réformisme libertaire ?

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Messagede luco » 14 Déc 2012, 14:54

Il y a quelques temps, sur ce forum, j'avais essayé d'en savoir plus sur la pensée tardive de Rudolf Rocker et des pratiques syndicales de la SAC suédoise d'après la seconde guerre mondiale.

J'avais eu 'impression qu'une partie de la pensée libertaire ou anarcho-syndicaliste avait endossé, à la fois consciemment et comme moindre mal face au totalitarisme soviétique (et nazi), à l'échec des révolutions violentes, un certain pragmatisme réformiste.

J'avais aussi soulevé la questions de deux textes contemporains allant dans le même sens publiés sur le site de la CNT-F. personne n'avait su ou voulu y répondre (il y a pourtant peu de textes "théoriques" sur le site de la CNT-F)

Une extrait d'un texte tardif de Gaston Leval vient me reposer cette question. Le voici :

Et je dis et je maintiens que le peuple, dont je suis, moi dont la jeunesse a été telle que je n’ai pas même
pu apprendre un métier, et qui par conséquent ne parle pas « du peuple » comme d’une catégorie sociale
qui m’est étrangère, mais qui au contraire en parle comme je le fais parce que je le connais, je maintiens
que le peuple n’est pas préparé pour faire une telle révolution, pour transformer la société dont le plus
souvent il n’a pas même le sentiment ou la conscience. Je considère une ineptie ou un crime que de
pousser à une crise révolutionnaire.
Et je ne vois pas d’autre solution que celle des réalisations partielles
sans détruire l’organisme économique capitaliste.
Proudhon écrivait - je ne sais plus où - qu’il chargeait
les travailleurs de prendre l’héritage de la société actuelle et de le développer: il ne s’agissait pas pour lui
de détruire ce qu’a créé le capitalisme, malgré les souffrances que cela a causé au peuple, malgré les
atrocités de la work house et de la fabrique. Il s’agissait d’en assumer la continuité, pour le bien de tous.
Or, la vie de relation est telle aujourd’hui qu’une entreprise de transformation dans de très vastes secteurs [pose]
des problèmes de dimensions terrestres qui, pour cela, sont insolubles.
Il est donc inévitable de les envisager à l’échelle du possible. Parmi nos idées, et celles de certains de nos
penseurs, il y a beaucoup de choses à revoir. Telle est la vérité.


http://ablogm.com/cats/2012/10/07/la-cr ... ton-leval/

Au fond, le mouvement libertaire n'est-il pas une dynamique égalitaire et démocratique qui vient radicaliser la démocratie bourgeoise existante (en essayant de trouver les moyens d'une extension de la démocratie effective dans la sphère économique) plutôt qu'un mouvement révolutionnaire de rupture violente (qui prendrait ainsi le risque de dégénérer en totalitarisme de type soviétique) ?

N'est-ce pas exactement ce qu'ont entrevu beaucoup de "responsables" anarchistes espagnols lors de la révolution espagnole : comment tenir compte de la diversité politique et ne pas tomber dans la dictature et le substitutisme (ce qui ne résout pas la question des manoeuvres staliniennes en Espagne) ?

Cette interrogation fait échos à celle que je pose à René Berthier dans un autre fil : quelle orientation stratégique ? D'autant que le site "Monde Nouveau" renvoie souvent à la pensée de G. Leval.

Je précise que je parle, si ça peut éviter certains malentendus, d'un point de vue autogestionnaire / réformiste radical / socialiste libertaire non dogmatique (entre AL, les Alternatifs, le zapatisme pour faire court).
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede luco » 14 Déc 2012, 18:04

Bon... Je viens de voir que René Berthier a même préfacé une édition d'Humanisme libertaire de G. Leval.

Du coup son avis m'intéresse encore plus puisqu'il réfute justement le terme de "réformiste" appliqué à Leval.

Mais du coup, tout anachronisme mis à part, est-ce qu'on ne se rapproche pas des théories d'Holloway : libérer sans attendre des espaces non marchands qui subvertissent le capitalisme de l'intérieur ?

