Autogestion : théories, pratiques et critiques

Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede luco » 17 Déc 2012, 19:36

L'expérience historique espagnole se rapproche le plus de la mise en pratique de l'autogestion généralisée. Avant 68 une autre tendance de l'autogestion en France, les pablistes de la TMR-IV allaient mettre en avant une théorie de l'autogestion basée sur des expériences discutables (Algérie, Yougoslavie, ...) qui, à mon sens était surtout des expériences cogestionnaires (avec l'Etat).


Mais de quelles autogestions/collectivisations en Espagne libertaire parles-tu ?

Parce que, je n'y connais pas grand chose, mais il me semble que beaucoup d'usines "autogérées" par la CNT, fonctionnaient en fait avec des commandes de guerre de la république espagnole. Du coup l'autogestion était plus que limitée (normal c'était la guerre) puisque le sens de la production était "extérieur", non décidé par les travailleurs. Même le rythme et les salaires devaient être commandés par l'urgence.

Du coup on ne peut pas tellement parler de réussite, d'échec ou d'exemplarité de ces expériences libertaires, et qu'il y avait une grosse part de "co-gestion avec l'état".

Mais je suis preneur d'éléments contraires.
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede altersocial » 18 Déc 2012, 07:56

"Se rapprocher" est très loin de signifier exemplarité, surtout lorsqu'on constate la complexité sur le terrain de la Catalogne.

Que les industries textiles et métallurgiques aient été subordonnées aux besoins d'une guerre classique au lieu d'être la base d'une modification des rapports de production est une chose et on est d'accord là dessus, mais cela n'empêche pas de considérer les nombreuses brèches dans un ensemble où "l'économie vivait une sorte de double pouvoir."
http://palim-psao.over-blog.fr/article- ... 64185.html
http://alterautogestion.blogspot.fr/201 ... e-les.html

C'est dans toute cette complexité, et ses contradictions, qu'il faut saisir cette expérience catalane dont les acteurs ont quelques fois (pour ne pas dire rarement) comblé un vide, une absence de l'Etat et du capital (« le fait de l’action spontanée des travailleurs qui n’attendirent pas les consignes des organisations ouvrières »-Victor Alba), là où l' "autogestion" yougoslave se réduisait à obéir au plan étatique.

Il ne s'agit donc pas de fétichiser une expérience du passé, pas plus que de tirer un trait dessus sous prétexte d'absence de pureté pratique/idéologique, on ne transpose pas une expérience du passé sur l'avenir mais les aspects de certaines brèches sont des bases pour nos débats du présent.
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede luco » 18 Déc 2012, 10:13

Ok. On est d'accord.
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede altersocial » 22 Déc 2012, 13:54

Can Batllo : quand les voisins occupent
Can Batllo : quand les voisins occupent

Nous avons rendez-vous sur la place de l’église de San Medir, petite place où églises et magasins se mélangent. Sur le chemin, des drapeaux « Volem Can Batlló ya », un peu usés par le temps passé au grand air, nous ont confirmé qu’on approchait du but. Montse arrive, par petits bonds. Elle habite à Sants depuis huit ans. Elle nous embarque.

100 m plus loin, un portail de briques, marqué « zone privée ». De vieux panneaux. C’est l’enceinte de la fabrique de Can Batlló, une ancienne fabrique textile, à l’arrêt depuis 35 ans. Et depuis 35 ans, les gens du quartier réclament sa réhabilitation en espaces publics.

:arrow: Le texte original en PDF

Un reportage de Construire l’utopie réalisé par Edith Wustefeld et Yan Verhoeven

Voir notre article sur ce projet journalistique

:arrow: Vidéo :
http://vimeo.com/53574823


Construire l’utopie
Un voyage-reportage sur l’autogestion, le pouvoir populaire et la participation démocratique
http://www.utopiasproject.net/
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede luco » 03 Jan 2013, 20:26

Un texte très intéressant sur le socialisme et l'autogestion de Michel Raptis "Pablo", que je n'avais jamais lu :

http://www.autogestion.asso.fr/wp-conte ... ESTIO1.pdf

En fait j'étais loin d'imaginer que Pablo avait à ce point évolué vis à vis du léninisme/trotskysme classique (même "ouvert" façon SU de la IV) et je pensais même que la présence de la TMR au PSU était plus tactique que guidée par une proximité idéologique.

Du coup quelqu'un pourra peut-être me dire quelle part "pabliste" il y a dans les "14 thèses pour l'autogestion" du PSU de 1973 ?

extraits :
L'expérience acquise à la fois par l'évolution du capitalisme et l'évolution des révolutions anticapitalistes
et anti-impérialistes depuis celle d'Octobre 1917 en Russie doit nous conduire
à réviser une certaine façon . d'envisager le vrai rapport existant entre « structures » et
« super-structures », entre « économique » et « politique », façon qui comporte le véritable
danger d'une interprétation mécanique, « économiste » de la réalité dialectique profonde
dans ces domaines.

Ce danger est particulièrement grave concernant la « superstructure » de l'Etat en relation
avec les rapports de production.

On ne saurait définir l'Etat comme « socialiste » au cas où à travers une révolution on rend possible
le parachèvement de la tendance à l'étatisation complète de l'économie et de la vie sociale,
le socialisme acquérant son véritable contenu par le dépérissement de tout pouvoir étatique au
profit de l'autogestion de la société tout entière.


Croire qu'on peut aboutir à ce dernier résultat à travers une phase intermédiaire d'étatisation
totale, est un leurre évident, une telle phase engendrant inexorablement des nouvelles structures
sociales mortellement hostiles au projet socialiste.


L'autogestion est impossible sans remodeler la société héritée du capitalisme dans tous les
domaines, afin qu'elle puisse redevenir contrôlable par la société civile, les collectifs de travail,
les quartiers, les communes et toutes les cellules.

Seulement dans ces conditions, il sera possible de réorienter l'évolution sociale vers de nouveaux
buts, vers une nouvelle civilisation rompant radicalement avec les tendances et les critères engendrés
par l'évolution du capitalisme.

Gigantisme et complexité extrême de la vie moderne sont le résultat de la logique du développement
capitaliste à sa phase actuelle, contrôlé par des groupes restreints, de techniciens,
d'affairistes, de politiciens, de bureaucrates, dans des centres de décision en dehors
de tout regard indiscret des travailleurs, et de l'écrasante majorité des citoyens.
Gérer un tel monde signifierait le perpétuer.
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede altersocial » 27 Jan 2013, 11:39

Viomichaniki Metaleftiki (Vio.Met.) en autogestion

Viomichaniki Metaleftiki était une entreprise prospère spécialisée dans la production de matériaux pour le bâtiment. Sa maison-mêre en difficulté a pressé sa filiale au point qu’elle ne paye plus les salaires depuis mai 2011. Les salariés de cette entreprise souhaitent redémarrer la production en autogestion.

Viomichaniki Metaleftiki (Vio. Met.) (Βιομηχανική Μεταλλευτική) est une entreprise spécialisée dans la production de matériaux de construction, d’aménagement et d’isolation. Filiale de Philkeram-Johnson (le plus ancien et le plus important producteur de matériaux de construction en Grèce) appartenant à Giorgos Filipou, elle est basée à Thessalonique et emploie entre 60 et 70 travailleurs.

Sur la période 2000-2006, Vio.Met. était une entreprise florissante affichant une progression du chiffre d’affaires de 139% et des profits de 118%. Cette tendance s’est retourné en 2010 à la suite du transfert d’une dette de près de 2 millions d’euros de l’entreprise-mère vers la filiale. En mai 2011, l’entreprise-mère dépose le bilan, ce qui n’est pas le cas de sa filiale. Pourtant, la direction de Vio.Met. décide la cessation de paiement des salaire et le lock-out de l’usine, sous le prétexte d’un manque des fonds. Depuis cette date (mai 2011), les revenus (indemnisations) des travailleurs / ouvriers en arrêt de travail s’élèvent à 359 euros/mois.

En juillet 2012, ils décident d’explorer la piste de l’autogestion sous le mot d’ordre « Vous ne le pouvez pas ? Nous, nous le pouvons ! » en réponse à la direction ayant déclaré qu’elle ne peut pas procéder à la réouverture du site. (voir l’affiche ci-dessous).

Ils tiennent un blog où ils relatent leurs actions quasi-quotidiennes : http://biom-metal.blogspot.gr/

Image

Le communiqué de presse après leur Assemblée Générale du 11 juillet 2012 :

« La direction de Viomichaniki Metaleftiki, une filiale de Filkeram-Johnson, a abandonné l’usine et ses travailleurs depuis mai 2011. En réponse, les travailleurs de l’usine ont cessé le travail depuis septembre 2011. Le syndicat de l’entreprise a organisé une équipe de 40 ouvriers, ayant pour mission d’empêcher l’enlèvement des machines par la direction ou le vol de celles-ci. L’ensemble de travailleurs participe à l’Assemblée Générale.

La proposition du syndicat afin de briser le statut quo actuel (alors que la direction a clairement déclaré que l’usine ne redémarrerait pas compte tenu de l’absence de fonds) est que l’usine passe sous contrôle direct des travailleurs. Cette proposition a été adoptée par 98 % des participants à l’Assemblée générale. Plus précisément, ils ont demandé que l’usine soit transférée aux travailleurs et que tous les membres de la direction et les travailleurs participant au Conseil d’administration démissionnent sans aucune exigence vis-à-vis de la future administration ouvrière.

En ce qui concerne le capital initial, qui est indispensable pour le fonctionnement de l’usine, la proposition des travailleurs est que l’Organisme national de l’emploi (le Pôle Emploi grec) leur verse par avance les allocations auxquelles ils auraient droit en tant que repreneurs d’entreprise.

