Et si Karl Marx avait raison ?

Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede René » 22 Jan 2013, 13:51

Réponse à Stanbrown
C’est vrai que Marx a très peu écrit sur l’État.
Et c’est vrai que les anarchistes ont beaucoup fantasmé sur l’autoritarisme de Marx et sur son étatisme.

1. Sur le premier point, il est indéniable que Marx était autoritaire, sur le plan comportemental. De nombreux contemporains attestent de sa haine pour ceux qui ne pensaient pas comme lui, de son intransigeance, de son mépris envers les autres, de son besoin d’humilier non seulement ses adversaires mais aussi la plupart de ceux qui pensaient comme lui. Mais la question n’est pas là. Ce n’est pas cet autoritarisme-là que les militants anti-autoritaires de l’AIT reprochaient à Marx et au Conseil général qu’il contrôlait.
Selon moi, le concept d’«autorité» et d’«anti-autoritarisme» tel qu’il était utilisé du temps de l’AIT était un concept politique, pas comportemental ou psychologique. En 1870 l’accusation d’autoritarisme porté contre Marx et le Conseil général visait en fait leurs pratiques bureaucratiques. Le conseil général de l’AIT, Marx en tête, étaient critiqués pour leurs pratiques «autoritaires», c’est-à-dire bureaucratiques.
C’est seulement ensuite que l’«autoritarisme» dans le mouvement anarchiste a été compris dans le sens psychologique, comportemental, au point que l’«autorité», et non plus le capitalisme, finit par devenir l’adversaire principal (c’est très clair chez Kropotkine, par exemple).
Je pense que la fixation sur l’«autoritarisme» dans le sens psychologique a fait que le mouvement libertaire est passé à côté du phénomène bureaucratique, qu’il n’a pas réellement analysé.

2. Quant à l’étatisme, les anarchistes, Bakounine en tête, ont attribué à Marx les positions de Lassalle sur l’État. Ce n’était pas la faute de Bakounine, parce qu’il ne pouvait s’appuyer que sur les documents accessibles au public à l’époque, d’où l’erreur: Marx n’avait pas publiquement pris ses distances avec Lassalle et même s’il lui balançait des vacheries dans sa correspondance avec Engels, il faisait profil bas parce que Lassalle lui était utile.
Apparemment, cette orientation «étatiste» de Lassalle attribuée à Marx lui est restée, et les anarchistes après Bakounine ne sont pas allés chercher plus loin.
Il y a une autre raison à l’attribution de l’«étatisme» de Marx: les liens qu’il avait avec la social-démocratie allemande. Là, on n’est plus dans la théorie, mais dans la politique pratique. Même chose qu’avec Lassalle: même si Marx critiquait vertement la social-démocrate en privé et s’en prenait à son «crétinisme parlementaire», il se gardait de le faire de manière trop ostensible parce que les socialistes allemands se réclamaient de lui. Sa «Critique du programme de Gotha» est une critique sans concession de la social-démocratie allemande, mais le texte (un des très rares où il parle de «dictature du prolétariat») n’était pas destiné à être publié.
Enfin, le «marxisme de Marx» a subi des «mutations» dont il est probable que Marx ne les aurait pas approuvées du fait de la «surdétermination» de la révolution russe. Souvent, quand on parle de «marxisme», on pense en réalité au léninisme et au destin ultérieur de la Russie après Octobre 1917. Selon moi, Lénine n’était pas marxiste, il utilisait le marxisme comme alibi théorique. Mais c’est un autre débat…

3. Le livre de Marx sur l’État. Je partage l’opinion de Stanbrown sur le fait que le livre que Marx envisageait d’écrire sur l’État aurait été une théorie de l’État existant, capitaliste, non de «l’État post-révolutionnaire». Mais je ne partage pas son opinion selon laquelle Trotski ou Lénine auraient «conçu» une théorie de l’État post-révolutionnaire. Je ne développerai pas ce point qui nous mènerait loin… Mais si on veut avoir une idée du niveau de réflexion des deux hommes sur «l’État post-révolutionnaire», deux citations nous éclairent admirablement.

