Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede René » 14 Oct 2012, 20:53

Je partage (presque) totalement ce que dit Atheus, à cette différence près que je ne pense pas que le « chaos d’organisations » dans le mouvement anarchiste soit la conséquence de l’échec du mouvement anarchiste mais son symptôme – et là je rejoins Digger qui « garde espoir » parce qu’il pense que les grands principes de l’anarchisme restent valides. Je suis convaincu que si tous les groupes anarchistes disparaissaient, le mouvement anarchiste réapparaîtrait d’une façon ou d’une autre, avec le temps, alors qu’il me paraît évident que le bolchevisme, par exemple, est quelque chose de complètement circonscrit dans le temps, exactement comme le synthésisme et le plateformisme, d’ailleurs. (Je ne propose pas qu’on se suicide tous, je vous rassure…)

3000 personnes à Saint-Imier, je trouve que c’est vachement bien. Ça n’a pas été prévu des mois à l’avance, comme le dit Atheus ; on a commencé à en discuter deux ans et demi auparavant. La préparation des RIA a demandé un travail colossal. Les copains qui se sont investis là-dedans, et pas seulement ceux de la FA, je précise, ont fourni un travail qu’on a du mal à imaginer.

Effectivement c’était international, c’est pourquoi la participation a été réduite vu les coûts de transport, mais j’ai suivi de près, pour la FA, la question des relations avec les groupes au niveau international, y compris des groupes dits « plateformistes », d’ailleurs, avec lesquels j’ai d’excellentes relations pour certains d’entre eux : les RIA ont suscité un enthousiasme énorme. Le comité organisateur a subventionné beaucoup de billets, mais la FA a également subventionné beaucoup de camarades venant d’autres pays, en particulier d’Amérique latine.
Par ailleurs on ne peut comparer une mobilisation du Front de gauche sur un thème électoral pendant une campagne présidentielle avec une rencontre du type RIA.

C’est vrai, comme le dit Atheus, que le mouvement a « un contenu identique à lui-même depuis plus de 100 ans alors que la société, les enjeux, les méthodes et les perspectives ont elles beaucoup évolué ; pas assez de recherche, d'études, d'écrits de qualité, etc... »

Voici sur cette question un passage de mon bouquin sur l’AIT, que je n’arrive pas à terminer (l’Arlésienne) :

« L’élimination de l’anarchisme de la scène sociale est largement due au fait que, à partir de la fin du siècle dernier, l’intelligence politique du système capitaliste a été beaucoup plus grande que celle des anarchistes. Si, pour comprendre la faiblesse du mouvement libertaire d’aujourd’hui il n’est pas possible d’évacuer les causes externes, il serait injuste de ne pas évoquer les causes internes. Pour dire les choses simplement, l’anarchisme s’est fondé sur un discours qui pouvait être pertinent il y a un siècle mais qui, s’il est repris tel quel, est complètement dépassé aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que certains anarchistes de la fin du siècle dernier se sont opposés à la réduction du temps de travail parce qu’en améliorant les conditions de vie des travailleurs, cela aurait conduit, disaient-ils, à une désaffection de la classe ouvrière envers la révolution. C’était là une vision stratégique suicidaire. N’oublions pas que Malatesta a failli être assissiné par un anarchiste qui lui reprochait de préconiser l’organisation. »


Quant aux organisations libertaires en France (ça c’est pour Altersocial), très rapidement, je dirais deux choses :

