Ian a écrit:Sur la question de l'État, je préfère que tu ailles lire et répondre éventuellement dans le fil sur l'État, parce que ça sert à rien de ré-expliquer les mêmes choses.
Mais sinon, quand-même une chose : toute société, tout pouvoir, se dote d'institutions. Quel est dans la définition l'élément qui te permet de qualifier ces institutions comme "étatique" ou non? Parce que là-dessus, on sera peut-être d'accord sur le fond. Je n'ai pas de fétichisme des mots, et je suis plutôt réfractaire à l'emploi du terme "État ouvrier" qui crée beaucoup de confusions à la fois chez ceux qui l'emploie et ceux qui l'entendent.
kuhing a écrit:Et, on ne le répétera jamais assez, cette histoire de "délégués élus et révocables à tous moments" e[s]t une parfaite foutaise
Pour moi la révocabilité des élus est un élément de démocratie indispensable. Tu dis que c'est une "foutaise", ça veut dire que tu acceptes d'abandonner tout contrôle sur le mandat de la personne que tu élis?
kuhing a écrit:Mais oui, il est possible de faire de la propagande et de l'action révolutionnaire sans se placer en "avant-garde" .
Pour cela nous discutons à armes égales entre nous, un avis comptant pour un autre.
Une action peut-être proposée par n'importe qui d'entre nous. Il n'y a pas de "direction" .
Tout ça n'a rien à voir avec le refus de se placer en "avant-garde". Au contraire tu te veux ultra-avant-gardiste en appelant à la révolution sociale en tout temps, en tout lieu, indépendamment du contexte.
Mais le problème auquel tu ne m'as (me semble-t-il) pas répondu, c'est sur ton histoire de distribution gratuite sensée déclencher la révolution.
Qui fait cette distribution avec quels biens à distribuer? Pour moi il s'agit bien de la vision d'une "avant-garde auto-proclamée" extérieure aux masses, qui viendrait déclencher la révolution par son action. Or le problème, c'est que pour moi la révolution est bien l'action directe et collective des travailleurs eux-mêmes, auto-organisés, avec un maximum de démocratie directe etc.
Parce que tu parles de favoriser des décisions démocratiques depuis la base. Mais pour que ces décisions aient lieu, encore faut-il qu'il y ait un cadre pour que ces décisions aient lieu. C'est-à-dire que les travailleurs soient
déjà en lutte, se réunissent collectivement et massivement, et choisissent collectivement de dépasser le cadre de leur lutte pour aller plus loin (vers la révolution).
S'il n'y a pas de lutte, tu peux toujours parler de "décisions démocratiques depuis la base", celles-ci n'existeront pas puisqu'il n'y aura même pas le moindre cadre de discussion et de décision "à la base", et tes paroles resteront des paroles en l'air, sans aucune application pratique.
Et c'est loin d'être facile, puisque même pendant le mouvement des retraites, malgré l'action volontaire des militants révolutionnaires, les AG de salariés en lutte ont quasiment partout été un échec en terme d'affluence, avec souvent entre 1 et 5% des salariés seulement.
Si tu n'as pas le souci d'avoir des salariés massivement en lutte, massivement dans les AG, massivement impliqués et décisionnaires (démocratiquement depuis la base) de leurs modalités de lutte, des objectifs de leur lutte, tu resteras sur l'action ultra-minoritaire d'une "minorité éclairée", que j'appellerais encore et toujours une "avant-garde auto-proclamée"...
"Toute société se dote d'institution" , si tu veux.
Dans ce cas celle pour laquelle je me bats aurait pour institutions de ne pas en avoir de fixées de façon centralisée et devant être appliquées par des moyens coercitifs.
Comment un tel fonctionnement peut-il être possible ?
En établissant un système où tout les acteurs de la société trouvent leur compte.
On pourra développer ce point, je suppose que ça sera nécessaire.
Ce que j'appelle "institutions étatiques" ce sont des structures centralisées dotées de lois décidées et appliquées selon un principe représentatif ou pseudo représentatif et de façon pyramidale.
Concernant les délégués élus et révocables à tous moments, encore une fois c'est un principe qui ne fonctionne pas parce que le pouvoir est une drogue dure et quand on y accède on ne veut plus ou ne peut plus s'en passer. Le fait d'être dans un cadre figé comme l'est une structure centralisée comme l'Etat favorise encore plus cette fossilisation des délégués qui deviendront invariablement des bureaucrates.
Il est à noter par ailleurs que l'accès privilégier aux moyens matériels n'est pas la seule forme de pouvoir.
Le culte de la personnalité, la " starisation " sont également des formes de pouvoirs extrêmement puissants et nous en voyons des stigmates avec ces porte-paroles vedettes inamovibles des organisations politiques y compris d'extrême-gauche.
En ce qui me concerne, je suis pour éviter autant que possible la mise en place de délégués, si ce n'est pour des mandats impératifs limités à des questions techniques et pendant de très courtes périodes décidées en commun à l'avance.
Sur la question de l'avant-garde , encore une fois, ouvrir une perspective ne signifie pas en prendre la direction.
Dans le cas de l'anarchisme tel que je le conçois, ouvrir la perspective, expliquer en quoi et comment c'est possible, c'est aider à l'auto-organisation.
Tu trouveras des écrits de Bakounine qui parle pourtant d'avant-garde
Je crois qu'il faut être très prudent avec ça même s'il n'employait pas ce terme dans le sens "prendre la direction" qui aboutit systématiquement à la confiscation du pouvoir par une minorité au dépend du plus grand nombre.
IL y a quelques mots comme ça qui ont été salis comme "communisme" par exemple utilisé par les pires staliniens.
Pourtant le communisme en lui même,à condition que la liberté individuelle et collective soit respectée est une bonne chose.
Concernant les organismes de décisions, les structures de décisions, elles peuvent être multiples. Certains anarcho-syndicalistes envisagent que les structures syndicales déjà existantes peuvent devenir ces structures de décisions collectives à condition que les membres de base les reprennent directement en mains.
Pourquoi pas ?
Mais cela peut -être aussi des assemblées populaires générales, des assemblées de quartiers et de lieux de travail coordonnées par exemple.
Mais cela peut être d'autres choses à inventer.
Enfin sur la question de la distribution directe et gratuite des marchandises, denrées alimentaires et services à la population, c'est effectivement le meilleur moyen pour unifier les intérêts de ceux qui les produisent et ceux qui les utilisent et qui sont les mêmes personnes qui interviennent dans des secteurs différents de la production.
C'est aussi le meilleur moyen de supprimer toute valeur à l'outil indispensable de ceux qui s'approprient les richesses communes : l'argent.
Supprimer l'argent et tout moyen de quantification du travail c'est ôter toute base sociale et économique au capitalisme : c'est la façon la plus directe et la plus préhensile immédiatement de détruire la capitalisme et de passer à une société sans classes sans étape intermédiaire.
On peut regretter que cela ne se fasse pas de façon globale et spontanée pour le moment à l'occasion de grands mouvement sociaux tels que nous en avons vécus durant les grèves contre le projet de réforme des retraites mais si une force grandissante en explique l'utilité et l'aboutissement, cela permettra que l'ensemble des membres de la société l'organisent eux mêmes.
On a d'ailleurs vu lors du derniers mouvement d'ampleur en France des endroits où certaines personnes ont commencé à le faire même si c' était limité à un stade embryonnaire.