• La première est de Lénine.
Interrogé, avant la prise du pouvoir, sur le fait que personne ne savait faire fonctionner le mécanisme gouvernemental, Lénine avait répondu: «N’importe quel ouvrier saura faire fonctionner un ministère au bout de quelques jours. Cela ne demande aucune connaissance spéciale. Les fonctionnaires assureront le travail», répondit Lénine. Et pour l’argent, lui demanda-t-on alors, comment ferez-vous, puisque vous comptez annuler l’ancienne monnaie ? «Nous ferons marcher la planche à billets. On en imprimera autant qu’il faudra», répondit Lénine . C’est d’ailleurs exactement ce qu’il fit. C’est donc fort de ces saines conceptions de politique économique que le parti s’apprêtait à prendre le pouvoir.

•La seconde est de Trotski et se trouve dans son autobiographie, Ma vie. Après la prise du pouvoir, une question se pose: comment s’appellerait le nouveau gouvernement ?

«Surtout pas de ministres ! Le titre est abject, il a traîné partout» dit Lénine.
«On pourrait dire “commissaires”, proposai-je; mais il y a beaucoup trop de commissaires à présent... Peut-être “hauts-commissaires”... Non, “haut-commissaire” sonne mal... Et si on mettait: “commissaires du peuple” ?...» – “Commissaire du peuple ?” Ma foi, il me semble que cela pourrait aller... reprend Lénine. Et le gouvernement dans son ensemble ?
— Un soviet, bien entendu, un soviet... Le soviet des commissaires du peuple, hein ?
— Le soviet des commissaires du peuple ? s’écrie Lénine. C’est parfait. Ça sent terriblement la révolution!...»


Manifestement, Trotski ne se rendait pas compte qu’en rapportant cette anecdote, il démontrait que le pouvoir avait changé dans ses formes mais pas dans sa nature...

4. L’«anti-étatisme» de Marx. Stanbrown semble ignorer les positions de Maximilien Rubel qui affirme que Marx était en train de préparer un livre qui aurait démontré qu’il était un théoricien de l’anarchisme, mais qu’il n’a pas eu le temps de l’achever: «La thèse de Rubel se fonde sur le contenu hypothétique d’un livre que Marx n’a pas écrit, mais qu’il avait en projet: Le «Livre» sur l’État prévu dans le plan de l’Économie, mais resté non écrit, ne pouvait que contenir la théorie de la société libérée de l’État, la société anarchiste», dit Rubel dans «Marx, théoricien de l’anarchisme».
Tout l’échafaudage repose sur une hypothèse que rien ne permet de vérifier: ce livre non écrit ne pouvait que contenir, etc., ce qui est une façon de dire que Maximilien Rubel n’en sait rien, mais qu’il le suppose, à moins qu’il ne soit en mesure de produire un document où Marx dit explicitement: J’ai un projet de livre sur l’État dans lequel je développerai la théorie de la société anarchiste. Mais ce document n’existe pas.
Maximilien Rubel n’a, semble-t-il, pas grand chose à produire, puisqu’il reconnaît que la voie anarchiste suivie par Marx est implicite, c’est-à-dire non formulée: en d’autres termes, elle doit être induite de son œuvre.
Si le marxisme réel n’a pas suivi cette voie anarchiste implicite dans la pensée de Marx, c’est parce que des disciples peu scrupuleux ont invoqué «certaines attitudes» du maître pour mettre son œuvre au service de doctrines et d’actions qui en représentent la totale négation. Le «socialisme réalisé», selon l’expression de Maximilien Rubel, est une dénaturation de la pensée de Marx.
La clef du problème de la destinée du marxisme – et de sa dénaturation – réside en conséquence dans ce Livre non écrit, dont l’absence aurait fait basculer le marxisme dans l’horreur concentrationnaire.

5. Références explicites à la société sans État chez Marx. Stanbrown a raison de dire que pour Marx «le Communisme n'avait rien à voir avec une quelconque forme étatique» mais la citation qu’il donne n’est pas du tout convaincante. Il faudrait donc chercher dans son œuvre les passages où il parle d’une société sans État. Le problème, c’est qu’il faut vraiment, vraiment chercher…
Je n’ai dénombré chez Marx que 7 références directes à l’abolition de l’État (dont une d’Engels, d’ailleurs), et en des termes vagues. (Voir «L’anarchisme dans le miroir de Maximilien Rubel», http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Miroir_de_Rubel.pdf).
On peut s’étonner qu’un auteur qui voulait, paraît-il, faire sur l’État ce qu’il avait fait sur le Capital n’ait pas parsemé son œuvre d’indications plus nombreuses sur la société sans État.
La citation de l’Idéologie allemande de Stanbrown ne me paraît pas vraiment pertinente dans la mesure où il s’agit d’un texte de jeunesse dans lequel il y a encore beaucoup d’influence de Feuerbach, qu’il finira par écarter. Plutôt que L’Idéologie allemande, tu aurais pu citer ce passage extrait des Prétendues scissions dans l’Internationale:

«Tous les socialistes entendent par Anarchie ceci: le but du mouvement prolétaire, l’abolition des classes une fois atteinte, le pouvoir de l’État, qui sert à maintenir la grande majorité productrice sous le joug d’une minorité peu nombreuse, disparaît, et les fonctions gouvernementales se transforment en de simples fonctions administratives.»


Mais cette phrase est extrêmement vague, elle se trouve dans un texte polémique contre Bakounine.
Je pense que pour avoir une idée de ce que les fondateurs du «socialisme scientifique» pensaient vraiment de l’abolition de l’État, il faut se reporter à ce que dit Engels dans une lettre à Cafiero, écrite à la même époque où Marx rédigeait La Guerre civile en France, qui passe pour être un texte «libertaire» de Marx: «Pour ce qui est de l’abolition de l’État, c’est une vieille phrase philosophique allemande dont nous avons beaucoup usé lorsque nous étions des blancs-becs» (Lettre à Cafiero, 1er juillet 1871).

6. Marx pour une société coopérativiste ? Cela dit, Marx nous laisse, toujours dans la «Critique du programme de Gotha”, une indication sur ce qu’il entendait de l’organisation de la société désaliénée: elle aurait une forme coopérative ! Malheureusement, comme je l’ai dit, ce texte n’était pas destiné à être publié et ce que Marx y dit sur les coopératives n’a pas été «intégré» dans le corpus théorique du marxisme.
Si le système coopératif ne peut rien changer de fondamental au sein du système capitaliste, dont il est obligé de suivre les règles, Marx reconnaît «le mouvement coopératif comme une des forces transformatrices de la société présente, fondée sur l’antagonisme des classes. Son grand mérite est de montrer pratiquement que le système actuel de subordination du travail au capital, despotique et paupérisateur, peut être supplanté par le système républicain de l’association de producteurs libres et égaux.»
On croirait lire du Bakounine.

Marx ajoute:

«Pour convertir la production sociale en un large et harmonieux système de travail coopératif, des changements généraux sont indispensables. Ces changements ne seront jamais obtenus sans l’emploi des forces organisées de la société. Donc, le pouvoir d’État, arraché des mains des capitalistes et des propriétaires fonciers, doit être manié par les producteurs eux-mêmes.»


C’est évidemment un aspect de Marx que les anarchistes connaissent en général assez peu, pas plus que les marxistes, d’ailleurs…
En conclusion je dirais que toute réflexion sur le marxisme devrait essayer d’éviter les simplismes et les idées reçues.
Ne pas être marxiste est une chose; encore faut-il ne pas l’être pour de bonnes raisons.
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Propriété et expropriation

Messagede altersocial » 27 Oct 2013, 22:07

Autour du livre Propriété et expropriation - Des coopératives à l'autogestion généralisée, textes de Marx et Engels :

Remettre en cause le sacro-saint principe de la propriété patronale

Image

« Au cœur même de cette longue crise du capitalisme, une volonté de « prendre ses affaires en mains » se manifeste face aux licenciements, aux fermetures d’entreprises et aux destructions multiples. Ici et là, un peu partout dans le monde, des travailleuses et des travailleuses occupent leurs entreprises, se saisissent de l’outil de travail et remettent en marche la production. Vieux de quarante ans, le slogan de Lips, « On fabrique, on vend, on se paie », semble donner le la d’une réponse offensive des citoyen.nes et des salarié.es à la situation qui leur est faite », des réalités, sous-estimées, mais soulignées par Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka dans leur introduction : « Marx et Engels et la coopération ».


