suppression de l'argent?

Re: suppression de l'argent?

Messagede Kzimir » 31 Jan 2012, 11:29

Je ne suis pas d'accord avec toi kuhing.

Prenons un exemple précis : les bananes. On ne peut les cultiver que sous certains climats, de plus, la quantité de terres cultivables étant limité, il faut en laisser pour d'autres cultures plus importantes (le riz, le blé, etc.). En conséquence, révolution ou pas, ou se trouvera dans une situation ou la quantité de banane ne sera pas suffisante pour satisfaire tout les besoins si par exemple un tiers de la population mondiale décide de manger une banane par jour. Même avec une intelligence humaine débridée, il faudra un certain temps pour que le progrès technique permette de cultiver suffisamment de bananes (cool des bananes OGM, à moins qu'on parte coloniser Mars pour y planter des bananes).
Sérieusement, je ne pense pas qu'on puisse résoudre ce genre de questions en faisant totalement abstraction des conditions actuelles d'existence (comme tu le fais, ou comme, il me semble, Picohertz le fait sur un autre sujet). On peut très bien penser qu'avec le socialisme, on mangera tous ce qu'on veut à volonté ou même qu'avec le socialisme plus personne ne mourra car on aura trouvé le remède à toutes les maladies, mais en disant ça on raisonne à partir d'une sorte d'âge d'or du socialisme qui ne pourra être la période immédiatement post-révolutionnaire. Personnellement je ne sais pas si cet âge d'or existera, j'en doute sérieusement, mais la vraie question me semble être l'organisation de la société dès que l’État et le capitalisme auront disparus, c'est à dire dans les conditions de production actuelles (à moins qu'on pense que celles-ci ne soient pas mur pour la révolution, mais on risque alors de tomber dans le réformisme).
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Re: suppression de l'argent?

Messagede kuhing » 31 Jan 2012, 17:35

Kzimir a écrit:Je ne suis pas d'accord avec toi kuhing.

Prenons un exemple précis : les bananes. On ne peut les cultiver que sous certains climats, de plus, la quantité de terres cultivables étant limité, il faut en laisser pour d'autres cultures plus importantes (le riz, le blé, etc.). En conséquence, révolution ou pas, ou se trouvera dans une situation ou la quantité de banane ne sera pas suffisante pour satisfaire tout les besoins si par exemple un tiers de la population mondiale décide de manger une banane par jour. Même avec une intelligence humaine débridée, il faudra un certain temps pour que le progrès technique permette de cultiver suffisamment de bananes (cool des bananes OGM, à moins qu'on parte coloniser Mars pour y planter des bananes).
Sérieusement, je ne pense pas qu'on puisse résoudre ce genre de questions en faisant totalement abstraction des conditions actuelles d'existence (comme tu le fais, ou comme, il me semble, Picohertz le fait sur un autre sujet). On peut très bien penser qu'avec le socialisme, on mangera tous ce qu'on veut à volonté ou même qu'avec le socialisme plus personne ne mourra car on aura trouvé le remède à toutes les maladies, mais en disant ça on raisonne à partir d'une sorte d'âge d'or du socialisme qui ne pourra être la période immédiatement post-révolutionnaire. Personnellement je ne sais pas si cet âge d'or existera, j'en doute sérieusement, mais la vraie question me semble être l'organisation de la société dès que l’État et le capitalisme auront disparus, c'est à dire dans les conditions de production actuelles (à moins qu'on pense que celles-ci ne soient pas mur pour la révolution, mais on risque alors de tomber dans le réformisme).


Personne n'a dit, en tous cas pas moi, qu'on allait manger un kilo de bananes par jour et par habitant de cette planète du jour au lendemain.

Déjà parce que tout le monde n'aime pas forcément les bananes.

:)

La question de fond est que pour que le monde puisse manger à sa faim reste que l'utilisation des ressources disponibles, qui sont, je le répète, infinies, soit organisée de façon cohérente et propre .
L'économie actuelle ( capitaliste ) basée sur la nécessité absolue de réaliser un profit financier, empêche de le faire.

Le profit financier est basée, pour simplifier, sur la plus-value tirée du travail que les uns qui ne possèdent pas de capital sont contraints de céder à ceux qui le possèdent et ceci aboutit à un goulot d'étranglement que nous vivons pleinement actuellement.

