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Messagede Pïérô » 04 Jan 2010, 00:18

En effet, en plus on en avait parlé, j'avais commencé à bosser là dessus, et j'avais commencé à préparer çà :

Je retravaille la présentation et fais remonter en topic annonce plutôt qu'en post-it pour une meilleure visibilité et présentation.
Le truc c'est que l'on ne mette pas de titre sans aucun commentaire pour renvoyer du titre vers un post source dans lequel on trouvera des indications et commentaires, sinon on pourrait faire une liste de 3000 ouvrages sans que celà cause plus que çà. Je part du post de tète de topic déjà existant de L'autre facteur. Je ne touche pas à la liste première qu'il avait fait et qui avait lancé ce topic, car je pense qu'on aura pas de mal à présenter rapidement les ouvrages cités. Par contre il faudra pour ne pas se retrouver avec une liste illisible créer des rubriques. Et donc des idées et propositions pour les rubriques ? Et surtout, si quelqu'un-e a envie de s'occuper de cette partie, bienvenue...

Donc si çà te dit nirrorock, ce que tu pourras faire c'est faire un point règulier sur un post, indiquer dans qu'elle rubrique çà rentre, et préparer la présentation avec le renvoi vers le post pour qu'un admin édite ensuite sur le post de tête. çà te dit ? :D


Voilà la liste que j'avais commencé à faire en attendant. Reste à trouver le nom des rubriques pour mieux agencer celà et ce qui viendra, et commencer le rangement dans cette liste...


. Le droit à la paresse - Paul Lafargue : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p1673

. Qu'est ce que la propriété - Proudhon : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p1673

. Une fièvre impossible à négocier - lola lafon : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p3822

. De la horde à l'état - Eugène Enriquez : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p3822

. Anti-mondialisation" activisme et capitalisme 2 tomes : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p4151

. Les douze preuves de l'inexistence de Dieu - Sébastien Faure : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p5121

. Réponse à une croyante Sébastien Faure : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... rt=0#p5121

. L'État - Bernard Charbonneau : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... t=15#p7717

. *Deposseder les possedants*
La greve generale aux "temps heroiques"
du syndicalisme revolutionnaire (1895-1906)`- collectif : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p10376

. la ferme des animaux - Orwel : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p11942

. *La Fabrication du consentement*
De la propagande mediatique en democratie - Noam Chomsky & Edward Herman : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p13884

. Petit cours d'autodéfense intellectuelle (2005) - Normand Baillargeon : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p26882

. Les chiens ont soif (2001) - Normand Baillargeon : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p26882

. l'eloge de la fuite - laborit : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =30#p28840

. La police des écrivains - Bruno Fuligni : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =30#p49163


(science fiction )
. les monades urbaines - Silveberg : http://www.forum.anarchiste-revolutionn ... =15#p14958
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Messagede nirrorock » 04 Jan 2010, 00:32

le souci c'est que je ne connais aucun des ouvrages cités, même pas l'anarchisme de guerrin que je n'ai pas encore lu. Et je ne comprend pas à quoi correspond les rubriques où classer les livres. Si tu m'explique vraiment comme il faut (car j'ai pas non plus compris l'histoire de post it à éditer et tout ^^) ce que je dois faire et que je trouve du temps je le ferai !
* L'oppression d'un peuple ou même d'un simple individu est l'oppression de tous et l'on ne peut violer la liberté d'un seul sans violer la liberté de chacun. Bakounine
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Messagede Pïérô » 04 Jan 2010, 00:44

Ce n'est qu'une tache technique. Prendre le titre et ce qui va avec puis indiquer le renvoi vers le post correspondant comme j'ai fait plus haut. Ensuite un admin édite, c'est à dire qu'il fait un copier/coller, pour l'intègrer dans le post de tête (les admins peuvent rentrer/ éditer dans les post, mêmes ceux qui ne sont pas les leurs). Pour exemple je vais envoyer ce que j'ai mis plus haut dans le post de tête déjà pour commencer. :wink:
et remonter ce topic en annonce.
je pense qu'il est possible aussi d'avoir des permissions d'édition limitée à une partie du forum, pour que la personne qui serait intéressée pour tenir ce boulot puisse éditer directement justement.
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Messagede nirrorock » 04 Jan 2010, 09:41

pourquoi tu as mis des liens pour la description au lieu de la mettre directement? Et comment t'as mis des liens direct pour le bon post it ?
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Messagede Pïérô » 05 Jan 2010, 12:22

Celà permet d'avoir sur le post de tête du topic la liste, et de renvoyer vers la description, note de lecture, échanges, pour ne pas alourdir le post de tête et aller directement au post source par le lien mis.
Sur le comment, les administrateurs-trices ont cette capacité technique, c'est une permission spéciale, et il est possible de faire en sorte que la personne qui serait intéressée pour tenir cette rubrique puisse avoir une permission pour éditer dans cette partie du forum, pour éditer seulement dans ce topic par exemple, un mandat pour cette tache technique en quelque sorte. Et donc par exemple si celà te dit, c'est envisageable. Il faudra passer par la partie "gestion du forum", pour avalisation démocratique et collective par les membres du forum, comme pour les administrateurs globaux.
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Messagede nirrorock » 05 Jan 2010, 14:03

ah ouai je comprend mieux. J'essayerai de trouver le temps mais faudra qu'on en reparle plus en détail =)
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Messagede Pïérô » 01 Avr 2010, 07:37

sur réfractions, http://refractions.plusloin.org/spip.php?article356 :

Oeuvres de Bakounine sur Internet

Les six tomes des " Œuvres " de Michel Bakounine, compilées par Max Nettlau puis James Guillaume et publiées par les éditions Stocks (1895-1913) dans leur Bibliothèque sociologique, sont en ligne sur

http://fr.wikisource.org/wiki/Bakounine/%C5%92uvres

"Avant de publier ce volume d’œuvres inédites ou peu connues de Michel Bakounine, j’ai dû me demander quel choix il convenait de faire entre les écrits assez nombreux, soit manuscrits, soit épars dans des journaux ou recueils rares, oubliés ou introuvables, qu’a laissés Bakounine. Ces écrits ont été presque tous réunis ou retrouvés par moi, en même temps que je préparais une biographie complète de leur auteur et en vue même de cette biographie. Une petite partie d’entre eux — notamment le fragment publié en 1882 sous le titre de « Dieu et l’État » — sont seuls connus d’un nombre relativement considérable de lecteurs, mais les idées que Bakounine a propagées, soit par la parole, soit par l’action, animent aujourd’hui des milliers d’âmes. Pendant quarante années d’une vie tumultueuse, d’énergie et de pensée, Bakounine a publié, à toutes les époques de sa vie, des œuvres souvent d’un caractère transitoire, mais dont l’ensemble, étudié selon l’ordre chronologique, permettrait une exposition, particulièrement caractéristique, du développement des idées libertaires, idées qui, évoluant naturellement, ont abouti à l’anarchie. Tous ceux qui étudieront les œuvres de Bakounine, en y appliquant un esprit clairvoyant et surtout logique, reconnaîtront cette nécessaire évolution."

