Occuper la rue autrement : la ZATA

Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede Pol@ck » 08 Fév 2011, 13:59

Occuper la rue autrement : la ZATA
Constat fataliste



Nos rassemblements, obéissant toujours aux schémas classiques de la mobilisation citoyenne, se forment le plus souvent autour d'un rendez-vous ou d'un parcours défini, à partir duquel nous nous déplaçons massivement (en troupeau) dans une direction ou avec un objectif unique, prédéterminé le plus souvent. Ce mode d'action a pour principal défaut d'être entièrement contrôlable et totalement maîtrisable. Nous sommes attendus. Que ce soient les rassemblements statiques, les manifestations no border, les balades ou même les black blocs, toutes nos mobilisations sont désormais étroitement encadrées. La police et la gendarmerie ont développé toutes les parades nécessaires pour réduire notre potentiel de nuisance à néant. Il faut qu'on se l'avoue : on est gérés.



La société de contrôle évolue vite. Les moyens de la Répression aussi. Tout est fait pour que les manifestations classiques restent sous la mainmise totale des préfectures, avec la collaboration de milices toujours plus indiscernables (flics en civil, services d'ordre et citoyens volontaires) et avec des outils toujours plus sophistiqués (flash ball, taser, drones). Nous sommes vulnérables. Beaucoup d'entre nous ont déjà reçu des peines de prison. Nous n'aurons bientôt plus le loisir de nous exposer en public au sein de rassemblements de masse. Si notre orgueil nous fait dire souvent qu'il faut continuer à occuper la rue, nous devons rester conscients des risques encourus et cesser d'avoir confiance en la démocratie. Tout État, même qualifié de «démocratique», est une dictature. Et sous la dictature, on ne manifeste pas dans la rue si l'heure n'est pas à l'insurrection. Ou alors on en accepte toutes les conséquences, notamment la prison. La question est : sommes-nous vraiment prêts à aller tous en prison ?



Proposition : la Zone Autonome Temporaire d'Action



Pour récupérer notre capacité de subversion sans risquer trop facilement le fichage et la taule, nous devons trouver les moyens de nous placer hors contrôle et redevenir ingérables. Notre force réside dans notre capacité à constituer un trouble à l'ordre public : notre seule présence doit représenter une gêne pour les autorités, tout en nous permettant de rester au contact de la population et de la rue. Nous sommes partie prenante de cette population, donc de fait la rue nous appartient et nous avons vocation à l'occuper comme bon nous semble. Pour autant, il nous appartient de faire comprendre nos actions, aussi radicales soient-elles. Qu'on ne se trompe pas en considérant que la radicalité effraie : ce discours répandu tend à faire penser que le pouvoir a su anéantir les passions qui animent le cœur des hommes. Pourtant, on sait que tout être humain fait preuve de radicalité dès lors qu'il sent ses droits et libertés bafouées. Ramener la révolte dans la rue de façon désordonnée, mais organisée et expliquée, doit pouvoir faire renaître cette radicalité.



Pour contourner le piège du rendez-vous unique et du parcours prévisible, une idée serait de prendre comme point de départ de nos rassemblements plusieurs lieux d'une même zone. Ces points de rendez-vous seraient fixés individuellement ou par groupe affinitaire dans une zone qui elle, serait prédéfinie collectivement. Cette zone, définie dans l'espace, pouvant faire quelques rues ou plusieurs kilomètres de rayon, deviendrait en quelque sorte notre «terrain de jeu» : chaque groupe affinitaire est libre d'y entreprendre l'action qui lui est propre, qui lui correspond.



Pour chaque zone peut être définie au préalable une liste de cibles en rapport avec l'objet de l'action.



Il peut être prévu de converger vers une cible à partir de tous les points d'une même zone.



L'objectif d'une telle zone d'action est de créer de l'agitation autour d'un message et selon des modes d'actions variés, dans une temporalité qui soit unique et courte. On réunit ainsi les principes de diversité des tactiques et de zone autonome temporaire, tout en s'affranchissant au plus possible du contrôle policier total : la police, agissant sur des modes de maintien de l'ordre archaïques, est dépassée.



Cette zone doit pouvoir être traversée d'un point extrême à l'autre dans un temps qui permettrait à un groupe en difficulté d'être rapidement rejoint pour soutien. Il s'agira alors de trouver les moyens de connecter les groupes les uns avec les autres, de trouver la façon de faire circuler l'information de l'un à l'autre en un court laps de temps, afin de réagir à l'agression et de tenter de s'interposer.



