L'impossible révolution

L'impossible révolution

Messagede digger » 22 Fév 2018, 09:37

Je suis tombé par hasard sur cette article "L'impossible révolution" sur le site de Monde Libertaire Vincent Rouffineau le 6 juillet 2017
https://monde-libertaire.net/?article=LIMPOSSIBLE_REVOLUTION

Le sujet n'est pas ici de contester la nécessité pour l'anarchisme et les anarchistes de s'inspirer dans leurs réflexions de la philosophie – ainsi d'ailleurs que des sciences sociales et autres.

Il est de discuter de – voire réfuter, par un argumentaire plus développé que je n'en ai le temps et l'espace - l'argumentation et de la conclusion de cet article

"nous avons besoin d’un système. Ce système, par ailleurs, n’est pas nécessairement un dogme, c’est-à-dire une affirmation considérée comme irréfutable par une autorité morale : il doit être réfutable, c’est-à-dire permettre une contre-argumentation, afin d’échapper à l’écueil dogmatique. Il n’en reste pas moins à construire. "


Je remarquerais ici que le débat au sein du mouvement anarchiste "historique" n'est pas facile à engager car si dogme il n'y a pas, les excommunions sont néanmoins rapides. N'ayant aucune religion, y compris laïque, je ne les crains pas.

"C’est donc, non pas contre l’oppression bourgeoise que nous devons lutter, mais contre une vision du monde forgée par l’habitude et les normes : cette vision du monde est si fortement ancrée, elle est si structurée et inconsciente que seul un système philosophique alternatif serait en mesure de l’abolir, à l’image d’une révolution copernicienne."


L'habitude et les normes sont évidemment à remettre en question mais pourquoi poser cela de manière antagoniste avec la nécessité de lutter contre l'oppression de classe ? Et je doute que la mise en place d'un système philosophique aurait été d'un grand secours pour mon père, ouvrier maçon, dont la conscience politique se limitait à "Il y aura toujours des riches et des pauvres et se fera toujours baiser "

Il existe depuis longtemps une autre approche, qui n'est pas antagoniste non plus à la théorie et qui a été qualifiée plus tard de "politique préfigurative", et qui n'est rien d'autre que l'instauration de mini-mondes nouveaux dans la "coquille de l'ancien". Cette approche est aujourd'hui majoritaire dans les milieux "radicaux", qui ne se réclament pas forcément de l'anarchisme (il faudrait se demander pourquoi) et a été le plus souvent rejetée et moquée par l'anarchisme "historique". Cette "politique préfigurative" n'est pas l'invention d'"universitaires au chaux dans leurs facultés" comme en témoigne l'ancienneté des communautés anarchistes, entre autres exemples.

Il faudrait aussi se poser la question du fossé – y compris "classiste" en plus de culturel- qui se creuse entre anarchistes "historiques" et jeunes générations.

le vaste corpus de textes anarchistes existant à ce jour propose en effet des modalités d’action, mais très peu de fondements théoriques. Il est possible que ce travail ne puisse aboutir, révélant l’impossibilité d’une élaboration systémique de l’anarchisme, entraînant dès lors sa réfutation en tant que pensée, et le réduisant à une méthodologie de l’action : cette mise à l’épreuve paraît toutefois souhaitable, afin de déterminer si l’idéal révolutionnaire anarchiste se heurte oui ou non à une révolution impossible ; si tel était le cas, les anarchistes pourraient dès lors renouveler leurs conceptions.


Les fondements théoriques sont nombreux et aussi riches que ceux du marxisme, avec lequel il n''est plus forcément obligé de "rivaliser" aujourd'hui, à une époque où d'une part, sa domination sur le plan intellectuel a disparu et d'autre part, où les jeunes générations ont d'autres références.

Je m'inscris également en faux contre l'affirmation selon laquelle " l’impossibilité d’une élaboration systémique de l’anarchisme, [entraîneraît] dès lors sa réfutation en tant que pensée".

Il existe aujourd'hui, comme je pense il a toujours existé dans l'histoire de la pensée anarchiste un questionnement", plus qu'un "renouvellement" car le nouveau n'a pas a remplacé l'ancien. La zad ne remet pas en cause la justesse d'un théoricien anarchiste du dix-neuvième siècle dans son contexte historique. Quelle "élaboration systémique" de l'anarchisme aurait pu recouvrir les réalités des immigrants européens aux USA – qui composaient alors les milieux anarchistes européens – et les anarchistes américains d'aujourd'hui. A mon avis aucun, pas plus qu'une"élaboration systémique" de ce début du XXIème siècle ne sera valable dans un siècle.

L'anarchisme a survécu à tous les moments difficiles de l'histoire – et il y en a eu. Et mon hypothèse favorite est que cela est dû à des hommes et des femmes qui ont su, à travers leurs époques, adapter cette pensée aux circonstances auxquelles ils/elles faisaient face. Celles et ceux qui se réclament de l'anarchisme aujourd'hui ont également cette responsabilité, et cette capacité d'adaptation et d'évolution – source de toute vie – est la condition sine qua non, avec la bio-diversité, de la survie de l'anarchisme comme théorie et pratique, plus que toute "élaboration systémique"
digger
 
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