Pour un communisme libertaire

Pour un communisme libertaire

Messagede Pïérô » 14 Fév 2013, 16:31

Tiré du Manifeste pour une Alternative libertaire

Pour un communisme libertaire

Le projet de société que nous proposons s’appuie sur les expériences concrètes des travailleurs et des peuples révolutionnaires : communes libres, conseils ouvriers, fédérations, syndicalisme révolutionnaire.

Nous nommons ce projet communisme libertaire, non par référence au courant « communiste » marxiste-léniniste, mais dans la continuité d’un courant plus ancien et plus large, antiautoritaire, syndicaliste, conseilliste.

« Communisme » : une société fondée sur la mise en commun des moyens de production, sans appropriation privée ou privative, centralisée, c’est-à-dire sans classe et sans État.

« Libertaire » : une société qui a pour objectif et pour condition l’émancipation de la société, des travailleurs et des individus, qui passe par l’égalité économique et la démocratie de bas en haut de la production et de toute la société.

Le communisme libertaire est le projet d’une société en évolution, animée par un processus révolutionnaire permanent, qui étend progressivement la société nouvelle sur toute la surface terrestre, et qui gagne et intègre peu à peu toute la population.

Nous indiquons ici quelques grands axes de ce projet, tel que nous pouvons le concevoir pour la première phase de construction, c’est-à-dire alors que toute la population n’a pas encore été gagnée, que la révolution a encore de nombreux ennemis à l’intérieur et à l’extérieur, et qu’il faut faire avec l’héritage technologique tout en commençant immédiatement à le transformer.


Des rapports de production autogestionnaires

Par socialisation des moyens de production nous n’entendons pas concentration de ceux-ci aux mains de l’État mais possession collective par l’ensemble de la société, autogestion de la production dans sa globalité, et autogestion de chaque unité par ceux qui s’y emploient.

Par autogestion nous entendons pouvoir de décision collectif des assemblées de travailleurs, avec liberté totale d’expression et votes démocratiques. L’autogestion abolit les rapports de production capitalistes dirigeants/dirigés, avec l’organisation hiérarchisée et parcellisée du travail qu’ils impliquent. Dans l’autogestion les responsables, coordonnateurs, délégués, sont élus par les assemblées de base ; ils peuvent être révoqués par elles à tout moment, et ils sont soumis à la direction collective de la base, tenus d’appliquer les grands choix, les mandats impératifs adoptés et régulièrement renouvelés par les assemblées de base et les conseils locaux.

Le renversement des rapports de production repose sur une transformation radicale de la nature du travail. Les fonctions manuelles et intellectuelles, séparées par le capitalisme, sont réunifiées : chaque travailleur participe à la conception et à la décision, il est décideur pour la production et pour la société. Son temps de travail incorpore ces tâches de décideurs (y compris sur les questions « politiques » concernant la région, la société), les tâches d’exécution, et un temps très étendu de formation continue. Le temps n’est plus soumis à la division héritée du capitalisme entre travail parcellisé et loisir. Dans le cours de sa vie, le travailleur alterne participation à la production collective et participation à la vie sociale comme autant de formes de son épanouissement.

Cette transformation du travail, sa désaliénation, est le noyau central d’un profond processus de transformation remodelant radicalement le tissu productif et les technologies. Celles-ci devront s’adapter à ce nouveau mode de production et aux nouveaux critères de la société, ouvrant une période d’innovations et de renouvellement.

La production échappe aux impératifs des profits. Ce sont les besoins humains qui deviennent déterminants. Ces besoins ne sont pas et ne seront jamais « objectifs » : ils répondent à des données culturelles, à des aspirations personnelles, mais aussi à ce que la production propose. Il y a donc une grande diversité de besoins qui appellent un système forcément complexe de détermination des impératifs de production. Deux mécanismes parallèles nous paraissent pouvoir être mis en place. L’un de planification et de coordination générale autogérée, qui centralise les besoins recensés dans les communes et les régions, les unités et les fédérations de production. Cette planification assure la mise en œuvre collective des grandes transformations. Et elle garantit à tous la satisfaction des besoins fondamentaux, de façon libre, gratuite, solidaire : logement, santé, formation, nourritures de base… L’autre mécanisme recouvrirait l’intervention spontanée des individus et des communautés de base s’exprimant dans un marché libéré des contraintes de l’économie marchande mais permettant l’accès libre de chacun aux produits et aux services de son choix.


Une Démocratie fédéraliste et autogestionnaire

La Démocratie fédéraliste autogestionnaire repose sur les Assemblées de base des travailleurs et sur les communes. Elle structure la société à partir des régions, afin de créer des espaces de pouvoir collectif directement contrôlables par la population. Ces espaces régionaux autogérés ne reproduiront pas nécessairement le découpage des actuelles régions administratives. Elle vise à la fédération internationale des régions, à vocation universelle. Elle se donne des règles communes autogestionnaires, intégrant les droits acquis par l’appropriation collective des moyens de production. Ces droits et ces règles s’imposent à toutes les régions, garantissant la protection de chaque individu et de chaque communauté. Au-delà, la plus grande autonomie s’exprime à la base, dans les communes, dans les régions fédérées.

Le fédéralisme est une forme d’organisation et de centralisation/décentralisation qui permet d’éviter l’écueil du centralisme bureaucratique et celui d’une atomisation de la société. C’est l’équilibre entre l’initiative et l’autonomie des unités fédérées, et la solidarité entre toutes : une interdépendance sans hiérarchie, où les choix collectifs sur les questions communes sont prises et appliquées par tous. Le fédéralisme implique une conception ouverte, dialectique, de la société comme lieu où on peut tendre à équilibrer le champ du général et celui du particulier, mais sans jamais pouvoir réduire l’un à l’autre.