• FA et AL : les militants des deux organisations sont parfaitement capables de travailler ensemble et les organisations ont par le passé fait des choses ensemble. Ce qui les oppose n’est pas là, ce sont des questions comportementales. Les militants de la FA reprochent souvent à ceux d’AL, et à l’organisation AL en tant que telle – à tort ou à raison – de « récupérer » des initiatives dans lesquelles ils n’ont pas joué un grand rôle. Pour les copains, ce sont des comportements assimilés à ceux des trotskistes. J’ai discuté avec un copain latino-américain non-plateformiste, et il m’a dit que lorsque son groupe et d’autres prennent des initiatives, ils se gardent bien d’inviter les plateformistes parce que s’ils le font, il suffirait qu’il y en ait un et qu’il lave une assiette et après dans leur presse on va lire que c’est eux qui ont tout fait. J’ose espérer que c’était une image, mais lorsque le gars a raconté ça, les copains de la FA qui étaient là ont parfaitement compris le message. Alors si on veut qu’il y ait un vrai dialogue en vue d’un rapprochement, il faudra bien discuter de ces choses-là aussi. Et qu’on ne vienne pas me raconter que la FA ce sont des « folklos », parce que sans ces « folklos »-là, il n’y aurait jamais eu Saint-Imier – et là, ce n’est pas de la récupération.
• Quant aux « petites » organisations, il ne faut pas croire que parce qu’un groupe est petit il est moins sectaire. Je dirai que c’est exactement le contraire. Plus le groupe est petit, plus il peut être tenté par le sectarisme parce que la rigidité doctrinale est un moyen pour préserver l’identité du groupe. Si on est trop nombreux on ne sera plus entre nous.
Il suffit en outre qu’il y ait un personnage charismatique dans le groupe et alors là, on confine à la secte. Bien souvent dans les petits groupes, ce sont moins des préoccupations politiques que des questions d’ego qui comptent.
Je trouve invraisemblable de voir la multiplicité des groupes anarchistes « autonomes » (je suis récemment allé dans un pays du sud de l’Europe), qui se livrent à leur petit travail militant dans leur localité, chacun de son côté, et qui semblent avoir oublié que le mouvement anarchiste a pratiquement inventé le concept de fédéralisme. Beaucoup d’entre eux (je l’ai constaté de visu) craignent tout simplement de perdre leur identité et ils justifient ça en disant qu’ils redoutent qu’en s’organisant ils soient confrontés à des pratiques « autoritaires ».
Tout ce que je décris là, je l’ai aussi constaté à la FA, dans le passé et je suis extrêmement satisfait que ça ait changé.

R.
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Messagede atheus » 14 Oct 2012, 21:51

Par ailleurs on ne peut comparer une mobilisation du Front de gauche sur un thème électoral pendant une campagne présidentielle avec une rencontre du type RIA.


Bah non c'était il y a 15 jours seulement, la campagne et les trucs électoraux, c'était il y a plusieurs mois maintenant. Mais rien que le fait qu'ils aient pu faire ça montre leur capacité à mobiliser, parce qu'ils ont un réseau très ancré dans notre société (familles, entreprises, syndicats, etc...), et puis il faut reconnaître qu'il y a la machine du pcf qui est assez impressionnante, mais question organisation et initiative, même les petits groupes locaux, avec pourtant très peu de moyens, sont beaucoup plus militants et bien plus à jour que de groupes locaux anarchistes de taille moyenne. C'est bien la preuve de l'inertie dont je parlais, même si il y a quelques exceptions sans doute.


3000 personnes à Saint-Imier, je trouve que c’est vachement bien. Ça n’a pas été prévu des mois à l’avance, comme le dit Atheus ; on a commencé à en discuter deux ans et demi auparavant. La préparation des RIA a demandé un travail colossal. Les copains qui se sont investis là-dedans, et pas seulement ceux de la FA, je précise, ont fourni un travail qu’on a du mal à imaginer.


ok pour l'histoire des transports, mais quand même, il me semble (et corrigez-moi si je me trompe) qu'à la manif du fdg en question, le cortège d'AL comptait pas plus de 30 personnes, un épiphénomène quoi, de l'ordre de l'inutile. Donc il y a bien un sérieux problème à ce niveau je pense, il manque les fondations : il y a bien des orgas, mais aucun ancrage, aucune visibilité, aucune portée, un réseau minuscule...

et la FA et AL, qui à notre échelle semblent être des mastodontes, ne sont presque rien en réalité, donc toutes ces divisions et ces sectes n'ont pas leur place, ce qu'il faut, c'est plutôt un travail à moyen et long terme qui serait fondé sur premièrement l'ancrage dans la société (entreprises, syndicats, lycées, mairies, etc...), deuxièmement une fusion des petits groupes locaux et une fédération internationale au moins européenne et troisièmement il faudrait casser la bureaucratisation des orgas traditionnelles, favoriser le militantisme et ne pas oublier la communication ainsi que l'information pour coordonner et croître en effectifs. Le jour où une orga anarchiste aura un cortège d'au moins 10 000 personnes dans une manif telle que celle dont j'ai parlé tout à l'heure, je pense que de sérieux progrès auront été réalisés. Pour l'instant il y a une dynamique potentielle de notre côté, mais force est de constater que le mouvement n'est pas encore prêt à réagir.

