Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede leo » 14 Aoû 2009, 20:48

Ah, je préfère !

« Pour avancer dans ce sens, des expériences de lutte seront indispensables. »

Et comme tout le monde le sait, les luttes « indispensables » ne sont jamais révolutionnaires au départ. L’histoire regorge d’évènements où de petites revendications de pas grand-chose, forcément “réformistes” et parfaitement intégrables par le système ont été à l’origine d’épisodes qui les ont complètement submergé (la viande avariée du Potemkine, la grève de l’usine Bréguet au Havre le 11 mai 1936 pour exiger la réintégration de deux ouvriers licenciés pour cause de 1er mai, l’accès interdit des étudiants mâles au bâtiment des filles de la cité U de Nanterre en mars 1967 …). Seulement voilà, parfois, la machine “parfaite” de l’intégration et de la récupération ne fonctionne pas très bien, des grains de sables perturbent la machine qui alors… se bloque.

« exproprier des patrons et abolir la propriété privée ne suffira pas pour nous faire sortir du capitalisme »

Oui oui ! Le capital n’est pas une affaire de propriété, de statut juridique mais de rapport social !

« que ces luttes favorisent les actes de solidarité spontanée, d'entraide et de désintéressement par delà les entreprises, et qu'ils se répandent dans la société. »

C’est pourquoi je ne me définit pas du tout comme syndicaliste : la lutte de classe devient révolutionnaire si elle va au-delà d’elle-même, si elle sort des boîtes, si elle devient une lutte sociale plus globale, si elle se confronte au pouvoir social. C’est pourquoi je disais quelque part que des coordinations de travailleurs (de boîtes donc) sont intéressantes si et seulement si elles s’articulent localement avec d’autres réalités sociales, politiques. Et qu’elle soient des bagarres qui créent des situations nouvelles permettant à plein de gens de redéfinir plein de choses sur la base d’intérêts communs qui auront été verbalisé, discuté dans des formes de luttes et de dynamique qui permettent cette mise en commun, cette possibilité d’une élaboration collective. L'enjeu est bien de faire exploser les anciens cadres de pensée et d'action. Sinon, c'est la machin néo-syndical (ou archéo !), où il n'y a rien de transversal, où chacun et chacune reste dans sa petite case sociale, où on est dans le reproduction du même.

La discussion sur le « quelque chose » peut nous amener loin (et pas seulement philosophiquement : quelque chose plutôt que rien)
Rapidement.
Ce ne sont pas les révolutionnaires qui mènent les luttes sociales. Ils et elles peuvent parfois avoir une influence dedans.
La seule question qui vaut la peine est celle-ci : qu’est ce qui fait que les « non-révolutionnaires » (qui souvent ne pensent pas grand-chose de bien des « révolutionnaires ») aient envie d’aller beaucoup plus loin que ce qu’il leur paraît possible, à savoir presque rien. Le “quelque chose” tel que je l’entends c’est à la fois une victoire partielle dans une lutte, moins pour le résultat “objectif” et matériel obtenu que parce qu’une lutte victorieuse donne confiance dans la capacité de lutter de nouveau et ouvre sur d’autres possibles que l’individualisme triomphant, la fatalité devant le monde tel qu’il est (et « qu’il a toujours été, n’est-ce pas » !) et le sentiment d’impuissance. Tout en sachant qu’il n’y a en la matière aucune détermination de l’un sur l’autre, aucun destin destiné à s’accomplir à partir d’une position originale.
« le "quelque chose" qui ne fera que se dévaluer jusqu'à ne plus rien valoir du tout, jusqu'à ce qu'on en perde le souvenir. »

Oui, il n’y a ni “acquis” ni “mémoire“ en l’absence d’un environnement de lutte et de confrontations sociales qui leur donnent réalité au présent.