Le fédéralisme conduit à une structuration stabilisée de la société. La coordination de la production est assurée par des fédérations par branches. Chaque région fédère les communes et les unités de travail. Les régions forment une fédération internationale avec une large part d’autonomie. Chaque fédération est coordonnée par un conseil très large de représentants de la base, formé d’élus directs étroitement contrôlés et en lien avec leur mandants. Chaque fédération nomme des responsables soumis à la direction de la base.

Les conseils des fédérations régionales, professionnelles, etc. ont donc à charge de centraliser le pouvoir de la base, non pas en l’exerçant en son nom mais en organisant le débat démocratique. En assurant des consultations régulières de toute la population concernée s’exprimant depuis la base et tranchant entre les diverses options dégagées. Le conseil de la fédération est ensuite tenu d’exécuter les décisions démocratiques. Ces consultations se réservent aux grandes questions, aux grands choix, tandis qu’une très large part d’initiative est assurée aux unités fédérées.

Le mandat de la base n’est pas livré au seul moment de l’élection des délégués ou des responsables, et au vu des promesses des candidats ou des programmes de leurs organisations éventuelles. Le mandat impératif est donné sur un contenu décidé par la base et renouvelé régulièrement. La démocratie du bas vers le haut représente une forme radicalement nouvelle de pouvoir collectif, en rupture avec la division dirigeants/dirigés, gouvernants/gouvernés, la coupure entre l’État et la société de tous les systèmes de classe. Chaque « citoyen-travailleur » étant associé à ce pouvoir, le gouvernement est descendu dans l’atelier et dans la commune : c’est l’autogouvernement de la société, qui répond naturellement à l’autogestion de la production.

Les différences entre État parlementaire et fédération autogestionnaire sont radicales. Renversement du pôle du pouvoir, les instances de coordination centrales étant placées sous la direction de la base. Élection démocratique des délégués et responsables, délégation de tâches pour la coordination et les décisions courantes, mais refus de la délégation du pouvoir sur les grandes décisions, et donc démocratie directe. Les partis perdent leur rôle de vecteurs du débat et de force de direction de la société : les formations politiques peuvent s’exprimer librement et nourrir le débat démocratique, mais les délégués sont mandatés par la base et non par les partis.

La démocratie autogestionnaire implique la liberté absolue d’expression et d’organisation, la liberté du culte, la liberté totale de la presse.

Enfin la nécessité de défendre la nouvelle société de ses ennemis intérieurs et extérieurs, tout comme une persistance de la délinquance - en tout cas dans cette première phase - ainsi que des comportements et actes racistes ou sexistes, entraînent la nécessité d’un droit, d’une justice organisée, et de formes d’autodéfense militaire. Mais il s’agit bien de détruire les organismes répressifs de l’ancienne société et de mettre sur pied des structures étroitement contrôlées par la population et les conseils. Les risques de militarisation ou d’ordre policier sont évidents dans une période révolutionnaire et exigent une vigilance aiguë, avec en finalité une société complètement démilitarisée et dépolicée.

http://www.alternativelibertaire.org/sp ... gestion%20


Image

Un texte fondamental dans la définition de la révolution aujourd’hui, et de la finalité d’une transformation de la société. Réflexions sur le rôle de l’organisation. Les grandes lignes de ce que pourrait être une société communiste libertaire : autogestion, planification à la base, distribution égalitaire des richesses, démocratie.

http://boutique.alternativelibertaire.o ... rubrique=3
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede Denis » 14 Fév 2013, 16:48

j'ai lu le bouquin, il est excellent !

:v:

c'est Hervé et Robert d'AL de Marseille qui me l'avaient conseillé vivement !
Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

Les Anarchistes !
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 05 Oct 2016, 13:48

jeudi 6 octobre 2016 à Montpellier

Apéro-débat: Qu'est-ce que le communisme libertaire ?

à 19h, Le Barricade, 14 rue Aristide Olivier, 34000 Montpellier

Image

Les présidentielles approchent. La seule garantie que nous avons est que ce sera de la merde qui sortira des urnes.Retour ligne automatique
Le système capitaliste et étatique est à bout de souffle. Rien ne sortira de réformes ou d'élection.Retour ligne automatique
Nous proposons une révolution totale : politique, sociale, économique et écologique.

Dans cette présentations, nous parlerons de lutte des classes, d'anti autoritarisme, d'antifascisme, d'antiracisme et d'antisexisme.

De ces luttes contre l'exploitation doivent sortir un projet de société remettant à plat les bases de nos sociétés.

Nous le voyons de plus en plus : dans la cadre du capitalisme, il n'y a plus d'issue : guerre, racisme, austérité, violence de l'état mais aussi catastrophe écologique.Retour ligne automatique
Nous pensons qu'il est urgent de poser la question d'en sortir !

Nous vous invitons à en discuter autour d'un verre jeudi prochain le 6 octobre au Barricade, 14 rue aristide Ollivier à 19 heures.

Alternative Libertaire Montpellier
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 08 Aoû 2018, 21:21

Le communisme libertaire : une introduction

Introduction

Lorsque nous parlons de communisme, il faut distinguer deux choses : d’abord une forme d’organisation sociale qui est fondée sur le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », et ensuite un mouvement réel dans le monde qui nous entoure et qui tend vers la construction d’une telle société. Dans cet article, nous allons aborder les deux sens, en commençant par le dernier, souvent moins bien connu.