De façon locale et fédérale, il faut pouvoir se fixer des objectifs, des moyens et pouvoir mesurer les progrès réaliser. Seule une organisation réellement fédérale peut fonctionner, et si des tas de petits groupes restent dans leur coins, ils dissipent les efforts et découragent les militants. J'ai pu voir qu'au pcf, ce qui donnait de l'énergie aux militants, c'était surtout la satisfaction d'avoir atteint des objectifs et l'envie d'en atteindre d'autres. Rien tout ça dans le mouvement anar semble-t-il, aucun parcours n'a été fixé, et rien n'a été atteint : c'est l'anarchie au mauvais sens du terme.
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Messagede Pïérô » 16 Oct 2012, 02:19

En même temps l'auto flagellation, c'est pas toujours la bonne méthode, et l'article du ML qui ouvre ce topic est pas terrible à mon avis, même s'il y a évidemment un problème, problème qui ne me semble pas récent d'ailleurs. On se rejoint là d'ailleurs avec René, comme sur d'autres points, excepté cette image caricaturale qu'il nous sert coté "plateformiste" alors qu'il y en a dans son organisation pour jouer un jeu du même ordre, et cela régulièrement. :wink: . Ces comportements touchent toute organisation, parce qu'il y a toujours en prime l'esprit de chapelle. Mais s'il y en a pour cultiver l'identité, sans trop pratiquer, en gardiens du temple, pensant que la propagande ouvrira la conscience des masses, et d'autres pour cultiver leur rebellitude et la culture de la marge, il y a aussi beaucoup de libertaires actif-ves dans les mouvement sociaux, les syndicats, des collectifs de luttes, le terrain associatif, etc...et qui ne sont d'ailleurs pas toutes et tous organisé-es spécifiquement, et sont même majoritaires. C'est le cas dans mon coin, et la question repose surtout sur ce que l'organisation spécifique peut apporter en plus de pratiques réelles et libertaires sur le terrain (pour beaucoup syndical d'ailleurs).

Penser que réunifier le mouvement suffirait à règler le problème, serait de l'ordre de la baguette de magicien et du lapin sorti du chapeau, même s'il est clair qu'il pourrait y avoir un peu moins d'articles au catalogue pour une meilleure lisibilité et visibilité. Il y a déjà du faire ensemble, et ce forum en est un exemple, et un outil, et c'est déjà pas mal, et dans ce sens il faut continuer à construire. En même temps c'est à la fois dans notre capacité à porter des éléments d'un projet de société à faire partager (et là il y aurait du boulot réel à faire et partager entre anarchistes, de la frange dite sociale, communiste libertaire...), dans notre capacité à peser dans les luttes et sur les évènements, même à peu nombreux, et dans notre capacité à construire du liant entre les luttes et la révolution sociale et communiste libertaire, à travers ce que l'on porte (autogestion, socialisation, alternatives en actes, etc...) qu'il faut voir, et pas que espèrer mais participer à construire, un développement du mouvement libertaire et anarchiste révolutionnaire. Par moment d'ailleurs je pense que ce peu nombreux çà se voit et çà pèse, et il y a un message qui passe. C'est cette sensibilité là de l'anarchisme, qui se retrouve dans différentes organisations d'ailleurs, qu'il faut continuer à contribuer à renforcer, et en plus pas que dans un mouvement anarchiste souvent replié sur lui même, mais au delà puisqu'il y a nombre de pratiquant-es non organisé-es, et bien plus largement.
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Messagede Kzimir » 16 Oct 2012, 07:52

• FA et AL : les militants des deux organisations sont parfaitement capables de travailler ensemble et les organisations ont par le passé fait des choses ensemble. Ce qui les oppose n’est pas là, ce sont des questions comportementales. Les militants de la FA reprochent souvent à ceux d’AL, et à l’organisation AL en tant que telle – à tort ou à raison – de « récupérer » des initiatives dans lesquelles ils n’ont pas joué un grand rôle. Pour les copains, ce sont des comportements assimilés à ceux des trotskistes. J’ai discuté avec un copain latino-américain non-plateformiste, et il m’a dit que lorsque son groupe et d’autres prennent des initiatives, ils se gardent bien d’inviter les plateformistes parce que s’ils le font, il suffirait qu’il y en ait un et qu’il lave une assiette et après dans leur presse on va lire que c’est eux qui ont tout fait. J’ose espérer que c’était une image, mais lorsque le gars a raconté ça, les copains de la FA qui étaient là ont parfaitement compris le message. Alors si on veut qu’il y ait un vrai dialogue en vue d’un rapprochement, il faudra bien discuter de ces choses-là aussi. Et qu’on ne vienne pas me raconter que la FA ce sont des « folklos », parce que sans ces « folklos »-là, il n’y aurait jamais eu Saint-Imier – et là, ce n’est pas de la récupération.