Quel rôle peut jouer dans ce cadre une organisation comme la CNT-F ?

[je fais un ajout tardif] :

... une organisation comme la CNT-F qui semble plutôt fonctionner dans l'imaginaire de beaucoup de ses militants sur l'hypothèse de la grève générale.

A moins que la GG soit vu comme un moyen de pression parmi d'autre pour libérer ces espaces en modifiant le rapport de force, e non le prélude à une destruction de l'Etat bourgeois et son remplacement "rapide" par un fonctionnement radicalement différent sur des bases syndicales (teles que préconisées par les CSR si je ne m'abuse).
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede digger » 15 Déc 2012, 10:57

Parce que le désarroi dont il a été question ici, face à l'orientation stratégique, est bien l'une des causes de nos faiblesses depuis quelques décennies (depuis 68 à la louche ou à minima depuis la chute des dictatures de l'Est), non ?


Je pense qu’il est plus ancien que cela. Si la chute des dictatures de l’Est a renforcé le capitalisme, elle ne me semble pas avoir eu un impact significatif sur le mouvement anarchiste, en tout cas négatif. Et pourquoi cela aurait il été le cas puisqu’il n’y avait aucune illusion sur la nature de ces régimes ?
Quant à 68, je pense que le mouvement ne l’a pas abordé dans les meilleures conditions, divisé déjà comme il l’était.

Le Mouvement anarchiste en Mai 68 – France
http://www.ainfos.ca/fr/ainfos07656.html

L'Anarchisme en 1968 Par Edgar Morin
http://www.theyliewedie.org/ressources/biblio/fr/Morin_Edgar_-_L%27anarchisme_en_1968.html

Le congrès international anarchiste de Carrare (Italie) Septembre 1968
http://www.federation-anarchiste.org/spip.php?article104

Quant à la question de fond sur le "réformisme" , je pense que c’est une question de stratégie devant laquelle le mouvement anarchiste n’a pas de position homogène.
Encore faudrait-il savoir ce que l’on entend par "réformisme". Est-ce une vision "réformiste" d’agir là où cela est possible pour l’amélioration des condition de vie tout en gardant une vision révolutionnaire ?
Il me semble que le réformisme est l’abandon de la vision révolutionnaire, comme cela fut le cas dans les milieux syndicaux.
Ce n’était sûrement pas l’approche de Duval.
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede Pti'Mat » 15 Déc 2012, 18:46

"A moins que la GG soit vu comme un moyen de pression parmi d'autre pour libérer ces espaces en modifiant le rapport de force, e non le prélude à une destruction de l'Etat bourgeois et son remplacement "rapide" par un fonctionnement radicalement différent sur des bases syndicales (teles que préconisées par les CSR si je ne m'abuse)."

Sois je suis pas concentré, sois je saisis pas... peux-tu dire ça plus simplement ? :oops:
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede luco » 16 Déc 2012, 17:50

Je veux dire par là que les CSR comme ceux qui se sont réclamés du syndicalisme révolutionnaire ont pour orientation stratégique la grève générale qui permettra la destruction de l'état bourgeois, du capitalisme de marché, et leur remplacement par un système de production/consommation par le biais des branches d'industrie.

Une sorte de volontarisme marxien mais dans lequel le syndicat joue le rôle de démiurge là où dans le marxisme révolutionnaire (léninisme etc.) c'est principalement le parti.

Non ?

Par ailleurs j'ai l'impression que beaucoup de syndiqués à la CNT-F ont cet imaginaire stratégique révolutionnaire, mais qu'en réalité, quand on lit les rares textes théoriques présents sur le site de la CNT-F, ou à en croire l'évolution de Rocker sur la fin, de Leval... on a plutôt autre chose : un syndicalisme de combat mais qui ne vise pas une destruction violente de l'appareil d'état bourgeois ni même vraiment le système de marché dans son ensemble, mais plutôt à modifier le rapport de force entre les classes, à construire des alternatives concrètes hors marché (coopératives de consommation et de production...), de socialiser certains secteurs mais pas tous, d'inventer d'autres rapports sociaux ici et maintenant... Une sorte de réformisme radical d'action directe, un truc à la Holloway... J'ai d'ailleurs aussi cette impression en lisant le ML et donc la FA, Offensive, No Pasaran.

