Anarchisme et État

Re: Anarchisme et État

Messagede leo » 05 Jan 2010, 12:33

@Ian

Je suis d’accord sur un point : il peut y avoir des modes de dominations effroyables qui ne sont pas étatiques à proprement parler.

Il y a un point de divergence central qui est effectivement la caractérisation de l’Etat. Pour les « étatistes », celui-ci est un « instrument » nécessaire, soit pour diriger / administrer la société, soit pour garantir la domination d’une classe.
Je crois qu’il remplit au moins 3 fonctions :
- En gros ces 2 là déjà rappelées : 1) garant de l’ordre social en général, 2) de la domination d’une classe déjà dominante par ailleurs (dans le champ économique notamment)
- 3) L’Etat est aussi une instance générant ses propres formes et couches sociales-politiques de pouvoir et de domination sur l’ensemble de la société par le fait même qu’elle est séparée, au dessus, entre les mains d’une minorité à la fois oligarchique (peu de personnes) et aristocratique (gouvernement des meilleurs). Toute l’histoire du socialisme d’Etat devenu immédiatement un capitalisme bureaucratique d’Etat vient attester de cette nature profonde de l’Etat qui, par sa position particulière, monopolistique, centralisée, séparée, au dessus de la société mais aussi enraciné en elle, a un pouvoir instituant et structurant sur cette société : elle génère de l’hétéronomie, de la dépendance, des mécanisme de soumission et d’acceptation/légitimation de la soumission.

Bref, l’Etat n’est pas « neutre ». Il n’est pas une « forme neutre » : cette « forme » est dotée de signification, de modes opératoires, qui s’impriment dans le réel des choses. Il n’est pas un simple instrument dont on peut se « servir » sans réintroduire, refabriquer, réinventer une forme appropriable (et appropriée par la direction du parti dit prolétarien par exemple) du pouvoir-domination par une minorité. Pouvoir d’Etat, bureaucratique, qui se chargera ensuite rapidement d’inventer de nouvelles formes de domination/exploitation économiques, même si la propriété des moyens de production est déclarée « collective », en fait étatique, c’est-à-dire aux mains de la minorité qui contrôle l’Etat.

Le cœur de la question est bien, au-delà de l’émancipation sociale (renversement de l’ordre économique « bourgeois »), celle du pouvoir social-politique : exercé par toutes et tous ou par une minorité.


Après sur le schéma étapiste de la révolution, je crois cela un peu simpliste comme vision, un peu ancien et figé. Je ne crois pas qu'il y a un jour où l'on pourra déclarer : voilà, ça y est , nous y sommes, le communisme est arrivé, après de longues années de "transition".
La révolution est à la fois un ensemble de ruptures avec l'ordre ancien et l'invention de nouvelles relations (politiques, économiques, sociales...) qui auront en charge de modifier radicalement les fondements de l'économie. Elle est un processus, qui peut et doit sans doute se fixer des objectifs, mais qui doit être surtout très attentive à ce qu'elle est en train de transformer.
Mais ça c'est un autre débat.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Ian » 06 Jan 2010, 20:26

Merci pour vos réponses. Quelques réflexions/réponses supplémentaires du coup... :wink:

RickRoll a écrit:Les communistes libertaires, qui sont ceux qui se rapprochent le plus des marxistes, ont des différences majeures avec eux. La question de la spontanéité, de l'autogestion, de l'autonomie des luttes, sont des points de friction importants avec les marxistes.

Pour le reste, effectivement il y a des visions anarchistes très différentes de ce vers quoi devrait tendre une société en révolution ou post-révolutionnaire.

Je crois qu'il y a une certaine difficulté à articuler la spontanéité avec un projet de société (qui enlève la spontanéité) chez les anarchistes. Les autoritaires historiques ont résolu le problème en niant la spontanéité, ou en la déclarant dangereuse. Les individualistes ou les autonomes mettent tout le paquet sur la spontanéité en niant la nécessité d'un projet de société. Mais moi qui suis communiste libertaire, c'est vrai que je tangue.
D'ailleurs, c'est peut-être ça aussi la force du communisme libertaire, de ne pas choisir et d'avancer grâce à ce dialogue entre spontanéité et projet de société. De ne pas avoir toutes les réponses et d'accepter de ne pas savoir, pour continuer à chercher.


Je ne suis pas totalement certain qu'il faille opposer spontanéité et projet de société. D'ailleurs, il me semble que la tradition anarchiste donne quand-même une grande importance à la propagande anarchiste et donc un rôle « avant-gardiste » important (dans le bon sens du terme) aux militants anarchistes.

Mais je suis assez d'accord avec toi pour dire qu'il ne faut pas un projet de société ficelé, et c'est d'ailleurs la différence majeure entre anarchisme/marxisme d'un côté, et les socialismes utopiques de l'autre. Par contre, il y a des tâches inévitables que l'on connaît : avant tout la destruction de la propriété privée et de l'État bourgeois.
C'est d'ailleurs ce qu'explique Rosa Luxemburg dans ce passage de La révolution russe, en critique de la position défendue alors par les bolcheviks :
Rosa Luxemburg a écrit:Ce n'est pas une infériorité, mais précisément une supériorité du socialisme scientifique sur le socialisme utopique, que le socialisme ne doit et ne peut être qu'un produit historique, né de l'école même de l'expérience, à l'heure des réalisations, de la marche vivante de l'histoire, laquelle. tout comme la nature organique dont elle est en fin de compte une partie, a la bonne habitude de faire naître toujours. avec un besoin social véritable, les moyens de le satisfaire, avec le problème sa solution. Mais s'il en est ainsi, il est clair que le socialisme, d'après son essence même, ne peut être octroyé, introduit par décret. Il suppose toute une série de mesures violentes, contre la propriété, etc. Ce qui est négatif, la destruction, on peut le décréter, ce qui est positif, la construction, on ne le peut pas. Terres vierges. Problèmes par milliers. Seule l'expérience est capable d'apporter les correctifs nécessaires et d'ouvrir des voies nouvelles. Seule une vie bouillonnante, absolument libre, s'engage dans mille formes et improvisations nouvelles, reçoit une force créatrice, corrige elle-même ses propres fautes.


