Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

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Messagede Pti'Mat » 06 Sep 2011, 12:40

Celà fait plusieures années que je ne me revendique plus anarchiste au sens organisationnel (même si individuellement je le reste). Néanmoins ça m'intérèsse d'avoir vos points de vue concernant l'un des plus vieux débats dans la grande famille du socialisme. Pourquoi remettre sur le tapis celà ? Tout simplement parce que nous sommes dans une impasse organisationnelle depuis bien longtemps ce qui explique parallèlement la stagnation, voire la regression du mouvement ouvrier et révolutionnaire d'aujourd'hui.

Je vais donc reprendre Piero car son commentaire est intéréssant:

"D'autant que ce débat n'est pas nouveau (congrès d'amsterdam de 1907 par exemple).
Pour faire rapide, je pratique et pense que l'outil syndical en terme d'organisation collective est indispensable, mais pas suffisant. Je m'inscris donc aussi dans d'autres formes d'organisations collectives qui me paraissent aussi indispensables : organisation politique, associations (et notamment de quartier)...
D'autre part et sur la construction révolutionnaire, je ne suis pas sur la question syndicalisation des moyens de production, je suis pour la socialisation des moyens de production et le pouvoir des conseils."

Surement cette conception conseilliste et plateformiste vous parait novatrice devant notre société "démocratique" décadente, une alternative crédible pour le prolétariat. Or pourtant rien n'est plus faux. La conception que tu partage Piero est justement l'une des plus vielles conception mise en pratique dans le socialisme et dans la société. Elle a été mise en pratique prmeièrement par le courant social-démocrate.
La social-démocratie, interprétation réformiste du marxisme, a cette particularité héritée du républicanisme démocratique radical en le mélangeant au marxisme. Elle a la volonté de maintenir le caractère bourgeois de ce que l'on appelle politique et économique. Cette volonté ne résulte que du caractère social de ses membres dirigeants: tous bourgeois ou issu de ce milieu.
Le caractère bourgeois de la social-démocratie vise à séparer domaine politique et domaine économique. Ce que tu semble partager en mettant distinctement pouvoir politique conseilliste de quartier et socialisation des moyens de production.
En ça (la question syndciale, économique, politique), vous ètes exactement pareil que les léninistes. Le léninisme déscend de la social-démocratie dont Lénine en partageait la vision de l'aile Jacobine (très admirateur de la révolution française).

La séparation du domaine économique et du domaine politique est aussi vieille que le pouvoir et l'autorité existent en terme sociétal. A partir du moment où il y a eu hierarchie, pouvoir, qu'il soit centralisé dans les mains d'un monarque, empereur, ou entre des mains collectives, oligarques, élues ou auto-proclammées des différents échelons démocratiques en passant par monarchique parlementaire, les domaines politiques et économiques ont toujours été séparés et le pouvoir politique prend l'ascendant sur l'économique. Ce qui est le plus étrange c'est que les libertaires conseillistes et plate-formistes, "communistes libertaires" (plus léninistes en sommes que libertaires) veulent perpétuer cette tradition millénaire d'oppression organisationnelle dans la société.
Nous, syndicalistes-révolutionnaires, pensons qu'il n'y a pas de séparation entre politique et économique autre que ceux et celles qui veulent avoir le pouvoir sur le peuple et la classe. La classe se dote d’une culture à partir de pratiques de vie sociale, dans les entreprises mais aussi dans ses quartiers. L’un ne va pas sans l’autre. Comment peut-on soutenir que ce qui se passe à l’usine, la boite, l'entreprise, serait du ressort du syndicat et ce qui se passe dans le quartier et la cité (logement, loisirs,…) serait du ressort de l'organisation spécifiquement politique, alors que dans le même temps on affirme, fort justement, que tout ce qui existe est le produit de l’activité productive des hommes et des femmes ?
On ne peut séparer vie professionnelle et vie privée, chaque prolétaire s’en rend compte tous les jours, comme on ne peut séparer « domaine économique » et « domaine politique ».

Le communisme (véritable, ce que vous vous rajoutez "libertaire") ne peut exister que si c’est la classe ouvrière qui prend le pouvoir et qui gère la production des services et des objets nécessaires à la réponse aux besoins de la population. Or l’organisation des travailleurs qu'est-ce que c'est ? C'est le syndicat. Ce ne peut pas être le parti ou l'organisation politique. Car la classe ouvrière, le prolétariat, n’existent pas dans un programme construit par un groupe restreint de travailleurs et d’intellectuels qui divisent organiquement le prolétariat par leurs interprétations iédologiques et philosophiques. L’existence du prolétariat c’est, en dehors de son existence définie par les rapports sociaux de production capitalistes, ses pratiques de lutte de classes qui se matérialisent dans des organisations ou structures de classes: syndicats et fédérations d’industrie, unions locales ou structures interprofessionnelles, confédération, organisations ou œuvres syndicales de sociabilité prolétarienne. Le caractère "de classe" est d’abord et avant tout cette existence matérielle qui agit. Si on pense que c’est le parti, l'organisation politique, qui fait exister l’organisation de la classe, alors on ne se place plus sur le terrain du matérialisme mais sur celui de l’idéalisme. Et ce térrain, on en est en plein dedans depuis que les courants léninistes et anarchistes (tendance Malatesta) ont pris le dessus sur les conceptions politiques et économiques en société.

Bref ce que je veux dire, c'est que tout ce que vous nous proposer comme "alternative", c'est enfait la continuité de ce système actuel selon les lignes tracée par la social-démocratie. Donc vous proposez les mêmes codes d'oppression populaire: la séparation et la divisions des domains sociétals. Car si tu t'impliques à côté de la production dans des associations de quartiers où les habitants sont pourtant les mêmes qui produisent, c'est bien que tu rentre clairement dans la conception social-démocrate bourgeoise et que tu ne veux en sortir vue que l'alternative proposée est sur les mêmes repères qui nous ont mis dans la merde depuis plus d'un siècle. C'est ce qui explique également la dépolitisation de la population, la perte de conscience de classe.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pïérô » 06 Sep 2011, 13:06

euh, je dois partir, çà va être très/trop rapide, mais c'est plutôt de la conception de l'organisation collective en soviets (Russie 17 notemment) dont je parle en "conseils" et pas de je ne sais quel démocratisme bourgeois. C'est pénible à la fin ces points de vue complètement caricaturaux !
L'organisation des travailleurs c'est pas que le syndicat, sinon il y aurait d'avantage de syndiqué-es, et c'est bien pour cela qu'en plus de développer du syndicalisme de lutte (et dans lequel il y a bien aussi une dimension politique et révolutionnaire) je participe à ouvrir d'autres pistes en auto-organisation dans les luttes, et je n'ai pas envie de rester à la traine de la CGT simplement parce que de ton point de vue c'est le syndicat historique de la classe ouvrière. Et je pense qu'il y a dans ce type de point de vue une sorte de mythification en plus de l'outil syndical que je ne partage pas. à plus... :wink:
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede SchwàrzLucks » 06 Sep 2011, 13:48

Déjà, il faudrait définir ce que tu appelles syndicat. Parce que les mots d'ordres tels que "syndicalisation des moyens de production" peuvent recouvrir des réalités différentes. Si syndicat est équivalent à l'auto-organisation de l'ensemble des classes laborieuses on tombe en plein dans le pouvoir des conseils (et autant parler de "socialisation des moyens de production") et il s'agit donc simplement d'un problème de définition.

Si par contre vous mettez derrière "syndicat" la même signification que ce mot à aujourd'hui, je dis non. Parce que là il n'y a plus auto-organisation mais pouvoir du haut vers le bas, la direction confédérale décidant pour le bas. C'est bien plus léninien que le communisme libertaire.

Qui plus est, le coup de l'anarcho-syndicalisme qui poserait une conception léniniste du syndicalisme est effarant. Pour Lénine, le syndicat doit être subordonné au parti d'avant-garde, et c'est donc l'avant-garde léniniste qui dirige les luttes puis la société future. Dans le cas de l'anarcho-syndicalisme, il s'agit en effet d'un regroupement de communistes libertaires uniquement. Mais, et c'est là que ton analyse tombe en miettes, jamais l'anarcho-syndicalisme n'a professé que les luttes devaient être dirigées par l'anarcho-syndicat.
Dans la conception anarcho-syndicaliste, l'anarcho-syndicat est un regroupement de travailleur-euse-s anarchistes qui cherchent à impulser une dynamique d'auto-organisation dans la lutte, l'assemblée (ou le conseil) et ses revendications étant totalement indépendantes de l'organisation AS. Le but étant que les travailleur-euse-s fassent l'expérience de l'auto-organisation et du combat de classe pour, à terme, faire la révolution sociale (et libertaire). C'est dans ce sens qu'on peut analyser le gradualisme révolutionnaire de Malatesta : participer maintenant avec l'ensemble des travailleurs et sur un pied d'égalité aux luttes revendicatives qui permettent de construire la conscience de classe et la conscience révolutionnaire tout en n'oubliant pas notre but, la révolution.
Je vois le même problème dans ton analyse de l'organisation anarchiste. Tu pars du principe que l'organisation politique vise forcément à prendre le pouvoir. Or, ce n'est aucunement le cas des organisations anarchistes. Pour elles, le but est d'en finir avec toutes les formes de domination, de classe, de genre, etc. et que les exploité-e-s créent leurs propres organes d'organisation directe, pas qu'illes obéissent à l'organisation.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pti'Mat » 06 Sep 2011, 20:22

Je vais répondre à schwarzlucks et à Piero en même temps car ça se coupe.

Moi aussi Piero je parlais des « conseils » type soviet et plus spécialement l'orientation léniniste, ils étaient en effet un tout petit peu plus stables que leurs cousins conseillistes en Bavière. Il est vrai que la révolution russe, aussi grandiose et glorieuse soit-elle, a complètement modifié notre conception et vision d'alternative au système capitaliste jusque dans ses bases structurelles et organiques. Il est dommage que la plupart de nos camarades d'organisations politiques ne peuvent plus voire que par ce schémas. Néanmoins, arrêtons de toujours faire référence à ce modèle que n'a pu et ne pourra plus jamais apparaître que par le contexte extrêmement spécial de la Russie à ce moment précis de l'histoire et du processus matérialiste historique.
Je ne comprends pas pourquoi s'acharner à s'attacher au « conseil » ou « soviet ». Pourquoi faire référence à l'outil qui a le plus mal marché et complètement échoué dans toute l'histoire du mouvement ouvrier et révolutionnaire ? Peut-être est-ce du masochisme militant. En tout cas ce n'est guère rassurant pour ce qui nous attend.

« L'organisation des travailleurs c'est pas que le syndicat, sinon il y aurait d'avantage de syndiqué-es »

Alors là je suis étonné. Jamais je n'aurais cru voir un jour ça venant d'un militant de ton bord... même le plus borné et doctrinaire des marxiste-léninistes accorderait un rôle clairement de classe au syndicat et reconnaitrait le syndicat comme seule organisation des travailleurs (mais organisation qu'il faut contrôler, ce pourquoi ils forment une organisation politique en dehors). Si le syndicat n'est pas l'organisation des travailleurs-euses alors c'est quoi ? Excuse moi si je me trompes mais qu'elle autre organisation autre que le syndicat propose une adhésion basée sur l'appartenance sociale et le fait d'être travailleur-euses ?
En organisation politique, à part le POSR de Jean Allemane et le POUM, jamais on n'a pu voir ça. Toute organisation (luttant pour le prolétariat et le socialisme) autre que le syndicat propose une adhésion idéologie et philosophique c'est à dire une adhésion inter-classiste. Le patron peut aussi bien adhérer à la même organisation de gauche révolutionnaire ou libertaire que le travailleur qu'il emploie, par principe et conscience révolutionnaire. Par contre le patron ne peut pas adhérer au même syndicat que son travailleur. Ca, ca s'appelle l'autonomie ouvrière et ça se traduit en projet révolutionnaire par « l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux mêmes ». Seul le syndicat permet cette autonomie. Seul le syndicat permet cette liberté de manoeuvre indépendante. Seul le syndicat peut être résumé par « pour la classe, par la classe ».
Donc oui, le syndicat est bien l'organisation des travailleurs-euses, il est même la seule organisation de travailleurs... le syndicat n'étant que le produit matériel de l'existence des classes et de la lutte des classes, il a sa raison d'exister que parce que le prolétariat existe. C'est le seul prolongement matériel de la classe.
Du côté léniniste, c'est bien parce que le syndicat est l'organisation par excellence des travailleurs-euses, le prolongement matériel des conditions économiques et d'identité prolétarienne qu'il est dangereux et qu'il faut contrôler à tout prix que les léninistes entendent construire une avant-garde révolutionnaire basée surtout sur les intellectuels. La continuité de la société bourgeoise et capitaliste: un cadre dirigeant un tout. Si tu considère que le syndicat n'est pas suffisant alors tu considère que l'organisation politique l'est, donc elle passe avant, donc ça rejoint les mêmes conceptions d'avant-garde. Au final c'est le prolétariat qui reste perdant. Dois-je alors conclure que pour vous à AL comme les autres organisations politiques anarchistes, le syndicat ne fait office que d'outil de recrutement pour l'organisation politique comme les léninistes ? Ce qui est bien entrain d'être démontré par la tendance « communiste libertaire » dans la CGT.