Aller hors des murs



Une autre évolution envisageable de nos actions serait de faire naître ces zones hors des lieux de la représentation et du commerce, loin des centres totalitaires bourgeois et des ministères. Aller à la rencontre des centres de banlieue, sur les marchés, auprès des squats de migrants et des camps de rroms, au terminus des métros, en bas des tours, près des centres de rétention, etc. Nous n'avons en effet rien à attendre des bourgeois et des élus, alors il n'y a aucune raison de continuer à errer dans les centres-villes, encadrés et filmés par des hordes de flics.



Changer notre mode d'action devrait également nous permettre de nous débarrasser de pas mal de mots à connotation militaire comme «militant», «mobilisation», «mot d'ordre», «défiler», etc. Ce sont autant de termes qui participent à la construction d'un imaginaire collectif faisant de nous des petits soldats de la révolution (alors que nous devrions plutôt être des «électrons libres de l'insurrection»). Les mythes de la massification et de la démonstration politique ont construit une fausse contestation, aseptisée et formatée, qui croit pouvoir changer la donne en paradant sur les boulevards. En le faisant, nous ne risquons rien parce que le pouvoir n'a rien à craindre de nous.



Au regard des moyens mis en œuvre par l'adversaire, nous devrions commencer à prendre plus de précautions, à cesser de se leurrer sur les libertés démocratiques et les libertés politiques soit-disant procurées par la démocratie capitaliste. En réalité nous ne cesserons d'être enchaînés tant que nous croirons pouvoir changer quoi que ce soit avec leur autorisation. Trop de copains et copines sont déjà passé.e.s par la case tribunal ou la prison, ou tout au moins par la garde à vue.



Trouvons les moyens d'être plus rusés, mieux formés, moins visibles, mais toujours aussi présents.



La ZATA n'est qu'en gestation, elle demande à être construite collectivement avec ceux et celles qui y croient…



L’Interstice, 1er février 2011.
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Re: Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede RickRoll » 09 Fév 2011, 08:11

Déjà je ne suis pas d'accord avec le constat liminaire du texte : les mouvement sociaux en Egypte et en Tunisie nous montrent que l'effet de masse dans la rue n'est pas un handicap.
Au contraire, c'est lui qui donne la légitimité aux yeux des gens et qui permet de faire passer un discours. Si les Tunisiens et les Egyptiens avaient eu un petit groupe de personnes faisant une ZATA contre leurs gouvernements, cela aurait-il aussi bien fonctionné ?

Notre force réside dans notre capacité à constituer un trouble à l'ordre public : notre seule présence doit représenter une gêne pour les autorités, tout en nous permettant de rester au contact de la population et de la rue.

Là on voit que ce texte est avant-gardiste : au lieu de dire qu'il faut un mouvement de masse pour lutter contre le système, le texte nous explique qu'il faut de petits groupes. Ces groupes sont certes en lien avec la population, mais ce sont eux qui font le boulot seuls.
Pour autant, il nous appartient de faire comprendre nos actions, aussi radicales soient-elles.

Intention fort louable, sauf que cette partie de l'action passe bien souvent à la trappe devant le frisson de l'action.

Pourtant, on sait que tout être humain fait preuve de radicalité dès lors qu'il sent ses droits et libertés bafouées. Ramener la révolte dans la rue de façon désordonnée, mais organisée et expliquée, doit pouvoir faire renaître cette radicalité.

Encore le fantasme du petit groupe qui par effet domino déclenche l'insurrection dans toute une population... Depuis le temps que ces pratiques sont utilisées, si elles fonctionnaient si bien on le saurait.

Ces points de rendez-vous seraient fixés individuellement ou par groupe affinitaire dans une zone qui elle, serait prédéfinie collectivement.

La solution miracle : se disperser en petits groupes affinitaires sur un terrain de jeu. Sauf que les flics sont tout aussi bien capables de contrôler un parcours de manif qu'une zone de jeu, et que les rendez-vous sont tout aussi connus par les flics (ils ont des moyens de renseignement).



Pour chaque zone peut être définie au préalable une liste de cibles en rapport avec l'objet de l'action.
Il peut être prévu de converger vers une cible à partir de tous les points d'une même zone.

