiques et idéologiques plutôt que de classes. Les grands groupes confessionnels ont créé leurs propres institutions sociales dans toutes les grandes sphères publiques. Ce processus …a véhiculé une attitude générale tolérante et pragmatique comme règle sociale absolue”.

Autrement dit, c’est la diversité et non l’unité qui crée le type de société dans laquelle nous pouvons vivre vous et moi de manière confortable. Et les attitudes modernes aux Pays Bas sont enracinées dans la diversités des cités-états de Hollande et de Zélande, ce qui explique, aussi bien que le régionalisme de Proudhon, qu’un futur souhaitable pour toute l’Europe est dans la combinaison des différences locales.
Proudhon a assisté dans les années 1860, à une conférence sur une confédération européenne ou des Etats Unis d’Europe. Son commentaire fut :

“Par cela ils ne semblent envisager rien d’autre qu’une alliance de tous les états qui existent actuellement en Europe, petits et grands, présidés par un congrès permanent. Il est considéré comme allant de soi que chaque état gardera la forme de gouvernement qui lui conviendra le mieux. Mais, puisque chaque état disposera de voix au sein du congrès en proportion de sa population et de son territoire, les petits états de cette soi-disant confédération seront bientôt intégrés dans les plus grands ...”

Bakounine

Le second de mes mentors du dix-neuvième siècle, Michel Bakounine, attire notre attention pour diverses raisons. Il fut pratiquement le seul parmi les théoriciens politique de ce siècle à prévoir les horreurs de l’affrontement des états-nations modernes du vingtième siècle lors de la première et seconde guerre mondiale, ainsi qu’à prédire le destin du marxisme centralisateur dans l’empire russe. En 1867 la Prusse et la France semblaient prêtes pour une guerre qui déciderait quel empire contrôlerait le Luxembourg et ceci, à travers le réseau d’intérêts et d’alliances, “menaçait d’engloutir toute l’ Europe”. Une Ligue pour la Paix et la Liberté tint son congrès à Genève, sponsorisé par des personnalités en vue de différents pays comme Giuseppe Garibaldi, Victor Hugo et John Stuart Mill. Bakounine saisit l’occasion de s’adresser à cette audience, et publia ces positions sous le titre Fédéralisme, Socialisme et Anti-Théologisme 4. Ce document présentait treize points sur lesquels, selon Bakounine, le congrès était d’accord.

Le premier proclamait : “Que pour faire triompher la liberté, la justice et la paix dans les rapports internationaux de l’Europe, pour rendre impossible la guerre civile entre les différents peuples qui composent la famille européenne, il n’est qu’un seul moyen : c’est de constituer les États-Unis de l’Europe.”. Son second point affirmait que cet objectif impliquait que les états soient remplacés par des régions car, observait-il : “les États de l’Europe ne pourront jamais se former avec les États tels qu’ils sont aujourd’hui constitués, vu l’inégalité monstrueuse qui existe entre leurs forces respectives.” Son quatrième point affirmait : “Qu’aucun État centralisé, bureaucratique et par là même militaire, s’appela-t-il même république, ne pourra entrer sérieusement et sincèrement dans une confédération internationale. Par sa constitution, qui sera toujours une négation ouverte ou masquée de la liberté à l’intérieur, il serait nécessairement une déclaration de guerre permanente, une menace contre l’existence des pays voisins.” Par conséquent son cinquième point demandait : “Que tous les adhérents de la Ligue devront par conséquent tendre par tous leurs efforts à reconstituer leurs patries respectives, afin d’y remplacer l’ancienne organisation fondée, de haut en bas, sur la violence et sur le principe d’autorité, par une organisation nouvelle n’ayant d’autre base que les intérêts, les besoins et les attractions naturelles des populations, ni d’autre principe que la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces, des provinces dans les nations, enfin de celles-ci dans les États-Unis de l’Europe d’abord et plus tard du monde entier."

Cette vision devenait donc de plus en plus étendue mais Bakounine eut la prudence d’inclure l’acceptation de la sécession. Son huitième point déclarait que : “De ce qu’un pays a fait partie d’un État, s’y fût-il même adjoint librement, il ne s’ensuit nullement pour lui l’obligation d’y rester toujours attaché. Aucune obligation perpétuelle ne saurait être acceptée par la justice humaine ... Le droit de la libre réunion et de la sécession également libre est le premier, le plus important de tous les droits politiques ; celui sans lequel la confédération ne serait jamais qu’une centralisation masquée."

Bakounine fait référence avec admiration à la Confédération Suisse qui "pratique la fédération avec tant de succès aujourd’hui ”, tout comme Proudhon, qui lui aussi, prit explicitement comme modèle la suprématie suisse des communes comme unités de l’organisation sociale liées entre elles au sein des cantons, avec un conseil fédéral purement administratif. Mais tous les deux se souviennent des évènements de 1848, lorsque le Sonderbund des cantons sécessionnistes fut obligé par la guerre d’accepter la nouvelle constitution de la majorité. C’est pourquoi Proudhon et Bakounine étaient d’accord pour condamner la subversion du fédéralisme par des principes unitaires. En d’autres termes, il doit exister un droit à la sécession.

Kropotkine

La Suisse, précisément du fait de sa constitution décentralisée, a été un refuge continuel pour des réfugiés politiques venus des empires austro-hongrois, allemand et russe. Un anarchiste russe fut même expulsé de Suisse. Il allait trop loin, même pour le conseil fédéral suisse. C’était pierre Kropotkine, qui a fait le lien entre le fédéralisme du dix-neuvième siècle et la géographie régionale du vingtième.

Il a passé sa jeunesse comme officier de l’armée dans des expéditions géologiques dans les provinces de l’est de l’empire russe, et son autobiographie nous apprend l’indignation qu’il a ressenti en voyant comme l’ administration centrale et le système de financement empêchaient toute amélioration des conditions locales, par ignorance, incompétence et corruption généralisée, ainsi que par la destruction d’anciennes institutions collectives qui auraient pu permettre aux gens d’améliorer leurs vies. Les riches devenaient plus riches, les pauvres plus pauvres et l’appareil administratif était paralysé par l’ennui et les détournements de fonds.

Il existe une littérature similaire dans chaque empire ou état-nation: l’empire britannique, austro-hongrois, et on peut lire des conclusions similaires dans les écrits de Carlo Levi ou Danilo Dolci. En 1872, Kropotkine s’est rendu pour la première fois en Europe de l’ouest et, en Suisse, il fut contaminé par l’air de la démocratie, même bourgeoise. Il résida dans les collines du Jura avec les horlogers. Son biographe Martin Miller explique comment ce fut le moment charnière de sa vie :

“Les rencontres et les discussions de Kropotkine avec les ouvriers durant leur travail ont fait apparaître une sorte de liberté spontanée sans autorité ou consignes venant d’en haut à laquelle il rêvait. Isolés et auto-suffisants, les horlogers impressionnaient Kropotkine qui y voyait un exemple pour transformer la société si une telle collectivité pouvait se développer sur une large échelle. Il ne faisait aucun doute dans son esprit que cette collectivité travaillerait parce qu’il n’était pas question d’imposer un ‘système’ artificiel, comme Muraviev avait essayé de le faire en Sibérie, mais de permettre l’activité naturelle des ouvriers de fonctionner selon leurs propres intérêts.”

Ce fut le moment-clé de sa vie. Le reste fut, en un sens, consacré à rassembler les preuves du bien-fondé de l’anarchisme, du fédéralisme et du régionalisme.
Ce serait une erreur de croire que l’approche qu’il a développé n’est qu’une question d’histoire théorique. Pour le démontrer, il suffit de se référer à l’étude que Camillo Berneri a publié en 1922 ‘Un federaliste Russo, Pietro Kropotkine’. Berneri cite la ‘Lettre aux ouvriers d’Europe de l’ouest’ que Kropotkine a écrit à Margaret Bondfield, membre du Parti Travailliste britannique en juin 1920, dans laquelle il déclarait:

“La Russie impériale est morte et ne revivra jamais. L’avenir de ses différentes qui composaient l’empire ira vers une large fédération. Les territoires naturels de ses différentes parties ne seront en rien distinctes de celles que nous connaissons de l’histoire de la Russie, de son ethnographie et de son économie. Toutes les tentatives pour réunir les parties qui constituaient l’empire russe, comme la Finlande, les provinces baltes, la Lithuanie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie la Sibérie et autres, sous une autorité centrale, sont vouées à un échec certain. L’avenir de ce qui fut l’empire russe va vers un fédéralisme d’unités indépendantes.”