Ce n'est pas parce que le syndicalisme représente numériquement faiblement les travailleurs-euses qu'il n'est pas leur organisation. Si je te suis dans ta logique, c'est le PS alors qui « à gauche » serait la plus grande organisation des travailleurs (vu que beaucoup de ses militants, adhérants, votants, le sont)...
Je t'invites également à te rappeler pourquoi est-ce que d'un fort taux de syndiqué-es avec des luttes et grèves victorieuses on en est arrivé à ce qu'on est aujourd'hui. Ne serait-ce pas de la faute aux organisations politiques de gauche révolutionnaire, libertaire et réformiste pendant des décennies voulant instrumentaliser et se servir de la CGT pour avoir le cotât de recrutement et de crédibilité, de pureté à savoir qu'elle chapelle représente au mieux les intérêt du prolétariat, créant des scissions à répétitions, divisant organiquement le prolétariat et sa conscience de classe, suscitant alors la démoralisation, le désinvestissement et la dépolitisation de la population.
La décomposition syndicale actuelle ne reflèterait-elle pas la vision réformiste imposée par ses dirigeants adhérents majoritairement au PS/PCF/PG voire centristes et démocrates-chrétiens.
Le mal ne vient pas du syndicalisme en lui-même mais des militants de gauche et d'extrême gauche qui l'on pourri en lui hotant toute perspective politique. Le syndicat soustraite son projet aux organisations politiques: voilà la cause des maux actuels et des échecs des mouvements sociaux.

Qu'est-ce qui a fait l'intérêt des services publics ? Une nationalisation dirigée par des technocrates ou le contrôle ouvrier imposé par des syndicats puissants?
Qu'est-ce qui a fait la force de la Sécurité Sociale ? Sa tutelle « publique » ou le salaire socialisé défendu par des confédérations de classe ?
Qu'est-ce qui a fait la force de la sociabilité ouvrière ? Des associations financée par les collectivités territoriales ou l'investissement des militants syndicaux dans les organisations ouvrières d'entraide ?
Qu'est-ce qui a fait la force du mouvement ouvrier ? Des partis gérant une multitude d'institutions bourgeoises ou des confédérations autrefois organisées à partir des UL et syndicats d'industrie ?
Qui a obtenu les acquis sociaux de la classe ? Des campagnes électorales, des appels spontanéistes au grand soir ou les luttes interprofessionnelles lancées par les organisations syndicales ?

Il y a un slogan de la CNT qui dit « quel acquis social n'a pas été obtenu par la lutte ? » je rajouterais même: « quel acquis social n'a pas été obtenu par la lutte SYNDICALE ? »

Alors évidemment c'est du parcellaire, c'est temporel, c'est pas suffisant, la Révolution n'est toujours pas là. Mais dis moi ce qu'à produit dans l'intérêt du prolétariat et de la formation de sa conscience les organisations et associations politiques à part de la division, de la méfiance, des guerres intestines, de la démoralisation du désespoir, de la perte de temps... Rien.

Tu comprendras bien, pour couper avec la question de schwarzluck, que j'entends par syndicat, l'orientation historique de classe définie par la Charte d'Amiens.

Maintenant concernant cette adulation du système de conseil...
Tu ne t'ai jamais demandé pourquoi est-ce que les conseils, les soviets, très crédibles et populaires au début ont sombré, échoué et ont été contrôlé par les bolchéviques et leur vision avant-gardiste ?
La réponse est pourtant évidente si on analyse le processus révolutionnaire russe: trop faible, instable, localiste car le conseil ne possède aucun passé organique inscrit dans le jeune prolétariat russe. Ce jeune prolétariat n'a aucune conscience interprofessionnelle, le conseil est un dérivé politique du corporatisme économique. Il s'est crée de manière spontanéiste parce que justement le syndicalisme était également trop jeune pour également marquer l'expérience de la jeune classe ouvrière russe. Alors qu'en France ce sont les UL et bourses du travail dirigées par les anarchistes conquis au syndicalisme révolutionnaire et à la pratique du syndicalisme d'industrie qui font office d'armes révolutionnaires pouvant faire écrouler à tout moment le système et se substituer à lui, en Russie seul le parti possède une structure globale permettant de se substituer aux institutions. Le parti se substitue aux soviet et donc au peuple décisionnaire tout simplement parce que le soviet est incapable dans sa structure de se coordonner et de donner de la cohérence politique et économique à grande échelle. Le parti bolchévique fait office de ciment interprofessionnel permettant de coller entre eux tous les électrons qui ont du mal à s'organiser sur la dynamique révolutionnaire. Et heureusement qu'il l'a fait, sans quoi on ne parlerait pas aujourd'hui de Révolution Russe et d'URSS. Ce serait redevenue une Russie oligarchique et impérial en trois ans où la répression aurait été sans précédent.
Qu'est-ce que des conseils regroupés de manière cohérente et opérant une activité interprofessionnelle comme cela doit être normalement le cas ? C'est du syndicalisme. Le syndicalisme révolutionnaire n'est ni plus ni moins que du conseillisme porté à maturité par la conscience interprofessionnelle et une pratique de syndicalisme d'industrie.

Qu'est-ce que le syndicalisme d'industrie ?
Le processus de construction de la CGT en France s’inscrit dans la mise en place de fédérations d’industrie d’abord, de syndicats d’industrie ensuite. Rappelons qu’un syndicat d’industrie a pour objectif de regrouper l’ensemble des salariés d’une même branche professionnelle sur une zone géographique donnée (ville, bassin d’emploi), et cela quelque soit leur statut (apprentis, CDD, intérimaire, privé d’emploi, retraité, CDI). L’intérimaire travaillant dans une usine de l’agro-alimentaire ne fait pas partie de la branche professionnelle de l’intérim mais de celle de l’agro-alimentaire. Il doit donc être syndiqué dans un syndicat de cette branche, de sa ville ou zone d’emploi. Pareil pour le bâtiment, etc. Le SR a dominé la CGT en combattant les fédérations et syndicats de métiers pour leur substituer la logique d’industrie. Le syndicalisme d’industrie s’inscrit dans une logique de renforcement du pouvoir de la classe. A un premier niveau, le syndicat d’industrie doit rassembler le plus largement possible afin d’éviter la mise en concurrence des salarié-es d’une même branche. Il unifie donc les travailleurs-euses sur la base d’une même plate-forme revendicative. Le syndicalisme d’industrie a donc permis la mise en place des Conventions Collectives Nationales mais aussi des statuts et des mutuelles de branche.

La fonction du syndicalisme d’industrie ne s’arrête pas là. En regroupant les travailleurs-euses de tous les statuts et de toutes entreprises, il doit élaborer une vision globale de la branche professionnelle pour se mettre en capacité de se substituer au patronat au moment du processus révolutionnaire et réorganiser la production sur une base anti-capitaliste permettant de construire le communisme. L’absence de fédérations d’industrie dans le syndicalisme russe en 1917 et dans le syndicalisme espagnol en 1936, est la principale raison de l’échec de ces révolutions.
Les travailleurs-euses, dépourvus d’outils de gestion ouvrière, ont très vite perdu du terrain. Ils ont laissé leur pouvoir politique (liquidation de l’activité réelle des soviets en Russie, liquidation des structures de pouvoir ouvrier comme le comité des milices anti-fascistes en Espagne), ils ont abandonné la gestion et les centres de décision de la production à une bureaucratie d’Etat et à l’encadrement traditionnel sur les lieux de travail. Cette lacune est d’autant plus importante dans le cas des industries nationalisées comme c’est le cas de nombreux services publics. Une des conditions à la disparition de l’Etat capitaliste est que les fédérations d’industrie soient en capacité de gérer la Poste, les transports, les communications, l’éducation, la santé,…bref tous les services socialisés.
Car toutes les expériences historiques le prouvent, y compris en France : la socialisation nécessite la nationalisation, c’est à dire l’expropriation de la propriété capitaliste de ces industries, mais c’est insuffisant. Car si on remplace des bureaucrates de l’Etat capitaliste par des bureaucrates repeints en rouge d’un Etat « ouvrier », ou « de gauche », on sait très bien que dans ce cas le pouvoir et la gestion ouvrières de ces industries ne seront que des slogans derrière les quels se cache une nouvelle classe exploiteuse.

Je le répète, il n’y a pas de séparation entre domaine « économique », propre au syndicat, et domaine « politique », propre aux partis, ceux-ci devant alors se charger de tout ce qui relèverait des « tâches de l’Etat » : éducation, sécurité, justice, impôts,… Toutes ces activités dites « de l’Etat » relèvent d’une gestion ouvrière par une fédération d’industrie comme la construction, l’agro-alimentaire, le commerce,… Il n’y a aucune barrière entre « économique » et « politique » autre que celle que mettent en place ceux qui veulent avoir le pouvoir et la gestion réels de la société à la place des organisations des travailleurs-euses, même si leur discours et leur sincérité n’est pas en cause. Mais les effets sont impitoyables.

Je vais m'arréter là pour l'instant. :wink:
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede SchwàrzLucks » 06 Sep 2011, 23:51

Toute organisation (luttant pour le prolétariat et le socialisme) autre que le syndicat propose une adhésion idéologie et philosophique c'est à dire une adhésion inter-classiste. Le patron peut aussi bien adhérer à la même organisation de gauche révolutionnaire ou libertaire que le travailleur qu'il emploie, par principe et conscience révolutionnaire.


N'importe quoi concernant les libertaires au moins. :shock: Si c'est le cas dans certains groupes pseudo-anarchistes notamment en Turquie, je ne connais aucune orga anarchiste importante en France qui autorise ça.

Tu parles de fétichisme des conseils ouvriers mais tu fétichises toi-même la Charte d'Amiens. Charte qui, me semble-t-il, est le fruit d'un rapport de force entre les révolutionnaires que l'on pouvait trouver parmi les anarchistes notamment et les sociaux-démocrates.

L'autonomie ouvrière c'est l'(auto-)organisation des travailleurs dans leur organe de classe, le conseil ouvrier. Dans le cas de la Russie, l'expérience des conseils était effectivement trop faible et ils n'étaient pas assez coordonnés pour avoir une influence sur la situation. Mais ce n'est en rien une fatalité, c'est contextuel. D'ailleurs tu glorifies les syndicats en France mais ils n'ont pas plus fait la révolution. Si pour toi un conseillisme organisé et puissant c'est du syndicalisme eh bien tant mieux j'en suis heureux, mais je vois mal alors ce que toi et tes compagnon-ne-s foutez à la CGT. Parce que question autogestion on fait bien mieux. :roll:

Car toutes les expériences historiques le prouvent, y compris en France : la socialisation nécessite la nationalisation, c’est à dire l’expropriation de la propriété capitaliste de ces industries, mais c’est insuffisant.


Euh nationaliser c'est mettre aux mains de la nation. D'une, nationalisation n'est généralement rien d'autre qu'un synonyme d'étatisation. De deux, je préfère largement le terme de socialisation parce que généralement l'évocation du mot "nation" me file l'urticaire.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pïérô » 07 Sep 2011, 00:08

bon, ce n'est pas ce soir que je vais vraiment m'y mettre non plus.
Je ne sais pas si l'on est vraiment dans le domaine du débat, Pti'Mat, tu amènes toi même les arguments qui seraient selon toi opposables à ce que tu défends en en donnant un côté tellement faux et caricatural qu'il y a de quoi s'arracher les cheveux. Je ne suis ni léniniste ni social démocrate, et les conseils ouvriers pour moi ont un contenu parfaitement libertaire et de classe, sont bien l'expression du pouvoir ouvrier à partir de la base, et c'est bien pour çà que et la social démocratie en Allemagne et les bolcheviks en russie les ont détruits. Je ne comprends pas bien les "vous" et les "nous", et à quel titre je devrais répondre. Je ne représente que moi même ici et je vois mal comment je répondrais là en terme de "nous" d'autant que dans AL sur ce type de question je ne suis absolument pas représentatif, et défends en plus de la nécessité de construire de l'outil syndical (qui je le rappelle est aussi pour moi un espace politique, parce que tout est politique) comme de l'organisation politique (et non pas conçue de manière léniniste mais comme une expression collective pris dans un ensemble que je conçoit parfaitement pluriel et démocratique, et pas en parti unique), et je pense qu'il est important de porter l'auto-organisation en espaces à la fois de lutte et espace politiques, parce que le mode d'organisation syndical et politique s'il me parait indispensable, n'est pas suffisant et ne répond pas complètement aux attentes, et qu'il faut aussi pour les révolutionnaires savoir sortir des shémas tout faits. Les shémas tout faits, avec là un côté complètement a-historique, çà peut être rassurant, comme il peut être rassurant d'avoir la sainte recette de cuisine, mais d'autre modes d'organisations collectives se développent pendant les luttes comme pendant la lutte sur la question des retraites et il me semble important de porter çà même si çà fait me frotter avec les syndicalistes révolutionnaires et avec certains de mes camarades. Je ne partage d'ailleurs pas le positionnement reflèté par la plupart des textes d'AL au niveau fédéral sur le sujet d'ailleurs, et trouve le bouquin édité sur le sujet fade et trop lissé. Et sur ce point je me trouve plus radical avec l'étiquette syndicale SUD/Solidaires 37 (qui au sein de Solidaires a été oppositionnel quant à la stratègie suiviste menée, et qui a porté la construction de l'espace AG interpro 37 après être sorti de l'intersyndicale départementale dès le début) que celle d'AL, et sur ce coup je pense que le mouvement libertaire n'a pas su être à la hauteur de l'enjeu (comme çà il y en aura pour tout le monde). Et j’ai un peu de mal avec ce type de développement qui fini par devenir assez irréel, où on essaie de calquer une vision des choses sur une réalité parfaitement différente, et mouvante, où l'on essaie de tordre la réalité plutôt que de s'interroger sur les schémas portés, car çà donne quelque chose de l’ordre du religieux. Si je parle d'auto-organisation, et j'en parle par ailleurs aussi en terme de coordination en piste de contournement des directions syndicales qui jouent sur le terrain de la collaboration de classe (CGT y compris), je n'oppose pas cela aux syndicats ou au syndicalisme, qui reste pour moi dans la réalité présente un outil permanent nécessaire, mais qui pour moi ne se suffit pas en lui même.

edit, je pondais pendant que SchwàrzLucks postait, du coup çà va faire un peu décalé. :)
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pti'Mat » 07 Sep 2011, 13:45

Je vois qu'on en arrive à la phase où chacun de nous campera sur ses positions.