Max Nettlau, extrait de l’Introduction (tome I), 11 novembre 1894.


--------------------------------------------------------------------------------

Plus d’informations :

http://atelierdecreationlibertaire.com/ ... /#more-331

et Bibliographie des "Œuvres complètes" de Bakounine publiées en français ou multilingues

http://raforum.info/spip.php?article557
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Messagede Pïérô » 06 Mai 2010, 23:23

la revue "Socialisme ou Barbarie", depuis longtemps introuvable, hormis une anthologie publiée a Acratie est maintenant disponible en grande partie sur Internet : http://soubscan.org/.
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Messagede Pïérô » 28 Nov 2010, 19:54

Les travailleurs de la culture en lutte

Le syndicalisme d'action directe face aux transformations du capitalisme et de l'État dans le secteur de la culture

Irène Pereira, Editions d'ores et déjà, novembre 2010, 180 p., 8 euros.

Présentation de l'ouvrage :
Cet ouvrage s'adresse à tous ceux, militants, salariés du secteur de la culture et citoyens curieux, qui souhaitent mieux appréhender les transformations dans le secteur de la culture, les luttes syndicales et les mutations actuelles de l'État et du Capitalisme.
À partir d'une étude empirique, basée sur des entretiens avec des militants de SUD Culture Solidaires et des observations participantes au sein de cette organisation syndiale, cet ouvrage propose un panorama des évolutions et des problèmes qui se posent actuellement dans le secteur de la culture en France : éditions, médias d'information, exploitation cinématographique, conservation du patrimoine, spectacle vivant. Il présente des luttes et des actions menées par des syndicalistes en particulier par rapport au problème de la précarité ou contre la Révision générale des politiques publiques (RGPP).
L'ouvrage propose en outre une réflexion sur la place du syndicalisme face au capitalisme et à l'État. Il avance des pistes de réflexion pour comprendre l'État, le capitalisme et leurs relations aujourd'hui.

Présentation de l'auteure :
Iréne Pereira est docteure en sociologie, chercheuse associée au GSPM / EHESS et chargée de cours à l'Université. Par ailleurs salariée au Ministère de la Culture, elle milite au syndicat SUD Culture Solidaires. Elle est en outre co-fondatrice de l'Institut de Recherche, d'Étude et de formation sur le syndicalisme et les Mouvements sociaux (IRESMO) et auteure de plusieurs ouvrages d'études politiques dont: Anarchistes (La Ville Brûle, 2009), Peut-on être radical et pragmatique ? (Textuel, 2010), Les grammaires de la contestation(La découverte, 2010).

A commander aux éditions d'ores et déjà:
http://www.doresetdeja.f r/index.php?page=litterature
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Re: Bibliothèque

Messagede Pïérô » 09 Jan 2011, 10:40

Qu’est-ce que le fascisme ?
Un phénomène social d'hier et d'aujourd'hui.
de Larry Portis

Qu’est ce que le fascisme ? L’ouvrage ne pose pas qu’une question d’histoire. Il pose une question d’une brulante actualité. Car en explorant la variété des formes qu’ont pu prendre les fascismes -italien, allemand, français…- dans le passé et en faisant l’état des lieux de l’analyse historique, l’auteur relève une constante : son lien nécessaire et systématique avec le capitalisme. Le fascisme n’est jamais accidentel ou spontané : il est la réponse du capitalisme à la crise, lorsque parlementarisme, puis autoritarisme « ordinaire » ne permettent plus au système de se maintenir. Il est la réponse d’une oligarchie pour rester au pouvoir « quand plus rien d’autre ne marche »… Il est donc impératif de comprendre comment le fascisme naît, grandit et s’impose… Ce livre est déjà un acte de résistance.



Image . Image


entretien avec Larry Portis dans Alternative Libertaire de Décembre 2010 :

Entretien - Qu’est-ce que le fascisme ?

Larry Portis, ancien professeur à l’université de Montpellier, étasunien et auteur de plusieurs ouvrages d’histoire sur le syndicalisme et le fascisme, publie en décembre « Qu’est-ce que le fascisme ? » aux éditions Alternative libertaire. Il nous explique ses motivations et les idées clés de l’ouvrage.

Larry, après un premier livre intitulé Histoire du fascisme aux Etats-Unis, tu en proposes un deuxième sur la question, mais en situant plus largement le sujet. Pourquoi cette nouvelle exploration ?


Je m’intéresse à l’extrême droite depuis que j’ai commencé à me préoccuper sérieusement de politique, il y a 45 ans. La raison principale : j’ai vécu une grande partie de mon enfance dans le Montana aux Etats-Unis où la pensée et les organisations d’extrême droite sont très présentes. De fait, mes premiers articles dans l’hebdomadaire de l’université concernaient le financement par de grands groupes de ces mouvances. Anecdote amusante : ces articles m’ont valu la visite d’un lobbyiste envoyé par l’un des groupes mis en cause. Mais, pour l’avoir éconduit, j’ai retrouvé le pare brise de ma voiture mystérieusement pulvérisé !

Au delà des raisons personnelles, mon but est de montrer que le jeu des partis politiques est en grande partie un écran de fumée dissimulant les influences occultes et la violence permanente contre toute instauration d’une démocratie participative directe. Enquêter sur le fascisme mène forcément dans les coulisses de la scène politique, d’habitude invisible au grand nombre.

J’ai fait ce deuxième livre sur le fascisme pour deux raisons. Tout d’abord : je pense qu’on vit un moment où les idées et les mouvements fascisants ressurgissent dans le monde capitaliste et en conséquence, qu’il faut en parler et se préparer à les combattre, et les présenter d’une manière claire, débarrassée de certaines élucubrations universitaires ou autres. Deuxièmement, et puisque mon premier livre n’abordait pas d’une manière soutenue la question de la définition de fascisme, j’ai pensé qu’il fallait le faire. Je vois beaucoup de confusion sur la question, autant chez les militants progressistes que dans la population générale.