Enfin, les travailleurs de Vio.Met. exigent l’introduction dans la législation d’un statut légal régissant les entreprises coopératives, afin que leur initiative (ainsi que toute initiative semblable future) puisse disposer d’un cadre de couverture légale.

Nous, travailleurs en lutte, en dehors de l’évidente valeur que nous voyons d’être dans la lutte et les demandes exprimées par tous les travailleurs, reconnaissons également une valeur additionnelle qui se résume parfaitement dans la proposition d’autogestion. Nous pensons que l’occupation et la reprise d’activité des entreprises impulsée par les travailleurs est l’unique proposition alternative réaliste pour lutter contre l’exploitation croissante de la classe ouvrière. L’auto-organisation des usines qui ferment est l’unique proposition qui a le pouvoir de mobiliser la classe ouvrière, qui vivant sous la menace constante du chômage, ne voit plus aucun moyen de résister.

Nous savons que les difficultés auxquelles nous sommes confrontées dans la lutte pour l’autogestion de l’usine sont nombreuses, que l’Etat et le Capital s’y opposeront de toutes leurs forces dans la mesure où une victoire pourrait créer un précédent et un exemple pour n’importe quelle autre lutte dans le pays. Cependant, la question de savoir dans quelles mains se retrouve la production, se transforme aujourd’hui en une question de vie ou de mort pour une classe ouvrière qui est poussée vers le dénuement. Pour cette raison, les luttes des travailleurs qui s’orientent dans cette direction, de même que les forces solidaires, doivent se préparer à affronter l’Etat et l’employeur pour réaliser l’occupation des moyens de production et la gestion ouvrière.

Nous lançons un appel à tous les syndicats, les organisations et les travailleurs pour que s’exprime la solidarité avec la lutte des ouvriers de Viomijanikí Metaleftikí et entreprendre un soutien actif aux travailleurs à la fois financièrement et politiquement. »
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede altersocial » 30 Jan 2013, 09:04

Karl Marx et l’autogestion

Yvon Bourdet

Il semble important d’apporter des éléments critiques à la discussion autour du modèle de production tel qu’il est abordé aujourd’hui à gauche pour tenter de répondre aux fermetures d’usines, aux pertes d’emplois et à la désespérance ouvrière qui en résulte. Le mouvement coopératif le plus parfait soit-il est certainement un palliatif à la fermeture d’une usine viable qui dispose d’un marché pour des produits de qualité ou qui pourrait effectuer une reconversion vers une production de type alternative servant les besoins réels définis par la population en accord avec les ouvriers, les ingénieurs, les employés de l’entreprise. Mais il ne modifie en rien l’organisation globale de la société par le capitalisme. L’autogestion n’est pas seulement un mode de production, ce à quoi on veut la réduire, mais aussi et surtout le projet révolutionnaire d’une nouvelle organisation politique de la société par les producteurs eux-mêmes.

Karl Marx et l’autogestion

Par Yvon Bourdet, 1971

Première partie d’un article paru dans Autogestion et socialisme (N°15, mars 1971), repris en sous-chapitre dans Pour l’autogestion (Anthropos, 1974, rééd. 1977).

Le mot autogestion n’est guère d’usage courant que depuis une dizaine d’années et il paraît bien anachronique de le juxtaposer au nom de Marx . Toutefois précisons d’emblée que si Marx n’emploie pas le mot autogestion il s’intéresse (nous le prouverons par de nombreux textes) à ce que ce mot désigne et qu’on appelait alors « les coopératives de production ».

Certes, le fait que ce terme (autogestion) n’ait apparu que récemment ne manque pas de signification. Il témoigne, bien sûr, pour une part, de l’ignorance du passé et on peut comprendre que certains anarchistes, fouriéristes ou proudhoniens, par exemple, s’irritent de ce que beaucoup de « conseillistes » ou d’ « autogestionnaires » croient avoir trouvé quelque-chose de nouveau avec un nouveau mot. Il n’en reste pas moins, en revanche que le besoin d’une nouvelle terminologie marque au moins le souhait d’une démarcation d’avec les doctrines existantes. Même si, maintenant, la plupart des anarchistes se montrent soucieux d’action de masse et des moyens économiques de transition pour beaucoup, à tort ou à raison, le terme d’anarchisme évoque davantage la volonté de détruire les pouvoirs en place que l’essai de construire, au niveau national ou international, une organisation d’un type nouveau. Au plan politique, leur action apparaît surtout négative et leurs tentatives de réalisations positives semblent se borner au rassemblement libre de petits groupes qui cherchent à réaliser, d’une façon marginale, « une hausse immédiate du jouir ». Il ne s’agit pas là, pour autant, toujours, de la quête d’un salut égoïste ; ils croient être des ferments ou les « détonateurs » de la révolution universelle; mais leur démarche, fût-elle « exemplaire », demeure l’activité de quelques pionniers.

Le terme d’autogestion, au contraire, semble désigner une organisation plus large, plus technique et qui, en tout cas, est liée plus à laproduction qu’à la jouissance. Ainsi, la revendication de l’autogestion paraît plus proche du projet des marxistes bien que se creuse entre eux, aux yeux de presque tous, un abîme quasi infini, car on entend ordinairement par « autogestion » la concertation des autonomies, et par « marxisme » le trop fameux centralisme démocratique de Lénine que ses dysfonctions, depuis plus de cinquante ans, ne mettent aucunement en question puisque tous les vices du système sont inlassablement expliqués par les prétendus défauts de la personnalité des dirigeants. Même ceux qui acceptent de dissocier le marxisme du stalinisme, du léninisme ou du trotskisme n’en persistent pas moins à estimer que les appels que fait Marx à la «violence accoucheuse de l’histoire » et à la « dictature du prolétariat » sont incompatibles avec les méthodes et les buts des partisans de l’autogestion.

Pour y voir clair, il est donc nécessaire de décaper les textes de Marx de l’épaisse crasse accumulée non point tant par les gloses des théoriciens que par l’effet des « retombées » – un demi-siècle durant – de la praxis des partis communistes prétendant incarner la théorie de Marx. Ce que nous proposons est donc bien, comme d’autres, une relecture, mais non pas pour projeter, entre les lignes, ce que Marx n’a pas écrit. C’est au contraire, pour donner ou redonner à voir les textes oubliés, négligés, rejetés ou simplement jamais lus

I. Les moyens de la révolution selon Marx

L’œuvre de Marx est une critique de la société capitaliste et sa vie une lutte pour hâter l’heure de l’expropriation des expropriateurs. Toutefois, pour beaucoup le passage de la critique théorique à l’action politique fait problème: dans le chapitre XXXII du livre premier duCapital, on peut lire: « la production capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature » . Par là, d’ailleurs, il ne faisait que reprendre la conclusion de la première partie du Manifeste communiste qui donnait pour « inévitable l’élimination de la bourgeoisie et le triomphe du prolétariat » . Dès lors le « Que faire ? » semble dénué de sens comme on l’a souvent noté : « les marxistes qui annoncent l’avènement inéluctable du régime post capitaliste font penser à un parti qui lutterait pour provoquer une éclipse de lune » . De même Lénine mettait dans la bouche des populistes des années 1894-1895 cette réflexion : « Si les marxistes considèrent le capitalisme en Russie comme un phénomène inévitable (…), il leur faut ouvrir un débit de boisson… ». Cette « objection » n’avait pas échappé à Marx qui l’avait lui-même introduite à titre de canular dans un brouillon d’article sur Le Capitalqu’Engels devait se charger de faire publier, sous un nom d’emprunt, dans un journal dirigé par Karl Mayer : « Quand il (Marx) démontre que la société actuelle (…) porte en elle les germes d’une forme sociale nouvelle supérieure, il ne fait que montrer sur le plan social le même procès de transformation que Darwin a établi dans les sciences de la nature (…). L’auteur a, du même coup, (…) peut-être malgré lui (souligné par Marx) sonné le glas de tout le socialisme professionnel… ». La « réfutation » de cette « objection » se trouvait déjà dans la préface du Capital lorsque Marx expliquait qu’une société qui était arrivée « à découvrir la piste de la loi naturelle qui préside à son mouvement (souligné par Marx) (…) ne peut ni dépasser d’un saut ni abolir par des décrets les phases de son développement naturel, mais peut abréger la période de la gestation et adoucir les maux de leur enfantement ». On trouve là le thème célèbre de la violence conçue comme la force « accoucheuse de toute vieille société en travail , ou, comme dit la vulgate de la violence accoucheuse de l’histoire. De ce fait, précise Marx « la force est un agent économique ». C’est donc aplatir « le marxisme » que de le réduire soit à une action politique qui ignorerait les phases du développement naturel, soit à l’économisme béat du laisser-faire. Certes la force ne peut « faire tourner à l’envers la roue de l’histoire », mais les communistes n’en déclarent pas moins « ouvertement qu’ils ne peuvent atteindre leurs objectifs qu’en détruisant part la violence l’ancien ordre social ». On retrouve ainsi la question fameuse et controversée de la «dictature du prolétariat ». On sait que Kautsky, pour critiquer les bolcheviks, affirma que Marx n’avait, pour ainsi dire jamais préconisé une telle dictature, qu’il s’agissait là d’un « petit mot », écrit, « en passant », dans une lettre .