Je vais donc poser une question simple.
Le conseil émerge spontanément lors d'une lutte, d'un mouvement, toi même tu le dis Piero. Ce n'est donc pas une organisation permanente du prolétariat (l'organisation permanente inscrit dans la conscience collective c'est le syndicat). Donc, expliquez moi comment peut-on passer d'une conscience de classe aujourd'hui proche de zéro et notamment dans les mouvements sociaux (par conscience de classe, j'inclus la conscience révolutionnaire et la conscience de substitution et d'expropriation: donc la capacité immédiate à la gestion socialiste et autogérée) à la capacité de gestion, c'est à dire arriver à une conscience de classe homogène, expérimentée, capable d'instaurer le socialisme autogéré et le communisme ? En gros schématiquement, sur une échelle de 10 comment peut-on passer de 1 à 10 sans passer par les étapes intermédiaires (entre 2 et 9).
J'ai l'impression piero et schwarzlucks en vous lisant que vous prophétisez la phase révolutionnaire, comme si vous misiez sur un coup de chance que le prolétariat à ce moment précis de constitution de conseils sera prêt pour le grand soir, comme si en claquant des doigt il ai tout d'un coup une conscience de classe homogène... et même si c'est le cas expliquez moi quels outils mettriez-vous en place pour lui donner une conscience de classe homogène qui lui permette ce fameux « pouvoir ouvrier par la base » en adéquation avec nos objectifs... Pour ma part je considère que c'est totalement impossible, pas avec le conseil en tout cas. Pourquoi ? Parce que justement le conseil n'est pas une organisation permanente, il n'est pas inscrit dans le capital culturel de la classe, ni dans son expérience de gestion socialiste comme le syndicat peut le permettre grâce à ses activités d'entraide, de mutualité et de sociabilité ouvrière. Le conseil apparait parce qu'il y a la carence de l'absence syndicale sur ces terrains que je viens de citer. Un peu comme du sparadrap que tu mettrais sur une grosse fissure à ton mur et qui boucherait provisoirement les fuites d'eau en attendant de trouver mieux.
Dans une société de conseil il y a tout à construire en terme organique et structurel, il y a tout à penser pour se substituer au système actuel, il y a tout à planifier. Alors que prenons une confédération syndicale de classe, tout existe à chaque échelon de pouvoir de la société pour se substituer totalement au système: syndicats qui se réunissent en Unions Locales et Unions régionales pour se substituer au pouvoir économique et également au pouvoir politique municipal et régional; syndicats qui se réunissent en syndicats d'industrie pour obtenir le contrôle ouvrier de la branche et fédérations professionnelles pour coordonner le tout sur plan national, fédéral voir international et enfin confédération qui agence tout ceci en cohérence organique d'orientation décidée par les assemblée générales de base. Tout est là, tous les outils sont disponibles, ils sont beaucoup plus réalistes, accessibles, logiquement agencés que les conseils.

Explique moi comment avec un conseil qui émerge avec des spécifiés propres liées à son milieu local on peut construire une société autogérée globale au point de vue fédéral. Explique moi également comment dans le conseil on peut maintenir l'autonomie ouvrière garantissant une démocratie ouvrière directe et globale. Je rappel que justement c'est parce que le conseil se crée selon des spécificités locales, qu'il est directement contrôlé par les militants politiques influents localement apportant avec eux la guerre intestine propre au socialisme et à ses différentes interprétations idéologiques, comme en Russie et comme dans toutes les expériences historiques dites socialistes, communistes ou libertaires. Comment également peux-tu surmonter avec le conseil le clivage privé et public en entreprise, la Russie est un bon exemple: le contrôle ouvrier par soviet est embryonnaire dans le privé alors qu'il est très représenté dans les entreprises d'Etat (un quart de la main d'oeuvre, ce qui est presque inverse aujourd'hui dans notre société). Dès le 15 avril 1917, le congrès des soviet d'entreprise d'Etat de Pétrograd est contraint d'arriver au constat suivant: les travailleurs se sont trouvés dans l'incapacité de prendre en main les usines. On précipite l'expropriation, l'occupation et la gestion sous impulsion des militants politiques prophètes qui ne saisissent rien dans le domaine économique... et la production baisse en raison des méconnaissances techniques et administratives, les travailleurs sont contraints d'aller rechercher les administrateurs capitalistes qu'ils avaient chassés quelques semaines plus tôt. Pourquoi ? Parce que le conseil n'a aucune capacité en matière de syndicalisme d'industrie et de confédéralisation de l'orientation vu qu'il ne peut être que local.
Prôner le conseil, outre le fait que ce soit de l'idéalisme, de l'aventurisme romantique qui ne peut que nous conduire à l'échec et à notre perte, c'est surtout nous mener à la défaite avant même d'avoir commencer la guerre (de classe), c'est trahir le peuple travailleur en lui donnant l'illusion d'une alternative crédible, rien d'autre. C'est mon avis et l'histoire m'est témoins.

Pour schwarzlucks.
Je n'ai pas dit que c'était le cas concernant patrons/cadres et travailleurs se retrouvant dans une organisation politique libertaire. Je dis simplement que l'adhésion est purement philosophique, donc toute personne, qu'importe sa classe sociale son rôle économique et/ou politique, en accord avec l'idéologie mise en avant par l'organisation peut adhérer. La proposition d'adhésion est donc inter-classiste et l'autonomie ouvrière en est donc inexistante. Je n'ai pas dit que dans les faits c'était le cas, mais par principe c'est possible. Si pour toi ça paraît n'importe quoi ce que je dis, c'est pourtant aussi logique que de faire 1+1=2

Ensuite pour la charte d'Amiens à laquelle tu accorde une interprétation anarcho-syndicaliste de la situation semble t-il.
La charte a effectivement un aspect de compromis mais pas vu pareil pour les trois tendances majoritaires du moment. Le rapport de force n'est pas entre d'un côté anarchistes, allemanistes, blanquistes (qui ont fusionné pour construire le syndicalisme révolutionnaires) et de l'autre les sociaux-démocrates réformiste. Le rapport de force est entre les syndicalistes révolutionnaires et les guesdistes. Le compromis est là: autonomie ouvrière ou soumission à l'organisation politique.
Les sociaux-démocrates au sens réformistes (même si il est vrai que les guesdistes sont également sociaux-démocrates) n'ont fait qu'accepter la charte avec les SR non pas par sauvegarde de l'autonomie ouvrière mais pour contrer politiquement les dirigeants guesdistes: la course au recrutement au sein de l'organisation ouvrière. A l'origine de la Charte, c'est la volonté de ne pas accepter la proposition du syndicat du textile du nord sous influence guesdiste qui propose d'assujettir le syndicat au parti dans une application globale PS/CGT existant déjà dans leur département.

« L'autonomie ouvrière c'est l'(auto-)organisation des travailleurs dans leur organe de classe, le conseil ouvrier »
Faux, l'autonomie ouvrière c'est il est vrai l'auto-organisation des travailleurs dans leur organe de classe mais surtout leur autonomie et indépendance vis à vis des politiciens, des interprétations idéologiques toutes faites, et des militant prophétiques d'organisations politiques. Rien dans le conseil ne peut garantir cette autonomie. Rien dans le conseil ne peut sauvegarder l'indépendance d'un pouvoir exclusivement prolétarien face aux révolutionnaires professionnels d'avants-gardes.
La base de l'autonomie ouvrière c'est l'indépendance syndicale. La charte d'Amiens est le premier texte garant de ces deux conceptions proches. Le congrès d'Amiens et l'adoption de la Charte du même nom est le point d'orgue de l'affirmation de l'autonomie du syndicat, donc l'autonomie de la classe vue que le syndicat est la seule organisation de classe au sens matérialiste. La doctrine idéologique du SR n'est bien sûr pas entièrement contenue dans cette Charte, il manque le rapport à l'Etat. Cependant la Charte affirme bien la base du SR à savoir que le syndicat est à la fois revendicatif et révolutionnaire.
La charte est acceptée après la prise de parole de Griffuelhes qui affirme « je dis mouvement ouvrier tout court, sans lui donner une épithète qui n'aurait pour but que de renfermer l'action ouvrière dans les limites d'une morale ou dans les cadres d'une conception dépendant d'une politique quelconque. On assiste en effet aujourd'hui à un curieux spectacle. Les uns s'efforcent de rattacher les origines du mouvement ouvrier aux principes posés par la conception anarchistes, les autres au contraire à les trouver dans la conception socialiste... Il ne se rattache à aucune des deux conceptions qui voudraient se le disputer ». Et ça, ce que dis Griffuelhes, c'est le SR.

« Si pour toi un conseillisme organisé et puissant c'est du syndicalisme eh bien tant mieux j'en suis heureux, mais je vois mal alors ce que toi et tes compagnon-ne-s foutez à la CGT. Parce que question autogestion on fait bien mieux. »

La question n'est pas de savoir ce qu'on fout là mais pourquoi on est là, nous ne sommes pas des patriotes d'organisation comme d'autres peuvent l'être. La question de l'autogestion je laisse ça à ceux et celles qui font passer la charue avant les boeufs. Il ne s'agit pas de s'établir dans un confort organisationnel et intellectuel, dans sa tour d'ivoir, c'est ça qui favorise le patriotisme d'organisation, le sectarisme, l'avant-garde. Nous sommes principalement à la CGT tout simplement parce qu'à part rester la plus grande centrale syndicale de classe, elle maintient son fédéralisme et surtout ses Union Locales: base du syndicalisme interprofessionnel et donc la possibilité d'émergence de la conscience de classe si l'activité en son sein est convenablement orientée.
Prenons le dernier gros conflit sur les retraites. Les outils interpro n’existent plus que dans une confédération…la CGT. Dans les autres organisations syndicales, l’interpro n’existe simplement pas.
- A FO, au mieux l’interpro a une existence départementale, du fait de la faiblesse numérique des militants volontaires pour s’y investir.
- A Solidaires, l’influence exercée par la conception bourgeoise de l’altermondialisme fait que cette Union a perdu une grande partie de ses références et conscience de classe. Les « groupes » locaux exercent rarement un travail interprofessionnel. Dans la plupart des cas, le soutien apporté à une multitude de collectifs sectoriels, sans contenu de classe, fait office « d’activité interpro », comme nous l'atteste Piero. En dehors des temps forts, les syndicats de branche ou de boîte ne se coordonnent pas ni ne s’aident les uns les autres.
- A la FSU, la seule coordination entre SNUipp (enseignants du 1er degré) et SNES (du second degré) est souvent difficile.
- A la CNT, les tentatives de faire vivre des UL prennent le plus souvent la forme d’un groupe d’agitation politique, du fait là encore de la faiblesse numérique, mais aussi du recrutement affinitaire.
Et ce n’est pas un hasard si la CFDT a liquidé ses UL il y a 30 ans au moment de son recentrage.

Comme je le dis toujours, nous ne nions pas qu'agir a la CGT est plein d'embuches. Mais c'est pas plus décourgeant que dans un groupuscule qui n'avance pas. Les embuches sont d'une autre nature c'est tout. Et qu'est-ce qu'être révolutionnaire si ce n'est pas se confronter à la grande difficulté de gagner le conflit de tendance qui vise à donner la conscience de classe et son homogénéité pour la révolution. On voudrait bouger pour changer le système mais on a la flemme de vouloir changer la CGT ? C'est tout simplement un raisonnement qui manque de bon sens et de motivation.