Tu demandes : « Qu’est-ce que le fascisme". Quelles difficultés pour y répondre ?

La première est qu’il s’agit d’un mot contesté dès ses origines. Comme d’autres mots en isme – « socialisme », « populisme » – celui de « fascisme » désigne un phénomène complexe touchant à toutes les dimensions de la vie sociétale contemporaine. Ils aident à identifier les processus qui structurent notre vie personnelle et notre devenir collectif. Mais s’ils sont essentiels, les mots sont toujours défaillants. « Fascisme » fait appel à l’imagination analytique tout en démystifiant un processus existant dans la réalité, processus historiquement situé dont les significations s’ancrent dans des idéologies.

L’autre difficulté est que le mot « fascisme » est réifié, c’est-à-dire que le mot devient un objet représentant une réalité en soi, un peu comme « classe sociale ». Alors, comment continuer de l’utiliser tout en maintenant un minimum de rigueur conceptuelle ?

Enfin : la vulgarisation du terme. On appelle trop souvent « fasciste » une manifestation de violence ou d’autorité quelconque. Oui, le fascisme use de violence, mais toutes les manifestations de violence ne sont pas proprement « fascistes ». L’intervention politique exige une plus grande clarté d’expression. Sinon on ne peut pas espérer changer les choses.

A te lire, il ressort qu’il y a un véritable enjeu à définir avec précision le fascisme. Pourquoi ça ? Et laquelle retiens-tu au final ?

Oui. L’enjeu est de taille parce que les idéologues capitalistes s’attachent à nier l’existence du fascisme, ou à en rejeter la responsabilité sur les victimes. Il est souvent avancé qu’en France ou aux Etats-Unis par exemple, un véritable fascisme n’a jamais existé, que le phénomène est spécifique à l’Italie de l’entre-deux guerres, ou que le nazisme n’était pas un « vrai » fascisme ! On fait aussi l’amalgame entre stalinisme et fascisme.

Or, il est faux de dire que les phénomènes sont identiques, ce qui serait fausser notre compréhension des dérives proprement socialistes. En disant qu’il n’y a pas de différence entre fascismes « brun » et « rouge »¬, on n’est pas loin de dire que le fascisme a été enfanté par les révolutionnaires libertaires. Et c’est ce que dit un idéologue notoire dont les livres sont vendus dans les librairies libertaires !

Quant à moi, je propose une définition simple et « générique » comme point de départ : le fascisme est un mode de contrôle politique autoritaire et totalitaire qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes en réponse à une crise économique. Il existe comme idée et mouvement, et non seulement comme régime politique. Phénomène social à la fois simple et complexe, il faut en accepter l’ambiguïté pour en comprendre la dialectique.

Peux-tu préciser pourquoi le rapport fascisme-capitalisme est si étroit ?

Le lien est direct entre, d’une part, le système de représentation politique développé avec l’émergence du capitalisme industriel et d’autre part, le fascisme.

Une certaine forme de liberté est au cœur du capitalisme : libre concurrence, mouvements libres des biens, des ressources, du capital et de la propriété, sont essentiels à son fonctionnement.

Parallèlement, le système politique qui sert à arbitrer entre les différents intérêts capitalistes est la démocratie représentative. Mais puisque ce système de production est aussi fondé sur l’exploitation, le système de représentation permet aux dominants, via les communications de masse et les institutions éducatives, de manipuler et contrôler l’apparence d’une égalité civique.

Il y a pourtant des moments où la production capitaliste entre en crise et ne peut plus subvenir aux besoins du plus grand nombre. C’est le moment où le système des institutions politiques devient dangereux, et si la masse des travailleurs devient trop exigeante et incontrôlable, des moyens exceptionnels de contrôle – autoritaires et totalitaires – sont appliqués. Les idées, les appareils politiques et leurs personnels sont toujours prêts, en attente, et soutenus par des possédants soucieux de garder leurs privilèges et leur pouvoir. C’est ainsi que le fascisme existe à l’état latent, ou larvé, à l’intérieur même des institutions politiques libérales, dites démocratiques.

Pour toi, racisme d’état, dérive autoritaire et sécuritaire ne suffisent pas pour parler de fascisme « réel ». Quelle est la situation aujourd’hui ?

Le racisme est une idéologie qui a ces origines dans l’essor du capitalisme commercial moderne impulsé par les conquêtes européennes des XVe et XVIe siècles. La notion de races conçues comme espèces humaines biologiquement inégales, a émergé pour justifier la domination et l’exploitation des « inférieurs ». Que cette idée persiste pendant l’ère industrielle et même « post-industrielle » n’est pas particulièrement étonnante.

Si dans la plupart des « démocraties » libérales, la discrimination implicite dans l’idée de « race » n’est pas acceptée formellement par les institutions, elle reste utile pour stigmatiser une partie de la population et mobiliser les autres. Diviser pour renier, créer des boucs émissaires en temps de « crise », autant des pratiques employées depuis toujours par patrons et politiques. Les fascistes pousseront la logique jusqu’au bout. Il y a de nos jours en France une « xénophobie d’État » s’appuyant sur des sous-entendus racistes sans pour autant affirmer de thèses racistes.

Mais les conditions se réunissent pour favoriser l’acceptation des attitudes et des idées exploitables par le fascisme. Si, comme je le pense, nous n’en sommes qu’au début d’une crise économique et politique capitaliste, il faut se préparer à lutter contre un renouveau du fascisme sous toutes ses formes.

Larry Portis Propos recueillis par Cuervo AL95

Larry Portis est notamment l’auteur de Les Classes sociales en France. Un débat inachevé (1988) ; IWW. Le syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis (2003) ; La Canaille ! Histoire sociale de la chanson française (2004) ; Histoire du fascisme aux Etats-Unis (2008).