[Pas AL puisqu'ils ont pris la peine d'expliciter leur projet dans " le projet communiste libertaire" dans les années 80, puis le manifeste pour une A L assez complet sur la stratégie et le projet de société visée.]

Mais peut-être que c'est uniquement une impression fausse due au manque de clarté théorique (ou d'unité théorique) des courants libertaires ?
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede Pti'Mat » 16 Déc 2012, 19:38

"Mais peut-être que c'est uniquement une impression fausse due au manque de clarté théorique (ou d'unité théorique) des courants libertaires ?"

Je pense en effet que c'est ça mais que c'est bien provoqué au fait que justement les courants libertaires n'ont pas réellement de clartés stratégiques, tout comme les léninistes. La société visée est toujours explicitée de manière merveilleuse, on s'y croirait, par contre la réflexion sur les outils et leurs pratiques, la réflexion stratégique, là c'est autre chose. Ce que tu appelles "réformisme libertaire" me fait plutôt penser au "gradualisme révolutionnaire" de Malatesta.

Pour ce qui est de la grève générale, c'est un mythe qui permet de stimuler, galvaniser plus qu'un objectif mécanique et prophétique. Lis "stratégie des CSR" sur notre site, à aucun moment on pne parle de grève générale. A l'origine de la grève générale il y a le principe de "gymnastique révolutionnaire". Dans l'extrême gauche libertaire et anarcho-syndicaliste on ne voit que ça "grève générale !", et ce qui est comique là dedans c'est que ce sont ces groupes ultra-minoritaires qui appellent à la grève générale et qui n'ont absoluement aucun moyens de l'organiser mais qui par contre emploient leur énergie à critiquer les "bureaucraties" qui freineraient cette "grève générale", au lieu de s'employer à la base à construire un rapport de force unitaire. Tu as là le parfait exemple du gouffre entre idéalisme et matérialisme, société visée et réflexion stratégique.

http://iresmo.jimdo.com/2010/10/17/la-g ... en-action/
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede digger » 16 Déc 2012, 20:47

Dans l'extrême gauche libertaire et anarcho-syndicaliste on ne voit que ça "grève générale !"

Je ne connais pas assez l'anarcho-syndicalisme de l'intérieur pour avoir un avis sur la question, mais concernant le mouvement anar-libertaire, ton affirmation est une contre-vérité.
Nous pouvons être d'accord sur le "manque de clarté théorique" et autres lacunes de l'anarchisme. Mais de là à laisser passer ce genre de n'importe quoi, il y a un gouffre. Soit tu trouves un intérêt dans la désinformation. Soit tu ne connais rien au mouvement anarchiste et la première hypothèse me semble la plus plausible.
Ne voir que l'appel à la grève générale dans la pensée anarchiste demande quand même des sacrées visières qui doivent être handicapante au niveau vision d'ensemble pour un fin stratège comme toi.
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede cheap » 17 Déc 2012, 00:19

Je pense en effet que c'est ça mais que c'est bien provoqué au fait que justement les courants libertaires n'ont pas réellement de clartés stratégiques, tout comme les léninistes. La société visée est toujours explicitée de manière merveilleuse, on s'y croirait, par contre la réflexion sur les outils et leurs pratiques, la réflexion stratégique, là c'est autre chose. Ce que tu appelles "réformisme libertaire" me fait plutôt penser au "gradualisme révolutionnaire" de Malatesta.


Gradualisme révolutionnaire qui a donné lieu à de nombreux débats au sein de la CNT-es d'avant 1936, avant les événements que vous savez.

