3000 personnes à Saint-Imier, je trouve que c’est vachement bien. Ça n’a pas été prévu des mois à l’avance, comme le dit Atheus ; on a commencé à en discuter deux ans et demi auparavant. La préparation des RIA a demandé un travail colossal. Les copains qui se sont investis là-dedans, et pas seulement ceux de la FA, je précise, ont fourni un travail qu’on a du mal à imaginer.
Effectivement c’était international, c’est pourquoi la participation a été réduite vu les coûts de transport, mais j’ai suivi de près, pour la FA, la question des relations avec les groupes au niveau international, y compris des groupes dits « plateformistes », d’ailleurs, avec lesquels j’ai d’excellentes relations pour certains d’entre eux : les RIA ont suscité un enthousiasme énorme. Le comité organisateur a subventionné beaucoup de billets, mais la FA a également subventionné beaucoup de camarades venant d’autres pays, en particulier d’Amérique latine.
Par ailleurs on ne peut comparer une mobilisation du Front de gauche sur un thème électoral pendant une campagne présidentielle avec une rencontre du type RIA.
C’est vrai, comme le dit Atheus, que le mouvement a « un contenu identique à lui-même depuis plus de 100 ans alors que la société, les enjeux, les méthodes et les perspectives ont elles beaucoup évolué ; pas assez de recherche, d'études, d'écrits de qualité, etc... »
Voici sur cette question un passage de mon bouquin sur l’AIT, que je n’arrive pas à terminer (l’Arlésienne) :
« L’élimination de l’anarchisme de la scène sociale est largement due au fait que, à partir de la fin du siècle dernier, l’intelligence politique du système capitaliste a été beaucoup plus grande que celle des anarchistes. Si, pour comprendre la faiblesse du mouvement libertaire d’aujourd’hui il n’est pas possible d’évacuer les causes externes, il serait injuste de ne pas évoquer les causes internes. Pour dire les choses simplement, l’anarchisme s’est fondé sur un discours qui pouvait être pertinent il y a un siècle mais qui, s’il est repris tel quel, est complètement dépassé aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que certains anarchistes de la fin du siècle dernier se sont opposés à la réduction du temps de travail parce qu’en améliorant les conditions de vie des travailleurs, cela aurait conduit, disaient-ils, à une désaffection de la classe ouvrière envers la révolution. C’était là une vision stratégique suicidaire. N’oublions pas que Malatesta a failli être assissiné par un anarchiste qui lui reprochait de préconiser l’organisation. »
Quant aux organisations libertaires en France (ça c’est pour Altersocial), très rapidement, je dirais deux choses :
• FA et AL : les militants des deux organisations sont parfaitement capables de travailler ensemble et les organisations ont par le passé fait des choses ensemble. Ce qui les oppose n’est pas là, ce sont des questions comportementales. Les militants de la FA reprochent souvent à ceux d’AL, et à l’organisation AL en tant que telle – à tort ou à raison – de « récupérer » des initiatives dans lesquelles ils n’ont pas joué un grand rôle. Pour les copains, ce sont des comportements assimilés à ceux des trotskistes. J’ai discuté avec un copain latino-américain non-plateformiste, et il m’a dit que lorsque son groupe et d’autres prennent des initiatives, ils se gardent bien d’inviter les plateformistes parce que s’ils le font, il suffirait qu’il y en ait un et qu’il lave une assiette et après dans leur presse on va lire que c’est eux qui ont tout fait. J’ose espérer que c’était une image, mais lorsque le gars a raconté ça, les copains de la FA qui étaient là ont parfaitement compris le message. Alors si on veut qu’il y ait un vrai dialogue en vue d’un rapprochement, il faudra bien discuter de ces choses-là aussi. Et qu’on ne vienne pas me raconter que la FA ce sont des « folklos », parce que sans ces « folklos »-là, il n’y aurait jamais eu Saint-Imier – et là, ce n’est pas de la récupération.
• Quant aux « petites » organisations, il ne faut pas croire que parce qu’un groupe est petit il est moins sectaire. Je dirai que c’est exactement le contraire. Plus le groupe est petit, plus il peut être tenté par le sectarisme parce que la rigidité doctrinale est un moyen pour préserver l’identité du groupe. Si on est trop nombreux on ne sera plus entre nous.
Il suffit en outre qu’il y ait un personnage charismatique dans le groupe et alors là, on confine à la secte. Bien souvent dans les petits groupes, ce sont moins des préoccupations politiques que des questions d’ego qui comptent.
Je trouve invraisemblable de voir la multiplicité des groupes anarchistes « autonomes » (je suis récemment allé dans un pays du sud de l’Europe), qui se livrent à leur petit travail militant dans leur localité, chacun de son côté, et qui semblent avoir oublié que le mouvement anarchiste a pratiquement inventé le concept de fédéralisme. Beaucoup d’entre eux (je l’ai constaté de visu) craignent tout simplement de perdre leur identité et ils justifient ça en disant qu’ils redoutent qu’en s’organisant ils soient confrontés à des pratiques « autoritaires ».
Tout ce que je décris là, je l’ai aussi constaté à la FA, dans le passé et je suis extrêmement satisfait que ça ait changé.
R.