prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede LeNouveau » 15 Juil 2013, 09:01

bonjour

suite à controverse sur la disparition du prolétariat, quelle est votre définition des termes "prolétaire" et "prolétariat" ?
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Messagede Béatrice » 15 Juil 2013, 19:42

J'ai trouvé quelques éléments de réponses qui correspondent ( en ce qui me concerne ) à mon interprétation du terme "prolétariat " :

Les « théories » bourgeoises sur la « disparition du prolétariat » ont déjà une longue histoire. Pendant plusieurs décennies, elles se sont basées sur le fait que le niveau de vie des ouvriers connaissait une cer­taine amélioration. La possibilité pour ces derniers d'acquérir des biens de consommation qui, aupa­ravant étaient réservés à la bour­geoisie ou à la petite bourgeoisie, était sensée illustrer la disparition de la condition ouvrière. Déjà, à l'époque, ces « théories » ne te­naient pas debout : lorsque l'automobile, la télévision ou le ré­frigérateur deviennent, grâce à l'ac­croissement de la productivité du travail humain, des marchandises relativement bon marché, lorsque, en outre, ces objets se font indispensables de par l'évolution du cadre de vie qui est celui des ou­vriers ([1]), le fait de les posséder ne signifie nullement qu'on se soit dé­gagé de la condition ouvrière ou même qu'on soit moins exploité. En réalité, le degré d'exploitation de la classe ouvrière n'a jamais été déterminé par la quantité ou la na­ture des biens de consommation dont elle peut disposer à un mo­ment donné. Depuis longtemps, Marx et le marxisme ont apporté une réponse à cette question : le pouvoir de consommation des sala­riés correspond au prix de leur force de travail, c'est-à-dire à la quantité de biens nécessaire à la reconstitution de cette dernière. Ce que vise le capitaliste, en versant un salaire à l'ouvrier, c'est de faire en sorte que celui-ci poursuive sa par­ticipation au processus productif dans les meilleures conditions de rentabilité pour le capital. Cela suppose que le travailleur, non seulement puisse se nourrir, se vê­tir, se loger, mais aussi se reposer et acquérir la qualification nécessaire à la mise en oeuvre de moyens de production en constante évolution.

http://fr.internationalism.org/book/export/html/1491


Composition et définition du prolétariat aujourd'hui

« Certains le découvriront avec terreur, mais le prolétariat représente désormais probablement plus de 75 % de la population de ce pays. […] La notion de “prolétaire” a souvent été liée à tort à celle de “pauvre” : cela ne saurait exprimer la place grosso modo identique de vastes secteurs de la population dans le procès de production. Le prolétaire est souvent pauvre, cependant il n’est pas le seul dans ce cas. Parfois, il gagne dignement sa vie. Mais il est celui qui, fondamentalement, vit de la vente de sa force de travail. »


Le nouveau prolétariat vous salut bien, tribune dans Le Monde de Michel Cahen en décembre 1995

Au-delà de la définition simpliste de Michel Cahen nous devons comprendre que la difficulté sociologique à déterminer les limites du prolétariat (ou de la classe populaire ou laborieuse ou ouvrière) dépend essentiellement de la difficulté théorique à le définir. Selon la définition de Marx (bien que l’on puise retrouver des variantes dans son œuvre) il s’agit des personne qui ne dispose d’aucune richesses matérielle et qui sont donc forcés de mettre à la vente leur force de travail pour pouvoir survivre. Cependant nous ne pouvons à l’instar de Cahen présenter tout salariés comme un prolétaire pour la bonne raison que la recherche même de la définition de cette classe n’est autre que le travail d’identifier les éléments sociaux qui, mit dans des conditions similaires, sont potentiellement révolutionnaire du fait de ces conditions. Si Marx avait cerné cet ensemble par sa définition cela correspondait à la réalité sociale du XIXème siècle, il est mal placé de prétendre aujourd’hui que l’ensemble des salariés et des chômeurs (personnes qui doivent vendre leur force de travail pour vivre) soient placés dans des conditions favorable à des aspirations révolutionnaires. Devant se constat, les situationnistes proposèrent une nouvelle définition affirmant que le prolétaire était celui qui n’avait aucun contrôle sur sa vie et qui en avait conscience. Ils rendent le prolétaire révolutionnaire par définition mais une telle définition ne nous aide en aucun cas à cibler une catégorie de personnes ayant des intérêts révolutionnaires communs du fait de leur position sociale.

Nous pouvons cependant observer toute une classe de personne opprimer de manière direct c’est à dire de travailleurs qui quant ils se lèvent le matin en sachant qu’ils ne feront aucun choix de leur propre chef au cours de leur journée de travail ou du moins qu’ils seront obligés de chercher à avoir ce type de bouleau pour pouvoir survivre. C’est cela le prolétariat. Ceux qui n’ont aucune influence dans le cadre social que leur impose leur travail. Ce prolétariat se compose d’ouvriers, de chauffeurs, d’employés, d’intermédiaires, de techniciens,… Si l’on excepte les soldats (dans la mesure où l’armée est professionnelle) les flics, les contrôleurs et les agents de sécurités -du fait de leur impossibilité professionnelle d’entrer dans une classe potentiellement révolutionnaire- le prolétariat représente plus de 50 % de la population face au quelque 4 % de bourgeois.

Nous devons malgré tout noter que dans l’imaginaire collectif la notion de prolétaire se rapporte aux ouvriers essentiellement, les notions de travailleurs et de classe populaire peuvent être plus pédagogiques, plus accessibles.

