Antigone a écrit:@ berneri
Non. Une révolution, ce n'est pas un changement de régime, c'est un changement de société.
Il ne s'agit pas de prendre le pouvoir, de faire un coup d'Etat ou de mettre en place un régime à la place d'un autre. Pas de Grand Soir ni de charge héroïque, mais un mouvement de fond qui submerge l'ensemble de la société, avec à un moment, un point au-delà duquel tout bascule définitivement, irréversiblement, malgré des pas en arrière qui seront inévitables.
Je te remercie de ta réponse, mais dans ton message tu me fais dire des choses que je n'ai pas dites. j'en conclu donc que probablement je n'ai pas été assez clair
Je suis d'accord avec toi qu'il ne s'agit pas de faire un coup d'état, mais il s'agit de passer du régime capitaliste à un régime
(pour moi) communiste libertaire. Le côté "tout" bascule me laisse très scéptique ( cela relève de ce que j'appelle la génération spontanée des anarchistes, à laquelle je ne crois pas).
Je ne comprends pas "l'irréversible malgré des pas en arrière" c'est très contradictoire. Effectivement c'est un changement de société, mais la précision du changement de régime, à pour but de ma part d'appuyer sur le fait que ce dont on part c'est bien de là où l'on est et de ce que l'on a construit avant comme organismes de luttes et alternatives sociales.
La Révolution française a duré plusieurs années, mais ce n'est qu'en 1792 qu'elle a réellement basculé. Ce n'était que la prise du pouvoir de la bourgeoisie pour prendre en main la conduite du capitalisme moderne et avoir les mains libres pour en gérer les affaires. Mais cela a constitué un bouleversement tel qu'elle s'est poursuivie durant tout le XIXe siècle malgré des retours à l'ordre monarchique.
On peut s'attendre à ce qu'une révolution qui mettra un terme à l'exploitation, au salariat, à la dictature de la marchandise connaisse les mêmes aléas. Mais tant que le point de bascule ne sera pas atteint, rien ne sera acquis.
Cette possibilité de transformation complète de la société doit être constamment affirmée. Si les révolutionnaires ne le font pas, qui le fera à leur place ?
La révolution française est bien un changement de régime, qui, au final, à permis aux detenteurs du pouvoir économique de s'assurer le pouvoir politique ( avec l'appui du peuple, duppé dans l'affaire).
La Bourgeoisie, a pu s'appuyer sur son pouvoir financier et industrielle pour imposer son régime, perpetuant l'exploitation mais desormais à son unique profit.
Ce qui me gène dans ton argumentation, ce sont ces objectifs à court terme, ces petits pas en avant qui, mis les uns à la suite des autres devraient nous mener vers une autre société. J'y reconnais le discours des réformistes de la 2e moitié du XIXe siècle. Ils croyaient transformer petit à petit le capitalisme vers une société de transition plus libre, plus juste, plus égalitaire... et c'est le capitalisme qui les a transformés en réformistes parlementaires et gouvernementaux.
Justement je précise que ce n'est pas la stratégie des petits pas additionnés comme autant de reformettes que je soutiens.
Cette stratégie permet justement au capitalisme de s'adapter et de se perpetuer malgré ses contradictions donc elle est mauvaise pour changer de société.
La conquête de nouveaux droits doit effectivement s'accompagner de la contestation du régime capitaliste et de l'Etat. Cela n'empêche que ces nouveaux droits (conquis) améliorent le quotidien. Montrer que la lutte paye, que l'ont peut faire autrement, que les droits ne sont conquis que lorsque le système à peur d'être remis en question, que la solidarité à la base , l'organisation autonome des travailleurs face au pouvoir de l'état et du patronat sont utiles pour gagner. voilà ce que parmi ,d'autres choses, je défends. La méthode : lutte sociale, organisation democratique et fédéraliste des travailleurs pour lutter, expérimentations alternatives couplées à la lutte sociale et à ses organismes, refus du parlementarisme où les dés sont pipés ( la constitution defend d'ailleurs la propriété) c'est une "gymnastique révolutionnaire", une dynamique pour se reapproprier le pouvoir d'agir directement sur la société, son travail, sa vie locale, son quotidien. La méthode importe, elle est le moyen qui permet la fin. En bâtissant des contre-pouvoirs et des espaces d'autonomie sociale et politique, des "vivre, échanger, partager, ensemble autrement" et en tentant de rendre ces pratiques répendues massivement, nous contribuons à rendre caduc le régime en place. Et il ne nous laissera pas faire certes, d'une part parce que la légalité nous sera opposée y compris de manière répressive. D'où l'intérêt que nos revendications soient largement perçues comme légitimes(travail de propagande et de mise en pratique). D'autre part parce que la classe dirigeante ne voudra pas abandonner sans affrontement son pouvoir et ses prérogatives.
Pour moi il convient donc de s'organiser dans l'ancienne société, pour lutter et pour bâtir les fondations de ce que nous souhaitons demain.
Le réformisme politique vise à changer la société par l'accumulation des reformes obtenues par l'action du parlement ... Je ne vois donc pas ce qu'il y a de commun avec le reformisme dans mon propos.
Quant au reformisme syndical , il limite l'action syndical à l'action économique strictement, à faire au mieux du lobbying pour obtenir des lois plus favorables aux travailleurs.
C'est rapide comme explication mais ça devrait un peu éclaircir mon propos.