:lol: On croirait que tu parles des comptes rendus de manifs postés par un type de la FA sur l'autre forum. *troll*
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede atheus » 16 Oct 2012, 14:36

En même temps l'auto flagellation, c'est pas toujours la bonne méthode


pourtant là il semble évident qu'il y a des tas de gros problèmes : nier cela, c'est nier l'évidence. Parmi tous les mouvements politiques, il y en a toujours qui n'ont pas voulu se remettre en cause et ont refusé d'évoluer : ceux-là ont disparu, restent aujourd'hui ceux qui ont su s'adapter, pourquoi donc refuser l'autocritique, d'autant qu'elle n'engage à rien sinon à la discussion.


dans notre capacité à peser dans les luttes et sur les évènements, même à peu nombreux


Bah c'est peut-être ça justement le problème, croire qu'agir à peu nombreux permettra de peser, alors qu'il semble évident que seule une action de masse pourra un jour faire triompher les idées anarchistes (pour l'instant encore très faibles en consistance) ; agir en "commando", c'est ce que fait un mouvement qui se marginalise et qui meurt lentement. Il faut s'implanter partout, croître, communiquer, etc... je ne vois pas d'autre issue : un mouvement fantôme ne pèse pas, aussi déterminé soit-il.

En fait je pense, au vu de ce que je vois et de ce que je lis, qu'en fait, vu l’inexistence de plus en plus flagrante de contenu "anarchiste" chez les anarchistes, il n'y a pas d’initiative et pas de création, donc pas de dynamique et finalement l'anarchisme n'est qu'une espèce de sauce en bonus dans le plat social, et parti dans ce chemin, un tel mouvement ne peut pas se relever en comptant juste sur une éventuelle repopulariosation de ses idées, vu que les anarchistes eux-mêmes ne veulent pas d'un mouvement de masse semble-t-il, sinon cela ferait longtemps que les choses se seraient mises en place.

Quant au problème de la communication, suite aux vidéos lancées, il y a maintenant 3 semaines, la fréquentation du site semble avoir augmenté (environ constamment 10-15 utilisateurs en ligne contre 5-10 auparavant), le nombre d'inscrit est passé de 695 à 707 en moins de 10 jours. Donc ça prouve que la communication, ça paye, et je crois que seul un élargissement, une croissance des effectifs peuvent faire de ce mouvement quelque chose de plus imposant que quelques centaines de militants. C'est là aussi tout l'enjeu, qui je pense, a été largement sous-estimé ; les gens préfèrent s'attacher à un mouvement qui a une vraie dynamique, du monde dans ses rangs et de vraies perspective plutôt qu'une espèce de sous-marin commando qui fait surface de temps en temps pour retourner torpiller quelques épaves le reste du temps.


Quant au problème de l'éparpillement des orgas, je crois qu'il est lui aussi central et tout à fait en rapport avec les problèmes. Ce problème est comparable à celui de l'E.G électorale durant les dernières années : il y a d'un côté ceux qui ont préféré continué de jouer solo et rester divisés sur des sujets d'ailleurs, dont très peu de personnes sauraient expliquer le clivage ; je parle du npa, de lo et cie. De l'autre côté il y eu l'initiative qui a été prise de réunir plusieurs partis assez petits ou mal en points pour tenter de faire quelque chose de plus grand, plus large, plus représentatif ; c'est ce qu'a fait le front de gauche. Résultat des courses : npa et lo sont en chute libre dans les élections, sur le nombre de militants, etc... Le fdg est lui actuellement le 2ème parti à gauche et pèse réellement, il y a des dizaines de milliers de militants et ce ne sont pas des fantômes, mais des gens bien réels et qui sont très nombreux, et qui, même dans les groupes locaux pas très imposants, sont réellement actifs et se donnent les moyens d'exister et de peser.

