Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede Vilaine bureaucrate » 02 Juin 2009, 05:20

Contre l'antifascisme, contre l'Etat: http://infokiosques.net/IMG/pdf/antifa_ik-net.pdf
Je n'ai pas cité toute la brochure.. le reste n'en est pas moins interessant.

“Il y a une logique aussi rigoureuse dans les «suicides de la démocratie» que dans les conséquents «retours» à la démocratie. Il ne s’agit de rien de plus que d’une répartition des tâches et d’une concentration dans le temps de la violence nécessaire pour liquider l’opposition qui fait obstacle à la bonne marche du système. La politique, entendue dans le sens classique de «l’art de gouverner», a toujours considéré la dictature comme un moyen exceptionnel adopté par l’État en cas d’urgence extrême, comme une guerre civile ou une grave crise économique et sociale. Dans de telles circonstances le pluralisme démocratique, le parlementarisme, les partis de masse et les syndicats - qui à d’autres moments sont eux-mêmes effi caces pour contenir une poussée révolutionnaire - peuvent créer une situation de confusion, qui ne soit pas réellement révolutionnaire, mais qui empêcherait une réinstauration rapide et adéquate de l’ordre. La dictature devient donc fondamentale pour discipliner la société, développer l’économie, apaiser les antagonismes engendrés, imposer la paix sociale.”


* Les trois premiers textes de cette brochure sont traduits du castillan. Plusieurs fois réédités en
Espagne, ils sont anonymes (tout du moins : les noms de leurs auteureuses ne sont pas parvenus
jusqu’à nous, ou d’une certaine forme). Seul le premier est daté. Ces textes (et d’autres que nous
n’avons pas traduits) ont étés notamment édités en 1999 par les éditions SINmesura sous le titre
“Contra el antifascismo - textos revolucionarios contra el antifascismo” dont nous reproduisons l’édito
ici, et réédités (à une date inconnue) par la Federación Ibérica de Juventud Libertarias sous le titre
“Antifascismo? - textos revolucionarios contra el antifascismo”, doté d’un édito au ton bien moins incisif
et d’une note de couverture ainsi formulée:
“Évidemment, ces écrits ne critiquent pas la lutte contre le fascisme, mais bien les plates-formes, coordinations, [...] et profi teur-euse-s qui veulent en tirer avantage. La lutte contre le fascisme est importante, mais ce n’est qu’une lutte de plus. Nous autres, en tant qu’anarchistes, lutterons toujours contre tout Pouvoir qu’il soit rouge, bleu, vert ou jaune. Pour la destruction de tout ce qui nous opprime. Pour l’Anarchie.”

* Suit un article parut dans le numéro spécial “L’Arnaque Citoyenne” de Courant Alternatif, mensuel
de l’Organisation Communiste Libertaire. L’article ne traite pas particulièrement du fascisme et
de l’antifascisme, mais de l’État en général et de la nécessité d’en fi nir avec lui dans une logique
anticapitaliste, quelle que soit la forme qu’il revête.
* Pour fi nir nous avons ajouté un article et un tract commis par Claude Guillon ; le premier à la
suite d’un débat sur les moyens à utiliser contre le FN - publié dans No Pasaran en avril 1997 - et le
second entre les deux tours des présidentielles de 2002. Nous avons pensé que c’était là de bons
questionnements et illustrations des discours qui précèdent, plus proches de nous dans l’espace et
dans le temps que les questionnements moins tactiques et les exemples historiques mentionnés
avant.


CONTRE L’ANTIFASCISME
édito de SINmesura

Cela peu paraître un peu fort d’affirmer ouvertement et ainsi, d’entrée, notre opposition à cet artifice qui unit - de manière fictive, dans un monde d’apparence - tant de personnes autour de lui : l’antifascisme.

Cela sonne fort, mais il nous faut parler clairement. Continuer à se taire face à la farce que quelques abusé-e-s, idéologues, popes, crétin-e-s et autres canailles qualifi ent de “mouvement antifasciste” serait, arrivés à ce point, soutenir tacitement ce “mouvement” et ce qu’il soutient : la Démocratie et le Capitalisme.

Nous ne voulons pas détruire le fascisme. Nous voulons détruire tout ce qui nous fait vivre une vie invivable.