« … création de coopératives, réquisitions des biens vacants, expropriations, récupérations d’entreprises, grèves actives avec reprise de la production, contre-plans « ouvriers », contrôle ouvrier et populaire, autogestion, etc. Les « expériences de mise en commun pour développer des activités socialement utiles ponctuent la lutte des classes et sont l’embryon, le banc d’essai de la réponse de la société des citoyen.nes associé.es pour faire face à la guerre capitaliste »

Je choisis de mettre l’accent sur l’actualité de l’action produite par des individu-e-s actifs/actives ensemble, de la coopération, des coopératives, de l’association des producteurs/productrices, de l’autogestion. Les auteurs nous rappellent « le caractère social du travail », que « l’individu ne se développe que dans un collectif qui lui permet de jouer son rôle et réciproquement, le collectif devient de plus en plus collectif d’individualités et non une masse indifférencié ».

La radicalité de Karl Marx s’exprime à la fois sur la nécessaire auto-organisation des dominé-e-s, leur association en collectifs, y compris dans la sphère de la production et dans le combat contre les structures de l’État. Il ne s’agit ni de s’en remettre aux forces institutionnelles, ni à l’État qui ne peut être considéré comme neutre dans les rapports sociaux.

Les auteurs développent aussi sur les gratuités, les droits sociaux, les patrimoines communs, le fétichisme de la marchandise, les conventions collectives, la domination réelle et la domination formelle, les expériences collectives cristallisées dans les organisations syndicales, les bouleversements du travail, l’automation, le « general intellect », le bilan des nationalisations en France et en Urss, l’internationalisme, l’inter-complémentarité, la démocratie…

Les coopératives, les formes collectives d’actions ne peuvent être cependant appréhendées « hors de la capacité d’intégration du système capitaliste ». D’où la question du pouvoir d’État, la nécessité d’une « réorganisation socialement majeure » de la production, de l’organisation sociale et politique.

J’ai été particulièrement intéressé par le chapitre sur « Le temps et les possibles au présent ». Les auteurs y soulignent, entre autres, « la place et la portée historique des coopérations multiformes qui peuplent la pratique politique et sociale : coopératives de production, exigences d’appropriation sociale des grandes entreprises et des services publics, remise en cause pratiques des transports, de l’agriculture et de la production d’énergie à partir de critères écologiques, critiques de la spéculation financière, des gaspillages mondialisés et des atteintes à l’environnement ». Face à l’ordre désordonné du monde, « les rapports de coopération et d’égalité, loin de se cantonner à des résistances, portent en effet des dynamiques de transformation révolutionnaire ».

Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka reviennent aussi sur certaines expériences actuelles : Céralep, imprimerie Hélio-Corbeil, aciéries de Ploërmel, SET ou Fralib… ; et à l’international : le printemps de Prague, l’Argentine, la Grèce ou l’Espagne… « Même si l’actualité d’une organisation de la production collective et maîtrisée démocratiquement a pu être négligée, voire parfois combattue par certains courants du mouvement ouvrier, elle s’affirme et revient sans cesse, dès que l’occasion se présente et que quelques forces s’y attellent pour résister et éventuellement contre-attaquer ».

Pourquoi accepter la rationalité irrationnelle de la planification privée pour le profit ? Pourquoi ne pas y opposer la production socialisée, non réductible à la caricature des nationalisations ? Il convient donc d’opposer les expropriations et la gestion collective à la propriété lucrative ; de répondre à « quelle est la limite des « biens communs », auxquels toute personne a droit ou devrait avoir droit ? », de s’appuyer sur les pratiques collectives, sur le « déjà là » (« La prise en compte des possibles au présent nous impose d’être attentifs aux aspects contradictoires de la réalité sociale mondialisée ») pour poser les questions du pouvoir, social, économique et politique.

D’autres débats sont soulevés par Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka, d’autres éléments d’analyses et de réponses sont présents dans les textes de Karl Marx et de Friedrich Engels. Parmi ceux-ci, je trouve peu satisfaisant ceux sur la notion de « communisme » et sur la « destruction de l’État », sans oublier les silences (mais ce n’était pas l’objet du livre) sur les contradictions entre les différents niveaux de contrôle ou d’autogestion, tant au niveau régional, national, continental ou international..

