Classe, conscience de classe et luttes actuelles

Classe, conscience de classe et luttes actuelles

Messagede Nico37 » 15 Mai 2009, 14:02

Classe, conscience de classe et luttes actuelles
Exposé de Jacques DUCOL le 12 mai 2009

1-« Le capitalisme ne va pas s’effondrer dans les mois qui viennent. Mais la foi dans sa rationalité a été mise en brèche : la réalité des conflits qu’elle recouvre réapparaît à la faveur de la crise. On voit qu’il n’y a pas un mouvement historique irréversible mais un processus de luttes de classes » (Jacques Rancière, interview dans l’US d’avril 2009)
2-Comment rendre lisible ce mode en termes de luttes de classes pour le plus grand nombre ?

I / Réciter Marx ou penser avec lui ?

1)-Antonio Gramsci, la Révolution contre le capital, Avanti, 24 décembre 1917

1- « La révolution des bolchéviques... est la révolution contre le capital de Karl Marx... Les faits ont dépassé les idéologies. Les faits ont fait éclater les schémas critiques par lesquels l'histoire de la Russie aurait dû se dérouler selon les canons du matérialisme historique. Les bolcheviques renient Karl Marx, affirment, et avec le témoignage de l'action directe, des conquêtes réalisées, que les canons du matérialisme historique ne sont pas aussi solides qu'on pourrait le penser et qu'on l’a pensé ».

2- « Et pourtant il y a comme une part de fatalité dans ces événements, et si les bolcheviques ne sont pas fidèles à certaines affirmations du Capital ils n'en renient pas pour autant la pensée profonde, vivifiante. Ils ne sont pas « marxistes », voilà tout : ils n'ont pas écrit à partir des oeuvres du maître une doctrine extérieure, un ensemble d'affirmations dogmatiques et indiscutables. Ils vivent la pensée marxienne, celle qui ne meurt jamais... Et cette pensée pose toujours que le facteur déterminant de l'histoire, ce ne sont pas les faits économiques bruts, mais c'est l'homme, mais c'est la société des hommes, des hommes qui se côtoient les uns les autres, qui s'entendent entre eux, qui produisent grâce à ces contacts (civilisation), qui développent une volonté sociale, collective, et qui comprennent les faits économiques, les jugent, et les plient à leur propre volonté, jusqu'à ce que cette volonté devienne le moteur de l'économie, l'acte créateur de la réalité objective... »

2) Vivre la pensée de Marx

1-Originalité de Lénine et de la révolution russe

1-C'est la préparation et la réalisation de la première révolution prolétarienne consciente de soi.
2-Octobre 17 est le produit du Capital, le produit de la science contenue et à l’oeuvre dans le Capital : le produit, et non l'application (idée de développement inégal du capitalisme, existence de maillons faibles au sein même du capitalisme)
3 Le léninisme comme :
a-rejet du dogmatisme (cf les éléments du texte de AG)
b-insistance permanente sur le rôle actif et conscient des acteurs de l'histoire (cf texte)

2-Le concept de Capital

1-Généralité qui n'est pas du tout une abstraction privative des particularités du concret (exemple du concept d’arbre)
2-Idée d’une logique productive sans cesse à l' oeuvre de façon singulière bien que selon une nécessité universelle (exemple de la baisse tendancielle du taux de profit).
3-Non pas élaborer un modèle mais une topologie de l’objet : dans le Capital, Marx ne décrit pas une société capitaliste abstraite, il ne construit pas un modèle de la société capitaliste, dont les sociétés capitalistes réelles ne seraient des exemplaires singuliers, mais, ce qui est tout différent, il dégage les éléments théoriques essentiels qui permettent de penser chaque société capitaliste réelle et son mouvement nécessaire...
4- Ce faisant, les concepts ne nous disent absolument pas comment le concret singulier est en général, mais en général comment se produit le concret singulier :
=> peut-on encore parler des « anticipations » de Marx ? (développer)

II / De la classe en soi à la classe pour soi

1) Qu’est-ce qu’une classe ?

1-« On appelle classes de vastes groupes d'homme qui se distinguent par la place qu'ils tiennent dans un système historiquement défini de la production sociale, par le rapport (la plupart du temps fixé et consacré par la loi) aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de situation dans un régime déterminé de l'économie sociale ».(Lénine)

2- Commentaire

1-Définition objective
2-Mais une classe n’existe pas sans conscience de classe, c’est à dire sans une certaine conscience de sa situation, de l’unité de ses intérêts que certains doivent être capables de représenter et de traduire sur le plan politique.

2) Processus de formation de la conscience de classe dans le Manifeste communiste :

1- Lutte engagée par les ouvriers isolés ;
2- Lutte des ouvriers d’une même fabrique ;
3- Lutte des ouvriers d'une même branche d'industrie, d'une même localité
1-A ce stade, les ouvriers ne luttent pas encore contre la classe des capitalistes
2-Le prolétariat n'est encore que classe « en soi »
4- Nécessité d'accéder à la conscience de soi sur la base de l’essor du capitalisme : passage de la lutte contre un capitaliste isolé (le patron immédiat) à la lutte contre la classe capitaliste tout entière, contre l'Etat du capital.
1-Rôle chez Marx des premières organisations ouvrières qui doivent dépasser le trade-unionisme et « inscrire sur leurs drapeaux » le mot d’ordre révolutionnaire : « abolition du salariat »
2-Même logique aujourd’hui dans les luttes entreprises par de nouvelles catégories de travailleurs