RickRoll a écrit:Le problème vient aussi du fait qu'on peut imaginer de nombreuses manière d'appliquer dans une société les principes d'autogestion, de démocratie directe, de liberté. Et il existe même des systèmes économiques non-communistes qui appliquent aussi ces principes (collectivisme, mutualisme...) !

Je parlerais donc en mon nom, pour te dire comment je vois les choses.
Il faudra nécessairement une société de transition, car on ne perd pas les habitudes capitalistes centenaires en quelques jours. Il serait préférable de s'organiser de manière fédéraliste, une organisation assez souple pour permettre la liberté, mais aussi assez carrée pour créer de l'unité (et pas juste des petits bouts collés les uns aux autres). Je verrais bien d'un côté des fédérations de travailleurs au sein des entreprises, au niveau économique et des fédérations de citoyens au niveau politique.
Au niveau économique la société de transition ne pourra pas faire l'économie de la planification (mais une planification autogérée), et sans doute que dans un premier temps il faudra passer par une transition collectiviste ou mutualiste avant d'arriver au communisme. Ne serait-ce que parce qu'une bonne partie de la population ne sera pas prête au communisme intégral. Peut-être l'organisation dépendra-t-elle de chaque fédération, certaines vivant déjà le communisme, d'autres fonctionnant à base de coopératives mutualistes, d'autres collectivistes...


D'accord là-dessus. D'ailleurs à la formulation près, c'est ce que défendait Lénine dans L'État et la révolution (lire par exemple ce qu'il écrit sur la Commune). Malheureusement le passage à la réalisation fut tout autre... :confus:

RickRoll a écrit:Enfin pour défendre la révolution, j'ose espérer que les forces réactionnaires seront peu nombreuses (sinon ce ne serait pas une révo). Il faudra à tout prix éviter l'écueil de la justice expéditive qu'on a trop vu en Espagne en 1936 ou en URSS. Mais j'avoue que c'est difficile d'articuler l'efficacité révolutionnaire et la justice...


C'est là où le bat blesse, et c'est à mon sens la grande faiblesse des théories anarchistes. Je suis d'accord pour éviter l'écueil de la justice expéditive (particulièrement dangereuse), mais je pense qu'on ne peut pas se passer de réfléchir sérieusement à partir des nombreux exemples historiques à la contre-révolution.
A moins de croire qu'on fera immédiatement et simultanément la révolution mondiale, la bourgeoisie et les « forces réactionnaires » n'ont pas besoin d'être nombreuses. Elles ont des moyens différent (financiers pour payer des milices, l'aide militaire extérieure, etc) et la capacité de s'appuyer sur le reste de la bourgeoisie mondiale pour écraser les foyers révolutionnaires.
Je n'ai pas de solution miracle sur cette question, mais je pense que le prolétariat révolutionnaire devra effectivement exproprier « autoritairement » la bourgeoisie et la priver de tout soutien financier (le contrôle bancaire est crucial), et une vague révolutionnaire à l'échelle mondiale sera nécessaire, sans quoi les appuis étrangers permettront à la bourgeoisie d'écraser militairement la révolution.

leo a écrit:@Ian

Je suis d’accord sur un point : il peut y avoir des modes de dominations effroyables qui ne sont pas étatiques à proprement parler.

Il y a un point de divergence central qui est effectivement la caractérisation de l’Etat. Pour les « étatistes », celui-ci est un « instrument » nécessaire, soit pour diriger / administrer la société, soit pour garantir la domination d’une classe.
Je crois qu’il remplit au moins 3 fonctions :
- En gros ces 2 là déjà rappelées : 1) garant de l’ordre social en général, 2) de la domination d’une classe déjà dominante par ailleurs (dans le champ économique notamment)
- 3) L’Etat est aussi une instance générant ses propres formes et couches sociales-politiques de pouvoir et de domination sur l’ensemble de la société par le fait même qu’elle est séparée, au dessus, entre les mains d’une minorité à la fois oligarchique (peu de personnes) et aristocratique (gouvernement des meilleurs). Toute l’histoire du socialisme d’Etat devenu immédiatement un capitalisme bureaucratique d’Etat vient attester de cette nature profonde de l’Etat qui, par sa position particulière, monopolistique, centralisée, séparée, au dessus de la société mais aussi enraciné en elle, a un pouvoir instituant et structurant sur cette société : elle génère de l’hétéronomie, de la dépendance, des mécanisme de soumission et d’acceptation/légitimation de la soumission.

Bref, l’Etat n’est pas « neutre ». Il n’est pas une « forme neutre » : cette « forme » est dotée de signification, de modes opératoires, qui s’impriment dans le réel des choses. Il n’est pas un simple instrument dont on peut se « servir » sans réintroduire, refabriquer, réinventer une forme appropriable (et appropriée par la direction du parti dit prolétarien par exemple) du pouvoir-domination par une minorité. Pouvoir d’Etat, bureaucratique, qui se chargera ensuite rapidement d’inventer de nouvelles formes de domination/exploitation économiques, même si la propriété des moyens de production est déclarée « collective », en fait étatique, c’est-à-dire aux mains de la minorité qui contrôle l’Etat.


Clairement d'accord avec ton analyse et le fait qu'évidemment, l'État n'est pas neutre. Je ne supporte pas les étatistes et leur niaiserie là-dessus.
Par ailleurs, je pense qu'il ne peut pas y avoir de « socialisme d'État ». Un « socialisme d'État » ne peut être rien d'autre qu'un « capitalisme d'État ».