L’idée que nous devons retenir c’est celle de la colonisation de la vie quotidienne : le prolétaire voit sa vie lui échapper dans la mesure où sa vie c’est le travail (en chercher et en garder), c'est-à-dire servir l’économie par la production et dans une autre mesure sa vie c’est la consommation de se que son revenue lui permet d’acheter, c'est-à-dire servir l’économie par la consommation. La vie est colonisée par l’économie car il est rendu passif et incapable de gérer le cycle qui détermine sa triste existence qui voit ses désirs tantôt anéanti par le travail tantôt réifiés par la consommation et l’étalage publicitaire de cette dernière. Le prolétaire est la personne qui passe de manière cyclique dans différent cadres sociaux sans jamais participer à l’organisation de ces derniers, dés lors il ne dispose pas ou presque de sa vie sociale c’est t’à dire de sa vie tout cours. Tout la puissance de la société et de maintenir l’illusion du choix en maintenant la relative vérité de l’individu isolé.

https://sites.google.com/site/pourlecom ... aujourdhui
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Messagede alcibiade » 16 Juil 2013, 11:00

A l'origine le mot prolétaire signifie 2 choses celui qui est pauvre et qui n'a que ces enfants comme richesse et deuxio celui qui n'a que sa force de travail pour vivre .
Le prolétariat libre ou esclave a commencé a se faire démanteler en Europe en Angleterre au XVII° quand les aristocrates ont viré les paysans des campagnes pour y mettre des moutons et faire de l'argent avec la viande et la laine . Ensuite cela a continué par la suite avec la modification des métiers à tisser en Angleterre et en France il y eut des révoltes violentes des tisserands qui allaient se retrouver au chômage (les canuts à Lyon) . Puis cela s'est amplifié suite au guerres Napoléon et 14/18 qui ont stoppé et abimé la démographie rurale et urbaine, puis la mécanisation agricole, industrielle, la fermeture de la sidérurgie et des charbonnages , la suppression de l'apprentissage a 14 ans dans les lycées , les délocalisations, la bureautique, l'arrivée des travailleurs immigrés en concurrence avec les travailleurs locaux ; L'augmentation du secteur tertiaire Tout cela a liquidé la majorité du prolétariat au sens strict . Je ne considère pas comme prolétaires les travailleurs du tertiaire et les cadres ce sont des classes moyennes qui travaillent peu ou pas manuellement . Actuellement de nombreuses grèves sont pour le maintien des emplois et contre les délocalisations ce qui prouve que les capitalistes veulent liquider le peu de travailleurs qu'il reste en France . Et les remplacer par des robots, des esclaves du tiers mondes qui coute moins chers qu'en France et des androïdes qu'on commence à voir en Asie . Plus un pays a d'esclaves plus il est riche (Rome antique, USA ,Chine ) maintenant les dirigeants n'ont plus besoin de travailleurs ce qui est dangereux car cela crée des populations pauvres et potentiellement rebelles comme ont le voit partout actuellement . D'ailleurs (sauf pour des avantages sociaux tangibles) les grèves et les manifs ne servent à rien . Il faut occuper les usines et les terres des riches partout dans le monde et les faire fonctionner au bénéfice du peuple et en autogestion . L'armée et la police seront débordés et le Peuple sera en armes comme à Barcelonne 36 et dans toutes les révolutions sérieuses.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Pïérô » 16 Juil 2013, 11:38

Il y a là une confusion entre prolétaire et ouvrier, le prolétariat est une notion plus large que celle de classe ouvrière. D'un point de vue mondial la classe ouvrière est en expansion d'ailleurs.
Il y a eu un dossier dans le mensuel Alternative d'été 2009 sur ce sujet,
à lire en ligne : http://www.alternativelibertaire.org/sp ... ubrique150

Dossier classes sociales :

Le prolétariat : Partout où on ne l’attend pas

Le prolétariat a-t-il disparu ? A-t-il été éliminé de l’histoire, submergé par l’expansion de classes moyennes éclatées et dépourvues d’une culture commune ? Nous pensons au contraire que le prolétariat n’a jamais été aussi nombreux, aussi diversifié, et aussi peu conscient de sa propre force.

En 1964, 21 % des personnes interrogées à ce sujet avaient le sentiment d’appartenir à la « classe moyenne ». En 2002, elles étaient 42 % [1]. Est-ce à dire que les classes moyennes ont doublé de volume en quarante ans ? Ou plus simplement que la conscience de classe a faibli jusqu’à donner l’impression à la majorité de la population d’appartenir à un « ventre mou », une zone grise ni dominée ni dominante, en-dehors des enjeux et des conflits de classes ?

Contrairement aux idées reçues, le prolétariat n’a jamais été aussi central et volumineux dans notre pays. Et les inégalités économiques n’ont jamais été si abyssales.

Dans une tribune célèbre publiée dans Le Monde le 7 décembre 1995 à l’occasion des grandes grèves, et intitulée « Le Nouveau Prolétariat vous salue bien », le chercheur au CNRS Michel Cahen écrivait : « Certains le découvriront avec terreur, mais le prolétariat représente désormais probablement plus de 75 % de la population de ce pays. 75 % de prolétaires, dites-vous ? Vous exagérez ? Mais non. Certes, dans le langage courant la notion de “prolétaire” a souvent été liée à tort à celle de “pauvre” : cela ne saurait exprimer la place grosso modo identique de vastes secteurs de la population dans le procès de production. Le prolétaire est souvent pauvre, cependant il n’est pas le seul dans ce cas. Parfois, il gagne dignement sa vie. Mais il est celui qui, fondamentalement, vit de la vente de sa force de travail. »

En fait, ce « nouveau prolétariat » est largement majoritaire, car il s’étend aux salariés qualifiés (de nombreux cadres, professeurs, etc.), qui s’ils détiennent des qualifications, n’en sont pas moins des salarié-e-s qui vendent leur force de travail intellectuel.

Mais le prolétariat est loin d’être homogène, du fait de disparités économiques et culturelles.