3) L’esprit de parti comme conscience de classe chez Lénine

1-Réalité du prolétariat

1-Le prolétariat a une histoire : double aspect social (lié au capitalisme) et national (prolétariat de tel pays)
2-Bien que constituant une classe parfaitement définie par sa fonction dans la formation économique et sociale
a-Le prolétariat n'est pas une classe homogène
b-Il n'y a pas de limite précise entre le prolétariat et les autres classes (artisanat, paysannerie, et petite bourgeoisie) => aujourd’hui, prolétarisation de certaines couches sociales (intellectuels etc.)
c- Il y a toutes sortes de transition et d'intermédiaire entre lui et le reste de la société : dans les classes, entre les classes, il y a les « couches sociales » (jeunes, femmes etc.)
3- Le prolétariat n’est pas une conscience collective donnée une fois pour toutes
« Il faut prendre le prolétariat tel qu'il est, bigarré, composite etc., baignant dans la société qui l'enveloppe, dont il n'est qu'une partie, qui l'entoure, l'influence, et fait pénétrer en lui les habitudes, les préjugés, la morale et les idéologies des autres classes, surtout de la petite bourgeoisie. »

2- Dépasser l'instinct de classe et la spontanéité par l'éducation politique :

1- L'instinct de classe :
a- « il reste sur le plan de la conscience spontanée, c'est-à-dire des phénomènes, des apparences, des reflets superficiels qui ont un contenu réel mais l'enveloppent, le dissimulent »
b- Cette spontanéité prolétarienne ne représente qu'une forme embryonnaire de conscience politique (qui peut se retourner contre elle-même :ex. briser les machines).
2- Nécessité de l'éducation politique
a- « Le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise. Pourquoi ? Parce que cette dernière est plus ancienne que l'idéologie socialiste, plus achevée sous toutes ses formes, et possède infiniment plus de moyens de diffusion ». (Marx, Engels, marxisme) ;
b- « L'histoire de tous les pays atteste que, livrée à ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois » (Que faire?) ;
c- « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l'ouvrier que de l'extérieur, de l'extérieur de la lutte économique, de l'extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons ».
-pour Lénine, rôle essentiel du parti
-de nos jours ? nécessité d’un projet politique donnant du sens aux luttes concrètes ?
3- Rôle de l'esprit de scission chez Gramsci:
« Que peut opposer la classe innovatrice au formidable ensemble de tranchées et de fortifications de la classe dominante ? L'esprit de scission, c'est-à-dire l'acquisition progressive de la conscience de sa propre personnalité historique, esprit de scission qui doit tendre à s'exercer à l'encontre de la classe protagoniste comme des classes alliées potentielles ».

4) Conclusion
Un point commun essentiel : importance révolutionnaire décisive du moment subjectif dans la dialectique historique entre le sujet et l'objet, parce que dans les moments décisifs de la lutte, tout dépend de la conscience de classe du prolétariat, de la composante subjective.

III / Classe ouvrière et conscience de classe aujourd’hui

1) Réalité de la classe ouvrière

1- Il ne faut pas confondre mouvement ouvrier et classe ouvrière

1- Il y a épuisement sous certains aspects des mobilisations ouvrières (exemple des grèves politiques)
2- Il s'agit plus d'une recomposition sociale et culturelle que d’une disparition :
a- Certains emplois répertoriés du côté des services (manutention, logistique) conduisent à l'expression « ouvriers des services » ;
b- De plus en plus d’ouvriers travaillent en situation d'isolement dans le tertiaire et se rapprochent du statut d'employé.

2-Un certain effacement du monde ouvrier

1-Il s’est petit à petit effacé de la scène politique devant la vision d’une immense classe moyenne :
2-S’est estompée l’image d’une société organisée autour de la vieille opposition de classe entre possédants et travailleurs ;
3-Centralité du prolétariat et de la classe ouvrière qui a disparu
4-Une autre évolution : la quasi disparition de toute référence à la classe ouvrière (et même aux ouvriers) dans le discours des responsables politiques de gauche (y compris NPA)
5-Et pourtant, de nouvelles formes de prolétarisation touchent d’autres catégories de travailleurs (enseignants, professions de l’information et de la culture, ingénieurs, cadres)

2) Les facteurs de remise en cause de la culture de classe

1-La formation
Avec le développement de la scolarité, on accède au monde ouvrier par l’école (bac Pro, BTS …) et non plus par un processus d’éducation et de socialisation interne à la classe ouvrière.

2-Des processus socio-économiques

1- Le déclin du secteur industriel traditionnel qui a eu raison des solidarités collectives qui unissaient le monde ouvrier derrière la gauche
2-La promotion individuelle (professionnelle) et lignagière (accession à la propriété) de la partie supérieure de la classe ouvrière
3-La précarisation des conditions de vie et de travail de sa frange inférieure (fragmentation de sa frange inférieure)

3-Des facteurs politiques

1-Le social-libéralisme dominant :
a-Au sein d’un PS qui a abandonné depuis longtemps les références au marxisme et à la lutte des classes
(au niveau européen, droite et gauche ont voté ensemble dans 97% des cas)
b-Au sein de certaines organisations syndicales
2-L’anticapitalisme sans projet politique précis du NPA.
3-Les transformations organisationnelles et discursives du PCF :
a-Un certain misérabilisme en décalage à la fois avec les classes moyennes et les militants ouvriers qui ne se reconnaissent plus dans cette image dévalorisante ;
b-Dilution de l’identité ouvrière et de la culture communiste dans le rêve d’un parti « à l’image de la société » => critique de cette expression
c-Au cœur de l’entreprise d’émancipation communiste (la « visée communiste »),
-d’un côté l’homme en tant qu’individu singulier
-de l’autre, les gens qu’il faut rassembler
ð où sont passées les classes sociales ?