Nous ne jouons pas ; la lutte, l’intervention directe dans tous les aspects de la vie, l’attaque contre nos ennemi-e-s, ne sont pas des passe-temps destinés à remplir le temps “libre” que nous laissent le système et les obligations quotidiennes.

Nous désirons ardemment changer la vie. Nous voulons être libres. Nous savons bien que changer la vie sans s’attaquer à une profonde et radicale transformation sociale, à une immense tâche de démolition, est impossible. Nous voulons, en défi nitive, la révolution sociale.

Et cela peut certainement paraître, en ces temps de tolérance et de consensus démocratique, une chose d’halluciné-e-s que de penser et de parler de révolution. Or, nous l’avons déjà dit : nous ne jouons pas.

Qui se résigne à la misère quotidienne peut se permettre le luxe de continuer à faire l’imbécile en collaborant au maintient de ce monde de merde. Qui ne se résigne pas, qui ne se conforme pas avec cela, peut seulement faire une chose : penser, parler, faire la révolution. L’antifascisme, dans tout cela, joue un rôle qui historiquement a été, et continue aujourd’hui à être, essentiel : faire combattre les exploité-e-s pour des intérêts qui ne sont pas les leurs, en les utilisant
comme chair à canon entre les mains des différentes factions du pouvoir. Combattre l’antifascisme est essentiel si nous voulons lutter pour nos intérêts, nos nécessités, nos désirs et non pour les intérêts de nos exploiteur-euse-s.


Cette collection de textes ne prétend évidemment pas être une quelconque “vérité” ; il ne s’agit pas d’une “bible” à vendre ou à adorer. Ces textes existent pour être lus, pensés, discutés. Entre nous autres qui voulons tout changer, le débat est essentiel pour surmonter les nombreux obstacles - aujourd’hui plus nombreux que jamais - que le pouvoir place en travers de notre chemin, de notre lutte. Mais nous ne voulons pas d’un débat sans conséquences, d’une discussion de couloir pour rentrer chez soi “en y voyant plus clair”. Si l’on n’est pas disposé-e à aller jusqu’au bout mieux vaut
ne pas commencer. Si la réfl exion ne se transforme pas en action ce n’est qu’une simple pirouette mentale, inoffensive, innocente, stupide. Nous voulons de la réfl exion et de la discussion pour avancer dans la lutte, écartant les obstacles du milieu et identifi ant l’ennemi avec chaque fois plus de
précision. Nous nous retrouverons dans le processus de libération que chacun entreprendra. Nous cherchons des compagne-on-s, pas des troupeaux.
Une dernière clarifi cation : ceci n’est pas un pamphlet “anarchiste”. Nous sommes toutes et tous, pas seulement les anarchistes, coincé-e-s, soumis-es à l’exploitation et à la domination. La tâche de liquidation sociale est l’affaire de tout le monde et de chacun-e, et non pas de quelque minorité
consciente que ce soit. L’émancipation des travailleur-euse-s sera l’oeuvre des travailleur-euse-s même ou, de fait, ne sera pas.
Sans plus, portez-vous bien.

Communisme ou Barbarie
mort à l’État, vive l’Anarchie

Ediciones SINmesura
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Re: "CONTRE L’ANTIFASCISME, CONTRE L’ÉTAT":

Messagede Vilaine bureaucrate » 02 Juin 2009, 05:33

L’antifascisme aujourd’hui

Ayant compris quel rôle joue le fascisme dans le cadre des relations sociales et
économiques, nous pouvons comprendre la fonction que remplit son anti.
L’antifascisme adopte aujourd’hui (consciemment ou non) différentes facettes et
fonctions :

L’antifascisme comme attitude esthétique

L’antifascisme n’est pas loin d’être une mode. Le manque d’analyse, de débat et de
critique est manifeste. Au lieu de s’attaquer au problème de manière globale on essaie
d’en bloquer les effets les plus palpables (violence de rue fasciste) en reproduisant, dans
la plupart des cas, la même chose (violence de rue antifasciste).

Autour de l’antifascisme se crée et se recrée une esthétique de bande et de contenu
limité menée par une violence stérile et grossière.(...)

