Autogestion : théories, pratiques et critiques

Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 16 Sep 2017, 11:42

Saint-Denis (93) samedi 16 septembre 2017

Rencontre nationale des coopératives alimentaires autogérées

Partager nos savoirs pour développer des coopératives alimentaires

Alors que la "Grande Distribution alimentaire" est devenue le fournisseur principal des ménages et que les "alternatives" se dévoient dans les mêmes logiques mercantiles avec des chaînes comme Biocoop ou Naturalia (une filiale du groupe Casino), il semble plus que nécessaire de reprendre en main les espaces de commercialisation de notre alimentation.

Au delà des AMAP et autres groupements d'achats, il convient aujourd'hui de créer sur nos espaces de vie des petites coopérative alimentaires autogérées. Ces dernières, en remettant au premier plan les principes de l'éducation populaire, permettront aux citoyens de partager leurs connaissances et leurs savoirs. Elles permettrons aussi une plus grande solidarité pour accéder à des produits bio ou de qualité en pratiquant des prix bas. Enfin, elle permettront aux "petits" producteurs et grossistes de maintenir leur activité et développer l'emploi.

Image

Programme:

11h - Ouverture à 11h de l'espace pour déjeuner vers midi.
Accompagnement musicale par le « Collectif Enchanté » de St-Denis.

13h30 - Rencontre/Débat avec Maëla NAËL, des Champs des Possibles (coopérative d'activité agricole et rurale, couveuse d'activités agricoles).

15h - Rencontre-présentation de différentes coopératives alimentaires autogérées :
• L'Indépendante à Paris, (75008)
• Coopaparis à Paris (75018),
• Coopali à Champigny-sur-Marne, (94500),
• Diony-Coop à St-Denis (93200),
• l'Epi Casterfortain à Châteaufort (78117),
• et d'autres à venir...

16h - Discussions libre avec le public et les intervenants/tes.

17h - Musique avec le Bal U et le BALLAFOND.

Tables :
• Table de presse des Editions Libertaires.
• Tables de presse des différentes coopératives alimentaires,
• Table de légumes avec Damien, maraîcher à Ezanville
• Table de la coopérative « la Clémenterie » en Ardèche,
• Table de la coopérative « TERRA LIBRA » de Nantes,
• Table des « Jardins de Julie » à St-Ouen.
• Table de la coopérative "ANDINES" de St-Denis,

Bar et restauration : Pizza, crêpes, Comté.

Rencontre et débats enregistrés par Radio Libertaire 89,4Mhz.

http://www.dionyversite.org/
http://www.amap-court-circuit.org/
http://dionycoop.org/
https://coopaparis.wordpress.com/

https://paris.demosphere.eu/rv/56479
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 21 Sep 2017, 19:51

L’une des premières fermes françaises en coopérative : de jeunes paysans explorent une alternative prometteuse

En Indre-et-Loire, la Coopérative paysanne de Belêtre est l’une des premières fermes françaises a avoir adopté, en novembre 2016, le statut de société coopérative de production (Scop). Une manière, notamment, d’éviter le piège du surendettement, et de garantir à ses salariés-paysans une protection sociale digne de ce nom. Mathieu, Lucie, Martin, Marion et Étienne expliquent les raisons et les modalités d’un choix aussi pratique que militant, et qui pourrait bientôt inspirer d’autres agriculteurs en quête de nouvelles solutions.

... https://www.bastamag.net/Une-ferme-en-S ... rometteuse
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 11 Oct 2017, 16:02

Rojava, une utopie au cœur du chaos syrien

Lors de leur bataille contre l’organisation de l’État islamique, des Kurdes et d’autres peuples du nord de la Syrie tentent de mettre en place au Proche-Orient un projet politique original, ce qu’ils appellent le « fédéralisme démocratique ».

Ce projet est contraire au projet religieux d’une bonne partie de l’opposition syrienne, mais s’oppose aussi au projet arabe nationaliste du gouvernement syrien. Et comme si cela ne suffisait pas, ils s’opposent également à un Kurdistan indépendant. « Nous ne voulons pas un Kurdistan indépendant pour les Kurdes, mais une fédération démocratique et pluraliste pour tout le monde », disent-ils.

De Qamishli à Kobané, de Membij à Rakka, ce reportage décrit la laborieuse tentative d’une nouvelle expérience politique en Syrie, malgré les obstacles de la guerre et d’un embargo étouffant.

Ce film est la version vidéo du reportage publié dans Le Monde Diplomatique de septembre 2017 avec le même titre.

Durée 45 min.
Tourné en juillet 2017.




http://orientxxi.info/magazine/rojava-u ... yrien,2030
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 15 Oct 2017, 16:38

Le confédéralisme démocratique au Kurdistan

Le confédéralisme démocratique au Kurdistan

I- Le confédéralisme démocratique au Kurdistan

La région Kurde est en train de se transformer. Les populations s’organisent au sein des assemblées populaires et des coopératives, se déclarant autonomes vis-à-vis de l’État et exprimant leur aspiration à une vraie démocratie. Les idées féministes et anticapitalistes y fleurissent. Ces changements trouvent leur inspiration dans un nouveau concept : le confédéralisme démocratique. Ces mouvements ont la capacité de transformer la réalité de millions de personnes au Kurdistan, ainsi que de s’étendre sur toute la région du Moyen-Orient. L’année dernière, nous nous étions rendus au Kurdistan de Turquie, appelé Bakur, et dans la région autonome majoritairement Kurde de Syrie, le Rojava. Cet article examine à la fois la théorie et la pratique du confédéralisme démocratique de ces deux régions et ouvre une discussion sur comment mettre en œuvre notre solidarité tout en gardant une perspective à la fois critique et honnête.

[…]

La Commune

La commune constitue le premier niveau du système des conseils au Rojava. De manière générale, les communes urbaines comptent entre 30 et 40 maisons, alors qu’à la campagne il s’agit du village entier. Il y a une réunion bi-hebdomadaire à laquelle participe toute la population de la commune et où un conseil d’administration est élu. Ce dernier se réunit toutes les semaines, et tout-e-s les membres de la commune ont le droit d’y participer. Chaque poste doit être tenu par une femme et un homme. Tout.e.s les représentant-e-s sont révocables par les membres de la commune.

Nous nous sommes rendus au Mala Gel, la maison du peuple, gérée par la commune de Sehit Hozan dans la ville d’Amud, dans le canton de Cizîrê, ou nous avons pu discuter avec le co-président. La commune est composée d’environ 400 familles du quartier qui élisent le conseil d’administration de la commune. On nous a expliqué qu’au sein de la commune existent des commissions chargées de la gestion des services, de l’économie, de l’éducation en langue Kurde, de l’auto-défense, de la réconciliation et de la justice.

La commission de la réconciliation et de la justice cherche à résoudre les problèmes entre différent.e.s membres de la commune. On nous a expliqué que la commission a récemment été félicitée, pour la médiation qu’elle a menée suite à un accident de voiture, ainsi que pour la gestion d’un désaccord sur l’appartenance d’un terrain. On nous a dit que la commission arrive souvent à trouver une solution à ce type de problèmes.

La commission de l’auto-défense organise l’auto-défense armée de la commune. Les unités ainsi créées agissent en autonomie par rapport aux unités des YPG/YPJ et des forces de sécurités, nommées Asayis.

Il y a des réunions publiques organisées par la commune. Nous nous sommes fait inviter à l’une d’elles, organisée par la commune de Sehit Hozan. Plus de 50 hommes et femmes des alentours y ont participé, et deux des sujets de discussion étaient le capitalisme et le féminisme. La discussion a eu lieu en langue Kurmanji (langue Kurde parlée au Rojava), avec une traduction en Arabe.

Le Conseil Communautaire du Quartier/Village et le ‘Niveau du District’

Le conseil d’administration de chaque commune envoie des représentant.e.s au Conseil du Village/Quartier, ce dernier étant une structure composée de 7 à 30 communes, selon les régions.. Ensuite, le Conseil du Village/Quartier est chargé d’élire un conseil d’administration, et c’est ce dernier qui sera leur représentant dans le troisième niveau de l’administration, appelé le ‘Niveau District’.

Le district est composé de représentant-e-s du conseil d’administration du deuxième niveau (Conseil du Village/Quartier). En plus de cela, des places sont réservées à 5 représentant.e.s issu.e.s de partis politiques et d’organisations de la société civile au sein du TEV-DEM*.

* TEV-DEM : Mouvement pour une société démocratique. Structure (équivalent -au Rojava- du DTK du Bakûr) englobant les mouvements et organisations sociales, et les délégués des conseils, qui participent au “confédéralisme démocratique”. Lire aussi “Appel du TEV-DEM”

Lors d’une rencontre à Kobanê avec l’Union de la Jeunesse Démocratique (connue auparavant sous le nom de Jeunesse Révolutionnaire), qui fait partie des organisations de la société civile auxquelles sont réservées des places au niveau du District, on nous a expliqué que :

« Les buts de notre organisation sont l’égalité hommes-femmes et la protection de l’environnement. Notre organisation n’existe pas que pour les jeunes Kurdes, il y a aussi des membres Arabes, Arménien.ne.s et Turkmènes. »

Le Conseil Populaire du Kurdistan Ouest (MGRK)

Le quatrième niveau du système des conseils s’appelle le Conseil Populaire de Kurdistan Ouest (MGRK), composé des représentant-e-s de tous les conseils de districts et des organisations du TEV-DEM. Alors qu’un des buts principaux du MGRK est la mise en place de la coordination entre les trois cantons du Rojava, la situation de guerre actuelle empêche ses membres de se réunir tout-e-s au même endroit.