Qu’est-ce que le Fascisme ? Larry Poris, édition Alternative libertaire,9€, 120 pages

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Re: Bibliothèque

Messagede Cramazouk » 05 Juin 2011, 11:02

Si vous êtes abonnés à Arrêt sur Images, le dernier Dans le Texte concerne un roman qui traite notamment de la révolution et du féminisme. Et l'auteure exprime sur le plateau des idéaux anarchistes qu'il est agréable d'entendre (clamant la nécessité d'une révolution violente, le fait qu'on soit déjà en état de guerre...).

http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=4068
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Re: Bibliothèque

Messagede SchwàrzLucks » 14 Avr 2012, 16:51

http://revueagone.revues.org/

Il est ici possible d'avoir un accès gratuit à d'anciens numéros de la revue "Agone", consacrée aux sciences humaines et politiques ainsi qu'aux réflexions politiques et philosophiques, laquelle est reliée à la maison d'édition éponyme.

http://chrhc.revues.org/

De même pour les "Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique" qui s'intéresse à des thèmes portant surtout sur le peuple, le dernier numéro étant consacré aux Bourses du travail.
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Re: Bibliothèque

Messagede Pïérô » 24 Déc 2014, 15:34

Réédition de Fascisme et grand capital

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Publié pour la première fois en 1936, complété en 1945 (Gallimard), repris par Maspero en 1965, puis par Syllepse (1999), La Découverte (2001) et enfin Libertalia (2014), Fascisme et grand capital est incontestablement un classique. Sa lecture reste essentielle alors même que l’Europe bruisse de tentations autoritaires sur fond de désespérance sociale et de crise économique.

Daniel Guérin adopte un modèle comparatif pour dégager les grandes tendances du fascisme, puis l’analyse, au cas par cas, en Italie et en Allemagne, avant, pendant, et après sa prise du pouvoir. Il étudie l’origine de ce mouvement, de ses troupes, et la mystique qui les anime ; sa tactique offensive face à celle, légaliste, du mouvement ouvrier ; le rôle des « plébéiens » ; la place des classes moyennes dans la lutte des classes ; son action antiouvrière et sa politique économique. Il dissipe ainsi les illusions anticapitalistes entretenues par le fascisme lui-même en montrant que son action bénéficie avant tout au capital économique et financier. L’auteur en tire un enseignement : « L’antifascisme est illusoire et fragile, qui se borne à la défensive et ne vise pas à abattre le capitalisme lui-même. »

La réédition proposée en cette fin d’année 2014 est à ce jour la plus complète. Elle comprend un prologue de l’auteur (« Quand le fascisme nous devançait »), une postface de Dwight MacDonald (première traduction intégrale) et un glossaire.

Du syndicalisme d’action directe au communisme libertaire, en passant par l’anticolonialisme et la libération sexuelle, Daniel Guérin (1904-1988) a été, dès le début des années 1930, de tous les combats de la gauche révolutionnaire. À la fois militant, essayiste et historien, il est l’auteur d’une vingtaine de livres, en particulier Bourgeois et bras-nus, Front populaire révolution manquée, Ni dieu ni maître.

Extrait, pages 31-35.


Avant de convoiter le pouvoir, le fascisme commence par user et terroriser le prolétariat à l’aide de ses milices. La gauche s’efforça de riposter par l’« autodéfense ouvrière[1] ». Mais son handicap, sur ce terrain choisi par l’adversaire, était manifeste. En Italie, en Allemagne, l’État bourgeois eut des trésors d’indulgence pour les bandes fascistes, tandis qu’il réprima, voire interdit, les groupes de protection de la classe ouvrière. Et la gauche, croyant de bonne tactique de se cramponner à la légalité, renonça elle-même à se servir de ces derniers. En France, la guerre civile ne dépassa pas le stade embryonnaire. Cependant les ligues purent tranquillement se reconstituer en dépit de la loi qui avait prononcé leur dissolution, tandis que cette même loi frappa des formations d’extrême gauche telles que l’Étoile nord-africaine.

Ensuite, le fascisme s’élance à la conquête de l’électeur par une tapageuse et cynique propagande. La gauche fut le témoin médusé de ces techniques nouvelles. Ici encore elle se trouva handicapée. Ces méthodes d’agitation qui s’avéraient si rentables, elle ne pouvait – ou n’aurait pas dû – les faire siennes : d’abord, parce qu’elle ne disposait pas des immenses ressources et des moyens publicitaires dont le grand capital pourvoyait le fascisme, ensuite parce qu’adopter la plupart de ces indignes procédés, c’était, pour elle, se renier. Et, cependant, trop souvent la gauche céda à la tentation du mimétisme. À force d’emprunter au fascisme, elle finit par lui ressembler. Elle s’exposa au risque que les foules ne fussent davantage sensibles à la propagande fasciste qu’à sa contrefaçon antifasciste. Alors qu’elle croyait se prémunir contre le fascisme en le singeant, elle envoya de l’eau à son moulin.

Énumérons quelques-uns de ces plagiats.

Le fascisme méprise les masses. Il n’hésite pas à les prendre par leur côté faible. Il les déclare féminines et il se complaît à les « violer ». Pour ce faire, il use de toutes sortes d’attrape-nigauds (symboles, grandioses mises en scène, etc.). Le socialisme, lui, ne méprise pas les masses. Il les voudrait meilleures qu’elles ne sont, à l’image de l’avant-garde du prolétariat dont il est l’émanation. Il devrait donc s’efforcer d’élever, et non d’abaisser, leur niveau intellectuel et moral. II ne devrait pas, comme le fascisme, faire appel aux instincts les plus grossiers des foules, à leur potentielle hystérie. Il n’empêche qu’au temps du Front populaire, un professeur, spécialiste du « viol des foules », était très écouté dans les milieux SFIO. N’était-ce pas lui qui, en Allemagne, avait cru conjurer les maléfices de la svastika hitlérienne en dotant les sociaux-démocrates des symboliques mais impuissantes trois flèches ?

Le fascisme exploite à son profit le sentiment religieux que des siècles de domination de l’homme par l’homme, d’ignorance et de misère ont profondément ancré dans les cervelles humaines. Le socialisme devrait faire appel à la seule raison et, au lieu d’exploiter à ses fins la religiosité des masses, viser à en détruire les racines matérielles. Cependant, la gauche, croyant ainsi gagner de vitesse le fascisme, voulut plagier un certain nombre de ses rituels, à commencer par le mythe de l’« homme providentiel », successivement emprunté par l’État fasciste à l’État stalinien, puis au fascisme par l’antifascisme. C’est ainsi qu’en 1936, on vit Léon Blum apparaître, dans des feux croisés de projecteurs, à des socialistes extasiés qui scandaient son nom jusqu’à épuisement et, dans la maison d’en face, le « fils du peuple » ne suscita pas moins le délire de ses fidèles. En inculquant au peuple de France, de traditions voltairiennes et libertaires, de tels comportements, n’a-t-on pas facilité, dans une certaine mesure, à plus longue échéance, l’éclosion du mythe du Maréchal « donnant sa vie pour la France » ?