L’éclatement du groupe ouvrier

Au sein du prolétariat, les ouvriers et ouvrières ont longtemps constitué le groupe le plus nombreux, représentant avec 8,5 millions de personnes 48 % environ de l’ensemble du salariat en 1975. La désindustrialisation des années 1970 et 1980 l’a peu à peu grignoté, mais il faut attendre 2003 pour qu’il passe derrière la catégorie des employé-e-s.

Restant la deuxième catégorie sociale la plus nombreuse en France (24% des actifs en 2005), les ouvriers et ouvrières ont pourtant été « effacés » de la scène politique et médiatique depuis les années 1980. Cet effacement est dû en premier lieu à la pression idéologique de la bourgeoisie pour nier l’existence d’une catégorie emblématique de la lutte des classes et de l’imaginaire qui lui est lié.

Sont également en cause la déstructuration des lieux de travail, la montée du chômage et la diversification des statuts, rendant plus difficile la syndicalisation et la constitution d’une parole ouvrière collective.

Mais cet effacement résulte également, en second lieu, de l’adhésion du Parti socialiste aux valeurs libérales après 1983, qui a nécessité de répudier toute référence à la classe ouvrière désormais jugée ringarde et indigne de la modernité. Cette disqualification idéologique du « col bleu » a également gagné le PCF dans les années 1990 au cours de la « mutation » orchestrée par Robert Hue. Mais, dès les années 1970, elle avait pénétré une partie de l’extrême gauche qui après 1968 s’était complue dans un ouvriérisme outrancier et qui, dans un mouvement de balancier inverse, n’a plus accordé qu’une attention anecdotique à la question ouvrière, pour se consacrer en priorité aux luttes « hors de l’entreprise ». Cet « adieu au prolétariat » pour reprendre l’expression du philosophe André Gorz, n’a pas été pour rien dans le retrait progressif du groupe ouvrier de la scène politique voire même syndicale.

En 2005, les ouvriers et ouvrières sont nombreux surtout dans les entreprises de plus de 50 salariés, dans la construction automobile, l’agroalimentaire et le commerce (où les emplois ont été multipliés par 4,4 en 40 ans). Cependant, en Occident, le nombre d’emplois industriels diminue sans cesse. Cette baisse est bien sûr due aux licenciements et aux délocalisations accélérées par la mondialisation, dans le droit fil de la stratégie de contournement des bastions ouvriers suivie par le patronat depuis les années 1970.

Hors de notre vue, le travail industriel !

Bien sûr, le patronat a toujours autant besoin du travail industriel… mais « hors de notre vue » ! Il l’externalise dans les « pays à bas salaires » : en Chine bien sûr, mais aussi au Maghreb, en Amérique du Sud…

Dans ces pays, le groupe ouvrier s’élargit et ses conditions de vie changent : des fractions entières de la paysannerie ont perdu leur propriété et ont basculé dans le salariat des mégapoles du Tiers-monde, dont la population a été multipliée par 6 entre 1975 et 1995. La nouvelle force de travail salariée mondiale est ainsi passée de 1,9 milliard d’ouvriers et d’employés en 1980 à 2,3 milliards en 1990 et 3 milliards en 1995, soit la moitié de l’humanité [2]. Ces travailleuses et ces travailleurs sont souvent salariés de grands groupes internationaux, et soumis aux méthodes tayloristes modernes. La classe ouvrière est donc en expansion… mais hors d’Europe !

Les employées, exploitées et invisibilisées

Le recul des ouvriers a souvent servi à masquer le fait que les employé-e-s (28 % des actifs en 2005), qui constituent aujourd’hui le premier groupe socio-professionnel, sont avant tout des travailleurs et des travailleuses d’exécution, dont l’exploitation participe à l’accumulation des profits. Tout d’abord, des pans entiers d’activité auparavant intégrés aux grandes entreprises sont passés dans le secteur des services, avec l’externalisation et le recours à la sous-traitance, comme c’est le cas du nettoyage ou de la maintenance industriels.

Enfin, le groupe des employés est constitué à 80 % de femmes, qui travaillent dans les secteurs des services à la personne, de la santé et du social, du commerce, et qui cumulent à bien des égards des conditions d’exploitation accrues : salaires moyens plus faibles que chez les ouvriers pour des métiers considérés comme « féminins », temps partiels contraints et flexibilité des horaires… Force est alors de constater que le peu d’intérêt accordé à ce groupe, y compris parfois dans les organisations syndicales, repose sur une insuffisante prise en compte des questions féministes.

Bien sûr, les conditions de travail du prolétariat ne sont plus celles des mines et des forges du XIXe siècle. Mais, depuis vingt-cinq ans, elles ont recommencé à se dégrader : le travail est plus pénible, plus répétitif, plus envahissant… Les nouvelles technologies ont en effet permis d’accroître les exigences de rentabilité aux employé-e-s du tertiaire.

Intensification du travail

Dans une enquête Insee de 2002, 38 % des salariés disaient porter ou déplacer des charges lourdes contre 22 % en 1984. 54 % souffraient de rester longtemps debout contre 49 % en 1984. Si le travail était surtout physiquement pénible pour les ouvriers qui étaient par exemple 62 % à craindre d’être blessés par des outils ou matériaux, les employés et professions intermédiaires sont aussi deux fois plus à déclarer souffrir de postures ou déplacements pénibles en 1998 qu’en 1984. De même, avec le travail en flux tendu, 47 % des salariés travaillent le samedi et 25 % le dimanche contre moins de 20 % en 1984. Le travail de nuit a progressé et touche désormais 14 % des salarié-e-s.