L'autogestion des moyens de production (à supposer que cela soit possible dans les services et dans les grosses boites) ne sera qu'une autre façon de générer de la valeur pour qu'elle soit échangée contre d'autres valeurs. Car le capitalisme est un mode de relation basé sur une valeur travail qui s'incarne dans une valeur marchande qui elle-même se transmet à l'ensemble de la société au point qu'il ne soit pas possible aux individus d'envisager entre eux un autre mode de rapport social que celui de l'intéret, du chacun pour soi, de l'atomisation et qui ne soit conduit par la contrainte et la peur.
Moi je vois ru rapport social et des échanges au quotidien, au delà de la marchandise, avec mon boulanger , mon boucher, le vendeur du marché, au delà du travail avec mes colllègues ... je ne me sens pas dans un monde si atomisé et effrayant que toi. De l'altruisme il y en a plein partout ce n'ets pas cela la question. Soit on parle à un niveau social, soit on parle au niveau de l'individu, mais les aller-retour de l'un à l'autre incessant (selon qu'on en a besoin) ne permettent pas d'établir une argumentation rationnelle.
Qui a dit que l'échange de produits était strictement capitaliste? D'autre part, il serait naïf de croire que les êtres humains cesserons d'être égoïste, et je dirais tant mieux, car il en faut une dose. Après sinon c du post-christianisme. je ne crois pas que les gens cesseront d'être méchants, qu'il n' y aura ni vol, ni délit, etc... Il y aura m^me des règles pour vivre , règles qui seront définies autrement et c'est cela qui sera important à mon avis.
Je pense que les produits et les services pourront avoir selon leur rapport à la localité, la distance , la rareté, la nécessité, une valeur ou non. Que certains seront échangeables entre les êtres humains qui en auront l'usage et d'autres inéchangeables, que les entités locales ou industrielles ( ce n'est pas un gros mot ça depend de ce qu'on en fait) devront avoir des moyens d'échange entre-elles. Je pense que la gratuité pourra recouvrir de large champ du domaine public, mais pas partout.
Qu'est ce que le fait de gérer de la valeur à partir de quelque chose qui nous appartient (ou appartiendrait au domaine public pour reprendre tes termes) aurait de plus libérateur, de plus émancipateur, que gérer la même valeur à partir de quelque chose qui ne nous appartiendrait pas ? La socialisation ou la collectivisation ne changeront rien à l'exploitation, à part qu'on fera croire qu'elle sera consentie, démocratiquement consentie, en plus d'être imposée, ce qui la rendra encore plus aliénante.
Je pense qu'effectivement on aura toujours besoin de travailler pour vivre, appelle cela avoir une " activité socialement utile "si tu veux. J'avoue que là je ne comprends pas tes arguments et tes liens au sujet de la valeur et de l'exploitation. Le projet social libertaire ne ressemble pas pour moi aux mondes imaginaires tels que nous le proposent les croyants... Les êtres humains resterons faits de ce qu'ils sont, le contexte , l'organisation, les rapports sociaux, voilà ce que nous voulons changer, je me méfie de ceux qui veulent " changer l'homme".
Le capitalisme n'est pas une affaire de propriété, mais de soumission à des valeurs abstraites. La question de la propriété ne fait que découler de la domination de la marchandise à laquelle il faut donner un droit pour que la loi s'applique et que le pouvoir puisse s'exercer en toute légitimité.
Voilà un discours sur la marchandise, qui pour moi relève d'un discours néo-religieux.
Bref, tu prends les effets pour des causes et tu penses qu'en s'y attaquant, on resoudra les problèmes. C'est une erreur. La propriété n'a de sens que si il y a une valeur à défendre. Si la valeur tombait en désuétude et disparaissait, à quoi cela servirait de se battre pour en avoir la possession ?
Un jour la valeur apparu, tombée du ciel alors qu'il n'y avait encore rien à échanger....
Merci pour le théorème de la poule et de l'oeuf. Ni l'échange , ni la transaction , ni la valeur ne sont mauvais par nature, à mon avis, ce sont les règles, l'organisation et les principes qui les regissent qu'il faut changer.
Pour finir, la démocratie directe pourrait parfaitement s'appliquer dans des AG convoquées par les CE. Ceux qui auraient la connaissance des dossiers auraient les moyens de faire voter n'importe quoi et faire passer les exposés pour de la transparence.
A propos d'autogestion, j'ai encore en souvenir le premier congrès de SUD où la référence à l'autogestion à été votée à plus de 90% (on se serait cru à Pyongyang) sans que le terme, sa signification n'ait été précisé ne serait-ce que dans une phrase, sans que la manière de l'appliquer n'ait été définie, ni même débattue.
Je suis certain que si on avait placé les délégués devant une feuille blanche, on aurait obtenu des réponses très différentes (CFDT-Lip, PSU-Rocard, Cuba-étatisme...) voire surprenantes. En plus, avancer le principe de l'autogestion dans une entreprise de l'Etat, cela aurait dû appeler un minimum de développement... mais non, tout le monde avait l'air de savoir comment ça se passerait, comme si tout cela était évident ! Comment développer une critique en partant d'une ignorance aveuglément partagée par autant de moutons ?
Je partage avec toi ce souhait de clarifier, préciser et nommer les choses et les divergences pour avancer.
fraternellement