____________

Plutôt d'accord avec ta critique en ce qui concerne les organisations anarcho-syndicalistes sauf pour la partie sur "la bureaucratie" et la "force unitaire" qu'il reste à définir. Le discours maximaliste, sans perspectives minimalistes ni même stratégie, j'aimerai bien le voir supprimé. Faisant moi même parti d'une de ces organisations, je me suis rendu compte en discutant avec des personnes de mon syndicat que l'idée qu'elles se faisaient de la transformation sociale était le gradualisme révolutionnaire plutôt que le "grand soir": ce qui m'a plutôt surpris étant donné le discours classique que tiens les textes de la confédération sur le sujet.

Par contre, dire qu'il n'y a pas volonté de construire à la base est mentir quand on observe toutes les activités sociales qu'opèrent les tendances libertaires et anarcho-syndicalistes au quotidien notamment sur les questions de logement. La seule critique de l'on peut en faire est le manque clair de coordination dans une perspective de pérennisation des acquis par l'action sociale autour d'un projet de société. Et c'est justement le rôle à l'origine de l'organisation anarcho-syndicaliste, l'anarchisme social. Ce qui est dommage c'est que l'oubli et la désertion de cet outil qu'est l'anarcho-syndicalisme au détriment de l'anarchisme politique et l'action éphémère à plongé le mouvement libertaire dans l'attente inespérée de la révolution ou de la grève générale. provoquant soit désespoir soit découragement soit aveuglement face à l'idéal, le dernier causant parfois un "gauchisme" libertaire.
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede Pti'Mat » 17 Déc 2012, 08:31

Ca s'appelle de l'exagération digger. Evidémment que non les libertaires ne jurent pas que par la grève générale, puisque comme le souligne cheap l'anarchisme d'organisation politique s'est substitué à l'anarchisme social et syndicaliste. En revanche, je n'exagère pas en disant que lors d'un mouvement social d'ampleur (comme les retraites) toute l'extrême gauche, qu'elle soit libertaire, léniniste, anarcho-syndicaliste, alternative, j'en passe et des meilleurs, appellent à cette fameuse grève générale qu'aucun n'a le moyens d'organiser et surtout qu'aucun ne veut construire la moindre coordination. 'est la grève générale mais pour soi, pour son orga.

Le premier pas d'une grève généralisée victorieuse est la réunification syndicale et on en est très loin. Puisque nous avons les mêmes revendications, les mêmes objectifs, les mêmes intérêts, pourquoi ne serions-nous pas dans la même orga ? C'est de ça que je parle cheap quand je dis "au lieu de s'employer à la base à construire un rapport de force unitaire": la réunification syndicale. Beaucoup se sont posé la question lors du mouvement des retraites. Et pardon de casser tes illusions cheap mais ce n'est absoluement pas la prétention de l'anarcho-syndiclaisme qui s'entre-déchire encore.
Evidémment qu'on peut "observer toutes les activités sociales qu'opèrent les tendances libertaires et anarcho-syndicalistes", sauf que ce n'est pas exagéré de dire que chaque chapelle fait ça pour s'approprier les lauriers. C'est de la bonne action pour d'abord renforcer ses rangs avant de renforcer les intérêts du prolétariat. J'ai moi-même fait parti de ça. Lors du mouvement des retraites j'étais encore dans une certaine conf anarcho-syndicaliste, on avait organisé une caisse de grève car les autres ne le faisait pas. On a pas arrété de balancer sur les autres syndicats "traitres", "mous", "buros", d'ailleurs la grande partie de notre existence consistait à dénigrer le reste pour nous mettre en valeur dans le mécontentement, car on était les "déçus". Pourtant l'argent que l'on a récolté on l'a donné à un de ces syndicats "réformars" CGT car mine de rien, comparé à nous, c'était là qu'il y avait des syndicats ouvriers où rien qu'une section syndicale représentait 4 fois le nombre qu'on était à l'UL et étonnement ! ils avaient fait un temps de grève beauoup plus important que nous les "pures" et "durs"... de l'éduc. Cette solidarité financière nous permettait en réalité de nous faire voire, de nous faire reconnaitre, dans l'espoir qu'un jour des désesprés de ces syndicats de masse dits corrompus viendraient à nous. Alors oui ça ne fait pas plaisir d'entendre ça, il va surement y avoir une levée de boucliers comme d'hab, mais la vérité est bien là. Et tout fonctionne comme ça aujourd'hui.
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede luco » 17 Déc 2012, 09:35