Comme ça les flics surveillent les cibles.
Il s'agira alors de trouver les moyens de connecter les groupes les uns avec les autres, de trouver la façon de faire circuler l'information de l'un à l'autre en un court laps de temps, afin de réagir à l'agression et de tenter de s'interposer.

L'information ne doit pas être interceptable alors, donc exit le portable, la radio, Internet... Il reste les pigeons voyageurs.
Une autre évolution envisageable de nos actions serait de faire naître ces zones hors des lieux de la représentation et du commerce, loin des centres totalitaires bourgeois et des ministères. Aller à la rencontre des centres de banlieue, sur les marchés, auprès des squats de migrants et des camps de rroms, au terminus des métros, en bas des tours, près des centres de rétention, etc. Nous n'avons en effet rien à attendre des bourgeois et des élus, alors il n'y a aucune raison de continuer à errer dans les centres-villes, encadrés et filmés par des hordes de flics.

Je pense que les auteur-es se trompent sur la raison d'aller en centre-ville.
Je pense également que dans le métro les actions ont beaucoup moins d'impact.

Le texte dans sa globalité est pétri d'un insurrectionnalisme que je ne partage pas.

Pour résumer, j'y vois un Nième texte d'autonomes qui pensent réinventer la roue en lui donnant un nom différent. On y lit les signes distinctifs de cette autonomie insurrectionnaliste et petite-bourgeoise : avant-gardisme, mépris des forces répressives qui pousse à les sous-estimer, position d'acteurs au milieu d'une population bovine, spectatrice et immobile, mépris de cette population.
RickRoll
 

Re: Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede Pol@ck » 09 Fév 2011, 10:44

je ne sais pas si ce sont des "totos" qui ont écrit ça et je m'en fous un peu.

ce que je trouve intéressant : déjà je partage le constat de départ. la différence avec l'égypte ou la tunisie c'est déjà la formation des flics anti-émeutes et leur équipement. ça n'est pas comparable, chez nous ils sont au top. ensuite (et malgré l'utilisation des armes à feu) nos manifestations ne sont pas des espaces dans lequel l'affrontement physique est particulièrement recherché, et quand il survient ça n'est jamais à l'avantage des manifestants. il y a eu en grèce quelques succès ponctuels mais là bas pareil les flics sont pas les mêmes. les égyptiens et tunisiens meurent sous les balles et continuent des manifester, chez nous les flics ne tireront pas (politique du 0 mort) mais foutront plein de monde en taule, multiplieront les amendes etc etc... d'où le
Et sous la dictature, on ne manifeste pas dans la rue si l'heure n'est pas à l'insurrection.
ce qui nuance grandement ta 1ere opposition RR car là dessus je pense qu'ils ont raison. si je parle d'affrontement physique c'est parce que ce ne sont pas des manifestations de mise en scène de la contestation comme celles des retraites qui mettront le pouvoir à genoux, il faudra bien "marcher sur l'élysée" (les prefs, les comico ... ), et ce sera défendu.

ensuite sur le côté avant gardiste du texte je pense que tu es un peu péremptoire dans ton jugement. je pense que l'on pourrait tout aussi bien le rattacher au concept de minorité agissante. là dessus il n'y a que des suppositions à faire je ne vois pas assez d'élément pour condamner le texte de ce point de vue. élément à décharge :
une idée serait de prendre comme point de départ de nos rassemblements plusieurs lieux d'une même zone. Ces points de rendez-vous seraient fixés individuellement ou par groupe affinitaire dans une zone qui elle, serait prédéfinie collectivement.


sur le fait de faire circuler une info sans se faire fliquer il existe des solutions et nous les connaissons faut pas déconner.

bref pour en revenir au coeur du texte qui est tout de même la ZATA et non l'orientation supposée du groupe qui a pondu le bordel, je pense que ce genre de moyen d'action est à tester et doit passer le test pratique sans être condamné d'avance (surtout pour des motifs idéologiques voire dogmatiques). le respect de la diversité des tactiques serait de fait appliqué, si la dimension de solidarité joue entre les groupes agissant et si ceux ci restent mobiles cela peut être intéressant.

je te rejoins sur la critique de ce point
Une autre évolution envisageable de nos actions serait de faire naître ces zones hors des lieux de la représentation et du commerce, loin des centres totalitaires bourgeois et des ministères. Aller à la rencontre des centres de banlieue, sur les marchés, auprès des squats de migrants et des camps de rroms, au terminus des métros, en bas des tours, près des centres de rétention, etc. Nous n'avons en effet rien à attendre des bourgeois et des élus, alors il n'y a aucune raison de continuer à errer dans les centres-villes, encadrés et filmés par des hordes de flics.
je ne pense pas qu'il faille abandonner les centre ville, mais simplement adapter les actions au contexte.