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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede René » 07 Sep 2011, 16:58

.
J’avais commencé à répondre au texte de Pti’Mat du 06 Sep 2011, 12:40, puis je suis allé pioncer, et entre temps d’autres interventions sont arrivées. Tant mieux. Mais mon texte ne concerne pas ces autres interventions.

Je ne pense pas que l’impasse organisationnelle soit la seule cause de la régression du mouvement ouvrier, ou de la régression du mouvement révolutionnaire. Cette impasse existe, mais il n’y a pas que ça. Pour parler de régression, il faut fixer un point de référence : par rapport à quoi y a-t-il régression ? Je serais plutôt tenté de parler d’effondrement. Mais cela nous mènerait trop loin, je pense.
La régression a commencé avec le vote de la charte d’Amiens : Edouard Vaillant (socialiste, député à partir de 1893) dira que le congrès d'Amiens fut une victoire sur les anarchistes ; et Victor Renard dira plus trivialement que « les anarchistes qui prédominent à la CGT ont consenti à se mettre une muselière ».
Pour trouver une alternative au niveau de l’action, du mode d’organisation, mais aussi au niveau de la pensée, il faudrait d’abord être capable de mesurer l’ampleur des dégâts et la responsabilité des différents courants révolutionnaires à commencer par le mouvement libertaire (Voir : Gaston Leval, « La crise permanente de l’anarchisme », http://monde-nouveau.net/spip.php?article259)

Manifestement, Pti’Mat ne se réclame pas du mouvement libertaire. Il y existe des militants qui se réclament du syndicalisme révolutionnaire, mais pas de l’anarcho-syndicalisme, et encore moins de l’anarchisme. Je dirais même qu’ils sont carrément anti-anarchistes. Ils considèrent que l’anarchisme a en quelque sorte « pollué » l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire. Cette analyse ressort très clairement d’une brochure sur le courant « SR » dans la CFDT, écrite par le « Courant syndicaliste révolutionnaire », dont se réclame Pti’Mat (puisqu’il a mis son logo en en-tête de ses interventions). L’auteur en question, ex-militant de la CNT à ce qu’on m’a dit, est attristé que l’Alliance syndicaliste, qui était très présente dans la CFDT à l’époque, n’ait pas abandonné la référence à l’anarcho-syndicalisme. Le parti-pris férocement anti-anarchiste est encore plus évident dans un texte, signé « Petit Cheminot » (le petit frère de Pti'Mat ?), sur l’histoire de l’Internationale syndicale rouge. (Voir : « Histoire de l’Internationale syndicale rouge (ISR) » http://www.syndicaliste.fr/)

Pti’Mat semble en désaccord avec Piero, mais là je dois dire que je suis plutôt d’accord avec Pti’Mat.
Mais je pense que le débat entre ceux qui pensent que le syndicat est indispensable mais pas suffisant, et ceux qui pensent que le syndicat suffit à tout, est largement faussé à cause d’une difficulté à définir de quoi on parle. Il est évident que lorsqu’on parle de « syndicat » aujourd’hui dans une perspective anarcho-syndicaliste ou syndicaliste révolutionnaire, on ne parle ni de la CGT, ni de la CFDT, ni de FO. Ce dont on parle est tellement différent, et les gens à qui on parle ont tellement de mal à comprendre, qu’à la limite il faudrait parler d’autre chose.
Faute de trouver le terme adéquat, je vais le désigner par les quelques mots qui le définissent : l’« organisation de classe ».
Les anarcho-syndicalistes et les syndicalistes révolutionnaires pensent que la classe ouvrière, ou si on préfère l’ensemble du salariat, doit s’organiser dans son organisation de classe et que c’est celle-ci qui doit prendre en mains l’ensemble de l’organisation de la production et de l’activité civile.
La première et sans doute la plus claire description de cette organisation de classe — n’en déplaise aux camarades du CSR — a sans doute été faite par Michel Bakounine (pour rassurer ces camarades, je dirai que Bakounine ne s’est que très rarement défini comme « anarchiste », terme qu’il employait avec réticence, lui préférant ceux de « socialiste révolutionnaire » ou de « collectiviste »). (Cf. « Bakounine : une théorie de l’organisation », http://monde-nouveau.net/spip.php?article343)
Pour le courant dit « anti-autoritaire » de l’AIT, qu’on qualifie abusivement d’« anarchiste » (l’anarchisme comme courant politique spécifique n’apparaîtra qu’un peu plus tard), les travailleurs doivent s’organiser en fonction de leur rôle dans le processus de production, sur leur lieu de travail ET sur le plan interprofessionnel, c’est-à-dire dans la localité, la région, etc. Bakounine appelait cela « section de métier » et « section centrale », nous on pourrait appeler cela section syndicale et union locale.
Cette organisation, ne regroupant que des travailleurs, est donc constituée de deux structures, l’une verticale (sections syndicales, syndicats, etc.), l’autre horizontale (unions locales, départementales, etc.). C’est la fédération de l’activité de ces deux structures qui fonde l’organisation de classe. C’est ce qui constitue le fondement de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. La structure horizontale est une structure politique par définition : aujourd’hui elle aborde (elle devrait aborder) toutes les questions revendicatives propres à la localité, à la région, etc., demain elle rassemblera les travailleurs pour gérer la société de la même manière que la fédération des structures horizontales (syndicats, etc.) gérera l’économie.
C’est un schéma, évidemment, qui ressemble énormément à la fédération des conseils ouvriers, à la seule différence (mais de taille), c’est qu’elle préexiste à la révolution en tant qu’organisation revendicative — ce qui évite la pagaille d’avoir tout à réinventer.
L’organisation horizontale — ou géographique, si on veut — si elle fonctionne effectivement, fait évidemment concurrence aux partis politiques, puisqu’elle s’occupe de tout ce qui, selon eux, devrait leur revenir. J’ai personnellement vécu une période pendant laquelle des militants anarcho-syndicalistes développaient dans la CFDT un travail dans les unions locales et départementales. Les partis de gauche voyaient ça d’un très sale œil. En revanche les travailleurs comprenaient très bien ce que les camarades faisaient, et trouvaient ça très bien (à cette époque j’étais à la CGT, mais nous étions en relation très étroite). Finalement, l’expérience a été cassée par la bureaucratie de la CFDT avec la complicité des trotskistes, mais l’expérience a duré suffisamment longtemps pour qu’on se rende compte que cela fonctionnait. Selon nous, ce sont les unions locales, départementales, régionales, etc. qui devraient prendre en charge ce que Piero appelle « d’autres formes d'organisations collectives qui [lui] paraissent aussi indispensables : organisation politique, associations (et notamment de quartier)... » En Espagne, avant Franco, les unions locales de la CNT regroupaient la population locale, s’occupaient des problèmes locaux, créaient des bibliothèques, des écoles, des caisses de secours, des coopératives, etc.
Dans cette perspective-là, il n’y a pas de différence de nature entre socialisation des moyens de production, syndicalisation des moyens de production et pouvoir des conseils. Il faut simplement tenir compte du fait que le mot « syndicat » est pas mal dévalué aujourd’hui, et lorsque nous en parlons dans le sens où nous l’entendons, beaucoup de gens de comprennent pas.
Je rappelle tout de même qu’il ne faut pas mythifier les conseils ouvriers : si les syndicats peuvent se bureaucratiser, les conseils ouvriers aussi : en Russie, ils se sont bureaucratisés extrêmement vite (Voir Oscar Anweiler, Les Soviets en Russie, 1905-1921, Gallimard NRF, 1972). En quelques mois ils ont été récupérés par les différents partis de gauche qui existaient à ce moment-là et transformés en parlements : alors qu’à l’origine la représentation y était effectivement de classe, fondée sur le rôle dans le processus de production, ils ont très rapidement pris la forme de parlements ouvriers dans lesquels les partis y avaient une représentation proportionnelle aux voix obtenues. Ça n’a rien à voir avec une organisation de classe. Les conseils ouvriers ne sont en aucun cas un remède contre la bureaucratie.

Pti’Mat fait une grosse confusion lorsqu’il parle de « conception conseilliste et plate-formiste ». Ce sont deux choses différentes et plutôt inconciliables, mais je ne vais pas développer ça… Dites à un conseilliste qu'il est plateformiste et vous verrez la gueule qu'il fera...
Cependant, il est vrai que le courant social-démocrate a développé le principe de la division du travail entre revendication économique et action politique, mais ce principe était déjà présent dans le courant « marxiste » de l’Internationale. Cette division du travail est en partie ce qui définit la social-démocratie mais elle ne recouvre pas totalement le champ du réformisme, puisque l’idée est partagée par les marxistes révolutionnaires. Je dirais que cette division du travail a deux fonctions :

• Elle justifie le fait que le parti social-démocrate (réformiste ou révolutionnaire) prenne le pouvoir ;
• Elle justifie que la classe ouvrière organisée soit exclue du pouvoir.

La division de travail lutte économique-lutte politique n’est donc pas une affaire de réformisme puisque les marxistes révolutionnaires sont également d’accord là-dessus (malgré le baratin qu’ils nous ressortent sur les soviets). Pour l’anecdote, en 1905 les bolcheviks étaient contre les soviets parce qu’ils concurrençaient le parti.
D’une certaine manière, certains anarchistes également sont favorables à la division du travail, et notamment Malatesta. Par opposition à l’organisation de classe, le parti (ou l’organisation anarchiste dite « spécifique ») regroupe des personnes sur la base de l’opinion. Dès le début du mouvement ouvrier s’est posée la question du rôle de cette organisation politique. Il y avait un consensus sur le fait qu’elle était inévitable, voire nécessaire. Le vrai problème était : à quoi sert-elle ?

• Pour les marxistes, elle servait à regrouper des gens, indépendamment de leur appartenance de classe, afin qu’ils prennent un jour le pouvoir. Comme le dit très bien Pti’Mat, « la classe ouvrière, le prolétariat, n’existent pas dans un programme construit par un groupe restreint de travailleurs et d’intellectuels qui divisent organiquement le prolétariat par leurs interprétations idéologiques et philosophiques ».
• Les « anarchistes » n’ont pas le même objectif. On ne peut donc pas, comme le fait Pti’Mat, assimiler les deux options lorsqu’il dit que « les courants léninistes et anarchistes (tendance Malatesta) ont pris le dessus sur les conceptions politiques et économiques en société ». Ça relève d'une forme d'anti-anarchisme primaire, et en confondant deux choses totalement différentes, on obscurcit le débat.

Les communistes veulent que le parti prenne le pouvoir politique ; les anarchistes veulent que la classe ouvrière prenne le pouvoir social. Ce n’est pas la même chose.
Le fait que les anarchistes s’organisent pour cela est finalement légitime : dans la mesure même où la masse écrasante de la population laborieuse n’adhère pas aux idées révolutionnaires, il faut bien s’organiser pour diffuser ces idées. La question n'est pas de prendre le pouvoir dans les organisations de classe, elle est de s'organiser pour encourager les travailleurs à prendre le pouvoir dans leur propre organisation. L’Alliance bakouninienne est un bon exemple, et elle a au moins deux choses très positives à son actif : elle a permis en 1869 de déjouer les intrigues des réformistes qui s’opposaient à la discussion sur la propriété et sur l’héritage au congrès de Bâle ; elle est à l’origine de la constitution de la fédération espagnole de l’Internationale.
Et que Pti'Mat ou Pt'i Cheminot ne viennent pas me dire que les militants des CSR ne se réunissent pas entre eux, à part, pour parler de ce qu'ils font et vont faire dans la CGT. Techniquement, ça s'appelle une fraction.

Le fait que des militants libertaires s’impliquent, comme le leur reproche Pti’Mat, « à côté de la production dans des associations de quartiers où les habitants sont pourtant les mêmes qui produisent », c’est sans doute parce qu’ils n’ont pas le choix, parce qu’il n’y a rien d’autre, ce n’est pas parce qu’ils veulent rentrer « dans la conception social-démocrate bourgeoise ».
Si les unions locales CGT fonctionnaient réellement, sans doute regrouperaient-elles beaucoup de monde, y compris des non-syndiqués, et elles seraient en mesure d’impulser des tas de luttes. Mais ce n’est pas le cas, malheureusement. La multiplication de regroupements, comités, coordinations etc. se livrant à des luttes partielles et précises n’est à mon avis que le résultat de l’incapacité, ou de l’absence de volonté du mouvement syndical à prendre en charge ces luttes. Il est d'ailleurs fort possible qu'à l'intérieur du mouvement syndical des courants politiques qui ont une activité électorale s'opposent férocement à ce que les unions locales fonctionnent réellement.
On ne peut donc pas reprocher que des camarades se consacrent à des luttes dans les structures qu’ils trouvent impliquées sur le terrain. Quant à savoir si un jour il sera possible d’avoir suffisamment d’influence dans la CGT pour modifier le cours de choses, c’est une autre affaire, mais je pense qu’il vaut mieux essayer de le faire que de ne rien faire.