Les rythmes de travail s’accélèrent : en 1984, 19 % des salariés étaient contraints d’accomplir leur travail en moins d’une journée. En 1998, ils étaient 43 %. Les travaux pénibles le sont encore plus. Et, contre toute attente, le travail à la chaîne progresse ! En 1984, il concernait 7,5 % des ouvriers qualifiés, contre 16 % en 2002 ! Parmi les non qualifiés, 30 % des travailleurs font du travail posté contre 20 % quinze ans auparavant. Du coup, pour les ouvrières et les ouvriers, souvent jeunes, femmes ou intérimaires et immigrés, ce sont des tâches encore plus parcellisées, stressantes, la perte totale d’autonomie dans son travail, et les maladies professionnelles : tendinites, troubles musculo-squelettiques ou accidents du travail à répétition.

Au quotidien, les tensions sont plus vives : 30 % des salarié-e-s disent vivre des tensions avec leurs chefs et en souffrir, contre 23 % en 1991. Il en est de même dans ces véritables usines que sont les centres d’appels où les employés sont chronométrés pour faire du chiffre : 7 secondes en moyenne avec chaque client ! Les directions profitent des statuts précaires ou à temps partiel et du turn over important, pour imposer ces conditions de travail. En vingt ans, en France, les emplois précaires (intérim, CDD, CES…) ont été multipliés par trois. Et l’informatique est utilisée pour fliquer les salariés…

On en arrive à des situations d’exploitation dignes du Tiers-monde dans les milieux du travail domestique, du gardiennage, du nettoyage, ce qui a pu faire dire aux femmes de ménage, pour la plupart immigrées, grévistes d’Arcade-Accor en 2003, que leur travail, c’était de la « délocalisation sur place ».

Les inégalités demeurent

En ce qui concerne les conditions de vie, elles ont incontestablement évolué avec la massification de l’enseignement, de l’accès aux soins et du logement après 1945. Mais ces dynamiques n’empêchent la reproduction d’inégalités criantes qui continuent de diviser la société. On peut ainsi évoquer les mécanismes de ségrégation urbaine qui se sont renforcés alors même que nombreux ouvriers accédaient à la propriété grâce aux incitations étatiques au crédit populaire. Ces mécanismes sont tels que les ouvriers constituent aujourd’hui le premier groupe (34,7 %) habitant les zones rurales, tandis que 76 % des cadres habitent dans les centres urbains. On peut également souligner le maintien des inégalités de santé : l’espérance de vie des ouvriers hommes est de 74 ans en 1999, et de 81 ans pour les cadres supérieurs. Enfin les « destins de classe » continuent de peser sur les trajectoires : seulement 4,9 % des fils d’ouvriers accèdent aux 3e cycles universitaires contre 36 % des fils de cadres et professions intellectuelles supérieures. Les étudiantes et les étudiants les plus démunis doivent souvent travailler et deviennent des salariés précaires dans la restauration rapide ou la vente (Fnac, Pizza Hut, McDo, Go Sport...).

Pour finir, les diverses composantes du prolétariat ont un point commun, non négligeable : la pression du chômage et de la précarité, qui tire l’ensemble vers le bas. Car, s’il s’appauvrit à un pôle, celui des privé-e-s d’emploi et des « travailleurs pauvres » (2 400 000 gagnent moins de 6 500 euros par an en travaillant), l’autre pôle ne s’enrichit pas. Ses couches les plus jeunes, les plus diplômées, sont de plus en plus longtemps au chômage ou en situation de précarité (entre 1971 et 1987, le chômage des diplômés récents de l’enseignement supérieur est passé de 0 à 15 % pour les garçons et de 2,9 à 10,3 % pour les filles).

Comme le soulignait un sondage de 1998, de plus en plus de cadres et professions intermédiaires disaient se trouver plus proches des ouvriers que de leur patron, et même prêts à faire grève. Dans les années 1990, le taux de syndicalisation des cadres (7,5 % en 2005) a d’ailleurs dépassé celui des ouvriers (5,5 %) [3]. Cela tend à prouver qu’il n’y a pas eu de « moyennisation » du prolétariat avec le développement du tertiaire mais plutôt une prolétarisation des classes moyennes.

Malgré tout, si la visibilité du prolétariat sautait aux yeux, nous n’aurions pas eu besoin de consacrer un dossier à la question...

Pour des luttes unifiantes

L’identité du prolétariat a été mise à mal par sa diversification, et par le retrait – provisoire (?) – de la scène politique des ouvriers d’industrie, cette catégorie si porteuse d’imaginaire. Et si le « nouveau prolétariat » de Michel Cahen existe objectivement, il reste inconscient de former un ensemble. La question d’une nouvelle unité et conscience prolétarienne, qui dépasserait les clivages internes (ouvriers/employées, travailleurs qualifiés ou non, immigrés ou non, etc.) reste posée. Parions qu’elle trouvera son chemin à travers des revendications fédératrices et des luttes unifiantes. Les mouvements de décembre 1995 et de mai-juin 2003 n’y sont pas parvenus. Les luttes de demain le feront-elles ?

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud) et Violaine Bertho (AL 93)
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle2987

Après, dire que les grèves et les manifs ne servent à rien mais qu'il faut prendre l'outil de travail et l'autogérer dans un cadre révolutionnaire, cela me parait facile à énoncer, mais ça ne peut pas tomber du ciel. Du coup grèves et manifs participent de construire une dynamique, c'est à l'intérieur de ces dynamiques que les questions de ce type peuvent se poser d'une manière plus concrète et pas de manière abstraite en incantation. Il s'agit à travers les pratiques de luttes d'articuler ce que l'on porte en contenus et en sens.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Kzimir » 16 Juil 2013, 12:38

Pour moi les prolos c'est tout ceux qui taffent sans être propriétaires de leur outil de travail. Par exemple une caissière, un infirmier, un maçon, une instit, etc. sont des prolétaires. Et ne le sont pas les professions libérales, les artisans, les petits commerçants, etc.
Ca c'est la définition de base, après le problème ça va être les cas limites. Est il possible de considérer les professions d'encadrement comme partie prenante du prolétariat ? Et les travailleurs aisés (par exemple les hauts fonctionnaires) ? Si on répond oui on risque de priver la notion de prolétariat de toute efficacité politique. La manière dont on utilise la notion de prolétariat prend aussi en compte des trucs comme le niveau de vie, ou la place dans la hiérarchie de l'entreprise.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede luco » 16 Juil 2013, 13:12

Et ne le sont pas les professions libérales, les artisans, les petits commerçants, etc.