L’autre “quelque chose” auquel je pense, et qui vaut mieux que rien, c’est la petite étincelle (la viande avariée, le “normal” et “habituel” qui devient scandaleusement insupportable…) qui peut, si l’herbe est bien sèche certes et qu’il ne pleut pas trop, mettre le feu à la plaine.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede conan » 14 Aoû 2009, 22:53

Je suis entièrement d'accord avec Antigone - je dois être autonome au fond ! :lol:

Je trouve bien plus urgent de penser sérieusement à une utopie et de réfléchir d'ores et déjà aux moyens les plus sérieux d'y parvenir, tout en sabotant systématiquement tout ce qui reste de nos liens aliénants avec la matrice capitalo, que de me faire encore chier, passez-moi l'expression, à tenter de jouer les avant-gardes "conscientisantes" au sein d'un syndicat poussiéreux, enraciné dans les structures d'un salariat de plus en plus déconnecté de la moindre utilité humaine, et où les gens ne bossent plus que pour de la thune, et encore, on se demande pour s'acheter quoi avec comme merde ou pour rembourser quel crédit pourri (genre la bagnole pour aller au taf ?)

On s'en tape de préserver l'emploi, de l'autogestion ou merde : on a faim, point barre. Les gens ne bossent pas par plaisir. Comme le dit Antigone, l'amour du travail est (enfin!) fini. Heureusement, le communisme futurisant et son musée des horreurs a fait son temps !

Bref, faire des pneus ou des mécaniques de précision pour automobiles, c'est écologiquement et donc humainement nuisible. Les gens ne font pas ça par plaisir, mais pour grailler. Reprendre ça en autogestion ? Interdire les licenciements ? Et puis quoi encore ! Produire cette merdouille c'est collaborer avec l'absurdité de ce système, au même titre qu'à peu près tout ce qui est produit par des pauvres gens pour obtenir de quoi grailler, et c'est vrai partout dans cette société ! Je dis ça, moi aussi je collabore, je taffe et je fais pas un des plus beaux métiers... Mais je songe bien plus, dans mes pratiques anars, à comment quitter le rafiot pourri sur un truc qui ressemble pas trop à un radeau de la méduse, et à m'organiser pour, plutôt qu'à m'emmerder à rafistoler cette grosse épave moisie du capitalisme. Et dans mon taf, j'utilise le créneau pour offrir une critique radicale. Sabotage, disait Emile. Emile, où es-tu passé ?

Et quitte à faire, je trouve la yourte et les champignons, ainsi que décrit Qierrot pour décridibiliser une fois de plus toute tentative pour sortir de ce capitalisme de merde par nous-mêmes, bien plus intéressante que de vivre dans un clapier pourri, cerné par le béton, la bouffe industrielle, la publicité et des relations marchandes de merde, pour terminer par un séjour dans un hosto payé par un bip de puce RFID implanté sous ma peau. Même autogérée.

Cessons d'amener de l'eau au moulin de la crédibilité de ce capitalisme puant, ce qu'il faut détruire, c'est la marchandise. La sacralisation des moyens qui ont pu être pensés à un certain moment de l'histoire ouvrière comme moyen d'émancipation globale a fait son temps.

Inventons autre chose, ici et maintenant. Certain-e-s s'y attellent, et inventent, et ça c'est du concret, du lourd, du réel ; d'autres ressemblent à des mécanos tentant de réanimer le grand corps agonisant de la machine à déshumaniser, alors qu'il faut oeuvrer pour l'achever.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Pïérô » 14 Aoû 2009, 23:40

qu'elle belle envolée littéraire, sans contenu ni sens.

conan a écrit:Inventons autre chose, ici et maintenant
conan a écrit:alors qu'il faut oeuvrer pour l'achever.

Faudrait savoir...

Je me retrouve dans ce que dit léo moi, comme dans ce que porte Berneri. Là on est dans une démarche ou l'on se confronte à du concrêt, et avec la classe ouvrière, et pas un truc de babas, d'anarchisme "style de vie" dans son coin, ou/et des appels incantatoires à la révolution qui tomberait du ciel. Il s'agit bien de ne pas se cantonner qu'à des luttes revendicatives pour construire de l'autogestion en dynamique révolutionnaire. Je ne me défini pas non plus comme "syndicaliste", car je ne pense pas que cet espace soit révolutionnaire en lui même, par contre je pratique, en dynamique de lutte et de conscientisation, et en construction du nombre pour faire force. Et je compte bien porter cette présente démarche et ce contenu dans ma sphère syndicale. Et je pense qu'avec Berneri qui se revendique du syndicalisme révolutionnaire, l'approche est du même ordre. C'est pourquoi je pense, et parce que nous portons là non seulement du contenu mais aussi du sens et qu'il me semble que l'extrème gauche dans sa revendication d'une loi contre les licenciements est à la peine, que cette démarche est à partager dans le mouvement libertaire, et bien au delà évidemment, et qu'il y a bien là matière à oeuvrer ensemble dans une campagne commune.