En fait, Marx a parlé plusieurs fois du rôle et de la nécessité d’une telle dictature , mais la simple recension et comptabilité des textes ne sert pas à grand chose si on ne s’entend pas sur le sens, chez Marx, du mot «dictature ». Dans une note du 20 octobre 1920, Lénine caractérise la dictature comme un pouvoir qui ne reconnaît « aucun autre pouvoir, aucune loi, aucune norme, d’où qu’ils viennent (…) le pouvoir illimité, extra-légal, s’appuyant sur la force, au sens le plus strict du mot, c’est cela la dictature » . Et c’est une telle dictature que doit exercer le prolétariat, qu’il soit minoritaire ou majoritaire dans la nation. Max Adler, au contraire, distingue soigneusement entre « dictature majoritaire » et « dictature minoritaire » : lorsqu’une minorité opprime une majorité, on est en présence du despotisme que Marx a toujours combattu, sous toutes ses formes; si Marx préconise la dictature du prolétariat c’est parce qu’elle ne peut pas être autre chose que la force de la majorité: « Tous les mouvements du passé ont été le fait de minorités ou ont profité à des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement autonome de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité » (16). Pour Marx, la révolution prolétarienne sera la dernière possible ; en effet, lorsque le prolétariat, classe universelle, aura pris le pouvoir, il n’y aura bientôt plus de classes et par conséquent plus de luttes entre elles : «L’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses conflits de classes, fait place à une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous». Notons, en passant, que Marx donne ainsi la définition exacte d’une société autogérée. Quant aux voies et moyens du passage à cette domination immensément majoritaire du prolétariat, ils seront variables selon les circonstances ; la violence, nous l’avons vu, sera souvent nécessaire mais pas toujours ; dans son discours du 8 septembre 1872 aux ouvriers d’Amsterdam, Marx déclara que « l’Amérique et l’Angleterre (pouvaient) arriver au socialisme par des moyens pacifiques ».

Dans la préface à l’édition anglaise du Capital, en 1886, Engels assure que ce ne fut pas là une déclaration de circonstance et que Marx avait exprimé sa véritable pensée. D’ailleurs, Engels écrivit lui-même, un peu plus tard (1891), que l’on «peut concevoir que la vieille société pourra évoluer pacifiquement vers la nouvelle dans les pays où la représentation populaire concentre en elle tous les pouvoirs » et même, plus explicitement, que « la république démocratique (…) est la forme spécifique de la dictature du prolétariat ». Précisant sa pensée, dans l’introduction, écrite en 1895, aux Luttes de classes en France, Engels affirmait que l’usage illégal de la force armée n’était plus un bon moyen pour le prolétariat de s’emparer du pouvoir et que même « la bourgeoisie et le gouvernement » en étaient un peu arrivés « à avoir plus peur de l’action légale que de l’action illégale du parti ouvrier » (20).

Ce disant, Engels avait sans doute donné trop d’importance à la déclaration célèbre d’Olidon Barrot: « La légalité nous tue! » et à l’expérience de la Commune de Paris qui s’était terminée par une catastrophique saignée du prolétariat. Son point de vue fut ensuite assez généralement contesté par les marxistes .

Quoi qu’il en soit, il reste de la lecture de tous ces textes que Marx et Engels n’ont pas toujours maintenu la même théorie en ce qui concerne les moyens de passage au socialisme et mieux qu’ils ont soutenu explicitement qu’il fallait s’adapter aux circonstances.

Cela ne veut point dire qu’il suffise pour eux d’attendre, comme nous l’avons déjà rappelé et comme la polémique de Marx contre Bakounine l’a bien montré. Il ne s’agit pas ici de traiter à fond de la comparaison entre marxisme et anarchisme , mais seulement dans la perspective de la présente mise au point. Ce qui nous occupe, en effet, est de préciser comment Marx conçoit la société, une fois brisée l’oppression capitaliste, et par quels moyens on peut hâter cette libération. Or, les notes écrites en 1874 par Marx, en marge du livre de Bakounine: Étatisme et anarchie sont, à ce propos, très éclairantes . A partir de ces notes, on peut restituer le dialogue suivant (sans changer un mot, naturellement, au texte de l’un et de l’autre):

Bakounine « Les Allemands sont environ 40 millions. Tous les 40 millions, par exemple, seront-ils membres du gouvernement ? »

Marx « Certainly ! Car la chose commence par le self-governement de la commune ».

Bakounine « Alors, il n’y aura pas de gouvernement, pas d’État, mais, s’il y a un État, il y aura des gouvernants et des esclaves (…) Ce dilemme dans la théorie marxiste se résout facilement. Par gouvernement du peuple ils (les marxistes – non ! interrompt Marx, c’est Bakounine qui le prétend) entendent le gouvernement du peuple à l’aide d’un petit nombre de dirigeants élus par le peuple ».

Marx « Âne ! C’est du verbiage démocratique, du radotage politique ! L’élection est une forme politique (…) qui dépend (…) des rapports économiques entre les électeurs ; aussitôt que les fonctions ont cessé d’être politiques : 1 – il n’existe plus de fonction gouvernementale ; 2 -la répartition des fonctions générales est devenue une chose de métier et ne confère aucun pouvoir; 3 – l’élection n’a rien du caractère politique actuel ».

Bakounine « Le suffrage universel par tout le peuple. … »

Marx « Tout le peuple au sens actuel du mot est une pure chimère ».

Bakounine « La notion de « représentants du peuple » constitue « un mensonge sous lequel se cache le despotisme de la minorité gouvernante (souligné par Bakounine) d’autant plus dangereuse qu’elle apparaît comme l’expression de la soi-disant volonté du peuple ».

Marx « Sous la propriété collective, la soi- disant volonté du peuple fait place à la volonté réelle du coopératif ».

On voit bien, par ce dialogue, que, s’agissant des buts ultimes, Bakounine fait une mauvaise querelle à Marx ; ce dernier admet fort bien que l’organisation sociale par des techniques d’autogestion (coopératives) relève d’un métier mais ne confère aucun pouvoir.

Il faut cependant reconnaître à Bakounine une vision prophétique, car malgré les dénégations de Marx, les marxistes-léninistes ont — par le centralisme démocratique — réalisé exactement les funestes prédictions de Bakounine : « despotisme d’une minorité d’autant plus dangereuse qu’elle apparaît comme l’expression de la soi-disant volonté du peuple ». D’autre part, Marx reste indirectement la cause de la déformation bolchévique par sa théorie de l’étape de transition. Si, en effet, ce qu’il faut viser c’est l’autogouvernement de la société dans son ensemble et si de ce fait, comme écrit Marx dans la même note sur Bakounine: « l’État populaire de Liebknecht (…) est une ineptie », il n’en reste pas moins que le prolétariat selon Marx, « durant la période de la lutte pour le renversement de l’ancienne société, agit encore sur la base de cette ancienne société et, par conséquent (…) durant cette période de lutte, il emploie pour son affranchissement des moyens qui disparaîtront après cet affranchissement ». Ce sont ces moyens — imposés par la société de classe et prétendument provisoires — que Bakounine refuse prudemment, car sous prétexte de libérer le prolétariat de la domination bourgeoise, on institue une nouvelle domination politique, en un sens, pire que la précédente. Alors que faire ? Selon Marx, voici la réponse de Bakounine: « De là, M. Bakounine conclut qu’il doit plutôt ne rien faire du tout…, qu’il doit attendre le jour de la liquidation générale (souligné par Marx), le jugement dernier ». Il va sans dire que Bakounine, à son tour, crierait au scandale devant cette « déduction » de Marx . Ce sont là les lois de la polémique.

Ce qui nous intéresse seulement ici, c’est la contradiction soulignée par Bakounine entre le but ultime de Marx (société homogène sans classe) et les moyens impurs qu’il croit indispensables d’utiliser pour briser la machine oppressive de la bourgeoisie. Les colombes ne peuvent ni convaincre ni vaincre les vautours, si, dans un premier temps, elles n’attaquent les vautours avec la violence des vautours. Celui qui garde ses mains blanches n’a pas de mains. Marx se place ainsi à l’opposé de l’axiome évangélique : les doux posséderont la terre qui a été repris par les partisans actuels de la non-violence, ceux qui n’ont d’armes que de fleurs (amour et paix) ou qui, réunis autour du Pentagone, espéraient le faire sortir de terre par leurs pensées associées dans la foi qui soulève les montagnes. Ce sont là, dira-t-on, de gentils rêveurs, mais il reste que Marx n’était pas, non plus, satisfait par l’obligation politique de lutter contre les bourgeois avec des armes semblables aux leurs. C’est pourquoi, d’ailleurs, il ne préconisait pas exactement une telle imitation. Il ne voulait pas que son « parti » fût un parti comme les autres, ni son action un ensemble de petites ruses mijotées dans le secret des appareils « directeurs ». Les travailleurs devaient, selon Marx, autogérer leurs luttes. C’est un thème constant qui affleure, à intervalles, dans ses écrits et dans ses actes. Qu’on en juge par ces brefs rappels : en 1848, « le mouvement prolétarien est le autonome de l’immense majorité » ; en 1864, «l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » ; en 1866 « l’œuvre de l’Association internationale est de généraliser et d’unifier les mouvements spontanés de la classe ouvrière, mais non de leur prescrire ou de leur imposer un système doctrinaire quel qu’il soit » ; en 1868 «l’Association internationale des travailleurs () n’est fille ni d’une secte ni d’une théorie. Elle est le produit spontané de la classe prolétaire» ; en 1871, après la Commune, « ce serait méconnaître complètement la nature de l’Internationale que de parler d’instructions secrètes venant de Londres () de quelque centre pontifical de domination et d’intrigue (). De fait, l’Internationale n’est nullement le gouvernement de la classe ouvrière, c’est un lien, ce n’est pas un pouvoir ». Le 17 septembre 1879 : « Nous avons formulé, lors de la création de l’Internationale, la devise de notre combat : l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Nous ne pouvons, par conséquent, faire route commune avec des gens qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se libérer eux- mêmes, et qu’ils doivent être libérés par en haut, c’est-à-dire par de grands et petits bourgeois philant[h]ropes ».