Vous et moi pouvons voir aujourd’hui le bien-fondé de cette opinion, même si elle fut ignorée comme totalement non pertinente pendant soixante-dix ans. Comme exilé en Europe de l’Ouest, il fut en contact permanent avec toute une variété de pionniers de la pensée régionaliste. La relation entre régionalisme et anarchisme a été établie élégamment, somptueusement même, par Peter Hall, le géographe qui est le directeur du Institute of Urban and Regional Development à Berkeley, Californie, dans son livre Cities of Tomorrow (1988). Il y eut le collègue géographe anarchiste de Kropotkine, Élisée Reclus, plaidant pour des sociétés humaines à petite échelle basées sur l’écologie de leurs régions 5. Il y eut Paul Vidal de la Blache, un autre fondateur de la géographie française, qui soutenait que “la région était plus qu’un objet de survie; elle servait à fournir la base d’une totale reconstruction de la vie politique et sociale.” Pour Vidal, comme l’explique le professeur Hall, la région, et non la nation, qui “en tant que force motrice du développement humain, la réciprocité presque sensuelle entre hommes et femmes et leur environnement, a été le siège d’une liberté concrète et le ressort de l’évolution culturelle, et a été attaquée et érodée par l’état-nation centralisé et par l’appareil industriel à grande échelle.”

Patrick Geddes

Enfin, il y eut l’extraordinaire biologiste écossais Patrick Geddes, qui a essayé de résumer toutes ces idées régionalistes, sur le plan géographique, social, historique politique ou économique, dans une idéologie rationnelle pour les régions, connu pour la plupart d’entre nous à travers les travaux de son disciple, Lewis Mumford. Le professeur Hall a soutenu que :

“Beaucoup, si ce n’est toutes, les premières visions du mouvement d’urbanisme proviennent du mouvement anarchiste, qui a prospéré dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle et les premières années du vingtième ... La vision de ces pionniers anarchistes n’était pas seulement une forme alternative de construction, mais une société alternative, ni capitaliste, ni socialiste bureaucratique : une société fondée sur la coopération volontaire parmi les femmes et les hommes, travaillant et vivant dans de petites collectivités auto-gouvernées.” 6

Aujourd’hui

Aujourd’hui, dans les dernières années du vingtième siècle, je veux partager cette vision. Ces théoriciens anarchistes du dix-neuvième siècle étaient un siècle en avance sur leurs contemporains en avertissant les peuples d’Europe des conséquences en n’adoptant pas une approche régionaliste et fédéraliste. Parmi les survivants de chaque sorte d’expériences désastreuses du vingtième siècle, les gouvernants des états-nations d’Europe ont conduit des politiques allant vers plusieurs types d’existence supranationale. La question cruciale à laquelle il sont confrontés est de concevoir soit une Europe des états ou une Europe des régions.

Proudhon, il y a 130 ans, a lié cette question à l’idée d’un équilibre des pouvoirs européen, le but des hommes d’état et théoriciens politiques, et a soutenu qu’il était “impossible de le réaliser avec de grandes puissances dotées de constitutions unitaires”. Il a affirmé dans La Fédération et l’Unité en Italie que “la première étape vers une réforme du droit public en Europe” était “la restauration des confédérations d’Italie, de Grèce, des Pays-Bas de Scandinavie et du Danube, comme prélude à la décentralisation des grands états et par conséquent, du désarmement”. Et dans Du Principe Fédératif, il a noté que “Parmi les démocrates français, il y a eu beaucoup de discussions sur Confédération Européenne ou États Unis d’Europe. Par cela ils ne semblent envisager rien d’autre qu’une alliance de tous les états qui existent actuellement en Europe, petits et grands, présidés par un congrès permanent.” Il affirmait qu’une telle fédération serait soit un piège, soit n’aurait aucune signification pour la raison évidente que les grands états domineraient les petits.

Un siècle plus tard, l’économiste Leopold Kohr (Autrichien de naissance, de nationalité britannique, gallois par choix), qui se présente aussi comme anarchiste, a publié un livre The Breakdown of Nations, glorifiant les vertus de sociétés à petite échelle et soutenant, une fois de plus, que les problèmes de l’Europe proviennent de l’existence des états-nations. Faisant l’éloge, une fois de plus, de la Confédération Suisse, il a affirmé, cartes à l’appui, que "le problème de l’Europe — comme de toute fédération — est la division, pas l’union.”

Maintenant, pour leur rendre justice, les avocats des États Unis d’Europe ont élaboré une doctrine de ‘subsidiarité’, avançant que les décisions gouvernementales ne seraient pas prises par les institutions supranationales de la Communauté Européenne, mais de préférence, par des niveaux locaux ou régionaux d’administration,plutôt que par des gouvernements nationaux. Ce principe particulier a été adopté par le Conseil de l’ Europe, appelant les gouvernements nationaux a adopté sa Charte Européenne de l'Autonomie Locale 7 “pour formaliser l’engagement sur le principe que les fonctions gouvernementales seront effectuées au plus bas niveau possible et seulement transférées à un plus haut niveau uniquement par consentement.”

Ce principe est un extraordinaire hommage à Proudhon, Bakounine et Kropotkine, et aux opinions qu’ils étaient les seuls à exprimer (à part quelques théoriciens espagnols captivants comme Pi y Margall ou Joaquin Costa), mais, bien sûr, c’est l’un des premiers aspects de l’idéologie pan-européenne que les gouvernements choisiront d’ignorer. Ils existe des différences manifestes entre les différentes états-nations à ce sujet. Dans beaucoup d’entre eux — L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et même la France — l’appareil d’état est beaucoup plus décentralisé qu’il ne l’était il y a cinquante ans. Cela sera bientôt vrai pour l’Union Soviétique. Cette décentralisation a pu ne pas s’effectuer à la vitesse où vous et moi l’aurions voulu et je serais heureux de convenir que les fondateurs de la Communauté Européenne ont atteint leur but premier de mettre fin aux anciens antagonismes nationaux et qu’ils ont rendu inconcevables de futures guerres en Europe de l’ouest. Mais nous sommes encore très loin de l’Europe des Régions.

Je vis dans ce qui est maintenant l’état le plus centralisé d’Europe de l’ouest et la domination de l’état central ici s’est infiniment accrue, au lieu de diminuer, ors de ces dix dernières années. Certaines personnes ici se rappelleront les paroles du Premier Ministre d’alors en 1988:

“Nous n’avons pas fait reculer avec succès les frontières de l’Etat en Grande Bretagne pour les voir réimposer à un niveau européen, avec un super-état européen exerçant un nouveau pouvoir de Bruxelles ”.
C’est de l’aveuglement. Ce n’est pas un langage lié à la réalité Vous n’avez pas à être un partisan de la Commission Européenne pour vous en rendre compte Mais cela illustre combien certains d’entre nous sommes loin de concevoir la vérité du commentaire de Proudhon que: “Même l’Europe serait trop grande pour former une seule confédération; elle ne formerait qu’une confédération de confédérations.”