Comme je parle bien d'une dynamique unitaire, je signale au passage un très bon dossier sur ce qui se passe en Argentine et sur cette présente question dans Courant Alternatif, mensuel de l'OCL de juin, à lire et télécharger en ligne : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article594

L’activité autonome des travailleurs et leur auto-organisation, la prise des moyens de production ne sont pas la découverte d’une révélation, d’un ailleurs inatteignable, la saisie d’une “utopie” absente de toute localisation ; elles ne sont que l’affirmation disruptive d’une capacité de pensée, d’action et de décision surgie dans le cours même des évènements qui scandent leur propre histoire : ici la défense de leur “source” de travail. C’est assurément une leçon de
politique.


Aujourd’hui, alors que de nombreux et nombreuses salariés perdent un peu partout leurs emplois et sont jetés dans la compétition de tous contre tous, il nous faut réinvestir le champ du possible. Ce qui se passe en Argentine, avec ces quelques boîtes vouées à la destruction par la logique de rentabilité mais reprises par des ouvrierEs, est une lutte qui pourrait être reproduite ailleurs. Car une boîte qui ferme, c’est souvent toute une région qui est dépossédée de sa signification collective. On le constate :
les luttes ouvrières contre les fermetures ne sont pas menées uniquement par les salariéEs mais aussi par celles et ceux qui vivent avec. Réoccupons les usines, réapproprions- nous la vie, discutons de tout, y compris de ce que nous produisons : à quoi cela peut servir, avec quelles conséquences sur l’environnement naturel et social ?
C’est cela, commencer une révolution.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede willio » 14 Aoû 2009, 23:46

En accord total avec Antigone et conan.

Je ne vois pas grand chose de plus à rajouter, si ce n'est peut-être qu'à vouloir faire des petites expériences "autogestionnaro-réformistes" on en oublie la finalité. Et loin de servir d'exemples pour atteindre une société réellement débarrassée du salariat et du capitalisme, ces expériences risquent d'avoir l'effet inverse en ne visant pas ce qui fait que nos vies sont pourries.
La pourriture ça ne se gère pas, ni par un patron, ni par un état, ni par tout le monde, ça se jette. Ne bouchons pas l'horizon, voyons loin, visons l'utopie et ne la perdons jamais.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Pïérô » 15 Aoû 2009, 00:01

Je n'en attendais pas moins...çà contribue encore à faire avancer ensemble...
et sinon, pour le concrèt c'est quand ? Tu as des pistes ?
Parce que si l'autogestion s'est réformiste, alors qu'ici personne n'a parlé d'aménager le capitalisme, il ne me semble pas que ce qui est porté là soit si facile que çà à mettre en oeuvre...
C'est pour celà qu'il nous faut débattre et échanger...
Et pour la recette de la révolution immédiate, de l'insurection populaire de masse, qui comme l'averse tomberait sans prévenir, je suis preneur.
Bon, évidemment il est clair que comme d'habitude le courant anarchiste révolutionnaire et communiste-libertaire fera le boulot.

Et très concrètement je pense qu'il serait intéressant de bosser à partir des contributions présentes sur un texte commun. Celà pourra servir pour le journal tiré du forum, et surtout comme invitation à organiser des rencontres libertaires locales.
Qu'en pensez vous ? (ceux que çà intéresse bien sûr).
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Lepauvre » 15 Aoû 2009, 00:05

Je trouve ta proposition excellente qierrot.
C'est l'esprit que nous tous devons mettre dans ce forum.
Merci.
Vous trouverez de la limonade dans l'arbre...mais il faut grimper.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede abel chemoul » 15 Aoû 2009, 00:06

conan, willio, je ne sais pas si vous êtes au courant mais il y a des ouvriers fiers de leur travail. Fabriquer un pneu ou une voiture n'est pas nuisible en soi, ce qui est nuisible c'est le système productiviste avec ses cadences et ses normes de rentabilité. le travail c'est aussi du lien social, un tissu relationnel, ce n'est pas qu'une aliénation. En disant fermons les usines, désertons les machines, vous ne faites pas que libérer quelqu'un de son esclavage capitaliste, vous cassez aussi les liens sociaux qu'il a établi et par là vous l'appauvrissez.