Je pense en effet que c'est ça mais que c'est bien provoqué au fait que justement les courants libertaires n'ont pas réellement de clartés stratégiques, tout comme les léninistes


Je crois au contraire que les léninistes ont une orientation stratégique, un schéma qui leur sert à organiser le reste de leur action militante.

Construire au quotidien les résistances à la base (syndicats, assos, collectifs de lutte...), faire de l'agitation et de la formation communiste "marxiste", lors des mouvements sociaux pousser au débordement des bureaucraties syndicales et politiques en faisant converger les luttes et en favorisant les AG interluttes, interpro etc... pour aller à la grève générale sur la base de revendications immédiates puis un programme d'urgence, pour ensuite poser dans cette crise pré-révolutionnaire des mots d'ordre de renversement de l'état bourgeois en montrant que celui-ci ne veut ni ne peut satisfaire les revendications légitimes des travailleurs, des populations...

Et enfin à partir de ces conseils de travailleurs, de quartier, mettre en place un double pouvoir capable de faire fonctionner une nouvelle légalité "socialiste", un nouveau pouvoir au service des intérêts des travailleurs, et enfin donner l'assaut final au pouvoir bourgeois en détruisant ses forces de répression, son appareil adminsitratif. C'est le pouvoir socialiste de transition vers autre chose.
Depuis le léninisme soviétique, l'apport des trotskystes sera uniquement de reconnaître l'absolu nécessité de maintenir une pluralité des représentations politiques, syndicales... dans ce nouveau pouvoir afin d'éviter la main mise d'un seul parti sur la révolution. Par le biais d'une nouvelle constituante ou autre.

Ce socialisme est chargé de remplacer une grosse partie des rapports capitalistes marchands par une planification de la production au travers de la délibération démocratique (censée ajuster les besoins exprimés, aux capacités de production) et d'en assurer une redistribution égalitaire. Phase dans laquelle le salariat est maintenu avant d'arriver au véritable communisme dans lequel le salariat sera aboli et où règnera le "chacun selon ses besoins, chacun selon ses capacités" sorte de "prise au tas" magiquement réalisée.

Que les léninistes/trotskystes/marxistes révolutionnaires n'aient pas les moyens de mettre en œuvre ce schéma est une autre affaire. ils ont bien une orientation. Cette orientation est à deviner entre les lignes ou sous des formes euphémisée chez "anticapitalistes hétéroclites" type NPA, ou bien est réservée aux seuls vrai noyau de militants à LO, ou encore est inscrite en toutes lettres dans les publications des petits groupes de type CPS, tendance CLAIRE etc.

A l'inverse, chez les libertaires, cette cohérence stratégique n'existe ni dans la façon de parvenir au pouvoir, ni dans les futures institutions révolutionnaires, ni dans le type d'économie censée remplacer le marché capitaliste (proudhon c'est du marché, bakounine serait plutôt du collectivisme sans marché, l'anarcho-syndicalisme pur de la planification au travers des branches d'industrie par les syndicats, et pour les totos libertaires d'OLS, No pas, OCL, on ne sait pas très bien).

Il n'y a pas d'unité, c'est une chose, mais surtout ces débats ne sont presque jamais évoqués dans les pages des publications libertaires ou anarcho-syndicalistes.

Comme si de l'accumulation de luttes radicales partielles sortirait magiquement un jour une nouvelle organisation sociale et ferait se désintégrer l’état capitaliste, ses institutions, son armée, sa police. personnellement, j'en viens à en déduire que cet "oubli" n'en est pas un, et que cela finit par être une reconnaissance consciente de l'incapacité à rompre radicalement avec la démocratie bourgeoise et le marché, et qu'il faut donc les grignoter.