Le fascisme n’hésite pas à séduire les masses au moyen d’une démagogie « passe-partout ». Il promet la lune à chaque catégorie sociale, sans se soucier d’accumuler les contradictions dans son programme. Le socialisme, parce qu’il respecte les masses, devrait ne pas suivre le fascisme sur ce terrain. Et pour une autre raison encore, qui nous ramène au problème des classes moyennes : le socialisme ne peut pas mélanger dans un adroit cocktail l’anticapitalisme régressif des petits bourgeois (qui voudrait revenir à l’« âge d’or » précapitaliste) et l’anticapitalisme progressif des ouvriers ; il doit souligner que la petite bourgeoisie et le prolétariat sont, chacun à sa façon, pressurés par le grand capital, afin de les associer dans la lutte immédiate contre les monopoles. Mais il devrait demeurer intransigeant sur les articles essentiels de son programme socialiste; autrement, il renoncerait à porter au capitalisme les coups décisifs, c’est-à-dire à promouvoir une société plus équitable et plus habitable pour tous ses membres. Et, pourtant, nous avons vu, en France, à partir de 1935, un grand parti ouvrier s’efforcer de disputer l’électeur au fascisme en imitant la démagogie « passe-partout » de ce dernier, au point que, parfois, ses auditeurs avaient peine à se convaincre qu’ils n’entendaient pas un discours du colonel de La Rocque.

De tous les instruments dont joue le Grock fasciste, celui dont il tire les plus beaux sons, c’est, sans contredit, le nationalisme. Et c’est aussi celui que la gauche eût dû le moins lui emprunter, puisque L’Internationale exprime, dans les langues du monde entier, son idéal de fraternité humaine. Cependant, la gauche, croyant ainsi disputer les « patriotes » au fascisme, a soudain introduit le mot nation dans son vocabulaire. Déjà, en 1923, pendant l’occupation de la Ruhr, le PC allemand s’était livré à la surenchère nationaliste, allant jusqu’à honorer le « martyr » Schlageter[2]. De 1930 à 1932, il récidiva de plus belle. En France, nous vîmes successivement les néo-socialistes inscrire la nation en tête de leur credo, tandis que nos camarades communistes s’époumonèrent à « aimer leur pays ». Mais la plupart des « patriotes », ainsi stimulés dans leur hystérie chauvine, mais toujours défiants à l’égard de la gauche, estimèrent que le fascisme était plus qualifié qu’elle pour incarner le nationalisme. Beaucoup d’entre eux, sous la houlette de Maurras, se rallieront finalement au Maréchal […].

Le fascisme, lorsqu’il a suffisamment capté les masses populaires par les artifices qui viennent d’être rappelés et qu’il a réussi à mettre dans son jeu, sinon la majorité, du moins une large fraction du corps électoral, se lance à la conquête du pouvoir. Mais il a une façon bien à lui de procéder. Il sait que cette conquête n’est pas pour lui une question de force. Il peut, en effet, compter sur l’acquiescement de l’aile de la bourgeoisie capitaliste la plus puissante économiquement et politiquement. Il est assuré, en outre, de la complicité des chefs, de l’armée et de la police, de la haute bureaucratie administrative ; quant aux politiciens qui sont encore à la tête de l’État bourgeois « démocratique », il n’ignore pas que, même si ces personnages ne lui sont pas entièrement acquis, ils ne lui opposeront pas de résistance armée : la solidarité de classe sera plus forte que les divergences d’intérêts ou de méthodes. Aussi, quand toutes les conditions psychologiques et constitutionnelles se trouvent remplies, s’installe-t-il, sans coup férir, dans l’État. Une fois solidement accroché au pouvoir, il en déloge sans peine les politiciens non fascistes dont on l’avait provisoirement encadré.

Le socialisme ne devrait pas s’y prendre de cette façon. Car il est, qu’il le veuille ou non, l’adversaire de classe de l’État bourgeois, même « démocratique ». Aussi ne peut-il conquérir le pouvoir que de haute lutte, en brisant, dès qu’il a réussi à s’introduire dans la place, la résistance acharnée de toutes les forces ennemies. S’il procède autrement, il peut sans doute « occuper le pouvoir », mais il ne le détiendra qu’en apparence et il y sera le prisonnier de l’appareil gouvernemental bourgeois. Le subtil Léon Blum avait depuis longtemps saisi cette élémentaire vérité. Et comme, par ailleurs, il était trop respectueux de l’ordre établi pour s’introduire dans l’État par effraction, il souhaitait n’avoir jamais à subir l’épreuve du pouvoir. Éloignez de moi ce calice ! Mais, en 1936, la gauche française, la tête tournée par la menace fasciste, crut qu’il était grand temps de cueillir le fruit mûr de l’État. Et, du fait qu’elle avait remporté une victoire électorale, grâce à sa coalition avec des partis bourgeois, elle s’imagina que la citadelle lui ouvrirait toutes grandes ses portes comme, ailleurs, elle l’avait fait pour le fascisme. Mais hélas, à Paris, le scénario se déroula tout autrement qu’à Rome ou à Berlin. Le gouvernement de Front populaire fut étranglé par l’État bourgeois avec lequel il avait eu la naïveté de vouloir s’identifier. Un seul exemple, particulièrement symbolique : le 16 mars 1937, à Clichy, malgré la présence d’un socialiste au ministère de l’Intérieur, la police et la garde mobile tirèrent, non pas sur les bandes fascistes qui s’y étaient rassemblées, mais sur des ouvriers socialistes ; il y eut plusieurs morts et, parmi les blessés, le chef de cabinet socialiste du président du Conseil socialiste[3]. Et, tandis qu’en Italie et en Allemagne, les chaperons non fascistes avaient été promptement éjectés du gouvernement, en France, ce furent les ministres non socialistes du Front populaire qui restèrent seuls maîtres de la place. Blum, après avoir laissé, à contrecœur, s’approcher de lui le calice, ne fit rien pour l’empêcher de s’éloigner. »
1.Lire Mathias Bouchenot, Tenir la rue. L’autodéfense socialiste 1929-1938, Libertalia, 2014. [NDE] [↩]
2.Engagé volontaire durant la Première Guerre mondiale, Albert Léo Schlageter (1894-1923) participe aux Freikorps en 1919 et devient un activiste nationaliste. Chef d’un groupe clandestin qui s’oppose à l’occupation française de la Ruhr, il est arrêté et jugé par un tribunal militaire français qui le condamne à mort pour espionnage et sabotage. Fusillé le 26 mai, il devient un héros et un martyr pour les nationalistes et l’extrême droite allemande, tandis que le dirigeant communiste Karl Radek, dans un discours célèbre, le dépeint comme un « pèlerin du néant », un « courageux contre-révolutionnaire ». Après 1933, Schlageter deviendra une des principales figures héroïques du régime nazi. Lire Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires, Hermann, 1972, p. 97-101. [NDE] [↩]
3.Sur la manifestation de Clichy, lire le témoignage de Daniel Guérin in Front populaire…, op. cit., p. 209-211 et l’analyse de Mathias Bouchenot in Tenir la rue, op. cit., p. 217-237. [NDE] [↩]