4- La force de l’idéologie bourgeoise

1- La lutte idéologique comme réalité quotidienne
a- Deux sens possibles du mot idéologie :
- superstructure nécessaire d'une structure déterminée ;
- élucubrations arbitraires d'individus déterminés.
b- Gramsci : « En tant qu'historiquement nécessaires, les idéologies ont une validité qui est validité psychologique, elles organisent les masses humaines, forment le terrain sur lequel les hommes se meuvent, acquièrent conscience de leur situation, luttent etc. ».
2-Influence de la morale sociétale bourgeoise
a-Pour discréditer l’industrie et se métiers, elle tend à valoriser :
-soit la naissance d’activités nouvelles ;
-soit le rejet du travail salarié (devenez entrepreneur, actionnaire…)
b-Mise en avant de l’individualisme libertaire :
-moyen d’insertion sociale et de réalisation des aspirations individuelles (corollaire : discrédit de l’engagement collectif, moteur essentiel des organisations ouvrières) ;
-valorisation de l’individu qui consomme le monde sans chercher à savoir qui organise et qui décide du travail ;
-refus de penser l’articulation entre citoyenneté et dépendance politique aux rapports sociaux
ð le syndicalisme est lui-même tenté d’accorder la primauté aux contrats entre partenaires sociaux sur le politique
3-Des coups de force idéologiques
a-Insistance sur la naturalisation des phénomènes sociaux (identification société = nature, cf Parisot et le parallèle amour / travail) ;
b-Mise en avant de l’idée de société du risque qui repose sur la confusion entre :
-les risques subjectifs relevant de décisions personnelles ou collectives (accidents etc.)
-les risques objectifs relevant de la structure même de la société (chômage, précarisation etc.)
4-Idéologie qui s’appuie sur la réalité de certaines mutations :
a-Capacité du Capital à exploiter la nouveauté
b-La révolution informationnelle
c-L’élévation du niveau intellectuel
d-Les aspirations à l’autonomie individuelle
e-La mise en question des structures délégataires :
-celles des institutions anciennes ;
-celles des organisations censées représenter les classes dominées et bâtir des alternatives

3) Exemple de la perte de conscience de classe : le vote ouvrier sous la Vème République

1-Remarque : Le vote ouvrier n’a jamais été naturellement acquis à la gauche
1-La gauche n’a jamais dépassé 70% du vote ouvrier
2-Scrutin du 21 avril 2002 : 43% à la gauche (= moyenne nationale)
24% à Le Pen

2-Les raisons du désalignement électoral
1- Le recul considérable du sentiment d'appartenance à la classe ouvrière dans la population française ;
2- La pratique gouvernementale de la gauche, de la gauche plurielle plus particulièrement ;

3- Le vote FN
1- Sensible dans certains milieux ouvriers communistes ou socialistes, il est prioritairement le fait de milieux ouvriers de droite ;
2- Il a été rendu plus manifeste du fait de la montée de l'abstention des milieux ouvriers de gauche, surtout communistes.

4-Cependant, le poids du vote ouvrier reste important, notamment par sa très large participation à la victoire du non le 25 mai 2005 (81 % des ouvriers ont refusé le texte)

IV / Un défi d’aujourd’hui : construire l’unité du salariat

1) Remarques préliminaires

1-Contrairement à certaines théories sociologiques (celle sur la servitude volontaire notamment), la lutte des classes n'a pas disparu des relations sociales en général, des relations de travail en particulier : luttes qui se manifestent à tous les niveaux de la vie sociale

2-« L'heure n'est plus à l'hégémonie du groupe des ouvriers métallurgistes qui furent les pionniers des conventions collectives et de la protection sociale de 1936. L’alliance des classes aujourd’hui devra être multipolaire, décentralisée et contrôlée par les citoyens » (Jean Lojkine)

2) Aspirations communes et convergences nouvelles

1- Prendre en compte les aspirations à l’émancipation

1- Autrefois, la conscience de classe s'est développée à un moment où l'enjeu émancipateur était principalement de sortir de la misère sociale et des pénibles conditions de travail.
2- Aujourd'hui, la quête d'émancipation se nourrit :
a- De la visibilité des richesses produites ;
b- Du développement de la mobilité, des échanges ;
c- De la connaissance du monde grâce à l'éducation ;
d- Des qualifications qui appellent la responsabilité ;
e- De la montée d'enjeux majeurs pour l'humanité.
=> mais retour de la prégnance de la misère sociale et de la pénibilité des conditions de travail
3-Aspiration à l’autonomie et à la maîtrise des conditions de production qui dépasse aujourd’hui largement le milieu des cadres
a- Les « Continental » de Clairois venus à Sarreguemines : « On est chez nous ici »
b-Mise en question de l’autonomie contrôlée du management participatif (autonomie dans l’organisation du travail, mais imposition des normes de rendement) : au profit d’une réelle autonomie des producteurs eux-mêmes, d’une véritable autogestion ?

2- La tendance à la convergence, caractéristique des luttes actuelles.