Un livre incitation à relire Marx, non comme des talmudistes, mais comme une source de réflexion combinant analyses, théorisations, pratiques, histoire et inventions…

Karl Marx /Friedrich Engels : Propriété et expropriations. Des coopératives à l’autogestion généralisée

Textes présentés par Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka

Editions Syllepse, Editions Syllepse – Propriété et expropriations, Coédition avec M Éditeur (Québec), Paris 2013, 181 pages, 12 euros

Source : https://entreleslignesentrelesmots.word ... patronale/
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede MAKHNARCHISTE » 29 Oct 2013, 12:38

Mouais , Marx faisait une excellente critique du capitalisme , mais il restait autoritaire. L'autoritarisme est la porte ouverte à la dictature , suffit de regarder l'URSS. Pour revenir sur son écriture , c'est vraie qu'il écrivait essentiellement pour les bourgeois , j'ai dû attendre de lire l'abrégée du capital de Cafiero pour comprendre le capital !! Donc on peut parfois se demander si il ne méprisait pas un peut les ouvriers pour lesquels il écrivait.Personnellement je préfère son grand rival de la 1ère internationale , Bakounine. Ensuite je pense que le courant anarchiste peut s'inspirer de Marx , tout n'est pas à jeter dans la pensée de Marx , " l'anarchie mène au communisme et le communisme à l'anarchie" disait Kropotkine. Seulement le communisme par la dictature du prolétariat , le communisme avec le pouvoir centralisé , ne donne rien d'autre que la dictature sur le prolétariat.Le communisme doit s'établir dans la libre entente des ouvriers , paysans , travailleurs de tous les domaines.
Vous l'aurez compris , Kropotkine reste ma référence en terme de " communisme anarchiste" ou communisme libertaire si vous préférez.
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede Blackwater » 30 Oct 2013, 04:45

Tous, parmi les théoriciens révolutionnaires, ont leurs qualités et leurs défauts. Marx, Bakounine, Kropotkine, il y a à prendre et laisser à chaque fois.
Marx fut à mon avis le meilleur à analyser la société capitaliste, Bakounine fut nécessaire pour tout ce qui est anti-autoritarisme et enfin Kropotkine fut je pense le meilleur pour théoriser le communisme libertaire.

Contrairement aux marxistes-léninistes et aux trotskystes, nous n'avons pas de Dieu théoricien de la révolution.
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede MAKHNARCHISTE » 30 Oct 2013, 11:07

oui c'est pour ça que je parlais de référence et pas de dieu ni d'idole . Et pour revenir sur l'inspiration Marxiste du mouvement anarchiste , il suffit de lire les livres de Daniel Guérin qui s'inspirait directement de Marx.
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede raoul ramirez » 03 Nov 2013, 01:06

Pour revenir au titre on ne peu pas dire que Karl Marx ai raison comme il a tort car personne n'a entièrement raison ou tort, seulement peut on vraiment se prononcer aussi facilement que par un oui ou un non sur un cas aussi complexe que Marx ? Marx était en effet un homme fort intelligent et reste un modèle de la liberté des travailleurs alors que ses sombres exploits dont on parleras plus tard restent dans l'ombre (a noter qu'il y en a d'autre dans ce cas ex Che Guevara) alors que Bakounine (pour revenir à lui ) reste bien souvent dans l'ombre alors qu'il a refusé et renié ses propres origines de petites bourgeoisies risquant gros à plusieurs reprises. Marx comme je le disais plus haut était fort intelligent comme il le démontre néanmoins dans des livres comme le Capital qu'on soit d'accord avec ses idées ou non. Seulement il était aussi impulsif et colérique presque capricieux, comme par exemple son formidable livre Misère De La Philosophie le démontre où Marx s’énerve après Proudhon qu'il avait tant admiré avant.
Il était aussi fort intéressé par le pouvoir comme on peut le voir grâce à ses exploits face à l'AIT et réussissant la quasi-destruction de cette fameuse AIT. Pour conclure, j'ai envie de citer cette phrase de Bakounine " Ceux qui se sont sagement limités à ce qui était possible n'ont jamais avancés d'un pas" relevant encore de l’utopie de Bakounine et du pessimisme décourageant de Marx.
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede MAKHNARCHISTE » 03 Nov 2013, 01:25

raoul ramirez a écrit: alors que Bakounine (pour revenir à lui ) reste bien souvent dans l'ombre alors qu'il a refusé et renié ses propres origines de petites bourgeoisies risquant gros à plusieurs reprises.



A noter que Bakounine contrairement à Marx a mis ses idées en pratique , il était trés actifs et a même fait de la prison . Marx c'est contenté d'écrire sur son fauteuil , peut être que si il avait agit , on aurait mieux compris le Marxisme et ses pratiques et les Marxistes-Léninistes n'auraient pas réussis !!
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Re: Et si Karl Marx avait raison ?