http://lahorde.samizdat.net/2014/12/09/ ... tion-2014/


Réédition de Fascisme et grand capital :
cinq questions à Charles Jacquier

« Oui, nos camarades de combat, nos aînés sont ceux-là dont on se rit parce qu’ils n’ont pas la force et sont apparemment seuls. Mais ils ne le sont pas. La servitude seule est solitaire, même lorsqu’elle se couvre de mille bouches pour applaudir la force. Ce que ceux-là au contraire ont maintenu, nous en vivons encore aujourd’hui. S’ils ne l’avaient pas maintenu, nous ne vivrions de rien. » (Albert Camus)

Après l’entretien avec Guillaume Davranche à l’occasion de la sortie de Trop jeunes pour mourir, voici une seconde rencontre pour un autre ouvrage chez le même éditeur, Libertalia, qu’il faut remercier de ces publications si précieuses !

Bien qu’il s’en défende, Charles Jacquier est l’un des grands connaisseurs du mouvement ouvrier révolutionnaire de l’entre-deux-guerres. Au cours des quinze dernières années, ce postier, adhérent de SUD-PTT, a largement contribué au renouveau éditorial critique en proposant de nouvelles publications des travaux de Maurice Dommanget, Franz Jung, Marcel Martinet, Victor Serge et quelques autres. Il vient tout juste de coordonner la réédition du précieux Fascisme et grand capital de Daniel Guérin (éditions Libertalia, novembre 2014), aussi avons-nous décidé de lui donner la parole.

Pourriez-vous revenir sur l’histoire éditoriale de Fascisme et grand capital ? Que proposez-vous de nouveau avec cette édition ?

Charles Jacquier - Fascisme et grand capital est en effet un livre qui a une longue histoire. Son auteur, alors jeune militant proche de la revue syndicaliste La Révolution prolétarienne, avait effectué deux voyages en Allemagne, l’un durant l’été 1932, l’autre au printemps 1933. À son retour, il publia des articles dans divers périodiques : pour le premier, l’hebdomadaire d’Henri Barbusse Monde, La Révolution prolétarienne, et le magazine Regards ; essentiellement le quotidien socialiste Le Populaire pour le second. On peut retrouver ce témoignage, épuré, dans La Peste brune. D’autre part, dès l’arrivée des premiers militants allemands antinazis à Paris, Daniel Guérin eut l’idée de réunir certains d’entre eux pour mettre les milieux révolutionnaires français « à l’école des réfugiés allemands » afin de bénéficier « de leurs connaissances théoriques et de leur expérience pratique ». Il s’agissait de tirer les leçons des erreurs du mouvement ouvrier allemand pour ne pas les répéter dans d’autres pays confrontés au fascisme. Mais, comme souvent, la proximité de l’événement et les questions de personnes prirent le dessus sur la discussion théorique. Cela constitua néanmoins une première prise de contact entre militants français (outre Guérin lui-même, Michel et Simone Collinet, René Lefeuvre, Magdeleine Paz, Marceau Pivert, Simone Weil) et allemands (Ruth Fischer, Paul Frölich, Boris Goldenberg, Kurt Landau, Arkadi Maslov, August Thalheimer, Jakob Walcher). C’est d’ailleurs Simone Weil qui l’incita à entreprendre cette étude « afin de combattre le fascisme au moyen de recherches érudites ». La première édition de Fascisme et grand capital a paru chez Gallimard en 1936 à la suite d’une intervention d’André Malraux. Comme l’explique l’auteur, le but de l’ouvrage était le suivant : « Exposer les véritables raisons de la victoire fasciste ; démasquer, sans ménagement, les défaillances des partis ouvriers vaincus, que d’autres s’obstinaient à camoufler ; convaincre le lecteur qu’on ne pouvait pas combattre le fascisme en s’accrochant à la planche pourrie de la démocratie bourgeoise, qu’il fallait donc choisir entre fascisme et socialisme… » Mais, explique-t-il encore, « quand le livre atteignit l’étalage des librairies, alors que le rédacteur avait, depuis belle lurette, repris sa tâche de militant, le mouvement ouvrier était déjà fourvoyé, irréparablement dans une direction contraire à celle qu’on l’adjurait de prendre ; sous couleur de combattre le fascisme, il s’était accouplé avec une démocratie bourgeoise en putréfaction ». Cependant, le livre poursuivit sa route et fit l’objet de traductions, notamment aux États-Unis en 1938.

Après-guerre, une édition revue et actualisée est publiée en 1945, toujours chez Gallimard, puis aux éditions Maspero en 1965. Le livre y reparaît régulièrement et passe en poche dans la « Petite Collection Maspero ». Les premiers titres paraissent en 1967, et sous le titre de Sur le fascisme qui porte les numéros 45 et 46 (sur les 278 titres que compte la collection) sont réédités La Peste brune (volume I) et Fascisme et grand capital (volume II). La dernière édition de poche date de 1983. Sur le fascisme sera repris en 2001 dans la collection « Redécouverte » des éditions la Découverte (qui avaient récupéré le fonds Maspero) – une collection de réimpression à l’identique avec un tout petit tirage. Deux ans auparavant, Fascisme et grand capital avait aussi fait l’objet d’une réédition dans une coédition Syllepse et Phénix éditions dans le contexte de la montée de l’extrême droite en Europe, avec une préface d’Alain Bihr, sociologue et auteur de Pour en finir avec le Front national (1992) et Le spectre de l’extrême droite – Les Français et le Front national (1998). Voilà pour la longue histoire de ce livre.