1- Réalité d'une grande violence potentielle qui se manifeste
a- Par des formes de radicalité (séquestration etc.), dans le privé notamment, à penser en liaison avec la faiblesse de la représentation syndicale (5 %) et son absence dans certaines petites entreprises ;
b- Par de brusques flambées contestataires (jeunes, lycéens etc.).
2- Les luttes des jeunes ne sont-elles en elles-mêmes spontanément révolutionnaire ?
a- Dénoncer le mythe de la jeunesse (Henri Lefebvre) :
- la jeunesse, qui n'a pas son être propre, ne se définit pas par elle-même et pour elle-même ;
- la jeunesse également sort d'une longue culture : c'est une conquête, une oeuvre de la civilisation, l'être humain jeune n'a pu se passer de protection, et la spontanéité ne peut naître - ou renaître - qu’à l'abri d'une éducation ;
- l'ignorance des jeunes en ce qui concerne l'histoire : le monde semble commencer à partir d'un pur commencement (la jeunesse, en croyant commencer, risque de recommencer et de répéter).
b- Elles peuvent au contraire représenter un obstacle à une perspective révolutionnaire :
- elles mettent rarement en perspective de la dénonciation du travail aliénant ;
- elles se nourrissent du besoin de qualification et d'insertion professionnelle, de l'aspiration à des activités intéressantes dans le cadre de la société telle qu'elle est.
3- Ne pas opposer les différentes formes de lutte :
a- Les luttes capital / travail dans les entreprises et les luttes culturelles, sociétales, transclassistes....
b- Les brusques flambées et l'action à long terme des organisations sociales et politiques engagées dans la « guerre de position » (Gramsci) :
=> la bataille pour les Services publics
c- L'urgent quantitatif des plus pauvres (exigences immédiates des colères sociales) et les exigences qualitatives des catégories exploitées mais plus aisées :
- risque de masquer l'enjeu rassembleur des finalités du travail ;
- dans le quantitatif des plus pauvres, il y a toujours du qualitatif en puissance (et inversement)
exemple : la conquête de la journée de 8h, la droit à la santé (Sécurité Sociale), retraite par répartition

3- Une unité syndicale qui se cherche

1- Rôle des luttes diverses conduites depuis plusieurs années (exemple de la grève des sans-papiers emmenée à la fois par la CGT et Droits devant).
2- Rencontre possible du secteur public et du secteur privé à partir
a- De la question des salaires
b- De celle du pouvoir dans les entreprises.
3- Ambivalence de la situation actuelle :
a- Les aspects positifs : cette unité a des conséquences mobilisatrices aux yeux du grand nombre et de l'opinion (73% des Français ont soutenu les manifestations du 1er Mai)
b- Les aspects négatifs : elle peut avoir un effet temporisateur du fait qu'elle impose de s'aligner sur le syndicat le moins disposé à aller de l'avant
exemple : interview dans L'H-D de Gérard Labrune de la CFE-CGC
« Vous avez des organisations qui veulent clairement changer les valeurs de notre société, en faire une société plus égalitaire. Nous, c'est clair, ce n'est pas notre tasse de thé ».

3)- Actualité et pertinence du concept léninien de lutte

1- Les trois sources de marxisme :
« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d’eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. Les partisans des réformes et améliorations seront dupés par les défenseurs du vieux régime aussi longtemps qu'ils n'auront pas compris que toute vieille institution, si barbare et si pourrie qu'elle soit, est soutenue par les forces de telles ou telles classes dominantes. Et pour briser la résistance de ces classes, il n'y a qu'un moyen : trouver dans la société même qui nous entoure, puis éduquer et organiser pour la lutte, les forces qui peuvent et doivent de par leur situation sociale devenir la force capable de balayer le vieux et de créer le nouveau ».

2- Analyse

1- La lutte exprime en premier lieu la lutte de classe comme vérité de la praxis sociale : cette vérité vaut a fortiori pour toute conjoncture dont elle dit à la fois l'essence et le principe de déchiffrement
2- Il est dans la nature de toute conjoncture de se donner comme lutte : les formes de cette lutte - idéologiques, politiques, théorique etc. - sont toujours des effets de la lutte de classes
3- L'appréciation de ses effets est précisément l'objet de la pratique politique : ce concept de lutte qui joue un rôle dominant dans l’oeuvre de Lénine à travers les connotations expressives de la pratique politique (notamment stratégie / tactique)

3- Une conséquence : le concept d'alliance de classes

1-Pourquoi des alliances ? Même en tant que force sociale ayant acquis la plus haute conscience politique, le prolétariat ne peut rien seul
a-Parce qu'il n'a jamais été et ne sera jamais la totalité de la population ;
b-Parce qu'il trouve devant lui des classes dominantes plus fortes que lui ;
c-Parce qu'autour de lui subsistent les masses importantes de la petite bourgeoisie, des paysans, des artisans, des petits producteurs.
2- Concept qui renvoieà la fois :
a- Aux déterminations socio-économiques qui obligent à ranger dans le même camp les couches sociales ne détenant pas les moyens de production (ouvriers, paysans, intellectuels) ;
b- A la finalité qui unit ces couches : conquête du pouvoir politique pour l'instauration de rapports de production radicalement nouveaux.

4-Problèmes

1-Comment de nos jours prendre en compte ce concept d'alliance, c'est-à-dire comment construire l'unité du salariat ?
2-Cette unité peut-elle encore se faire à partir d’un centre unique - le prolétariat - sous la direction d’un moyen unique, le parti « de la classe ouvrière » ? C’était encore la position de Lénine et de Gramsci
3-Ne doit-on pas plutôt aujourd’hui penser une alliance de classe « multipolaire, décentralisée et contrôlée par les citoyens eux-mêmes » ? Mais alors, qui conclut des alliances ? Une alliance pour et par quel projet politique ?

4)-L’existence de la classe fondamentale comme lutte continuelle

1-Une réalité nouvelle

1-La lutte des classes n’a bien sûr pas disparu, mais présente des formes spécifiquement modernes que Jacques Bidet propose de penser, approfondissant et reconstruisant ainsi l’édifice théorique de Marx, à partir des relations complexes d’opposition entre la classe capitaliste dominante et la classe fondamentale.
2- Qu’est-ce que la classe fondamentale ?
« C’est l’ensemble de ceux dont le travail est exploité à travers le rapport de classes spécifiquement moderne, formant des fractions selon qu’y prédomine le marché (paysans, artisans etc.), l’organisation (salariés du public), ou que les deux facteurs s’y conjuguent plus étroitement (salariés du privé). Ils forment une seule classe, que je désigne comme la classe fondamentale. ».