L’avertissement anarchiste est précisément que l’obstacle à une Europe des régions est l’état-nation. Si vous ou moi avons une quelconque influence sur la pensée du prochain siècle, nous devrions plaider pour les régions. ‘Penser globalement — agir localement “ est un des slogans utiles du mouvement international Vert. L’état-nation a occupé une petite portion de l’histoire européenne. Nous devons nous libérer des idéologies nationales afin d’agir localement et de penser régionalement. Les deux nous permettront de devenir des citoyens du monde, et non de nations ou de super-états nationaux.
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NDT
1 Du principe Fédératif
http://fr.wikisource.org/wiki/Proudhon_-_Du_Principe_f%C3%A9d%C3%A9ratif
2 Du principe Fédératif op citée
3 Du principe Fédératif op citée
4 Fédéralisme, socialisme et antithéologisme
http://fr.wikisource.org/wiki/F%C3%A9d%C3%A9ralisme,_socialisme_et_antith%C3%A9ologisme
5 Idée reprise par Peter Berg aux Etats-Unis à travers les biorégions
6 Ward a travaillé comme architecte et a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet, dont Housing: An Anarchist Approach (1976) When We Build Again: Let's Have Housing that Works! (1985) ou encore Sociable Cities: The Legacy of Ebenezer Howard (avec Peter Hall) (1999) parmi d’autres.
7 Charte Européenne de l'Autonomie Locale http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/122.htm

Voir aussi le topic
Fédéralisme, régionalisme et anarchisme http://forum.anarchiste-revolutionnaire.org/viewtopic.php?f=69&t=8351#p126975
digger
 
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Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 05 Nov 2013, 14:19

L’anarchisme contemporain s’est toujours montré méfiant face aux "régionalismes" hexagonaux et le sujet est peu abordé. Les débats qui ont existé ont souvent fait l’amalgame avec les luttes de libérations nationales et le colonialisme. Et lorsqu’ils viennent sur les "régionalismes" en eux-mêmes, le terme péjoratif "d’identitaire" ne tarde pas à faire surface ou "communautarisme"
Or, lorsqu’on étudie les textes des premiers théoriciens de l’anarchisme, Proudhon, Bakounine, Kropotkine, en particulier, on s’aperçoit que la "région" fait partie intégrale de l’organisation politique, économique et sociale et qu’elles sont un échelon naturel du principe fédératif.
C’est une question qui m’a toujours intéressée et qui peut retrouver une actualité avec les élections européennes de 2014.
Je ne sais pas si les organisations anarchistes s’y intéresseront et comment, mais il me semble intéressant de saisir l’occasion de rappeler quelques positions historiques sur le sujet et de les actualiser face à la période et au contexte actuel.
J’ai traduit un texte de Colin Ward La sociologie anarchiste du fédéralisme
http://forum.anarchiste-revolutionnaire.org/viewtopic.php?f=16&t=6858&p=126974#p126974

Anarchisme, nation, identité, culture- Régionalisme, nationalisme et anarcho-indépendantisme de de Karim Landais http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/anarchisme_nation_identite-4septembre.pdf
est un travail méritoire avec lequel je ne suis pas d’accord, mis à part sa critique de l’anarcho-indépendantisme.
Il y a quelques textes historique, notamment celui de Bakounine, cité par Ward
Fédéralisme, socialisme et antithéologisme
http://fr.wikisource.org/wiki/F%C3%A9d%C3%A9ralisme,_socialisme_et_antith%C3%A9ologisme
Sur le Monde Nouveau, pas mal de choses, dont http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Proudhon_Federalisme.pdf

Voilà en gros, pour l’introduction. Je ne sais pas si le sujet a été déjà traité sous une forme ou sous une autre sur le forum et si il faut faire des rapprochements.
digger
 
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 06 Nov 2013, 09:59

En même temps je me vois mal differ comme pourrait le faire la Fédération Anarchiste juste un tract expliquant ce qu'est le fédéralisme libertaire.

Il ne s’agit pas de cela dans mon esprit. (En fait, c’est peut-être un long monologue. :) ) Je vais essayer de clarifier un peu :
Bakounine pensait que la solution était
pour faire triompher la liberté, la justice et la paix dans les rapports internationaux de l’Europe, pour rendre impossible la guerre civile entre les différents peuples qui composent la famille européenne, il n’est qu’un seul moyen : c’est de constituer les États-Unis de l’Europe.

Mais que
les États de l’Europe ne pourront jamais se former avec les États tels qu’ils sont aujourd’hui constitués, vu l’inégalité monstrueuse qui existe entre leurs forces respectives.

Il proposait donc la
Reconnaissance du droit absolu de chaque nation, grande ou petite, de chaque peuple, faible ou fort, de chaque province, de chaque commune à une complète autonomie, pourvu que sa constitution intérieure ne soit pas une menace et un danger pour l’autonomie et la liberté des pays voisins.

En reconnaissant le droit ( anarchiste, en ce qui concerne toute organisation) à la sécession
De ce qu’un pays a fait partie d’un État, s’y fût-il même adjoint librement, il ne s’ensuit nullement pour lui l’obligation d’y rester toujours attaché.

Il y adjoignait le fédéralisme
La Ligue ne pourra reconnaître qu’une seule unité : celle qui se constituera librement par la fédération des parties autonomes dans le tout

Cette approche a pratiquement disparu aujourd’hui. Je l’ai retrouvé chez Colin Ward :
L’histoire à venir de l’administration d’une Europe fédérée qu’elles s’efforcent de découvrir est un lien entre, disons, la Calabre, le Pays de Galles,l’Aquitaine, l’Andalousie, la Galice ou la Saxe, comme régions plutôt que comme nations,à la recherche de leur identité régionale, économique et culturelle, perdue lors de leur intégration dans les états-nations, où le centre de gravité est ailleurs.

Mes questions (à affiner) sont : pourquoi l’aliénation de classe a-t’elle effacée les autres formes d’aliénation, culturelles, notamment ? L’idée anarchiste n’a t’elle pas été pervertie (influencée) par l’idée républicaine (une et indivisible) ? Ne se prive-t’elle pas d’une approche révolutionnaire (contestation et affaiblissement du pouvoir central) ? Etc...
Je lie cela à une question que je connais un peu, la question basque. Elle a été saisie par des milieux aussi divers que l’Eglise (qui fut un des déclencheurs de la renaissance culturelle), ETA et ses dérives, etc...Situation complexe (historiquement, géographiquement, sociologiquement et économiquement) qui n’a jamais été étudiée sérieusement (détrompez-moi, au cas où) d’un point de vue libertaire.
C’est cet aspect du fédéralisme lié au "régionalisme" qui m’intéresse, au-delà du simple fédéralisme libertaire tel qu’il est abordé généralement.
Mais cette question n’est pas séparée d’autres questions, et n’en est qu’une composante.
digger
 
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 07 Nov 2013, 10:13

Une précision : Lorsque je dis
L’anarchisme contemporain s’est toujours montré méfiant face aux "régionalismes" hexagonaux

je ne sous-entend pas qu’il existe un désintérêt ou une hostilité générale.

Mon sentiment a été résumé par Guillaume Goutte, dans le Monde Libertaire  :

Déconstruire les discours
Car les discours des gouvernements successifs en matière de disqualification de ces luttes pour l’autonomie et la liberté sont puissants. Ils pénètrent jusque dans les milieux militants où nombre de camarades – moi le premier, pendant un temps – se laissent convaincre, par ignorance ou fainéantise, de l’illégitimité de ces combats indépendantistes pourtant éminemment légitimes (pour peu que les formes qu’ils adoptent s’inscrivent dans une soif de liberté et de justice sociale). Preuve que les discours officiels, quels que soient les milieux d’où ils émanent, doivent sans cesse et inlassablement être déconstruits quand on recherche l’émancipation collective et individuelle. Tout cela peut paraître bien banal, je vous l’accorde, et certains penseront sans doute être déjà émancipés de tout cela. Peut-être le sont-ils vraiment, et c’est tant mieux pour eux – bravo, les gars ! –, mais, dans la plupart des cas, on est persuadés d’être ce qu’on n’est pas. Avec le temps, le militantisme – et tout ce qu’il implique (ou devrait impliquer : la réflexion, le débat, l’engagement, la lutte) – peut nous ramener à un stade antérieur qu’on croyait pourtant avoir quitté : se croyant libre dans sa tête car militant, on en vient à ne plus penser, à ne plus réfléchir, à ne plus rien remettre en cause, à ne plus questionner le monde et ce qui nous entoure. Qu’on ait une grille de lecture rigide ou qu’on ait succombé aux théories du complot (qui, pour le coup, sont le produit d’un excès de doute combiné à la fainéantise de l’esprit), on s’enferme dans un monde clos et idiot et l’on ne vaut plus guère mieux que ce qu’on était avant notre prise de conscience politique (voire on devient pire, du genre donneur de leçon persuadé d’être dans le juste).
Guillaume Goutte Le Monde Libertaire
n°1687 (15-21 novembre 2012)

http://www.monde-libertaire.fr/n1687-15-21novembre-2012-dp4

Le texte Liberté pour Aurore Martin était suivi d’"un appel à la souscription pour aider et soutenir les quelque 600 prisonniers politiques qui sont actuellement derrière les barreaux des geôles françaises et espagnoles L’argent ainsi récolté sera remis au collectif des prisonniers politiques basques Herrira et sa conclusion claire était : Solidarité, liberté.