Vous me direz qu'une fois hors de l'usine l'ex-salarié va s'inventer de nouveaux modes de socialisation... et bien allez-y, proposez, expliquez ces modes de socialisation, faites du constructif un peu au lieu de chier sur "l'autogestionnaro-réformisme".
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede abel chemoul » 15 Aoû 2009, 00:57

qierrot a écrit:Et très concrètement je pense qu'il serait intéressant de bosser à partir des contributions présentes sur un texte commun. Celà pourra servir pour le journal tiré du forum, et surtout comme invitation à organiser des rencontres libertaires locales.
Qu'en pensez vous ? (ceux que çà intéresse bien sûr).

très bonne idée, comme ça on pourra être en désaccord de façon unitaire, cool... je trépigne d'avance en imaginant les débats AL/électron libre...
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Lepauvre » 15 Aoû 2009, 01:00

Abel, le desaccord fait partie de l'Anarchie, faut faire avec je crois.
Vous trouverez de la limonade dans l'arbre...mais il faut grimper.
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Kartoch » 15 Aoû 2009, 01:04

Ca peut être bien, si y a moyen d'en tirer un consensus

Le but de chaque debat n'est pas d'en sortir "victorieux"
Qu'on se le dise
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede Pïérô » 15 Aoû 2009, 03:12

Bon, abel chemoule, déjà on peut dire que le texte de la CGA est pas mal aussi et se situe dans la démarche, quant à "électron libre" ils ne se sont pas encore exprimés ici. En tout cas çà mettra un peu de contenu dans nos rencontres locales souhaitées par toutes et tous aux vues de la première rencontre...et qui sait... (t'es pénible, et moi qui passe pour un rigide ici...) :wink:
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede JPD » 15 Aoû 2009, 08:19

Quelques réflexions en vrac


A propos de l’ « interdiction des licenciements ».