2-Le pouvoir de classe par le marché et l’organisation

1-La société moderne ne se réduit pas à son « être capitaliste » traditionnel (par exemple la propriété privée des moyens de production, les institutions et les pratiques qui s’y rattachent), mais la production publique de richesses, débordant ce cadre, est partout considérable grâce aux différents systèmes organisés que sont par exemple l’enseignement, la santé ou l’administration.
2-Au sein de l’entreprise marchande, dans le processus de production de richesses, comme dans l’ensemble de la société, s’exerce une fonction non marchande, l’organisation : il faut reconnaître alors que la classe capitaliste dominante « comporte donc deux pôles,
a-« l’un autour du procès marchand » où « fonctionnent des titres de propriété » (rôle des actionnaires)
b-« l’autre autour du procès organisationnel » où « s’exhibent les titres de compétence reconnue » (l’ensemble des cadres)
=> pertinence de la question des intellectuels chez Gramsci
3-Ainsi, la classe dominante ne peut exister, maintenir et accroître sa domination que par l’articulation de ces deux pôles que sont le marché et l’organisation, deux fonctions corrélatives mais néanmoins distinctes
a-En effet, l’actionnaire ne pourrait pas exploiter le travailleur sans le concours nécessaire du gestionnaire - concours néanmoins jamais absolu ou définitif parce que dépendant de la force et de l’influence des luttes en cours
b-Même s’il faut reconnaître que dans le cadre du processus actuel de « mondialisation » le pôle des « compétents » a jusqu’à présent davantage convergé du côté du pôle de la propriété, il faut noter l’importance de l’engagement actuel de la CFE-CG : interview dans L'H-D de Gérard Labrune
« Regardez chez nous : la participation au 1er mai est quelque chose d'exceptionnel, mais nous n'avons eu aucun mal à obtenir ce mandat de notre organisation »

3-Possibilité de la convergence des luttes

1-C’est pourquoi peuvent se développer et converger objectivement une multitude de luttes, sans pour autant que leurs acteurs s’en représentent clairement les enjeux : parce que la classe fondamentale « ne vit que de constamment subvertir
a-La machinerie du marché capitaliste qui vise l’accumulation du profit (lutte pour les salaires, contre la recherche du profit pour le profit défendue comme fin en soi par la classe dominante).
b-Celle de l’organisation qui vise la monopolisation du pouvoir » (problème de la démocratie dans l’entreprise)
2-La classe fondamentale, en luttant concrètement pour des revendications visant à satisfaire ses besoins (matériels et intellectuels) nécessaires à l’accomplissement d’une vie authentiquement humaine (que ces besoins s’expriment à l’échelle d’un pays ou au niveau international) met par là-même en question la domination universelle de la richesse et de la puissance « abstraites » (Marx),
3-C’est donc à partir de cette réalité de la classe fondamentale que doivent être pensés et réalisés
a- L’union nécessaire de ses différentes fractions.
b-Les liens nécessaires qui doivent être tissés avec ceux qui représentent le pôle de la compétence (c’est à dire les cadres, pour l’instant majoritairement acquis aux thèse du capitalisme libéral) :
4-La question des alliances devient un problème politique majeur :
a-Alliances « tactiques » qui désignent la pratique du compromis dans une conjoncture donnée: exploitation, rémunérations, conditions de travail
b-Alliances « stratégiques » qui renvoient à la communauté des intérêts du combat dans une période historique déterminée: démocratie, changements des normes de production

V / Quelles perspectives révolutionnaires ?

1-« Vers quoi allons-nous depuis qu'on ne veut plus radicalement transformer les sociétés, mais les rendre plus solidaires, plus habitables... L'Europe est d'une certaine manière à refonder dans une vision d'avenir, dans une économie de marché régulée, et un projet de société durable et solidaire » (Jean Viard) ;

2-« Sortir vraiment du capitalisme, c’est donc aller vers la mise en commun universelle de tout ce qui est social et en développant l’appropriation par tous : communisme… il s’agit avant tout d’un mouvement réel. On objecte : mais comment dire réel un mouvement qui n’existe pas encore ? C’est simple : il n’existe pas encore, hélas, comme mouvement conscient de forces sachant en faire leur visée concrète, mais comme mouvement inconscient de l’histoire, sa réalité crève les yeux » (Lucien Sève)

1)-Le concept léninien de crise révolutionnaire

1- Des conditions tout à la fois objectives et subjectives

1-Conditions objectives :
a-« On ne peut faire la révolution... Les révolutions naissent des crises et des tournants historiques objectivement mûrs (indépendamment de la volonté des partis et des classes) » (Faillite de la IIème internationale, 1915).
b-« Il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire, mais toute situation révolutionnaire n'aboutit pas à la révolution. Quels sont, d'une façon générale, les indices d'une situation révolutionnaire ? Nous sommes certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que voici :
1)-impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du « sommet », crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l'indignation des classes opprimées se fraye un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que la base ne veuille plus vivre comme auparavant, mais il importe encore que le sommet ne le puisse plus.
2)-aggravation, plus qu'à l'ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées.
3)accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l'activité des masses, qui se laissent tranquillement piller dans les périodes dites « pacifiques », mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le sommet lui-même, vers une action indépendante. Sans ces changements objectifs, indépendant de la volonté non seulement de tels ou tels groupes et partis, mais encore de telles ou telles classes, la révolution est, en règle générale, impossible.
C'est l'ensemble de ces changements objectifs qui constituent une situation révolutionnaire ». (o.c.,).
2-Conditions subjectives :
« La révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs ci-dessus énumérés, vient s'ajouter un changement subjectif, à savoir : la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l'ancien gouvernement, qui ne « tombera » jamais, même à l'époque des crises, si on ne le « fait choir ».