Le groupe Salvador-Segui fédéré à la Fédération anarchiste était encore plus clair. Son article Libérez Aurore Martin ! 1 novembre 2012 se terminait par
Liberté pour Aurore Martin et pour tous les militants basques qui luttent pour leur indépendance et pour construire une société autonome de liberté et d'égalité !


Alternative Libertaire affirmait son
"soutien à la lutte du peuple basque, en ces heures de répression orchestrée par les États français et espagnol. Au delà de notre soutien total à Aurore Martin, nous dénonçons les mesures liberticides appliquées au Pays Basque, laboratoire d’expérimentation des politiques sécuritaires de demain. Le combat des femmes et des hommes d’Euskal Herria contre les États est le nôtre."

Liberté pour Aurore Martin http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article3879
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Il y eut aussi cela

Messagede digger » 08 Nov 2013, 08:51

Il y eut aussi cela Ni État, ni ETA
http://www.monde-libertaire.fr/antifascisme/14085-ni-etat-ni-eta

Le (pauvre) commentaire fut
un article rédigé par un militant n'a jamais engagé la Fédération anarchiste dans son ensemble (il reflète un point de vue et une sensibilité, parmi toutes celles qui caractérisent l'organisation libertaire... La FA n'est pas le PC !)
.
Ce qui pose d’autres questions, car, en premier lieu, il ne s’agit pas ici de" point de vue" et de "sensibilité", mais au mieux d’approximations, et au pire d’ignorance historique, piteusement déguisées sous une fausse connaissance des "particularités du nationalisme basque"
Et, en second lieu, ce n’est pas l’auteur-e de ce texte qui s’est ridiculisé-e mais la Fédération Anarchiste qui y a été assimilée. L’auteur-e n’emploie d’ailleurs pas le "je" mais le "nous".

Donc, "pour bien apprécier ce qu’est l’ETA", il faudrait " aussi, et même surtout, connaître les particularités du nationalisme basque."
J’émets des doutes sérieux sur cette connaissance. LE nationalisme basque n’existe pas. Il s’est toujours exprimé sous des formes différentes au sud et au nord, par exemple, pour différentes raisons dont la première est des contextes historiques particuliers.

La principale caractéristique de ce nationalisme repose sur une interprétation purement ethnique de la nation basque. Le concept d’Euskadi n’est pas fondé sur une nation au sens culturel, géographique ou historique, mais avant tout sur la conception d’une population biologiquement pure.

Et de citer Sabino Arana Goiri comme image de ce nationalisme. Il y aurait eu quelques raisons de critiquer le bonhomme, qui même dans les milieux basques n’est pas en odeur de sainteté, mais certainement pas
symbole d’un Pays basque unifié indépendant, qu’il justifiait par le concept de "race basque qui ne ressemble en rien à l’espagnole ou à la française, toutes deux d’origine latine."
Voyons ce que Elisée Reclus écrivait lui
"Néanmoins le pays basque et navarrais doit bien être considéré comme une terre à part dans l’ensemble de l’Espagne. Il est habité dans une grande partie de son étendue par une race distincte, ayant encore gardé son vieil idiome, ses moeurs, ses coutumes politiques."

Elisée Reclus·Inscrit les Basques dans l´universel
http://www.lejpb.com/idatzia/20051224/art144693.php
A l’époque, le mot "race" était d’un usage courant, y compris dans les milieux scientifiques...et anarchistes (Comme le mot "nègre" le fut longtemps aux Etats-Unis dans des milieux anti-racistes)

Faut-il parler de la nauséabonde allusion à Gernika ?

"On trouve étroitement imbriqués dans la genèse de l’ETA des origines nationalistes et religieuses"

Et comment pourrait-il en être autrement dans les milieux de l’époque, au Pays Basque et ailleurs ?
La trajectoire du catholicisme social vers le socialisme se retrouve partout dans les années 1960-70, dans Enbata, précurseur au nord du mouvement basque, comme dans l’histoire de ce qui deviendra la Confédération Paysanne, par exemple, à travers le parcours d’un Bernard Lambert en Loire-Atlantique, qui commence son militantisme aux Jeunesses Agricoles Chrétiennes.
L’histoire basque résumée à l'ethnocentrisme catholique d’Arana et aux dérives d’ETA, là est la vraie mystification.
Il serait possible de revenir sur presque chaque mot de cet article. Il faudrait ré-écrire l’histoire ou la ré-expliquer.
On pourrait même ré-expliquer tout le matérialisme historique et le matérialisme dialectique depuis le début. Mais je crois que c'est peine perdue.

Comme le disait quelqu’un ailleurs au sujet de cet article, ou "déconstruire les discours" , comme le disait Guillaume Goutte.
Peine perdue ? Je ne sais pas encore. Pas avant d’avoir essayé encore une fois.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede Pïérô » 10 Nov 2013, 14:14

Boulot de recherche intéressant, et à poursuivre. Par contre je ne pense pas qu'il y ait une forme de négation ou de distanciation aussi importante que tu le penses dans l'ensemble du mouvement libertaire vis à vis de la question, et de la négation de la question, en passant par le soutien critique, çà va jusqu'à l'affirmation de courants libertaires régionalistes, ou participant à des luttes de libération nationale à l'échelle monde. Et évidemment c'est bien la question du sens qui fait débats.

Un congrès d'Alternative libertaire de 2010 revient sur la question, et il y a eu il y a peu, en 2011, un N° spécial "Luttes de libération nationale, une révolution possible ?" par l'OCL et l'OLS. Et il y a nombre d'éléments sur la question à retrouver.

Texte congrès Alternative Libertaire, Angers 2010
Les communistes libertaires et les luttes de libération nationale

Quelle grille de lecture – et quelle attitude – les communistes libertaires doivent-ils adopter face (et éventuellement dans) les luttes de libération nationale ? La multiplicité des cas interdit une réponse unique.

Pour rappel historique, la FA française a soutenu l’indépendance de l’Indochine en 1949, la FCL celle du peuple algérien dès 1954, les communistes libertaires québécois la revendication indépendantiste au Québec dans les années 1970, l’UTCL la lutte indépendantiste en Kanaky dans les années 1980 et, plus récemment, AL a soutenu depuis 2002 la perspective d’un « pays unique, laïque et démocratique » en Palestine-Israël ainsi que des luttes et des combats impulsés par des mouvements indépendantistes dans les Dom-Tom.

A contrario, l’UCL québécoise a, dans les années 2000, arrêté de soutenir la revendication indépendantiste et a proclamé qu’« à la question sociale, il n’y a pas de solution nationale ». De la même manière, nos camarades italiens de la FDCA s’opposent à l’indépendance de la « Padanie », nos camarades boliviens à celle des provinces orientales du pays et les communistes libertaires grecs à l’ensemble des revendications nationales dans les Balkans.

Depuis 1945, les communistes libertaires ne sont donc pas restés indifférents, loin de là, à la question des « luttes de libération nationale » pour employer un terme générique. Mais ils n’ont jamais défini clairement une ligne de conduite, réagissant au coup par coup, au cas par cas, sans théorie générale, et sans faire l’effort de doter leur réseau international d’une théorie globale.

Faire cet effort théorique ne signifie pas que désormais les communistes libertaires doivent se précipiter de façon superficielle et illusoire sur chaque manifestation d’une lutte de libération nationale pour juger si elle mérite ou non d’être soutenues. Mais il est indispensable, quand les événements s’imposent à nous, d’avoir une méthode d’analyse commune. Sans prétendre résoudre ces questions de manière définitive, nous proposons donc un « fil rouge ».

Il ne s’agit pas non plus de conférer aux luttes de libération nationale un rôle historique excessif. Les communistes libertaires n’entretiennent aucune illusion tiers-mondiste. Il n’y a pas des « nations prolétaires » dont le nationalisme serait la « conscience de classe ». La révolution sociale ne s’identifie pas à un jeu d’échec géostratégique opposant des États entre eux. La lutte des classes demeure le principal levier d’un potentiel renversement des formes d’oppression et d’exploitation, dans quelque pays, dominant ou dominé, que ce soit.