L’antifascisme comme lutte de distraction

Le fait de concentrer nos efforts dans la lutte antifasciste à un niveau partiel nous éloigne
inéluctablement du point central de la lutte de classes : travailler à la conscience et l’autoorganisation
de classe. L’antifascisme détournerait les volontés vers un problème concret
fruit d’une situation globale.
On tombe vite dans des dynamiques de repression-action (diffi ciles à éviter) qui amènent
le mouvement à concentrer son travail pour répondre à des agressions de groupes
fascistes ou de l’appareil répressif de l’État lorsque les antifascistes sont réprimés. (...)

L’antifascisme comme collaboration de classe

Le slogan “tou-te-s contre le fascisme” peut illustrer une tendance à la collaboration
de classe. L’alliance, en plateformes et autres, avec les forces contre-révolutionnaires
de la gauche capitaliste est évidente dans la plupart des cas. (...)On collabore à nouveau avec nos ennemis de
classe, torpillant nos propres intérêts, pour défendre tou-te-s ensemble nos ennemis
apparemment les plus directs et les plus atroces : les fascistes. (5)
Il en résulte qu’au lieu de faire la révolution quotidiennement nous nous allions avec ses
ennemis. (...)


L’antifascisme comme manière de renforcer l’État

Certains groupes antifascistes réclament des mesures étatiques et légales pour réprimer
le fascisme : lois contre les groupes nazis, augmentation des moyens policiers, hautes
peines de prison, etc. (6)
L’application de telles mesures joueraient diffi cilement en notre faveur, bien au contraire.
De cette manière le rôle de l’État se renforce au niveau de la répression et son pouvoir
se fortifi e. Il est surprenant et alarmant que depuis nos rangs on donne des armes à notre
ennemi le plus notoire : l’État. Il en est de même du fait de considérer que leurs lois puissent
être notre sauvegarde contre ceux qui ne sont ni plus ni moins que leurs complices : les
fascistes.

Derniers mots

Cet article ne prétend pas faire une critique sanguinaire et sans nuances de tous les
groupes antifascistes. On ne peut pas penser que ce mouvement soit homogène et
également critiquable, mais il est nécessaire de commencer à critiquer, à analyser et en
défi nitive à réfl échir à la réalité.
Globaliser les situations pour intervenir dans la réalité et la transformer est la tâche
de tout-e révolutionnaire. Dans le cas contraire nous pouvons tomber (même sans le
vouloir) dans le rôle de complices ou compagnons de route du système même qui nous
opprime.
Cet article ne veut pas non plus dire que nous ne devons pas affronter le fascisme, mais
bien éclaircir le fait que cette lutte est une partie (et pas fondamentale) de l’affrontement
quotidien au Capital-État et non une manière de justifi er son existence.


Salud y anarquía.
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Re: Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede Berckman » 02 Juin 2009, 08:48

Mouais je trouve cette approche problématique, parce qu'elle a historiquement permis des ponts, au sein de l'ultragauche, avec des tendances plus que douteuse. C'est de cette "critique de l'antifascisme" et d'une analyse du fascisme sur le seul plan de classe qu'une partie de l'ultragauche conseilliste en est venu à déveloper des thèses négationistes.
Alors oui il faut critiquer un certain antifascisme, spectaculaire, les stratégies de luttes qui sous estiment la lutte idéologiques, où qui se basent en dernier ressort sur le combat républicain.
Et par ailleurs réaffirmer qu'une stratégie antifasciste efficace est un antifascisme populaire, sur le terrain de classe qui sape les bases sociales du fascisme.
Dans lequel la question de l'autodéfense ouvrière joue un rôle important. (ce qui suppose de critiquer la logique de bande qui préside à un "certain" antifascisme)
La question de la violence fasciste se pose a mesure du développement de la lutte des classes, et elle n'est pas une question "secondaire" comme le second texte tend à le suggérer, parce qu'elle s'attaque directement aux militant-e-s, mais aussi aux grèves (cf par exemple les attaques de piquets de grèves par des nervis fascistes au cours de l'histoire). Faute d'une réponse adaptée, c'est tout simplement la possibilité de lutter qui risque de devenir très difficile. L'expérience des camarades turcs sur ce sujet est significative.