À chaque niveau du système des conseils, en commençant par la commune, existe un Conseil des Femmes. Ces conseils sont mis en place par l’organisation des femmes Yekîtiya Star (renommé Kongira Star). Lors d’une rencontre à Kobanê, on nous a expliqué que des femmes de cette organisation participent à chaque conseil de commune et organisent des stages d’empowerment* destinés aux femmes.

* Empowerment : terme emprunté à l’anglais qui signifie grosso modo “prendre confiance dans son propre pouvoir”.

Le Contrat Social

En janvier 2014, un contrat social pour les trois cantons de Rojava a été rédigé par 50 partis politiques et des organisations. Il s’agit d’une tentative d’élargir la participation politique de la population au Rojava. Le texte met l’accent sur l’égalité des genres et l’égalité des droits pour toutes les peuples et ethnies, le droit à l’enseignement dans sa langue maternelle et la garantie pour tout.e.s les demandeur.se.s d’asile de ne pas être expulsé.e.s. Le texte invite les autres régions syriennes à adopter le modèle des cantons dans le but de créer d’autres régions autonomes qui puissent travailler ensemble au sein d’une confédération.

Le Contrat Social pose les fondations pour la création de gouvernements, appelés Administrations Démocratiques Autonomes ou Auto-Administation Démocratique, dans les trois cantons du Rojava. Selon ce contrat, ce sont les conseils législatifs, élus par la population, qui nomment ensuite les conseils exécutifs. Au moment où nous écrivons ce texte, ces élections n’ont toujours pas eu lieu et le conseil législatif est toujours composé des partis politiques et des organisations signataires de la charte et qui travaillent ensemble avec des représentant-e-s des différents groupes ethniques.

On nous a parlé de l’idée d’allouer 40 % des sièges de l’Assemblée Législative aux MGRK de chaque canton, afin d’intégrer le système des conseils à l’Administration Démocratique Autonome.

Lorsque les fonctionnaires d’Assad ont quitté la région en 2011, les conseils municipaux du régime ont été renversés. Selon le nouveau contrat social, ces conseils municipaux seront gérés par le Conseil Exécutif concerné. Les premières élections de ces administrations municipales ont eu lieu en 2015.

II- Appel à une solidarité critique

Quand on parle du Kurdistan, et plus particulièrement du Rojava, le débat se focalise sur la question de la perfection de la révolution. Nous nous demandons souvent si la société du Rojava est utopique ou non, alors que nos propres mouvements sociaux sont encore très loin de l’être.

Le débat est souvent polarisé entre une position de soutien sans équivoque à tous les aspects de la révolution, et une position disant qu’en raison des imperfections de l’expérience menée au Rojava nous ne devrions lui apporter ni attention ni soutien.

Nous nous positionnons très clairement pour une position de solidarité critique, pour garder du recul et un regard non-dogmatique qui voit les mouvements sociaux au Bakur et au Rojava pour ce qu’ils sont. Afin de critiquer les aspects négatifs tout en étant solidaires des mouvements positifs de libération qui sont en cours, que ce soit la résistance contre Daech, les luttes pour l’autonomie, la résistance contre la répression de l’Etat turc, les mouvements féministes, anti-capitalistes et coopératifs. Ces mouvements peuvent transformer la société tant au Kurdistan que dans le reste du Moyen-Orient.

Ceci dit, certains aspects de la situation au Rojava méritent que nous gardions un regard critique.

Par exemple, pour le moment les partis politiques et les organisations militaires et sécuritaires qui leur sont associées, détiennent beaucoup de pouvoir au Rojava et au Bakur. Au DTK* du Bakur et au sein du système des conseils au Rojava, des sièges sont réservés aux représentant.e.s des partis politiques. Cela garantit que les partis politiques gardent une voix dans les structures du confédéralisme démocratique, qu’elle représente ou non la vision des gens exprimée dans les assemblées populaires.

* DTK : Congrès pour une société démocratique. C’est une plate-forme d’associations et de mouvements kurdes en Turquie qui développe depuis 2011 son modèle “d’autonomie démocratique” en tant qu’organisation “faîtière” confédérale.

Beaucoup de celles et ceux qui participent au mouvement expliquent que ces partis politiques ne sont présents que parce que le mouvement en est encore à ses débuts, et que, dans l’avenir, on n’en aura plus besoin. Quoi qu’il en soit, il est évident que ces partis sont un endroit où le pouvoir pourrait être consolidé. L’écrivain kurde, Ercan Ayboğa, nous a exprimé son espoir que le pouvoir bascule vers les communes :

« Les partis politiques sont des instruments politiques et idéologiques qui jouent un rôle spécifique. Au fur et à mesure des dernières années, ce rôle a diminué dans la vie politique. Les structures auto-gérées, comme entre autres celles des femmes et des jeunes, sont devenues plus importantes. Ce sont des processus lents parce que, depuis des décennies, le peuple kurde ne pensait qu’avec les catégories des partis politiques, et changer cela prend du temps. »

Les conseils exécutif et législatif du Rojava font aussi partie des corps politiques qu’il faudrait examiner d’un œil critique. Selon la théorie du confédéralisme démocratique, ces corps politiques ne devraient qu’appliquer les décisions des conseils. Mais il reste à savoir si le pouvoir restera entre les mains des communes ou s’il basculera vers le niveau parlementaire. Comme l’a exprimé l’anarchiste Kurde Zaher Baher :

« J’ai l’impression que, tant que le pouvoir du DSA (Administration Démocratique Autonome) augmente, c’est le pouvoir du TEV-DEM qui diminue, mais le contraire pourrait aussi être vrai. »

Il nous semble aussi que l’existence d’une force de sécurité centralisée, l’Asayîs, agissant plus ou moins indépendamment du système des conseils, va forcément à l’encontre du concept du pouvoir des communes. Mais dans le contexte actuel de guerre civile et des attaques de Daech, le besoin d’une sécurité efficace s’impose et nous étions très reconnaissants envers les multiples checkpoints des Asayîs qui ont assuré notre sécurité lors de notre visite en 2015. Beaucoup de militant.e.s du mouvement, y compris des membres des Asayîs, insistent sur le fait que ces dernières se dissoudront lorsqu’on n’en aura plus besoin. La mise en place des forces armées d’auto-défense par les communes s’inscrit dans les démarches pratiques déjà entamées pour parvenir à ce but. Bedrain Gia Kurd, nous a expliqué que le TEV-DEM (dont il est membre) soutient activement les communes pour la mise en place des unités d’auto-défense. Grâce à ce processus, les Asayîs n’ont pas le monopole de l’usage des armes au Rojava.

Les forces les plus puissantes au Rojava sont probablement les Unités de Protection du Peuple (YPG) et les Unités de Protection des Femmes (YPJ). C’est à ces forces que l’ont doit la survie du confédéralisme démocratique. Mais quel pourcentage de la population du Rojava a vraiment son mot à dire sur les alliances formées par ces organisations militaires ? La nature aléatoire de l’alliance avec les États-Unis, peut-être nécessaire pour gagner la guerre contre Daech mais qui, nous semble-t-il, pourrait potentiellement menacer la révolution sociale populaire du Rojava, en est un exemple.

Lorsque Kobanê a été assiégée par Daech en 2014, les États-Unis ont commencé, à contrecœur et tardivement, à bombarder Daech en coordination avec les forces YPG et YPJ. Le soutien aérien des États-Unis fut un facteur décisif pour la libération de Kobanê. Depuis, la coopération avec les Américains dans la guerre contre Daech s’est renforcée.

Beaucoup d’habitant.e.s du Rojava regardent cette alliance d’un œil critique. Lors d’une discussion avec Bedran Gia Kurd du TEV-DEM, il nous a dit que :

« La coopération avec l’armée des États-Unis est quotidienne car nous avons le même ennemi, mais il n’y a pas d’accord à long terme. Il n’y a aucune garantie par rapport à cette coopération ; c’est temporaire. Peut-être que dans l’avenir elle n’existera plus. Une coopération future serait basée sur la protection de nos principes. De ce fait, si cette alliance met en péril ou en question notre projet, alors on la refusera. »

Cependant, comme l’a expliqué Zaher Baher, Saleh Muslim -le coprésident du PYD- avait exprimé un point de vue totalement différent lors d’un entretien avec l’Institut Kurde de Washington :

« Les États-Unis sont une grande puissance qui encourage la démocratie de manière globale et qui tente de la développer et disséminer de par le monde entier ».

Certain.e.s membres du PYD ont appelé à un investissement commercial international au Rojava, sans pour autant prendre en compte que cela nuirait à tout mouvement allant vers une économie anti-capitaliste et coopérative au Rojava.

De telles déclarations pourraient bien sûr s’inscrire dans une stratégie pragmatique de la part des politicien.ne.s afin de gagner un soutien international dans leur lutte d’autonomie et pour la guerre contre Daech. Mais, dans le meilleur des cas, ces politicien.ne.s sont en train de jouer un jeu très dangereux ; et dans le pire des cas, ils et elles ne sont pas du tout d’accord avec les éléments anti-capitalistes et anti-impérialistes du mouvement.