1. Quelle analyse des luttes de libération nationale ?

Il n’y a aucune difficulté pour nous, à reconnaître que des oppressions de minorités nationales existent.

Des minorités, en fonction de leur langue, de leur culture et/ou de leur couleur de peau (amendement du CAL St Denis intégré), peuvent être marginalisées, opprimées, dominées. Les services publics, sur leurs territoires, sont soit insuffisants soit servent à asseoir la domination coloniale, mais exploités par une mono-activité et souvent enfermés dans un système de dépendance du fait de l’importation massive de produits manufacturés au profit d’une économie fondée sur les services (tourisme, commerce, etc.) et le développement du secteur primaire (cultures d’exportation, pillage des ressources minières, etc.). Ce système profite au capitalisme de l’État colonial.

Ces territoires peuvent être soumis à une politique de « colonisation de peuplement », qui implique le double phénomène d’une implantation stratégique de populations de culture majoritaire sur le territoire dominé, que l’État instrumentalise pour marginaliser la culture minoritaire : colonies israéliennes en Palestine ; peuplement chinois du Tibet et du Turkestan ; déplacement dans les années 1940 de centaines de milliers d’Andalous en Catalogne, où l’emploi du catalan était interdit.

Face à cette oppression, des rébellions peuvent surgir, sur des bases à la fois nationales et sociales. Notre analyse de ces luttes est matérialiste dialectique. C’est-à-dire que nous considérons que ce sont avant tout les facteurs structurels, tels que le développement du processus de production, les rapports de classes ou encore le poids de puissances étrangères, et les contradictions internes à ces facteurs qui importent dans cette analyse, plutôt que les facteurs idéologiques.

Les facteurs idéologiques ont bien évidemment leur importance, ne serait-ce que parce qu’ils influent sur les facteurs structurels. Ainsi, si une organisation a une grande influence au sein d’une classe sociale, le projet politique de cette organisation détermine en partie la conscience de cette classe sociale. Mais analyser en premier lieu les projets politiques en œuvre au sein des luttes de libération nationales et ensuite le contexte structurel au sein duquel ces luttes se développent reviendrait à décrire un objet en regardant son ombre plutôt que l’objet lui-même.

Dans la plupart des cas, il serait donc vain d’essayer de déterminer si une lutte de libération nationale est plutôt « socialiste » ou « capitaliste », de même que qualifier une revendication salariale de « réformiste » ou de « révolutionnaire » n’a aucun sens. Chaque lutte de libération nationale est traversée par des contradictions qui déterminent son devenir.

2. La position des communistes libertaires

A défaut de pouvoir classer les luttes de libération nationale en grandes catégories, nous pouvons néanmoins déterminer les facteurs qui doivent tout particulièrement être pris en compte dans notre analyse et dans la conclusion que nous en tirons sur notre soutien à la revendication indépendantiste et à tout autre revendication faisant débat au sein du peuple concerné.

Voici quelques questions auxquelles il nous semble important de répondre avant de déterminer notre soutien :
- L’option indépendantiste est-elle défendue au sein de la population par les masses laborieuses (prolétariat, paysannerie pauvre) ? Ne correspond-elle pas uniquement à l’objectif de telle ou telle fraction de la bourgeoisie locale ? Quel est l’état actuel du rapport de force entre la bourgeoisie locale et les masses laborieuses ?
- Le mouvement national considéré est-il réellement indépendant ? Si non, peut-on espérer que ce mouvement s’émancipe de l’influence de telle ou telle puissance étrangère ?
- Plusieurs minorités nationales coexistent-elles dans le pays ? La situation de l’une ou l’autre de ces minorités ne serait-elle pas détériorée par l’indépendance ?
- Quels sont les projets politiques des organisations influentes dans le mouvement national considéré ? Peut-on espérer qu’une alternative socialiste, internationaliste, féministe et/ou laïc émerge de ces projets ?

En dehors de la revendication d’indépendance, précisons que les révolutionnaires apporteront toujours un soutien inconditionnel aux revendications d’égalité des droits, contre les discriminations.

Soutien de principe aux peuples opprimés, soutien critique aux organisations de lutte

Les révolutionnaires ne peuvent s’exonérer de leurs responsabilités. Comme pour l’Indochine, l’Algérie ou la Kanaky, leur devoir est de combattre en priorité l’impérialisme de leur propre État, tout en encourageant, au sein du mouvement national, les forces porteuses des plus hautes exigences d’émancipation sociale.

On peut être solidaire d’un peuple dominé voire martyrisé, sans pour autant vouloir apporter son soutien aux organisations qui prétendent le représenter (exemple : Tigres tamouls, boeviki tchétchènes…) parce qu’elles portent en elles une nouvelle oppression.

Mais, à moins de s’en tenir à une action purement « humanitaire », l’action déterminante est celle qui se porte en soutien à une organisation poursuivant des buts politiques.

Dans ce cas les communistes libertaires peuvent avoir une ligne adaptée :
- apporter son soutien aux organisations qui lient émancipation nationale et émancipation sociale ;
- un « soutien critique » est possible (même s’il s’agit d’une organisation communiste libertaire) en affirmant sa solidarité, mais en ne renonçant pas à affirmer ses désaccords et à critiquer la politique de l’organisation qu’on soutient ;
- promouvoir l’internationalisme dans les luttes indépendantistes : montrer que la solidarité des prolétariats est possible et nécessaire ;

Des cas pratiques

Au premier rang des luttes de libération nationale que les communistes libertaires ne peuvent soutenir, il y a celles qui présentent un caractère ouvertement raciste, xénophobe (Belgique flamande, « Padanie » italienne), qui ne répondent qu’à une manœuvre de la bourgeoisie (Bolivie orientale) ou à une manœuvre impérialiste (Kosovo sous tutelle américaine, Ossétie du sud sous tutelle russe). Dans ces régions, les revendications séparatistes sont aux mains de la bourgeoisie locale qui tente d’asseoir sa domination en se substituant au pouvoir national ou en se plaçant sous la protection d’un impérialisme concurrent.

La question est différente dans les Antilles, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte ou en Kanaky, dernières colonies d’un empire révolu. Ces territoires « français » connaissent de fortes mobilisations sociales, teintées d’anticolonialisme voire d’indépendantisme. Les communistes libertaires apportent depuis des années leur soutien critique aux mouvements syndicaux et politiques de ces régions, quelle que soit la voie nationale qui leur semble la plus appropriée : indépendantisme, autonomisme ou lutte pour l’égalité des droits et le développement économique.

Des régions comme la Corse, le Pays basque, la Catalogne, Irlande du Nord ou le Québec sont à cheval sur ces deux premiers cas : la revendication nationale peut être entre les mains de partis bourgeois locaux, mais aussi s’accompagner d’une forte présence de la question sociale, avec des mouvements syndicaux ou politiques forts, capables de mener des luttes significatives avec l’appui de la population. Là aussi un soutien critique est approprié.

Dans certains pays, d’anciennes régions « historiques » restent travaillés par de fortes aspirations culturelles. C’est le cas par exemple en France avec la Bretagne, la Savoie ou l’Occitanie. Les revendications autour de la langue et de la culture peuvent être très populaires, même si la « libération nationale » n’est plus portée que par une infime minorité de la population. Dans ce cas, l’AL soutient la reconnaissance légitime de leur spécificité culturelle.

Certaines luttes de libération nationale, enfin, sont la réponse directe à une oppression cruelle, coloniale ou ségrégationniste : Tibet, Kurdistan, Tchétchénie, Palestine, Eelam tamoul… Leur légitimité est indiscutable. Pour autant, les principales organisations nationales portent des projets politiques parfaitement autoritaires, que des révolutionnaires ne peuvent soutenir. Les communistes libertaires dénonceront donc l’oppression d’État, mais ne soutiendront que les forces politiques qui, si elles existent, défendent une vision au minimum internationaliste, laïque et pluraliste refusant tout type de discrimination.

Certaines luttes, enfin, peuvent avoir valeur d’exemple, comme celle du Chiapas, lutte légitime d’une partie opprimée de la population mexicaine, avec des volontés internationalistes claires et des modes d’organisation de la lutte autogérés. Même si un certain nombre de critiques peuvent être formulées, la lutte menée par l’EZLN est l’exemple type des luttes d’émancipation que devraient soutenir et impulser là où ils le peuvent, les communistes libertaires.

http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle3950


Image

Sommaire du N° spécial OCL-OLS
Luttes de libération nationale, une révolution possible ?