Le mouvement réel

Dans notre introduction au capitalisme, nous présentons l’économie capitaliste, en essayant de montrer en quoi les besoins du capital – ses besoins en profit et en accumulation – s’opposent à nos intérêts en tant que classe ouvrière.

Les patron-ne-s font pression vers le bas sur les salaires, baissent les pensions, éliminent des postes, augmentent les heures de travail, intensifient le rythme de travail et détruisent l’environnement. Nous essayons d’y résister parce que nous voulons défendre notre qualité de vie contre le capital et les conditions dans lesquelles ce système économique nous oblige à vivre.

Et quand nous faisons justement ça, c'est-à-dire quand nous initions des actions directes et de solidarité pour protéger notre qualité de vie, lorsque, par exemple, nous organisons des grèves ou que nous ralentissons volontairement le rythme de travail, pour protester contre des réductions de salaires ou une augmentation de la charge de travail, nous commençons à jeter les bases d’une société d’un genre nouveau : Une société fondée sur la coopération, la solidarité qui satisfait nos besoins humains – une société communiste.

Le communisme en tant que mouvement est donc la tendance constante de la classe ouvrière à coopérer, s’entraider, à entreprendre l’action directe et à résister dans la société capitaliste.

A certains moments de l’histoire, ce mouvement politique emportait des foules d’ouvrièr-e-s, à travers d’énormes vagues d’agitation sociale et d’activisme sur le lieu de travail. Il y a eu, par exemple, des grèves sauvages post-guerre aux États-Unis, l’automne chaud en Italie en 1969, le mécontentement des britanniques en hiver de l’année 1978 ou la résistance anti-austérité en Grèce depuis 2010.

Des fois ces agitations sociales ont même débouché sur des événements révolutionnaires. Par exemple à Paris en 1871, en Russie en 1917, en Italie en 1919-1920, en Ukraine en 1921, en Espagne en 1936 et en Hongrie en 1956. Ce ne sont là que quelques unes des occasions que la classe ouvrière a saisies pour transformer la société à travers l’action collective et selon ses propres intérêts, plutôt que ceux du patronat.

A chacun selon ses besoins…

Ce monde ne manque pas de responsables ou de groupes politiques qui prétendent avoir la solution toute faite pour créer une société plus juste. Mais le communisme n’est pas quelque chose qui se décrète du haut en bas par des partis ou des individus politiques. Le communisme doit être créé, grâce à une participation massive et grâce à l’expérimentation, par nous, les travailleur-se-s nous-mêmes.

Il est d’ailleurs important de souligner que le « communisme » n’a rien à voir avec l’ancienne URSS ou Cuba et la Corée du Nord comme on les connaît aujourd’hui. Il s’agit là de sociétés essentiellement capitalistes avec un seul capitaliste : l’état. De la même manière, le communisme n’a rien en commun avec la Chine dont le parti qui gouverne le pays et qui s’appelle lui même « communiste » dirige une des nations capitalistes les plus prospères au monde.

Lors des divers événements révolutionnaires à travers l’histoire (dont certains ont déjà été mentionnés), les travailleur-se-s ont essayé la mise en pratique du communisme de différentes manières. Ils-Elles ont développé des principes selon lesquelles une société communiste pourrait s’organiser et ont créé des exemples pratiques de ce qui devient possible lorsque nous agissons ensemble dans notre intérêt de classe.

Une société sans patron-ne-s

Au lieu de laisser la propriété et le contrôle sur les moyens de productions – les terres, les usines, les bureaux etc – aux mains d’individus privés ou de l’état, une société communiste est fondée sur la propriété commune et la gestion collective de ces moyens de production. Et au lieu de produire pour l’échange et le profit, le communisme signifie de produire pour les besoins humains, y compris le besoin d’un environnement sain et sauf.

Déjà aujourd’hui, ce sont nous, les travailleur-se-s, qui produisons tout et qui dispensons tous les services nécessaires pour vivre. Nous construisons les routes, les maisons, nous conduisons les trains, nous prenons soin des malades, nous élevons les enfants, préparons la nourriture, développons de nouveaux produits, cousons les vêtements et enseignons à la génération future.

Une panoplie d’exemples nous montrent que les travailleur-se-s peuvent gérer leur lieu de travail de manière efficace, et souvent même plus efficacement qu’une organisation hiérarchique.

Un exemple récent sont les usines qui ont été reprise lors des révoltes en printemps 2001 en Argentine. A ce moment un tiers de l’industrie du pays a été placée sous contrôle des ouvriers et ouvrières. Si nous remontons plus loin dans l’histoire nous pouvons trouver d’autres exemples de gestion collective encore plus larges et importants.

Par exemple, durant la guerre civile espagnole en 1936, la majorité des industries en Espagne révolutionnaire a été reprise et gérée collectivement par les travailleur-se-s. Là ou c’était possible, les travailleur-se-s se sont encore plus rapproché-e-s d’une société communiste, en abolissant l’argent, ou en distribuant gratuitement les biens qui étaient disponibles en abondance.

A Seattle en 1919, dans un contexte de grève générale, la ville a été reprise et gérée par les travailleur-se-s. En Russie en 1917, des travailleur-se-s ont repris des usines, avant que les bolcheviques prennent le contrôle et redonnent l’autorité aux mains de patron-ne-s.

Une société sans salaires

Le communisme signifie aussi une société sans argent dans laquelle notre travail – et ses fruits – ne prend plus la forme de marchandises qui sont vendues et achetées.