Marx n’a jamais voulu être à la tête d’un parti partisan qui ne représenterait qu’une partie de là classe ouvrière ; dès 1848, il précisait : « Les communistes ne forment pas un parti distinct en face des autres partis ouvriers. Ils n’ont pas d’intérêts distincts de ceux du prolétariat dans son ensemble ». Dans une lettre à Freiligrath, Marx ajoute: « sous le vocable parti, j’entends parti dans le grand sens historique », c’est-à-dire la cause de l’ensemble du prolétariat. Il s’agit non de parader sur des estrades ou dans des meetings, mais de comprendre, de faire comprendre, et, par là, de hâter le mouvement historique de la société de classe vers son dépassement. Les parlottes et les petites intrigues de la vie politique des partis ont toujours déplu à Marx ; comme il l’écrivait à Engels, le 11 février 1851, il était irrité d’être ainsi amené à avaliser indirectement des prises de position, à se sentir lié par des déclarations « d’ânes » et à en porter le ridicule. Deux jours plus tard, le 13 février 1851, Engels répond : « nous avons l’occasion de montrer que nous n’avons besoin ni de popularité ni du « support » d’un parti quelconque (). Comment des gens comme nous, qui fuyons comme la peste des situations officielles, pourrions-nous être d’un parti ? Que nous chaut un parti, à nous qui crachons sur la popularité ? ». On ne veut souvent voir, dans ces lettres, que le signe d’une irritation passagère. La preuve dit-on, que ce ne sont là qu’accès de mauvaise humeur, c’est que Marx a adhéré ensuite, en 1864, à l’Association internationale des travailleurs. Justement, voici ce qu’en pense Marx, dans une lettre à Engels, du 26 décembre 1865 : « Quant à l’Association internationale, elle me pèse tel un incube et je serais content de pouvoir m’en débarrasser ». Marx n’assiste pas au congrès de Bruxelles de 1868, pensant être plus utile à la classe ouvrière en continuant son œuvre théorique. Il appliquait ainsi la consigne donnée par Engels, dix-sept ans plus tôt : « l’essentiel est de nous faire imprimer » .

Il ne viendra à l’esprit de personne que, ce disant, Marx ou Engels visaient une gloire littéraire quelconque. Mais le mouvement autonome de l’émancipation prolétarienne est, en même temps, une prise de conscience et cette dernière devient aussitôt un facteur complémentaire du mouvement d’émancipation. Certes, « l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique par les armes, la force matérielle doit être renversée par la force matérielle. Mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle saisit les masses ». C’est donc sur les lieux de travail mêmes que les ouvriers doivent comprendre concrètement les modalités de l’exploitation de leur force de travail par la classe dominante. Le rôle du théoricien est de leur rendre visible cet invisible quotidien comme Galilée a expliqué le mouvement apparent du soleil, ébranlant du même coup, à jamais, la mythologie religieuse antérieure. Qui ne comprend, dès lors, que pour Marx, militer n’est pas jouer au stratège dans les états majors du comité fédéral ou du comité central, avec la prétention de commander, de l’extérieur, la manœuvre. Ce sont les travailleurs qui sont seuls capables non seulement d’organiser, d’autogérer leurs luttes, mais aussi d’instaurer, au sein même de l’ancienne société, les structures nouvelles d’une coopération égalitaire et fraternelle qui n’a que faire de chefs ni de dirigeants. Dans son Speech on the Anniversary of the People’s Paper, le 19 avril 1856, Marx faisait remarquer que les révolutions résultent davantage de causes économiques et des découvertes scientifiques et techniques que de l’action de soi-disant «meneurs » ; il disait, en effet : « Vapeur, électricité et machine à tisser avaient un caractère autrement dangereux que les citoyens Barbes, Raspail et Blanqui eux-mêmes » (34).

Quinze ans plus tard, à Kugelmann qui contestait, dans une lettre du 15 avril 1871, l’opportunité de l’insurrection de la Commune parce que la défaite priverait « de nouveau les ouvriers de leurs chefs », Marx répondit, le 17 du même mois : « La démobilisation de la classe ouvrière aurait été un malheur bien plus grand que la perte d’un nombre quelconque de « chefs ». (Marx met lui-même entre guillemets le mot chef.) Ainsi on ne peut insister davantage que Marx ne le fait sur les capacités d’auto-émancipation de la classe ouvrière qui peut, non seulement autogérer son combat, mais autogérer la production, ce qui est de surcroît le moyen le plus radical de supprimer l’aliénation et l’exploitation.

Ainsi, dans cette dialectique, la réalisation du but final ne se sépare pas de la mise en œuvre de moyens spécifiques de l’atteindre. L’autogestion des luttes est une condition de l’autogestion de la production et réciproquement. Certes cette conquête de l’autonomie active ne peut être que progressive et impure comme Marx l’expliquait à Bakounine, mais la tâche du révolutionnaire est d’éclairer cette entreprise, d’y « coller » et de s’y coller. Aussitôt que l’organisation à prétention libératrice devient une sorte d’institution extérieure, qui fonctionne en tant qu’instrument de lutte pour les ouvriers au lieu d’être une ébauche d’organisation nouvelle de la production elle-même, Marx s’en désintéresse et souffre d’en faire partie. Il n’y a même pas à distinguer entre autogestion des luttes et autogestion de la production car ces deux formes d’émancipation se conditionnent réciproquement. Mais on dira, peut-être, que ce ne sont là que déductions à partir du « montage habile » de quelques textes. Il faut donc voir, plus précisément ce que Marx dit lui-même du fond du débat puisque aussi bien il l’a abordé dans un assez grand nombre de textes que les interprétations des divers appareils des partis politiques marxistes ont laissés dans l’ombre.
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Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 20 Fév 2013, 00:52

Usines récupérées et autogestion dans la nouvelle réalité espagnole

17 février 2013 par Luc Bonet

Traduction en français d’un article éclairant sur la situation dans l’État espagnol et le renouveau des perspectives autogestionnaires dans ce pays. La version originale en castillan a été publiée le 20 décembre sur le site d’ICEA sous le titre de « Fábricas recuperadas y autogestión en la nueva realidad de España ».

Par José Luis Carretero Miramar (Traduction du castillan par Richard Neuville)

Avec la situation de crise financière et économique, l’Etat espagnol a commencé à réduire très sérieusement sa voilure. Ainsi la fermeture d’entreprises et les licenciements se sont succédé –et continue à se succéder- laissant une traînée de chômeurs. Dans la fièvre de protestations et de résistance, la transformation sociale (avec l’autogestion comme élément central) s’exprime avec force dans l’horizon en Espagne.

Il y a à peine cinq ou six ans, parler d’entreprises récupérées ou de coopérativisme en Espagne aurait été manier des concepts non seulement marginaux sinon profondément éloignés des intérêts et expériences de la grande majorité de la population. Dans le cadre de la société de la bulle financière, la consommation débridée et la « fête » de la jeunesse, personne n’envisageait -ou seulement des groupes réduits ou très localisés géographiquement- la nécessité de travailler par soi-même dans une perspective horizontale ou éloignée du modèle capitaliste.

Marinaleda ou Mondragón étaient des expériences autogestionnaires de dimension globale, mais ce qui est sûr, c’est que l’immense majorité de la population hispanique restait profondément éloignée des valeurs qui les sous-tendaient.

Cependant, il n’en fut pas toujours ainsi. Sans devoir remonter aussi loin que les collectivisations, qui surgirent au cours de la guerre civile de 1936-39 (qui couvraient une grande partie de l’industrie, des services et l’agriculture de la zone républicaine), dans le scenario de la Transition espagnole du franquisme à la démocratie, dans les années 70, l’expérience de récupération d’entreprises par ses travailleurs à joué un rôle marquant.

C’était des temps de crise, de fractures et de grands mouvements populaires. C’est au cours de cette période qu’émergèrent des expériences comme celle de Númax, une usine de matériel électrodomestique autogérée par les ouvriers en réponse à la tentative de fermeture illégale de la part des patrons, dont l’expérience est restée incarnée dans deux films documentaires Joaquím Jordá : Númax vit et 20 ans ce n’est pas rien.

Certaines des expériences de ces années ont survécu malgré tout jusqu’à aujourd’hui, comme l’entreprise barcelonaise Mol Mactric, capable de réaliser aujourd’hui les châssis d’une ligne du Metro de Barcelone, le train et des centaines de machines industrielles pour des entreprises comme General Motors ; ou l’imprimerie Gramagraf, occupée il y a 25 ans, et qui aujourd’hui appartient au groupe éditorial coopératif Cultura 03.

Mais la transition s’est achevée. Et, elle a produit un grand fiasco. Les principes essentiels du régime franquiste ont été maintenus dans ce qui a consisté en une simple réforme politique qui a intégré le pays dans le cadre de l’Union européenne et de l’OTAN, et qui si elle a concédé certaines libertés publiques, n’a pas remis en cause les mécanismes essentiels de répartition du pouvoir économique et social. Les grands mouvements populaires ont périclité et le « désenchantement » et le cynisme se sont substitués à l’expérimentation et à la lutte. Les propositions autogestionnaires n’ont pourtant jamais disparu mais elles ont été reléguées dans un espace purement marginal.

Et, il en fut ainsi pendant que la société de la bulle financière et sa consommation débridée et irresponsable est restée de vigueur. Comment ? Fondée sur le crédit et la surexploitation du travail des immigrés et des jeunes, grâce à la précarisation des conditions de travail et la conformité d’une législation relative au statut d’étranger, l’activité dissimulée et sans droits s’est (de fait) développée.