Et on en revient à notre propos du début, lorsqu’on parlait d’impasse organisationnelle, lorsque je disais qu’il fallait analyser les causes de cette impasse et mesurer l’ampleur des dégâts. La plupart d’entre nous en sont encore à développer des thèmes vieux de 50 ou 80 ans, avec le vocabulaire qui va avec. Le débat : syndicat ou conseil ouvrier est intéressant, mais dépassé. On ne prendra plus la Palais d'Hiver, on ne fera plus la contre-coup d'Etat du 19 juillet 1936.
Chaque camarade impliqué dans une forme d’organisation, dans un type de lutte, est persuadé que c’est lui ou elle qui a raison. Or la plupart du temps, l’implication tient au contexte dans lequel on se trouve. Nous savons, en gros, quelle est la forme de l’organisation à laquelle il serait souhaitable de parvenir dans 20, 50 ans ou plus. Nous savons qu’il ne suffit pas de créer artificiellement, ex nihilo, ce type d’organisation idéale pour que les masses s’y précipitent. Nous savons que c’est par notre présence permanente sur le terrain, dans les luttes, avec tous ceux qui se battent, que nous pouvons faire entendre notre voix et proposer une voie différente.
Alors ne faisons pas les choses à l’envers. Commençons par le début, et le début, il est à côté de nous, sur le terrain. La solution à mon avis est extrêmement simple, elle consiste à considérer que les différentes luttes qui sont engagées sont interdépendantes, quelles que soient les formes organisationnelles dans lesquelles elles se déroulent ; la solution consiste à coordonner nos activités, s’informer, discuter, réfléchir aux résultats obtenus et s’entraider, sans tenir compte des nationalismes d’organisation dans lesquels on est trop souvent tenté de sombrer.

Je pense que la chose la plus importante que nous devrions avoir à l'esprit, c'est qu'il faudra 50 ans pour reconstituer un mouvement révolutionnaire conséquent et qu'il serait temps de prendre le temps de réfléchir et de mettre au point une stratégie viable.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede SchwàrzLucks » 07 Sep 2011, 19:49

Pour schwarzlucks.
Je n'ai pas dit que c'était le cas concernant patrons/cadres et travailleurs se retrouvant dans une organisation politique libertaire. Je dis simplement que l'adhésion est purement philosophique, donc toute personne, qu'importe sa classe sociale son rôle économique et/ou politique, en accord avec l'idéologie mise en avant par l'organisation peut adhérer. La proposition d'adhésion est donc inter-classiste et l'autonomie ouvrière en est donc inexistante. Je n'ai pas dit que dans les faits c'était le cas, mais par principe c'est possible. Si pour toi ça paraît n'importe quoi ce que je dis, c'est pourtant aussi logique que de faire 1+1=2


Je répondrai juste sur ce point. La proposition d'adhésion est de classe que ce soit par principe ou dans les faits Si je ne me trompe pas, toutes les orgas anars ont dans leurs principes même l'interdiction de faire parti de la classe dominante, d'être maton et autres rôles répressifs. Tout du moins il est impossible d'adhérer à une orga anar lorsqu'on occupe un de ces postes. (bon tu me diras qu'on peut très bien le cacher mais ça finit toujours pas se remarquer)

S'il n'y a pas de patrons (pour les cadres c'est plus compliqué, je ne suis pas sûr qu'on puisse faire le raccourci cadres = classe dominante, cela dépend des postes) dans les orgas anarchistes ce n'est pas seulement qu'ils ne le veulent pas mais qu'ils se feraient de toute façon refouler. Après les orgas anars n'affilient effectivement pas que des prolos. Et pour cause, je ne vois pas pourquoi l'on refoulerait un artisan individuel, un paysan individuel ou encore un gars/une fille qui tient sa librairie seul. Mais il ne s'agit pas là d'interclassisme puisque ces derniers ne font pas parti de la classe dominante, on peut les considérer plus ou moins à côté de cet antagonisme de classe. (avec des guillemets cependant parce qu'au jour d'aujourd'hui on constate que pas mal de gus se font du fric sur le dos des artisan-e-s par le biais de la sous-traitance. "On m'a passé une commande ? Et vas-y que j'te la fasse faire par l'artisan-e du coin en le/la payant deux fois moins que mon prix de revente")

Et personnellement je ferai toujours passer l'auto-organisation avant. Donc entre un organe prolétarien moyennement structuré mais pratiquant l'autogestion et un autre organe ultra-structuré mais où une poignée de chefaillons décident de tout mon choix est vite fait.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pïérô » 08 Sep 2011, 01:37

En tant que militant anticapitaliste, révolutionnaire, de lutte de classes, communiste-libertaire, anarchiste, "conseilliste"-libertaire et "syndicaliste", antiraciste, antifasciste, anti colonialiste/anti impérialiste, anti patriarcat, pro-féministe...actif sur son lieu de travail, son quartier et divers terrains...mêmes "culturels", le point de vue syndicaliste révolutionnaire qui ramène au seul syndicat (et en plus il faudra s'entendre sur lequel et c'est déjà pas gagné) la tache révolutionnaire est pour moi respectable, parce que de lutte de classes, même s’il ne répond pas en terme d'organisation collective à mes différents champs d'investissement militant, et entretient de sérieuses illusions sur la nature du syndicalisme. Cette nature était pourtant connue des anarchistes lorsqu’ils ont investi l’espace à la fin du 19e siècle pour participer à l’organisation collective de classe et participer à y donner une perspective révolutionnaire, ce qui n'était pas le cas dans le syndicalisme existant et embryonnaire, et ils/nous ont/avons échoué pour le moment sauf en Espagne (enfin c’est relatif et discutable). Et "échoué" est aussi relatif parce que cet investissement et implication, qui est bien aussi de mon point de vue nécessaire, se sent, dans l'Histoire du mouvement ouvrier comme aujourd'hui, mais à la hauteur de notre petite dimension, et même d'avantage, ce qui est plutôt très bien déjà.

Je n’ai pas de sainte recette de cuisine et pourtant je ne me sent pas plus idéaliste que çà et ne me sent pas de “l’anarchisme romantique”, puisque Pti'Mat m'étiquette entres autres en ces termes, mais me situe dans le courant de l'anarchisme révolutionnaire et de lutte de classes et du communisme-libertaire. Dans le registre de Pti'Mat faut-il ranger Malatesta dans ce type de catégorie pour exemple, et dont l’Histoire aura retenu les interventions lors du congrès d’Amsterdam en 1907 sur le sujet. D’ailleurs l’Histoire aura retenu aussi face à ce qu’il disait les interventions de Monatte, qui parlait du syndicalisme un peu dans les mêmes termes que Pti'Mat, mais à fini par la suite par adhérer au Parti communiste, donnant là en partie raison à Malatesta sur la question de la nécessité de s'organiser politiquement et sur le fait que le syndicalisme ne se suffisait pas en lui même. Alors je ne voudrais pas réduire la question à çà, ni dire que le débat d’Amsterdam de 1907 a été de cette manière tranché historiquement par la suite et dans les faits et les actes posés, mais çà veut bien dire que cette question fait bien débat dans le mouvement anarchiste et le mouvement ouvrier depuis longtemps et qu'elle continue à faire débat.

En tout cas je pense que le développement des syndicats SUD a permis d’ouvrir un autre horizon que le syndicalisme identitaire côté CNT (c'est évidemment un raccourci, et discutable aujourd'hui dans la mesure où ce syndicat se développe aussi sur des pratiques syndicales réelles) et le syndicalisme réformiste et de collaboration de classe du côté de la CGT, car j’estime qu’au moins depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (et il faut voir ce que ce syndicat à pu jouer en 1968 d'ailleurs comme carte, en organisation réformiste, et contre les "gauchistes" et en en syndicat "responsable" et de collaboration de classe), mais on peut remonter aussi depuis l’union sacrée avant la première guerre mondiale, et c’est bien comme cela qu’il faut qualifier ce syndicat, même s’il y a à l’intérieur des syndicats et syndicalistes de lutte, et que je peux concevoir qu’on puisse s’y syndiquer en fonction des réalités dans sa boite ou réalités locales. En plus je pense qu'il faut, pour celles et ceux qui y sont, mener un combat interne comme diverses franges de l'extrème gauche le font, comme peut le faire d'ailleurs le CSR, et des camarades libertaires autour du blog "Communistes-libertaires de la CGT", et qu'il y a de ce côté un réel enjeu, et qu'en plus çà serait pas plus mal que CSR et Communistes-libertaires de la CGT, et autres camarades libertaires, car çà vaut aussi pour René, se rencontrent. Je partage les critiques portées à l'encontre de l'union syndicale Solidaires nationale, et ne me gène d'ailleurs pas pour en produire, et encore dernierement ici : viewtopic.php?f=72&t=5156#p62862 et ici : viewtopic.php?f=72&t=5156#p62955 . Mais
Pti'Mat a écrit: Dans la plupart des cas, le soutien apporté à une multitude de collectifs sectoriels, sans contenu de classe, fait office « d’activité interpro », comme nous l'atteste Piero.
je voudrais bien savoir où "j'atteste çà" et commence à en avoir un peu marre que Pti'Mat me fasse dire ou porter des choses sans savoir. La dernière signature en date de Solidaires 37 est d'ailleurs cet appel et cette dynamique, où l'on voit bien la patte de ce que portent les libertaires et les militant-es lutte de classe : http://alternativelibertaire37.over-blo ... 80191.html, et il faut savoir qu'ensuite le PS 37, l'UNEF... se sont rajoutés et ont signé le contenu de l'appel local, et on ne peut pas leur interdire de le faire, et si évidemment nous ne sommes pas dupes c'est quand même à noter d'autant qu'il savent lire (édition de ce post au 9 septembre). En tout cas il me semble que ce type de pratiques ramène bien justement au politique et à une forme de vision globaliste du syndicalisme, et s'il y a bien du boulot encore à faire en terme de développement de l'esprit interpro, et de la dynamique interpro, qui existe bien un minimum et partagé par plusieurs syndicats, de développement des syndicats dans le privé, et de développement du contenu politique et du sens, il me semble que l'interpro 37 n'est pas complètement minable, deuxième cortège syndical en manif après la CGT, et en plus je renvoie à l'orientation anticapitaliste et révolutionnaire de cette union syndicale départementale, qu'on trouvera sur le site : http://www.solidaires37.org/spip.php?rubrique9. Et de ce côté il m'interesserais bien de trouver au moins une partie de ce type de contenu dans un quelconque syndicat de la CGT.

.


Pti'Mat a écrit:Je vois qu'on en arrive à la phase où chacun de nous campera sur ses positions.
et bien je suis sûr à te lire que tu allais dans ce sens dès le début, et c'est bien dommage pour le débat.
Pourtant s'il y a dans ce que disent les uns et les autres des divergences, il y a aussi des éléments et analyses partagés, et de fait sur cette question je pense qu'il y a bien matière à débat et à avancer ensemble.

.


Pour exemple, la question des contenus et du sens. Comment çà se passe pour les un-es et les autres dans ce domaine ? Comment on porte ces questions, et comment on arrive à faire en sorte que le syndicalisme ne se cantonne pas qu'au revendicatif mais qu'il y ait réellement appropriation du politique au sens large ? Comment la question du choix de société et du projet de société est abordée ?

et pour continuer en exemple, un point dans l'orientation de Solidaires 37 de 2009 :

16. Si la question de la rupture avec le système capitaliste est nécessaire, l’absence de projet de société peut expliquer une forme de passivité, et pèse sur le sens des luttes et le manque d’offensive globale. Nous devons , parce que nous nous réclamons du syndicalisme de lutte et de transformation sociale, nous approprier ces questions liées au projet de société. D’ores et déjà et en terme d’objectifs cela passerait par la socialisation des moyens de production et les services, la gestion collective et la démocratie directe, l’égalité économique et sociale.

Et c'est bien joli, et je suis content d'avoir porté celà comme du fait que çà a été intègré et voté, comme d'autres éléments d'importance de l'orientation 2006, mais en dehors d'une belle position de principe çà se passe comment à la base, dans les sections syndicales...?

Comment on participe à faire que les prolétaires s'approprient réellement cette dimension politique et révolutionnaire ?


post réédité 9 septembre 9h30
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede Pti'Mat » 10 Sep 2011, 09:43

Je n'ai pas le temps de répondre...

René, je t'invite simplement à lire ce que j'ai mis sur l'anarcho-syndicalisme car ton dénigrement qui porte à croire qu'on serait "anti-anar" (ce qui est un comble) me fait fortement grincer des dents: viewtopic.php?t=4189
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede berneri » 10 Sep 2011, 17:36

Salut,

Je vais developper brievement ici une autre approche du problème en réponse au discours développer par P'ti Mat.