Pour répondre en même temps à Picohertz sur l'objection qui avançait sur l'accumulation du capital : Pour pourvoir "investir" du capital il faut avant tout l'accumuler et continuer de l'accumuler pour continuer de "l'investir".
L'existence même de l'argent entraîne donc forcément ce processus d'accumulation et empêche donc de sortir du cycle capitaliste.

Ceci dit si le fonctionnement part sur des nouvelles bases, à savoir ne plus travailler les uns contre les autres mais en synergie, tous les obstacles sont éliminés et tout devient possible parce que dépendant uniquement de la volonté commune d'avancer vers un projet.
L'intelligence peut être libérée pour y parvenir.

Tout devient possible, à inventer, à partir de ce moment là, y compris cultiver des bananes ( non OGM ) en antarctique.

Certes cela ne se fera pas d'une minute à l'autre mais je suis convaincu que le processus une fois enclenché peut être très rapide.( de l'ordre de quelques semaines ou au pire quelques mois )
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Re: suppression de l'argent?

Messagede mimosa rouge » 01 Fév 2012, 08:12

Et puis effectivement investir c'est pas thesauriser, mais c'est une autre forme d'accumulation.
Le problème c'est que entre capitaliste il est convenu qu'un capital investie se déprécié si il ne génère pas de profit.
Pour nous ça se traduit par divers pression sur salaires, temps de travail, productivité, montant des prestations sociales, montant des pensions (chômage, retraite).... Pour gagner à la marge ce que l'exploitation pure ne peut plus obtenir en terme de profits.

C'est l'accumulation d'argent qui s'agit de sauver. Même investi en machine, bâtiment, recherche...

À mon avis il y a pas d'usages neutres de la monnaie sur long terme en société .
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Re: suppression de l'argent?

Messagede mimosa rouge » 01 Fév 2012, 08:15

Après il y rien de magique non plus, et l'accumulation peut prendre une forme plus "physique" plus direct sans support monnaie
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Re: suppression de l'argent?

Messagede GuevaraFan » 01 Fév 2012, 16:24

Bien d'accord avec Kuhing, mais je peux comprendre que la notion de vie sans système d'échange MATÉRIEL soit difficile à comprendre. J'ai mis pas mal de temps à piger ça, et je doute encore parfois aujourd'hui. C'est un de mes sujet de conversation les plus animé lorsque je discute politique/économie avec un de mes meilleur pote, capitaliste égalitaire (selon ses propres mots) soit dit en passant, mais chui pas sectaire, l'erreur est humaine ! ;)

Dit voir Kuhing, t'aime beaucoup faire de la musique non ? ;)
Savoir, c'est vivre. Laisser dans l'ignorance, c'est presque un homicide.
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Re: suppression de l'argent?

Messagede kuhing » 02 Fév 2012, 21:20

GuevaraFan a écrit:Bien d'accord avec Kuhing, mais je peux comprendre que la notion de vie sans système d'échange MATÉRIEL soit difficile à comprendre. J'ai mis pas mal de temps à piger ça, et je doute encore parfois aujourd'hui. C'est un de mes sujet de conversation les plus animé lorsque je discute politique/économie avec un de mes meilleur pote, capitaliste égalitaire (selon ses propres mots) soit dit en passant, mais chui pas sectaire, l'erreur est humaine ! ;)

Dit voir Kuhing, t'aime beaucoup faire de la musique non ? ;)


J'aime bien oui et depuis que j'ai eu à peu près ton âge. :)
Sortie du 2ème album de "OSE" qui s'appelle "Rêve Evolution" dans à peu près un mois.

Pour en revenir à la discussion.

Il ne s'agit pas de se passer, dans une société communiste libertaire, anarchiste...( pour moi c'est pareil ), d'échanges qu'ils soient matériels ou immatériels.
Il s'agit de ne plus quantifier le travail "simple" ou "complexe" en lui octroyant une valeur monétaire.
Les échanges quant à eux sont des principes de fonctionnements universels dans tous les domaines qu'ils soient chimiques, organiques ou sociaux.