Un autre sujet sensible est celui de la vénération du personnage de Abdullah Öcalan. Dans quasi chaque interview que nous avons fait au sujet du confédéralisme démocratique, nos interlocuteurs nous disaient que leurs idées venaient de leur leader. Cette habitude de se référer à Öcalan va à l’encontre du principe du pouvoir du peuple à transformer la société. Comme l’a exprimé Zaher Baher :

« Depuis un certain temps, dans ses livres et textes récents, Öcalan a dénoncé et rejeté l’État ainsi que l’autorité. Par contre, je ne l’ai jamais entendu rejeter sa propre autorité ni dénoncer ces gens qui lui donnent l’appellation de grand leader et qui mettent tout en œuvre pour lui donner une position sacrée. L’attitude d’Öcalan ne sera correcte que lorsqu’il rejettera son autorité ainsi que sa position de leader. »

Nous avons entendu parler de certaines œuvres d’Öcalan, qui ne sont pour l’instant disponibles qu’en allemand, et dans lesquelles il remet en question son rôle de leader. Nous n’avons pas vu de versions traduites de ces écrits. Mais la question ne se pose pas seulement sur le fait qu’Öcalan lui-même rejette son rôle de leader ; elle doit aussi se poser sur le fait qu’il soit vu et traité en tant que tel par une grande partie des gens participant au mouvement du confédéralisme démocratique. Cette constante est particulièrement frappante au sein du mouvement des femmes, lorsque d’un côté elles déclarent lutter pour l’auto-organisation des femmes, et de l’autre disent que leurs idées viennent d’Öcalan.

Concernant notre solidarité avec le développement du mouvement du confédéralisme démocratique, nous pensons que la solidarité la plus pratique que nous puissions apporter n’est ni un rejet total des mouvements positifs en raison des imperfections du mouvement, ni d’en parler d’une manière systématiquement élogieuse. Plutôt, nous voulons maintenir notre position de camarades qui apporte un soutien honnête au mouvement, d’un.e ami.e qui n’a pas peur d’agir en solidarité avec ceux et celles qui luttent pour une société meilleure, et qui n’a pas peur non plus d’en parler de manière honnête, ouverte et critique.

Mouvements populaires capables de transformer la société

Des idées anti-capitalistes, féministes, anti-autoritaires et anti-étatiques sont en train de fleurir parmi les mouvements du confédéralisme démocratique en cours au Rojava et au Bakur. Ces mouvements sont capables de changer la réalité sociale de millions de personnes. Ces changements sont en train d’être formulés par des mouvements populaires inspirés par des idées révolutionnaires et non pas par des politicienne.e.s ou des institutions gouvernementales.

La création des communes et des assemblées au Bakur et au Rojava a permis de valoriser et de donner le pouvoir aux personnes afin de prendre les décisions qui concernent leurs vies, auparavant contrôlées par l’État. Par exemple, des tentatives créatives de mettre en place des méthodes pour gérer différemment les problèmes liés aux comportements problématiques ont vu le jour au Rojava depuis que les communes y sont établies. Comme décrit plus haut, chaque commune possède une commission de justice et de réconciliation dont le but est la gestion des problèmes qui surgissent au sein de la communauté. Pour ce qui concerne les incidents plus sérieux comme le meurtre, il existe un “tribunal populaire” au niveau de chaque district dont les juges sont élu.e.s par la commune. Ces juges ont effectivement le pouvoir d’envoyer des gens en prison mais, comme l’a exprimé Ercan Ayboğa, militant kurde originaire de Bakur ayant visité le Rojava :

« Il y a toujours des prisons au Rojava mais il y a peu de prisonnier.e.s. Dans la petite ville de Serekaniye, par exemple, le nombre de prisonnier.e.s est de 20 comparé à 200 à l’époque d’Assad. Les tribunaux essaient au maximum d’éviter d’envoyer des gens en prison. Ils tentent d’autres méthodes comme, par exemple, envoyer quelqu’un.e travailler dans une autre ville ou région, demander à certain.e.s personnes de quitter une région ou un lieu pour un temps défini, ou en appliquant une peine éducative ou une formation pour la personne accusée. »

Selon Ercan, ce système reste néanmoins critiqué par une partie de la population du Rojava. Certain.e.s personnes ont même commencé à tenter une alternative appelée la “Plateforme de Justice”, nouveau système au sein duquel la commission de la justice et de la réconciliation peut demander du soutien en cas de problèmes graves en formant une plateforme de justice. Cette dernière est composée de 200 à 300 personnes venant des « mouvements des femmes, de la jeunesse, ainsi que d’autres organisations du quartier. Ils et elles débattent le cas, puis cherchent à trouver un consensus. »

Deux facteurs pouvant contribuer à ce que le pouvoir reste entre les mains du peuple de base sont, premièrement, le fait qu’aucun groupe n’a le monopole de l’usage de la violence et, deuxièmement, que les communes sont en train de développer des groupes armés d’autodéfense. Le fait qu’il y ait des éléments armés appartenant au mouvement de base aide aussi à empêcher la consolidation du pouvoir entre les mains de l’Administration Démocratique Autonome ou l’armée, entre autres.

Ce sont les mouvements des femmes au Bakur et au Rojava qui sont les éléments les plus inspirants de la situation actuelle au Kurdistan. Pendant notre voyage dans ces deux régions nous avons pu rencontrer des femmes déterminées à lutter contre le patriarcat et il nous a semblé que c’est une véritable occasion pour pour que les choses changent. Dans la ville d’Amed (Diyarbakır en turc), nous sommes allé.e.s à la rencontre d’une Académie de Femmes dans laquelle les femmes s’organisent pour lutter contre la violence masculine. Elles nous ont raconté comment elles organisent des actions collectives contre la violence conjugale exercée par les maris des femmes avec lesquelles elles travaillent. Elles organisent aussi des formations courtes pour l’empowerment des femmes au sein de leurs communautés. Des femmes du Rojava et du Bakur nous ont expliqué que leurs idées ne sont pas toujours acceptées par les hommes et que la lutte pour instaurer des changements est une lutte quotidienne.

Les mouvements pour le confédéralisme démocratique ont aussi réussi à libérer des espaces pour les idées anti-capitalistes. Les discussions organisées par les communes au Rojava ont une forte capacité à répandre de telles idées. La mise en place des coopératives est une des manières par lesquelles les gens peuvent participer à la création d’alternatives populaires. Selon l’économiste allemand Michel Knapp :

« Lorsqu’au Kurdistan Nord les communes ainsi que les coopératives travaillent sous l’emprise d’une répression féroce, c’est dans les territoires libérés du Rojava où il y a des efforts et des tentatives de créer une nouvelle forme d’économie indépendante des relations d’exploitation capitaliste et féodale. Et ce dans le contexte du drame de la guerre en Syrie : des milliers de personnes ont été tué.e.s et la moitié de la population se trouve sans maison.»

Knapp continue en citant Dr Dara Kurdaxi, économiste et membre du comité pour la renaissance économique et le développement du canton d’Efrin, Rojava :

« Nous avons besoin de nouveaux modèles pour les organisations ainsi que les institutions. Les modèles économiques collectifs, communaux, qu’on appelle aussi parfois des économies sociales. C’est la méthode qui nous sert de base, pour que l’économie du Rojava puisse être relancée et se développer. »

Le fait qu’il y ait l’espace et l’élan pour la mise en place de coopératives populaires au Rojava est largement dû au fait qu’il y existe un consensus assez large sur le fait que l’économie devrait être organisée sur des bases collectives. C’est en train de se mettre en place du bas vers le haut grâce à une variété de communes et d’organisations. Par exemple, dans le canton de Cizîrê plusieurs coopératives de femmes sont en train de voir le jour grâce à la Fondation des Femmes Libres du Rojava.

Nous avons beaucoup à apprendre de ces mouvements, la première étape vers une vraie solidarité est de s’éduquer, de se renseigner. Parmi les groupes que nous avons visité au Rojava, beaucoup ont exprimé l’envie qu’il y ait des gens de l’extérieur qui viennent pour apprendre sur leurs mouvements. C’est en créant des liens de plus en plus forts avec les militant.e.s luttant au premier niveau du confédéralisme démocratique -par exemple dans les communes, les coopératives et les organisations de femmes- qu’on pourra élargir notre compréhension et commencer à forger une véritable solidarité tout en y prenant des idées et de l’inspiration pour nos luttes à nous.

Source : Democratic confederalism in Kurdistan https://corporatewatch.org/news/2016/ap ... -kurdistan
Traduction : Merhaba Hevalno http://www.kedistan.net/category/editio ... a-hevalno/


http://www.kedistan.net/2017/09/23/conf ... kurdistan/
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 15 Oct 2017, 16:45

Le confédéralisme démocratique comme alternative | 2

Histoire et idéologie du mouvement de libération kurde

Le Kurdistan a été divisé entre quatre États-nations (Iran, Irak, Syrie et Turquie) par les accords Sykes-Picot en 1916 qui délimitèrent des frontières artificielles dans la région.

Chaque État-nation a veillé à ce qu’il n’y ait aucune fragmentation possible du nouvel État et essayé d’unifier l’État-nation à travers un nationalisme imposé. Cela impliqua de nier l’existence de beaucoup d’autres groupes ethniques (Kurdes, Albanais, Lazes, Azerbaïdjanais, Zazas, Tchétchènes, Circassiens, Arabes, Bosniaques, Tatars, Arméniens, Grecs, Yézidis) qui vivaient notamment en Turquie. Le sentiment nationaliste fut inculqué par les «projets de nationalisation» qui tentèrent d’assimiler les différents groupes ethniques en les «turquifiant», «persianisant» ou «arabisant».

Abdullah Öcalan (stratège principal) et un groupe de jeunes personnes fondèrent le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) en 1978 dans le Kurdistan du Nord (Turquie) et commencèrent la lutte armée en 1984, avec pour objectif d’établir un État socialiste indépendant (marxiste-léniniste) par l’instauration d’un Kurdistan unifié.