Ce qui est pour moi caractéristique dans le propos de Ptimat c'est l'approche unilatéral de la question révolutionnaire.
En effet, l'orientation décrite constitue un corps de pensée clos: le syndicalisme révolutionnaire tel que défini par PtiMat serait la seule réponse à la question sociale, à la question révolutionnaire.

Aussi toute structure devrait être construite au sein de l'organisation syndicale de classe et de masse, la seule à pouvoir vraiment le faire étant la CGT. Une série d'argument vient disqualifier les autres OS, puis on trouve une série d'arguments venant disqualifier les associations de quartiers ou de luttes, sous prétexte de séparation entre le politique et l'économique.

La proposition est ainsi faite que tout les révolutionnaires agissent dans le même sens suivant la même stratégie , à savoir developper les associations CGT de consommateurs, les UL CGT, le syndicalisme d'industrie CGT, etc...

En dehors de cette ligne on ne trouverait que des marxistes léninistes, donc au final des contre revolutionnaires, ou bien des socio-democrates petits bourgeois.

Cette vision conduit selon moi à un repli identitaire et au "patriotisme (nationalisme) organisationnel", et à une vision dogmatique et figée du réel.

En effet, la réalité est telle qu'elle est, les divisions syndicales ne sont pas sorties du chapeau de penseurs politiciens mal intentionnés et ont des racines au coeur des contradiction de la lutte sociale, les causes ne sont pas toutes extérieures à la CGT et aux orientations qui l'ont animées comme l' a relevé Pierrot notamment au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Cette vision amène à considérer toutes les structures autres que la CGT comme des corps étrangers au mouvement ouvrier, des avatars ou des erreurs de la nature.

On retrouve là avec des arguments un peu différents le vieux discours hégémonique sur le monde syndical de la CGT dans sa tendance la plus stalinienne, on y retrouve aussi par analogie le discours hégémonique du PCF sur le monde politique, jusqu'à la sa perte d'influence électorale.

Cela conduit à un aveuglement et une fermeture sur le réel et au sectarisme. Comment travailler avec d'autres organisations lorsqu'on les considèrent comme des partenaires qui ne devraient pas exister, des erreurs, des partenaires mineurs... Pourtant cette question se pose bien au quotidien dans les luttes lorsque les syndicalistes revolutionnaires ou de luttes, les militants revolutionnaires, les associations mais surtout les travailleurs eln lutte doivent fédérer autour d'eux pour peser et gagner face à l'état ou au patronat.

Que l'on puisse regretter qu'il y ait une division d'associations , de syndicats, de collectifs et un manque de relation formelle entre eux qui les rendent plus efficace est une chose, .- et le travail en commun permet d'améliorer et de rendre plus efficaces les combats - Que l'on considère tous ceux ci comme des erreurs de la nature parce qu'on place en préalable sa vision de la vérité révolutionnaire par la confédéralisation CGT de tout - pansyndicalisme - en est une autre.

Le meilleur moyen pour parvenir à une organisation de classe révolutionnaire est, je pense, de prouver dans la lutte et le travail unitaire autour de revendications concrètes, la nécessité de cette organisation.

Le dénigrement systèmatiques de tout ce que font les autres et le repli sur la vérité révolutionnaire conduisent au sectarisme tel qu'on peut le trouver au CCI ou au POI pour ne citer qu'eux... c'est pourtant le chemin tout tracé par les démonstrations faites sur cette page par Ptimat.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede mimosa rouge » 11 Sep 2011, 17:36

Bonjour à tous,
Cette discussion est intéressante et ouvre sur beaucoup de perspective si on mène bien ce débat collectivement. (En même temps c’est la raison d’être d’un débat sur la stratégie !)
D’abord je vais défendre Mat un peu. Il n’est pas caricatural. Il existe une critique (critique libertaire quelquefois) de l’anarchisme lorsque celui-ci prend la forme d’un léninisme « noir ». On cite Malatesta mais il est souvent décrit comme un précurseur de cette dérive qui veut que l’organisation philosophique prime sur l’organisation de classe. Cette critique peut être reprise par un militant de classe qui s’interroge légitiment sur les recompositions du mouvement libertaire actuel ; Il est alarmiste (trop ??) mais pas caricatural.
Par contre ce qui aurait été un comble c’est si il vous conseillait de jeter le bébé (anarchiste) avec l’eau du bain (léniniste) ça ne regarde pas une personne trop extérieure au mouvement anar. Après est-il sectaire ? Seule sa pratique peut le prouver !
Par contre mat tu es trop rude avec Pïérô ça c’est sûr !
Pour revenir au sujet ; le titre est surement polémique car il laisse penser que l’organisation de classe et de masse serait soit naturellement révolutionnaire, soit structurellement réformiste. Or déjà l’idée que les syndicalistes se réclamant du SR arrêtent de fantasmer sur les confédérations dites révolutionnaires progresse. L'histoire l'a prouvé en 14, en 37 en Espagne, dans les années 30 au sein de l’ISR ... une confédération de masse n'est jamais définitivement gagnée à la stratégie SR.

Nos syndicats de base ne sont pas que composé de révolutionnaires, la bureaucratisation guette chaque militant (même révolutionnaire) lorsque la formation syndicale et la gestion collective du syndicat déclinent. Il y a un danger énorme à se réclamer révolutionnaire seul dans son coin ou parce que son syndicat est "combatif". Il faut être capable de mener des débats ouverts (et pas prendre la direction des structures en croyant les colorer en rouge). Donc être formé et capable de diffuser ses idées dans toute les bases syndicales.

Moi c’est en suivant ce principe (appris au contact de militants du mouvement libertaire mais appliqué grâce à mon engagement dans une tendance syndicale révolutionnaire) que j’ai adhéré à la Cgt en laissant de coté mes illusions gauchistes mais sans tomber dans le pessimisme, l’inactivité ou le réformisme. Pourtant j’aurais pu, j’ai mis quelques mois avant de me resyndiquer et d’adhérer à la tendance et je me sentais déjà évoluer (je me suis surpris à quelques crises de culture d’entreprise, de désespoirs et de réactions aigris aussi). On peut dire que j’ai compris l’intérêt de se syndiquer pour la conscience de classe mais aussi que le syndicat ne fait pas tout (si vous n’étiez pas au courant il ne fait pas la vaisselle non plus mais j’ai bon espoir qu’il fasse prochainement le grand ménage ! :rambo: ).

Mais par contre je considère que la confédération syndicale de classe est le véritable parti des travailleurs c’est-à-dire que la confédération peut à la fois souder la classe, mener les combats défensifs et porter un projet de société pour nourrir les luttes offensives et la révolution . Car oui le fédéralisme c’est l’autonomie de la base mais c’est aussi la centralisation des efforts pour frapper fort et la mutualisation des connaissances et des moyens pour s’économiser et dégager du temps pour la réflexion, le débat et les bilans collectifs. Ça réclame donc l’unité et le nombre pour fonctionner (en plus de l’existence de tendances stratégique, orga affinitaires et cercles d’études plus avant gardistes). Même que le nombre précède et fait la qualité sur le long terme dans ce cas.
Je pense que c’est une banalité de dire ça (surtout aux libertaires qui sont les premiers défenseurs du fédéralisme et qui en connaisse les mérites) mais nous militons trop souvent dans des petites structures (les CSR sont sûrement bien plus petits que vos orga déjà pas fournis) et on à intégré le fait d’être inefficaces alors on se persuade qu’on à la qualité. Pourtant la succession de défaites ouvrières devrait nous faire ouvrir les yeux.

Lorsque Pïèrô parle de Solidaires 37 ça ne fait que renforcer la thèse de la nécessité de tendance structuré pour améliorer la démocratie interne.
Car je considère que cette union est nourris en réflexion par des militants politisé mais est ce que l’union se dote des cadres pour former les militants de classe (travail interpro et de branche au quotidiens) Je connais (un peu) L’US Solidaires 37 et je peux dire que l’interpro ne fonctionne pas si bien que ça et le taf interpro je ne vois pas bien en quoi il est radicalement différend de celui de L’UD CGT ?
Pour les syndicats d’industrie je vois des syndicats relativement gros mais isolés et une multitude de petits syndicats pas plus efficaces que si ils étaient à la Cgt. Attention comprenez-moi bien, je peux faire le même raisonnement pour l’UD Cgt et c’est le discours qu’on tient à la Cgt d’ailleurs !

En gros ce que je veux dire c’est que pas grand-chose ne garantie la pérennité du modèle « Solidaires » et je me permets même de dire que ce n’est pas si alternatif que ça. Par exemple l’Union soutenait le projet d’AG interpro 37 et bien où étaient les adhérents des syndicats de l’Union ? N’est ce pas déjà le signe que les syndiqué sud sont pas si alternatifs que ça et qu’une tendance (union d’anticapitalistes sincères, révolutionnaires comme réformistes et transcendant les clivages politiques ce qui n’est pas rien !) dirige Solidaires 37 mais combien de temps ça peut durer sans relève militante. En quoi ça peut se transformer ? Cooptera t-on des militants politisé mais sans repères de classes solides à la direction pour maintenir la ligne ou bien sabordera t-on les beau principes le jour ou la situation sociale sera plus tendu, le jour ou les flics et les patrons se débarrasserons du « dialogue social » qui coute au budget de l’Etat. Ou bien encore laissera t-on les militants corpo s’exprimer et prendre la direction de l’Union comme à la Cgt ?

Moi je pense que tous ces militants sincères et capables de surmonter les sectarismes gagneraient à se grouper en tendance syndicale et à réfléchir à leur rôle de responsables syndicaux et à la responsabilité que ça implique pour que petit à petit la gestion des structures soit plus collective efficace et détruise les corporatismes. Et surtout ces bilans serait fait en cas de défaillance des syndicats et la diffusion des stratégies et tactiques nourrirait les débats à la base tout en formant les jeunes militants car une mémoire des échecs et des réussites se constituerait même en cas de défaillance du mouvement syndical. Sinon elles servent à quoi les adhésions politiques révolutionnaires si les mêmes militant on une pratique réformiste ou/et bureaucratisé à terme ?

Ensuite, j’aimerais revenir sur un point qui revient souvent chez les communistes libertaires ou les trotskystes : le soutien aux luttes et la convergence de ces luttes. Mais comment on se donne le moyen de la participation massive aux luttes, quelles luttes et comment gagner. C’est ce point de réflexions stratégique qui fait dire aux militants de classe que les révolutionnaires n’ont pas d’alternatives crédible. C’est ça le vrai problème du courant révolutionnaire du mouvement ouvrier (en plus des sectarismes et guerres de chapelles) c’est qu’il n’est pas crédible lorsqu’il s’époumone à appeler aux luttes, à la grève générale mais ne propose pas d’outils ni de réflexions, ni de partager un bilan sérieux des échecs passés. On en arrive à courir derrières les corporatismes en y décelant un radicalisme caché (luttes des jeunes, des corpos à statuts…) Cette défense des acquis est nécessaires mais on à choisis la mauvaise tactique. On veut protéger des bastions mais on ne s’occuppe plus du soutient de la classe, on n’agit plus comme un ciment entre les travailleurs divisés (y compris à travers le monde). Combiens de syndicalistes de classe pensent être une priorité la fusion des secteurs privé et publique dans nos syndicats. Combien de syndicalistes de classe font le taf vers les travailleurs des TPE de la sous traitance, des emplois de services, des chômeurs et intérimaires. Trop peu, car on ne veut pas se doter d’outil de classe et laisser tomber nos anciens bastions devenus des citadelles corpo.
Si on veut développer l’auto-organisation des travailleurs on ne laisse pas en l’état le mouvement ouvrier. Au contraire cela participe au sabotage de l’auto-organisation.
Pourtant à d’autres périodes (plus durs socialement !) on savait le faire : les petits métiers étaient organisés dans les conf. Les chantiers était syndiqué, les fonctionnaires faisait un gros fuck à la république en se syndiquant….je veux dire qu’on ne mythifiait pas la classe on l’organisait.

Et lorsque est arrivé le conflit des retraites quels tactique avions nous : bloquer l’économie avec une poignée de personnes ! Ou attendre la mobilisation de bastions bien délabrés ou encore autoproclamer des ag « interpro ». Je crois que les débats qui se mènent actuellement dans les orga politiques sont déconnectés de la réalité de la lutte des classes. Et ce n’est pas d’accuser les bureaucraties, les staliniens ( ?!) et les autonomes qui va nous dédouaner de nos propres responsabilités.

Si on avait été plus vite il y à quelques année, l’énergie des fédé et UD/UL encore combatives et pas trop démoralisé par les défaites aurait pu être propagé dans un nouveaux mouvement syndical, réorganisé, réunifié (à tout les niveaux). Et encore je ne parle qu’en France mais le syndicalisme à toujours besoin d’être international pour être efficace et notre classe n’à pas de frontière.
Alors pourquoi attendre encore dans nos petites structures (petits syndicats d’entreprises, petite interpro, petites conf. ) de nourrir la guerre des sigles et condamner les débats syndicaux (je rappelle que ces débat ne se mènent pas en intersyndicale qui est la réunion de camarades déjà mandaté en théorie ; ni dans les médias bourgeois…il n’y à qu’a voir comment la Nouvelle République (journal local) est capable toujours de diviser le syndicalisme de classe en nourrissant les clivages sud/Cgt par chez nous !)

berneri a écrit:Cette vision conduit selon moi à un repli identitaire et au "patriotisme (nationalisme) organisationnel", et à une vision dogmatique et figée du réel.