Souvent les gens sont préoccupés par la question de savoir si une société communiste peut vraiment produire suffisamment pour tout le monde, sans avoir recours à la menace implicite de sanction, qu’impose le système salarial.

Encore une fois, nous disposons de nombreux exemples qui nous montrent que nous n’avons pas besoin qu’une menace de sanction ou de famine planerait au dessus de nous pour que nous nous engagions dans une activité productive.

Pendant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, ni l’argent, ni le travail salarié n’existaient, et le travail nécessaire était néanmoins fait.

Dans les sociétés de chasseurs-se-s/cueilleur-se-s, par exemple, qui étaient majoritairement pacifiques et égalitaires, il n’y avait pas de différence entre le travail et le jeu.

Même aujourd’hui, une quantité énorme de travail nécessaire est effectuée gratuitement. En France par exemple, malgré de longues heures de travail, notamment les femmes assument la plus grande partie du travail ménager. En plus de ça, au Royaume Uni, près de 10 % des gens réalisent des services de soin non rémunérés et 25 % des adultes en Angleterre s’engagent dans un travail bénévole une fois par mois. La valeur totale du travail non rémunéré est estimé à 11$ billions par an en 2011.

Presque tout type de travail utile imaginable est aussi réalisé par quelqu’un gratuitement, sans prendre la forme d’un « travail » salarié, ce qui montre que les salaires ne sont pas forcément nécessaires. Faire pousser des légumes, s’occuper des enfants, faire de la musique, réparer des voitures, essuyer le sol, discuter avec les gens de leur problème, prendre soin des malades, programmer des ordinateurs, faire des vêtements, créer de nouveaux produits… la liste est sans fin.

Des études ont montré que l’argent n’est pas un moyen de motivation efficace pour inciter à une bonne prestation quand les tâches sont complexes. Les gens qui ont la liberté de décider de ce qu’ils-elles font et comment ils-elles le font, tout en considérant leur travail comme constructif et socialement utiles sont les plus motivées.

Des projets concrets tel que le mouvement du logiciel libre illustrent également comment des organisations non-hiérarchiques, collectives qui poursuivent un but d’utilité sociale peuvent mieux fonctionner que des organisation hiérarchiques à but lucratif et que les personnes n’ont pas besoin d’un salaire pour vouloir produire quelque chose.

Lorsqu’il n’y a pas de but lucratif, tout progrès technique qui rend le travail plus efficace permettrait à toutes et tous de travailler un peu moins et avoir plus de temps libre, au lieu d’amener le management de licencier des gens et d’intensifier la charge de travail pour les travailleur-se-s restant-e-s (comme c’est le cas actuellement). Voici notre introduction au travail pour plus d’informations.

Une société sans État

Dans notre introduction à l’État nous définissons le gouvernement comme « organisation qui est contrôlée par une petite minorité de personnes » qui se caractérise par « sa capacité à prendre des décisions politiques et légales – et à les imposer, violemment si nécessaire”.

Si la distinction entre employeur-se-s et travailleur-se-s n’existe plus, ni celle entre pauvres et riches, une organisation de violence centralisée contrôlée par un petit nombre d’individus, n’a plus lieu d’être, ni sa police qui protège la propriété des riches et impose la pauvreté, le travail salarié et même la famine dans d’autres parties du monde. De la même manière, lorsque la recherche d’accumulation de profits aura disparu, il n’y aura plus besoin d’armées pour conquérir de nouveaux marchés et de nouvelles ressources.

Il y aura évidemment toujours besoin de protéger la population contre des individus asociaux ou violents. Mais cela pourrait se faire de manière locale et démocratique, par un corps qui fonctionne par mandats et selon le principe de rotation, plutôt que par une police qui n’a de compte à rendre à personne et dont la brutalité et même les meurtres ne sont quasiment jamais punies.

Pour prendre des décisions collectives, nous proposons par opposition à la « démocratie représentative » qui gouverne la plupart des pays, la démocratie directe. La vraie démocratie signifie plus que pouvoir élire pour quelques années une poignée de personnes (souvent riches) pour prendre des décisions politiques à notre place, tandis que d’autres décisions sont prises sans aucun contrôle démocratique dans les conseils d’administration d’entreprises, régie par la « tyrannie du marché ».

Nous pouvons organiser nos luttes par nous même, de façon autonome, en commençant par des groupes de co-travailleur-se-s, qui se réunissent en assemblée sur leur lieu de travail ou dans leur localité ou leur quartier et nous pouvons nous unir et nous coordonner en utilisant les technologies de la communication et des conseils de travailleur-se-s avec des mandats directs et révocables.

Et tout comme nous pouvons organiser nos luttes, nous pouvons aussi organiser notre société nous même, comme la classe ouvrière l’a déjà fait à plusieurs reprises dans l’histoire. Par exemple, pendant l'insurrection de Budapest en 1956, des conseils de travailleur-se-s se sont mis en place chargés de gérer différents aspects sociaux, tout en exigeant un socialisme qui se fonde sur une démocratie populaire. Plus récemment, depuis la révolte en 1994, la région du Chiapas au Mexique est gouvernée indépendamment de l’état par un système de démocratie directe, sans leader, où les mandats de d’agents publics sont limités à deux semaines.

Conclusion

Beaucoup de gens pensent que le communisme est une bonne idée mais que ça ne fonctionne pas dans le réalité. Mais ne faut-il pas commencer par se demander : « et le capitalisme, ça fonctionne ? »

Tandis que des milliards de personnes vivent dans la pauvreté au milieu d’une richesse inimaginable, et que nous fonçons droit dans une catastrophe écologique, nous pensons que la réponse à cette question est un « non » catégorique. Aucun système n’est parfait, mais nous sommes convaincu-e-s qu’il y a suffisamment de preuves qu’une société communiste marcherait beaucoup mieux que notre système capitaliste actuel pour la majorité des personnes – et peut être même pour quelques riches qui sont malheureux-ses, malgré leur fortune.