Décoloniser nos esprits
• 4-5 Les cultures minoritaires contre l’uniformisation ?
• 6-7 Du sentiment d’appartenance
• 8-9 Dans le mouvement basque
• 10-11 Quelle attitude vis-à-vis des luttes de libération nationale ?
• 12-13 « On parle en breton au cheval mais en français au tracteur »
• 14 Parler breton aujourd’hui

Décoloniser nos luttes
• 15-19 Corsica : A Populu Fattu Bisogna a Marchja’
• 20-21 Pour une Bretagne libertaire anticapitaliste
• 22-23 Kanaky. Il est fini le temps des colonies
• 24-25 Le colonialisme, talon d’Achille du mouvement ouvrier
• 26-29 Autonomes et commandos autonomes au Pays basque
• 30 Scelta Para
• 31 OPA sur les identités
• 32-33 L’Europe contre les peuples

Décoloniser le monde
• 34-36 Turquie : Pour la reconnaissance sociale et politique du peuple kurde
• 37-39 Algérie : Les rendez-vous manqués de la libération nationale
• 40 Kabylie : Retour sur le printemps noir de 2001
• 41-43 Occupation en Irak et critique de l’anti-impérialisme


Edito

Un certain nombre de nations, parmi lesquelles la France, l’Allemagne, le Japon et les États-Unis, se sont créées et développées grâce à la conquête d’autres nations. Elles ont constitué de véritables empires coloniaux, asservissant les populations locales et pillant leurs richesses. Après la Seconde Guerre mondiale, une période de décolonisation s’ouvre avec l’indépendance des Indes britanniques en 1947. Des mouvements nationalistes déjà anciens, comme c’est le cas en Algérie, s’arment et se soulèvent. Les États colonisateurs usent de différentes stratégies pour casser ces luttes. Malgré la répression féroce qui s’abat sur les populations colonisées, les mouvements anticolonialistes ont peu d’écho dans les pays colonisateurs.

Aujourd’hui encore, un certain nombre de nations habitent un territoire et parlent une langue qui n’ont pas d’existence officielle, en dépit de leur spécificité. C’est le cas des Kurdes, qui forment le plus grand peuple privé de pays dans le monde, leur territoire étant partagé entre cinq États. C’est également le cas de beaucoup de nations d’Amérique latine et d’Asie, mais aussi d’Europe. Non seulement les phénomènes d’impérialisme et de domination d’une culture par une autre n’ont pas cessé avec les décolonisations (souvent partielles), mais l’émergence de nouveaux États semble même avoir entraîné leur dissémination (par exemple en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie).

Les personnes qui défendent une langue et/ou une culture minoritaire, surtout dans nos contrées où la modernité est censée avoir triomphé des particularismes locaux, sont souvent perçues comme réactionnaires. L’ancrage sur un territoire et le sentiment d’appartenance ne sont pourtant pas l’apanage des seules luttes de libération nationale, ils font partie intégrante de toute lutte sociale. Même si les personnes qui participent aux luttes de libération nationale ne sont pas toutes révolutionnaires, un travail critique sur les mouvements de libération nationale reste à mener aujourd’hui, pour en dégager les aspects émancipateurs et ceux que nous ne souhaitons pas reproduire.

Nous n’avons pas la prétention de traiter toutes les luttes de libération nationale dans ce hors-série, ni de répondre à toutes les questions qu’elles posent, notamment celle de l’exploitation… Nous avons cependant tenté d’ouvrir quelques pistes de réflexion pour envisager les luttes de libération sous un jour nouveau.

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?ar ... nationales


Un texte de 2009 repris du 4 pages de présentation de l’OCL

Luttes de libération nationale

L’OCL est souvent décriée pour ses positions en faveur des luttes de libération nationale, en vertu d’un principe qui voudrait que révolution et nationalisme soient incompatibles... Petit retour sur cette question. Ce texte est une version développée de celui qui figure dans le 4 pages de présentation de l’OCL

Alors que le capitalisme s’internationalise toujours davantage et tend à homogénéiser les modes de vie, à transformer en marchandises toutes les activités humaines, les hommes, eux, tendent à l’inverse à s’orienter vers une redécouverte de leurs identités constitutives (fictives ou réelles, ou les deux à la fois). Ce furent les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes depuis la fin de la seconde guerre mondiale en Amérique latine, en Afrique ou en Asie. Ce furent ensuite les luttes identitaires ou indépendantistes au cœur des métropoles impérialistes d’Amérique et d’Europe. C’est maintenant l’apparition sur le devant de la scène de multiples peuples issus de l’ex-empire soviétique. Ce sera bientôt, n’en doutons pas, le cas en Chine et dans le sous continent indien... en attendant que les frontières africaines issues de l’ère coloniale, tirées au cordeau, n’explosent. Les mouvements qui surgissent depuis quelques années sont le plus souvent taxés de réactionnaires. Indiquent-ils un retour de l’humanité vers une sorte de barbarie où les affrontements nationalistes damneraient le pion à tous les espoirs de paix, d’égalite, de socialisme ou au contraire sont-ils porteurs d’immenses espoirs de voir se redéfinir le monde vers des dynamiques contraires à celles du capitalisme et à l’exploitation de l’homme par l’homme ? Ni l’un ni l’autre vraisemblablement.

Nombre de mouvements des années 60 étaient souvent, à gauche, parés de toutes les vertus. Le tiersmondisme fut alors une idéologie développée par une certaine extrême gauche qui, sous l’influence des révolutions chinoise et cubaine, du fait de la stratégie de non alignement de la Yougoslavie titiste, et en raison des modifications des structures de classes en Occident durant les Trente glorieuses, furent amenées à considérer les pays du tiers monde, et plus particulièrement les mouvements populaires de libération nationale comme LE nouveau sujet révolutionnaire. Une sorte de substitut au prolétariat, unique agent de la révolution dans la vulgate marxiste. Cette analyse tiersmondiste conduisit alors nombre d’organisations à un alignement inconditionnel sur les mouvements de libération au Sud : Cuba, Algérie, Vietnam, Cambodge, Salvador, Nicaragua... L’OCL a toujours critiqué cette tendance et, dans tous les cas, notre soutien à certaines luttes de libération nationale n’est jamais inconditionnel et prend soin de distinguer entre des directions et des mouvements, entre des Etats et des peuples ; est attentif en premier lieu au contenu de ces luttes quant à l’émancipation sociale et non pas seulement nationale ; essaye de comprendre que comme dans tout mouvement il y a des tendances plus intéressantes que d’autres et des rapports de forces entre elles. Nous n’avons donc pas de positions tiersmondistes, mais des positions anti-impérialistes.

Le concept de Nation ne peut se réduire ni à une notion juridique, ni à un espace borné, et encore moins à un Etat. La Nation c’est tout simplement un ensemble de gens qui se reconnaissent comme y appartenant (souvent on est conscient d’une appartenance lorsque celle-ci est attaquée ou niée). Les éléments qui constituent cette auto-reconnaissance sont, au sens large, la culture. Ils sont très divers et vont de l’organisation sociale aux simples habitudes, de la langue à la religion, du mode de vie au mode de production, des références historiques à la reconnaissance d’un espace géographique... C’est une référence collective composée de la totalité ou d’une partie seulement de ces éléments. C’est une communauté d’individus présentant un certain nombre de points communs à un moment donné, mais qui se situe également et simultanément dans le temps (l’histoire, le présent, le passé et l’avenir) et l’espace.

Si nous sommes solidaires ou participons à certaines luttes de libération nationales ce n’est pas par goût particulier du nationalisme, au contraire, mais parce qu’elles participent au combat pour la réappropriation d’un pouvoir dans l’espace où vivent les gens (ce sont des luttes pour la souveraineté). Les dynamiques de Luttes de libération nationales peuvent placer les gens dans un rapport d’ouverture avec l’extérioeur, d’attente des autres, d’échange, de débat, qui ouvrent des perspectives autant internationalistes que nationalistes.