La question est de passer à un mode d'organisation qui satisfasse à un principe souvent répété mais dont on ne saisit pas toujours le sens profond. Ce principe est : " de chacun ses possibilités ou capacités, à chacun selon ses besoins"
Ce principe c'est Marx qui l'a évoqué et, je suis d'accord avec lui là-dessus.
Je suis d'ailleurs en accord avec une grande partie ( celle que je comprends ) de l'analyse économique marxiste.
C'est sur la question de l'Etat, du "parti" et de son fonctionnement autoritaire et hiérarchisé que je ne suis plus d'accord du tout avec Marx et bien sur ceux qui comme Lénine ont poussé ces principes à leur paroxysme.

Donc,

Il s'agit pour libérer d'esprit humain de faire appel à la capacité de chacun de faire ce qu'il sait et veut faire en synergie avec les autres.
Mais pour cela il faut obligatoirement sortir du cycle capitaliste qui quantifie le travail pour en tirer une plus-value de la part de ceux qui détienne un capital.
Et pour se faire, l'argent, la monnaie qu'elle soit fiduciaire ou scripturale est l'outil de base pour réaliser le profit financier, principe de l'économie capitaliste.
L' existence même de l'argent, au delà de son rôle d'échange marchand, engendre cette accumulation du capital qui entraîne le cycle capitaliste lui-même ne pouvant qu'aboutir à une impasse.
Cette impasse est en partie explicable par "la baisse tendancielle du taux de profit" qui amène à ces crises cycliques et inéluctables que nous connaissons et vivons tous.

Ci joint une explication assez bien faite et simplifiée de "la baisse tendancielle du taux de profit "

Elle est tirée d'un site qui s'appelle Tant qu'il y aura de l'argent


Qu’est ce que c’est… La Baisse tendancielle du Taux de profit ?

Richard a joué a Euromilllions, et il en a gagné 100. Ce qui permet d’évacuer la question de l’origine du capital, encore appelée accumulation primitive…

L’objectif de Richard : le profit.

Le capital investi par Richard la première année : 100 million d’euros

Ces 100M se décompose comme ça : 15 pour les salaires, 15 pour le loyer du local de l’usine, 10 pour les matières premières, 60 pour acheter et entretenir ses machines. ( les machines coûtaient 500 millions, il a emprunté sur 10 ans ce qui si on ajoute les intérêts payés a la banque, et les frais chaque années d’entretien, de réparations, fait une moyenne de 60M par an.)

Les ouvriers produisent un beau paquet de montres de luxe.

La première année, Richard gagne 110M : il a fait 10% de profit…

L’année suivante : Il réinvesti tout ses 110M dans sa boite. ( Ne vous inquiétez par pour lui, il vit au frais de la boite, avec d’énormes notes de frais. C’est déductible des impôts!)

Il dispose désormais d’un capital de 110M. Pour maintenir son taux de profit à 10%, il doit gagner 11M , soit 1 de plus que l’année d’avant : les ennuis commencent. Et chaque année ce sera pire ! La troisième,s’il a maintenu son tauxde profit son capital sera de 121M ! il devra donc trouver 12,1M, s’il veut maintenir un taux de profit de 10% ! La quatrième… bref.

Mais alors pourquoi absolument maintenir son taux de profit ? Après tout, c’est déjà pas mal, ce qu’il a engrangé !

Oui, c’est vrai. Mais ce qu’il a engrangé, il l’a investi : c’est son capital constant, ses machines. Et s’il l’a acheté un tel prix, s’il investi son pognon pour entretenir et améliorer son parc de machines, c’est car il espère en tirer du profit, bein tiens !

Seulement voilà : s’il investi pour 100 M et qu’il en gagne 10, ( donc les fameux 10%) c’est un capital qui rapporte. Mais supposons que malgré tout le capital qu’il investi dedans, le taux de profit chute.

Supposons que la boite ne rapporte plus que 1% de profit, alors que de fil en aiguille , toute la masse de capital investi représente 1 Milliard: donc il gagne 1% de 1 milliard, soit… 10 M!

Richard est alors bien dégouté: son milliard investi en machines et équipement divers ne lui permet pas de gagner plus que les 100 millions de ses débuts!

On finira par conclure que ses machines ne valent pas du tout 1 milliard mais bien 100 millions : c’est tout son capital qui se dévalorise !

Conclusion : pour maintenir son capital, il doit en permanence maintenir son taux de profit ; c’est la loi N°1 du capitalisme : la fuite en avant.

Voyons maintenant les possibilités qui s’offrent a lui pour augmenter ses profits.

En sachant que s’il a une certaine marge de manœuvre, il est quand même limité.