Autre chose problématique, l'alternative classique d'un certain conseillisme : "faire la révolution" ou "se résigner à la misère économique"/ "tout" ou "rien" : le problème c'est qu'on ne "fait pas" la révolution en dehors d'une période révolutionnaire. et que cela ne signifie pas non plus "se résigner", mais bien lutter au quotidien dans une perspective révolutionnaire. et cette dynamique implique des luttes qui ont a gérer le fait que pour l'instant les révolutionnaires sont très loin d'être majoritaire, ce qui implique, sauf à se réduire à l'impuissance, à faire avec les autres courants dans les luttes, sans se laisser écraser, mais tout en conservant un minimum d'unité d'action pour permettre des luttes collectives, les seules à pouvoir par leurs dynamiques renforcer la conviction qu'un changement social révolutionnaire est possible. C'est la même chose pour ce qui est de la lutte contre le fascisme, non pas en tant que fantasme, mais en tant que réalité (violence organisée contre le mouvement ouvrier, tentative de détourner les luttes de classe sur le terrain de l'antisémitisme, du nationalisme ou du racisme).
Bref, jeter l'antifascisme révolutionnaire avec l'eau du bain de "l'antifascisme républicain" ou de "l'antifascisme spectaculaire", c'est à mon avis le même problème que jeter la syndicalisme avec l'eau du bain bureaucratique.
Berckman
 

Re: Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede conan » 02 Juin 2009, 09:36

D'accord sur la méfiance Berckman, mais fort heureusement l'article dit bien :

"Cet article ne prétend pas faire une critique sanguinaire et sans nuances de tous les groupes antifascistes. On ne peut pas penser que ce mouvement soit homogène et également critiquable, mais il est nécessaire de commencer à critiquer, à analyser et en définitive à réfléchir à la réalité. Globaliser les situations pour intervenir dans la réalité et la transformer est la tâche de tout-e révolutionnaire. Dans le cas contraire nous pouvons tomber (même sans le vouloir) dans le rôle de complices ou compagnons de route du système même qui nous opprime. Cet article ne veut pas non plus dire que nous ne devons pas affronter le fascisme, mais bien éclaircir le fait que cette lutte est une partie (et pas fondamentale) de l’affrontement quotidien au Capital-État et non une manière de justifier son existence."

Je vois plus cette fin de texte comme étant du même acabit de la remarque que j'ai pu faire ailleurs (dans "dépasser la lutte"), contre toute forme de dépendance à un mode de lutte et à un adversaire particulier : nous méfier de toute calcification dans un secteur de lutte précis, et toujours nous rappeler que l'anarchisme c'est ne jamais oublier nos fins. Le pouvoir a mille masques (Etat, Capital, fascisme, racisme, patriarcat etc...) et suinte par mille interstices, et lorsque nous nous cantonnons à l'un des aspects nous ne pouvons les englober tous. Il faut toujours rester sur le qui-vive et s'observer, afin de rester fidèle à notre objectif final.

C'est un équilibre difficile à atteindre, comme tu le soulignes, car étant minoritaires nous devons en permanence côtoyer des non-anars. C'est à chacun de se positionner entre l'isolement et l'action collective, en fonction des réalités, et d'assumer son choix en fonction de ses principes.

Ce genre de texte est, dans cette optique, bon à prendre pour nous questionner sur le juste milieu à trouver. D'ailleurs ce forum est un bon moyen, je trouve, de nous soutenir les uns les autres pour s'entraider à débusquer des aspects du pouvoir dont nous n'avons pas toujours conscience en tant qu'individus isolés.
conan
 

Re: Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede Berckman » 02 Juin 2009, 09:49