A l’arrivée de la crise financière et économique actuelle, les structures se modifiaient et tout évoluait : l’explosion du taux de chômage atteignant des niveaux extrêmes jamais vus précédemment dans la société espagnole et la dégradation rapide du tissu productif et entrepreneurial -à l’éclatement de la bulle immobilière- ont généré une situation radicalement nouvelle qui a impliquée le début de grandes transformations économiques mais également socioculturelles.

Le chômage et une nouvelle pauvreté contraignaient de larges couches de la population vers l’économie dissimulée et l’encaissement des maigres subsides d’un Etat de Bien-être, qui n’est jamais parvenu à se développer en Espagne à un niveau équivalent à celui des pays centraux de l’Europe.

Les extrêmes (plus précisément, extrémistes) ajustements, mis en œuvre par les pouvoirs publics face au déclenchement de la crise de la dette externe générée par la socialisation des dettes privées des entités financières, ont provoqué l’effet qu’il fallait attendre : l’Etat espagnol est devenu un gigantesque champ de ruines économiques où les fermetures d’entreprises se sont succédé et où de larges secteurs de la population ont commencé à être exclus de l’activité productive.

C’est dans ce contexte que les succès du 15 mai de 2011 ont éclaté et que le « Mouvement des Indignés » a fait irruption avec force et que les premières tentatives massives de résistance se sont exprimées face au processus de décomposition sociale imposé par les dynamiques néolibérales de l’UE et les gouvernements espagnols.

Dès lors, l’architecture politique de la société est redevenue un élément débattu et discuté publiquement. La politique a récupéré une certaine centralité dans les conversations quotidiennes et dans l’esprit d’une majorité de la population. Parler maintenant de mobilisations, de résistance ou de transformation sociale (avec l’autogestion comme élément central) est redevenue possible.

Déjà, dans les mois précédents, en plein déploiement de la crise, les germes et les semences de cette nouvelle situation s’étaient développés. Et, le recours à la récupération d’entreprises par leurs travailleurs était redevenu crédible.

En ce sens, au tout début de la crise, près de 40 entreprises avaient été récupérées par les travailleurs et remises en fonctionnement sous statut coopératif, comme l’affirme la Confédération de Coopératives de Travail Associé (COCETA). Parmi celles-ci, nous pouvons relater des expériences comme celle de l’entreprise de robotisation Zero-Pro de Porriño (Pontevedra – NdT : Galice) ou celle de meubles d’agencement de cuisine Cuin Factory en Vilanova i la Geltrú (Barcelone), dans laquelle l’ancien chef a participé activement à la transformation en coopérative et, où tous les travailleurs se sont attribué un salaire égalitaire de 900 euros. L’entreprise métallurgique Talleres Socar à Sabadell (NdT : Banlieue de Barcelone) a également été mise en autogestion avec l’appui du propriétaire et reconvertie dans la coopérative Mec 2010.

Mais probablement, l’initiative la plus frappante et connue aura été la mise en marche par les ex-employé-e-s du journal à tirage national Público, qui a arrêté d’être édité en version papier le 23 février 2012, laissant 90 % de ses travailleurs à la rue. Ces derniers ont constitué la coopérative Más Público, qui tente d’obtenir un soutien social et financier pour continuer à publier le journal en version mensuelle.

Cependant, et malgré toutes ces expériences, on ne peut pas considérer que la voie de la récupération d’entreprises soit devenue quelque chose de naturel ou développée : les travailleurs, dans les situations de fermeture, continuent massivement à se satisfaire des prestations sociales que leur propose un Etat du Bien-être de plus en plus faible et contesté. Les difficultés liées au statut juridique des coopératives dans le droit espagnol, tout comme la quasi-absence de prévisions par rapport à la Loi d’adjudication, associée à une certaine passivité alimentée par des décennies d’univers spéculatif et conformiste, constituent probablement des freins à la stratégie de récupération.

Ce qui assurément paraît de plus en plus évident, c’est le recours croissant au coopérativisme de la part de beaucoup de chômeurs qui, devant la situation d’anomie productive et d’absence d’expectatives pour retrouver un emploi, recourent à la possibilité de capitaliser une prestation de licenciement pour créer des entreprises autogérées. Les exemples sont innombrables (comme celui de la coopérative d’électricité renouvelable Som Energía, créée en décembre 2010) et, dans certains cas, ils démontrent des liens évidents avec les mouvements sociaux (comme ceux relatifs à la mise en œuvre d’expériences créées à l’image ou ressemblante à la Coopérative Intégrale Catalane, ou bien celles du milieu libertaire, comme celle de l’imprimerie graphique Tinta Negra – Encre Noire). Effectivement, entre janvier et mars 2012, 223 nouvelles coopératives ont été créées dans l’Etat espagnol.

Il n’y a pas de doutes. De nouveaux chemins sont en train d’être parcourus (NdT : tracés) par la société espagnole. Et, parmi ceux-ci, le chemin de l’autogestion commence à être de plus en plus courant.
http://www.autrefutur.net/Usines-recupe ... utogestion
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede altersocial » 23 Fév 2013, 10:26

Ebauches pour un projet autogestionnaire

Michel Fiant - juin 2005

À nouveau l'autogestion apparaît dans les pratiques et dans les mots.
Les mouvements d'émancipation se sont développés avec des périodes successives d'avancées et de reflux. Ce sont les mobilisations et les luttes populaires qui permettent les avancées, non sans échecs, non sans défaites. Mais ce sont les syndicats, les partis, voire les associations qui en conservent la mémoire, qui s'efforcent de tirer les enseignements de celles-ci et de celles-là et souvent alors prétendent à la direction des mouvements sociaux. Cette tendance va être considérablement renforcée, institutionnalisée, par la généralisation dans les pays "occidentaux" de la démocratie représentative. Les gouvernements y voyaient le moyen d'intégrer au système la classe ouvrière. Les guerres, les conquêtes coloniales et l'exaltation de la nation firent le reste.

LES PREMISSES DE L'AUTOGESTION
Aujourd'hui la démocratie représentative ne fonctionne plus. Le capital mondialisé en réduit constamment les compétences. Une nouvelle démocratie est à construire, pour nous c'est celle résultant d'une généralisation de l'autogestion, celle de la république autogérée.
Mais il ne suffit pas de se référer aux multiples expériences et tentatives ouvrières, d'autodétermination, d'autogestion qui marquèrent les deux siècles écoulés pour justifier une stratégie et un projet autogestionnaires pour le siècle qui commence. Certes, ces échecs obligent tous les courants politiques qui militent pour des transformations radicales de la société, à analyser finement et concrètement l'histoire des mouvements d'émancipation. Alors que sous la férule du capital mondialisé l'humanité entre dans une nouvelle zone de tempête cela devient même impératif ; Le système capitaliste, les institutions -nationales et mondiales- qui le structurent, nourrissent de nouvelles contradictions. Celles-ci engendrent de nouvelles dynamiques, de nouvelles contestations, appelant de nouvelles réponses, politiques, sociales, écologiques, culturelles.
On peut pour l'analyse distinguer cinq espaces sociaux ou se développent et se développeront des contestations majeure : l'entreprise, la cité, la civilité, l'écosystème, la mondialité. Mais il ne faut jamais oublier leurs interpénétrations, leurs conditionnements réciproques, leur totalité.

1- La production des biens, des services et des savoirs présente des transformations contradictoires. De graves régressions des rapports sociaux coexistent avec le développement du travail intellectuel, avec une "banalisation", une "socialisation" de la connaissance.
En Asie et à un moindre degré en Amérique latine s'est engagé un processus massif d'industrialisation et prolétarisation. Des pans entiers de la population ne peuvent échapper à une misère extrême qu'en acceptant des conditions de travail inhumaines rappelant le début du XIX° siècle européen.
Dans les principaux centres du capitalisme globalisé se produit un phénomène similaire mais aux proportions inverses. Vingt cinq ou trente pour cent des travailleurs sont jugés inaptes aux nouvelles conditions de la production et rejetés aux lisières de la société, par le travail à temps et revenu partiels, par le chômage, par l'exclusion. Les immigrés, les femmes sont les plus touchés.
Dans les services, l'administration et la production manufacturière le travail intellectuel tend à se substituer au travail manuel par le recours entre autres aux formalisations et aux simulations informatiques. Des couches nouvelles de salariés se développent, elles sont aussi soumises aux contraintes de la flexibilité, aux risques de délocalisation boursière.

2- Les institutions politiques qui gèrent la "cité", la société, ne peuvent plus fonctionner comme par le passé. La démocratie représentative est remise en cause.
La mondialisation financière et industrielle, la concentration extrême qui en résulte dans les principales activités économiques, réduisent la capacité des Etats à réguler les rapports sociaux et les obligent même à déléguer certaines fonctions souveraines.
Le droit, la justice, la monnaie sont de plus en plus largement gérés par des institutions internationales à l'abri de toutes sanctions électorales. Le maintien de l'ordre national et international tend à être l'ultime fonction des Etats jusqu'à redonner une surprenante actualité à la formule d’Engels "l'Etat c'est un groupe d'hommes armés".
La prétention des USA à s'imposer comme gendarmes du monde entier en est la plus dramatique démonstration. Mais l'hégémonie mondiale des Etats-Unis n'est possible que par l'étroite alliance, l'intrication, du capital, de l'Etat et de l'armée, c'est maintenant dans un système mondial hiérarchisé une exception.
De façon générale le dépérissement de la démocratie représentative conduit à la mise en place d’Etats autoritaires. Les Assemblées élues ne représentent pas les contestations populaires. La crédibilité des institutions politiques, partis compris, est de plus en plus affectée par cette régression générale de la démocratie.
La démocratie n'est pas à rénover mais à réinventer.