Il peut compter sur l’augmentation de la productivité:lorsqu’il va renouveler ses machines, les nouvelles machines produiront une bien plus grande quantité de marchandises alors qu’elles couteront a l’achat a peu près pareil que les vieilles moins efficaces: moins de capital investi par rapport a la rentabilité. Ce qui l’amène à…
Produire plus : jusqu’à un certain point, c’est possible. C’est ce qu’on appelle les capacités de production, de sa boite : la capacité maximale, en terme de machines et de main d’œuvre, de produire.

La limite, c’est l’étendue du marché : au bout d’un moment, les riches n’ayant que deux poignets ils n’ont l’usage que d’un nombre limité de montres. Cette limite peut être repoussée : en stimulant la consommation irrationnelle des riches, en les encourageants a collectionner les montres, grâce a la pub, etc.

Mais ça aussi, au bout d’un moment, c’est limité : ils vont finir par étouffer sous les montres !

C’est pas fini pour autant : on peut stimuler la consommation des pauvres, en leur proposant un crédit : après tout, il paraît que si on a pas une rolex a 50 ans, on a raté sa vie !

Ce n’est qu’un moyen de repousser l’échéance : les pauvres aussi n’ont que deux poignets, et qui plus est des capacités de remboursements de crédits réduites…

Richard dispose d’autres leviers : il peut innover : faire des montres qui vont vachement loin sous l’eau , pour que tout le monde achète ses montres a lui, et pas celle des concurrents. Le problème, c’est que ses concurrents vont eux aussi finir par faire pareil, et le voilà revenu au même point.

Enfin, il peut rogner sur les salaires: fini la rigolade !

Là aussi, il peut le faire de plusieurs manière différentes :

- Augmenter les cadences,

- Augmenter le nombres d’heures de boulot sans que les salaires suivent,

- Virer une partie des prolos sans diminuer la charge de travail,

- Virer les vieux qui bénéficient de primes a l’ancienneté, pour les remplacer par des p’tits jeunes, voire par des intérimaires.

Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, les capitalistes d’aujourd’hui utilisent déjà tout cet arsenal. Est-ce suffisant ? Pendant un bon moment, oui, ça l’est.

C’est pour ça que Marx appelait ça la baisse tendancielle du taux de profit : en effet, le capital peut freiner, jusqu’à faire disparaître cette tendance, durant son développement. Pour un temps. Car il existe des limites : rogner sur les salaires, par exemple, fini par peser sur la consommation. Le crédit peut pallier a ça, mais pas indéfiniment… Et c’est sans compter sur les résistances ouvrières,la lutte des classes !

Finalement, le taux de profit baisse, baisse… Et les capitalistes ne savent plus ou investir leur masses de fric de manière rentable… C’est la crise !

kuhing
 

Re: suppression de l'argent?

Messagede Béatrice » 02 Fév 2012, 22:02

Pour "illustrer" ce sujet , un extrait de la postface de " les fils de la nuit " ( souvenirs de la guerre d'Espagne ) : Les Giménologues , Editions l'Insomniaque : épuisé et non réédité

( qui répond parfaitement à mon sens , à la complexité d'une telle mise en oeuvre globale , tant que le système capitaliste perdurera sur l'ensemble de la planète . )