Oui enfin le titre est quand même problématique : il ne voit dans l'antifascisme qu'une idéologie, et pas la dimension de lutte concrète contre le fascisme.
Un peut comme celles et ceux qui ne voit dans le syndicalisme qu'une idéologie et pas le mouvement d'organisation des travailleuses et travailleurs face aux patrons qui le sous-tend.
On peut critiquer sur le plan stratégique la logique de "front unique", et c'est par exemple ce que Malatesta a fait, sans remettre en cause la lutte contre le fascisme
Bref oui je partages nombre de critiques formulées dans ce texte, mais certainement pas la manière dont elles sont synthétisées (équivalence fascisme/antifascisme). Je pense à l'inverse de ces camarades que cette lutte est une partie fondamentale de la lutte contre l'etat et le capital, non parce qu'elle prend le pas sur la lutte des classes, mais parce que c'est un enjeu dans la lutte des classes, d'autodéfense, et donc de possibilité concrète de mener des luttes ouvertes sur le terrain de classe (préserver l'intégrité des militant-e-s, refuser la division sur des bases nationales ou racialistes).
Le fascisme est le dispositif mis en place par la bourgeoisie lors des périodes de crises pour préserver ses intérêts de classe.
Bref ce n'est certes pas une lutte à considérer isolément (ou à enfermer dans le spectaculaire), mais pas non plus à minimiser comme le font ces textes.
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Re: Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede lou » 04 Juin 2009, 11:23

En tant qu'antifa, je dois reconnaitre qu'il y a beaucoup de choses dans cet article qui résonne en moi. Je ne crois pas qu'il faille pour autant abandonner la lutte antifasciste (surtout en Alsace, y a du taf mais plutot comme dit Conan, l'articuler avec d'autres luttes; bref je crois qu'il faut repenser la lutte antifasciste pour qu'elle sorte de son gettho. De mon point de vue "l'antifascisme de rue" n'est qu'une part de l'action antifa, et je trouve que nous manquons de travail de fond:comment les mouvances fachos ont peu à peu influencés le discours institutionnel, la récupération des idées "de gauche" par des mouvements fachos ect... en clair, moins de muscles, plus de cervelle et une meilleur articulation avec d'autre luttes. Oui je sais c'est très idéaliste. :mrgreen:
je serai post-féministe quand nous en serons au stade du post-patriarcat.
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Re: Contre l'antifascisme, contre l'Etat.

Messagede Antigone » 08 Juin 2009, 22:23

Quitte à être "politiquement incorrect", la lutte anti-fasciste, c'est le combat des réformistes, ça ne devrait pas être celui des révolutionnaires.

le fascisme n'est que la caricature d'un système de domination très ordinaire. Lutter contre le fascisme revient à s'en prendre à cette caricature dans ses aspects les plus autoritaires, mais sans vraiment remettre en cause l'essence même du système.
Le fascisme, au fond, ne représente pas un système de domination si différent de celui qui s'exprime à travers la démocratie
parlementaire. il repose sur la domination de la même classe sociale, la bourgeoisie. La seule différence entre les deux, c'est l'intensité de la répression, la force des coups de matraque et son recours systématique.

Mais tout d'abord, je n'aime pas trop que l'on utilise systématiquement ce terme de fascisme qui correspond à la période historique de l'Entre-deux-guerres marquée par l'incapacité pour les bourgeoisies nationales les plus faibles de faire face à la montée révolutionnaire, d'abattre un mouvement ouvrier qu'il parvenait mal à domestiquer, mais aussi, pour tout tout un ramassis de petits bourgeois ruinés, par la frayeur qu'ils en ont éprouvé. Il répondait aussi aux intérets immédiats de la bourgeoisie industrielle pour réaliser ses visées expansionnistes.

Quand un régime soit-disant démocratique devient autoritaire, ou inversement, l'appareil d'Etat demeure inchangé.
Ainsi, la police du Front Populaire était la même qui devint pétainiste en 40 et résistante en 45. La police qui se rangea derrière Hitler en 1933 avait déjà servi aux sociaux-démocrates pour écraser dans le sang le mouvement révolutionnaire spartakiste. Et l'armée de Pinochet jurait encore fidélité à Allende quelques jours avant de le renverser.
Les exemples sont nombreux d'hommes politiques qui ont participé à une certaine libéralisation de la société à un moment donné après ou avant d'avoir occupé des fonctions importantes sous un gouvernement autoritaire.