3- La société civile ou le champ sociétal
C'est l'espace ou se développent des contestations absentes, dans les époques antérieures, le féminisme, l'écologisme, l'altermondialisme.
C'est l'espace de l'association, du réseau relationnel plus ou moins formalisé, des nouveaux mouvements sociaux et donc du mouvement des mouvements.
C'est l'espace ou peuvent le mieux se construire et en tout cas se diffuser les représentations, tant idéologiques et mythiques que théoriques. C'est le lieu du débat c'est l'agora informelle.
L'entreprise, qui antérieurement, pouvait prétendre à ce rôle, n'intègre plus l'ensemble des contradictions, des dynamiques tendant à la transformation radicale de nos sociétés.

4- L'écosystème est en question.
La logique du profit provoque des catastrophes écologiques.
Face à cela, la contestation écologiste recourt aux manifestations d'opinion. Elle s'organise aussi en partis présents dans les diverses élections. En privilégiant la présence institutionnelle, ces partis se coupent d'une partie de leur mouvance.
La contestation écologiste ne peut s'attaquer aux causes fondamentales du "productivisme" qu'en s'attaquant au système capitaliste, qu'en établissant une alliance organique avec les autres mouvements sociaux et avec les peuples les plus touchés par les désastres écologiques.
L'écologisme, comme critique et comme action est une condition nécessaire d'un socialisme d'autogestion. Mais l'autogestion est nécessaire à la contestation écologiste, comme moyen et comme fin. L'enjeu est une réelle appropriation collective des nécessités écologiques par le mouvement général.

5- Le capitalisme est en survie.
Ce système et la société qu'il structure, sont en effet confrontés au développement de trois contradictions majeures articulées :
- entre la propriété privée et un savoir qui se socialise,
- entre la tyrannie réelle du capital et la démocratie formelle.
- entre l'exploitation du patrimoine naturel et culturel et la pérennité de l'humanité.
Une crise de civilisation paraît donc inéluctable. Le principal foyer de ce processus révolutionnaire est aujourd'hui en Amérique latine.
La longue transition dans laquelle l'humanité s'est déjà engagée ne peut s'accomplir sans ruptures, sans que l'exploitation capitaliste de l'espèce humaine et de la nature fasse place à d'autres rapports sociaux, sans que l'Etat s'efface au profit d'autres formes politiques. Si le choix ultime est toujours entre la barbarie et le socialisme, le socialisme ne peut plus être qu'autogestionnaire.
Cette révolution réclame un acteur, une stratégie, un projet de société. L'autodétermination, les pratiques et les formes autogestionnaires, conditionnent leur construction et leur appropriation par de larges masses populaires, elles ne suffisent pas. Le moyen et la fin doivent se développer concurremment.

UNE UTOPIE CONCRÈTE.
Pour aller plus avant il y a nécessité de synthèses, de représentations théoriques, d'une utopie.

1- Les mouvements sociaux organisent et plus ou moins représentent la contestation par les individus de rapports sociaux différenciés.
L'exploitation salariale ne subsume pas les dominations ou les contraintes du "genre", de l'habitat, de la culture, etc. Si les travailleurs et travailleuses constituent une classe en soi ils ne deviennent classe pour soi que par construction, au travers des luttes et des représentations communes. C'est cette construction que le marché et les institutions capitalistes tendent à limiter ou empêcher.
L'aliénation marchande, c'est la réduction idéologique des rapports sociaux à une confrontation -écrasante- entre l'individu et une société massifiée par le marché.
Les institutions de la démocratie représentative sont conçues pour éviter et contenir les débordements populaires.
Dans ce cadre les contestations sociales, politiques, écologiques, si elles restent sectorielles et partielles ne mettent pas en cause l'ordre existant. Indépendamment de leurs intentions, elles deviennent alors un facteur de régulation du système.

2- L'utopie, les utopies, sont une condition nécessaire d'un changement de système, d'un changement de civilisation. Ces utopies naissent de la critique, de la confusion, des modes de production vieillissants. Certaines restent confinées à un cercle étroit, d'autres trouvent un large écho.
L'utopie prenant corps, devenant mouvement, va être l'analyseur, le révélateur de possibles mais c'est seulement lorsque s'engagent des forces sociales puissantes, lorsque sont mises en évidence les contradictions fondamentales, lorsque des réponses effectives, pratiques, sont apportées aux dysfonctionnements qui les ont suscités que cette utopie s'affirme comme utopie concrète.

3- Les partis "ouvriers" - réformistes ou révolutionnaires- ont dans les périodes antérieures produit de telles utopies, de tels projets. Il apparaît à l'expérience que même les plus radicaux n'ont réagi qu'à des conditions spécifiques, voire à des contingences, sans jamais répondre aux besoins universels qu'ils prétendaient satisfaire. Aujourd'hui intégrés dans l'appareil d'Etat ou campant sur des analyses passéistes, ces partis seraient bien en peine de jouer le rôle d'intellectuel collectif qui était une de leur justification essentielle. Leur expérience fait partie du patrimoine commun des mouvements d'émancipation, mais dans la nouvelle étape que ceux ci ont entreprise ils s'avèrent globalement obsolètes.

4- L'intellectuel collectif qui nous est maintenant nécessaire s'esquisse.
Les forums sociaux mondiaux et continentaux sont des lieux qui plus que d'autres, favorisent leurs débats et confortent leurs interrogations. Donner une forme stable, une problématique explicite à ces réseaux devient indispensable. La multitude des expériences et des luttes, dans les différents contextes, doivent constamment nourrir nos problématiques.
Cela suppose de nombreux relais nationaux, régionaux et locaux. Les forums sociaux locaux, les centres sociaux autogérés et toutes les formes d'association que suscite la résistance à la marginalisation peuvent ici jouer un rôle qui dépasse les problèmes immédiats, tout en obligeant les différents partenaires à des propositions concrètes et intelligibles pour le plus grand nombre.
Cette refondation théorique et politique des mouvements d'émancipation ne dispense pas d'envisager et d'avancer dans la construction de nouveaux partis. Elle les obligent à une posture cohérente, intégrant l'ensemble des problèmes sociaux, politiques, écologiques.
Mais un parti autogestionnaire ne peut concevoir ses relations avec les autres composantes du mouvement d'émancipation sur le mode de l'hégémonie, pas plus que ses rapports internes ne peuvent être façonnés par le centralisme, même s'il se dit démocratique. C'est d'un parti-mouvement dont il maintenant question.

POUR UN PROJET AUTOGESTIONNAIRE.

1- Une trame essentielle se dessine nous semble-t-il, à partir de l'évolution/révolution dans laquelle l'humanité est engagée. La construction d'un projet autogestionnaire doit se faire en partant des contradictions du capitalisme et en intégrant les enseignements des initiatives et des luttes populaires, dans chacun des pays mais aussi des continents, de la planète. Trois axes majeurs semblent s'imposer.
- L'extension du travail salarié dans les pays dominants ou dominés, une exploitation et une concentration du capital sans précédents, accentuent fortement la polarisation sociale. L'unité des travailleurs et des travailleuses comme salariés, habitants et citoyens est impérative. Elle réclame de nouvelles structures de débats et d'initiatives.
- Les nouvelles techniques d'information et de communication appellent au développement du travail intellectuel, à l'implication individuelle. Elles autorisent aussi un contrôle permanent des salariés de tout niveau.
- La démocratie, conquête des siècles antérieurs, régresse mais les diverses contestations se retrouvent pour exiger un dialogue et des structures démocratiques. Il est donc fort possible que les lignes de rupture du système apparaissent sur ce terrain et non sur celui de l'entreprise.
Le développement d'une démocratie active dans les organisations populaires, dans les communes voire les entreprises et la nouvelle culture démocratique en résultant conditionnent un large rassemblement populaire et la minorisation des classes dirigeantes. L'appropriation par de larges masses d'un projet et d'une stratégie autogestionnaires -donc leur participation à son élaboration- sans garantir que les ruptures institutionnelles indispensables soient pacifiques rendrait cette espérance plus plausible.

2- Du passé au présent.
Une des raisons de l'échec de l'expérience soviétique, c'est le refus par les bolcheviks de l'autonomie de la gestion ouvrière. Les conseils ouvriers réduisent la démocratie à une représentation politique ; la pyramide des conseils limite l'expression des aspirations et des expériences. On peut y voir une des causes de l'exaspération du débat politique qui aboutit à l'interdiction des autres partis et à la suppression de fait du droit de tendances dans le parti bolchevick. De même, la transformation de la dictature du prolétariat en dictature du parti contribua fortement à la bureaucratisation du régime.
Durant la guerre d'Espagne qui vit s'affronter les républicains et les forces putschistes de Franco, les coopératives rurales et urbaines, en Catalogue notamment, construisirent une autogestion de résistance sans parvenir à réguler les échanges et moins encore à instaurer d'autres formes démocratiques.
La dernière expérience autogestionnaire, massive et durable fût celle de la Yougoslavie. Elle achoppa d'abord sur la limitation de l'autogestion aux entreprises, sous un contrôle étroit de la Ligue communiste, pour finalement être complètement soumise aux règles du marché national et mondial. Cette double limitation aboutit à la résurgence de nationalismes exacerbés.
Ces précédents et la complexité des rapports sociaux qui s'est développée depuis lors incitent d'une part à la généralisation de l'autogestion, mais aussi à son adaptation. On ne peut imaginer que la multiplication de coopératives suffise à réguler la production et les échanges. Pas plus que l'autonomie des communes ne pourrait répondre aux problèmes continentaux et mondiaux. Il faut sans doute concevoir et construire de nouvelles combinaisons de la démocratie directe et de la démocratie représentative. Il ne s'agit pas de revenir à la démocratie mixte prônée par Aristote, mais d'aller vers une démocratie active ou le plus grand nombre soit tour à tour impliqué dans la gestion des communes, des entreprises mais aussi des associations, des syndicats, des partis. L'enjeu c'est la généralisation d'une culture autogestionnaire au travers de pratiques apprenantes, politiques, sociales, économiques, écologiques.
Cette culture autogestionnaire est sans doute une condition nécessaire, une condition première, de la révolution au XXI° siècle même si sa généralisation suppose d'autres rapports de propriété, d'autres institutions politiques.