Même si de nombreux militants expérimentés au sein de la CNT
et de la FAI avaient des idées précises sur ce que devait être le
communisme libertaire, à aucun moment il ne se constitua une
direction éclairée de type bolchevique, convaincue de son omniscience,
pour organiser d’en haut les collectivités : il n’est qu’à voir
l’extrême diversité des procédés mis en oeuvre ici et là. Dans tel
lieu, on supprimait radicalement l’argent, dans tel autre on le
POSTFACE : RÉVOLUTION OU RÉFORME ? 517
conservait, mais sous la responsabilité d’un comité révolutionnaire
élu, dans tel autre encore on établissait des bons pour certains
types de denrées, etc. Bref, on cherchait, et si les troupes
communistes de Líster n’avaient pas ravagé les collectivités d’Aragon
dans l’été 1937, on aurait peut-être trouvé, à commencer par
le fait qu’il ne suffit pas de supprimer l’argent comme support
concret pour se débarrasser définitivement du type de rapports
qu’il exprime et entretient dans la société capitaliste.
Car il est un fait que les anarchistes espagnols, s’ils brillaient
par les qualités humaines de courage et d’empathie vis-à-vis de
leurs semblables, n’étaient pas toujours très au fait des rapports
qui ont cours dans la société du Capital. Sans doute cela est-il dû
en partie à ces mêmes qualités humaines, qui leur voilaient des
pans entiers de cette réalité.
Il nous semble nécessaire de pointer ici une contradiction
importante dans le discours et l’idéologie anarchiste. La critique
séparée de l’argent et l’accusation qui lui est faite d’être une
source de mal mettent à nu un anticapitalisme trop superficiel,
qui croit voir dans l’argent – et souvent dans ceux qui le détiennent
– l’acteur coupable de pervertir la bonne économie créatrice
de richesses, basée sur le travail.
Le travail est alors compris comme l’activité générique et anhistorique
de l’homme dans le « métabolisme avec la nature »
(Marx). L’argent, quant à lui, semble se surajouter à celui-ci pour
l’exploiter et le dominer, et il semblerait alors suffisant de l’abolir
pour atteindre une société plus juste et libérée du joug capitaliste.
Mais le travail n’est pas cette activité de l’homme à travers
laquelle il vise à se reproduire, mais celle, spécifique, qu’il
consacre à produire des marchandises. Les marchandises ne sont
pas des produits quelconques, mais l’incarnation matérielle du
temps nécessaire à leur production, de leur valeur. Leur valeur
d’usage ne leur sert que de porteur. Et l’argent, finalement, se
trouve être « la reine des marchandises », qui fonctionne comme
équivalent de toutes les autres. Ce qui s’échange sur le marché, ce
sont donc des unités de temps de travail. Le mouvement de la
valeur est cette transformation permanente du capital (argent), en
passant par le travail et la marchandise, en plus d’argent. Le capital
lui-même, étant déjà du travail mort accumulé, s’augmente
518 LES FILS DE LA NUIT
par sa valorisation, le passage par le travail vivant. La production
capitaliste ne vise jamais rien d’autre que la production la plus
grande possible de marchandises, sans se poser la question du
besoin qu’en aurait la société. Celui-ci n’entre en ligne de compte
qu’au moment de l’écoulement des marchandises, et c’est pour
cela, dans la société capitaliste, que c’est la production qui domine
les besoins, et non les besoins qui définissent la production.
Historiquement, le mot « travail » désigna d’abord l’activité des
esclaves, c’est-à-dire de ceux qui produisent sous la contrainte
pour d’autres. De cette définition ouvertement coercitive, il a
migré vers l’illusion d’une activité libre où il s’agirait de donner
une partie de sa force de travail en échange des moyens de sa survie.
Cette liberté est celle de l’absence d’autres liens. Le travail est
toujours « n’importe quel travail » : son côté concret, le fait de
cuire du pain ou de construire des chars d’assaut, n’est rien
d’autre que l’incarnation concrète de son côté abstrait, celui de
« dépenser du muscle, du nerf, du cerveau » (Marx) pendant une
unité de temps donnée. Cette unité forme la valeur de la marchandise
et s’exprime dans l’argent. Car c’est la seule mesure rendant
commensurable deux produits complètement différents.
Vouloir abolir l’argent en sauvant l’honneur du travail, ainsi
que l’exprime Antoine en bien des endroits de ses souvenirs, est
donc un contresens pratiquement impossible à réaliser, et en
appelle simplement à des ersatz certainement encore plus coercitifs
que l’argent : des bons nominatifs exprimant la valeur du travail
donné, des comptabilités rendant compte avec précision du
temps consacré à la production, c’est-à-dire tout ce qui fonde une
économie de type « soviétique », prétendant réaliser la valeur et la
redistribuer plus justement. Ce qui est mis en cause n’est pas la
valeur, mais simplement le « vol de la sur-valeur ».
Le travail présuppose déjà l’être humain comme séparé de la
communauté et l’effort qu’il fournit comme une contrainte aliénée,
en dehors de lui. Il s’agit d’une vision du monde absolument
moderne, qui aurait paru absurde aux membres des sociétés prémodernes,
pour lesquels l’appartenance à une communauté
(certes pas choisie librement) était primordiale.
Mais il ne faudrait pas croire que cette faiblesse dans la théorie
était spécifique aux anarchistes : il est intéressant de souligner ici
POSTFACE : RÉVOLUTION OU RÉFORME ? 519
la concordance entre eux et les autres tendances du mouvement
ouvrier (communistes « de parti » ou « de conseils », sociauxdémocrates,
utopistes, etc.), qui tous ensemble, malgré leurs inimitiés
respectives, chantaient les louanges du travail et, par là,
appartenaient, malgré eux, à la grande famille des modernisateurs,
des « progressistes », même s’il ne faut pas faire preuve de
cécité à l’égard de ces moments en marge et souvent spontanés qui
dépassaient l’idéologie, et sont précisément pour cette raison ceux
dont nous cherchons aujourd’hui à retrouver les traces.
Puisque nous faisons porter notre regard sur les marges, on
peut tout d’abord se remémorer ce célèbre passage d’une lettre que
Michel Bakounine adressa à Sergueï Netchaïev le 2 juin 1870 :