2-Conséquences

1- La crise révolutionnaire est une crise totale, impliquant tous les niveaux de la vie sociale et politique, c'est avant tout un « profond et puissant mouvement populaire » ;
2- Importance des facteurs subjectifs qui grandit en importance au fur et à mesure du développement de la crise la crise « mûrit », et cette maturation comporte l'action réciproque de l'objectif et du subjectif et, de déterminé, le subjectif devient alors déterminant (la conscience, informée par la connaissance, devient volonté collective) : nécessité d’une perspective claire de transformation sociale => cf. Gramsci plus haut
3- Dans toute crise révolutionnaire il y a une nécessité, et, cependant, un élément imprévu, les facteurs subjectifs.
4-Possibilité de récupération par la bourgeoisie : cf le concept de révolution passive chez Gramsci

2)-Actualité de l’idée gramscienne d’hégémonie des classes subalternes

1- La dictature du prolétariat, une idée dépassée ?

1-Dictature et démocratie, deux aspects d’un même concept : celui de pouvoir. Le pouvoir étant toujours un pouvoir de classe exercé par une ou plusieurs classes sur une ou plusieurs classes, il en résulte la liberté et la démocratie pour telle classe et la dictature sur telle autre
2-« La dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de la vieille société. La force de l’habitude chez les millions et les dizaines de millions d’hommes est la force la plus terrible. Sans un parti… Il est mille fois plus facile de vaincre la grande bourgeoisie centralisée que de « vaincre » (de transformer) les millions et les millions de petits patrons. Or ceux-ci, par leur activité quotidienne, coutumière, invisible, insaisissable, dissolvante, réalisent les résultats mêmes qui sont nécessaires à la bourgeoisie, qui restaurent la bourgeoisie » (La maladie infantile du communisme)
3-« Ce n'est pas la violence seule, ni principalement la violence qui fait le fond de la dictature prolétarienne. Son essence principale réside dans l'esprit d'organisation et de discipline... du prolétariat lui-même».
=>DP qui est liée à la création d’un nouvel organisme démocratique, le soviet.
4-Remarques
a-Certains aspects historiquement dépassés d’une telle conception
b-Pour Lénine comme pour Gramsci,et contrairement au Lukacs de Démocratie et Spontanéité et à ce qui se passera plus tard avec Staline, la DP est la dictature d’une classe et de ses alliés, non celle d’un parti (chez Gramsci, les conseils d’usine de 1920 sont l’expression de la démocratie ouvrière, et dans la société communiste, le Parti doit être au fondement de l’Etat nouveau, mais ne doit pas se faire Etat !)

2-La question centrale de la démocratie

1-Faire de la démocratie le moyen et la fin de l’action révolutionnaire, est-ce pour autant faire l’impasse sur la résistance évidente des classes privilégiées ? Comment organiser cette résistance ? Les privilégiés vont-ils renoncer volontairement à leurs privilèges ?
2-Elle ne peut être pensée en dehors de ce que Gramsci appelait la lutte pour « l’hégémonie des classes subalternes » (classes subalternes = classe fondamentale).
3-La classe dominante ou qui aspire à le devenir cherche à utiliser les intellectuels pour exercer son hégémonie sur toute la société : « La suprématie d’un groupe social se manifeste de deux manières, comme domination et comme direction intellectuelle et morale ».
4- L’Etat lui-même, en tant qu’expression directe du groupe dominant, se fonde sur ces deux éléments :
a-La « dictature », c’est à dire tout l’appareil de décision et de coercition représenté par la société politique,
b- « L’hégémonie » et l’organisation du consensus, qui sont effectives à travers un appareillage de structures idéologiques et d’institutions auxquelles incombe la tâche de la direction culturelle pour le compte de la classe politique dominante.

3- L’hégémonie comme moyen de la transformation révolutionnaire

1-Elle est donc la domination d’une classe sur les autres à travers une opération de contrôle culturel et idéologique, d’exercice du pouvoir, dans un sens non pas tant coercitif que de persuasion rationnelle, d’influence sur la pensée, sur la vie, sur la morale, sur les habitudes sociales et culturelles des individus.
2-La conquête et la sauvegarde du pouvoir de la part de la classe dominante sont toujours plus déterminées par l’étroite connexion entre hégémonie et coercition.
3-Les transformations révolutionnaires ne sont plus imaginées, selon les modalités traditionnelles, comme affrontement direct et violent entre groupes et classes sociales antagonistes, car la lutte pour la conquête et le maintien de l’hégémonie investit tous les terrains : la culture, l’idéologie, la vie de tous les jours, les conditions de travail etc.
=> Quel lien entre « guerre de position », « transformation intellectuelle et morale » (Gramsci) et l’idée « d’ évolution révolutionnaire, processus multiforme et inégal mais poursuivi avec esprit de suite d’initiatives engagées, de succès partiels remportés, de rapports de forces modifiés… » (Lucien Sève) ?

3)-Quelles dynamiques aujourd’hui ?