Ce mouvement évolua et rejeta l’État-nation pour aller vers le confédéralisme démocratique. Le PKK connut plusieurs transformations en résultat d’analyses profondes de la lutte de libération nationale et d’autres mouvements alternatifs ainsi que par l’observation des expériences de socialisme et féminisme réels, en parallèle d’une évaluation de leur propre pratique théorique. Même si le PKK a traversé toute une série de réformes idéologiques avant l’enlèvement d’Öcalan en 1999 (à la suite d’une opération de l’OTAN), c’est en écrivant en captivité qu’il inventa le terme de confédéralisme démocratique et qu’il le proposa comme une solution au problème kurde.

Öcalan et le mouvement kurde cessèrent dès 1993 de chercher à obtenir un État indépendant, car « la fondation d’un État n’accroît pas la liberté d’un peuple » et « les États-nations sont devenus des obstacles importants à tout développement social ».

Öcalan proposa le confédéralisme démocratique comme une alternative au système de l’État-nation. Il développa ce modèle en s’inspirant des idées municipalistes du socialiste écologiste anarcho-libertaire Murray Bookchin (1921-2006), ainsi que des théories précédemment citées de Wallerstein et d’Anderson parmi de nombreuses autres.

Öcalan définit le projet de confédéralisme démocratique comme « une administration politique non-étatique ou une démocratie sans État », qui est « flexible, multiculturelle, anti-monopoliste et orientée vers le consensus » et dans laquelle « l’écologie et le féminisme sont des piliers centraux » de ce projet. De plus, dans ce système auto-administré, « une économie alternative deviendra nécessaire, elle augmentera les ressources de la société plutôt que de les exploiter et, ainsi, rendra justice aux multiples besoins de la société ».

En dévoilant la vérité à propos de la société historique et en critiquant le capitalisme moderne, Öcalan avance que « de mémoire humaine, les peuples ont toujours formé des groupes à géométrie variable de clans, tribus ou autres communautés aux propriétés fédérales », ce qui permit la préservation d’une autonomie interne.

Cependant, en écho à la théorie foucaldienne du bio-pouvoir, Öcalan dit que le capitalisme moderne a imposé la centralisation de l’État, par laquelle « l’État-nation comme substitut moderne à la monarchie a laissé derrière lui une société affaiblie et sans défense » et « le pouvoir se constitue lui-même dans l’État central et devient l’un des paradigmes administratifs fondamentaux de la modernité » Par conséquent, le mouvement kurde propose une « démocratie moderne » comme solution car elle est « la charpente d’une société politique basée sur l’éthique » Les principes fondamentaux de la démocratie moderne consistent en une société morale et politique, l’industrie écologique et le paradigme du confédéralisme démocratique.

Le confédéralisme démocratique comme pratique politique fondamentale de la modernité peut être un modèle important non seulement pour les Kurdes, mais aussi pour le Moyen-Orient et d’autres régions qui sont ethniquement variées et multi-culturelles.

En effet, il fournit une solution aux caractéristiques oppressives du national-étatisme causées par ses implémentations monolithiques et homogènes. Donc, dans la nation démocratique, toutes les ethnies, religions et autres groupes auront une voix et pourront participer avec leurs propres identités ethniques au sein d’une structure démocratique fédérale.

La mise en place du confédéralisme démocratique au Rojava

Le parti de l’union démocratique (PYD), affilié au PKK et fondé pour la première fois en 2003 au Rojava, commença à mettre les idées du confédéralisme démocratique en place avant que le soulèvement syrien ne commence en 2011, avec beaucoup de difficultés cependant car le régime de Ba’ath tenta de mettre fin et de supprimer tout changement qui serait fait à l’ordre capitaliste et étatiste existant. Le PYD ne parvint à réaliser son projet qu’après 2012, une fois que les forces d’Assad se soient retirées de la zone pour se concentrer davantage sur la résistance qui surgissait dans le reste du pays.

Les Kurdes syriens avaient choisi une troisième voie, celle de la paix, en ne se joignant pas au régime ni aux forces rebelles dans la guerre civile naissante. Le peuple, avec à sa tête le PYD et les unités de protection du peuple (YPG) et les unités de protection des femmes (YPJ), prit le contrôle de la majeure partie du Rojava et organisa des assemblées de grande envergure.

Entre 2012 et 2014, les habitants du Rojava, guidés par les groupes politiques, furent très actifs dans la discussion des stratégies pour mettre en exercice le système de démocratie confédérale que Öcalan avait proposé.

En 2013, le Rojava fut séparé en trois cantons autonomes : Cizire, Kobane et Afrin. Les habitants s’organisèrent au sein de conseils et de communes dans les villes et villages de chaque canton. Les personnes de toute origine ethnique étaient encouragées à participer aux réunions pour parler des problèmes qu’elles avaient. Pour la première fois dans l’histoire, on demandait aux habitants de la région quels étaient leurs problèmes et dans quel système ils voulaient vire. En 2014, après cette consultation longue et rigoureuse, le contrat social du Rojava fut établi pour les trois cantons de Cizire, Kobane et Afrin avec la signature de plus de cinquante organisations ou partis politiques.

La charte commence par la déclaration suivante : « Dans le but d’atteindre la liberté, la justice, la dignité et la démocratie, et guidés par des principes d’égalité et de durabilité environnementale, la charte proclame un nouveau contrat social, basé sur la coexistence mutuelle et pacifique et sur la compréhension entre toutes les branches de la société » [Paix au Kurdistan, 2014]. Ce contrat social établit une manifestation remarquable des principes de la démocratie moderne, encourageant la participation de tout le monde, car chaque personne au sein de la société peut s’y référer.

À nouveau dans l’introduction de la charte réside l’aspect définissant le plus le système étant créé, exposé avec des mots très simples, disant : « Sous cette charte, nous, les peuples des régions autonomes, nous unissons dans un esprit de réconciliation, de pluralisme et de participation démocratique de façon à ce que tout le monde puisse s’exprimer librement dans la vie publique. En construisant une société libre de l’autoritarisme, du militarisme, du centralisme et de l’intervention de l’autorité religieuse dans les affaires publiques, la charte reconnaît l’intégrité territoriale de la Syrie et aspire à maintenir la paix locale et internationale » [Paix au Kurdistan, 2014]. La charte fait la déclaration d’un nouveau système politique et civil basé sur un contrat social avec le peuple pour établir une société plus libre et plus démocratique qui représente de façon égale la volonté de tous les groupes de la région, avec une instauration de la justice et de l’égalité sociales. Un des aspects importants de cette charte est l’accent qui est porté sur l’égalité de genre, au-delà des égalités de droits pour les différentes ethnies et le droit à l’éducation dans la langue maternelle.

La structure de base du système démocratique confédéral dispose de cinq niveaux de gouvernance et de prise de décisions :

1) L’assemblée législative,

2) Les conseils exécutifs,

3) La haute commission des élections,

4) Les cours constitutionnelles suprêmes,

5) Les conseils municipaux/ provinciaux.

Le niveau de base du conseil du Rojava est la commune. Les communes comprennent entre 30 et 400 foyers (ville ou village), se réunissent tous les 15 jours et élisent un comité qui se réunit toutes les semaines (tous les membres peuvent assister à ces réunions quand ils veulent). Pour tous les postes et pour toutes les zones il y a la mise en place d’un système de co-gouvernance où hommes et femmes partagent le pouvoir pour permettre le consensus.

Le niveau suivant est le conseil de quartier ou de village, puis le conseil populaire de canton et enfin le conseil populaire du Kurdistan occidental (MGRK). Un aspect important du système de conseils est qu’à chaque niveau il y a des conseils autonomes des femmes formés par l’union des femmes Kongira Star, afin de renforcer les femmes dans tous les aspects de la vie.

À partir de ces développements, en mars 2016 la «fédération démocratique du Rojava – Nord de la Syrie» a été établie par les trois cantons du Rojava, menés par le PYD « pour réaliser la Syrie démocratique et fédérale, plutôt qu’une administration centrale, en prenant en compte les caractéristiques historiques, géographiques, culturelles, démographiques et économiques lors de l’établissement des fédérations démocratiques ».

Les «régions auto-administrées» au sein de la fédération s’organisent « avec comme base les conseils, académies, communes et coopératives ».

Ce qui rend tout cela encore plus remarquable, c’est que ce système alternatif, qui défie l’ordre du monde et ne reçoit le soutien politique ou matériel d’aucun État-nation, prend place alors que les Kurdes résistent en même temps aux assauts de l’État Islamique et prennent part à une guerre perpétuée par l’État islamique avec le soutien de l’État turc, qui ne veut pas d’un gouvernement kurde autonome près de lui.

Le réseau organisationnel, intégré dans la société rojavienne, est administré par le Tev-Dem (le mouvement pour une société démocratique), qui a à sa tête des hommes et des femmes, et par l’organisation autonome des femmes Kongira Star (établie en 2012, l’étoile fait référence à la déesse de l’ancienne Mésopotamie, Ishtar). Les deux organisations incluent toutes les ethnies et toutes les religions et constituent un exemple de démocratie directe par la base. Les peuples ont établi des communes de tailles diverses allant de 7 à 300 familles, des académies, des tribunaux, des coopératives et des administrations de santé, ainsi que des unités de défense des femmes. Les comités de ces institutions sont élus par des assemblées locales, et toutes les structures organisationnelles ont un système de co-présidence avec à chaque fois un homme et une femme élus.