Messagede René » 10 Nov 2013, 20:30

On parle beaucoup de Marx dans le mouvement libertaire lorsqu’il s’agit d’économie. On ignore souvent que Bakounine considérait le Capital comme un véritable ouvrage de référence pour le mouvement ouvrier. Ce n’est pas un hasard si l’anarchiste Cafiero en a fait un abrégé, parce qu’il considérait le livre de Marx comme trop compliqué. Cet abrégé a en outre été préfacé par James Guillaume. C’est dire…
Ce n’est pas par mépris pour les ouvriers que le Capital est compliqué. Marx se considérait comme un scientifique et il a fait son travail en tant que tel.

Je joins ci-dessous un extrait d’un texte que j’ai écrit il y a quelques années, « Essai sur les fondements théoriques de l’anarchisme », où il est question de Bakounine et du Capital (http://monde-nouveau.net/spip.php?article114).

Mais il faut signaler que sur la question de l’économie, nous n’avons pas à avoir de complexes par rapport à Marx. Un anarchiste relativement peu connu, Christian Cornelissen (1864-1942), hollandais (voir sa biographie sur http://www.pelloutier.net/glossaire/detail.php?id=2) a écrit un livre d’économie intitulé Théorie de la Valeur, destiné à contester la théorie de la valeur des économistes classiques, mais aussi celle de Marx.
Cet ouvrage fut suivi par 5 autres, constituant un monumental Traité général de science économique.

On peut trouver la Théorie de la Valeur de Cornelissen sur http://monde-nouveau.net/spip.php?rubrique40


Traité général de science économique, Paris, Marcel Giard, 1926- (Bibliothèque internationale d’économie politique).
Tome 1 : Théorie de la valeur avec une réfutation des théories de Rodbertus et Karl Marx, Walras, Stanley Jevons et Boehm-Bawerk, 2e éd. réimprimée, 1926, XI-476 p.
Tome 2 : Théorie du salaire et du travail salarié, 1933, 2e éd. entièrement revue, 724 p.
Tome 3 : Théorie du capital et du profit, 1926, 2 vol., 466-662 p.
Tome 4 : Théorie de la rente foncière et du prix des terres, 1930, 380 p.


Bien entendu, très peu d’anarchistes connaissent ces œuvres économiques parce qu’elles n’ont pas été rééditées depuis des lustres.
Je me souviens que Gaston Leval parlait souvent du travail économique de Cornelissen.

* * * * * * * *

Extrait de « Essai sur les fondements théoriques de l’anarchisme »

Bakounine et le Capital

Un Abrégé du Capital de Karl Marx rédigé par un anarchiste, un homme qui a été un proche d'Engels et qui est passé ensuite au bakouninisme, c'est à première vue inattendu. C'est oublier que l'ouvrage de Marx a été dès le début considéré par Bakounine lui-même et par ses proches, parmi lesquels figure James Guillaume, le traducteur et préfacier de l'Abrégé, comme un acquis théorique indiscutable, un travail irremplaçable d'explication des mécanismes de la société capitaliste.

L'opinion de Bakounine sur cet ouvrage mérité d'être citée in extenso :

« Cet ouvrage aurait dû être traduit depuis longtemps en français, car aucun, que je sache, ne renferme une analyse aussi profonde, aussi lumineuse, aussi scientifique, aussi décisive, et, si je pus m'exprimer ainsi, aussi impitoyablement démasquante, de la formation du capital bourgeois et de l'exploitation systématique et cruelle que le capital continue d'exercer sur le travail du prolétariat. L'unique défaut de cet ouvrage, parfaitement positiviste, n'en déplaise à La Liberté de Bruxelles, – positiviste dans ce sens que, fondé sur une étude approfondie des faits économiques, il n'admet pas d'autre logique que la logique des faits – son seul tort, dis-je, c'est d'avoir été écrit, en partie, mais en partie seulement, dans un style par trop métaphysique et abstrait, ce qui a sans doute induit en erreur La Liberté de Bruxelles, et ce qui en rend la lecture difficile et à peu près inabordable pour la majeure partie des ouvriers. Et ce seraient les ouvriers surtout qui devraient le lire, pourtant. Les bourgeois ne le liront jamais, ou s'ils le lisent, ils ne voudront pas le comprendre, et s'ils le comprennent, ils n'en parleront jamais ; cet ouvrage n'étant autre chose qu'une condamnation à mort, scientifiquement motivée et irrévocablement prononcée, non contre eux comme individus, mais contre leur classe. » (Bakounine, Œuvres, Champ libre, VIII, 357.)