mais ma principale critique porte sur la diffusion de cette information de base qui à mon sens doit être la plus large possible sans être identifiable, les info lines me semblent adaptées par exemple et permettraient ainsi que le quidam un peu intéressé soit au courant, que l'info dépasse un peu le réseau restreint. car il est vain de penser que les flics n'auront pas l'info du tout, simplement celle ci étant trop vague au départ ils ne pourront se déployer de la manière habituelle, cela participe de mon point de vue à leur désorganisation.

et enfin d'une manière générale je crois qu'il est urgent de réfléchir à des alternatives aux manifestations classiques qui m'apparaissent de plus en plus comme une perte d'énergie (tant que les conditions matérielles ne permettent pas un réel impact). alors après ZATA ou autre... ce texte à au moins le mérite de proposer quelque chose.
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Re: Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede Voline » 09 Fév 2011, 11:23

Si j'ai bien compris, la ZATA c'est un espèce de mini-happening spontanéiste qui se reconstituerait sans cesse indéfiniment ?
Corrigez moi si je me trompe ...

Réfléchir à un moyen de rendre les manif' moins "planplans" et encadrées est fort louable mais le texte me semble un peu fumeux.

Après s'il y en a qui sont chauds pour faire ce genre de trucs je respecte ça et j'attend de voir ce que ça peut donner mais je suis très dubitatif ... le problème n'est pas : est ce que ce que propose ce texte est bien pensé théoriquement ?
Parce que oui, c'est bien pensé : théoriquement, mais théoriquement seulement.

Or ce texte a vocation à donner une méthode d'organisation, il faut que celle-ci soit appropriable par le plus de gens possibles assez rapidement et assez efficacement.
Est ce franchement le cas ?

Moi aussi je peux donner la recette magique pour faire la révolution : demain faut que personne n'aille bosser et à la place on fait ce qu'on veut !
Ca s'appelle la grève générale. Un truc de fou non ?
C'est bien pensé ... théoriquement.
Sauf qu'en réalité demain tout le monde ira bosser et que si je veux une grève générale faut que je m'implique sur le long terme et que je m'acquite d'un certain nombre de tâches chiantes : éducation populaire, militantisme, débats sans fin, lutte sociales ...

Au lieu de réfléchir à des méthodes toujours plus rocambolesques pour pouvoir bloquer un carrefour 10 min sans trop se faire gauler, l'auteur du texte devrait aller donner des cours d'alphabétisation dans une assoce ou un syndicat.

Il verrait que le meilleur moyen de subvertir la population en restant "en lien avec elle" (on sent le souci de la personne qui sait qu'elle en est déjà coupée) c'est l'éducation populaire, pour que les gens s'émancipent par eux- même, et pas l'organisation de happenings en petites minorités.

Après je dis ça sans méchanceté, je pense qu'une critique du mouvementisme traditionnel doit exister et il ne faut jamais se fermer à celle- ci, même quand elle est formulée de façon un peu grandiloquente, romantique ou avant-gardiste, et si une "ZATA" se crée quelque part j'irais sans doute, comme j'irais participer à une lutte de salarié près de chez moi ... parce que je suis du côté de ceux qui luttent et que c'est, pour moi, la meilleure des formations autonomes, quelque soit la façon dont on commence et les essais qu'on fait 8-)
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Re: Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede Pol@ck » 10 Fév 2011, 12:52

ouais enfin l'éducation populaire je donne dedans aussi et c'est pas non plus la recette miracle.... :wink:

je pense qu'une diversité d'actions est nécessaire pour parvenir à créer les conditions de l'émancipation.

bon après c'est vrai que dans le ton du texte ça fait un peu "le grand soir est pour demain", "nous sommes la force vive de la révolution en marche" et blablabli et blablabla... et que personnellement je ne me sens pas coupé de "la population" j'en fais même bien partie de "la population" et c'est pas facile tous les jours...
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Re: Occuper la rue autrement : la ZATA

Messagede Voline » 10 Fév 2011, 17:21

En parlant de ça je me suis tapé deux bouquins de Hackim Bey ... quelle bouillie :religion:
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