Le modèle économique du Rojava

Le système démocratique confédéral du Rojava est toujours en phase de développement, à une vitesse ralentie par les attaques constantes qu’il subit et par l’embargo imposé par l’État turc. Toutefois, de nombreuses et grandes avancées ont été faites vers l’instauration d’un système économique alternatif qui fournit une alternative au dualisme du capitalisme et du communisme.

Dans une interview faite par un journaliste avec le professeur Ahmet Yosuf, président du comité sur l’économie et les échanges du canton autonome d’Afrin, Dr. Yosuf expose les objectifs à long terme et les étapes à effectuer pour les atteindre. Il dit pour commencer que le canton, comme les autres cantons, doit lancer des coopératives, « de petites unités de production ». Le développement de ce système, comme il l’explique, commence par une économie basée initialement sur l’agriculture. De plus, ce système qui inclut la coopération des habitants de la zone profitera à tout le monde et se posera comme un modèle d’économie alternative pour les peuples de la région .

Ces ambitions font leur entrée dans le réel.

Fin 2015 et en 2016, des comités économiques ont été mis en place pour faciliter l’instauration et soutenir le bon fonctionnement de l’économie, certains d’entre eux étaient des coopératives composées exclusivement de femmes, pour rétablir la balance de l’ordre et encourager davantage les femmes à prendre part à la vie économique.

Les habitants font tourner de petites unités de production. Les coopératives sont de tailles variées, allant de petites coopératives de moins de 10 personnes à des coopé- ratives de taille moyenne de 60 personnes ou de plus grandes encore de 100 à 150 personnes. Parmi les coopératives mises en place, certaines font de l’agriculture (par exemple, de la culture de blé, de la production de légumes et d’éléments pour faire des salades, de la production de lait et de yaourt ainsi que de l’élevage animal), mais il y a aussi des magasins de vêtements, des restaurants et des boulangeries. Les quelques raffineries de pétrole présentes au Rojava fonctionnent également en coopératives. Les personnes travaillant dans ces coopératives en sont les propriétaires/actionnaires. La structure organisationnelle est menée par un « comité de coordination », nom préféré à «comité de gestion» car il sonne moins hiérarchique. Les personnes décident collectivement des règles, des opérations, de l’embauche et de la finance. Au niveau le plus élevé, toute l’activité économique est administrée conjointement par les organisations du Tev-Dem et du Kongira Star. Toutes les initiatives économiques sont conduites avec les principes écologiques gardés en tête, en se servant des ressources naturelles et en minimisant le gaspillage et la consommation.

Ce système en est encore à ses débuts et les administrations des cantons ont pour projet de construire des infrastructures d’approvisionnement en eau et en énergie plus durables dès qu’ils en auront les moyens économiques. L’ordre mondial capitaliste tremble encore de l’impact dévastateur de la crise financière qui démarra en 2008 et des guerres qui ont plongé le Moyen-Orient dans la tourmente avec des centaines de milliers de vie perdues et la création de millions de réfugiés. Au milieu de tout cela, le peuple kurde du Rojava (Nord de la Syrie) ont annoncé une révolution qui défie le système capitaliste, patriarcal et étatiste qui a engendré un haut niveau d’inégalité et une plus grande division de classe. Avec le cadre théorique d’Öcalan, leader du mouvement de libération kurde, les Kurdes du Rojava construisent petit à petit le modèle du confédéralisme démocratique. Ce système est basé sur une démocratie par la base et il organise les habitants pour instaurer des structures communales démocratiques avec un encadrement par des groupes politiques. Le système est mis en place dans les localités, les villages et les villes avec des assemblées formées à chaque niveau et pour tous les sujets.

Ce système, qui « fait la promotion d’un modèle de société écologique », soutient également la libération des femmes. Le système économique qui y est développé bénéficie à tous et se pose comme un modèle pour toute la région. Il est donc d’importance majeure d’afficher son soutien pour la révolution actuellement en cours au Rojava, car c’est une lueur d’espoir pour un monde plus pacifique et plus égalitaire.

Berfin Kurban

Lire en complément le Monde diplomatique de septembre 2017 et les articles “Rojava”, issus d’un déplacement récent.


http://www.kedistan.net/2017/09/18/conf ... rnative-2/
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 17 Oct 2017, 23:22

Atelier de culture populaire CNT : quelles coopératives pour l’émancipation des travailleu.r.se.s au XXIe siècle ?

Contre la loi travail presque tout a été essayé. Beaucoup de marches, beaucoup de grèves et de nombreux coups reçus en retour. La réappropriation du travail par les ouvriers et la lutte des classes semblent donc être encore d’actualité. Dans le même temps, les coopératives et son écosystème de l’ESS se sont développés pour éviter la dérive mercantile du travail humain. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le salariat dans les sociétés coopératives est-il une forme acceptable de subordination au capital ? Les différentes formes sont-elles de véritables solutions qui garantissent dès le début l’émancipation des travaill.eur.se.s ?

Lors des ateliers culturels de la CNT, nous aborderons ces questions et bien d’autres en compagnie de :
• Stéphane Veyer, co-fondateur de Coopaname
• Draperi Jean-François, maître de conférences en sociologie et directeur du Centre d’économie sociale Travail et société (CESTES) au CNAM
• Roger Daviau, spécialiste de la SAPO, Société Anonyme à Participation Ouvrière.
• Benoît Borrits, co-fondateur et animateur de l’Association Autogestion, Auteur de Coopératives contre capitalisme.
• des participants à la coopérative intégrale d’île-de-France

Rendez-vous le dimanche 22 octobre 2017 - 14 h

Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/145507086063359


Des ateliers de cultures populaires organisés par la CNT

S’instruire, non pour acquérir des compétences, mais pour le plaisir de découvrir, d’approfondir est un acte révolutionnaire.

Ne pas laisser à l’État et ses institutions le pouvoir de décider ce que nous devons savoir, ce qu’il est suffisant que nous sachions pour devenir, et rester, de la chair à patrons est un acte révolutionnaire.

S’il est nécessaire d’acquérir un savoir professionnel pour exercer un métier, il est tout aussi nécessaire de se donner le droit au savoir sans limites.

Si les dirigeants du capital et leurs gouvernants complices réinstaurent petit à petit une limitation au savoir, un frein aux possibilités de s’instruire, ce n’est pas pour rien. Ils savent bien qu’un peuple instruit est un peuple qui réfléchit. Que la réflexion amène à la prise de conscience que tout est fait pour maintenir le plus possible l’exploité dans l’ignorance ; à l’aide de la télévision, entre autres outils d’abêtissement. Que cette prise de conscience amène à la résistance contre la violence du capitalisme, et éventuellement à la révolution pour y mettre fin.

Les ateliers de cultures populaires de la CNT, ouverts à toutes et à tous, pour découvrir, s’instruire, se faire plaisir, en venant voir, écouter, débattre sur les arts, l’histoire, les sociétés, les sciences, la littérature et d’autres sujets, avec des gens qui ont le désir de partager leurs savoirs, leurs connaissances, leurs passions.

Soyons révolutionnaires ! Instruisons-nous !

http://www.cnt-f.org/urp/agenda-cnt/ate ... pation-des
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 28 Oct 2017, 15:14

Poing par poing, une éducation populaire
École sauvage et travailleurs organisés

Par Alexane Brochard

La grande crise argentine, qui a frappé le pays entre 1998 et 2002, n’a pas seulement généré de la sueur, du sang et des larmes. L’épisode a aussi été l’occasion de multiplier les expérimentations passionnantes. Parmi elles, les ouvertures d’écoles populaires, initiées en 2004 à Buenos Aires avant d’essaimer dans les autres grandes villes, sont indissociables des célèbres transformations d’entreprises en coopératives par leurs ouvriers. Car c’est souvent dans les locaux des usines récupérées que les professeurs et militants de l’éducation populaire donnent leurs cours. Et c’est très largement à destination des ouvriers qu’ils dispensent leur enseignement. Rencontre avec Fernando Lazaro et Ezequiel Alfieri, deux militants pédagogiques ayant participé à l’ouverture de l’école de la Maderera Cordoba, une usine de bois récupérée par ses travailleurs en 2002. Une occasion de découvrir, à travers cet établissement hors normes de quatre-vingt-dix élèves, le mouvement dans lequel il s’inscrit.

Ce texte est issu du troisième numéro de la revue Jef Klak, « Selle de ch’val », encore disponible en librairie.

... http://jefklak.org/?p=4556

Télécharger l’article en PDF : http://jefklak.org/wordpress/wp-content ... siteJK.pdf
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 04 Nov 2017, 20:47

Les coopératives dans le mouvement kurde, outil d’émancipation des femmes

Deux témoignages.

A la suite de l’adoption du paradigme du confédéralisme démocratique par le PKK en 2005 dans la continuité d’une évolution politique entamée depuis les années 90, le mouvement kurde légal au Kurdistan Nord (Turquie) s’engage dans un processus d’autonomisation vis à vis de l’Etat turc. Les partis kurdes légaux cherchent notamment à organiser des structures de gouvernance parallèles à celle de l’Etat. A cette époque sont créés par exemple les premiers conseils de quartier, chargés entre autre de résoudre les conflits sans passer par le système judiciaire turc. En 2007 le DTK1est fondé, sorte de proto-parlement regroupant toutes les initiatives politiques ou associatives visant à l’autonomie au Kurdistan nord. Il sera particulièrement visé par la répression après 2015.