Ces luttes sont traversées de contradictions et développent un aspect beaucoup plus global, plus politique, que bien d’autres luttes enfermées dans le carcan de leurs spécificités donc plus facile à neutraliser. Le point limite des luttes de libération nationale, c’est bien sûr celui où l’affirmation de l’appartenance se retourne en une logique d’exclusion. Cette réversibilité dans la non appartenance est contenue virtuellement dans la logique de l’appartenance. C’est sur ce point limite là que la vigilance doit s’exercer, et pour cela, se nourrir d’autres valeurs comme l’égalité, la solidarité, le droit au refuge, à la libre circulation des individus, l’internationalisme.

Il y a quelques axes stratégiques à défendre dans une lutte de libération nationale comme dans l’éventuel soutien que nous pouvons lui apporter, au-delà, bien entendu de la liquidation de la domination étrangère.

Libération nationale et sociale :
Une position de classe dans la lutte.
• Défendre l’idée que la libération ne passe pas par l’installation d’une bourgeoisie nationale mais par une réorganisation de la vie sociale et de la production orientées vers la satisfaction des besoins exprimés par les classes exploitées et non en fonction des “impératifs” du marché et du profit. - Combattre les tactiques d’intégration dans les institutions et préserver l’autonomie des structures de contre-pouvoir qui se mettent en place.
• Combattre les formes de revendications ou de luttes qui tendraient à renforcer le poids d’une future ou actuelle bourgeoisie, ou des notables.

Libération à caractère libertaire :
• Favoriser le poids des structures populaire de base au détriment des partis.
• Maintenir la lutte armée, si elle existe, dans un rôle de prolongement des luttes sociales, culturelles et politiques, et veiller à ce qu’elle n’acquiert pas un rôle de direction.
• Lutte pour que l’appartenance volontaire à la lutte remplace les liens du sang, par définition interclassistes. Favoriser dans le lien d’appartenance ce qui s’acquiert (langue, lutte...) au détriment de ce qui est donné (race, filiation...).

Organisation communiste libertaire


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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 10 Nov 2013, 15:18

Je séparais "luttes de libération nationale" et "régionalisme" qui me semble deux choses différentes, historiquement et idéologiquement.
ETA parlait de lutte de libération nationale au Pays Basque (le FNLC aussi en Corse, il me semble), mais ETA a eu très vite une orientation marxiste-léniniste, dès le début des années 60, avec les guerres d'indépendance et la décolonisation. La création d'un Etat face à l'occupation d'une puissance étrangère - que j'entends par libération nationale - me semble différent d'une approche du fédéralisme (dans l'idée libertaire du terme). Ce n'est pas une condamnation de l'idée de "libération nationale", qui semble parfois justifiée comme pour la Palestine par exemple. (ou les exemples que donne AL)
Je pense juste qu'on ne peut pas assimiler la Bretagne et le Pays Basque à la lutte du peuple palestinien. (Comme le dit aussi AL)
Là ou je ne suis pas d'accord, c'est
Dans ce cas, l’AL soutient la reconnaissance légitime de leur spécificité culturelle.

Il existe des spécificités autres que culturelle, qui sont sociales et économiques et qui pour moi doivent être soutenues de la même manière et qui est le droit des habitants d'une région, délimitée ou non par des anciennes frontières historiques (l'état basque n'a jamais existé et ceci est vrai tout autant pour la Creuse ou la région tourangelle) à déterminer ses modes politiques, sociaux, économiques. Ceci n'étant aujourd'hui possible que dans la collaboration, appelé "fédéralisme" tel que défini par Bakounine and c°.
C'est cette position qui a disparu du projet anarchiste. Le droit à la sécession et à s'organiser librement, et la méthode du point de vue anarchiste, pour le faire (le fédéralisme), que ce soit en Bretagne ou à Triffouillis-les-Oies.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede Pïérô » 10 Nov 2013, 15:51

C'est bien pourquoi je dis que c'est la question du sens qui fait débats et divergences dans l'approche. D'ailleurs au delà d'un positionnement lié à la question du fédéralisme, de l'autonomie, de l'autodétermination, cela s'étudie au cas par cas, en soutien, soutien critique, distanciation, etc...

digger a écrit:Je séparais "luttes de libération nationale" et "régionalisme" qui me semble deux choses différentes, historiquement et idéologiquement.

J'avais bien compris, mais justement je ne vois pas vraiment la différence, sinon en terme d'ère géographique. Pour exemple la question kurde peut se voir en régionalisme en Turquie mais bien en terme de peuple et de "libération nationale" à sa vrai échelle. Et tu parles bien de la question palestinienne.
Et évidemment de manière plus théorique, il y a à interroger ces notions de nation, peuples, cultures, etc...au delà de certaines réalités que l'on ne peut nier, et revendications parfaitement entendables, et justement rapportées à un projet fédéraliste et communiste libertaire qu'il me semble important aussi de rappeler car il y a bien un fond, et du sens, dans ce que l'on essaie de porter dans ce cas de figure. Je pense que le positionnement de l'OCL et d'AL sont assez proches sur le fond comme en grande partie la forme, et la question est vue aussi sous l'angle de la dynamique de lutte, et ce qu'elle peut produire notamment.

Sur la question basque, il est difficile de nier l'existence d'un peuple basque historiquement, il y a une langue très spécifique, et une région assez déterminée. Après évidemment, et au regard de ce que l'on porte, il est clair qu'il y a divergences avec certains courants, et les ML de l'ex ETA notamment sur pas mal de points, mais surtout sur la question de sens. Il y a bien cependant, et il y en avait dans ETA aussi, des références au fédéralisme et au socialisme autogestionnaire dans cette lutte. Mais si je prends l'exemple palestinien, je me vois difficilement dire, après avoir expliqué ce que l'on porte en fédéralisme, autonomie, et aussi en terme de lutte de classes, et en construction locale fédéraliste (çà demanderai un peu de développement d'ailleurs) que je pourrais être contre l'autodétermination et la création d'un Etat spécifique, là pour moi d'avantage en terme pays qu'en terme étatique. Est-ce que c'est un élément qui freinerait l'avènement, ou plutôt qui l'a rendrait de plus en plus impossible, de la révolution sociale internationale et anationale, je ne pense pas.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 10 Nov 2013, 16:26

je ne vois pas vraiment la différence, sinon en terme d'ère géographique

Pour moi, la différence est contextuelle (et comme l’a montré Reclus, la géographie est inséparable du reste, de l’humain en particulier) Je suis d’accord sur la Palestine ( ou le kurdistan) La création d’un état sera une étape sans doute indispensable. La création d’un état breton ou basque est absurde, parce qu’il peut exister un rapport de force politique créant une nouvelle approche. Il faudrait longuement développer le projet, mais gross modo, à court terme des autonomies locales dans une autre vision que républicaine et nationale, dans un ensemble fédéré (toujours au sens libertaire, le terme fédératif étant vague politiquement) . Cette vision n’est bien sûr pas applicable aujourd’hui à la Palestine ou au Kurdes.
C’est un champ de recherche qui est absent, ou peu approfondi dans le mouvement anarchiste et qui serait un contre feu aux propagandes d’extrême-droite et libérales.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede Pïérô » 10 Nov 2013, 20:02

Nous sommes sur la même longueur d’ondes. En même temps, ce n’est pas moi qui vais décider pour les autres. L’héritage celte est partagé, mais pour ce qui est du peuple basque çà reste encore à explorer... Je pense qu'il faut dire que l'on ne peux être contre l’autodétermination à partir du moment où celle-ci s’appuie sur la démocratie directe.