... et les petits paysans , donc.

Donc, les néo-ruraux de la FTTE-CNT sont hors prolétariat. Tout comme la plupart des adhérents de la Conf'.

Voilà les limites d'une définition en fonction de la propriété des moyens de production. Définition qui aurait certainement exclu une partie des adhérents de la 1ère internationale.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Kzimir » 16 Juil 2013, 14:35

Ben ça me semble assez clair que oui, une partie de la 1ere Internationale ne faisaient pas partie du prolétariat (tout comme les petits exploitants de la conf', et je connais pas le FTTE). Le prolétariat est une situation économique et sociale, pas une position politique.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede alcibiade » 16 Juil 2013, 15:01

Post complètement hors-sujet et déplacé ici
Merci, à l'avenir, de bien vouloir respecter le thème de la discussion.


Nn pour le collectif d'administration
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede luco » 16 Juil 2013, 21:30

Le prolétariat est une situation économique et sociale, pas une position politique.


Un artisan, un petit paysan, une profession libérale (genre infirmière à domicile), vit de son travail, et n'a que ses bras à vendre pour vivre.

"qui ne travaille pas, n'a pas de pain". Et "l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes". Ils travaillent.
Donne-moi une bonne raison de leur contester le label "prolétaire".

Pour être intégré dans une stratégie de lutte communiste et dans un projet de société socialiste, doit obligatoirement être un salarié du privé ou de la fonction publique ?

That's the question.

On va dire que la réalité sociologique a répondu en partie à cette question : la grande majorité des militants d'extrême-gauche et de gauche réformiste radicale ou anti-libérale, sont des salariés de grosses boîtes (de bastions syndicaux) et surtout de la FP.

Ceci explique peut-être aussi en partie la faiblesse de la gauche radicale...
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Kzimir » 16 Juil 2013, 23:26

luco a écrit:Un artisan, un petit paysan, une profession libérale (genre infirmière à domicile), vit de son travail, et n'a que ses bras à vendre pour vivre.

"qui ne travaille pas, n'a pas de pain". Et "l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes". Ils travaillent.
Donne-moi une bonne raison de leur contester le label "prolétaire".

Ben non, un petit paysan n'a pas que ses bras : Il est surtout propriétaire de son exploitation. Souvent il a quelques salariés, ou peut embaucher des saisonniers. Ca ne le place pas dans la même situation que Jean Marie Messier ou qu'un grand patron du CAC 40, mais pas non plus dans la même que celui qui n'est que salarié et qui ne possède pas de fonds de commerce, et qui est donc forcé de vendre sa force de travail à un patron. Et en effet quand je dis profession libérale, je pense surtout aux toubibs par exemple, qui ont un cabinet, souvent une secrétaire, etc.

luco a écrit:Pour être intégré dans une stratégie de lutte communiste et dans un projet de société socialiste, doit obligatoirement être un salarié du privé ou de la fonction publique ?

That's the question.

Là c'est une autre question : Pas besoin d'être un prolétaire pour être intégré dans une stratégie de lutte communiste. Il n'y a pas que les bourgeois et les prolétaires, mais aussi de nombreux groupes sociaux intermédiaires qui peuvent avoir un rôle à jouer dans une transformation révolutionnaire de la société.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede luco » 17 Juil 2013, 06:36

Ben non, un petit paysan n'a pas que ses bras :


Je parlais du paysan qui travaille seul, ou uniquement sa famille. J'en connais. Des néo-ruraux en particulier (maraîchage etc.)

Mais quid de l'infirmière libérale ? De l'artisan ? Que ce dernier possède sa camionnette et ses outils, qu'est-ce que ça change fondamentalement (tant qu'il ne salarie personne) ?
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede LeNouveau » 17 Juil 2013, 09:40

bonjour

j'ai du mal avec ces termes de "prolétariat" et "prolétaires" je les considère désuets car je pense qu'ils se rapportent à une époque révolue, d'ailleurs on peut voir la difficulté de trouver une définition cohérente
pour tout le monde
oui Luco, il y a une différence fondamentale entre l'ouvrier en usine et l'artisan; ce dernier n'a pas de
chefaillon sur le dos toute la journée
Il me semble que Marx met constamment le Prolétaire en opposition avec le Capitaliste, celui-ci accumulant le capital grâce à la plus-value réalisée sur le travail de celui-là; or, où est la plus-value sur le travail d'un professeur dans l'enseignement public, d'une infirmière en hôpital, d'un travailleur social ... ?
et si le terme de prolétaire se rapporte à une catégorie de travailleurs, ceux du privé, générant des bénéfices,
est-ce que les ouvriers qui ont des primes d'intéressement au chiffre d'affaire de l'entreprise, ceux qui ont des
assurances-vie ou des placements financiers, ceux qui sont propriétaires d'un petit studio qu'ils louent sont des prolétaires ?
si l'on prône la lutte des classes, celles-ci doivent être clairement définies
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Kzimir » 17 Juil 2013, 11:35

luco a écrit:Mais quid de l'infirmière libérale ? De l'artisan ? Que ce dernier possède sa camionnette et ses outils, qu'est-ce que ça change fondamentalement (tant qu'il ne salarie personne) ?