1-Des obstacles réels aux transformations révolutionnaires

1-Moins de place pour l’utopie
2-Moins d’organisations et d’alternatives crédibles
3-Moins d’objectifs structurants faute de projets politiques clairs et résolument transformateurs
a-Faillite des modèles social-démocrate et soviétique
b-Responsabilité des organisations politiques elles-mêmes (cf plus haut)
4- L’idée d’une crise d’hégémonie
a-Qui explique la défaite des socialistes : Fausto Bertinotti
-pas d’idée de société réellement différente
-un leader prestigieux, une grande tradition politique, une force organisée, la générosité du travail militant ne peuvent se substituer à un projet politique
-la défaite n’est pas seulement électorale : la gauche majoritaire perd la raison d’être de son existence, l’autre gauche se fragmente en petits partis
b- Qui s’explique par l’inexistence de ce que Bertinotti appelle « une subjectivité unitaire et plurielle de l’ensemble de la gauche alternative » capable :
-de proposer un projet politique cohérent de transformation sociale ;
-de faire prendre conscience à l’ensemble du salariat que la solution durable de ses problèmes passe par le dépassement du capitalisme (ex : nécessité de passer de la concurrence à la coopération comme principe social fondateur)
c-Comment construire cette subjectivité ?
-grâce à un projet politique indiquant clairement qu’il faut imposer d’autres valeurs de société
-par la recherche de durables alliances
-par la mise en évidence des liens dialectiques entre luttes immédiates, luttes politiques (élections) et luttes idéologiques

2-La perspective communiste, ou le passage généralisé de l’ « en soi » au « pour soi »

1-Un véritable projet de transformation sociale ne peut faire l'impasse sur la nécessité de repenser la question de la révolution dans un pays développé, et plus précisément de reposer la question du communisme en mettant en lumière, par l’exemple des luttes à l'échelle nationale ou internationale, qu'elle est plus que jamais d'actualité.

2-A travers toutes les luttes sociales et l’immédiateté des exigences du combat et du discours revendicatifs, s’impose cet universel concret qui dessine les contours de cette société plus humaine pour laquelle nous luttons, et que nous ne devons pas avoir peur d’appeler communisme

3-Comme le souligne Lucien Sève, le communisme, celui de Marx, celui qui n'a aucunement échoué parce qu'il n'a jamais existé, « est la seule alternative vraie à ce capitalisme qui sur un rythme accéléré conduit l'humanité à sa perte. ». Ce capitalisme défini comme « la mise en privé universelle », qui prive les êtres humains de « la maîtrise collective sur leurs puissances sociales - les avoirs, les savoirs, les pouvoirs - est la forme extrême de l'aliénation humaine. Sortir vraiment du capitalisme, c'est donc aller vers la mise en commun universelle de tout ce qui est social en en développant l'appropriation par tous : communisme ».
a-Rien à voir avec ce qui exista sous le nom de communisme ou de socialisme, sous quelque forme que ce soit.
b-Rien à voir non plus avec un quelconque « idéal » ou une quelconque « utopie ».

4-Même s'il n'existe pas encore comme un mouvement de forces qui en feraient leur visée concrète, « le communisme est pourtant ce mouvement réel et inconscient de l'histoire », ce « multiforme processus de réappropriation engagé au présent » qui rend possible parce que nécessaire cette « insurrection générale en faveur du bien commun
exemple : la question de l’eau (national et international)

5-Le combat émancipateur ne pouvant plus se faire dans la « sujétion militante » - ce qui ne veut pas dire que la discipline militante ne soit plus nécessaire
a-Nécessité d’une organisation communiste nouvelle.
b-Nécessité pour tous « de se placer d'emblée au-delà des organisations existantes pour faire exister une force de nouvelle génération ».

Conclusion

« La perspective d ‘émancipation sociale est d’abord une révolution intellectuelle : le passage d’une logique d’intégration à une logique d’effraction » (Jacques Rancière, o.c.)
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Re: Classe, conscience de classe et luttes actuelles

Messagede bipbip » 07 Juin 2015, 14:16

Quelle conscience de classe aujourd’hui ?

Terrains de luttes revient régulièrement sur les transformations contemporaines des classes populaires. C’est un enjeu de compréhension majeur pour reconstruire des mobilisations et un projet politique capable de contrer le néo-libéralisme des classes dominantes. Dans cet entretien, le sociologue Julian Mischi explore les mutations de la classe ouvrière et les raisons du recul de la conscience de classe dans les milieux populaires.

Quelle est la réalité quantitative et qualitative de la classe ouvrière aujourd’hui? Quelles sont les principales mutations qui l’ont affectée ces dernières années?

... http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=4820
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Re: Classe, conscience de classe et luttes actuelles

Messagede bipbip » 17 Mar 2018, 15:49

De quoi la classe moyenne est-elle le nom ?

De quoi la classe moyenne est-elle le nom ?

Il y a quelques semaines, le salaire moyen des Français a été révélé. S’élevant à 2250€ nets mensuels, celui-ci a prestement été utilisé par tout une catégorie de personnes pour appuyer l’argument selon lequel tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles en France, dans un exercice que le Pangloss de Voltaire n’aurait sans doute pas renié. En dépit des fragilités inhérentes à cet indicateur, ces personnes n’ont pas hésité à claironner que ce résultat était la preuve que la classe moyenne se maintenait dans notre pays. Parce que, pour paraphraser Engels et Marx, l’on pourrait dire qu’un spectre hante l’Europe et plus particulièrement la France, celui de la disparition de la classe moyenne. Aussi est-il primordial pour les personnes au pouvoir de faire perdurer ce mythe de la classe moyenne.