... http://www.kedistan.net/2017/11/02/coop ... on-femmes/
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 04 Déc 2017, 21:02

Alternative à l’uberisation: des livreurs à vélo lancent leurs coopératives

Uberisés, précarisés, exploités, et si l’avenir des livreurs à vélo passait par des coopératives. À Bordeaux, Nantes, Lille, ou Paris, des projets d’entreprises collectives ont émergé ces derniers mois, parallèlement à la lutte des coursiers contre la plateforme Deliveroo l’été dernier. D’autres projets plus anciens poursuivent leur développement sur le marché de la Foodtech ou de la livraison du dernier kilomètre.

« Le meilleur moyen pour éviter les abus de l’uberisation et s’en sortir, c’est de créer notre propre société : une coopérative. », explique Arthur Hay, coursier à vélo depuis deux ans à Bordeaux. Avec trois collègues, coursiers comme lui, ils ont créé début novembre une association de préfiguration en attendant d’avoir assez de clients pour financer les deux emplois minimums nécessaires à la création d’une Société coopérative et participative (Scop). Objectif qu’ils espèrent atteindre dans six mois.

Un choix logique pour Arthur Hay qui est également secrétaire général du syndicat des coursiers à vélo CGT de la Gironde. Viré par Deliveroo à l’occasion du conflit qui a opposé la plateforme à une partie de ses livreurs l’été dernier, il n’a plus pu travailler, les autres plateformes ne voulant pas l’embaucher. Pour lui, la création d’une Scop est complémentaire de l’action syndicale pour améliorer les conditions de travail du petit millier de coursiers qui arpentent la ville. « Nous avons reçu beaucoup de messages de soutien de livreurs sur Bordeaux et d’autres villes nous disant : faites ça bien, grossissez et embauchez », assure Arthur qui fait partie des anciens dans le métier. Loin de passer pour des fous auprès de leurs collègues, les quatre futurs coopérateurs pensent répondre au désir d’avoir une rémunération fixe et de ne pas être éjectés arbitrairement par les géants de la Foodtech. Ainsi, les apprentis coopérateurs rêvent d’embaucher « ceux qui galèrent, qui ont des familles ou qui ont été virés lors des mouvements ».

Leur but est de montrer que les coopératives peuvent gérer le marché que les plateformes ont créé. À l’opposé du modèle pyramidal des entreprises classiques, Arthur Hay et ses amis aspirent à créer une entreprise démocratique où ils sont tous propriétaires et décisionnaires. Pour cela, l’entrée dans la coopérative implique d’être coopérateurs. S’ils tendent à privilégier le statut de salarié plutôt que celui d’autoentrepreneur, ils n’en font pas une règle indépassable. Une partie non négligeable des coursiers à vélo souhaitant rester indépendants. Un des quatre futurs coopérateurs, étudiant par ailleurs, est attaché à la flexibilité de ses horaires et conservera son statut d’autoentrepreneur.

Vers une fédération de coopératives ?

Bordeaux n’est pas la seule localité à voir des livreurs tentés par l’aventure coopérative. L’envie de regrouper les initiatives fait son chemin. Une réunion est programmée le 16 décembre pour essayer de coucher sur le papier « une unité de vue entre différentes coopératives souhaitant se fédérer » annonce Arthur Hay. Mais aussi, dans l’objectif de grouper des achats, d’être en meilleure position pour négocier des contrats et d’aider de nouvelles villes à démarrer. Les coursiers girondins y seront représentés tout comme les Toulousains d’Applicolis. Ces derniers mettent en relation transporteurs et commerçants avec une interface numérique, et assurent des livraisons. Coopcycle, la plateforme open source, alternative à Deliveroo mise à disposition des coopératives, n’y enverra probablement qu’un observateur, jugeant l’initiative un peu précipitée. D’autres villes où des projets se font jour comme Nantes, Lille, La Rochelle ou Rennes n’ont pas annoncé leur présence.

À Nantes, l’idée de créer une Scop a repris de la vigueur après la lutte menée par l’Association des bikers nantais. Cinq coursiers mobilisés avec eux, à ce moment-là, se sont associés à un développeur en vue de créer leur boîte. Une façon pour eux d’éviter leur uberisation en redonnant du sens à leur travail. « Dans la Foodtech, vous n’avez pas de patron, vous ne voyez personne en face de vous, vous subissez juste un système », constate Christophe, un des six membres des Coursiers Nantais. Structurés en association pour l’heure, ils aspirent à se salarier et à décider ensemble autant que possible.

« C’est un milieu au public assez jeune, se projetant peu, où des profils très différents coexistent. Certains sont issus du monde du vélo, mais il y a également beaucoup d’étudiants et de plus en plus de personnes venant des cités parce qu’il n’y a pas besoin de CV ou d’entretien d’embauche », explique Christophe. Renvoyant à plus tard la question de représenter une alternative pour d’autres coursiers, il se fixe sur leur priorité du moment. Aujourd’hui, l’enjeu est de chercher des clients et de finaliser leur offre tout en s’organisant mieux. L’idée d’une fédération, aussi séduisante soit-elle, paraît éloignée de leurs possibilités. Même chose à Lille où deux coursiers à vélo ont intégré une Coopérative d’activité et d’emploi (CAE), une sorte d’incubateur de Scop. Déjà autoentrepreneurs, ils n’ont jamais travaillé pour les plateformes et entretiennent peu de liens avec leurs livreurs. L’initiative d’une fédération ne correspond pas tout à fait au stade de développement de leur projet.

... https://rapportsdeforce.fr/classes-en-l ... 1-91325495
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 14 Déc 2017, 18:14

Lutter, reprendre son usine en main

Nantes, samedi 16 décembre 2017
à 13h, Maison des Syndycats, 1 place de la Gare d'Etat

la veille vendredi 15 à 19h au Taslu sur la Zad de Notre-dame-des-Landes

Image

https://blogs.mediapart.fr/collectif-sy ... ne-en-main

Dans la continuité du soutien à la ZAD et de ses pratiques de reprise en main des productions agricoles hors des impératifs capitalistes, nous organisons des rencontres avec les travailleuses et les travailleurs de Vio.me et SCOP-TI. Le collectif syndical contre l’aéroport à ND des Landes et son monde voulait montrer que des espoirs existent, des expérimentations collectives, à contre courant du monde du profit et des mirage de start-up nation à la Macron.

Usines occupées

En septembre 2010, les salariés de Fralib, à Gémenos, près de Marseille, apprennent la délocalisation de leur usine en Belgique et en Pologne, mauvais coup perpétré par la multinationale Unilever. La lutte acharnée durera 1336 jours : ce chiffre deviendra le nom de leur marque de thé, une fois la lutte victorieuse. Les travailleurs et les travailleuses en lutte ont enchaîné boycotts, blocages, occupation et manifs. Ils et elle créent la SCOP-TI, Société Coopérative Ouvrière Provençale de Thés et d’Infusions.

Viome était une usine à Thessalonique de production de matériaux pour la construction, bétons et autres. Elle fait faillite en 2013 à la suite du plan d’austérité terrible qui s’abat sur toute la Grèce. Licenciements économique et chômage guettent les travailleurs·euses, qui décident d’occuper leur usine. En se réappropriant les outils, arrive la décision de changer de production. Les même machines servent à présent à fabriquer des produits d’entretien écologiques et pas chers (savons, liquide vaisselle, lessive, etc.). En plus de la production, l’usine occupée héberge une centre de santé, lui aussi autogéré, et héberge les activités de solidarité avec les réfugié·es.

Seule la lutte paie

Les travailleurs et travailleuses de VioMe et SCOP-TI se sont battu·es pour reprendre en main leur travail et leur vie. Mais comment s’organiser sans hiérarchie, tout en continuant la lutte ? Comment répartir les tâches, fixer les horaires, les salaires ? Comment choisir ce que l’on produit, comment on le produit, comment on le vend au sein de la concurrence capitaliste ?

A Nantes, le collectif syndical contre l’aéroport à NDL et son monde organise deux jours de rencontres, débats et ateliers avec des ouvrie·res SCOP-TI et des VioMe, pour découvrir l’histoire de ces luttes et échanger sur le fonctionnement d’usines autogérées.

Le samedi 16 décembre à la Maison des syndicats à Nantes, de 13 à 19 h.

Des débats en atelier

3 Ateliers auront lieu en présence des travailleurs et des travailleuses de Vio.me et SCOP-TI.

Travailler en s’affranchissant de l’organisation capitaliste du travail Se réapproprier la santé au travail Quelles luttes pour l’emploi face aux fermetures d’entreprises

Puis nous échangerons sur les solidarités ouvrières internationales à construire et la mise en place d’un réseau de solidarité active avec SCOP-TI et Vio.me.

Trailer Vidéo : https://vimeo.com/241714897

http://www.scop-ti.com/ http://www.viome.org/

http://zad.nadir.org/spip.php?article4911
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 01 Jan 2018, 19:17

Introduction : L'autogestion, une révolution économique | Documentaire Semences

Depuis toujours, des alternatives économiques égalitaires et démocratiques ont existé un peu partout dans le monde. Dans ce documentaire après une courte analyse des modes de production contemporains et d'un petit historique de l'autogestion, nous suivons l'expérience de la FASINPAT, une usine récupérée en Argentine. Les travailleurs de la FASINPAT et quelques intellectuels-les nous expliquent en profondeur quel fut leur processus et comment ils s'organisent pour que l'autogestion fonctionne.