Je pense qu'ici, à moindre échelle, la situation est la même, alors qui l'emportera de l'esprit de rassemblement ou de l'esprit de clocher ? On verra bien, mais pour moi, même pas 0.05 % de la population connaît l'existence de la FA et de AL et sur ceux-là, pas même 1% ne doivent y adhérer. Bref, une immense majorité des gens ne connaissent même pas ces orgas, et seraient encore moins capable de dire ce qui les différencie et les clivages qu'elles ont, alors bon... il serait peut-être temps de voir plus loin et de penser sérieusement à l'avenir.
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Messagede Kzimir » 16 Oct 2012, 15:03

Sans parler d'autoflagellation, je pense que l'autocritique est productive si elle permet de comprendre nos défauts et de dégager des perspectives. Ceci dit il faut pas non plus aller plus vite que la musique. Actuellement si les anarchistes sont quasi-inconnus, c'est parce que nous sommes à la fois peu nombreux et désorganisés. Si on admet ça on peut déjà admettre que le courant anarchiste n'aura pas du jour au lendemain une assise comparable à ce que peut être celle de la social-démocratie.

Ce que dit Berneri me semble par ailleurs juste, il y a deux questions en fait : Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme ? Qu'est ce qui cloche chez les anarchistes ? Perso je me sens incapable de juger ce qui cloche dans un courant philosophique, au delà de désaccords théoriques. Par contre si on parle de pratiques de lutte, on doit aussi parler d'organisations.
Ce qui cloche chez les anars pour moi c'est plusieurs truc :
- un manque d'unité (une multitude d'orgas existent alors qu'on pourrait réduire les tendances à trois : plateformisme, synthésisme, anarchosyndicalisme)
- un manque de cohérence interne (nos orgas sont souvent plus des réseaux de militants anarchistes que des groupes mettant en place une stratégie coordonnée d'intervention au sein du mouvement social)
- une tradition misant sur le culturel plutôt que sur l'intervention aux côtés des travailleurs
- une certaine fascination pour le "gauchisme" (il y a qu'à voir les cortèges anars à certaines manifs, parfois ça donne l'impression d'un carnaval pseudo radical)

D'un autre côté le mouvement anarchiste a des points forts assez importants. D'abord il me semble qu'on pèse dans la société bien plus que notre poids réel, notamment par l'intervention de nombreux militants anarchistes dans les syndicats. Ensuite les idées d'autogestion sont assez populaires, même si elles sont souvent décollées du tampon "anarchiste". De plus il existe une production intellectuelle et théorique anarchiste assez foisonnante, il y a qu'à voire le nombre de journaux anars, de maisons d'éditions anarchistes, etc. Enfin il y a, en marge du mouvement anarchiste organisé, une masse de sympathisants ou de gens proches de nos idées.
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Messagede berneri » 16 Oct 2012, 20:41

et la FA et AL, qui à notre échelle semblent être des mastodontes, ne sont presque rien en réalité, donc toutes ces divisions et ces sectes n'ont pas leur place, ce qu'il faut, c'est plutôt un travail à moyen et long terme qui serait fondé sur premièrement l'ancrage dans la société (entreprises, syndicats, lycées, mairies, etc...)


Cela se peut dans une dynamique collective partant de la base, ta proposition se présente un peu comme un mode opératoire de restructuration d'entreprise ou militaire. Quant au terme "sectes", je te laisse assumer les représentations qu'il colporte.

deuxièmement une fusion des petits groupes locaux et une fédération internationale au moins européenne et troisièmement il faudrait casser la bureaucratisation des orgas traditionnelles, favoriser le militantisme et ne pas oublier la communication ainsi que l'information pour coordonner et croître en effectifs.


on poursuit donc la restructutration fusion acquisition en accusant au passage les organisations libertaires d'être bureaucratiques...

Le jour où une orga anarchiste aura un cortège d'au moins 10 000 personnes dans une manif telle que celle dont j'ai parlé tout à l'heure, je pense que de sérieux progrès auront été réalisés. Pour l'instant il y a une dynamique potentielle de notre côté, mais force est de constater que le mouvement n'est pas encore prêt à réagir.



J'espère que tu compte bien participé à permettre cet état de fait en participant à une organisation si ce n'est déjà fait. Sinon on te passera un coup de fil si tu veux lorsque ce sera le cas.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede berneri » 16 Oct 2012, 20:50

berneri a écrit:
et la FA et AL, qui à notre échelle semblent être des mastodontes, ne sont presque rien en réalité, donc toutes ces divisions et ces sectes n'ont pas leur place, ce qu'il faut, c'est plutôt un travail à moyen et long terme qui serait fondé sur premièrement l'ancrage dans la société (entreprises, syndicats, lycées, mairies, etc...)