Il ne me paraît pas qu’il faille juger « à sec » de ce mot d’ordre. C’est l’éternelle question de la création ou non d’une dynamique qui devrait nous servir de guide pour juger de ce qui est intéressant ou non. Par exemple, si le mot d’ordre en question vient d’en haut (syndical ou politique) pour occuper le terrain et se démarquer des autres boutiques, que ça ne suscite au mieux que de la sympathie et des voix aux élections (comme LO par exemple), c’est moins intéressant que si ça part de quelque part à la base, que ça fait tache d’huile, que ça entraîne un débat dans la société !
Autrement dit, un mot d’ordre, un objectif « intermédiaire », une lutte en général n’a pas le même sens selon le lieu, la période, et qui les mènent. Ça peut rester statique, ça peut au contraire entraîner une dynamique dans laquelle des gens réfléchissent, changent, commencent à se prendre en main par eux mêmes.
Tout ça n’est pas valable que pour l’interdiction de licencier… Ça l’est pour presque tout et analyser de la sorte c’est ce qui, à mon avis, distingue les communistes libertaires (ou devrait les distinguer) des anarchistes plus « classiques » qui utilisent les concepts hors temps, hors sol, hors classe sociale.
Ainsi pour l’autogestion. On peut en faire une critique radicale disant que c’est un mot d’ordre « récupérateur » et surtout qui ne sort pas de la volonté de gérer le capital, donc la société actuelle « autrement » (une arnaque comme dit Antigone). C’est vrai. Mais si toute une population (ou partie) se soulève et se donne les moyens d’ « autogérer » en s’affrontant ainsi aux pouvoir, même si on a l’intime conviction que, pour l’instant, au bout du compte, ce sera une xième remise à flot du capitalisme, ce n’aura pas le même sens que lorsque ce fut la CFDT et ses penseurs qui en éléborèrent le concept ou quand la lutte se rétrécit vers des solutions « coopérativistes » ou « mutuellistes » du siècle dernier. Question encore de qui parle d’où et quand. Et surtout avoir en tête que les révolutions ne préviennent pas et peuvent naître du minuscule.
L’imaginaire français est très branché sur LIP dès qu’on parle autogestion. Or il faut le rappeler, jamais l’usine ne fut autogérée dans le sens où pendant toute la durée rien ne fut produit, ou presque. Ce qui fut autogéré c’est la lutte et le stock. Mais LIP, dont le mouvement fut, certes, enthousiasmant, servit de tremplin à l’offensive idéologique faisant de l’autogestion une coquille vide destinée à se démarquer des staliniens et à se couler dans l’« esprit de 68 » et portée par la CFDT, le PSU et de nombreux gauchistes. Et à ce propos je considère que ce fut une énorme erreur qu’une grande partie du mouvement d’alors (y compris des libertaires) s’engouffre dans des stratégies d’oppositions syndicales à l’intérieur de ce piège (même en le dénonçant parfois). Mais c’est une autre question.
J’ai un peu l’impression que concernant cette réappropriation, ce qui a manqué à l’époque, et sur lequel on est plus avancé maintenant c’est la question de qui produit et pourquoi. Tout le monde se la pose, et en partie grâce au développement global des mouvements écologistes depuis trente ans. Se poser la question n’est évidemment pas la résoudre. Mais il en est une autre qui vient tout de suite derrière et qui, elle, mérite un considérable nouveau chantier c’est la question des reconversions. Comment changer l’objectif de certaines machines ? A quoi correspondrait une nouvelle production ? Ces questions, débattues, même (et surtout !) de manière « utopique » par les travailleurs d’une unité de production, par les habitants d’une région, etc. ouvre d’énormes espaces de créativité et sans doute de reconstitution d’une conscience de classe articulée sur la possibilité d’un changement concret de société. Cela permetrrait peut être de montrer que la plus grande difficulté ce n’est pas l’inversion du processus de production, ce n’est pas que question « technique » (tout ça est quand même une énorme difficulté !) mais l’affrontement avec les forces qui nous en empêcheraient ! C’est là une question politique, celle du pouvoir.
Pour aborder la question des possiblités de reconversions (qui n’est pas seulement celle d’une production qui ne s’écoule plus, mais aussi celle d’une production dont nous ne voulons plus) pourquoi pas des groupes de travail, locaux, régionaux, se penchant sur tel ou tel cas. Par exemple l’usine Aubade de St-Savin où j’habite : ne pouvait-on pas se poser la question de produire autre chose que des sous-vêtements « sexy » et surtout très chers avec les mêmes machines ? Cela a été abordée par… Segolène Royal qui évoquait l’idée de fabriquer des voiles (pour les bateaux !). Il y aurait sans doute plus à dire et à faire ! On sait que Fabris à Chatellerault est un équipementier automobile… mais qui sait, hormi les ouvriers eux mêmes, ce que sont – ou furent - ces équipements ?
Enfin, tout à fait d’accord avec des possibilités de travail et de rencontres communes sur ces thèmes (j’oubliais celui des « services publics » évoqué par quierrot), entre communistes libertaires.

Amitiés
JPD
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Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede conan » 15 Aoû 2009, 10:33

qierrot a écrit:qu'elle belle envolée littéraire, sans contenu ni sens.

conan a écrit:Inventons autre chose, ici et maintenant
conan a écrit:alors qu'il faut oeuvrer pour l'achever.

Faudrait savoir...


Parle pour toi quand tu parles d'envolée littéraire. Profiter d'un mouvement de grève pour se réapproprier les usines et discuter avec les gens concernés pour un autre mode de production, pour moi c'est du blabla insuffisant, au mieux du divertissement pour urbain en mal de frisson romantique. Pour toi c'est du concret ça ? C'était quand la dernière fois que tu as vu ça ? Tu vis au pays des bisounours ? Tu vas aller avec AL dans une usine et dire arrêtez tout, discutons avec les habitants, on va faire autre chose des usines ? Tu vas faire rêver les gens c'est sûr, un peu comme Patrick Sébastien... après ils retourneront au taf pour payer les haricots en conserve et pour régler la facture de l'énergie nucléaire.