Ben ça change qu'il est pas forcé de vendre directement sa force de travail à un patron mais qu'il peut vendre directement le fruit de son travail, et donc que personne n'empoche la plus value de son travail. C'est pas rien comme différence.

Après contrairement à Lenouveau, je pense pas qu'il soit nécessaire de clairement définir tout ça. On est dans une période dans laquelle les frontières économiques sont floues. On peut s'en tenir à dire qu'il existe d'un côté un idéal-type de prolétaire (Philippe Poutou) et un idéal type de patron (Martin Bouygues), mais qu'une grande partie de la population se trouve entre les deux, suivant un nuancier qui va de l'ouvrier qui tire une partie de ses revenus d'une rente immobilière jusqu'au petit patron franchisé. Cela n'empêche pas, et heureusement, de travailler de manière politique dans une direction donnée.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede René » 22 Juil 2013, 16:47

Pierre Besnard a donné en 1926, pour la Confédération générale du travail-syndicaliste révolutionnaire, une définition du prolétaire qui me semble parfaitement claire et qui évite les dérives ouvriéristes (1926, rappelons-le, est l'année de la publication de la « Plateforme d’Archinov ».

« ... l'ouvrier de l'industrie ou de la terre, l'artisan de la ville ou des champs – qu'il travaille ou non avec sa famille – l'employé, le fonctionnaire, le contremaître, le technicien, le professeur, le savant, l'écrivain, l'artiste, qui vivent exclusivement du produit de leur travail appartiennent à la même classe : le prolétariat. » (Pierre Besnard, Les Syndicats ouvriers et la révolution sociale.)


On ne peut en aucun cas dire que de telles positions constituent une vision réductrice et étroitement ouvriériste du concept de prolétariat. Le terme « prolétaire » désigne ceux qui produisent les richesses et qui n'en bénéficient pas, ou peu. Il désigne aussi ceux qu'on écarte du droit de produire : chômeurs, paysans expulsés. C’est dire qu’un chômeur ne se situe pas dans une catégorie séparée du prolétariat, il en fait partie à part entière. Ce n'est pas un marginal ni un assisté, c'est un prolétaire privé de travail.
Le prolétariat au sens où l'entendait la CGT-SR couvrirait aujourd'hui 75 % de la population en France.
Le prolétariat défini par la CGT-SR désigne ceux qui n'ont aucun pouvoir. Il désigne enfin ces millions d'hommes qu'on a envoyés sur tous les fronts s'entre-tuer alors qu'ils n'avaient aucune raison de le faire, ces millions de femmes, d'enfants, qui meurent pour la raison d'État ou les parts de marché que se disputent les multinationales. Autrement dit, les damnés de la terre, qui sont légion, contrairement à ce que certains veulent faire croire, et dont le nombre va croissant.

Il ne faut pas confondre ouvrier et prolétaire. L’ouvrier se définit par rapport à son rôle dans le processus de production, ce qui nécessite un débat sur ce qu’est le travail productif — un débat qui aurait besoin d’être réactualisé, à mon avis, un peu d’eau ayant coulé sous les ponts depuis 1850.

Le fait que nombre de salariés ne veulent pas s'identifier au prolétariat est une question de préjugés et relève des représentations que ces personnes se font sur leur situation, cela ne relève pas d'un constat objectif. C'est l'histoire de l'esclave qui s'identifie avec l'idéologie de son maître...

Je pense que Kzimir a raison de dire « qu’une grande partie de la population se trouve entre les deux ». Par exemple, 52% de la population en France est propriétaire de son logement. Imaginons une famille de prolos qui ont fini par acheter leur logement en région parisienne et qui, à la retraite, retournent dans leur patelin natal où ils ont une maison de famille. Ce logement, ils le louent pour faire un complément à leur retraite. C’est là un cas extrêmement banal. Peut-on dire que ce sont des « capitalistes » parce qu’ils tirent profit de leur « capital immobilier » ?

Je pense que le mouvement anarchiste a eu le tort de s’en tenir à des analyses qui n’ont pas beaucoup évolué depuis la fin du 19e siècle et de ne pas avoir intégré tout un tas de constats sociologiques, concernant les classes moyennes justement, qui font que les choses ne se posent plus de la même manière.

Il reste que selon moi il faut tenir compte de plusieurs choses :
♦ La notion d’ouvrier se définit assez précisément, c’est une personne qui vit de la vente de sa force de travail. Le fait que le nombre d'ouvriers s'accroît ou non n'a strictement aucune importance. La fait déterminant, c'est la productivité du travail.
♦ La notion de prolétaire est plus vague et englobe plus de monde, mais on ne peut considérer comme des prolétaires un petit commerçant ou un petit paysan, qui vivent de leur travail et non de la vente de leur force de travail, que s’ils n’ont eux-mêmes pas de salariés. Proudhon, qui avait saisi l’importance des situations intermédiaires, dit des choses très intéressantes là-dessus.
♦ Ce qui ne signifie pas que l’un ou l’autre puisse être des alliés importants en cas de révolution sociale.
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Re: prolétaire et prolétariat, disparition du prolétariat ?

Messagede Pti'Mat » 28 Juil 2013, 12:00

La position CSR sur les classes sociales:

1/ Comment analyser la société ?