3- Quelles institutions ?
3.1- Les délibérations, les décisions et la gestion concernant les diverses activités sociales, économiques, politiques, culturelles doivent être chaque fois que possible, prises par les intéressés eux-mêmes.
3.2- Seules des assemblées populaires, larges sont habilitées à prendre les décisions majeures : plan, budget, lois-cadres, etc. Les délégués ayant un mandat explicite peuvent être récusés par l'Assemblée populaire et leur siège soumis à un nouveau scrutin.
Il s'agit de faire en sorte que ces assemblées s'inscrivent dans un véritable processus de débat, que les préoccupations du plus grand nombre soient directement prises en compte et que les choix essentiels ne soient pas délégués à une "élite" de politiques professionnels. Avec 10.000 membres.
3.3- Un conseil législatif est élu pour 5 ans à la proportionnelle intégrale, sur liste nationale. Il a pour mission d'élaborer les projets de lois et les décrets d'application, sur saisine de l'Assemblée correspondante ou de son propre chef. La rédaction finale des textes incombant aux Assemblées. Le mandat des membres d'un conseil, ne peut être renouvelé qu'une fois.
Des conseils régionaux sont élus avec des responsabilités et des modalités correspondantes. Les propositions sont nourries par la mémoire et la critique de l'évolution des rapports sociaux et des institutions, dans leur propre pays mais aussi dans ceux proches ou lointains.
3.4 - Des conseils économiques et sociaux sont élus, au niveau national et régional, par les travailleurs et travailleuses de toutes professions, par des collèges correspondants aux diverses branches de production des biens, des services et des savoirs.
Ces conseils ont pour vocation de préparer les documents nécessaires au plan et aux financements de diverses origines et de suivre leur mise en œuvre. Ils peuvent proposer au conseil législatif et aux assemblées les aménagements et les novations qui leur paraîtraient utiles.
L'appropriation, la socialisation des savoirs sont aussi conditionnées par une organisation et une représentation spécifiques.
3.5- Les procédures de l'autogestion, ne peuvent être celles de la démocratie de délégation. La démocratie autogestionnaire devrait être un régime qui reconnaisse l'individu et en même temps conforte la sociabilité et la socialisation. C'est la démocratie d'une société complexe ou des impulsions, des demandes et des réponses proviennent de centaines de milliers - voire davantage- de "foyers" autonomes mais interdépendants.
Il n'y a plus ici d'Assemblée et moins encore de gouvernement, censé représenter, constituer, le peuple souverain.
Nul ne peut aujourd'hui prétendre définir de façon certaine la nature et les rapports des instances d'autogestion, mais cela n'empêche pas d'y réfléchir.

4- Un gouvernement ?
Les fonctions législatives étant assurées par l'Assemblée populaire et les Conseils, le contrôle par les instances locales, le "gouvernement" se réduit à l'administration. Les actuels Ministères peuvent plus modestement devenir des Administrations centrales. En lieu et place du ministre, un secrétariat collégial constitué de délégués de l'Assemblée et des conseils, de représentants du personnel peuvent assurer la représentation de l'administration, la répartition des tâches et le suivi des missions.
De même au niveau national, une présidence collégiale peut assurer la représentation de la République autogérée et s'il en est besoin faire tourner cette responsabilité.
Et en matière de contrôle, les collectivités locales et les associations citoyennes, sous réserve de quelques moyens supplémentaires pourraient se substituer sur la base du volontarisme et pourquoi pas du tirage au sort, à la prolifération actuelle d’organismes confiés à quelques hauts fonctionnaires plus ou moins retraités, qui ont une activité et une efficience pratiquement nulles.

5- Fonction publique et fonctionnaires.
La première tâche est sans doute de "désétatiser" la fonction publique, de démanteler cet appareil qui génération après génération s'emploie - indépendamment des critiques et des réticences individuelles- à reproduire la domination matérielle et idéologique du capitalisme. Mettre en cause la prééminence des exécutifs c'est donner aux instances délibératives et législatives les moyens humains indispensables, c'est établir dans tous les domaines un dialogue entre des postures fonctionnellement différentes. C'est aussi ne pas contraindre les fonctionnaires à endosser systématiquement les options explicites ou implicites de ceux qui les dirigent. Cela au contraire leur reconnaître des responsabilités majeures dans la définition et l'organisation des travaux qui leurs incombent. L'éducation aujourd'hui suppose l'autogestion, dans les méthodes et les structures, pour que les nouvelles générations s'approprient le savoir, le savoir-faire, le savoir-vivre. Et l'éducation, bien sur, ne se limite pas à l'école.

6- Et pourtant l'Europe
Il semble assez évident que nulle transformation radicale ne pourra avoir lieu sans la construction d'un rapport de force, face notamment aux pouvoirs militaires et économiques des USA. Il y a donc un enjeu majeur, c'est celui de substituer à l'Europe des concurrences entre les travailleurs une Europe des solidarités. La conjonction, la construction des forces sociales et des courants politiques européens luttant pour une autre Europe devient urgente. Une des conditions de ce rassemblement est d'opposer aux institutions fondées sur le profit, les principes et les méthodes pouvant déboucher sur l'Europe des peuples.

7- Démocratiser la production.
Il faut des structures démocratiques spécifiques pour la production des biens, des services, des savoirs.
L'entreprise est le lieu où sévit l'exploitation capitaliste. C'est là que prioritairement les travailleurs construisent leur solidarité, où ils s'organisent comme classe.
L'appropriation par les travailleurs de l'ensemble des modalités de la production est une condition majeure de dépassement des diverses formes de l'aliénation capitaliste. Il n'est pas possible, au moins pour tout un temps, de réduire la démocratie des travailleurs à sa seule dimension citoyenne même si celle-ci est indispensable pour la mise en cohérence des attentes et des nécessités sociales.
Construire un modèle de référence pour l'autogestion de la production des biens, des services et des savoirs est à la fois plus compliqué et plus simple que lorsqu'il s'agit d'envisager les structures politiques de l'autogestion.
On doit prendre en considération les trois critères énoncés par Thomas Coutrot pour la mise en œuvre du socialisme d'autogestion, dans la sphère économique :
- la propriété sociale des entreprises
- la socialisation des décisions d'investissement
- la politisation du marché
Mais il faut en ajouter un quatrième c'est :
- l'organisation systématique de la coopération
Si l'autogestion est nécessaire partout ou presque, ces modalités devraient être différentes selon le statut des établissements considérés, selon l'importance qu'a leur activité pour la société, pour l'humanité. On propose de retenir comme hypothèse de travail une typologie sommaire permettant d'y réfléchir.
- les biens communs inaliénables que sont ou devraient être l'air, l'eau, la biodiversité...
- les biens publics, services assurant sans but lucratif, l'enseignement, la santé, la protection sociale, la recherche, les réseaux de transport, de télécommunications, etc.
- les biens sociaux constitués par la grande majorité des entreprises dépendant du marché mais encadré, qui peuvent être scindées, fusionnées, cédées, fermées mais dont le "capital" ne peut être privatisé.
- les biens privés dont la propriété et la jouissance sont individualisés, qui maison, commerce ou entreprise artisanale peuvent être librement vendus.
En fait la définition de ces catégories comme leurs conditions de gestion ressortent d'un choix politique. Ils doivent faire l'objet de délibérations tant pour les premiers actes que dans le cours de l'expérience et de l'évolution sociale et politique. D'autant que pour ces différentes catégories nous avons des contraires dialectiquement liés :
- le patrimoine et l'appropriation. Dans la grande majorité des cas cette "propriété" n'est plus que virtuelle, la société toute entière est le propriétaire éminent. Mais ses représentants vont se trouver confrontés à la nécessité d'une pleine implication des personnels, donc à une définition commune des objectifs et des moyens.
Pour les biens inaliénables comme pour les biens publics ce sont les instances de la démocratie citoyenne, qui aux divers niveaux, après les délibérations nécessaires, déciderons s'il y lieu de modifier les structures, de les scinder, de les unifier, de les dissoudre. Mais les collectifs de gestion ont leur mot à dire, leurs propositions à faire et donc le personnel aussi, lors de ses assemblées et par ses représentants dans les organes de gestion.
Les biens sociaux réclament des modalités particulières de contrôle du patrimoine. C'est à une ou plusieurs, Union des coopératives de production que devrait revenir cette tutelle. Chaque coopérative ayant la responsabilité de proposer les aménagements qui lui sembleraient nécessaires. L'Union ayant droit de décision et pouvant aussi prendre en charge la gestion en cas de défaillance. Des procédures et des instances d'arbitrages s'avéreront donc sans doute nécessaires.
- le patrimoine et sa gestion : en matière de gestion il y a une différence essentielle entre d'une part les biens inaliénables et les biens publics et d'autre part les biens sociaux. Dans le premier cas ce sont les instances politiques représentatives qui désignent la majorité des administrateurs, dans le second cas c'est au collectif des travailleurs qu'il revient de l'élire. En tout état de cause même minoritaire les travailleurs doivent avoir une représentation dans les conseils de gestion, ainsi que les associations. La communauté d'implantation et s'il y a lieu la région peuvent aussi prétendre à une représentation permanente dans les conseils des entreprises gérant des biens sociaux.