Alors que l’extrême droite progresse partout en Europe – en particulier en France –, il m’a semblé nécessaire de remettre ce titre en circulation alors qu’il n’avait plus été réédité depuis une quinzaine d’années en proposant une véritable nouvelle édition augmentée. D’abord par l’ajout de deux textes : l’un écrit par Guérin lui-même après-guerre où il revenait sur la politique de la gauche française face au fascisme durant la décennie 1930-1940 ; l’autre de l’essayiste états-unien Dwight Macdonald, écrit à l’occasion de la traduction américaine du livre et qui n’avait jamais été traduit intégralement en français. Ce dernier permettait d’éclairer la question du fascisme aux États-Unis durant les années 1930, mais aussi de poser le problème des possibilités, ou non, d’extension d’un mouvement fasciste dans un pays de tradition démocratique à l’économie développée… Il m’a aussi semblé nécessaire d’évoquer dans un glossaire quelques-uns des militants, la plupart oubliés, qui avaient accompagné, ou inspiré Daniel Guérin dans ses recherches sur le fascisme. Enfin, il importait d’actualiser les références pour le lecteur d’aujourd’hui et de préciser tel ou tel point à l’aune des connaissances ultérieures ou bien en résonance avec l’actualité. Je pense, par exemple, à l’urgence de souligner la confusion volontairement entretenue par les milieux proches d’Alain Soral sur tel auteur ou tel sujet, tout à fait typique d’une idéologie véritablement fasciste, et pas seulement droitière et réactionnaire…

Daniel Guérin n’est pas un inconnu pour vous. Vous avez participé à la réédition de Front populaire révolution manquée (Agone, 2013). Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce singulier militant ?

Charles Jacquier - J’ai en effet été à l’initiative de la réédition récente de Front populaire révolution manquée qui est avec Fascisme et grand capital, Bourgeois et bras-nus et Ni dieu ni maître, l’un des principaux livres de Guérin – et ce sans minimiser l’intérêt de ses autres ouvrages. Front populaire révolution manquée donne à la fois un témoignage irremplaçable sur l’extrême gauche des années 1930 et, surtout, une analyse remarquable sur une expérience emblématique de la « gauche » au pouvoir qui doit être connue du plus grand nombre dans toutes ses dimensions – y compris de politique internationale. Disons seulement ici que, contrairement aux discours habituels sur une prétendue gauche qui aurait longtemps vraiment « essayé » de changer la vie, avant d’y renoncer seulement durant les années 1980, le livre de Guérin permet d’en constater le caractère fallacieux. Sans remonter à la politique d’Union sacrée en 1914 ou à celle de Guy Mollet durant la guerre d’Algérie, rappelons simplement que les acquis sociaux du Front populaire résultent beaucoup plus de la « grande frousse » du patronat en juin 1936 face aux grèves avec occupations que d’une volonté propre du gouvernement socialiste de l’époque. Ce dernier, avec l’aide active du PCF, s’emploiera à faire rentrer dans son lit le mouvement gréviste – « Il faut savoir terminer une grève ! » dira le leader du PCF – et à amplifier ses reculs devant la contre-offensive du patronat qui débute dès l’automne de la même année…

Quant au parcours de Daniel Guérin, il est en effet singulier : de la grande bourgeoisie libérale dreyfusarde de son milieu d’origine jusqu’au communisme libertaire en passant par le syndicalisme révolutionnaire, le socialisme de gauche, le compagnonnage – critique – avec le trotskisme, mais aussi l’anticolonialisme, l’antimilitarisme et la libération homosexuelle dont il fut un précurseur. En attendant la grande biographie que doit lui consacrer l’historien britannique David Berry, j’invite le lecteur désireux d’en savoir plus à lire, ou à relire, ses livres autobiographiques (en particulier Front populaire révolution manquée) et la notice que lui a consacrée le Dictionnaire Maitron. En précisant qu’aborder son parcours à partir du début des années 1930, c’est plonger dans l’histoire des combats de la gauche révolutionnaire durant un demi-siècle…

En quoi Fascisme et grand capital est-il un classique ? Quelles sont les thèses défendues ?

Charles Jacquier - L’histoire même de Fascisme et grand capital évoquée plus haut indique sans conteste que cet ouvrage est un classique pour le mouvement social : un livre réédité régulièrement de 1936 à nos jours en est nécessairement un, si les mots ont un sens. Il est aussi présent dans l’historiographie sur le sujet. C’est par exemple le cas dans le livre de Pierre Ayçoberry, La Question nazie. Celui-ci présente, analyse, critique les différentes interprétations du national-socialisme, à partir des années 1920. Il lui consacre de longs commentaires : « Fascisme et grand capital tranche, souligne-t-il, sur la grisaille de la production de la gauche française par l’abondance de l’information, la rigueur du raisonnement, le souci de la comparaison internationale ». On retrouve bien ces trois éléments dans le livre qui, en alternant sur chaque période et pour chaque sujet analyses en Italie et en Allemagne, part de ses origines et de ses bailleurs de fonds, présente ses troupes, sa mystique, son idéologie démagogique, sa tactique et sa doctrine, avant et après la prise du pouvoir. Parmi de nombreux points à retenir, signalons les analyses de Daniel Guérin sur le prétendu anticapitalisme du fascisme qui se mue en nationalisme et en antisémitisme, et celles qui concernent ses contradictions internes entre « plébéiens » et partisans d’une dictature militaro-policière classique – les premiers perdant la partie une fois au pouvoir, même si l’État fasciste doit leur donner des satisfactions apparentes pour maintenir l’illusion de tenir compte des aspirations du courant plébéien qui lui assure une base sociale…

Cet ouvrage peut-il encore servir les luttes d’aujourd’hui ?

Charles Jacquier - Il est évident que les luttes actuelles ont besoin d’analyses inédites pour penser le nouveau qui advient dans l’histoire. Mais il est non moins évident que la connaissance du passé éclaire le présent et que, dans le cas qui nous occupe, le fascisme se présente comme un « phénomène non pas local, mais de caractère universel » comme le souligne Guérin. Il possède un certain nombre de traits récurrents, en particulier son caractère interclassiste. À chaque classe, ou fraction de classe, le fascisme tient un discours démagogique spécifique pour lui donner l’illusion de prendre en compte ses intérêts alors qu’il travaille au maintien du capitalisme par des méthodes autoritaires, puis totalitaires ; sa politique vis-à-vis des classes moyennes qu’il prétend défendre alors qu’il ne fait que diviser la majorité du salariat pour mieux régner ; ou encore, par-dessus tout, le « miracle psychologique » qu’il réalise : « transmuer en enthousiasme et en esprit de sacrifice le mécontentement, la misère de larges couches populaires ».