Une société communiste ne signifie pas qu’il n’y aurait plus de problème. Mais elle permettrait déjà de résoudre quelques enjeux majeurs auxquels nous sommes confronté-e-s aujourd’hui, tel que la pauvreté et la destruction environnementale, ce qui dégagerait des forces pour répondre à d’autres problèmes bien plus intéressants.

Au lieu de devoir travailler, produire et accumuler toujours plus, on pourrait trouver des solutions pour travailler moins, pour rendre le travail que nous devons faire plus agréable, pour trouver plus de joie et de satisfaction dans la vie.

Au lieu de juger de la réussite d’une société en fonction de son PIB, nous pourrions l’évaluer selon le bien être et le bonheur qu’elle procure à ses membres. Au lieu de nous connaître en tant que « collègue », « client-e », « supérieur-e », « concurrent-e », nous pourrions nous rencontrer en tant qu’êtres humains.

Celles et ceux d’entre nous qui écrivent et lisent ces mots ne connaîtrons dans leur vie peut être jamais une société véritablement communiste et libertaire. Malgré tout, le communisme en tant que mouvement réel – c'est-à-dire la lutte quotidienne pour défendre nos intérêts contre ceux du capital – contribue à améliorer nos vies ici et maintenant, et protège la planète pour nous et les générations futures. En fait, c’est le communisme en tant que mouvement réel – les combats de la vie de tous les jours pour défendre nos conditions – qui jette les bases pour une société communiste, libre et égalitaire.

Ce mouvement, que nous appelons communiste libertaire, s’est appelé en d’autres temps et lieux, « communisme anarchiste », ou simplement « socialisme » ou « communisme ». Mais ce qui compte n’est pas le nom ou l’étiquette idéologique mais son existence, non pas en tant qu’idéal futur mais en tant qu’incarnation de nos besoins, de nos désirs de notre esprit de résistance dans nos vies de tous les jours. L’esprit de résistance existe, et il a toujours existé dans toutes les sociétés et sous tous les régimes qui reposent sur l’injustice et l’exploitation ; et avec cet esprit de résistance naît aussi la possibilité d’un monde fondée sur la liberté et l’égalité pour tou-te-s.


SOURCE initiale : Libcom.org


http://www.socialisme-libertaire.fr/201 ... ction.html
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 28 Aoû 2018, 23:03

Le Communisme Libertaire par Daniel Guérin.

Il est temps d’ébaucher la synthèse de tous mes travaux et d’oser esquisser les rudiments d’un programme — au risque de me voir accuser de verser dans la «métapolitique».

Il serait oiseux aujourd’hui de procéder à une sorte de replâtrage d’un édifice de doctrines socialistes plus ou moins lézardé et vermoulu, de s’escrimer à rabibocher ensemble des fragments encore solides de marxisme et d’anarchisme traditionnels, de faire assaut d’érudition marxienne ou bakouninienne, de chercher à tracer, rien que sur le papier, de tortueux raccommodements.

Si, dans ce livre, l’on s’est assez souvent tourné vers le passé, ce n’était certes point, le lecteur l’a compris, pour s’y attarder ou s’y complaire. Pour y apprendre, pour y puiser, oui, car l’expérience antérieure est riche d’enseignements, mais dans un souci bien moins rétrospectif que futuriste.

Le communisme libertaire de notre temps, qui s’est épanoui dans le Mai 68 français, dépasse et le communisme et l’anarchisme.

Se dire aujourd’hui communiste libertaire, ce n’est pas regarder en arrière, mais tirer une traite sur l’avenir. Les communistes libertaires ne sont pas des exégètes, ce sont des militants. Ils n’ignorent pas qu’ils leur incombent, ni plus ni moins, de changer le monde. L’Histoire les met au pied du mur. L’heure de la révolution socialiste a partout sonné.

Elle est entrée — tout comme l’alunissage — dans le domaine de l’immédiat et du possible. La définition précise des formes d’une société socialiste a cessé d’appartenir au domaine de l’utopie. Manquent seuls de réalisme ceux qui ferment les yeux à ces évidences.

Selon quelles lignes directrices va-t-on, enfin, entreprendre et réussir la Révolution qui, comme disait Gracchus Babeuf, sera la dernière ?

Tout d’abord, avant d’entrer en action, les communistes libertaires apprécient la nature exacte des conditions objectives, ils essaient de jauger d’un coup d’oeil juste les rapports de force propres à chaque circonstance. Ici la méthode élaborée par Karl Marx et qui n’a point vieilli, le matérialisme historique et dialectique, demeure pour lui la plus sure des boussoles, une mine inépuisable de modèles et de points de repère. A condition, toutefois, qu’elle soit traitée à a manière de Marx lui-même, c’est-à-dire sans rigidité doctrinale, qu’elle évite toute raideur mécanique. A condition que, s’abritant sous son aile, l’on n’invente pas éternellement de mauvais prétextes, des raisons pseudo-objectives pour se dispenser de pousser à fond, pour cafouiller, pour manquer, à chaque fois, l’occasion révolutionnaire.