Une société est un regroupement d’humains qui sont en rapport entre eux. La manière d’analyser une société, les théories qui en découlent ont une importance. Pour nous, il faut adopter le point de vue matérialiste : une société doit s’analyser à partir de la notion centrale de classes sociales.
Quand la bourgeoisie (classe capitaliste) était encore en lutte contre la classe des propriétaires terriens et le reste de l’aristocratie, ses théoriciens n’hésitaient pas à parler de classes sociales. Mais du moment où le mouvement ouvrier a commencé à se développer, à s’organiser et à engager la lutte à grande échelle, la bourgeoisie a changé de théories. Désormais, les classes sociales n’existeraient plus, ainsi que la lutte des classes. Bien entendu il s’agit là d’idéologie pure, un mensonge distillé à chaque moment dans la vie de tous les jours (à l’école, dans les médias, au travail, etc.). Il s’agit de l’idéologie de la classe dirigeante qui tente de maintenir par tous les moyens sa domination.
Pour nous, fidèles à l’histoire du mouvement ouvrier, les classes sociales ont une existence bien réelle. Elles sont en lutte constamment, et c’est à partir de là qu’il faut analyser une société et ses formes d’organisations (syndicats, partis, Etat, etc.). C’est le point de vue matérialiste. Pourquoi est-ce important ? Parce que de là découle l’idée fondamentale que les idées ont leur racine dans les conditions d’existence : dans quelle classe sociale vivons-nous ? Quelles sont les classes sociales qui existent et qui dirigent les organisations dans la société ? C’est comme cela seulement que l’on peut comprendre que l’idéologie dominante (système des idées majoritaires) est celle de la classe sociale dominante. Et que les classes sociales dominées (comme le prolétariat) doivent combattre cette idéologie, créer et faire vivre la sienne sur la base de ses luttes et de ses formes d’organisation que sont les syndicats.

2/ Que sont les classes sociales ?

Il y a deux façons de définir les classes sociales, selon deux angles d’analyse qui sont complémentaires.

Définition objective : la classe « en soi ».
Dans la fiche n°10 ont été définis les rapports de production. En fait, une classe sociale est le regroupement des individus qui se retrouvent dans la même position dans les rapports de production qui existent dans la société.
Exemples : dans une société d’esclavage, il y a la classe des maîtres qui possèdent des moyens de production et des esclaves ; et il y a des esclaves qui ne possèdent rien et qui travaillent pour leur maître.
Dans une société féodale, il y a la classe des serfs qui produisent pour les seigneurs et les membres du clergé ; ces derniers sont des propriétaires terriens qui détiennent le pouvoir politique et religieux.
Dans une société capitaliste, il y a les prolétaires qui ne possèdent que leur force de travail et qui produisent les richesses contre un salaire. Ces richesses sont la propriété de ceux qui détiennent les moyens de production, de transport, l’argent, etc. qui constituent la classe capitaliste.

Définition subjective : la classe « pour soi ».
Ici on va considérer que pour exister réellement une classe sociale doit prendre conscience de son existence, de sa condition, de ses intérêts et de ses possibilités d’action. C’est à dire que ce sont les individus (pas tous ni tous en même temps bien entendu) d’une même classe objective qui prennent conscience de tout cela. Ils forment alors une classe sociale subjective (puisque ici est introduite la notion de prise de conscience).
Une classe sociale ainsi définie construit sa conscience dans la lutte contre les autres classes. Elle est capable de se représenter et d’établir un projet de société. Elle rassemble, organise et forme ses membres pour diffuser ses idées. La classe sociale organisée possède une force sociale et peut désormais peser sur l’organisation de la société. Elle remet maintenant en cause le système qui l’a fait naître.
L’organisation de classe permet de rassembler ses membres en développant ses réseaux, construisant ses organisations et animant ses manifestations. Par la lutte la classe sociale devient mobilisée et un sujet collectif, donc consciente.

3/ Quelles sont les classes sociales dans le capitalisme ?
Quelque soit la classe sociale, aucune n’est homogène. Toute classe sociale est divisée en différentes fractions selon leurs positions dans les rapports de production, ou par rapport à l’Etat, aux appareils de reproduction idéologique (médias, culture, etc.) ou répressifs (police, armée, justice, etc.).
Ces fractions d’une même classe sont en luttes entre elles, ou passent des alliances. L’objectif de la lutte est fondamentalement d’être la fraction dirigeante de la classe, celle qui va représenter les intérêts généraux de toute la classe. Ainsi une fraction d’une classe sociale a la capacité de s’organiser et de s’exprimer au niveau politique (d’où l’existence de plusieurs partis politiques qui parlent au nom d’une même classe sociale).

La classe dominante dans le capitalisme est la classe capitaliste (la bourgeoisie) qui détient et/ou dirige tout l’appareil de production, de distribution et commercialisation, de communication, de transport, financier, et l’Etat.
Il y a la bourgeoisie industrielle implantée dans l’appareil de production, la bourgeoisie commerçante, la bourgeoisie financière, la bourgeoisie intellectuelle, la bourgeoisie étatique (elle dirige l’appareil d’Etat : hauts fonctionnaires), etc. Dans les sociétés capitalistes d’Etat comme ce fut le cas en URSS, cette dernière était la fraction dirigeante.
La bourgeoisie a la main mise (le pouvoir) par la persuasion et la violence, la richesse de toutes les décisions stratégiques dans la société.

La classe qui se situe à l’opposé de la bourgeoisie est le prolétariat. Son mode d’existence est le salariat. Il ne dispose que de sa force de travail. Dans les rapports de production capitalistes il n’a qu’une fonction d’exécution (ouvriers). C’est le cas aussi dans les secteurs du commerce, de la banque, et de l’Etat (les employés). Il est donc exploité et dominé.