Cela se peut dans une dynamique collective partant de la base, ta proposition se présente un peu comme un mode opératoire de restructuration d'entreprise ou militaire. Quant au terme "sectes", je te laisse assumer les représentations qu'il colporte.

deuxièmement une fusion des petits groupes locaux et une fédération internationale au moins européenne et troisièmement il faudrait casser la bureaucratisation des orgas traditionnelles, favoriser le militantisme et ne pas oublier la communication ainsi que l'information pour coordonner et croître en effectifs.


on poursuit donc la restructutration fusion acquisition en accusant au passage les organisations libertaires d'être bureaucratiques...

Le jour où une orga anarchiste aura un cortège d'au moins 10 000 personnes dans une manif telle que celle dont j'ai parlé tout à l'heure, je pense que de sérieux progrès auront été réalisés. Pour l'instant il y a une dynamique potentielle de notre côté, mais force est de constater que le mouvement n'est pas encore prêt à réagir.



J'espère que tu compte bien participé à permettre cet état de fait en participant à une organisation si ce n'est déjà fait.

Désolé je reconnais que le ton de ce post est peu fraternel mais bon il y a aussi ton post dont tu peux penser qu'il provoque des réactions de la sorte.

Je te renverrai donc a : qu'est ce qui cloche dans la conception de l'anarchisme et de la révolution que tu peux avoir? Et plus partculièrement le vrai sujet serai de traiter "qu'est-ce qu'une révolution? " à mon avis, histoire de mettre à terre les visions romantiques et idéalistes qui entrainent la depression, le depit, l'autoflagellation ou la betise dans les rangs de celles et ceux qui ont de telles conceptions mortifères.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede atheus » 16 Oct 2012, 22:02

Il ne s'agit juste que d'un constant lucide, et je trouve que ça manque un peu ici : l'anarchisme ne représente pas grand chose dans notre société actuelle, et bien qu'on parle de révolution, je pense que même s'il y en avait une dans les années à venir, les anarchistes ne pèseraient pas nécessairement plus qu'ils ne pèsent maintenant. Le fait est que c'est la réalité, ce qui est fait est quasiment inconnu, invisible,... A partir de là on peut remettre sérieusement en question l'utilité des orgas existantes, qui, même si elles ont le mérite d'exister, ont démontré leur échec de façon nette.

Je suis en effet désespéré de voir toutes ces petites querelles ridicules sur des sujets dont quasiment personne n'a connaissance, c'est pas comme-ci on avait un public extrêmement large et que ce genre de question pouvait se poser. La quasi majorité des mouvements révolutionnaires qui ont réussi sont des mouvement qui ont travaillé sans arrêt à faire la révolution, parce qu'eux avaient sans doute compris qu'elle ne tombait pas du ciel ; et certains ont même fait plusieurs tentatives avant d'y arriver. Le mouvement anarchiste en est actuellement incapable, c'est le simple constat que je fais. Les problèmes sont pourtant assez facilement identifiables et certains sympathisants font leur petit diagnostique avec un recul assez sain d'esprit, comme c'est le cas à mon avis du témoignage tiré du ML. Voilà à quoi ressemble le mouvement anarchiste de l'extérieur, alors oui ça ne donne pas envie de rentrer à l'intérieur, est-ce si difficile à comprendre ?

Quand on se résigne à agir en petit nombre pour faire une espèce de lutte désespérée, une espèce d'éternel baroud d'honneur alors que ce qu'il faudrait serait au contraire se projeter dans le long terme, on peut comprendre la situation actuelle. Ça n'est pas de l'auto-flagellation que de balancer sur la table les vrais problèmes, tel qu'on peut les voir, le ressenti qu'on a, puisque c'est ça qui importe en réalité, et non les problèmes de conflits internes d'échelle microscopique qui animent ces mouvements. Cette attitude fait bien perdre en crédibilité, surtout pour des personnes qui se revendiquent anarchistes. Et il ne s'agit pas non plus d'un redressement "militaire", mais croire qu'on peut faire la révolution comme ça sans réfléchir et en attendant que ça se passe ou en fermant les yeux sur une réalité criante, excusez-moi mais c'est une illusion des plus déplorables ; quel mouvement révolutionnaire qui a réussi a réussi en ayant cette attitude et en agissant en mode fantôme ou sous-marin ? J'ai beau chercher, je n'en trouve pas... Le mouvement anarchiste peine à se connecter à la réalité actuelle, aux méthodes, aux enjeux, etc... et pourtant il faudra bien un jour s'y mettre, les choses ne vont pas se faire toutes seules.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede Pïérô » 16 Oct 2012, 22:59