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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede Pïérô » 03 Jan 2018, 12:24

Qu’est-ce que l’autogestion ? (1&2) Un peu d’histoire

Une réponse par Jean-Marc Izrine, militant associatif, syndicaliste et libertaire, enregistré au local de Tv Bruits.

http://tvbruits.org/spip.php?article1926
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 02 Fév 2018, 00:33

Presque quinze ans d’autogouvernement zapatiste

Au Chiapas, la révolution s’obstine

Au début des années 1990, le soulèvement zapatiste incarnait une option stratégique : changer le monde sans prendre le pouvoir. L’arrivée au gouvernement de forces de gauche en Amérique latine, quelques années plus tard, sembla lui donner tort. Mais, du Venezuela au Brésil, les difficultés des régimes progressistes soulèvent une question : où en est, de son côté, le Chiapas ?

... https://www.monde-diplomatique.fr/2017/06/CUSSET/57569
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 03 Fév 2018, 19:21

Scop toujours !

L’éthique protestante et l’esprit du coopérativisme

L’éthique protestante et l’esprit du coopérativisme Ambiance Bois affiche fièrement sa couleur utopique et ses réalisations concrètes. Travaillant en autogestion depuis 1988, 25 « patrons-salariés » prouvent que travailler écologiquement au pays et vivre ensemble sans chef, c’est possible ! Reportage sur le plateau de Millevaches, Limousin.

« Nous avions envie de vivre notre vie comme une aventure, la cohérence en plus. » Marc le dit sans orgueil quand il me reçoit au sein de leur maison commune à Faux-la-Montagne dans la Creuse. Cette ancienne pharmacie où tout est conçu pour vivre en « association domestique et agricole » [1], grandes pièces, triples canapés, table pour dix, assiettes pour cent, livres pour mille, est surnommée « Guise » par les habitants du coin – en référence au Familistère de Godin dans l’Aisne. À notre guise : comme un principe de vie pour les autogestionnaires d’Ambiance Bois. « Voilà pourquoi nous avons le statut de Société anonyme à participation ouvrière [Sapo] [2], la seule forme juridique qui donne autant de droits au travail qu’au capital. »

Les adeptes du vieux Fourier et de Proudhon existent donc encore en ce bas monde. Un socialisme utopique a vu le jour sous la forme d’une parqueterie et d’une menuiserie en pleine Creuse, loin de tout flux de circulation important. Une forme de vie discrète mêlant héritage protestant et christianisme social qu’ont anéanti les marxistes. Chez Marc, l’un des fondateurs, l’égalité prime avant tout. Même salaire, même temps de travail, même pouvoir de décision. Pourtant, l’oisiveté a aussi sa place ici, car si prendre sa part dans le processus de production est important, « ne pas être prisonnier du travail l’est tout autant ».

L’aventure a démarré avec l’opiniâtreté de quelques jeunes éclaireurs unionistes, des parpaillots en somme, élevés en plein air par des libertaires qui leur ont transmis le virus de l’organisation par soi-même : « Nous n’étions pas politisés pour autant. Nous voulions assurer notre part dans la production. Nous voulions faire une usine ! » À une époque où la France venait de se doter d’un ministère du Temps libre, où d’aucuns cherchaient à s’en échapper, le pari est gonflé, mais chez les calvinistes, le travail est sacré : « Nous avions décidé de vivre ensemble, et puis on s’est entendus sur un projet autour du bois. Mais au fond, cela aurait pu être la mécanique, ou l’aciérie. »

Un membre de la communauté rencontre quelques déjà vieux militants, passés du maoïsme au PS, alors que les discours du désespoir résonnent dans ces campagnes désertes : « Tout est foutu », entend-on dans cette Creuse victime de l’exode rural. « Un coup de fil nous propose une reprise de menuiserie, on y descend tous les six. » Méthodiquement, deux d’entre eux se forment dans la région. Finalement, ils choisissent une autre entreprise où ils vont mettre en pratique la théorie autogestionnaire qu’ils ont questionnée durant des années. « Un travail sans hiérarchie, un partage des tâches, une rotation des postes... » et une ribambelle de règles allant à l’encontre des principes en vigueur dans les boîtes du capital.

Le groupe de six, constitué en 1981 avant une installation en 1984 et un démarrage en 1988, s’est peu à peu élargi au gré des nombreuses arrivées et des quelques départs : aujourd’hui, ils sont 25 salariés, à temps partiel pour la plupart. C’est en soi une performance sur un territoire où Ambiance Bois fait figure de poids lourd parmi les PME. Mais ce n’est évidemment pas le but des autogestionnaires.

Les visites au public sont une particularité de la Sapo creusoise. Fin juillet, une famille de Limoges est venue commander du bois, ils se sentent « un peu engagés et préfèrent donner leur argent ici qu’à Leroy Merlin ». Un premier édifice possède des tuiles en bois : les bardeaux. Ambiance Bois a choisi le mélèze, une essence imputrescible. Notre guide du jour, Karine, accompagne une trentaine de personnes à travers les ateliers. « On est à temps partiel et multitâches, explique-t-elle. Nos lames de bardage, nos déchets sont autant de rappel du collectif. » L’usine elle-même n’est pas d’un grand intérêt pour son architecture, mais plutôt pour le discours partageux qu’on y entend.

Parmi les visiteurs du jour, Marie Michel, venue de Vaux-en-Velin, travaille dans une Scop depuis deux ans à Prairial, un magasin bio de longue date. La visite l’intéresse, car dans sa société, le plus dur a été de déconditionner la salariée de son rôle d’exécutante : « Le changement de posture dans les reprises n’est pas évident. » Depuis qu’elle « autogestionne », elle trime plus qu’avant. « C’est de l’auto-esclavagisme ! », lâche-t-elle en riant. Un avis qui n’est pas partagé ici.

Dans l’escalier qui mène à la menuiserie, une affichette, façon réalisme soviétique, proclame « Camarade, 25 ans d’autogestion, 25 ans de coopération ». Karine est arrivée dans la Sapo en 2011, après plusieurs années de salariat chez Eurostar en Angleterre. Entre le plateau limousin et sa vie d’avant « en uniforme et maquillée », des voyages autour du monde et un Housesitting [3] qui l’a conduite vers Faux-la-Montagne. Un jour, elle a passé le cap et s’est présentée à l’usine. « J’étais persuadée que ça me plairait. D’ailleurs j’aimerais vivre en autarcie. » Produire tous ses légumes et son énergie, travailler sans patron, « un côté liberté » qui l’a séduite.

Pause-repas avec Karine au café-restaurant La Feuillade dans le bourg – elle a peu de temps. L’endroit est désert, à l’exception de deux clients qui s’étranglent autour d’une histoire de cannabis. « J’adore ma vie en ce moment, confie-t-elle entre deux bouchées. Je n’ai pas de patron, je fais ce que je veux sur le site. » Elle bosse 22 heures par semaine pour 700 euros, ce qui lui donne du temps pour élever son enfant. Son compagnon, lui aussi embauché à la scierie, voudrait travailler moins pour exercer son autre métier, guide de montagne. Le temps partiel n’est pas un souci dans la Sapo, c’est même un signe de bonne santé. Marc est à trois quarts-temps : « Avant, on était sur 4 jours. Aujourd’hui, c’est trois. »

Mieux, pour embaucher, certains « sapistes » ont autoréduit leur temps de travail. Marc tient quand même à préciser : « Nous sommes stricts sur le travail. » Karine apprécie la polyvalence de son poste, « en extérieur et dans les bureaux », pour casser la monotonie des tâches, comme pour comprendre l’ensemble de son processus de travail. Elle conduit le chariot élévateur et tient le site web d’une même main. Nos travailleurs sont consciencieux et certains restent un peu plus tard le soir, mais la plupart souhaitent désormais encore libérer du temps, notamment pour participer au festival estival Folie ! Les Mots, résolument sans subvention au pays de l’hyper-ruralité. Ou, comme Catherine Moulin, une des sapistes, pour occuper le poste de maire du village creusois.

Mais la vie autogérée, c’est comment ? « C’est une réunion un vendredi matin par mois. Quatre personnes sont responsables de l’ordre du jour. Et ça tourne… Il y a toujours quelqu’un qui se préoccupe du planning », raconte Karine. Marc prend quant à lui plus de recul : « Faut reconnaître que le niveau d’investissement n’est pas le même pour tous. » La question du sens est primordiale, la solidarité en plus : « On ne se la joue pas solitaire, et il y a une bonne ambiance. » Une réunion technique fait le point sur les chantiers un vendredi par mois. « Au début, on ne se posait pas la question de la distribution et des circuits commerciaux. » Comme pour le bio, la sensibilité est venue au fil des ans. « L’autogestion prend beaucoup de temps, explique Karine, mais l’équipe est soudée ».

À Faux, ils font les sommiers, et une autre coopérative, Ardelaine en Ardèche [4], fournit les matelas. Souvent, ils s’entendent dire : « Votre truc, ça marche ? » La preuve réside dans son existence depuis 27 ans, mais Ambiance Bois reste une petite structure. « Nous scions 2 000 m3 par an, alors qu’une grosse boîte fait ça en une demi-journée », confirme Karine. Quoi qu’il en soit, Ambiance Bois montre – de par sa longévité – que l’association des travailleurs, oui, c’est possible !


Notes

[1] En référence à un ouvrage de Charles Fourier publié en 1822.

[2] Elle n’a pas connu un grand succès depuis sa promulgation en 1917. La formule n’est pourtant pas dénuée d’intérêt : chaque salarié accède au bout d’un an dans la structure à la structure de main-d’œuvre qui regroupe les travailleurs et détient collectivement des actions Travail. Cela signifie qu’au bout d’un an, le petit nouveau acquiert les mêmes droits que le salarié en place depuis dix ans.

[3] Prêt d’une maison.