Entre ces deux classes, il y en a une troisième très importante : l’encadrement. Il peut être non salarié (professions libérales par exemple) soit salarié. La tendance générale du capitalisme est d’avoir produit une forte augmentation du nombre de cadres salariés, que ce soit dans le secteur privé comme dans l’Etat.
Les cadres sont donc exploités par la bourgeoisie. Mais leur rôle est d’appliquer les décisions stratégiques des capitalistes. Les cadres surveillent, répriment le prolétariat. Les cadres ont aussi un rôle de conception (ingénieurs, techniciens). Ils s’opposent donc au prolétariat sur des points essentiels : leur position dans les rapports de production, ou dans les rapports au travail est une position de pouvoir et de force sur le prolétariat. L’encadrement reproduit sans cesse la division du travail (conception/exécution), c’est sa raison d’être. Et donc la hiérarchie et le système de pouvoirs sur les lieux de travail qui lui sont liés. Le fait que les cadres soient salariés ne changent rien à cette réalité.

La petite-bourgeoisie est une autre classe sociale. Elle est propriétaire de ses moyens de production et n’exploite pas de prolétaires (ou très peu en nombre) : artisans, petits paysans, petits commerçants, etc. Elle est une survivance de rapports de production non capitalistes au sein du capitalisme largement dominant. Elle n’est pas exploitée mais dominée par la bourgeoisie. Elle a du mal a se construire comme classe sociale « pour soi » et à trouver une expression sur le terrain politique. Elle est marquée par un fort individualisme.

4/ Luttes des classes et alliances des classes
La lutte des classes est partout dans la vie quotidienne. Dans la forme et la structure des moyens de travail (locaux, système technique, machines), dans l’environnement et le procès qui doit dominer le travailleur. Dans les normes sociales de consommation des différentes classes, dans l’occupation de l’espace, la distribution inégale des services publics et l’appropriation conflictuelle du territoire. Dans les phénomènes de mode, il y lutte de classes pour défendre ses goûts et imposer ses normes comme référence.

La lutte de classe prend différentes formes. Ce peut être une lutte économique, marchandage de la valeur (le prix) et de la valeur d’usage (la qualité) des marchandises échangées entre les différentes classes. Une lutte politique, la compétition électorale. Ou encore une lutte idéologique, la critique réciproque des différentes idées (tendances, écoles, orientations, etc.).

La lutte prend également différents degrés d’intensité suivant la situation historique mais n’est que rarement une guerre de classes. La lutte reste interne à chaque pays et maîtrisée par l’Etat qui régule son intensité (voir fiche n°12 sur l’Etat). Parfois la lutte semble inexistante, absorbée par le fonctionnement des institutions ! La conséquence en est le compromis, situation paradoxale et contradictoire dans une lutte.

L’enjeu de la lutte est ce qui fait l’objet de l’affrontement entre les différentes classes. On peut distinguer trois enjeux majeurs.

L’enjeu de la création de richesse sociale, de son usage et de son partage : la création des biens et services par la société. Sur ce point l’affrontement est centré sur les moyens et les formes de production : la propriété et le contrôle du moyen de production, la division sociale du travail, la qualification et l’usage des forces de travail. Bref : qui décide ce que l’on produit, avec quoi on le produit, dans quelles conditions pour les travailleurs, et où on le produit.
Arracher la plus grosse part du gâteau pour sa classe afin d’assurer sa reproduction et satisfaire ses propres besoins.
L’enjeu du pouvoir politique, imposer son mode de fonctionnement à l’ensemble de la société. Lutter pour peser sur les orientations de la vie sociale. Diriger, organiser et contrôler la société entière. Fixer les objectifs et déterminer les moyens d’y parvenir.

L’enjeu de la légitimité symbolique, faire accepter ses idées à toute la société. Etablir un ordre symbolique (un cadre) régissant les rapports que les hommes entretiennent. Convaincre que cet ordre est nécessaire et juste pour tous y compris l’exploitation, la domination ou encore l’aliénation.


Notre objectif est la révolution pour la construction de la société socialiste. La stratégie révolutionnaire du prolétariat ne peut mettre de côté la question des alliances qu’il doit établir avec d’autres classes sociales ou fractions de ces classes. Ces alliances doivent se faire en garantissant deux garde-fous, objet d’un combat quotidien :
- l’indépendance d’organisation du prolétariat : ses organisations (le syndicalisme) doivent garder leur indépendance face à Etat, au patronat, et aux partis politiques
- l’indépendance politique du prolétariat : il doit produire, défendre et développer son propre programme politique et revendicatif, sa propre idéologie qui doit combattre celle de la bourgeoisie et celle de l’encadrement.

La stratégie du prolétariat doit aborder cette question des alliances en toute clarté. Historiquement c’est l’alliance avec la petite-bourgeoisie des villes (artisans, commerçants) et de la campagne (petits paysans) qui était déterminante. Aujourd’hui c’est celle avec l’encadrement qui est devenue centrale même dans les pays où la petite-bourgeoisie a encore un poids important. Car sans l’encadrement, pas de rapports de production capitalistes. Il est donc au cœur de la stratégie de la révolution prolétarienne. Et par conséquent, l’encadrement (détenteur d’un savoir que n’a pas le prolétariat, et donc d’un pouvoir) est aussi au cœur de la construction du socialisme. Les tentatives révolutionnaires (Russie, Chine, etc.) ont toutes échouées sur la question de l’encadrement qui s’est transformé en nouvelle classe dominante.
Enfin la question de l’encadrement doit aussi se poser en terme d’alliance de classes au sein même du syndicalisme. L’encadrement est salarié et syndiqué. La place qu’il prend et a pris dans les syndicats est allé croissant toute comme celle qu’il a pris dans la société capitaliste. Le prolétariat est confronté au sein même des organisations syndicales à l’encadrement (la bureaucratie syndicale) qui reproduit dans le syndicat la forme des rapports entre encadrement et prolétariat sur les lieux de travail. Le prolétariat est donc amener à lutter dans le syndicalisme, son organisation de classe, contre l’encadrement mais doit faire alliance avec lui. La lucidité sur cette question est pour nous fondamentale.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

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