Les « antisystèmes »

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Messagede bipbip » 13 Jan 2017, 18:49

Les « antisystèmes » au service des dominants et du capital

Politique : Les « antisystèmes » au service des dominants et du capital

Le plus souvent d’extrême droite, mais aussi parfois libéraux, voire de gauche, les politiciens se revendiquant « antisystème » se multiplient depuis quelques années. Utilisant une rhétorique semblable, sous-tendue par des orientations politiques diverses, ils prospèrent sur un vide idéologique très éloigné de la critique radicale de la démocratie libérale et du capitalisme.

Trump aux États-Unis, Le Pen ou Soral en France, Orbán en Hongrie, Grillo en Italie, Ukip au Royaume-Uni, AfD en Allemagne, PiS en Pologne… l’extrême droite pullule partout dans le monde en se proclamant « antisystème ». L’épidémie antisystémiste touche également à droite (feu Sarkozy, Fillon et Macron à leur façon...) et même à gauche (Mélenchon, Podemos en Espagne). Le concept a d’ailleurs un certain succès, comme l’a montré l’élection de Trump.

Jeu verbal

La recette ? Capitaliser sur la détestation largement répandue dans la population « des élites » ou de « la caste », et pointer la corruption des dirigeants. On peut partager ces avis, mais cette critique (superficielle) du système politique s’accompagne souvent de messages nauséabonds à l’égard des immigré.es ou des musulmans et musulmanes, des fonctionnaires et des intellectuel.les, des salarié.es privé.es d’emploi ou au RSA, tous et toutes considéré.es comme des parasites. Il s’agit aussi de « donner un grand coup de pied dans la fourmilière », de « briser les tabous », de combattre « le politiquement correct » et « la pensée unique » : des éléments de langage galvaudés pour véhiculer un programme réactionnaire.

Bien sûr, se proclamer antisystème n’est, dans le cas des individus mentionnés, que pur jeu verbal. Quand ceux qui s’en réclament ne sont pas des politiciens traînant dans les couloirs des assemblées depuis des décennies, comme Fillon (lire aussi page 4) ou Mélenchon, on est face à des hommes d’affaires à la fortune acquise de façon douteuse, comme Trump. L’homme d’affaires et Président élu des États-Unis, qui entrera en fonction le 20 janvier, serait en effet, selon Forbes, à la tête d’une fortune de 3,7 milliards de dollars, ce qui en ferait la 324e fortune mondiale. Il a pourtant réussi à glaner des voix dans les classes populaires blanches américaines, à la faveur d’une rhétorique qui promettait de mettre à bas l’establishment, mais aussi au moyen de saillies racistes et sexistes. Et il faut reconnaître que la candidate malheureuse, Hillary Clinton, fait partie du sérail, et qu’elle apparaissait avec raison comme la candidate de Wall Street.

Pourtant, Donald Trump a d’ores et déjà préparé un cabinet plein de grands fauves du monde des affaires ou du Parti républicain. Il a ainsi annoncé que le prochain secrétaire au Trésor serait Steven Mnuchin, un financier très connecté à Wall Street et ancien de Goldman Sachs. Goldman Sachs, cette banque renflouée par la Réserve fédérale après la crise des subprimes ? L’archétype des collusions entre un pouvoir politique corrompu et un système financier vérolé ? Oui oui… Autre exemple : Wilbur Ross, qui doit occuper le poste de ministre du Commerce. Surnommé le « roi de la banqueroute », parce que son business consistait à « sauver » des entreprises en difficulté, il a ainsi engrangé une fortune de 2,3 milliards de dollars selon le magazine Forbes... Il a surtout aidé Donald Trump quand ses casinos d’Atlantic City battaient de l’aile dans les années 1980, ce qui valait bien un renvoi d’ascenseur. On fait mieux pour un antisystème, mais peu importe, l’important n’est pas ce qu’on fait une fois au pouvoir mais ce qu’on dit, car c’est ça qui permet d’être élu.

Le double discours des Le Pen

Les Le Pen en témoignent également. Rien dans leur programme ne remet en cause le patrimoine des possédants, dont ils font partie. D’où un discours ambigu sur quantité de sujets (retraites, Sécu, loi travail), afin de satisfaire les diverses franges de leur électorat, de la vieille droite conservatrice catholique à un électorat plus populaire, sans doute raciste et homophobe, mais qui ne voit pas d’un bon œil les mesures destinées à enrichir encore ceux qui ont déjà beaucoup.

Marine Le Pen a ainsi pu déclarer que « François Fillon a le pire programme de casse sociale qui n’ait jamais existé », et que « jamais aucun candidat n’est allé aussi loin dans la soumission aux exigences ultralibérales de l’Union européenne ». À cela, elle oppose « la proposition patriote de Marine Le Pen, avec le patriotisme économique, la priorité nationale, la protection de nos entreprises face à la concurrence internationale déloyale ». Sa conclusion : « Et le projet de monsieur Fillon avec la suppression de la Sécurité sociale, la suppression de la durée légale du travail, la dérégulation totale. Les Français choisiront. »

On le voit, face à un Fillon très à droite auquel elle pourrait être opposée au second tour, elle doit « gauchir » son discours. Pourtant, le FN ne promet pas exactement un paradis socialiste : « Nous sommes d’authentiques libéraux au niveau national, et des protectionnistes raisonnés à l’extérieur, a ainsi pu déclarer Bernard Monot, animateur du comité chargé de rédiger le programme économique du FN, cité par Le Monde. Le FN est l’ami de toutes les entreprises, des plus petites à celles du CAC 40, à condition qu’elles embauchent, investissent et payent leurs impôts en France. » Marine Le Pen n’est d’ailleurs pas sur une autre ligne : lors de son discours de clôture des Estivales à Fréjus (Var), le 17 septembre, elle a ainsi pu déclarer qu’« il faut à la fois que s’allègent à l’intérieur les contraintes et l’injustice fiscales (…) et que se renforcent à l’extérieur le principe de la préférence pour soi et de primauté de la nation ». Bref, le FN, incarnation de l’antisystème, antipartis, ni gauche ni droite, essaie surtout de jouer sur deux tableaux : social d’un côté, pro-entreprises de l’autre, le tout enrobé de patriotisme économique.