Bon, moi je veux bien reconnaître qu'il y a un problème, et il est d'ailleurs un peu historique, mais il y a des limites dans ce que l'on peut entendre, surtout pour celles et ceux qui se défonsent au quotidien. je sais pas sur quelle planète tu vis, mais il serait bon que tu sortes un peu du virtuel, pour voir, comme je le dis plus haut (mais il semble que tu ne lises pas les messages, et fasses tourner ton moulin en boucle), qu'il y a nombre de militant-es libertaires investies sur différents terrains de luttes et diverses formes d'organisations collectives. Et çà se voit et se sent, et dans le domaine syndical par exemple, et pour participer à construire de l'organisation collective de lutte et de transformation sociale de masse. Ces militant'es ont été aussi actifs-ves dans le domaine de l'auto-organisation lors du mouvement contre la réforme des retraites, et avec le même objectif. Actuellement les organisations libertaires sont en développement, çà va peut être pas vite, et çà se dégonflera pas aussi vite non plus que la beaudruche NPA ou FDG, mais c'est une réalité positive. Il y a sans aucun doute un boulot introspectif à faire globalement et surtout, je pense, à donner du sens à l'investissement, travailler l'articulation entre projet sociétaire, engagement dans les luttes, et le liant entre les deux, mais il faut un peu arrêter ton moulin, c'est un peu pénible, et tu n'apportes rien en plus.

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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede Kzimir » 16 Oct 2012, 23:23

Attention à ne pas confondre deux choses : Le but des organisations anarchistes n'est pas de faire la révolution, seules les masses peuvent faire la révolution. Le truc de dire qu'il faut faire des tentatives sérieuses de révolution ou qu'il faut s'y préparer activement me semble un peu déconnecté de la situation de l'immense majorité des classes populaires, qui n'ont actuellement pas la révolution en tête. Ou alors on se retrouve dans des trips ultra-gauche du genre à s'entrainer dans les bois pour monter un foyer insurrectionnel en Aveyron.
Dire que les organisations actuelles ont échouées, c'est surestimer le rôle des organisations anarchistes : AL comme la FA ne sont rien de plus que quelques centaines d'anars qui ont décidés de se regrouper. C'est déjà pas mal, mais ça n'en fait pas une sorte de monstre tout puissant. Une organisation n'est rien de plus que ce que ses militants en font. Partant des maigres forces dont bénéficient ces organisations, de leur manque d'assise au sein du prolétariat, je pense pas que la marge de progression des orgas anars soit extrêmement vaste. Ces quelques organisations maintiennent un courant anarchiste organisé en France, et diffuse leurs idées à la hauteur de leurs moyens, elles arrivent même à se développer, ce qui n'est pas évident quand on voit la déliquescence de l'ensemble du mouvement révolutionnaire. C'est pas mal, et si on veut leur demander plus, alors il faut leur donner plus de moyens, c'est à dire s'investir dans celles-ci.

La vraie question à poser est simple : Que faire ?
Nous partageons le même constat de la fragilité de notre courant d'idée, mais nous avons tous à cette question des réponses différentes. La réponse que je ferais est double : Développer une organisation politique de type plus ou moins plateformiste (c'est à dire efficace, démocratique, et inscrite dans le mouvement des classes populaires) qui jouerait son rôle de force de proposition au sein du mouvement social ; militer dans les organisations de masse sur des bases syndicalistes-révolutionnaires, c'est à dire dans la défense de la démocratie et de l'indépendance syndicale et pour développer le syndicat comme base d'un contre pouvoir ouvrier à la société capitaliste. C'est ce type d'orientation que je pense défendre dans mon organisation.
Pour l'instant je dois admettre que je n'ai pas compris quelles bases de réponse tu proposais pour cette question.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede atheus » 17 Oct 2012, 14:00

Attention à ne pas confondre deux choses : Le but des organisations anarchistes n'est pas de faire la révolution, seules les masses peuvent faire la révolution.


