Indépendance syndicale

Indépendance syndicale

Messagede Kzimir » 30 Jan 2011, 19:29

Je créé ce sujet pour avoir des éclaircissements concernant l'idée d'indépendance syndicale.
Dans l'idéal je suis pour, mais je me rends compte qu'on met pas forcément tous les mêmes idées derrière ça, et ça pose pas mal de problèmes dans mon militantisme quotidien.

Pour moi, le syndicat-outil de transformation sociale est un outil "complet", en ce sens qu'il se suffit à lui même comme force d'organisation des travailleurs, tandis que l'organisation politique a un rôle autre : celui d'être force de proposition au sein du mouvement social, grâce à un projet de société.
Dans cette logique les deux organes jouent sur un registre différent : l'un organise les travailleurs et porte en germe la société future, l'autre tente de diffuser et de clarifier la vision de cette dernière et les moyens pratiques et théoriques d'y arriver.
De cette séparation vient pour moi la nécessité de ne pas mélanger les deux, l'organisation force d'organisation et l'organisation force de proposition. Sinon on en arrive à un affaiblissement de l'une aux dépens de l'autre : à un syndicat groupusculaire replié sur l'affirmation d'un projet de société plutôt que sur un travail d'organisation et d'action directe des travailleurs, ou à la mise en place d'une avant-garde partidaire au sein du syndicat, au dépens des principes démocratiques du syndicat.
C'est pour cette raison que je défends l'indépendance syndicale, car à mon avis une intervention en tant que telle du parti au sein du syndicat transforme ce dernier de noyau de la société future en une simple courroie de transmission entre le parti et les masses, anticipant ainsi la dictature d'une avant garde.

Enfin, je sais pas si je suis très clair, j'écris ça en vitesse.

Il se trouve que je trouve très difficile de faire respecter cette notion d'indépendance syndicale. Également de savoir ou elle commence et ou elle s'arrête :
- l'organisation du parti en tendance au sein du syndicat va bien entendu à son encontre, mais que dire de la volonté (compréhensible) de militants d'un parti de se retrouver entre eux pour discuter à comment "tirer le parti dans la bonne direction" ?
- de même, la volonté d'organisations politiques d'exprimer une ligne à tenir au sein du syndicat, par exemple lors de congrès, me pose question. D'un côté c'est remettre en question l'indépendance syndicale, d'un autre côté l'expression d'une ligne, si elle n'est pas accompagnée d'une pratique centraliste-démocratique et donc d'un vote imposé aux militants pose-t-elle réellement problème ?
- également des questions plus mineures : la double présentation en AG, est elle une remise en question de l'indépendance syndicale ou une volonté d'honnêteté de la part des militants ? le double autocollage ?

Enfin brefle, j'aimerais bien avoir vos avis sur la question. Ça peut paraitre décalé à certains, ou basique à d'autres, mais ça renvoie à des problèmes dans mon vécu syndical actuel, et n'étant pas très au jus sur la question j'aimerais bien avoir des avis ou des idées sur la question (et si il y a des militants NPA sur ce forum, j'aimerais bien avoir leur avis sur ces questions, histoire de me rendre compte si les problèmes qu'on rencontre sont dus à un désaccord politique d'orgas ou si je suis juste tombé sur les plus dégénérés).
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Re: Indépendance syndicale

Messagede Pïérô » 30 Jan 2011, 22:08

Kzimir a écrit:Pour moi, le syndicat-outil de transformation sociale est un outil "complet", en ce sens qu'il se suffit à lui même comme force d'organisation des travailleurs, tandis que l'organisation politique a un rôle autre : celui d'être force de proposition au sein du mouvement social, grâce à un projet de société.

il y a là pour moi une forme de contradiction parce qu’alors le syndicat ne se suffit pas en lui même. Et c'est ce que je pense d'ailleurs, n'étant ni syndicaliste-révolutionnaire ni anarcho-syndicaliste, mais pratiquant parce que je pense que c'est un outil indispensable, mais pas suffisant. Mais évidemment tous ces organismes d’organisation collective ne sont pas à mettre sur le même plan. Il y a différentes manières de concevoir le rôle de l’organisation politique. Il y en a qui la voit en avant-garde éclairée, en représentation, élément et outil de la prise de pouvoir à la place des concerné-es, en organisation centralisée, en organisations qui prétendent donner le la dans les organisations syndicales et ne peuvent concevoir d'autres espaces en indépendance de celui du parti-éclairé, et d’autres en outil portant projet de société et sens, espace d’organisation fédéraliste entre militant-es sur la même longueur d’onde pour avancer ensemble et pouvoir faire partager plus largement. Et il y a aussi différent types de syndicats, des syndicats s’inscrivant dans un cadre de collaboration de classes et d’aménagement du système, et des syndicats de luttes et de transformation sociale. Encore que sur le plan syndical, y a t'il réellement un projet de transformation sociale ? Ben non, pas vraiment. De même puisque tu parles du NPA, y a t'il un projet anticapitaliste, un vrai, pas la nationalisation et la prise du pouvoir d'Etat, le projet électoraliste qui ramène à celui historique de la social-démocratie ? Ben non, et le terme de communisme y est un mot creux, même à l'époque de la LCR.