Libertaire est ce communisme qui rejette le déterminisme et le fatalisme, qui fait la plus large part à la volonté individuelle, à l’intuition, à l’imagination, à la rapidité des réflexes, à l’instinct profond des larges masses, plus avisé aux heures de crise que le raisonnement des «élites», qui croit à l’effet de surprise et de provocation, à l’audace, qui ne se laisse pas encombrer et paralyser par un lourd appareil baptisé scientifique, qui ne tergiverse ni ne bluffe, qui se garde de l’aventurisme comme de la peur de l’inconnu.

Communistes libertaires sont ceux qui ont appris à bien jeter leurs dés. Communistes libertaires sont ceux qui honnissent l’impuissante pagaille de l’inorganisation tout autant que le boulet bureaucratique de la sur-organisation.

Les communistes libertaires, fidèles sur ce point à la fois à Marx et à Bakounine, récusent le fétichisme du parti, unique, monolithique et totalitaire, de même qu’ils déjouent les pièges d’un électoralisme truqué et démobilisateur.

Les communistes libertaires sont, par essence, internationalistes. Ils considèrent comme formant un tout le combat mondial des exploités. Mais ils n’en tiennent pas moins compte de la spécificité, des formes originales de socialisme dans chaque pays. Ils ne conçoivent l’internationalisme prolétarien que s’il cesse d’être une imposture, c’est-à-dire s’il est animé de bas en haut, sur un pied d’égalité absolue, sans subordination aucune à tel «grand frère» qui se croit plus puissant et plus malin.

Communistes libertaires sont ceux qui ne sacrifient jamais la lutte révolutionnaire aux impératifs diplomatiques de grands empires dits socialistes et qui, comme faisait Che Guevara, n’hésitent pas à les renvoyer dos à dos, si leurs aberrantes querelles fratricides portent une atteinte mortelle à la cause du socialisme universel.

Quand vient l’heure de l’épreuve de force révolutionnaire, communistes libertaires sont ceux qui attaquent à la fois au centre et à la périphérie, sur le plan politique et administratif comme sur le plan économique ; ceux qui, d’un côté, sans merci, avec la dernière énergie, s’il le faut par les moyens de la lutte armée, règlent son compte à l’État bourgeois, à toute la machinerie complexe du pouvoir, que ce soit sur le plan de la capitale, des régions, des départements, des communes, qui jamais ne commettent la faute, sous couleur d’«apolitisme», de négliger, de sous-estimer, de s’abstenir de démanteler les citadelles d’où est dirigée la résistance ennemie; mais qui, de l’autre, au même moment, ni plus tôt, ni plus tard, conjuguant la lutte économique avec la lutte politique, s’emparent, sur le lieu du travail, de toutes les positions patronales, arrachent les moyens de production à leurs accapareurs pour les remettre à leurs véritables et seuls ayants droit : les travailleurs et techniciens autogestionnaires.

Une fois cette révolution sociale victorieusement et pleinement accomplie, communistes libertaires sont ceux qui ne brisent pas l’État pour aussitôt le reconstituer sous une nouvelle forme, plus oppressive encore que l’ancienne de par la colossale extension de ses compétences, mais qui souhaitent la transmission de tout le pouvoir à une confédération de fédérations, à savoir la confédération des communes, elles-mêmes fédérées en régions, la confédération des syndicats ouvriers révolutionnaires préexistant à la Révolution ou, à défaut, la confédération des conseils ouvriers enfantés par la Révolution, sans exclure l’éventualité d’une symbiose de ces deux derniers. Élus pour un court mandat et non immédiatement rééligibles, les délégués à ces diverses instances sont, à chaque instant, contrôlables et révocables.

Les communistes libertaires écartent tout émiettement particulariste en petites unités, communes, conseils ouvriers, et aspirent à une coordination fédéraliste, à la fois étroite et librement consentie. Rejetant la planification bureaucratique et autoritaire ils croient à la nécessité d’une planification cohérente et démocratique, impulsée de bas en haut.

Parce qu’ils sont de leur temps, les communistes libertaires veulent arracher à leurs accapareurs malfaisants, pour les mettre au service de la libération de l’homme, les médias, l’automation, l’informatique…

Des autoritaires invétérés ou des sceptiques soutiennent que les impératifs de la technologie contemporaine seraient incompatibles avec une société communiste libertaire. A l’inverse les communistes libertaires entendent donner le départ à une nouvelle révolution technique orientée, cette fois, en même temps que vers une plus haute productivité et une plus courte durée du travail, vers la décentralisation, le décongestionnement, la débureaucratisation, la désaliénation, le retour à la nature. Ils pourfendent la dégradante mentalité de la société dite de consommation tout en se préparant à porter la consommation au plus haut niveau jamais atteint.

Les communistes libertaires opèrent ce bouleversement gigantesque au prix du moindre désordre, sans lenteur ni précipitation. Ils savent qu’un simple coup de baguette magique ne saurait promouvoir instantanément la plus profonde mutation sociale de tous les temps. Ils ne perdent pas de vue qu’à partir de l’hominien malfaçonné par des millénaires d’oppression, d’obscurantisme et d’égoïsme il faut du temps pour former un homme socialiste. Ils consentent à des transitions tout en se refusant à les éterniser. C’est ainsi que, tout en s’assignant comme but ultime, à atteindre par étapes, le dépérissement de la concurrence, la gratuité des services publics et sociaux, la disparition du signe monétaire et la distribution de la pléthore selon les besoins de chacun, que tout en visant à l’association dans l’autogestion des agriculteurs et des artisans, à la réorganisation coopérative du commerce, ils n’ont pas pour projet d’abolir du jour au lendemain la concurrence et les lois du marché, la rémunération selon le travail accompli, la petite propriété paysanne, artisanale et commerciale.