Pour ma part il me semble avoir été clair, je suis à la fois pour les alternatives et pour la révolution globale. C'est pourquoi je parle d'inventer et en même temps d'attaquer et de saboter le système de l'intérieur, il n'y a rien à composer avec le salariat.

Je ne dis pas par contre que toute avancée dans ce sens est négative, bien au contraire, mais contrairement à toi, au moins moi, je fixe les objectifs à terme et je réfléchis à comment les atteindre.

Sans la confiance que procure l'autonomie réellement vécue, par des alternatives concrètes et réelles de subsistance un maximum "en-dehors" des structures, tout en grapillant un maximum le système de façon à le saborder, la révolution que ton mouvement scande avec un lyrisme totalement déconnecté des réalités n'aura jamais lieu, ou reproduira les mêmes productions pourries et nuisibles. Tout virus de reprise remettant un tant soit peu en cause le système sera massacré, digéré, bouffé par les anticorps.

L'autogestion des banques, des agences immobilières, des usines de pesticides, de bagnoles, de plastique alimentaire, des casernes militaires etc, ça ne m'intéresse pas.

Alors bien sûr, certaines activités peuvent et même doivent être reprises, comme les hôpitaux par exemple, ou les machines à fabriquer des fringues... mais dans cette masse des activités nuisibles à l'humain, scander la reprise autogestionnaire comme une étape me paraît non seulement voué à l'échec, suicidaire même. Il faut la révolution globale comme but. Et cette révolution est la fin du salariat, de la marchandisation des échanges. Et en se fixant ce but, les moyens ne peuvent être les mêmes qu'en se fixant le but d'une reprise autogestionnaire des usines ou je ne sais quel autre maillon de la production nuisible à l'humanité.

Maintenant, il est clair que sans révolution globale, les alternatives sont toutes vouées au mieux au nomadisme, au pire à l'échec. Il doit donc y avoir une double action :

-l'autonomisation et la relocalisation progressives des moyens de vie (jardins collectifs locaux, techniques de cueillette/herboristerie, investissement et/ou création de logements sur des terrains avec savoirs en construction alternative, développement ici et maintenant d'énergies alternatives, presse indépendante...), en vue d'avoir les reins assez solides pour pouvoir vivre si possible hors du salariat, c'est-à-dire de l'exploitation consentie. Ces savoirs-faires à réacquérir sont indispensables, en termes pratiques et politiques. Ca, c'est concret. Tu fais quoi dans ta vie, pour ça ?

-la révolution globale, avec insurrection grandissante, sans laquelle ces alternatives sont vouées aux tracasseries, voire à l'acharnement des autorités. Mais cette révolution globale ne sera jamais qu'un slogan, sans capacité des gens à s'autogérer dans leurs vies.

Ne rêvons pas. Les révolutions qui ont éclaté au cours de l'histoire ont réussi parce que les gens avaient possibilité de grailler à côté. Les ouvriers d'il y a un siècle avaient tout un tas de savoirs-faire, que n'ont plus une immense majorité des gens aujourd'hui. Va parler de révolution à quelqu'un qui ne sait se procurer à bouffer qu'en allant au supermarché, se déplacer qu'en bagnole, se soigner qu'avec des molécules chimiques...

Comme l'évoque JPD, et comme je l'ai aussi dit, la seule question est de savoir "pourquoi" l'on produit. Je dirais plus simplement "quoi".

Bref, poser la question de quoi faire des machines. Je suis bien d'accord. Mais, comment le système peut-il laisser des gens faire autre chose de machines réappropriées ? Cela signifie une révolution globale, sans laquelle toute reprise autogestionnaire ressemble à une utopie pathétique.
conan
 

Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede willio » 15 Aoû 2009, 11:35

qierrot a écrit:Je n'en attendais pas moins...çà contribue encore à faire avancer ensemble...