Personnellement, je pense que la forme que prendra le pouvoir révolutionnaire de l'ensemble du prolétariat ne doit pas être un État. Même si le fait qu'il soit celui d'une classe sociale (la classe opprimée sous le capitalisme) et non pas interclassiste (avec la bourgeoisie!), fait que techniquement, au sens marxiste ça s'appelle un État (mais qui n'est pas de même forme ni de même nature que ce que la définition classique d'un État, puisque ce n'est justement pas le pouvoir d'une minorité, mais de l'ensemble du prolétariat).

leo a écrit:Le cœur de la question est bien, au-delà de l’émancipation sociale (renversement de l’ordre économique « bourgeois »), celle du pouvoir social-politique : exercé par toutes et tous ou par une minorité.


On est tout à fait d'accord. L'histoire de la lutte des classes a été faite de révolutions, qui ont renversé une classe dominante pour consacrer une nouvelle classe dominante à la place.
Souvent elles éclosent parce qu'il y a à un moment donné divergence entre pouvoir économique et politique (cf Bakounine), la classe qui a le pouvoir économique conquiert alors le pouvoir politique en renversant l'ancienne classe dominante. C'est ce qu'il s'est passé avec la révolution française, et le renversement de la noblesse par la bourgeoisie.

Or notre enjeu à nous est bien de renverser la classe dominante pour permettre à une société sans classes de voir le jour. Donc d'imaginer d'autres formes de pouvoir à la place de la machine d'État qu'il faut briser, qui rendent impossible à une minorité d'accaparer le pouvoir. La théorie est simple, la mise en place pratique est évidemment une autre paire de manches. :gratte:

C'est une question qui, même si elle avait été comprise, a été sous-estimée par Marx et beaucoup de marxistes par la suite. Je crois qu'il y a là-dessus des réflexions à tirer dans l'anarchisme, mais je n'ai pas l'impression que l'anarchisme amène des réponses beaucoup plus satisfaisantes, dans leur application concrète. Je crois qu'un certain nombre de choses restent à réfléchir, inventer, expérimenter, et que la solution est plus complexe qu'il n'y paraît...

leo a écrit:Après sur le schéma étapiste de la révolution, je crois cela un peu simpliste comme vision, un peu ancien et figé. Je ne crois pas qu'il y a un jour où l'on pourra déclarer : voilà, ça y est , nous y sommes, le communisme est arrivé, après de longues années de "transition".
La révolution est à la fois un ensemble de ruptures avec l'ordre ancien et l'invention de nouvelles relations (politiques, économiques, sociales...) qui auront en charge de modifier radicalement les fondements de l'économie. Elle est un processus, qui peut et doit sans doute se fixer des objectifs, mais qui doit être surtout très attentive à ce qu'elle est en train de transformer.
Mais ça c'est un autre débat.


Je combats aussi évidemment le schéma « étapiste » de la révolution (auquel je préfère sans surprise la révolution permanente ;) ), et je ne crois pas qu'on sera arrivé un jour au communisme parfait.
Je partage donc entièrement ce que tu dis là, mais comme tu dis, c'est un autre débat. :)


Bref, en conclusion, je pense qu'il y a accord sur une chose : une société peut non seulement très bien fonctionner sans État (avec un fonctionnement démocratique non étatique), mais en plus, la société pour laquelle on milite est une société sans État.
Maintenant, là où on est désarmé et où l'anarchisme n'apporte à mon sens pas de réponse satisfaisante, c'est sur la forme que peut prendre la transition, et la question qui est pour moi centrale, de la gestion de la contre-révolution.
Car si je pense qu'une révolution peut s'enclencher avec une part importante de spontané et d'imprévu, ce qui fait échouer les révolutions n'est à mon avis pas l'absence de déclenchement, mais au contraire la question de la contre-révolution qui arrive derrière.

Bon, à vrai dire j'ai probablement aussi quelques désaccords sur le rôle et les tâches des révolutionnaires en amont, mais c'est hors-sujet ici. :wink:


D'ailleurs tout ça me fait penser, en application pratique un peu en marge du sujet, je suis intéressé de savoir quelles sont les analyses anarchistes de la révolution iranienne de 78-79, si vous avez des éléments là-dessus?
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Re: Anarchisme et État

Messagede leo » 08 Jan 2010, 12:41

D'ailleurs tout ça me fait penser, en application pratique un peu en marge du sujet, je suis intéressé de savoir quelles sont les analyses anarchistes de la révolution iranienne de 78-79, si vous avez des éléments là-dessus?


Il y a quelques références ici, qui sont le fait d'un militant anarchiste exilé.

Mais ce n'est pas une analyse approfondie.

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article585
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Re: Anarchisme et État

Messagede Ian » 10 Jan 2010, 16:27

leo a écrit:
D'ailleurs tout ça me fait penser, en application pratique un peu en marge du sujet, je suis intéressé de savoir quelles sont les analyses anarchistes de la révolution iranienne de 78-79, si vous avez des éléments là-dessus?


Il y a quelques références ici, qui sont le fait d'un militant anarchiste exilé.

Mais ce n'est pas une analyse approfondie.

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article585


En fait, l'interview porte surtout sur la situation actuelle. Ce n'est pas inintéressant, mais sur la question de l'État et de la contre-révolution, c'était plutôt l'analyse de la révolution de 79 qui m'intéressait.
Je vois qu'il préfère appeler la révolution de 79 une "insurrection", qui serait une révolution politique et non sociale, mais ça manque de détail.

Parce qu'en 79 il y a bien eu une situation de révolution sociale, socialiste, avec des conseils ouvriers dans tout le pays. Mais ce sont les mollahs qui ont pu profiter de la vacance de pouvoir pour réussir un parfait hold-up sur la révolution (pour faire très court et forcément un peu schématique).
Je m'intéresse justement à l'analyse anarchiste de ce qui a manqué à la révolution pour être une révolution socialiste réussi, et ce qui a permis le hold-up du clergé chiite.
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Re: Anarchisme et État

Messagede leo » 12 Jan 2010, 11:43

Je crois que dans la révolution iranienne de 1979, il y avait une dimension sociale et politique, avec des facteurs de complexité en particulier dans ses dimensions culturelles / religieuses.