Bah c'est là tout le problème justement, parce qu'en vrai ça ne fonctionne pas comme ça, et toutes les révolutions ont montré qu'au-delà de la grogne populaire, une révolution n'est pas quelque chose qui arrive d'un coup comme ça sans prévenir, il y a des circonstances, et les révolutionnaires ont un rôle à jouer avant, pendant et après ; je pense que l'exemple le plus frappant est celui de la révolution de 1917, les révolutionnaires y ont joué un rôle crucial, sans eux ça aurait sans doute fini comme en 1905, parce que l'humeur populaire n'est pas quelque chose que l'on puisse qualifier de stable, alors que l'objectif fixé par les révolutionnaires, si tant est qu'il existe, doit être stable.

Proposer juste de militer en attendant que le wagon arrive et en espérant faire quelque chose à ce moment-là, ça n'est pas être révolutionnaire, c'est être opportuniste à la limite ; peut-être faudrait-il rediscuter de la stratégie révolutionnaire à apporter ainsi que des objectifs post-révolutionnaires, et les moyens nécessaires. En fait ça devrait presque être notre préoccupation de départ - s'il l'on souhaite vraiment prendre le problème à la racine - en sortant justement de cet horizon sans perspective et dans cet attentisme très marqué. Pourtant à chaque fois que ce genre de sujet est abordé, il y a comme un malaise, comme si au fond ces questions étaient inutiles et finalement habilement escamotées.

En fait, on pourrait attendre la révolution comme on attend un train, on pourrait ; mais comme je l'ai dit, ce n'est pas parce qu'on est révolutionnaire (ou qu'on prétend l'être) et qu'on participe à la révolution, qu'on a gagné pour autant ; rien ne nous dit que les anarchistes seraient sur le devant de la scène et pèseraient réellement dans cette situation, or c'est pourtant probable que le rôle qu'ils jouent soit assez mineur étant donné qu'ils n'ont presque aucune influence et qu'ils sont totalement inconnus à la majorité de la population. C'est mon raisonnement ; à partir de là je remets sérieusement en question l'utilité d'un militantisme ayant pour seul horizon si peu de chose en fait.


Actuellement les organisations libertaires sont en développement, çà va peut être pas vite, et çà se dégonflera pas aussi vite non plus que la beaudruche NPA ou FDG, mais c'est une réalité positive.


Toutes ces organisations ne sont que des mots sur la papier, mais si le npa disparaît, et si le fdg disparaît, ça n'est pas grave, car les gens qui font vivre ces partis seront toujours là après, et les perspectives envisageables y sont bien plus grandes ; je pense donc que d'un point de vue réaliste, il est préférable d'être un mouvement de masse assumé, plutôt qu'un mouvement qui se cache et attend - ou du moins tel est le bilan de ce qui est actuellement -.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede Pïérô » 17 Oct 2012, 14:06

ok, je comprend mieux, en fait tout çà pour nous dire qu'il vaudrait mieux être au FDG. :roll:
Par contre, et puisque tu sembles dans la négation de cette dimension, pour la lutte, et en terme de masse, il y a ausssi la dimension syndicale.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede atheus » 17 Oct 2012, 14:08

ok, je comprend mieux, en fait tout çà pour nous dire qu'il vaudrait mieux être au FDG. :roll:


en fait tout ça pour dire que je crois que ce que font les orgas anarchistes aujourd’hui a une utilité plus que discutable avec bien peu de perspective (parce que quand on se prétend révolutionnaire et que finalement la révolution, on fait que l'attendre, je me demande à quoi tout ça sert concrètement).


Par contre, et puisque tu sembles dans la négation de cette dimension, pour la lutte, et en terme de masse, il y a ausssi la dimension syndicale.


je vois pas où j'ai dit ça.
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Re: Qu'est ce qui cloche dans l'anarchisme aujoud'hui ?

Messagede Pïérô » 17 Oct 2012, 14:15

atheus a écrit:(parce que quand on se prétend révolutionnaire et que finalement la révolution, on fait que l'attendre, je me demande à quoi tout ça sert concrètement).

çà c'est ton moulin qui se relance, malgré tout ce qui est dit plus haut. C'est même parfaitement méprisant pour tout et toutes les militant-es libertaires engagé-es sur les terrains de luttes, et diverses formes d'organisations collectives, politiques, syndicales, associatives, etc...et en bref un monde que tu ne connais visiblement pas, en petit donneur de leçon non pratiquant.
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