Dans la vie et dans la pensée populaires il est deux facteurs, deux
faits sur lesquels nous pouvons nous appuyer : les fréquentes
révoltes et la commune économique libre. Mais il y a encore un
troisième facteur, un troisième fait : c’est le peuple cosaque ou le
monde des brigands et des voleurs de grand chemin, qui est en
lui-même une protestation et contre l’oppression de l’État et
contre le joug patriarcal et communautaire, et qui s’apparente en
somme aux deux premiers. […]
Si les campagnes ne se révoltent pas plus souvent, c’est uniquement
parce que la peur les retient et qu’elles ont conscience de
leur impuissance. Ce sentiment est dû à la désunion des communes,
à l’absence de solidarité réelle entre elles. Si chaque village
russe savait qu’à l’instant où il se soulèvera tous les autres
villages en feront de même, on pourrait dire à coup sûr qu’il n’y
aurait pas un seul village en Russie à ne pas se soulever. De là
découle le premier devoir de l’organisation secrète, sa tâche et
son but, à savoir : réveiller dans toutes les communautés rurales
le sentiment de leur immanquable solidarité, et par là même
éveiller dans le peuple russe le sentiment de sa puissance ; en un
mot, fondre les multiples révoltes paysannes isolées dans un soulèvement
général du peuple.
Je suis profondément convaincu qu’un des principaux moyens
pour atteindre ce but peut et doit être fourni par le peuple des
cosaques libres, par la multitude de nos vagabonds (les saints et
les autres), les pèlerins et les beguny, les voleurs et les brigands
– par tout ce monde qui se terre, proteste depuis des temps
immémoriaux contre l’État et l’étatisme et contre la civilisation
knouto-germanique. […] Le monde des cosaques, des voleurs,
520 LES FILS DE LA NUIT
des brigands et des vagabonds, a précisément été celui qui a établi
un lien entre les révoltes communautaires isolées et les a unifiées
; et du temps de Stenka Razine et de Pougatchev les vagabonds
sortis du peuple furent les meilleurs et les plus fidèles
artisans de la révolution populaire, les instigateurs des troubles et
les précurseurs du soulèvement du peuple entier (qui ne sait que
le cas échéant les vagabonds se font volontiers voleurs et brigands
?). […] Voilà la raison pour laquelle je prends le parti du
brigandage populaire et vois en lui un des principaux leviers de
la future révolution populaire en Russie. […]
Utiliser le monde des brigands comme instrument de la révolution
populaire, comme moyen pour établir un lien entre les soulèvements
de masse isolés, est une tâche difficile […]. Aller vers
les brigands ne signifie pas devenir soi-même un brigand et rien
qu’un brigand ; cela ne signifie pas partager leurs passions, leurs
misères, leurs mobiles souvent odieux, leurs sentiments et leurs
actes ; cela signifie leur donner une âme nouvelle et éveiller en
eux [le besoin] d’un but différent, d’un but populaire ; ces
hommes farouches et durs jusqu’à la cruauté ont une nature
vierge, forte, intacte et en pleine vitalité, et par conséquent accessible
à une propagande vivante, si tant est qu’une propagande
bien entendu vivante et non doctrinaire ose et puisse les approcher.
(OEuvres complètes, vol. V., Champ Libre, 1977.)
« Simple, forte, aimant l'art et l'idéal, brave et libre aussi, la femme de demain ne voudra ni dominer, ni être dominée. »
Louise Michel
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Re: suppression de l'argent?