Il faudrait faire une analyse de la révolution iranienne, et sans doute de ses contradictions propres : anti-impérialiste au sens où le régime du Shah représentait et défendait les intérêts économiques occidentaux, elle avait aussi une dimension anti-moderniste, pour le retour à des traditions, dans l’ordre de la famille, dans les comportements… et aussi anti-capitaliste dans certaines visées « socialistes ». Enfin, dans le Kurdistan, la dimension locale/nationale dominait également et il y a eu là des expériences intéressantes de pouvoir local, administré « par en bas », pendant une courte période.

Le renversement du Shah était ce qui fédérait toutes les oppositions, les plus disparates.

Une fois le régime renversé (le départ du Shah et de ses proches), comme toujours, la bataille pour la conquête de l'Etat a dominé.

La compétition entre partis et mouvements, unis contre le régime du Shah, s’est rapidement étendue. Outre Khomeiny et ce type de clergé réactionnaire, il y avait les “laïcs” (autour du premier ministre Bazargan). Et il y avait les Modjahedin du Peuple (islamistes "modérés", de "gauche"), les Fedayins du Peuple (marxistes-leninistes), le PC pro-soviétique (parti Toudeh)... sans parler des mouvements kurdes comme le Komala (marxistes-léninistes)...

Si les mollahs ont pris le pouvoir, c'est sans aucun doute que le rapport de forces était en leur faveur, en terme politique, social, culturel, religieux, malgré leur faiblesse "militaire" : les mouvements concurrents avaient tous une branche armée, et pas les khomeinistes au départ.

Les mobilisations sociales, mêmes les conseils ouvriers n’ont pas sérieusement été en mesure de combattre l’autre grande force en train de se constituer dans tout le pays en vue de le quadriller : les comité ou cellules révolutionnaires qui deviendront vite les gardiens de la révolutions (pasdarans).

Ceux-ci seront l’aile marchante de la prise du pouvoir définitive de la faction khomeiniste, d’abord en prenant le contrôle des tribunaux puis en imposant une constitution islamique, la mise en place d’une mollahrchie, avec, au dessus du parlement, un Guide suprême (Khomeiny), nommé par un Conseil des experts en religion et un Conseil des gardiens de la révolution, une loi islamique, etc.

Les khomeinistes ont pris le pouvoir parce qu’ils ont su avoir une stratégie adaptée à la situation : occuper progressivement toutes les places du pouvoir politique (et juridique et administratif) laissées vacantes par le départ du Shah : tribunaux, pouvoirs locaux, régionaux,… tout en s’assurant la neutralité de l’armée.

Au-delà du débat « programmatique » de savoir si la « gauche » (marxiste) était suffisamment de gauche, suffisamment indépendante de la « ligne générale » prise par la dynamique révolutionnaire qui amena Khomeiny au pouvoir, ce qui serait intéressant de savoir, c’est si et comment, les fameux conseils ouvriers (dont on ne sait pas grand-chose à part ce qu’en disent les partis qui s’en réclament) se posaient la question de leur propre constitution comme organes du pouvoir (politico-social) ou simplement comme l’expression auto-organisée d’une classe en lutte, dans sa seule dimension locale, d’accompagnement d’un processus global qu’il appartient à d’autres (le parti, les compétents en politique ou en religion) de diriger.

Bref, quelle était la nature ou caractéristique de ce « pouvoir social » émergent ?

Je pense, de manière très générale, qu'il faut une immense maturité à un mouvement de masse pour qu'il décide de défendre l'idée de s'auto-administrer, de s’approprier vraiment cette conception du pouvoir et de la mettre en oeuvre, et de penser, lors d'un processus révolutionnaire, à bâtir une société nouvelle, tendanciellement communiste, sur des bases de type libertaires, auto-organisées, sans Etat.

Cette "culture" anti-autoritaire et socialiste devait sans doute manquer en Iran, comme ailleurs, pour s'opposer aux diverses "solutions" étatistes qui se présentent toujours comme des évidences non discutables.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Ian » 24 Jan 2010, 16:39

Merci pour cette explication. Bien que je pense que la question de l'opposition au Shah et à la révolution iranienne est sans doute un peu plus compliquée, car à ma connaissance, le clergé chiite était au départ opposé à la révolution sociale en cours, avant de comprendre l'intérêt qu'il pouvait avoir à en profiter pour prendre le pouvoir.
Bon, j'admets qu'il faudrait que je me replonge un peu plus sérieusement sur la révolution iranienne, mais quelques remarques quand-même...

leo a écrit:Au-delà du débat « programmatique » de savoir si la « gauche » (marxiste) était suffisamment de gauche, suffisamment indépendante de la « ligne générale » prise par la dynamique révolutionnaire qui amena Khomeiny au pouvoir, ce qui serait intéressant de savoir, c’est si et comment, les fameux conseils ouvriers (dont on ne sait pas grand-chose à part ce qu’en disent les partis qui s’en réclament) se posaient la question de leur propre constitution comme organes du pouvoir (politico-social) ou simplement comme l’expression auto-organisée d’une classe en lutte, dans sa seule dimension locale, d’accompagnement d’un processus global qu’il appartient à d’autres (le parti, les compétents en politique ou en religion) de diriger.

Bref, quelle était la nature ou caractéristique de ce « pouvoir social » émergent ?