L’important, comme tu le soulignes en lançant ce topic, c’est bien le sens. Qu’il y ait un pays Basque ou une région Bretagne autonome ne me pose pas problème si l’on est dans les clous du fédéralisme libertaire, et du communisme libertaire car fédéralisme chez les anarcho-individualistes confine à la communauté autarcique dans un schéma complètement évaporé de projet de société. Et puis il faut aussi séparer la pollution interclassiste d'un enjeu politique que l'on peut alimenter à partir de notre corpus politique, celle entretenue par les réacs qui fait fi de la problématique de lutte des classes et de l'émancipation réelle, et c'est ce qui amène en partie ta démarche d'ailleurs. Une partie de la bourgeoisie et petite bourgeoisie locale a un conflit d'intérêts et un discours "régionaliste" s'accompagne là d'un discours ultra libéral contre tout ce que peut pondre la "république", une droite "décomplexée face à un système régulateur ciment d'un Etat porteur d'un consensus là aussi interclassiste. La Bretagne, comme la Vendée, et évidemment ça se retrouve ailleurs, ont été le champ de ce genre de confusionnisme qui ont amenés oppresseurs et oppressés dans le même camp, et on peut dire aussi dans les deux camps en un raccourci à développer pour préciser la différence entre les deux camps et qui est quand même d'importance dans la mesure où il y avait côté de la bourgeoisie face à la noblesse une volonté affichée d'établir une "démocratie". Et comme d’ailleurs aujourd’hui il y en a pour faire le parallèle, je comprend bien, comme toi, l’enjeu de poser du contenus et du sens par rapport à ce que l'on porte et notre combat non pas libéral mais libertaire, révolutionnaire et autogestionnaire. Historiquement c’est ni blanc ni bleu, et un rouge et noir qui peut fédérer dans le bon sens.
Et évidemment, il n'est pas suffisant de dire çà car dans ton questionnement il y a bien aussi la question de la manière, et là il me semble en partageant ta démarche qu'il y a là un enjeu important, et du boulot...
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Re: Il y eut aussi cela

Messagede altersocial » 12 Nov 2013, 17:06

digger a écrit:Il y eut aussi cela Ni État, ni ETA
http://www.monde-libertaire.fr/antifascisme/14085-ni-etat-ni-eta



Du coup ça m'a rappelé ce texte qui avait circulé dans la gauche ultra dans les années 80:

:arrow: Contre le racket abertzale ou Les insolences anti-patriotiques d'un métèque (pdf)

Un texte à peu près semblable avait circulé à l'époque sur l'Ulster/IRA, mais j'ai oublié le titre.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 13 Nov 2013, 07:00

C’est un pavé ! Et indigeste
Je connais ce genre de texte à la prose enflammée plus-radical-que-moi tu-meurs qui a fleuri notamment chez Non Fides (parmi des textes intéressants) J’ai lu en diagonale les premières pages.
Abertzale = chauvinisme nationaliste. Il doit y en avoir, comme en France, en Palestine ou ailleurs.
La langue, parlée par une minorité (et pour cause) . Mais appartient à une communauté celui ou celle qui a choisi d’y vivre, pas celle ou celui qui en parle la langue. Un "idiome" dépassé appris dans des écoles "privées" (les ikastolak. L’auteur, fort de sa science sait que le pluriel d’iskatola est iskatolak mais malheureusement il y a mis un "s". Réflexe nationaliste français, je suppose). Mais l’état central (sans doute par internationalisme) a toujours cherché à faire disparaître les langues minoritaires, rendant honteux son usage (dans les classes populaires,les ploucs. La bourgeoisie elle adoptait le français) et les écoles, que ne reconnaissait pas l’Etat (et les syndicats) ont du prendre des statuts privés sous convention alors qu’elles auraient très bien pu (et souhaitaient, comme Diwan en Bretagne) être intégrées dans l’enseignement public. Etc...
Je pense qu’il y a des critiques et des questions plus sérieuses sur lesquelles réfléchir. La question de l’identité, de la culture, des minorités (qu’elles soient culturelles, de genre, etc...), de l’universalisme, et il me semble que l’anarchisme est bien placé pour cela, si les différences ne sont pas considérées comme des dangers. On peut laisser cela à la bourgeoisie et aux pseudos-révolutionnaires idéologues qui, vu leur intelligence limitée, ne peuvent voir le monde que comme un bloc uniforme pour pouvoir l’appréhender. C’est ce qu’ont essayé de faire les bolcheviks et toutes les idéologies totalitaires. C’est ce qu’eesaie aussi de faire le capitalisme. Un monde uniformisé, qui consomme uniformément. La logique aboutit au même.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 13 Nov 2013, 11:36

Il existe des fondements théoriques sur le fédéralisme libertaire. Proudhon, Bakounine, que j’ai déjà cité, Pierre Besnard et des études, comme celles de René sur Le Monde Nouveau. Nous n’avons pas à ré-inventer l’eau chaude. Mais entre théorie et pratique, il semble que le message devienne confus.

"En vérité, c’est la création de l’unité territoriale – par la force – des deux plus grands pays européens, la France et l’Angleterre, unifiés par Louis XIV et Cromwell au XVIIesiècle, qui mit fin définitivement au fédéralisme réel sur le vieux continent. C’est donc en France et en Angleterre que prit naissance, presque simultanément, le centralisme moderne, le seul qui nous intéresse en ce moment. Il se manifesta sous sa forme politique et étatiste d’abord ; puis il devint économique, impérialisme et colonialiste, industrialiste, financier et, en définitive,... gangstériste. On sait le reste. Nous avons actuellement sous les yeux la preuve irréfutable de tous ses méfaits"

Pierre Besnard Le fédéralisme libertaire http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Besnard_-_Le_federalisme_libertaire.pdf

C’est pourquoi il y opposait le fédéralisme car

"Le but essentiel est l’institution d’une communauté libre, dans toute la mesure du possible...Le fédéralisme est donc un tout, mais un tout dans lequel trouvent place les particularités de tous et de chacun. Il s’applique à toutes les collectivités, quelle qu’en soit l’ampleur, avec la certitude de pouvoir les satisfaire toutes"


ou, comme le disait Proudhon
"Chaque groupe ou variété de population, chaque race, chaque langue est maîtresse de son territoire. Chaque cité, garantie par ses voisines, est reine dans le cercle formé par son rayonnement"

De la Capacité politique des classes ouvrières Proudhon cité dans Sur le fédéralisme René Berthier http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Proudhon_Federalisme.pdf
Idée reprise par Bakounine

Aujourd’hui, reprendre ces idées, c’est "identitaire" ou "communautariste". Il ne s’agit pas ici de nier l’existence de tels courants, mais de ne pas en faire un obstacle qui empêcherait d’aller de l’avant. Il existe des manières autoritaires pour cela :
"Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet "

Article 3 de la Loi du 1er Juillet 1901

Le droit à la sécession, prôné par Bakounine est illégal, la forme républicaine inamovible. Car comment instituer, sinon défendre, un autre régime politique sans critiquer la forme républicaine ?
En défendant un fédéralisme édulcoré entre Etats-nations, qui ne résout rien et impossible à réaliser. Il va sans dire que dans le cas basque, trans-frontalier, tout est atteinte à l’intégrité du territoire comme l’a appris le mouvement Enbata en 1973 avec sa dissolution par Marcellin. Et les militant-es basques peuvent être poursuivi-es des deux côtés de la frontières, ou d’un seul, en ayant désobéi à aucune loi sur le territoire où ils/elles vivent. Parce que l’Europe, c’est la collaboration capitaliste et policière.

Quelles voix discordantes se feront entre l’année prochaine ? Quels projets pour une réelle Europe fédérée ? Celle du XXIème siècle mais enracinée dans l’histoire et les diversités ? Qui peut la défendre mieux que les anarchistes, si les différences et les minorités ne deviennent pas pour eux aussi des épouvantails mais une base constructive et organisée.

Et si l’on faisait un peu de prospective, la mise en avant de particularités, comme moyens d’affirmer sa différence, disparaitrait en perdant sa signification dans une organisation fédérée. Les fausses notions d’indépendance seraient naturellement remplacées par la nécessité de la collaboration et de l’association, et parce qu’aucun pouvoir centralisateur ne serait une menace pour les expressions culturelles. On ne revendique pas ce qu’on obtient librement et ce qui est reconnu comme naturel. Et les frontières tomberont.
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede digger » 17 Nov 2013, 09:56

J’ai retrouvé un texte intéressant de René sur la question
Sur la nation et le nationalisme : contribution à un débat paru dans le Monde libertaire
http://1libertaire.free.fr/RBerthier49.htm
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Re: Fédéralisme, régionalisme et anarchisme

Messagede altersocial » 17 Nov 2013, 13:09

digger a écrit:J’ai retrouvé un texte intéressant de René sur la question
Sur la nation et le nationalisme : contribution à un débat paru dans le Monde libertaire
http://1libertaire.free.fr/RBerthier49.htm


mon navigateur a écrit:ERREUR 404 - Document non trouvé


:?:

édit admin (Pïérô), il manque un "l" à la fin du lien :
http://1libertaire.free.fr/RBerthier49.html
là, ça marche :wink:
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