Si ça peut éviter de reculer ensemble c'est déjà pas mal.

et sinon, pour le concrèt c'est quand ? Tu as des pistes ?
Parce que si l'autogestion s'est réformiste, alors qu'ici personne n'a parlé d'aménager le capitalisme, il ne me semble pas que ce qui est porté là soit si facile que çà à mettre en oeuvre...

L'autogestion n'est pas réformiste en soi, mais ça dépend de ce qu'on veut gérer. Si c'est pour gérer une entreprise bien intégrée dans le capitalisme j'en vois pas vraiment l'intérêt. On ne coupe pas la dépendance vis à vis du marché et de ce fait on reste soumis à ses impératifs (concurrence, productivité, investissement perpétuel donc surcharge de travail, de stress, etc.) bref rien ne change si ce n'est que la gestion est collective. Et dans ce contexte une gestion collective ne me semble pas très appropriée : tout le monde n'est pas au courant du marché, des problèmes qui se posent et des réponses adaptées pour survivre et rester compétitif. L'organisation actuelle du travail est adaptée au capitalisme, il est donc difficile d'imaginer la survie d'une entreprise qui fonctionnerait différemment et ne serait pas parfaitement optimisée pour conserver ses parts de marché. Ca pourrait commencer à marcher s'il y avait un ensemble suffisamment vaste d'entreprises qui faisaient la même chose au même moment et dans les même secteurs, pour s'entraider...mais faut pas rêver.

Mes pistes sont donc de toujours garder (en tout cas dans le discours si des expériences autogestionnaires, qui seraient néanmoins à soutenir, advenaient) la perspective d'une organisation sociale débarrassée du capitalisme et concrètement de déserter les métiers "purement capitalistes", c'est à dire destinés à amasser du capital à coup de travail/plus value/consommation, d'arrêter de consommer le superflu et de créer nos propres réseaux de production/distribution/socialisation. Il faut évidemment dans la création de ces réseaux penser l'utilité de ce qu'on produit... je t'assure que ça éliminera du boulot...

Je ne vois que cette solution : déserter la machine capitaliste et construire à côté. Il faut s'autonomiser, apprendre à vivre sans tout ce qui nous lie au système, apprendre à se substituer au système pour fabriquer ce dont nous aurons toujours besoin bref acquérir les connaissances et créer les conditions matérielles d'une autonomie réelle. Pour le reste, pour toutes les stratégies qui composent avec le capitalisme et le salariat faut pas se faire d'illusions, le capitalisme s'en arrangera toujours et récupérera toujours tout. Plier à sa logique c'est partir battu d'avance, enfin c'est juste mon sentiment...


Et pour la recette de la révolution immédiate, de l'insurection populaire de masse, qui comme l'averse tomberait sans prévenir, je suis preneur.

Je n'ai pas cette recette, d'où mes propositions juste au dessus qui sont à la fois radicales mais peuvent aussi cohabiter un temps avec le capitalisme, le temps de faire changer les consciences, le temps que l'exemple s'étende.
willio
 

Re: Licenciements, délocalisations/ socialisation, expropriation

Messagede FRED » 15 Aoû 2009, 11:45

Parle pour toi quand tu parles d'envolée littéraire. Profiter d'un mouvement de grève pour se réapproprier les usines et discuter avec les gens concernés pour un autre mode de production,


Et.

pour moi c'est du blabla insuffisant
,

Pas de blabla que des acte (encore faut il savoir qu'elle actes?)

au mieux du divertissement pour urbain en mal de frisson romantique. Pour toi c'est du concret ça ? C'était quand la dernière fois que tu as vu ça ? Tu vis au pays des bisounours ? Tu vas aller avec AL dans une usine et dire arrêtez tout, discutons avec les habitants, on va faire autre chose des usines ? Tu vas faire rêver les gens c'est sûr, un peu comme Patrick Sébastien... après ils retourneront au taf pour payer les haricots en conserve et pour régler la facture de l'énergie nucléaire.


Le pire c'est qu'il peut faire dix page comme ça, a la fin tu ne sais même plus ou tu habite.

Laisser le blablabla aux prob. :party:
* « Nous n’avons pas peur des ruines. Nous sommes capables de bâtir aussi.

Buenaventura Durruti
FRED
 
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