En effet, la réalité est telle qu'elle est, les divisions syndicales ne sont pas sorties du chapeau de penseurs politiciens mal intentionnés et ont des racines au cœur des contradiction de la lutte sociale, les causes ne sont pas toutes extérieures à la CGT et aux orientations qui l'ont animées comme l' a relevé Pierrot notamment au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Cette vision amène à considérer toutes les structures autres que la CGT comme des corps étrangers au mouvement ouvrier, des avatars ou des erreurs de la nature.


Nous sommes révolutionnaires, n’ayons pas peur mais organisons nous solidement pour ne pas être battus ou corrompus! Et attention à ne jamais donner notre « absolution » de révolutionnaire à aucun appareil bureaucratisé ou inefficace ! (je dis ça parce que Pïèrô et Berneri estiment qu’appeler à militer à la Cgt c’est la soutenir. Je rappel que la critique indépendante de la Cgt est la raison d’étre actuelle du Courant Syndicaliste Révolutionnaire ou de où va la Cgt ? Par exemple et on aimerait trouver la même intransigeance et indépendances dans les groupes ou partis soutenant la construction du syndicalisme dit « alternatif ». C’est vrai que ça commence à bouger de ce côté-là aussi depuis quelques mois il faut être honnête (cf. congrès AL). Et pour ma part le discours démocrate sur la pluralité du syndicalisme je le range avec toute les vieilles idées républicaines qui me hérissent le poil :gun: :france: .Alors doit on se résigner au bureaucratisme ou à l'inefficacité voila le sens de mon intervention.
A plus.
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede berneri » 11 Sep 2011, 18:40

Lorsque Pïèrô parle de Solidaires 37 ça ne fait que renforcer la thèse de la nécessité de tendance structuré pour améliorer la démocratie interne.
Car je considère que cette union est nourris en réflexion par des militants politisé mais est ce que l’union se dote des cadres pour former les militants de classe (travail interpro et de branche au quotidiens) Je connais (un peu) L’US Solidaires 37 et je peux dire que l’interpro ne fonctionne pas si bien que ça et le taf interpro je ne vois pas bien en quoi il est radicalement différend de celui de L’UD CGT ?
Pour les syndicats d’industrie je vois des syndicats relativement gros mais isolés et une multitude de petits syndicats pas plus efficaces que si ils étaient à la Cgt. Attention comprenez-moi bien, je peux faire le même raisonnement pour l’UD Cgt et c’est le discours qu’on tient à la Cgt d’ailleurs !


Donc il n'y a pas d'interêt d'existence de Solidaires 37 puisque c'est la même, chose l'un vaut l'autre... on ne voit pas bien du coup pourquoi Solidaires existe, probablement parce que ses militants n'ont pas encore rencontré la vérité révolutionnaire.

Je connais (un peu) L’US Solidaires 37 et je peux dire que l’interpro ne fonctionne pas si bien que ça et le taf interpro je ne vois pas bien en quoi il est radicalement différend de celui de L’UD CGT ?


en plus de taf interpro de ses commissions, qui , admettons le, n'est pas parfait, Solidaires 37 participe aux mobilisations locales sur certains thèmes qui concernent le monde ouvrier ...
D'ailleurs l'UD CGT n'a pas participé à la mobilisation unitaire contre le congrès du FN ... pourquoi?
D'ailleurs l'UD CGT ne participe pas à DNSI... pourquoi?


Le bavardage sur "qui fait le taf" me semble un peu poussif, je répondrais ceux qui peuvent quand ils ont le temps et l'énergie,... ça va comme explication?!!... à Solidaires le modèle militant n'est pas encore celui du "cadre " ayant un "sacerdoce" et au final futur petit chef de l'administration bureaucratique post revolutionnaire . Alors oui il ya du boulot, mais il faut aussi pouvoir accepter que des travailleurs se syndiquent et militent selon leurs possibilités familiales, professionnelles et leur choix de vie, car il faut bien le reconnaitre la revolution sociale se fait attendre et les luttes sont parfois peu généreuses en "retour sur investissement " si je puis dire....

Je ne vais pas défendre à tt prix Solidaires , certainement qu'on peut aligner un "peu mieux faire".
Je vais aussi dire que le qualificatif "sincère" que mimosa mets pour les militants actifs de solidaires m'évoque un certains mépris que j'exprimerai ainsi: en creux on peut lire " ils sont sincères mais un peu concon car ils se trompent, il ne voient pas l'inutilité d'être à solidaires et leur culpabilité dans la division syndicale qui seule peut être résolu par la réunification du syndicalisme de classe dans la grande CGT"

Je ne suis pas particlièrement partisan du pluralisme syndical mais c'est un état de fait, il ne suffit pas de se plaindre qu'il ya plusieurs OS, il ne suffit pas de se plaindre que tout les militants de classe ne soient pas dans la grande CGT, il ne suffit pas de se plaindre que les gens ne font pas le taf interpro, encore faut-il partir du réel et ne pas oublier qu'en même temps qu'il ya les "grandes stratégies élaborées par des cadres spécialistes formés au SR" il ya la besogne obscure du quotidien ...

La plainte et avec des "si", "si on avait était plus vite il ya quelques années" plus vite à faire quoi, à adopter la ligne du CSR? L'absence de réunification qui en porte la responsabilité? qui est "coupable"?
N'y a t il pas aussi des explications rationnelles et matérialistes liées à la conjoncture? à la période?



Pour finir je pense que, partant du réel ,la bonne stratégie pour s'unir au sein d'une "organisation révolutionnaire de classe" est de travailler ensemble en se considérant comme des égaux et peut-être d'envisager que cette organisation sera plurielle voire nouvelle dans sa structure .... sauf à considérer que tout le monde va adhérer à la pensée du CSR...

Mais peut on appliquer les recettes de la mécanique classique à l'époque de la physique quantique .... ?

Le syndicalisme peut se suffir à lui même par vanité mais dans cette "suffisance", méprise - t -il le reste du mouvement social et suffit il à la révolution sociale?
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Re: Le syndicalisme peut-il se suffir à lui-même ?

Messagede René » 12 Sep 2011, 15:37

Le « Courant syndicaliste révolutionnaire » est-il anti-anarchiste primaire ?

Pti’Mat a dit :

« René, je t’invite simplement à lire ce que j’ai mis sur l’anarcho-syndicalisme car ton dénigrement qui porte à croire qu’on serait "anti-anar" (ce qui est un comble) me fait fortement grincer des dents: viewtopic.php?t=4189 »


Réponse à Pti’Mat
Je n’ai pas dit que tu étais anti-anar, je dis que le CSR l’est, très clairement.
Voici ce que j’ai dit dans l’intervention qui provoque ta réaction :

« Il y existe des militants qui se réclament du syndicalisme révolutionnaire, mais pas de l’anarcho-syndicalisme, et encore moins de l’anarchisme. Je dirais même qu’ils sont carrément anti-anarchistes. Ils considèrent que l’anarchisme a en quelque sorte “pollué” l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire. »


Ce n’est donc pas une attaque contre toi personellement.
Si tu n’es pas convaincu de ce que je dis, c’est sans doute parce que tu ne connais pas certains des textes que le courant dont tu te réclames a écrits.
Cela dit, on a parfaitement le droit d’être anti-anar, et de le dire. Cela relève d’un simple débat d’idées. Mais à ce moment-là, il ne faut pas s’étonner si on provoque des réactions lorsqu’on écrit des choses qui relèvent de la déformation, de la mauvaise foi, de la désinformation.
Je regrette d’autant plus cette situation que par ailleurs je suis d’accord avec Pti’Mat toi sur pas mal de questions de principe, bien que en désaccord sur les questions de tactique, qui me semblent révéler une attitude sectaire. (Pour l’anecdote, je suis moi aussi je suis à la CGT, depuis 40 ans.) Mais je ne pense pas qu’on puisse faire avancer beaucoup les choses en ne préconisant, dans le contexte d’aujourd’hui, qu’une vision uniforme de l’activité militante. Dans un précédent texte, j’appelais à « coordonner nos activités, s’informer, discuter, réfléchir aux résultats obtenus et s’entraider, sans tenir compte des nationalismes d’organisation dans lesquels on est trop souvent tenté de sombrer ». Je disais qu’il faudrait peut-être 50 ans pour reconstituer un mouvement révolutionnaire conséquent. Tout compte fait, il faudra peut-être beaucoup plus…

On avait plutôt coutume de considérer le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme comme des courants proches, cousins en quelque sorte, voire frères. A lire les textes d’un certain « Courant syndicaliste révolutionnaire » (CSR), il n’en est rien.

Je n’ai pas ici l’intention de réfuter toutes les affirmations tendancieuses de ce courant, qui a produit deux textes anonymes dont je pense que l’auteur est le même :

« La CFDT et le syndicalisme révolutionnaire (1968-2000) »,
(CSR, BP 9, 95270 Belloy)
et
« Histoire de l’Internationale syndicale rouge ».
(http://syndicaliste.phpnet.org/spip.php?article107)


« La CFDT et le syndicalisme révolutionnaire »
Je veux simplement montrer que le CSR est animé par un très net sentiment anti-anarchiste, que j’avais déjà relevé dans la brochure « La CFDT et le syndicalisme révolutionnaire (1968-2000) » (Voir mon propre texte, À propos de l’Alliance syndicaliste, No Passaran.)
Dans la brochure sur la CFDT, le discours apologétique sur un syndicalisme révolutionnaire mythique cache mal un regret évident concernant les racines libertaires de l’Alliance syndicaliste, dont les carences ou les échecs, parfois réels mais souvent supposés, sont explicitement attribués à ses racines libertaires, alors même que sans ces racines libertaires il n’y aurait pas eu d’Alliance syndicaliste et donc pratiquement rien à dire sur l’activité « SR » dans la CFDT. On peut ainsi lire : « … dans les années 70, parmi ceux qui théorisent le SR, les anarchistes occupent la place déterminante. Ce fait sera d’ailleurs à l’origine d’une grande confusion faisant des SR la branche syndicale de l’anarchisme. (…) l’anarchisme apparaissant comme l’élément fondateur du SR, ce qui est historiquement faux ». « Les membres de l’ASRAS [l’Alliance syndicaliste] malgré leur grand travail de remise en cause théorique, n’arrivent pas à se débarrasser d’un élément prédominant : la référence explicite du SR à l’anarchisme que l’on retrouve dans son nom. » (Tome 2, pages 38 et 40.)
Le ton de la brochure sur « La CFDT et le syndicalisme révolutionnaire » reste cependant mesuré, mais il est clair que l’auteur regrette que « l’activité SR » dans la CFDT soit créditée aux anarcho-syndicalistes – car c’est bien de cela qu’il s’agit : dans chaque exemple d’« activité SR » qu’il donne, l’Alliance est derrière. Cependant, l’auteur fait une erreur. Les militants de l’Alliance n’ont jamais confondu syndicalisme révolutionnaire et anarcho-syndicalisme, et ils ont encore moins présenté l’anarchisme comme « l’élément fondateur du SR ». En France, anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire sont deux courants bien distincts, bien que proches. Nous avions choisi d’intégrer le terme « syndicalisme révolutionnaire » dans le nom de l’organisation parce que parmi les camarades les plus anciens, certains avaient fait partie de ce courant dans les années 30. Ces vieux camarades n’auraient jamais accepté qu’on confonde…
En revanche, dans le mouvement libertaire espagnol, anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire sont parfaitement synonymes. La CNT était une organisation syndicaliste révolutionnaire. Le syndicalisme révolutionnaire était le moyen, le communisme libertaire était le but. Pour eux, c’était extrêmement clair. Tout ça, l’auteur de la brochure l’ignore ou l’évacue.

« Histoire de l’Internationale syndicale rouge »
L’« Histoire de l’Internationale syndicale rouge », publiée également par le « Courant syndicaliste révolutionnaire » révèle une véritable frénésie anti-anarchiste. De l'anarcho-syndicalisme, il ne ressort rien de bon.
Pour mémoire, l’Internationale syndicale rouge (ISR) était une organisation syndicale internationale créée à Moscou en 1921, à la veille du IIIe congrès de l’Internationale communiste. Elle fut, jusqu’en 1937, date de sa disparition, en quelque sorte le pendant syndical de l’Internationale communiste. L’ISR revendiquait ouvertement un lien organique avec l’Internationale communiste, ce que le CSR semble récuser. Cela dit, ce lien semble difficilement contestable, vu le lieu (Moscou), la date (1921) et le contexte de sa fondation (Répression de l’insurrection de Kronstadt, IIIe congrès de l’Internationale et isolement de la révolution russe).

