« Pour avancer dans ce sens, des expériences de lutte seront indispensables. »
Et comme tout le monde le sait, les luttes « indispensables » ne sont jamais révolutionnaires au départ. L’histoire regorge d’évènements où de petites revendications de pas grand-chose, forcément “réformistes” et parfaitement intégrables par le système ont été à l’origine d’épisodes qui les ont complètement submergé (la viande avariée du Potemkine, la grève de l’usine Bréguet au Havre le 11 mai 1936 pour exiger la réintégration de deux ouvriers licenciés pour cause de 1er mai, l’accès interdit des étudiants mâles au bâtiment des filles de la cité U de Nanterre en mars 1967 …). Seulement voilà, parfois, la machine “parfaite” de l’intégration et de la récupération ne fonctionne pas très bien, des grains de sables perturbent la machine qui alors… se bloque.
« exproprier des patrons et abolir la propriété privée ne suffira pas pour nous faire sortir du capitalisme »
Oui oui ! Le capital n’est pas une affaire de propriété, de statut juridique mais de rapport social !
« que ces luttes favorisent les actes de solidarité spontanée, d'entraide et de désintéressement par delà les entreprises, et qu'ils se répandent dans la société. »
C’est pourquoi je ne me définit pas du tout comme syndicaliste : la lutte de classe devient révolutionnaire si elle va au-delà d’elle-même, si elle sort des boîtes, si elle devient une lutte sociale plus globale, si elle se confronte au pouvoir social. C’est pourquoi je disais quelque part que des coordinations de travailleurs (de boîtes donc) sont intéressantes si et seulement si elles s’articulent localement avec d’autres réalités sociales, politiques. Et qu’elle soient des bagarres qui créent des situations nouvelles permettant à plein de gens de redéfinir plein de choses sur la base d’intérêts communs qui auront été verbalisé, discuté dans des formes de luttes et de dynamique qui permettent cette mise en commun, cette possibilité d’une élaboration collective. L'enjeu est bien de faire exploser les anciens cadres de pensée et d'action. Sinon, c'est la machin néo-syndical (ou archéo !), où il n'y a rien de transversal, où chacun et chacune reste dans sa petite case sociale, où on est dans le reproduction du même.
La discussion sur le « quelque chose » peut nous amener loin (et pas seulement philosophiquement : quelque chose plutôt que rien)
Rapidement.
Ce ne sont pas les révolutionnaires qui mènent les luttes sociales. Ils et elles peuvent parfois avoir une influence dedans.
La seule question qui vaut la peine est celle-ci : qu’est ce qui fait que les « non-révolutionnaires » (qui souvent ne pensent pas grand-chose de bien des « révolutionnaires ») aient envie d’aller beaucoup plus loin que ce qu’il leur paraît possible, à savoir presque rien. Le “quelque chose” tel que je l’entends c’est à la fois une victoire partielle dans une lutte, moins pour le résultat “objectif” et matériel obtenu que parce qu’une lutte victorieuse donne confiance dans la capacité de lutter de nouveau et ouvre sur d’autres possibles que l’individualisme triomphant, la fatalité devant le monde tel qu’il est (et « qu’il a toujours été, n’est-ce pas » !) et le sentiment d’impuissance. Tout en sachant qu’il n’y a en la matière aucune détermination de l’un sur l’autre, aucun destin destiné à s’accomplir à partir d’une position originale.
« le "quelque chose" qui ne fera que se dévaluer jusqu'à ne plus rien valoir du tout, jusqu'à ce qu'on en perde le souvenir. »
Oui, il n’y a ni “acquis” ni “mémoire“ en l’absence d’un environnement de lutte et de confrontations sociales qui leur donnent réalité au présent.
L’autre “quelque chose” auquel je pense, et qui vaut mieux que rien, c’est la petite étincelle (la viande avariée, le “normal” et “habituel” qui devient scandaleusement insupportable…) qui peut, si l’herbe est bien sèche certes et qu’il ne pleut pas trop, mettre le feu à la plaine.