"Je n'ai pas de conflit d'ego avec P'tit Mat"
Ca me rassure.
"Ce qui arrive ? A chaque fois qu'il avance un point de vue , j'ai une sonnette d'alarme qui retentit plutôt fort."
Tu dois te sentir seul non ? Tu ne fréquentes que des personnes qui ont ton point de vue ? Bon courage pour aller convaincre les 99% de la population qui n'est pas anarchiste ou pas d'accord avec tes idées.
"Façon d'appréhender l'antifascisme comme une bagarre de bandes". Encore une fois je prends ça comme une insulte, c'est très mal connaitre la réalité locale de notre collectif mon cher Kuhing. Peut-être serais-tu intéressé pour lire notre brochure intitulée "l'autodéfense prolétarienne", dans laquelle nous expliquons notre façons d'appréhender l'antifascisme. Si c'est le cas envois-nous un mail et je te l'envois en pdf. Une deuxième brochure est en passe de se finir étudiant le mécanisme des pulsions et des instincts et concernant justement le combat symbolique, son importance dans l'antifascisme. Si ça ne t'intérèsse pas, alors permets moi la remarque d'arréter de parler de ce que tu ne connais pas, il me semble que c'est une base de respect et d'humilité. Je doute qu'avec des idées et propos aussi arrétés tu arrives à crédibiliser ta position de militant "anti-bureaucratique".
Bien, soyons sérieux et reprenons le débat sur « l'intellectuel » avec ton parallèle sur Polpot et les interrogations d'Armonia, peut-être n'ai je pas été assez clair en effet. C'est un débat fondamental pour la structure même du socialisme (ou de l'anarchisme, comme vous préférez). La question, c'est est-ce qu'une avant-garde doit guider les masses, et je suis catégoriquement contre.
Par "intellectuel", je pense uniquement à celui qui faitt de l'intellect une profession d'élite, c'est à dire celui qui est imbu de cette stature. Ce n'est donc pas à « l'intelligence » que j'en ai,
mais à ceux qui font publiquement profession de l'exercer en abusant du positionnement privilégié qu'ils ont au sein de la société. Donc mon point de vue ne met nullement en cause la légitimité d'une approche conceptuelle des faits sociaux, au contraire, je pense qu'il y a l'intellectuel proche du mouvement ouvrier qui n'entend pas intervenir autre qu'en écrivant et mettant des mots pour décrire et expliquer l'action. Et d'ailleurs comme le disait Louzon en 1901 (un syndicaliste révolutionnaire): « C'est aussi manquer à la raison que d'ameuter contre les intellectuels sérieux les autorités grossières des travailleurs manuels mal renseignés ».
Ma critique, c'est celle du comportement du groupe social constitué par les intellectuels (tous appartenant à la bourgeoisie), qui se perpétue depuis le début du 20ème siècle, car à cette époque, des intellectuels de type nouveau, émanant de l'université et de la recherche scientifique s'affirment en tant que caste, guidant la politique et la société de part leur aisance. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a eu au début de la CGT de longs débats portant sur la syndicalisation ou non du corps enseignant et des travailleurs-euses de l'éducation. Car ceux qui détenaient la connaissance étaient coupés (et le sont toujours) de la réalité sociale et utilisés par la bourgeoisie pour tenir les ouvriers en dehors du devenir scientifique.
Aujourd'hui, ça s'est certes « démocratisé » et le corps enseignant rentre dans le prolétariat en ce qui concerne le service dans le domaine de l'éducation. Mais la politique est toujours dominée par le pensée intellectualiste (vision élitiste dans l'acquisition de la connaissance), voilà pourquoi je fais un rapprochement entre hier et aujourd'hui. Le système éducatif instruit aux valeurs bourgeoises, c'était d'ailleurs ce que voulait Jules Ferry suite au soulèvement des communards et placé en parallèle de ses idées colonialistes. Les grandes écoles ont été établies pour former une pépinière d'aristocrates de la production, tandis que l'école élémentaire, elle, visait à donner au paysan et à l'ouvrier un savoir rudimentaire purement pratique qui fera de lui le serviteur zélé du système bourgeois.
Ce que je nomme « intellectuel » ne tient pas à l'exercice de sa fonction propre, mais au contraire à l'évasion hors de cette fonction. Les « intellectuels » sont pour moi la classe étatique ou, pour être plus précis, la fraction parasitaire de cette classe étatique, constituée majoritairement , il faut le reconnaître, d'universitaires, magistrats, proc, d'écrivains, de journalistes etc..., et d'individus inclassables gravitant autour de la politique politicienne et ne désirant rien de plus que d'accéder au pouvoir proprement dit. Et d'ailleurs notre critique de la « démocratie » actuelle est bien dans ce sens: elle est par essence un régime délibératif, fondé sur le débat permanent, qui permet d'asseoir le primat des hommes du discours (ceux que je qualifies « d'intellectuels » et qui se qualifient eux-mêmes de ça) sur les hommes d'action (les ouvriers-ères: ceux et celles qui créent et transforment la matière pour en sortir le produit, et plus largement les prolétaires: qui assurent les services). Je vise notamment, dans ma critique, ceux et celles qui font carrière dans la politique en faisant profession de penser pour le prolétariat et à sa place.
Et c'est pourquoi ma critique est également très virulente de l'expérience bolchévique et des conceptions léninistes: c'est une expérience de prise du pouvoir d'intellectuels professionnels organisés en parti et appuyés sur le prolétariat. Lénine lui même, dans « Que Faire » disait que les ouvriers étaient des imbéciles et qu'il fallait les tirer de leur incapacité à faire la révolution en se constituant en avant-garde, à majorité intellectuelle. L'avant-gardisme, c'est le dictat de l'intellectualisme sur l'action, le dictat de l'idéologie sur la pratique.
Ma position c'est que s'écarter du « manuellisme » (la pratique), c'est sombrer dans la dégénérescence et la régression. La séparation entre la science et la technique c'est la mystification bourgeoise par excellence, destinée à maintenir le prolétariat à distance. Et c'est là le débat de « l'idéologie issue de la pratique », car toutes les sciences tournent aussi autour de ça. La plupart des innovations depuis l'avènement des sciences sont l'œuvre de praticiens et non de savants purs. Même les mathématiques dans l'antiquité sont considérés comme naissant de l'action. Car ce qui est qualifié de « science » c'est ce qui est bâtie sur des preuves, et pour arriver à ces preuves il faut pratiquer. En rejoignant Armonia, je pense que justement faire barrage à l'intellectualisme en tant que conception élitiste de la connaissance, c'est se préoccuper de la vie autonome de l'esprit et de la recherche, c'est permettre à tous et toutes l'accès à la culture et à la connaissance.
La professionnalisation de la pensée c'est, corrélativement, sa mercantilisation.