SUR LA STRATÉGIE ET LES REVENDICATIONS TRANSITOIRES

1- les contradictions du capitalisme provoqueront nécessairement, à court ou moyen terme des crises, mais nul n'en peut prévoir le moment, le lieu, les causes immédiates. Il faut donc, dans cette phase de maturation, rassembler, construire, les acteurs sociaux, le projet, la stratégie, permettant d'affronter le système capitaliste. Il faut une mobilisation populaire large et durable, touchant au départ au moins un continent, pour concrètement mettre en question le capitalisme mondial. Cela suppose, pour réunir ces conditions, une expérience et une réflexion d'une durée non négligeable. La tache première est de favoriser toutes les initiatives, toutes les luttes, tous les débats, qui peuvent contribuer à cette auto-construction.

2- Dans cette phase la dénonciation, la délégitimation de la domination et de l'exploitation, des pouvoirs capitalistes sont indispensables. Cela ne suffira pas à créer les conditions d'un affrontement frontal et moins encore d'un succès populaire.
D'une part le capital désormais est mondial, quelquefois encore continental, mais ce qui n'est que national est devenu subsidiaire. Face à des menaces mettant en cause ses biens ou ses positions dans des pays mineurs, l'Empire n'hésite à faire donner les troupes des Etats dominants, mais si les troubles atteignent ceux-ci il lui sera difficile de détruire ses biens et ses amis. La sanction sera alors économique, le retrait des capitaux flottants, le transfert des activités financières et industrielles dans des zones plus sures. Il faut donc préalablement que le plus grand nombre soit, par expérience convaincu de la possibilité de ruptures et de l'existence d'alternatives concrètes.
C'est, tout au moins en Europe, une stratégie de contournement qu'il faut alors envisager ; stratégie dans laquelle des avancées partielles, sur des terrains ne paraissant pas vitaux pour le système, devraient renforcer l'autonomie et la solidarité des forces populaires et accroître les contradictions endogènes du capitalisme.

3- IL faut mettre sous une pression constante les oligopoles, en se souvenant de l'importance qu'ils attachent aujourd'hui à leur image. Leurs implantations, leur politique commerciale et industrielle, leurs pratiques financières, les conditions de travail de leurs salarié(e)s ou celles des entreprises sous-traitantes, les atteintes éventuelles à la sécurité des populations, à la biosphère, leur "empreinte" écologique ; tout doit être mis en évidence, passé au crible. Il y a quelques 500 groupes qui directement et indirectement dominent l'économie mondiale. Il doit bien y avoir 5 ou 10 000 syndicalistes qui détiennent l'essentiel des informations nécessaires et sans doute autant internautes qui seraient ravis de traquer l'information cachée. Qui prendra l'initiative dans les prochains forums sociaux mondiaux de tisser méthodiquement ce réseau ?

4- La solidarité des forces populaires semble pouvoir se construire autour de 4 thèmes essentiels : la démocratie, les services publics, les solidarités internationales, l'écosystème. D'évidence sur ces terrains des aspirations, des volontés se font jour. Mais il faut là aussi s'interroger sur les pratiques, sur nos pratiques. Les comités de quartier, les municipalités, les partis -de gauche s'entend car nous n'allons pas exiger de la droite qu'elle se convertisse à la démocratie participative...- les syndicats, les associations doivent être interrogés sur leur mode de fonctionnement. Certains très connus et importants dans le mouvement altermondialiste, ne sont pas sur ce plan à l'abri de critiques.

5- Les services publics peuvent être défendus s'ils sont considérés d'abord comme condition de citoyenneté. C'est comme citoyens et non comme usagers, que nos pouvons convaincre les salariés EDF qu'il faut miser sur les énergies renouvelables et battre retraite sur le nucléaire. Car un problème nous est posé à tous ; comment faire en sorte que les citoyens soient convaincus que ces services sont encore ou peuvent redevenir "publics", ce n'est sans doute pas d'abord un problème de statut mais de respect des attentes citoyennes et de construction de liens effectifs avec le mouvement associatif.

6- Développer les dynamiques contradictoires de la propriété privée et de la généralisation des savoirs ne va pas de soi. C'est faire reconnaître le savoir comme un bien public et la coopération comme une forme indispensable de rapports sociaux. C'est faire des luttes des chercheurs une vraie cause populaire, c'est donner un contenu sans ambiguïté à une sécurité sociale de l'emploi, garantissant le travail, le revenu et la formation, c'est développer les coopérations dans les diverses activités sociales, c'est favoriser le redéploiement des coopératives de production entre autres dans les services de proximité et l'artisanat. Il serait d'ailleurs utile de disposer d'un dossier sur le montage de SCOP, permettant de proposer rapidement des solutions réalistes aux salariés d'entreprises menacées de délocalisation, de faillite ou en déshérence.

7- Les partis écologistes se sont maintenant -pour la plupart- installés dans les assemblées élues, en fait dans le régime capitaliste. Ils ont crû que les causes du désastre écologique étaient idéologiques, l'accusé était le "productivisme". Ils ont privilégié la dénonciation plutôt que les mobilisations de masse et imaginé qu'ils pouvaient ignorer les autres mouvements sociaux. Leur échec est maintenant évident. Il faut redonner une expression politique à l'écologisme "social". La défense et le développement du réseau ferroviaire en Europe donne la possibilité de faire converger les syndicats de cheminots, les défenseurs des services publics et les écologistes. Un tel rassemblement ouvrirait d'autres possibilités de convergences et de luttes. Il y a là une carte majeure à jouer pour la gauche radicale et notamment pour les Alternatifs.

Michel Fiant, le 1er Juin 2005
Texte initial synthétisé par Richard Neuville pour sa présentation lors du FSMed à Barcelone
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 02 Mar 2013, 00:57

Andalousie : des centaines d’ouvriers se réapproprient des terres livrées à la spéculation
article Basta mag : http://www.bastamag.net/article2955.html
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 07 Mar 2013, 12:19

Du secteur vidéo de la CNT-f , sur l'autogestion, " Les patrons sont-ils indispensables ? "
http://www.cnt-f.org/video/videos/63-co ... spensables
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 02 Avr 2013, 01:57

Marinaleda, comment ça va ?
article et vidéos :
http://utoplib.blogspot.fr/2013/03/mari ... ca-va.html
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 07 Avr 2013, 13:54

Trois émissions de radio sur le sujet en expériences sur "SONS EN LUTTES"

A l’occasion des rencontres de CROAR (Colectivos Rurales de Okupacion y Agitacion en Red) à Somonte en Andalousie en décembre 2012, entretiens autour d’expériences rurales d’organisation collective en Andalousie et Catalogne.

. l’occupation de la finca Somonte en Andalousie, avec Lola, qui vit sur place :
http://www.sonsenluttes.net/IMG/mp3/somonte.mp3

. la RAM, Red de Apoyo Mutual, réseau d’appui mutuel autour de lieux collectifs dans la région de Cordoue, avec trois personnes qui y participent :
http://www.sonsenluttes.net/IMG/mp3/red ... mutual.mp3

. Can Piella, lieu occupé en Catalogne, avec Eric qui vit sur place :
http://www.sonsenluttes.net/IMG/mp3/Can_Piellat.mp3


http://www.sonsenluttes.net/spip.php?article589
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede luco » 08 Mai 2013, 19:31

5- Le capitalisme est en survie.
Ce système et la société qu'il structure, sont en effet confrontés au développement de trois contradictions majeures articulées :
- entre la propriété privée et un savoir qui se socialise,
- entre la tyrannie réelle du capital et la démocratie formelle.
- entre l'exploitation du patrimoine naturel et culturel et la pérennité de l'humanité.


Tant qu'on parlera comme ça, comment voulez-vous que les millions de chômeurs européens se tournent vers les courants alternatifs ?

Une organisation sociale juste est une organisation qui permet à chacun de vivre et de participer (au travail, comme dans la vie politique) à la construction du présent et de l'avenir en respectant les rythmes de reproduction des équilibres écologiques.

Bref : partage du travail entre tous, moins, mieux. Participation civique pour tous et égalité pour tous.

Le communisme libertaire doit être mis en perspective à partir de ces exigences (qui font cruellement défaut à celles et ceux qui subissent le système capitaliste).

Proposer, s'engager, faire.
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede daniel » 10 Mai 2013, 23:58

luco a écrit:
5- Le capitalisme est en survie.
Ce système et la société qu'il structure, sont en effet confrontés au développement de trois contradictions majeures articulées :
- entre la propriété privée et un savoir qui se socialise,
- entre la tyrannie réelle du capital et la démocratie formelle.
- entre l'exploitation du patrimoine naturel et culturel et la pérennité de l'humanité.


Tant qu'on parlera comme ça, comment voulez-vous que les millions de chômeurs européens se tournent vers les courants alternatifs ?

Une organisation sociale juste est une organisation qui permet à chacun de vivre et de participer (au travail, comme dans la vie politique) à la construction du présent et de l'avenir en respectant les rythmes de reproduction des équilibres écologiques.

Bref : partage du travail entre tous, moins, mieux. Participation civique pour tous et égalité pour tous.

Le communisme libertaire doit être mis en perspective à partir de ces exigences (qui font cruellement défaut à celles et ceux qui subissent le système capitaliste).

Proposer, s'engager, faire.


Bonsoir luco ! Bonsoir tout le monde !

Effectivement ... Le partage du travail est important ... Mais ... Il me semble ... Aussi ... Que les revenus sociaux deviennent inconditionnels ... D'une part ... Pour ne plus être soumis au contrôle ... D'autre part ... C'est le meilleur moyen d'être considéré comme un citoyen à part entière ... Et non ... Comme un sous citoyen ... sm 26
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