Mais si ces textes existent, si des options stratégiques sont débattues, explicitées, et que je ne les ai pas lues, je veux bien qu'on me les indique. En attendant, aucun membre de la CNT-F sur ce forum ou ailleurs n'a jamais voulu m'expliquer ce qu'il pensait des textes publiées sur le site de son orga et qui sont quand même méchamment réformistes quoique flous.

Ici :
http://www.cnt-f.org/spip.php?article714
http://www.cnt-f.org/spip.php?article719

Deux textes sur les dix présents dans la partie "histoire et culture", la seule qui évoque un peu la théorie. Ce n'est pas rien !
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede René » 17 Déc 2012, 10:23

Pti'Mat (16 Déc 2012, 19:38) écrit :
« Pour ce qui est de la grève générale, c'est un mythe qui permet de stimuler, galvaniser plus qu'un objectif mécanique et prophétique. Lis "stratégie des CSR" sur notre site, à aucun moment on ne parle de grève générale. »

C’est faux. Dans le texte en question (http://syndicaliste.phpnet.org/spip.php?article380)
le CSR se réfère à charte d’Amiens et fait le commentaire suivant :
« 1/ La CGT doit regrouper l’ensemble des travailleurs voulant lutter contre leur exploitation grâce à l’indépendance syndicale ;
« 2/ La révolution prendra la forme d’une grève générale dirigée par le prolétariat ;
« 3/ L’organisation syndicale sera la structure de gestion communiste. »

Plus loin, le texte ajoute :
« La CGT a trouvé son aboutissement avec l’intégration de la Fédération Nationale des Bourses du Travail en 1902. Cette fusion amène des forces militantes à la Confédération mais surtout elle lui donne un véritable crédit qui permettra de formaliser son programme dans la Charte d’Amiens. Les syndicats peuvent désormais devenir les structures de la « réorganisation sociale » après la grève générale, c’est à dire la révolution. »

Et encore plus loin :
« Le capitalisme comme système stable de production ne peut pas exister sans Etat bourgeois. La grève générale doit permettre la paralysie de ses appareils, paralysie sur laquelle le prolétariat construit son pouvoir à lui, à partir de ses organisations de classe. »

C'est donc une contre-vérité que de dire que la "grève générale" n'est pas mentionnée...
Dans un autre texte, intitulé « A l’international : texte commun CSR - L&S Le courant syndicaliste révolutionnaire international», on lit:
« 1/ Le syndicalisme-révolutionnaire et la Charte d’Amiens
« Le syndicalisme-révolutionnaire trouve ses origines dans l’action des Bourses du Travail et de la CGT française. Au congrès d’Amiens de 1906, la CGT se dote d’une stratégie révolutionnaire synthétisée dans une Charte. Cette Charte fixe une stratégie cohérente au mouvement SR et devient son texte de référence.
« a) La Confédération syndicale impulsera le processus révolutionnaire par la grève générale. »

Dans le même texte :
« Le courant syndicaliste révolutionnaire
« Le courant SR se constitue au sein même du mouvement syndical, en totale autonomie. Il se bat pour l’unité d’action, tout en produisant et en popularisant des modes d’organisation et des stratégies clairement révolutionnaires :
« autonomie ouvrière,
« Bourses du travail et activités d’entraide et de socialisation autogérées,
« préparation de la grève générale révolutionnaire,… »


Enfin, il y a un autre texte, la « Fiche de formation n°7 La grève générale »
(http://syndicaliste.phpnet.org/spip.php ... 78&lang=fr), que je devrais citer in extenso parce que « grève générale » y revient sans cesse, 20 fois dans un texte de 1400 mots, c’est-à-dire une fois tous les 70 mots.
On peut y lire, entre autres :
« Commençons d’abord par une question de vocabulaire, pas si anodine que cela. Dans la tradition du mouvement ouvrier en France, la grève générale veut dire la Révolution. »

Ou encore :
« La grève générale c’est donc pour le syndicalisme révolutionnaire (SR) la lutte du prolétariat qui s’affronte au pouvoir de la bourgeoisie, dans les lieux de travail et aussi contre l’Etat bourgeois… »

(…)
« Il faut donc que le syndicalisme soit organisé dans les meilleures conditions pour la grève générale. »

Comme je l’ai dit, je ne cite pas tout, il faudrait reproduire tout le texte.