Ils ne croient pas superflue l’assistance temporaire de minorités agissantes plus instruites et plus conscientes, quel que soit le nom qu’elles se donnent. Minorités dont la contribution est inévitable pour amener les arrière-gardes à la pleine maturité socialiste, mais qui se tiennent prêtes à ne pas encombrer la scène un jour de trop, pour se fondre, aussi vite que possible, dans l’association égalitaire des producteurs.

Les communistes libertaires ne proposent pas une option «groupusculaire». Les lignes directrices qui viennent d’être énoncées leur paraissent coïncider avec l’instinct de classe élémentaire de la classe ouvrière.

En dehors du communisme libertaire — une expérience longue, ardue et douloureuse l’a maintenant démontré — il n’est pas, selon moi, de véritable communisme.


https://albruxelles.wordpress.com/2018/ ... el-guerin/
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 29 Sep 2018, 14:49

Les principes du communisme libertaire.

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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 14 Oct 2018, 18:25

Communistes libertaires ?

Le texte de Daniel Guérin, « Trois problèmes de la révolution » est parfait pour une « introduction au communisme libertaire ». Lorsqu’il publie Jeunesse du socialisme libertaire en 1959, Daniel Guérin a 55 ans, une vie de révolutionnaire déjà bien remplie. Et pourtant, cet infatigable militant est à un tournant de sa recherche théorique. Il s’efforce de poser les problèmes modernes de la révolution en faisant le bilan des révolutions passées, et en appréciant la justesse de vue des marxistes d’une part, des anarchistes d’autre part. Il s’efforce à l’objectivité, ne cherche à dissimuler ni les aveuglements, ni la lucidité dont ont pu faire preuve les uns et les autres. Il en tire la conclusion de la nécessité de l’anti-étatisme dans la transformation socialiste de la société.

Certaines appréciations de ce texte, sur les pays de l’Est par exemple, peuvent paraître bien naïves à soixante ans de distance. Mais l’intérêt de cette réflexion est bien de constituer une introduction , en mettant le doigt sur ces fameux « trois problèmes » à résoudre dans la conception de la révolution et dont, pense-t-il, le communisme libertaire doit contenir la solution : 1. Dans la période de lutte révolutionnaire, quelles doivent être les parts respectives de la spontanéité et de la conscience, des masses et de la direction ? 2. Une fois l’ancien régime d’oppression renversé, quelle forme d’organisation politique ou administrative faut-il substituer à celle qui vient d’être vaincue ? 3. Enfin, par qui et comment doit être administrée l’économie après l’abolition de la propriété […] ? » Ce cahier constitue une introduction, il ne se substitue pas, par exemple, au Projet de société communiste libertaire édité par Alternative libertaire, et qui reste le texte de référence en la matière. À la fin de ce cahier, une bibliographie donne quelques indications de textes à lire pour aller plus loin.

Communistes libertaires ?
À télécharger : https://www.alternativelibertaire.org/I ... taires.pdf

https://www.alternativelibertaire.org/? ... ibertaires
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede bipbip » 02 Nov 2018, 19:34

Le communisme libertaire : qu’est-ce donc ?

Les mouvements communistes et anarchistes, aussi composites soient-ils, ont relégué à l’ombre le communisme libertaire (ou anarcho-communisme) : de part et d’autre, les orthodoxes se méfient. Trop marxiste pour les libertaires, trop décentralisé pour les trotskystes, il évolue à la croisée de ces deux traditions que l’Histoire a volontiers opposées. Approchons.

L’intitulé « communisme libertaire » naît en 1876, lors d’un congrès organisé par la fédération italienne de l’Association internationale des travailleurs. Soit 5 ans après la Commune de Paris, 19 après l’invention du terme « libertaire », 36 après la mise en circulation de « communisme ». Errico Malatesta et Carlo Cafiero, tous deux italiens, en sont les principaux instigateurs. Si, trop souvent, l’énoncé paraît encore contradictoire, le second lançait pourtant : « Nous devons être communistes, parce que nous sommes des anarchistes, parce que l’anarchie et le communisme sont les deux termes nécessaires de la révolution1. » Le communisme, rappelle Cafiero, incarne l’égalité et l’anarchisme la liberté : deux notions, possiblement contradictoires, qu’il refuse d’opposer. Mieux : il importe de les combiner, de résoudre cette tension par une synthèse inédite.

... https://www.revue-ballast.fr/communiste-libertaire/
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Re: Pour un communisme libertaire

Messagede Pïérô » 28 Mar 2019, 15:07

Le communisme libertaire : une alternative au capitalisme et à l'étatisme

Élisée Reclus a écrit :
« l'anarchie est la plus haute expression de l'ordre ».
Si cette idée peut paraître farfelue au premier abord à celles et ceux qui ne connaissent pas du tout l'anarchisme, c'est parce qu'elle heurte le préjugé selon lequel l’État est garant de l'ordre et de la justice. C'est parce que nous pensons précisément le contraire que nous sommes anarchistes.