[4] Voir : Laine sans chaînes http://cqfd-journal.org/Laine-sans-chaines, dans le même dossier.


http://cqfd-journal.org/L-ethique-prote ... t-l-esprit
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Re: Autogestion : théories, pratiques et critiques

Messagede bipbip » 04 Fév 2018, 17:04

Ardelaine, coopérative en milieu rural

Laine sans chaînes

Saint-Pierreville, en haute Ardèche, de la tonte en passant par le cardage, le filage, le tissage, c’est toute une filière laine que la Scop Ardelaine, fondée en 1982, a patiemment remontée. Plutôt tournée vers la literie, mais aussi les pulls, robes, chaussettes... Reportage chez les « moutons rebelles » [1].

C’est la Fête de la laine et il règne une ambiance de calme avant la tempête sur le site d’Ardelaine, ce jeudi 6 août [2] au matin. Des moutons en carton, recouverts de laine de toutes les couleurs, pendent à la pergola du café, des fanions flottent dans l’air qui promet d’être caniculaire... Bien vite, les premiers visiteurs arrivent en famille. Devant son stand, Flavien m’accueille : « Avec cette chaleur, ce ne sera pas facile de vendre nos gros pulls ! Mais l’essentiel n’est pas là. » Non, l’essentiel est ailleurs. Comme toujours.

Béatrice Barras, fait partie du petit groupe des origines : cinq jeunes amis (instituteur, mécanicien, architecte, orthophoniste...) qui, au début des années 1970, réfléchissent à ce que devrait être, selon ses mots, « la vraie vie ». Ils sont « titillés par une forte envie de monter un projet économique » viable et alternatif (à une époque où le mot n’est pas encore galvaudé). Et il y a l’Ardèche, cet arrière-pays très pauvre, qui périclite, dont le travail et les savoir-faire disparaissent : « Un tiers monde à côté de chez-soi. On avait envie d’y faire quelque chose de concret, d’être dans l’action. »

En 1975, une rencontre va tout changer, avec une ruine : l’ancienne filature de laine du village de Saint-Pierreville s’effondre et tombe littéralement dans la rivière. À cette époque, les bergers du coin pensent que la laine, c’est fini – et la jettent, littéralement, à la rivière. Ils n’arrivent même plus à trouver des tondeurs dans ces montagnes. L’industrie textile, toujours à la pointe du capitalisme globalisé, déjà largement concentrée dans les centres urbains, se délocalise maintenant de plus en plus loin, en Asie particulièrement. Le tissage, surtout celui de la laine des campagnes, a vécu son temps, croit-on. Mais Béatrice et ses amis, eux, se disent qu’ils n’ont qu’à essayer ! Reconstruire la filature, remonter toute une filière laine locale, circuit de commercialisation compris... Redonner un débouché pour les éleveurs de mouton et plus de vie à un village qui s’éteint doucement. « L’idée fondamentale, c’était de monter une activité économique alternative, empreinte de la critique du capitalisme, du salariat, de l’industrie... On voulait aussi que ce soit écologique. On se disait que la société allait droit dans le mur. Tout était à repenser ! »

Jusqu’en 1982, ils vont se préparer. « Tout en continuant à travailler à côté, mais le moins possible, on a commencé à apprendre, à se former. On n’y connaissait rien ! Le plus important, ça a été que, pendant toutes ces années, notre groupe est resté uni, solidaire. C’était pas facile, mais on n’a pas laissé tomber. » On imagine les critiques, les propos défaitistes des uns et des autres que ces obstinés de la laine ont dû endurer patiemment. Et puis... « C’est parti ! » La Scop Ardelaine voit enfin le jour : premières tontes des moutons, premiers fils de laine qu’ils allaient, fièrement, montrer aux éleveurs, premières productions de literie. C’est aussi cette année-là que la population du village cesse de décroître.

Les premiers temps sont durs – forcément. Les ventes sur les marchés du coin pas très convaincantes. Alors, « Pourquoi ne pas se tourner vers la ville ? » Avec la participation dans les salons « écolos » type Marjolaine à Paris ou Primevère à Lyon, mais aussi en Europe, à Bologne, Madrid, les ventes marchent tout de suite bien mieux. La mode de l’écologie vient à point nommé pour les premiers coopérateurs d’Ardelaine. Et la vente par correspondance explose. Mais quand une entreprise japonaise a voulu passer des commandes massives, ils ont mis le holà. « Ça serait devenu totalement un autre modèle. On a refusé. Il aurait fallu industrialiser, s’installer dans la vallée... L’objectif premier, c’est le développement rural ! » Mais aussi la transmission. Le site de Saint-Pierreville est ainsi devenu un musée vivant, accueillant le public pour des ateliers et des visites. Un café-librairie et une conserverie sont bientôt créés. Et sur le gâteau, La cerise sur l’agneau, un restaurant, à la cuisine forcément bio et locale, sous forme de « Scop fille » depuis 2010.

À ce jour, Ardelaine emploie une cinquantaine de personnes, soit quarante équivalents temps-plein, principalement sur le site de Saint-Pierreville, mais aussi dans une Zup (Zone à urbaniser en priorité) de Valence, où se fait la conception des vêtements avec des assos locales et des jardins partagés. « C’est une aventure autre, explique Béatrice, et en plus, ça nous amusait d’aller aussi dans les cités. Le développement local, c’est partout, et pas que dans le monde rural. Reprendre son économie en main, son mode de vie, sa sociabilisation : ça concerne tout le monde. »

Flavien, 26 ans, est un tout nouveau employé sur le site de Saint-Pierreville. Ce Vendéen, après des études de commerce, et des petits boulots, se fait embaucher pour un stage. Aujourd’hui, le « petit nouveau » semble déjà parfaitement à l’aise dans son nouveau cadre de vie. « J’ai passé d’abord 15 jours, en février, à tout découvrir : le village, le site, les différents corps de métier... Et puis l’esprit de la Scop, cette façon de travailler. Et tout me plaisait. Ensuite, j’ai fait le salon Primevère à Lyon [3]. C’est le cœur de mon métier ici : je suis à la vente, je m’occupe des salons. J’adore ça, le contact avec les clients, leur expliquer Ardelaine et comment on produit les pulls, les matelas. Et puis aussi être en itinérance. Je travaille également à l’atelier couettes et oreillers. J’ai appris à me servir d’une surjeteuse. En juin, je passe trois semaines à la collecte de laine avec le tondeur. Ça représente 50 tonnes de laine par an. »

Concrètement, Ardelaine est une Scop avec tout ce que cela implique légalement : le partage des éventuels bénéfices en priorité par les salariés : 45% pour les employés, 45% en réserve pour les investissements futurs et 10% pour la rémunération du capital, c’est-à-dire les coopérateurs. Cela implique aussi la nomination d’un PDG. Béatrice précise : « Il joue un rôle stratégique qu’on apprécie... mais il fait aussi de la maçonnerie ! » L’organisation quotidienne du travail est surtout décidée par les équipes elles-mêmes, en petits groupes de quatre à six personnes par pôle de production. Ils gèrent leur temps, s’organisent, se répartissent les tâches... « On prend conscience de ce qu’on fait, nous explique Flavien. On bosse pour nous, comme il n’y a pas de patron et que les bénéfices sont pour les employés, ça change tout. On gère nos heures. Chacun se fait confiance, s’entraide. Il n’y a pas de surveillance, et on a vachement plus de plaisir à travailler. »

« On est partis sur un pied d’égalité dès le début. Et ça n’a jamais été remis en question », précise Béatrice. Tout le monde est au Smic, à part ceux qui sont légalement reconnus comme cadres, et qui gagnent un peu plus, afin de compenser des cotisations salariales supérieures.

La principale critique émise à l’encontre d’Ardelaine reste le prix de vente des produits. Entre 800 et 1 500 euros pour un matelas pure laine... Cela peut sembler outrageusement cher. Encore une entreprise uniquement au service des bobos des villes dont les employés ne peuvent même pas s’acheter ce qu’ils produisent ? Béatrice : « Volontairement, on achète la laine à un prix supérieur à celui du marché pour que les éleveurs puissent vivre de leur travail. Et puis notre but, c’est de créer de l’emploi, non industrialisé, artisanal... Alors oui, les salaires, ça coûte cher. Les prix de nos produits viennent de là. Bien sûr, si on s’installait dans la Vallée du Rhône, et qu’on sous-traitait au Bangladesh, ça serait moins cher. Mais alors, à quoi bon ? » Pour Flavien, cela va même plus loin. « Moi, ici, avec le Smic, je vis très bien. J’ai un petit loyer, je suis dans un groupement d’achat avec d’autres habitants du village, et il y a moins de tentations qu’en ville. Alors, je peux me payer les trucs d’Ardelaine. C’est un investissement aussi : nos matelas ils te durent une vie, les pulls plusieurs années. C’est plutôt ce qu’on fait de notre argent, comment on le dépense, qui marque la différence. »

Ardelaine se développe à son rythme, ne recevant d’aides publiques qu’à hauteur de 10% lors des grands travaux de construction (le restaurant, le bâti). « Aujourd’hui, conclut Béatrice, on pense souvent aux Scops dans le cadre des reprises d’entreprises en difficulté. Et pourtant, nous avons monté la nôtre ex nihilo. C’est faisable. C’est un autre projet social, une autre répartition des richesses et du travail. »


Notes

[1] Cf. Moutons rebelles, Ardelaine, la fibre développement local, Béatrice Barras, éd. REPAS.

[2] 2015 ! (Note du webmaster.)

[3] C’est là que, par hasard, le Marseillais journaliste de CQFD, transformé en force de vente frigorifiée par la neige, fit sa rencontre en lui achetant une paire de chaussettes.


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