La position des camarades marxistes révolutionnaires est que ce pouvoir social des conseils n'a pas été en mesure de se structurer et de s'imposer comme pouvoir politique, ce qui a permis à la contre-révolution des mollahs de l'emporter (en espérant ne pas trop schématiser).

leo a écrit:Je pense, de manière très générale, qu'il faut une immense maturité à un mouvement de masse pour qu'il décide de défendre l'idée de s'auto-administrer, de s’approprier vraiment cette conception du pouvoir et de la mettre en oeuvre, et de penser, lors d'un processus révolutionnaire, à bâtir une société nouvelle, tendanciellement communiste, sur des bases de type libertaires, auto-organisées, sans Etat.

Cette "culture" anti-autoritaire et socialiste devait sans doute manquer en Iran, comme ailleurs, pour s'opposer aux diverses "solutions" étatistes qui se présentent toujours comme des évidences non discutables.


Évidemment, l'auto-administration ça ne s'invente pas et c'est pour ça qu'il faut pousser à toutes les formes d'auto-organisation dans les luttes et dans la société, qui puissent former une expérience commune et des exemples dont s'inspirer.

En revanche, je reviens (encore et toujours ;) ) à la nature de classe de ce pouvoir : le mouvement ouvrier iranien aurait-il dû partager le pouvoir avec le clergé et la bourgeoisie? Ou bien ériger son propre pouvoir, sur la base des conseils ouvriers, etc? (donc sans la bourgeoisie et le clergé)

En tout cas, il ne me semble pas que l'on puisse ramener l'échec de la révolution iranienne à un simple manque de culture anti-autoritaire et socialiste, d'autant plus à l'époque. Il me semble qu'il faut aller plus loin dans l'analyse, mais j'admets qu'il faudrait que je me (re?)plonge un peu sur la question, personnellement.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Técumseh » 24 Jan 2010, 23:01

Salut, j'ai lu tous les textes et j'aimerai donner mon opinion par rapport au topic principal. Anarchisme et état...

Je pense qu'il n y a pas besoin d'un état ou d'un forme étatique quelconque, avec toutes les institutions que cela implique, pour vivre en société et pour que ça fonctionne bien.
Tout d'abord, parce que l'état suppose qu'il exerce (par définition) une forme d'oppression plus ou moins forte sur la population, quelque soit ses objectifs, ses orientations politiques, ses désirs économiques...
Il met place des institutions qui sont sensées garantir le bon fonctionnement de la société, le bon fonctionnement des mécanismes qui régissent le quotidien etc. mais ces institutions servent avant tout à protéger l'assise de son pouvoir, à garantir sa sécurité... qu'il ait des bonnes intentions ou pas.

Or, le pouvoir n'est pas fait pour être pris mais pour être détruit. Et même si un petite société, met en place une petite forme étatique, pour le bien de sa communauté, elle rentre (dans un certain sens) dans la logique des Etats, du pouvoir, et par la même occasion, de l'oppression. (quand je parle d'oppression, ce n'est pas forcément oppression armée ou violente)
Mettre en place un "petit état", c'est mettre en place un pouvoir.

L'ordre - le pouvoir=anarchisme!
De plus, par définition, l'Anarchisme n'a pas besoin de mettre en place ce type d'organisation.
Bien sûr une communauté (anarchiste) ne peut pas se passer de règles, de lois, de devoirs, d'obligations etc. qui sont propre aux états, mais qui permettent un bon fonctionnement de la communauté, qui assurent le respect entre les êtres humains, qui garantissent la liberté de tous les êtres humains...
Mais si cela se fait sans la mise en place d'institutions pour veiller au bon respects des lois et tout et tout, alors cela se fait par l'auto-discipline, l'auto-gestion, l'autonomie... qui font partis des fondements principaux de l'anarchisme.

Cependant, j'ai du mal à croire que l'anarchisme puisse se vivre à une grande échelle de population regroupée. En effet, je pense que trop de monde réuni pour vivre dans une même société, mènerai rapidement à un désordre complet de part nos modes de vie différents, nos besoins, envies, désirs, différents.... Car vivre en anarchie suppose que l'on doit prendre les décisions importantes soi-même, on ne laisse pas une institution décider pour nous. Et regroupés en masse, on ne serai que plus exposé à la mésentente. (je ne critique pas le fait qu'on ait des opinions différentes, au contraire, je pense que c'est ce qui fait que le monde est intéressant).

C'est pourquoi j'imagine plutôt plusieurs communautés séparées (mais pas sans contact) qui pourraient ainsi organiser leur vie, leur quotidien, prendre leurs décisions elles-même. Evidemment, même à une petite échelle on n'arrive pas à tomber d'accord sur tout, mais on peut au moins trouver des solutions, des compromis, plus facilement.
Vivre dans des petites communautés séparées ne veut pas dire que chacun reste dans son coin, qu'on est fermé aux autres et qu'on se fait la guerre.
Au contraire, cela permet ensuite d'échanger toutes sortes d'opinions, de rencontrer d'autres idées, d'autres pensées etc. et surtout de ne pas rester qu'avec les mêmes personnes (ce qui est barbant au bout d'un moment). Cela permet de rencontrer des gens, de s'"ouvrir", de se réunir de temps en temps.
Bon, encore faut-il que ces communautés respectent des principes qui sont pour moi universels et qui sont propres à certains aspects de l'anarchisme (le respect d'autrui, la liberté de chacun, la solidarité, par exemple). Et encore faut-il que les gens aient à peu près la même conception de ces principes...

Voila, je vais pas m' éterniser la dessus (j'ai essayé de pas trop rentrer dans les détails!), j'ai donné mon point de vue et j'espère qu'un jour chacun sera libre de sa condition!

Merci de me donner votre opinion, votre "vision" de l'anarchisme, si cela peut m'aider à me déterminer.
Désormais le capitalisme est révolu et la révolution est capitale.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Tuxanar » 25 Jan 2010, 10:19

Il est évident que l'État sous sa forme actuelle, protégeant le capitalisme mondial, détruisant les principes de solidarité qui régissent normalement les relations humaines, ne sauraient être conservé.

Cependant, contrairement à ce que tu dis, je ne pense pas que des communautés séparés géographiquement soient l'idéal, et ce pour plusieurs raisons.