Or justement, le problème soulevé par l’auteur anonyme de la brochure, c’est que :

1. L’ISR constitua jusqu’en 1928 un centre de résistance contre le pouvoir bolchevik, ou en tout cas un outil permettant d’en tempérer les effets ;
2. Elle était un centre de regroupement des « syndicalistes révolutionnaires » mondiaux ;
3. En cela elle s’opposa fermement au mouvement anarcho-syndicaliste international ;
4. Le mouvement anarcho-syndicaliste international fut responsable de sa liquidation, et fut également responsable du déclin du syndicalisme révolutionnaire.

Voyons ça de plus près
• L’auteur affirme qu’il faut revenir « sur le mythe selon lequel le syndicalisme-révolutionnaire serait le produit de l’intervention des anarchistes dans le mouvement syndical ».
• Dans l’ISR, « les logiques de division menées par les anarcho-syndicalistes apparaissent totalement incompréhensibles… » (Les anarcho-syndicalistes se méfiaient des bolcheviks qui réprimaient le mouvement ouvrier russe et emprisonnaient des milliers de libertaires et d’opposants.)
• Ceux des « syndicalistes révolutionnaires qui vont se rallier à l’anarcho-syndicalisme » n’ont pas compris que « l’ISR s’est imposée aux bolcheviques afin de ne pas se couper de la composante la plus importante du prolétariat révolutionnaire ». En fait, les anarcho-syndicalistes avaient parfaitement compris que le prolétariat révolutionnaire ne devait pas se rallier aux bolcheviks. Par ailleurs, ce n’est pas l’ISR qui s’est « imposée aux bolcheviques afin de ne pas se couper de la composante la plus importante du prolétariat révolutionnaire », c’est au contraire les bolcheviks qui furent les initiateurs de l’ISR pour tenter de rallier à eux « la composante la plus importante du prolétariat révolutionnaire ». Le CSR prend les choses à l’envers.
• Les anarcho-syndicalistes étaient « influencés par une logique d’affrontement philosophique » ; « cette tendance sectaire est incapable d’adopter une tactique intelligente ».
• Au sein de l’ISR, Maurin, délégué de la CNT, tenta de constituer une tendance syndicaliste sous le nom d’Association des Travailleurs Syndicalistes Révolutionnaires du Monde. Cette tendance prétendait représenter 2 421 500 membres dans le monde. L’Association tiendra une conférence en juin 1922, un congrès en décembre, sans pouvoir s’organiser. (Cf. Joaquín Maurín: de l’anarcho-syndicalisme au communisme, 1919-1936, Par Yveline Riottot). Bien entendu, notre auteur anonyme du CSR attribue l’échec de cette tentative aux anarchistes : « Mais elle sera brisée de l’intérieur par les manœuvres scissionnistes menées par ceux qui s’engagent alors vers la création d’une AIT anarcho-syndicaliste. »
• Dans le chapitre consacré à « La stratégie révolutionnaire », on apprend que l’ISR a permis un « approfondissement de la stratégie des SR. Il est désormais clairement question de “prise du pouvoir” et de “dictature du prolétariat” ». « A partir de cette date, les SR se revendiqueront de la dictature du prolétariat. Seuls les éléments qui s’en détachent pour aller fonder l’anarcho-syndicalisme rejetteront cette notion. » Voilà qui est intéressant.
• A propos des IWW, l’auteur anonyme constate avec regret que « les branches chiliennes et mexicaines sombrent [sic] dans l’anarcho-syndicalisme ».
• En Espagne et au Portugal, « les partisans de l’ISR doivent faire face à une dérive sectaire de nombreux syndicalistes libertaires. Depuis 1919 la CNT espagnole, tout comme la CGT portugaise, basculent dans l’anarcho-syndicalisme. » On comprend bien que pour le CSR, ce n’est pas un fait positif.

J’arrête là mon examen du texte du CSR, parce que le délire anti-anarchiste continue de cette manière jusqu’à la fin, et ça risque de devenir ennuyeux.

A propos de la création de l’Association Internationale des Travailleurs de 1922, on a le bouquet
En 1922, les militants ouvriers libertaires qui avaient jusqu’alors soutenu l’ISR se rendirent compte de la tournure que prenait la révolution russe. L’insurrection de Kronstadt réclamant des soviets libres avait été écrasée, le mouvement makhnoviste était en train d’être écrasé, de nombreux militants libertaires russes, ouvriers et syndicalistes, étaient arrivés en Allemagne et avaient commencé à expliquer ce qui se passait. En outre, le mouvement anarcho-syndicaliste russe, qui avait tenu des congrès au début de la révolution, avait alerté sur les dérives du communisme à la bolchevik. Ce mouvement avait lui aussi été écrasé.
Lorsque Gaston Leval se rend en Russie comme délégué de la CNT espagnole pour le congrès de fondation de l’ISR, il se déguise en femme pour rendre visite à des anarchistes emprisonnés par le régime, dont Voline. Ceux-ci lui font une description inquiétante du régime communiste en place.
C’est dans ce contexte que les libertaires décident de se retirer de l’ISR, mais il y a un fait qui illustre parfaitement les raisons de leur décision : ils demandèrent aux délégués russes de l’ISR de condamner la répression anti-ouvrière de leur propre gouvernement, et ils refusèrent. Dès lors, les choses étaient claires.
L’AIT fut créée parce que les libertaires avaient compris depuis longtemps que la révolution russe avait entamé une dérive bureaucratique et contre-révolutionnaire. Les anarcho-syndicalistes russes avaient lancé un cri d’alarme dès 1918. Toutes les institutions internationales créées par les bolcheviks ou à leur instigation ne visaient qu’une chose : renforcer un pouvoir qui réprimait férocement les syndicalistes qui, en Russie, ne partageaient pas les options du pouvoir en place.
Certains militants syndicalistes européens continuaient de croire les fables du pouvoir en place et s’en faisaient les complices.

Rappelons que l’ISR fut fondée à la veille du IIIe Congrès de l’Internationale communiste. Or, au congrès précédent, un événement capital s’était produit : l’Internationale avait édicté ses « 21 conditions d’admission », dont la 9e dit ceci :

« Tout Parti désireux d’appartenir à l’Internationale Communiste doit poursuivre une propagande persévérante et systématique au sein des syndicats, coopératives et autres organisations des masses ouvrières. Des noyaux communistes doivent être formés, dont le travail opiniâtre et constant conquerra les syndicats au communisme. Leur devoir sera de révéler à tout instant la trahison des social-patriotes et les hésitations du “centre”. Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés à l’ensemble du Parti. »


En langage clair, cela signifie que les communistes doivent s’organiser en fractions pour conquérir syndicats et associations diverses, et y appliquer de manière stricte la politique du parti. Peut-on simplement imaginer qu’une Internationale syndicale créée à Moscou l’année suivante puisse être autre chose qu’un appendice du parti ?

La CNT n'adhère pas à l'ISR
Au congrès de Saragosse de la CNT espagnole, tenu en 1922, Gaston Leval, ainsi que Angel Pestana, firent un rapport qui conduisit la CNT à se retirer de l’Internationale syndicale rouge. Leval affirmait que c’était la raison principale qui expliquait que la CNT ne fut jamais « bolchevisée », au contraire de la CGT française, dans laquelle les communistes entrèrent « comme une pointe d’acier dans une motte de beurre », selon les termes de Pierre Sémard. C’est la raison pour laquelle fut créée à Berlin en 1922 une internationale regroupant des organisations qui entendaient ne pas se mettre sous la domination d’un Etat qui réprimait la classe ouvrière.
L’auteur de « l’Histoire de l’Internationale syndicale rouge » interprète évidemment les choses autrement : « ce choix fut une erreur de taille qui fut un des facteurs de profonde désorganisation et de division du mouvement ouvrier, et plus spécialement de sa composante révolutionnaire. Cela eut pour conséquence de fractionner la sensibilité SR en deux morceaux et donc d’aider les bolcheviques à conquérir progressivement la direction de l’ISR ». Les « deux morceaux » qu’évoque l’auteur du texte sont illustrés par Pierre Monatte, qui adhéra au Parti communiste, et Pierre Besnard qui tenta de regrouper les syndicalistes en dehors de l’influence des communistes. Pour le CSR, c’est évidemment Besnard qui avait tort. Monatte adhère au Parti communiste, servant d’exemple à de nombreux militants ouvriers, mais pour le CSR, si l’expérience de l’Internationale syndicale rouge a raté, si l’ISR s’est retrouvée sous la domination des bolcheviks, c’est la faute des libertaires !
Car, ajoute notre auteur, « il faut tout d’abord abandonner la vision traditionnellement véhiculée par les anarcho-syndicalistes comme quoi la création de l’AIT serait une réaction à la prise de contrôle de l’ISR par le parti bolchevique. Au moment où l’équipe fondatrice de l’AIT engage ce processus de division, l’ISR n’est absolument pas contrôlée par l’IC. »
Passons sur le fait que l’auteur ne semble pas comprendre qu’une organisation internationale, dont on imagine aisément qu’elle représente des enjeux vitaux pour le régime communiste, fondée à Moscou, dirigée par un bolchevik, puisse ne pas être contrôlée par l’Internationale communiste…
Les représentants bolcheviks de l’ISR refusaient de condamner la répression anti-ouvrière du régime en Russie.

En vérité, l’AIT fut fondée parce que les membres fondateurs ne pensaient pas qu’il était souhaitable d’adhérer à une organisation qui soutenait le régime bolchevik et dont les membres bolcheviks refusaient de condamner la répression dont étaient victimes les militants ouvriers russes. J’ai bien dit : les représentants bolcheviks de l’ISR refusaient de condamner la répression anti-ouvrière du régime en Russie.
• On apprend en outre : « Le fait que l’anarcho-syndicalisme soit officiellement né d’une initiative malheureuse peut expliquer le parcours chaotique qu’il va suivre par la suite. Contrairement à ce qui est avancé, la création de l’AIT n’est donc pas une dynamique de clarification politique, le bilan d’une expérience, mais au contraire un processus impulsif et sans cohérence stratégique. »
• La création de l’AIT est selon l’auteur anonyme « un projet mûri de longue date », ce qui contredit un peu l’affirmation faite quelques lignes plus haut qu’il s’agit d’un « un processus impulsif et sans cohérence stratégique ». On dira que c’est un processus impulsif et sans cohérence stratégique mûri de longue date…
• Donc, « au cours de l’année 1922, l’hostilité des libertaires et de certains SR ne cesse de se renforcer à l’encontre de l’IC. Portés par les courants les plus sectaires et dogmatiques du mouvement libertaire, un projet de scission est avancé par une équipe de militants organisés autour de R. Rocker de la FAUD et des “syndicalistes purs” français. »
Traiter Rudolf Rocker de sectaire et de dogmatique est réellement un comble.
• « La scission de l’ISR, poussée par certaines franges sectaires du mouvement libertaire, s’explique avant tout pour des raisons bureaucratiques, l’opposition essayant ensuite de trouver une caution philosophique. »
Évoquant le contexte existant à l’époque en Europe, l’auteur affirme : « Axés avant tout sur des logiques “nationales” et bureaucratiques, les anarcho-syndicalistes ne semblent pas sensibles à cette réalité ».

A propos de Sacco et Vanzetti.
Le rédacteur du texte du CSR consacre un chapitre sur Sacco et Vanzetti. Le lecteur se dit : Bon, peut-être le ton va-t-il changer ? Effectivement, le ton change. On parle de solidarité internationale, de campagne de soutien, d’illustration de l’internationalisme actif, etc. On nous explique que « l’ISR va coordonner la lutte en articulant des initiatives nationales », on nous dit que dans « tous les pays européens l’ISR lance des mobilisations », etc.
Mais à aucun moment l’auteur ne dit que Sacco et Vanzetti étaient anarchistes. Ça me rappelle qu’au moment de la sortie du film sur Sacco et Vanzetti (réalisé par Giuliano Montaldo, 1971), l’Humanité avait publié pendant des semaines un feuilleton en bandes dessinées sur les deux militants, sans jamais mentionner leur appartenance politique.

Concluons
Comme dans son autre brochure sur l’activité « SR » dans la CFDT (dont j’ai par ailleurs montré que tous les exemples qu’il donne sont le fait d’anarcho-syndicalistes), la méthode employée par l’auteur dans son histoire de l’ISR consiste à récupérer sous le terme de « syndicalisme révolutionnaire » des hommes ou des faits qui n’ont souvent rien à voir, et à amalgamer tout cela dans un courant qu’il veut nous présenter comme cohérent.
Je n’avais pas l’intention ici de réfuter les innombrables approximations, récupérations, affirmations de mauvaise foi de l’auteur de l’« Histoire de l’Internationale syndicale rouge », mais seulement de mettre en relief son préjugé anti-anarchiste, que je ne peux considérer que comme très, très primaire.

J’avoue ne pas très bien comprendre ce qui motive l’auteur car je ne peux pas croire que ce soit simplement une haine primaire de l’anarchisme.

« Quelle est l’explication sociale ? » comme dirait Trotsky.
René
 
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