Messagede echo » 06 Fév 2012, 23:13

Salut !
Moi je n'y connais pas grand chose mais j'imagine que même si on n'atteint jamais le stade d'une société d'abondance, si des gens décident de vivre selon des principes communistes, ils n'auront pas de mal à comprendre que s'ils abusent en consommant trop ça ne pourra pas fonctionner, du coup je pense que les gens sauront s'autoréguler tous seuls, sans qu'on ait besoin de leur donner des tickets de rationnements, des bons de travail, ou pire de l'argent. Il suffirait que pour chaque denrée, chacun sache à peu près quel chiffre il ne faudrait pas dépasser pour que tout le monde en ait (ça pourrait être indiqué sur des pancartes), et puis quand approcherait la date des nouvelles livraisons, s'il en reste encore bcp, alors là on se servirait autant qu'on voudrait.
:^^:
echo
 
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Re: suppression de l'argent?

Messagede kuhing » 07 Fév 2012, 17:01

echo a écrit:Salut !
Moi je n'y connais pas grand chose mais j'imagine que même si on n'atteint jamais le stade d'une société d'abondance, si des gens décident de vivre selon des principes communistes, ils n'auront pas de mal à comprendre que s'ils abusent en consommant trop ça ne pourra pas fonctionner, du coup je pense que les gens sauront s'autoréguler tous seuls, sans qu'on ait besoin de leur donner des tickets de rationnements, des bons de travail, ou pire de l'argent. Il suffirait que pour chaque denrée, chacun sache à peu près quel chiffre il ne faudrait pas dépasser pour que tout le monde en ait (ça pourrait être indiqué sur des pancartes), et puis quand approcherait la date des nouvelles livraisons, s'il en reste encore bcp, alors là on se servirait autant qu'on voudrait.
:^^:


Tu n'y connais peut-être pas grand chose mais tu as une bonne intuition.

La seule chose étant que ce calcul sur ce qui sera disponible sera inutile.

En effet, si l'on sort du cycle capitaliste les forces productrices vont croître considérablement parce qu'elles ne seront plus bloquées notamment par la suppression la baisse tendancielle du taux de profit inhérente au capitalisme ( décrite plus haut) , idem pour la course à la rentabilité financière qui entraîne un gâchis considérable de ce qui est déjà produit ( il est déjà produit de quoi nourrir 2 fois ce qui est nécessaire pour l'humanité entière alors que + de 900 millions de personnes souffrent gravement de la faim )

Par ailleurs environ 70 à 80 % du travail aussi bien manuel qu' intellectuel humain est actuellement également gâché pour la gestion du système économique actuel ( obsolescence programmée, forces de répression et de contrôle, marketing , secteur bancaire, politiciens, "justice" ....)

Il y aurait donc suffisamment pour ne manquer de rien et avoir bien plus encore (plus qu'on soit en mesure de consommer) tout en ayant une production propre puisque non soumise à la rentabilité financière.

Par exemple un moteur à hydrogène entraîne 0 pollution pour peu qu'on mette au point la technologie capable de synthétiser ou de capturer simplement du dihydrogène et di dioxygène .
kuhing
 

Re: suppression de l'argent?

Messagede GuevaraFan » 08 Fév 2012, 15:55

Sûr... Je l'ai déja dit et le re-dirai encore : si tous les humains c'étaient intéressés à aller dans l'espace plutôt que de ce tirer dessus, ça ferait longtemps qu'on aurait visité Mars !
Savoir, c'est vivre. Laisser dans l'ignorance, c'est presque un homicide.
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Re: suppression de l'argent?

Messagede Spike » 02 Avr 2012, 18:01

En effet, si l'on sort du cycle capitaliste les forces productrices vont croître considérablement parce qu'elles ne seront plus bloquées notamment par la suppression la baisse tendancielle du taux de profit inhérente au capitalisme


Euh ça c'est pas sûr. L'avènement d'une société communiste n'entraînera pas forcément une grande envie de travailler chez les Hommes.

Pour les curieux on a eu une discussion similaire qu'on a eu sur Pavillon Noir:
"Achat, Echange ou Don: l'économie dans une société libertaire", dans la rubrique "débats théoriques".
http://pavillonnoir.forumactif.org/t131 ... libertaire
"UNE SEULE CLASSE OUVRIERE, UN SEUL SYNDICAT, UN SEUL FRONT, UN SEUL BUT : UNE SOCIETE SANS CLASSES NI ETAT! "
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Re: suppression de l'argent?