1- Il se pourrait que cela aboutisse à une résurgence des nationalismes et à une renaissance de conflits purement géographiques. En effet, si toutes les communautés veulent vivre en autarcie, on va se retrouver avec de multiples petites communautés jalouses de son pouvoir sur le territoire. Il y aura des conflits par rapport aux matières premières, sur l'étendu des territoires...

2- Si communautés séparées géographiquement il y a, il faut qu'elle communique. Il y a plusieurs moyens technologiques : internet, téléphone... Si ces moyens sont pratiques, rapides pour échanger des informations, ils ne permettent pas l'échange des biens.

Cet échange est nécessaire, aucune communauté ne peut vivre en autarcie. Par exemple, j'aime beaucoup le café, si je ne peux pas en produire dans ma communauté, il faudra m'en procurer dans une autre. On peut multiplier cet exemple avec tous les biens nécessaires au bon fonctionnement : tracteur, frigo, ordinateur, farine (le blé ne pousse pas en montagne), médicaments.

Et là on commence à voir les problèmes : multiplication des temps de transports, perte de temps et d'énergie à essayer de produire ce qu'on ne peut pas produire dans sa communauté, et gaspillage énorme des matières premières. Au lieu de produire dans un même lieu, on les multiplie. Pour que l'on produise ce qui est nécessaire à tous (et pas plus ou moins), il faudra une bureaucratie énorme pour faire monter et descendre les informations utiles à une prise de décision éclairé des gens.

Ces raisons (entre autre) font que je pense que les communautés rurales ou séparées géographiquement étaient adaptées au XIXème et au XXème siècle. Mais elles ne le sont plus au XXIème.

Je pense qu'une ville écologique avec des immeubles gérés collectivement sur le modèle d'une copropriété (à la différence que le syndic devra être membre de la copropriété) reste une solution adaptée.

Sur l'organisation de la société, je pense qu'une organisation par fonction est bien meilleur. En gros, les ouvriers d'une même branche d'industrie gèrent eux-même la manière dont ils produisent des biens. Tandis que des représentants (mandat impératif) de circonscription ne servant qu'à cela décident de la quantité de chaque qu'il faut produire.

En gros, les producteurs décident comment on produit et des mandatés spécialement choisis décident de combien.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Técumseh » 25 Jan 2010, 13:01

Salut,

Tu as tout à fait raison de préciser les problèmes qui surviennent lorsqu'il s'agit des échanges de bien. Cependant, je n'ai pas défini ces communautés comme étant coupées les unes des autres, purement en autarcie et sans lien "physique".
J'imagine plutôt des communautés, qui par leurs différentes localisations géographiques, peuvent produire des denrées alimentaires différentes, des produits issus de l'artisanat... et ensuite organiser des sortes de "foires", des sortes de marchés, où se rencontrent les communautés pour échanger, troquer. Pour moi des communautés séparées permet plus d'échanges et de partage par la suite. Nomadisons nos vies! Ne mettons pas de frontières sur nos terres et nos esprits!

Tu as raison de préciser aussi que ce mode de vie correspondait à des sociétés plus anciennes. Il vrai qu'aujourd'hui, avec toutes les maladies, les problèmes d'eaux, les transformations des paysages, des esprits (qui ont été causées par les êtres humains)... il devient difficile de croire en ce genre de société. Et il y a pleins d'autres problèmes qui surgissent. L'être humain dépend de tellement de choses qu'il ne pourrait changer de mode vie du jour au lendemain (c'est valable pour moi comme pour toi), cela doit se faire dans l'apprentissage de savoirs-faire, de connaissances... qui offrent à l'Homme l'autonomie, l'auto-discipline, la responsabilité... dont il a besoin pour s' auto-gérer et vivre en communauté sans qu'un pouvoir supérieur lui impose ses lois et devoirs.

Le côté nationaliste que tu décris est en effet une dérive possible des communautés, mais cette dérive est présente aussi dans les villes.
En plus il y a tellement de dérives possibles dans l'anarchisme que cela devient l'un des arguments pour ne pas la mettre en place. Les gens ont tendance à évoquer les dérives de l'anarchisme (pas de sécurité, c'est le bordel, loi du plus fort etc.) pour dénaturer le concept anarchiste et vite oublier le projet.
C'est pour ça que l'anarchisme demande beaucoup de responsabilités et d'auto-discipline (encore une fois...), pour contrer ces dérives qui sont présentes mais qui n'ont rien à voir avec l'anarchisme.(dans ma conception de l'anarchisme, bien sûr...)
Car l'anarchisme est avant tout une conception politique qui va à l'encontre des dérives citées.

Sinon, j'ai bien réfléchis et je pense que des villes écologistes sont un projet tout à fait réaliste et intéressant. D'ailleurs le projet que tu décris est ce qui s'est passé (à peu près) en Espagne, à Barcelone, en 1936. (Si tu ne l'as pas vue, regarde le documentaire sur dailymotion: Vivre l'utopie). Mais cette idée ne va pas en contradiction avec l'idée de créer des communautés plus petites, au contraire, ça fortifie encore plus le projet anarchiste. Les gens choisissent le mode vie qui leur correspond et peuvent vivre la vie qu'ils souhaitent. Harmoniser ces 2 projets ne ferait qu'enrichir les esprits et renforcer la conception de l'anarchie.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Tuxanar » 25 Jan 2010, 23:39

Técumseh a écrit:J'imagine plutôt des communautés, qui par leurs différentes localisations géographiques, peuvent produire des denrées alimentaires différentes, des produits issus de l'artisanat... et ensuite organiser des sortes de "foires", des sortes de marchés, où se rencontrent les communautés pour échanger, troquer.