Tout est politique, et c’est d’ailleurs pour moi le gros problème de la charte d’Amiens, dont tu reprends l’argumentation. Séparer les espaces ne veut pas dire séparer le politique (ce qui n'est pas la même chose que la politique politicienne et la séparation nécessaire de ces espaces), et le syndicat est aussi espace d’appropriation du politique. Mais l’est-il vraiment ? C’est à dire une fois qu’on a dit çà est-ce que c’est ce qui se vit ? Par exemple est-ce que dans ces syndicats dits de luttes et de transformation sociale, les débats se mènent réellement ? Y a t’il une appropriation de ce type d’enjeu et des contenus par les masses, ou n’est-ce partagé que par une poignée de militant-es qui du coup ne sont que dans la projection ? C’est un peu compliqué dans le cadre de la CNT où il y a confusion des espaces justement et où beaucoup n’y voient qu’un espace libertaire rouge et noir et pas forcément un espace d’organisation collective de masse, mais si l’on prend l’exemple des SUDs et de l’Union Syndicale Solidaires, il y a là matière à réflexion introspective, parce que se réclamer de “transformation sociale” c’est bien beau, mais si c’est pour aller chercher les analyses et propositions chez Attac et la social démocratie, çà en limite un peu le champ.

Et allez pour enfoncer le clou, mais j’espère faire avancer le schmilblick, si l’organisation collective à l’image de la FA ne sert qu’à entretenir l’identité anarchiste sans réel lien aux praxis, ou que d’un autre côté AL, comme on le voit dans le N° de janvier, ne sert que de faire-valoir à la direction syndicale de Solidaires, il y a aussi du boulot à faire de ce côté de l’organisation politique spécifique, pour que du côté libertaire cela ne soit ni le Musée ni la chambre d’écho.

Bref, quelle place, rôle, et contenus pour chacun des espaces, quelles relations et inter-actions, comment les développer, à la fois numériquement et qualitativement, et qu'elle est la place des militant-es révolutionnaires anarchistes et communiste-libertaires dans tout cela ? Cela pourrait être aussi une piste de réflexion collective à partager ici, que l’on soit organisé-e ou non, syndiqué-e ou non. Et il ne faudrait pas oublier, parce que c’est aussi le rôle d’une organisation révolutionnaire de réfléchir et communiquer là dessus, les espaces qui actuellement et à travers les luttes se créent et qui réunissent aussi des non syndiqué-es, des chomeurs-euses et précaires, et qui permettent de combler aussi comme un vide dans ce monde de l’organisation collective, pensée entre syndicat et/ou organisation politique (Vers une coordination nationale interpro : viewtopic.php?f=72&t=4388).
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Re: Indépendance syndicale

Messagede Kzimir » 30 Jan 2011, 22:53

Moui, en effet, mon truc peut paraître contradictoire. En fait je voulais dire qu'à mon sens, le syndicat se suffit à lui même comme cadre d'organisation (de même que le conseil ou le soviet peut se suffire à lui même) mais ne se suffit pas à lui même comme force de proposition. D'où l'intérêt de l'organisation politique, et d'un adossement entre pratique syndicale et réflexion politique (adossement plus ou moins réussi, comme tu le relèves avec Solidaires). La question pour moi, c'est de comment différencier cet "adossement" (nécessaire car apportant un soubassement théorique et une boussole à l'action syndicale) entre syndicat et parti d'une "intervention" (forcément néfaste, car menant à une avant-garde politique au sein du syndicat) d'un parti dans le cadre politique. Le cas de la CNT est pour moi à part, car elle constitue à la fois une orga politique et un syndicat. Dans son cas, la question de l'indépendance syndicale ne se pose pas (indépendance de l'orga CNT vis à vis du syndicat CNT ?).
Après sur le rôle de l'organisation politique, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi : si on peut différencier orga d'avant garde et orga fédéraliste sur pas mal de points, les deux auront une tendance naturelle à s'immiscer en tant que telles dans le cadre syndical. La politique syndicale d'AL par exemple me paraît assez contradictoire : entre d'un côté affirmation permanente de l'autonomie nécessaire du mouvement social, et de l'autre tentation d'intervenir comme une sorte de lobby au sein des syndicats (comme peuvent le faire d'autres orgas avec plus de brutalité).

Ensuite sur le syndicat comme espace politique, je suis assez d'accord, à mon avis la séparation ne se fait finalement pas entre syndical et politique, mais entre "projection" (pour reprendre ta formulation) et "pratique directe". Le problème c'est qu'en disant ça j'ai l'impression de faire une hiérarchie entre les deux, entre des penseurs organisés politiquement et des petites mains syndicales qui vont differ les tracts, alors qu'en fait non. Si les deux sont à mon avis à séparer, c'est aussi pour des questions d'efficacité : car le rôle syndical doit être unifiant, pour permettre la défense des travailleurs, ce qui n'est pas le cas de l'organisation politique et permet donc une réflexion plus poussée sur le projet.
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