Une dictature n'a pas besoin de modifier tant de lois ni de toucher aux institutions démocratiques en vigueur pour s'imposer. Il lui suffit seulement de les appliquer dans toute leur rigueur.
Le parlementarisme est un luxe que la bourgeoisie ne peut s'offrir que si elle en a les moyens. Lorsqu'elle estime que l'entretien de cette façade démocratique lui coûte trop cher, alors elle peut choisir d'utiliser la force brutale. Mais l'histoire a montré également que les dictatures ne durent pas et finissent toutes un jour par tomber. C'est un inconvenient qui fait réfléchir les hommes d'affaires tentés par le grand saut. La démocratie est par contre un système plus fiable qui a bien plus d'avantages et qui est bien plus difficile à abattre.
La solution politique que l'extrème-droite incarne est la dernière à laquelle les démocraties peuvent avoir recours quand elles ont perdu toute autorité, et quand tous les arrangements, combinaisons, alliances ont échoué dans la tâche de rétablir l'ordre ou même simplement de l'exercer. Le drapeau, la patrie, les frontières nationales, les boucs émissaires étrangers ont toujours été ce qui restent quand plus rien ne marche.

La droite conservatrice comprend un personnel politique qui peut à la fois se déclarer attaché aux libertés publiques aujourd'hui, et devenir demain les éxécutants d'une politique ouvertement autoritaire et répressive. Rien n'a différencié les ministres de l'Intérieur qui se sont succédés depuis plusieurs décennies: Foucher, Poniatowski, Hernu, Joxe, Sarkozy, Alliot-Marie pour ne citer que les plus marquants.
A toute époque, l'Etat démocratique a entretenu des corps spécialisés, les bandes armés qui ont été responsables d'assassinats transformés en suicides ou classés en non-lieu; il a financé des milices patronales, des réseaux de barbouzes, et utilisé à l'occasion des groupuscules néo-nazis à des tâches bien déterminées.

Mais si la droite bien pensante d'aujourd'hui, c'est l'extrème-droite de demain, la gauche réformiste en est le marche-pied.
Le passé a montré à plusieurs reprises combien sociaux-démocrates et staliniens, si respectueux de la légalité républicaine, ont toujours préféré voir triompher un régime dictatorial (quitte à le payer de leur vie) plutôt que de donner aux travailleurs les moyens et les armes pour s'y opposer.

En étant attentif aux prises de positions de la gauche et de l'extrème-gauche, jusqu'à certains anarchistes d'ailleurs, on pourrait croire qu'il y existerait un seuil au délà duquel ce qui serait, disons, "tolérable" ne le serait plus d'un seul coup, et motiverait plus d'indignation, plus de manifestations, plus de protestations que d'ordinaire... et qu'en fin de compte, par rapport à une menace "fasciste", la démocratie ne serait qu'un moindre mal, raisonnement qui aurait justifié par le passé de s'être rangé dans le camp républicain (interclassite) en 36 en Espagne, ou d'avoir défendu un camp impérialiste contre un autre, comme pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Quand on se rappelle que la mobilisation qui a suivi la qualification de Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002 (comme si la république était en danger !!) a tourné en un véritable plébiscite chiraquien, on comprend mieux pourquoi les fronts "anti-fas" sont les terreaux de tous les réformismes et autres libéraux, défenseurs patentés de la democratie bourgeoise. Je me suis toujours étonné de voir des anarchistes figurer dans ce lot alors qu'en principe, les révolutionnaires conséquents n'y ont pas leur place.

Voila pourquoi je tire un trait d'égalité sur tous les systèmes d'exploitation capitalistes parce que c'est la meilleure façon de ne pas être piégés, de ne pas se retrouver à jouer un jeu dangereux et ambigu, à défendre un système de domination contre un autre plus musclé, ou encore à exploiter voire soutenir des dissenssions à l'intérieur de la classe dominante sous le couvert illusoire de l'anti-fascisme.
Il faut donc se battre autant contre ce qu'on nous présente comme le fascisme que contre la démocratie, et ne surtout pas en faire un épouvantail où se concentrerait toute la haine que nous éprouvons envers cette société,
La stigmatisation des aspects les plus caricaturaux de la société capitaliste qui laisse de côté tout le reste, la partie aménageable et accomodable, c'est une stratégie réformiste bien rôdée qui sert à nous détourner de la nécessité de faire la révolution et en finir avec la barbarie capitaliste quelle que soit sa forme.
Antigone
 


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