En faite, tu vois une société anarchiste comme une sorte société pré-capitaliste mais sans qu'il y ait de tensions entre différentes communautés. D'où les échanges de bien règlés par le troc, la division en communauté géographiquement éloignée ... Parce que ce que tu décris ressemble beaucoup à une économie médiévale dans laquelle il n'y aurait ni Roi ni Nobles et où tout le monde serait égaux (attention, je parle bien d'un type d'économie et pas de la féodalité).

Ici, c'est 1000 ans d'innovations techniques qui rendent difficile voir impossible une telle société. Surtout que d'un point de vue pratique, je pense que les fondements de l'organisation sociale seront fixés par les pratiques révolutionnaires.

Je vois plutôt la société future comme une organisation urbaine avec des modes de propriété collective, différents conseils de quartier pour fixer certaines règles, des conseils d'usine qui fixeraient la manière de produire et travailler dans les usines et enfin, à un niveau fédéral, une assemblée de représentants avec un mandat impératif représentant les conseils de quartier et qui édicteront les principes que devront appliquer les conseils de quartier.

En gros, la nouvellle organisation sociale sera fondée à la fois sur des Conseils d'usine et sur des conseils de quartier, sortes de collectif unitaire qui, pendant la révolution, auront regroupé toutes les personnes désirant lutter. C'est pour ça que les luttes sociales sont importantes, elles apprennent l'auto-organisation à tous.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Técumseh » 26 Jan 2010, 18:19

C'est sûr que le projet que tu exposes est bien plus réaliste que le mien, y a rien à dire.
Moi, je décrivais un projet qui correspondait plus à mon idéal. Disons que je donnais mon opinion sur une question globale et peut-être pas forcément actuelle. J'ai pas vraiment tenu compte de la réalité du monde que nous vivons. Excuse moi, des fois, j'ai tendance à rêver. Il est évident qu'avec les transformations du paysage, des esprits, des modes de vie... ton projet correspond plus à la réalité, et à quelque chose de réalisable!
Sinon tu l'as vue le documentaire Vivre l'utopie sur dailymotion? Si l'as pas vue, je pense qu'il va t'intéresser.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Tuxanar » 26 Jan 2010, 23:41

Franchement, c'est pas un problème les projets même s'ils semblent irréalistes. Ça peut donner des idées poue d'autres choses. En plus, ça évite d'avoir des idées stéréotypées. Et puis, j'ai pas tendance à considérer ce que pense les autres comme plus rêveurs ou moins réalistes, ce serait assez irrespectueux.

Je pense que je vais le regarder parce que je serais un peu occupé les prochains mois, reprise des cours oblige.
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Re: Anarchisme et État

Messagede Parpalhon » 04 Fév 2010, 18:07

Tuxanar a écrit:Cependant, contrairement à ce que tu dis, je ne pense pas que des communautés séparés géographiquement soient l'idéal, et ce pour plusieurs raisons.

1- Il se pourrait que cela aboutisse à une résurgence des nationalismes et à une renaissance de conflits purement géographiques. En effet, si toutes les communautés veulent vivre en autarcie, on va se retrouver avec de multiples petites communautés jalouses de son pouvoir sur le territoire. Il y aura des conflits par rapport aux matières premières, sur l'étendu des territoires...

tu es donc fondamentalement contre le principe du communalisme j'imagine ?
Et c'est vrai qu'avant qu'on ai des états centralistes les gens vivaient en permanence en guerre civile ... la preuve que l'anarchisme n'est pas applicable non ? :lol:

Tuxanar a écrit:2- Si communautés séparées géographiquement il y a, il faut qu'elle communique. Il y a plusieurs moyens technologiques : internet, téléphone... Si ces moyens sont pratiques, rapides pour échanger des informations, ils ne permettent pas l'échange des biens.

Cet échange est nécessaire, aucune communauté ne peut vivre en autarcie. Par exemple, j'aime beaucoup le café, si je ne peux pas en produire dans ma communauté, il faudra m'en procurer dans une autre. On peut multiplier cet exemple avec tous les biens nécessaires au bon fonctionnement : tracteur, frigo, ordinateur, farine (le blé ne pousse pas en montagne), médicaments.

Et là on commence à voir les problèmes : multiplication des temps de transports, perte de temps et d'énergie à essayer de produire ce qu'on ne peut pas produire dans sa communauté, et gaspillage énorme des matières premières. Au lieu de produire dans un même lieu, on les multiplie. Pour que l'on produise ce qui est nécessaire à tous (et pas plus ou moins), il faudra une bureaucratie énorme pour faire monter et descendre les informations utiles à une prise de décision éclairé des gens.

Ces raisons (entre autre) font que je pense que les communautés rurales ou séparées géographiquement étaient adaptées au XIXème et au XXème siècle. Mais elles ne le sont plus au XXIème.

Déjà si tu veux consommer du café t'as qu'à aller vivre là où il pousse, au Chiapas ou en Colombie :^^:
Ensuite un frigo n'est pas du tout indispensable .. j'ai vécu un an dans une famille qui n'avait pas de frigo ... et ça n'a jamais gêné en rien ...

Et j'aime bien le coup de " faudra une bureaucratie énorme pour faire monter et descendre les informations utiles à une prise de décision éclairé des gens" :^^:
Mes grands-parents ils savaient à peine lire et ils vivaient en autarcie ... après oui forcément jusqu'au années 60 ils avaient pas d'électricité ni d'eau courante ... mais pour gérer les stocks de farine tout ça pas de problème .. ils filaient au boulanger plusieurs kilos de sacs de farine et en échange le boulanger leur apportait chez eux du pain tous les jours ... et les tracteurs c'était les bœufs :lol: et quand les Massey Ferguson sont arrivés ils les achetaient à plusieurs voisins ... c'était pareil pour tout, le village avait une autre dimension, on s'entraidait sans cesse, on allait sans cesse chez le voisin demander ou échanger si ou ça ... et les gens mangeaient à leur faim et n'étaient pas malheureux ...
Mais y avait quand même des échanges avec l'extérieur aussi ... les vendeurs ambulants qui passaient de village en village, ou bien les marchés dans les villes les plus proches, ou les foires annuelles ... il leur manquait rien avec tout ça !!!
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Re: Anarchisme et État