Le livre Ier du Capital avait été remis à Bakounine par Johann Philipp Becker en septembre 1867. Bakounine raconte :

« Le vieux communiste Philippe Becker (...) me remit de la part de Marx le premier volume, le seul qui ait paru jusqu'à présent, d'un ouvrage excessivement important, savant, profond, quoique très abstrait, intitulé le Capital. A cette occasion, je commis une faute énorme : j'oubliai d'écrire à Marx pour le remercier. » (Bakounine, Œuvres, Champ libre, II, 128.)


Les raisons de cet oubli sont faciles à deviner : l’activité débordante de Bakounine. Marx en éprouva du ressentiment, comme l'atteste la lettre de sa femme à Becker, publiée par Die Neue Zeit. (1913, p. 228.)

« Avez-vous des nouvelles de Bakounine ? Comme c'est un ancien hégélien, mon mari lui avait envoyé son livre, mais il n'a pas donné signe de vie. L'a-t-il reçu ? On ne peut pas se fier à ces Russes. Quand ils ne s'accrochent pas au “Petit Père” de la Russie, ils s'accrochent ou sont entretenus par le petit père de leur cœur, ce qui revient au même. »


La dernière remarque est une allusion perfide au fait que Marx était persuadé que Bakounine était entretenu par Herzen — mais l'épouse de Marx oublie que sa famille et son mari ont été largement entretenus par Engels.

Bakounine écrivit à Anselmo Lorenzo le 7 mai 1872 à ce propos : « A cette occasion, j'ai commis une grande faute. Je ne me suis pas empressé de l'en remercier et de lui faire mes compliments de cet ouvrage vraiment remarquable. Le vieux Philippe Becker qui le connaît de longue date ayant appris que j'avais commis cet oubli, me dit alors: “Comment, tu ne lui as pas encore écrit! Eh bien, Marx ne te le pardonnera jamais”. »

Le travail effectué par Cafiero visait à pallier le défaut du livre souligné par Bakounine et à rendre accessible en un petit opuscule les principales idées développées par Marx. En effet, malgré les oppositions entre anarchistes et marxistes au sein de l'AIT, les bakouniniens reconnaissaient les mérites de Marx pour les « immenses services » qu'il a rendus à la cause du socialisme, selon les termes de Bakounine, et comme critique du capitalisme. « Bakounine et Cafiero avaient le cœur trop haut pour permettre à des griefs personnels d'influencer leur esprit dans la sereine région des idées » dit James Guillaume dans l'avant-propos. (Pour l’anecdote, Bakounine entreprit même de traduire le Capital en russe, projet qui finalement n’aboutit pas. Marx lui reprocha d’avoir empoché l’avance de l’éditeur…)

Il nous a semblé utile de montrer que les deux courants du mouvement ouvrier, au-delà des divergences de principe, tactiques ou organisationnelles, s'entendent sur l'essentiel. Le Capital est en effet un des rares points de rencontre entre anarchisme et marxisme, sans doute parce qu'il part d'une intention scientifique et explicative et qu'il ne s'y trouve aucune suggestion organisationnelle ou programmatique, sinon très générale.

L'histoire nous a habitués à ne voir dans les rapports entre anarchisme et marxisme qu'une opposition irréductible entre deux courants du mouvement ouvrier que tout sépare. Certes, cette opposition ne saurait être sous-estimée, et encore moins occultée. Mais à plus d’un siècle de distance il serait temps d'aborder les choses d'un point de vue dépassionné.

Il serait simpliste de ne considérer l'appréciation de Bakounine sur le Livre Ier du Capital que comme un alignement sur les positions de Marx. L'élaboration théorique de penseurs comme Proudhon, Marx et Bakounine doit être restituée dans le lent mouvement de travail qui, au XIXe siècle, tente de mettre en place un instrument d'analyse permettant de comprendre les mécanismes de la société capitaliste. Militants et théoriciens sont préoccupés par le même problème : comprendre pour pouvoir mieux agir. Les actes et les recherches des uns et des autres sont le patrimoine commun du mouvement ouvrier. C'est en tout cas ainsi que les premiers grands militants anarchistes envisageaient les choses.


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