Dans la Grèce Antique, le mythe – qui dérive de muthos – définissait le domaine de l’opinion fausse, de la rumeur, du discours de circonstance. En somme, le mythe est le discours non-raisonné, qui se veut être une forme de fable. Par opposition, le logos était, lui, le discours raisonné. C’est précisément le passage du muthos au logos qui a posé la pierre fondatrice des philosophes de la Grèce Antique. De la même manière, la classe moyenne a tout du mythe, de cet élément un peu fourre tout au sein duquel tout le monde se retrouve. Pourtant, les contours de ladite classe moyenne sont flous à souhait, ce qui n’est pas un hasard selon moi. La classe moyenne est assurément le meilleur instrument socialement coercitif qui a été créé par le capitalisme néolibéral pour contrôler les masses, en particulier les classes populaires. Il est temps de sortir de la caverne et de déconstruire cette fable.

Agglomérat plutôt que classe

Théorisée par Henri Mendras et sa fameuse toupie, la moyennisation de la société française est communément placée historiquement durant les Trente glorieuses. Souvent travestie, la théorie de Mendras n’affirme pas une homogénéisation des revenus au sein de ladite classe moyenne mais bien plus assurément une convergence des comportements. Plutôt qu’une classe au sens marxiste du terme, la classe moyenne est bien plus un agglomérat de personnes relativement éloignées mais agrégée dans un groupe social fourre-tout. La classe moyenne se définit en réalité par la négative, elle est le groupe social qui ne se situe pas aux extrémités – c’est-à-dire ni dans l’extrême-pauvreté ni parmi les élites économiques de la société. Paradoxalement, la classe moyenne est ce qui créé le plus fort sentiment d’appartenance ou presque parmi les populations alors qu’économiquement celle-ci n’existe pas réellement. C’est sans doute le seul exemple où la classe pour soi (au sens de Marx) et donc la conscience de classe existe alors même que l’existence de la classe en soi est loin d’être une évidence, ce paradoxe n’étant pas pour rien dans la quasi-disparition de la conscience de classe prolétaire.

Pour revenir au point d’introduction de ce billet qui est la publication du salaire moyen en France, souvent des personnes des classes populaires se pensent être dans la classe moyenne. De la même manière, nombreuses sont les personnes à avoir un salaire très confortable qui considèrent être dans la classe moyenne. Il n’y a rien de surprenant à cela lorsque l’on connait le matraquage médiatique et politique qui existe à ce propos. Le but est, en effet, de nier les inégalités et de faire croire aux populations les plus dominées qu’elles ont les mêmes intérêts que certains dominants. Il est d’ailleurs assez ironique de constater que le populisme reprend cette grille d’analyse avec son fameux adage du 99%. Pourtant, une analyse économique rapide suffit à faire voler en éclat ce mythe. Selon l’INSEE, pour 2015 le 5ème décile de revenu (donc le revenu médian) est constitué par les personnes ayant un revenu de 18 450€ annuels soit un revenu mensuel de 1537€. Si l’on veut élargir la classe moyenne aux 4ème et 6ème décile (ce qui est déjà une modification de la logique même de médiane), celle-ci est donc constituée des personnes ayant un revenu mensuel compris entre 1387€ et 1710€. Nous le voyons donc, la classe moyenne prise dans un sens économique est loin d’être aussi étendue dans la population que ce que l’on nous vend à longueur de temps – actuellement une personne touchant moins du SMIC et une personne avec un revenu de 4000€ par mois peuvent se réclamer de la classe moyenne.

Du contrôle social des classes populaires

L’on pourrait croire que cette construction est le fruit du hasard et ne répond à aucun objectif ni dessein supérieur. Je crois pour ma part que le concept de classe moyenne n’est pas une fin mais bien plus assurément un moyen. La classe moyenne n’est qu’un outil à mes yeux pour mieux contrôler les classes les plus dominées de notre société. En leur offrant cet horizon, en leur faisant croire qu’elles font partie du même groupe social que ceux qui gagnent 4000€, en affirmant tout le temps qu’un salaire de 3000€ n’est pas si élevé que ça, c’est tout un imaginaire que l’on offre aux classes populaires. Il s’agit même d’un double imaginaire puisque d’une part on leur promet qu’ils vont pouvoir progresser dans cette classe moyenne et d’autre part on leur explique que des salaires faisant partie des 10% des salaires les plus élevés (le 9ème décile est à 2845€ mensuels) n’est pas si élevé que cela. La classe moyenne est en quelque sorte la carotte présentée aux populations les plus dominées de notre société.

Le contrôle social de ces populations là ne passent évidemment pas uniquement par cette carotte, il comporte également un énorme bâton, un effrayant épouvantail : celui des SDF. Le néolibéralisme a besoin de ces parias de la société pour faire peur au reste de la population. Il ne serait pas difficile de loger ces personnes, en réquisitionnant les logements vides par exemple. On peut se dire que les politiques menées à leur égard ne sont que le fruit d’une indifférence manifeste. Je crois cependant qu’il s’agit bien plutôt d’un cynisme inouï, celui de montrer à la population la punition qui l’attend si elle refuse les codes du capitalisme néolibéral. De la même manière que dans 1984 les populations les plus pauvres sont soumises à la menace de Big Brother, dans nos sociétés contemporaines la menace que fait peser le système économique sur ceux qui entendent l’attaquer est double : la prison pour celui qui ne veut pas entrer dans les normes, la rue pour celui parmi les classes dominées qui se lève contre le capitalisme. Pourtant, celui-ci qui se présente comme un colosse a assurément les pieds d’argile. Il ne peut tenir que parce que ce double contrôle social est présent, déconstruisons-le et il n’aura plus de bouclier ou presque. Trop longtemps nous avons été pareils à Sisyphe qui voit son rocher dévaler la pente après être arrivé tout près du but. Même si Camus nous invite à l’imaginer heureux, il serait temps de dépasser cette image pour enfin faire tomber le Goliath qui nous gouverne. De Sisyphe à David, il n’y a qu’un pas. Franchissons-le.


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