Messagede kuhing » 09 Avr 2012, 22:43

L'augmentation des forces productives ne veut pas dire travailler beaucoup .
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Re: suppression de l'argent?

Messagede GuevaraFan » 11 Avr 2012, 15:07

D'autant que dans un tel contexte, à mon avis, la modernisation peut rendre de grands services ! La force mécanique a aujourd'hui (beaucoup trop) tendance à prendre la place des humains. Je suis sûr que ces deux facteurs peuvent avancer dans le même sens "pince dans la main" ;)
Il est vrai qu'il y a des boulots que personne de veut faire, et c'est très compréhensible. Si on mécanise ces boulots, plus de problèmes ! Sauf en cas de panne évidement... Mais là encore, sans un frein commercial, on est capable de produire des engins qui pourront tenir beaucoup plus longtemps.
Le seul soucis qui me parait vraiment gênant est le suivant : si on fait pas gaffe, on risque, en utilisant des ressources auxquelles on avait pas accès avant pour cause de prix, de sucer, d'aspirer les ressources planétaire à vitesse grand V. En un tel cas, le changement de société serait un échec...
Savoir, c'est vivre. Laisser dans l'ignorance, c'est presque un homicide.
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Re: suppression de l'argent?

Messagede kuhing » 13 Avr 2012, 10:36

Petite fausse manoeuvre qui m'a fait effacer mon dernier message , je le reprends avec ce que je peux en le précisant plus :

La mécanisation est effectivement une des réponses .

la plus grande raison de l'augmentation des forces productrices d'une société non marchande, réalisée conjointement avec la diminution significative du ltravail et donc en ne faisant appel qu'à la propension "naturelle" et volontaire de l'homme à la création, réside dans l’économie d'environ 80 % des forces manuelles et intellectuelles gaspillées à faire tourner un système marchand dont l'objectif est le profit financier.
Il s'agit, pour ce gâchis immense, de l'obsolescence programmée bien sur mais aussi de tous les secteurs administratifs, commerciaux, bancaires, répressifs , de contrôle, de marketing , (j'en passe et des meilleures...) qui emploient une force considérable qui non seulement ne sert à rien de nécessaire à l'épanouissement humain, mais pollue considérablement en plus d'emmerder le monde.

Quant à l'énergie elle est infinie si on sait l'apprivoiser ( il y a aussi l'énergie libre des neutrinos, la fusion froide, les carburants synthétisés par les bactéries ..... et tout ce qu'il reste à découvrir si on se débarrasse des lobbys financiers pétroliers et de l'énergie nucléaire )

Voici un exemple parmi d'autres :




J'en profite pour rajouter que :

L'augmentation des forces productrices sera d'autant plus augmentées que toutes les personnes qui sont actuellement privées d'activités à cause de la rentabilité qu'impose le système actuel et le goulot d'étranglement dans lequel il se trouve, pourront enfin participer à la création collective en fonction de ce qu'ils savent et souhaitent réaliser.

ça fait du monde d'autant que l'on sait que les choses avancent beaucoup plus vite et avec moins d'efforts dans une ambiance de coordination et de justice où tout le monde va dans le même sens .

Le système actuel peut être comparé à des silos où des quantités phénoménales de grains sont stockées par quelques personnes qui les accumulent .
Tout cela reste enfermé dans des lieux clos.
Ce n'est pas seulement stérile , ça pourrit.

Si ces graines de travail volé par une minorité, voient à nouveau le jour et sont plantées par la collectivité constituée d'individualités libres, l'humanité pourra manger à sa faim et tout cela arrosé de bon vin.

Ce n'est pas de l'utopie, c'est la solution réaliste et concrète pour qu'un nouveau système social fonctionne.
kuhing
 

Re: suppression de l'argent?

Messagede GuevaraFan » 14 Avr 2012, 16:57

kuhing a écrit:arrosé de bon vin

Oxymore... :)

Clairement !Je ne pense pas que l'humain soit naturellement fainéant... La société actuelle l'encourage à laisser les autres bosser à sa place, mais en virant la société, et après un probable temps d'adaptation, ca devrait aller bien mieux.
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