Je ne vois donc pas très bien ce que cherche Pti’Mat en disant que la grève générale est « un mythe » et que dans le texte « stratégie des CSR » on ne parle à aucun moment de grève générale.
Je ne vois pas quel mal il y a à parler de grève générale, personnellement je suis plutôt d’accord, à condition d’envisager cela comme une option parmi d’autres — ce que d’ailleurs semble faire Pti’Mat, mais ce que le CSR ne fait manifestement pas.
Percevrait-on là un signe de désaccord entre Pti’Mat et le CSR ?
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede luco » 17 Déc 2012, 13:24

une option parmi d’autres


Je ne voudrais pas avoir l'air d'insister, mais quelles autres justement ?
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede Pti'Mat » 17 Déc 2012, 15:31

Et beh René, tu te fais chier à ce point en ce moment ? :D
Il y aurait pourtant autre chose à faire, dans ton syndicat, ta fédé et ton UL par exemple, histoire de mettre en pratique toutes les belles paroles et analyses que tu mets en avant dans tes oeuvres écrites.

Evidémment que les CSR parlent de grève générale vu que la grève générale compose le ciment de la philosophie et de la pratique syndicaliste révolutionnaire. Ce que je voulais dire par ma précédente intervention, c'est qu'on ne met pas ce concept en avant sur le térrain dans les mouvements sociaux, en manif, en grève ou autre. Ce n'est qu'un repère dans le processus SR. On ne se cache pas dérrière cette incantation aussi floue qu'impossible à l'heure actuelle. La grève générale ce n'est pas "le grand soir", ce qui est primordial c'est tout ce qu'il y a faire en amont, et tout le CSR est en accord autour de ça. Et je pense que tu es d'accord aussi.

Pour Luco, lis "stratégie du CSR" sur notre site ainsi que "les fiches de formation" tu verras les "autres options" (ou plutôt ce qui vient en amont) comme le syndicalisme d'industrie, la sociabilité etc...
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede luco » 17 Déc 2012, 15:58

Pour Luco, lis "stratégie du CSR" sur notre site ainsi que "les fiches de formation" tu verras les "autres options" (ou plutôt ce qui vient en amont) comme le syndicalisme d'industrie, la sociabilité etc...


C'est fait. j'en ai lu plusieurs.

La stratégie SR a le mérite de la cohérence. Une cohérence un peu extrême même. Un salarié qui rentrerait dans une tendance SR saurait exactement ce qu'il doit faire et dans quel objectif. Les choses sont claires. C'est déjà pas mal.

On adhère ou pas, mais il y a des éléments précis à discuter (ou à tester en les mettant en pratique).

En tous cas René ne s'ennuie pas au point de me répondre sur la stratégie de son orga syndicale, ni sur la pensée d'un auteur qu'il a préfacé et dont il publie de nombreux textes sur son site. :gratte:

Ou alors je suis trop impatient et je vais bientôt avoir une réponse exhaustive :slt: .
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Re: réformisme libertaire ?