Messagede RickRoll » 04 Fév 2010, 19:33

Mes grands-parents ils savaient à peine lire et ils vivaient en autarcie ... après oui forcément jusqu'au années 60 ils avaient pas d'électricité ni d'eau courante ... mais pour gérer les stocks de farine tout ça pas de problème .. ils filaient au boulanger plusieurs kilos de sacs de farine et en échange le boulanger leur apportait chez eux du pain tous les jours ... et les tracteurs c'était les bœufs et quand les Massey Ferguson sont arrivés ils les achetaient à plusieurs voisins ... c'était pareil pour tout, le village avait une autre dimension, on s'entraidait sans cesse, on allait sans cesse chez le voisin demander ou échanger si ou ça ... et les gens mangeaient à leur faim et n'étaient pas malheureux ...

Trois remarques sur ton intervention :

1 - On ne peut pas juger une société sur des témoignages éparses, on le fait sur des données statistiques représentant le plus grand nombre. Convoquer tes grands parents n'apporte aucun argument à mon avis. Si tu veux moi aussi je peux convoquer mon grand-père qui a vécu à peu près à la même époque et sur une famille de 6 enfants ils ont été 2 à atteindre l'âge adulte. Sa famille c'était pas une famille de petits propriétaires terriens, plutôt des journaliers, comme beaucoup de monde à cette époque. Je peux te dire qu'il a jamais regretté le temps où son patron lui tapait dessus et le faisait dormir avec les bestiaux.

2 - Pour te provoquer un peu, en fait t'es pas vraiment anarchiste, t'es juste nostalgique d'un système économique pré-capitaliste... Système économique vers lequel on ne pourra jamais revenir car il nos modes de vie et de production s'en sont trop éloignés. On peut bien sûr rêver en s'imaginant dans des tribus amérindiennes, courant follement dans les bois libres comme le vent, ou bien dans la paysannerie petite bourgeoise du XIXe siècle avec son système économique pré-capitaliste, mais on ne pourra jamais plus organiser une société de masse comme ça.

3 - Ce serait intéressant que tu réfléchisse à la mortalité infantile (et la mortalité tout court) dans une société sans système de soin accessible à tout-es, sans industrie pharmaceutique pour faire les médicaments anti-douleur, sans possibilité de chirurgie...
Faut savoir qu'aujourd'hui 4 nouveaux-nés sur 1000 meurent dans la première année de vie, tandis que ce chiffre était d'une centaine entre 1920 et 1940 (Source). Faut savoir qu'il y a 60 ans on pouvait mourir d'une appendicite, plus maintenant en France. Faut savoir que la polio a été éradiquée grâce à la vaccination, pas grâce aux remêdes de grand-mère. Faut savoir que jusqu'à il y a 20 ans une personne atteinte d'hémophilie avait une espérance de vie de 40 ans et que grâce aux progrès de la médecine elle a maintenant une espérance de vie quasi-normale. Il faut savoir qu'au XIXe siècle 10% des femmes mouraient en couche contre moins de 0,9% maintenant (et encore, des études ont montré que la moitié de ces morts étaient évitables).
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Re: Anarchisme et État

Messagede Parpalhon » 04 Fév 2010, 20:51

RickRoll a écrit:Faut savoir qu'aujourd'hui 4 nouveaux-nés sur 1000 meurent dans la première année de vie, tandis que ce chiffre était d'une centaine entre 1920 et 1940. Faut savoir qu'il y a 60 ans on pouvait mourir d'une appendicite, plus maintenant en France. Faut savoir que la polio a été éradiquée grâce à la vaccination, pas grâce aux remêdes de grand-mère. Faut savoir que jusqu'à il y a 20 ans une personne atteinte d'hémophilie avait une espérance de vie de 40 ans et que grâce aux progrès de la médecine elle a maintenant une espérance de vie quasi-normale. Il faut savoir qu'au XIXe siècle 10% des femmes mouraient en couche contre moins de 0,9% maintenant (et encore, des études ont montré que la moitié de ces morts étaient évitables).


Faut savoir que les savoirs ancestraux en matière de médecine en europe ont presque totalement disparus et que jusqu'à preuve du contraire les médicaments allopathiques sont fabriqués pour la plupart à base de plantes, les même plantes qui étaient utilisées en médecine traditionnelle ...
Faut savoir que la plupart des gens ont un système immunitaire faible parce que les laboratoires faut bien les faire tourner, donc les médecins ils hésitent pas à filer des antibio à la pelle pour le moindre petit truc ... ( je pense que l'histoire de la grippe A nous a assez bien montrer les délires de la médecine moderne ...) ... vivre dans un monde aseptisé, où tout le monde prend sa petite pilule le matin et astique tout à la javel, c'est pas mon trip, je vous le laisse :^^:
t'es juste nostalgique d'un système économique pré-capitaliste... Système économique vers lequel on ne pourra jamais revenir car il nos modes de vie et de production s'en sont trop éloignés.

alors là la messe est dite :religion: ... le capitalisme est là, maintenant à nous de faire en sorte de vivre avec ??? :gratte:
Désolé d'avoir la naïveté de croire que dans le passé le paysan qui vivait avec son petit lopin de terre il était plus heureux que celui qui aujourd'hui se tue à la tache pour faire des centaines d'hectares qu'il va vendre pour des cacahuètes à des coopératives mafieuses .. Et appeler les petits paysans d'il y a 50 ans des "petits propriétaires terriens" c'est plus que limite :roll:
et désolé de penser en connaissance de cause qu'on est mille fois plus heureux à la campagne, loin de la superficialité de la société ...
Je ne peux pas comprendre comment on peut rester humain en vivant dans nos grandes villes ...
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