"La hiérarchie sous toutes ses formes génère de l'injustice et donc du désordre"

Pour nous, toute l'histoire humaine montre que c'est la hiérarchie sous toutes ses formes qui génère de l'injustice et donc du désordre. Nous pensons que plus le pouvoir est concentré entre peu de mains plus l'injustice qui en découle est puissante. Aussi, l’État est la forme typique et parfaite de la domination de quelques-un-es sur tous les autres. Nous pensons au contraire que la justice sociale c'est à dire l'égalité d'accès à tous les biens matériels et immatériels (et en particulier l'accès au pouvoir de décision) est la seule chose qui fait reculer le chaos et la violence. L'ordre ce n'est pas la police, c'est la justice. L'histoire de l'anarchisme est caractérisée par une recherche et une expérimentation des formes sociales à mettre en œuvre pour concrétiser la justice. Autrement dit, il s’agit d’une recherche concrète et pragmatique d'une alternative à tous les systèmes d'oppression que sont le capitalisme, le féodalisme, le marxisme, le patriarcat (la domination masculine), les religions, etc. Cette histoire construite au gré des conjectures théoriques et des expérimentations dans le réel, débouche en ce début de 21ème siècle sur une réponse synthétique au problème social : le Communisme Libertaire.

Le projet de société anarchiste est communiste mais sûrement pas marxiste

« Communiste », car, sur le plan économique, tous les moyens de production relèvent de la propriété commune. « Libertaire », car toutes les décisions doivent être prisent librement pour que le projet se réalise. Ce libre consentement dépend de la nature des institutions typiquement libertaires que nous proposons pour faire fonctionner la société à laquelle nous aspirons. La véritable propriété collective existe lorsque les travailleurs et travailleuses décident eux-mêmes et elles-mêmes de ce qu'il faut produire et comment le produire. Pour nous, la seule façon de garantir une véritable propriété collective des moyens de production c’est l'autogestion. En dernier ressort, être propriétaire de quelque-chose c'est décider souverainement de l'usage que l'on fait de cette chose. La propriété étatique des moyens de production telle qu'elle est défendue par le marxisme, ne consiste donc qu'à transmettre le pouvoir de décision économique à une nouvelle minorité : l’État.

"L'objectif: donner le contrôle à la base…"

Il s'agit de mettre à jour des méthodes et techniques d'organisation horizontale des activités humaines qui permettent de satisfaire nos valeurs (liberté, égalité et solidarité). Le communisme libertaire repose donc sur l'autogestion économique, politique et sociale de la société. Il s'agit de se doter d'institutions adéquates pour que chacun et chacune participe aux décisions qui le/la concerne, de l'échelle locale à l'échelle internationale. L'objectif: donner le contrôle à la base, pour que les décisions soient prises par toutes et tous afin que les choix politiques soient réellement faits dans l'intérêt général.

Notre projet politique: démocratie directe et fédéralisme libertaire

Ce système politique c'est la démocratie directe. Loin de toute conception référendaire qui suppose l'existence d'une minorité politique en place qui « consulte » la base, il s'agirait de généraliser l'assemblée générale souveraine à tous les secteurs: usines, bureaux, écoles, agriculture, quartiers, communes. Si la démocratie directe, pour être au plus près des besoins humains réels, s'exerce naturellement et spontanément à l'échelle locale, le champ économique comme le champ politique aurait ensuite leur propre logique fédérative: de la commune vers la région, de la région vers la « nation » puis vers l'international. Chaque passage d'un niveau à l'autre s'effectue du bas vers le haut à l'aide de mandaté-e-s révocables à tout moment. C'est ce mécanisme, le fédéralisme libertaire, qui rend l'autogestion généralisable à une très large échelle géographique. La fédération des communes libres est l'alternative aux prétentions organisatrices de l’État qui, rouge, rose, bleu ou vert a toujours été et sera toujours l'outil de domination d'une minorité privilégiée.

"La compétition pour l'accès aux postes de pouvoir rend les pratiques immorales indispensables pour qui veut gagner une élection"

La démocratie représentative, quant à elle, est incapable de servir l'intérêt général précisément parce que ses élus, étant irrévocables pendant leur mandat, constituent une classe sociale à part entière, particulièrement consciente de ses intérêts. Privilégié-e-s politiques, ils ne peuvent qu'avoir des rapports d'entente plus ou moins formels avec les privilégié-e-s économiques: les patrons et notamment les plus gros et les plus influents d'entre-eux. Mais encore, la compétition pour l'accès aux postes de pouvoir rend les pratiques immorales indispensables pour qui veut gagner une élection.

"Un autre modèle, ni capitaliste ni marxiste, pour un autre futur...

Le communisme libertaire consiste à abolir les mécanismes du marché. En effet, le marché « parfait » est un mythe propre à l'idéologie libérale, la concurrence débouche toujours sur des monopoles, des rentes de situation, sur la concentration de la richesse entre quelques mains et donc sur des crises… En bref, sur une certaine forme de féodalité... Il faut bien comprendre que le "marché" est synonyme d'opacité. En effet, faire fonctionner l'économie par le marché c'est accepter l'idée que la société ne contrôle pas de façon démocratique ce qu'elle produit, c'est accepter de ne pas avoir son mot à dire.

A l'heure de la crise écologique et financière où tout le monde s'accorde à dire que l'économie doit être rationalisée, l’économie de marché est archaïque. Qu'on le veuille ou non, l'explosion mondiale des inégalités et le dépassement des limites écologiques à venir nous obligent à penser un autre modèle économique et politique qui ne soit ni capitaliste ni marxiste. Le point commun de ces deux drames des deux derniers siècles n'est-il pas le refus de la démocratie c'est à dire le refus de donner le contrôle à la base ? Plus que jamais, l'anarchisme et son projet communiste libertaire largement accrédité par les expériences historiques dont il peut se prévaloir peut et doit apporter aux mouvements sociaux le projet alternatif qui leur fait tant défaut et qui explique pour une large part leurs échecs trop fréquents.

Groupe CGA de Clermont-Ferrand


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