Messagede René » 17 Déc 2012, 17:06

Pti'Mat:
Quand je lis : « Lis "stratégie des CSR" sur notre site, à aucun moment on ne parle de grève générale », je comprends tout bêtement que dans ce texte on ne parle pas de grève générale.
Or c'est faux. On en parle. Ça ne va pas plus loin. Je ne comprends simplement pas pourquoi tu dis « à aucun moment on ne parle de grève générale ».
Mais comme je l'ai dit, je trouve parfaitement normal de parler de grève générale, à condition de ne pas en faire une sorte d'espérance millénariste, ce que j'avais un peu l'impression que faisait le CSR, qui en parle en fait beaucoup sur son site.
Pour l’anecdote on trouvera un texte passionnant, datant de 1893, sur la grève générale sur monde-nouveau.net :
http://monde-nouveau.net/spip.php?article273

Luco
Je comprends bien ton impatience à avoir des réponses :
"Je ne voudrais pas avoir l'air d'insister, mais quelles autres [options] justement ?"
Mais, Luco, il faut bien comprendre que je n'ai pas de réponses toutes faites et que je ne sors pas la solution d'une boîte magique. J'ai bien l'intention d'essayer de répondre à tes questions, mais je suis obligé de réfléchir aux réponses au fur et à mesure que les questions me sont posées. J'ai en préparation une réponse que je te dédiais, je pense que je l'enverrai en message personnel parce que c'est un peu long et je ne veux pas emmerder les camarades.

Quant à Pti'Mat qui se demande si je me fais chier, non, je ne me fais jamais chier.
Et mon curriculum militant me permet d'être totalement insensible aux leçons de syndicalisme données par de jeunes blancs-becs, genre: "Il y aurait pourtant autre chose à faire, dans ton syndicat, ta fédé et ton UL par exemple, histoire de mettre en pratique toutes les belles paroles et analyses que tu mets en avant dans tes oeuvres écrites."
Sache camarade, que je suis à la retraite depuis quelques années maintenant et que si j'ai continué de suivre, à la demande des camarades, les affaires de mon syndicat pendant trois ans après mon départ — ce qui m'a occupé quasiment à plein temps — j'ai lâché prise et laissé la place aux jeunes.
Je suis à la CGT depuis 1972, j'y ai assumé de nombreux mandats élus, et pendant longtemps, grâce auxquels j'ai pu, je pense, me rendre utile, mais grâce auxquels également j'ai pu apprendre énormément de choses, ce qui me permet d'éviter de sortir pas mal de lieux communs sur l'activité syndicale, ce qui m'a également laissé sans beaucoup d'illusions, mais ne m'a aucunement désespéré... Pendant ces quarante ans il faut inclure les dix ans de militantisme à l'Alliance syndicaliste, dont je fus un modeste fondateur, Alliance syndicaliste dont tu as évidemment entendu parler puisque le CSR y a consacré une brochure (ou quasiment, le titre, "L'activité SR à la CFDT" cachant mal que les seules a"activités SR" mentionnées sont du fait de l'Alliance).
Bref, lorsque j'ai enfin pu lâcher prise avec l'activité syndicale, et j'avoue après 40 ans l'avoir fait avec soulagement, j'ai décidé de m'occuper exclusivement du mouvement libertaire, et je n'ai aucunement eu l’impression d'avoir, ce faisant, « trahi » la classe ouvrière. Je suis revenu en quelque sorte à mon point de départ, la formation théorique et politique des camarades, à laquelle se consacrait Gaston Leval dans son Centre de sociologie libertaire, dont j'avais été membre.
C’est donc de manière parfaitement consciente, délibérée, que je m’occupe exclusivement de travaux théoriques, historiques, en relation avec le mouvement libertaire.

Quant au rythme de mon travail, il a été quelque peu ralenti ces derniers mois à la suite de problèmes de santé, d’une opération que j’ai (à tort) retardée pour pouvoir aller à Saint-Imier, d’une convalescence et d’une rééducation qui me prend un peu la tête et qui ne me permet pas de me concentrer beaucoup. Ce qui explique mes incursions sur le forum.

Luco, patiente un jour ou deux.
En attendant, il y a des textes que tu pourrais essayer de trouver sur Internet, dont celui-ci :
« Anarcho-syndicalisme, en finir avec les schémas révolutionnaires obsolètes » (http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Articl ... et-doc.pdf)

Amicalement
R.
René
 
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