Vous êtes un spécialiste des minoritaires de l’entre-deux-guerres : Simone Weil, Boris Souvarine, Marcel Martinet… Pourquoi un tel intérêt pour cet objet d’étude. En quoi ces figures peuvent-elles éclairer notre présent ?

Charles Jacquier - Je ne suis spécialiste en rien ; en revanche il est vrai que je m’intéresse depuis longtemps à des personnalités comme celles que vous mentionnez – et quelques autres, comme, par exemple, dans le mouvement anarchiste des militants comme André Prudhommeaux ou Charles Ridel, connu après-guerre sous le nom de Louis Mercier Vega, une fédération de pseudonymes à lui tout seul. Parmi les premiers livres que j’ai lus sur ce sujet, il y avait ceux de Daniel Guérin (Front populaire révolution manquée) et de Jean Rabaut, Tout est possible ! (Les « gauchistes » français 1929-1945). Ce dernier faisait revivre en historien et en témoin les grands moments de cette époque et l’ensemble de ses protagonistes, anarchistes, communistes dissidents, socialistes de gauche, syndicalistes révolutionnaires, trotskistes, etc., et de grandes figures comme Pierre Monatte, Marceau Pivert, Victor Serge, Boris Souvarine, Léon Trotski, Simone Weil, etc. Libertalia a fort opportunément décidé de rééditer cette belle synthèse l’an prochain, et ce sera, je l’espère, l’occasion pour de nouveaux lecteurs de découvrir une partie méconnue et oubliée de l’histoire de l’extrême gauche française qui permet de porter un regard critique nouveau sur l’histoire de ces années sombres…
Pour comprendre cet intérêt, il faut partir d’un constat simple : toutes les composantes du mouvement ouvrier d’avant 1914 ont échoué devant la Première Guerre mondiale. Dans les années qui ont suivi, et pour longtemps – pour ne pas dire pour toujours –, ce mouvement s’est enchaîné au char des États, qu’ils soient bourgeois ou staliniens, tandis que la contre-révolution dominait le monde durant « la guerre de trente ans » des États capitalistes pour la suprématie mondiale, entre 1914 et 1945. Après la Seconde Guerre mondiale et les nouveaux rapports de force qui en découlent, il y a, comme l’a écrit alors Louis Mercier, une « presque totale inexistence du prolétariat […] dans la candidature à la succession du capitalisme », ses forces étant mobilisées pour soutenir l’un ou l’autre camp impérialiste dans le cadre de la guerre froide. Le vieux slogan de la Ire Internationale selon lequel « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » a donc été enterré en août 1914 et, depuis, il me semble que les aspirations du mouvement ouvrier de cette époque ne sont plus représentées que par de petites minorités révolutionnaires qui doivent à la fois conserver la flamme originelle et penser les transformations incessantes du capitalisme pour perdurer et étendre son emprise. Celles-ci, et en particulier les personnalités que nous avons évoquées, et quelques autres, nous relient aux aspirations originelles du mouvement ouvrier, mais ont aussi su comprendre la nature des différentes formes de la contre-révolution (fascisme, nazisme, stalinisme) et la transformation de nature qu’ont connue les grandes organisations censées représenter le mouvement ouvrier (partis et syndicats dominants), œuvrant désormais au profit de politiques étatiques et non de l’autonomie ouvrière pour l’abolition du salariat et de l’État. C’est Albert Camus qui a su le mieux définir le rapport que nous devons avoir avec ces minorités révolutionnaires qui ont su préserver « la chance fragile d’une renaissance » en évoquant le parcours d’Alfred Rosmer : « Oui, nos camarades de combat, nos aînés sont ceux-là dont on se rit parce qu’ils n’ont pas la force et sont apparemment seuls. Mais ils ne le sont pas. La servitude seule est solitaire, même lorsqu’elle se couvre de mille bouches pour applaudir la force. Ce que ceux-là au contraire ont maintenu, nous en vivons encore aujourd’hui. S’ils ne l’avaient pas maintenu, nous ne vivrions de rien. »

Propos recueillis par Jacques Collin.

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Re: Bibliothèque

Messagede bipbip » 28 Nov 2016, 16:13

1936...à travers « Le Libertaire »
Collectif

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Le Front populaire fut autre chose que des occupations d’usines et les congés payés. Ce fut aussi une étape révolutionnaire avortée du fait des mandarins syndicaux et des apparatchiks staliniens. Un moment où la social-démocratie va reculer devant le fascisme en refusant son aide à la révolution espagnole. Le Libertaire de cette époque énonce cela très clairement, comment un projet qui reste encore au cœur de la mémoire populaire fut vidé de sa substance.
Étrange similitude avec la situation d’hier (1981 et le programme commun) et celle d’aujourd’hui qui voit le parti socialiste vendre son âme au social-libéralisme.

1936...à travers « Le Libertaire »
Collectif, préface de René Berthier, 142 pages, 13 euros

http://librairie-publico.com/spip.php?article2063
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Re: Bibliothèque

Messagede bipbip » 20 Aoû 2017, 14:29

Affinités NON électives

Un livre de René Berthier

Une coédition les éditions du Monde Libertaire et les éditions Libertaires


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L’histoire nous a habitués à ne voir dans les rapports entre anarchistes et marxistes qu’une opposition irréductible entre deux courants du mouvement ouvrier que tout sépare. Cette opposition ne saurait être sous-estimée, et encore moins occultée. Mais à plus d’un siècle de distance il serait temps d’aborder les choses d’un point de vue dépassioné.

L’élaboration théorique de penseurs comme Proudhon, Marx ou Bakounine doit être restituée dans le lent mouvement de travail qui, au 19eme siècle, tente de mettre en place un instrument d’analyse permettant de comprendre les mécanismes de la société capitaliste.

Ces convergences ne sauraient occulter le fait que les régimes politiques se réclamant de l’héritage de Marx ont fait couler beaucoup de sang ouvrirer.

Il faudra bien un jour rendre des comptes et ne pas se contenter de dire: "Kronstadt? Oui, c’était une erreur...

http://www.federation-anarchiste.org/?g ... kngrupr9v1
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