Pente glissante de la xénophobie

Tous les antisystème ne se proclament pas tels pour les mêmes raisons, et ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac. Il ne s’agit pas de renvoyer Le Pen et Mélenchon dos à dos sous prétexte qu’ils usent de certains traits rhétoriques semblables, car le contenu associé est différent.

Néanmoins, même les antisystèmes de gauche marchent parfois sur la pente glissante de la xénophobie. Mélenchon se positionne par exemple sur une ligne patriote de gauche. Il nie, bien sûr, qu’elle soit contradictoire avec l’internationalisme. Pourtant, il a pu parler en juillet dernier, au Parlement européen, du « travailleur détaché, qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place ». Il a aussi pu défendre, dans une interview au Monde du 25 août, l’immigration choisie : « Je n’ai jamais été pour la liberté d’installation et je ne vais pas commencer aujourd’hui. Est-ce que, s’il venait 10 000 médecins s’installer en France, ce serait une chance ? Oui. » Comment expliquer de tels positionnements, qui ne sont guère susceptibles de rallier à sa cause une part importante de l’électorat de gauche ? Sans doute tente-t-il de séduire des électeurs et électrices du FN, qu’il considère comme un électorat potentiel, dans une vision fantasmée des classes populaires comme se défiant des immigré.es. Il est certain que, faute d’une véritable analyse de classe, les candidats antisystème de gauche s’orientent ainsi vers une politique souverainiste et protectionniste, faisant du « peuple » le fondement de leur projet politique, en retrait par rapport à une analyse matérialiste de classe. Et cela peut amener à des positions flirtant avec celles des souverainistes de droite, xénophobes et anti-immigrés.

En réalité, la rhétorique antisystème est d’abord une rhétorique démagogique, destinée à plaire le plus largement possible, y compris à des personnes qui ne sont pas d’accord entre elles. Évidemment, rejeter « le système » est très courant, mais tout le monde ne fait pas reposer cela sur les mêmes orientations idéologiques, et il est donc préférable pour les candidats de ne pas trop détromper l’électeur ou l’électrice potentiel.le en éclaircissant la nature de la révolution envisagée (libérale ? conservatrice ? nationale ? nationale-socialiste ?…). Tout le monde étant contre le « système », mais ne mettant pas forcément la même chose dessous, mieux vaut se garder de définir quoi que ce soit.

Il en résulte une bouillie idéologique assez informe, qui se montre par exemple dans les rapports, assez partagés chez les autoproclamés antisystèmes de tout bord, avec Poutine et les positionnements sur la question syrienne. Ainsi, Trump, Le Pen, Fillon ou Mélenchon, de tendances politiques différentes, n’en partagent pas moins une fascination manifeste pour le despote du Kremlin. Rien que de très naturel pour une Le Pen, dont les affinités politiques avec Poutine sont manifestes, et qui par ailleurs en reçoit des fonds. C’est plus étrange pour Trump, étant donné la rivalité historique de son pays avec la Russie, ou pour Fillon, à l’heure où la droite française est plutôt atlantiste. Et il est carrément contre-nature pour Mélenchon de soutenir un dirigeant d’extrême droite jusque dans son intervention aux côtés d’Assad dans le massacre de la population d’Alep. Mais ce type de postures assure à moindre frais une allure de rebelle, en l’occurrence contre l’impérialisme US, même s’il s’agit en fait de soutenir des positions tout aussi impérialistes, et par ailleurs franchement d’extrême droite, du côté russe ou syrien.

Flou idéologique

On voit le flou idéologique qui entoure la rhétorique des antisystèmes. Il peut être interprété comme le refus, le plus souvent intéressé, de mener du « système » une critique radicale.

Les antisystèmes critiquent ainsi beaucoup les hommes politiques installés, y compris quand ils sont eux-mêmes des hommes politiques installés, mais ne soumettent jamais ce système à une critique de fond. Et pour cause : ils ont généralement pour objectif de s’emparer dudit pouvoir, éventuellement en accentuant davantage le côté antidémocratique de celui-ci par une personnalisation accrue. Ils défendent l’idée que les mauvaises personnes sont au pouvoir, et non que les institutions sont dans leurs fondements non démocratiques, vouées à générer de la corruption et à mettre les élus en état d’apesanteur par rapport aux classes populaires. Ils laissent penser que, s’ils étaient élus, tout marcherait pour le mieux, moyennant éventuellement un ravalement de façade du régime politique (passage à la VIe République par exemple).

De même, sur le versant économique, les antisystèmes ne pointent jamais le véritable responsable de la crise et de la pauvreté : le capitalisme. Quelques-uns feront semblant de promouvoir la redistribution des richesses, critiqueront les aspects les plus libéraux du capitalisme, d’autres prétendront au contraire pousser ces aspects à leur paroxysme dans une approche résolument individualiste et antiétatiste, mais aucun (pas même ceux de gauche) ne met en avant les antagonismes de classes dans la société et la nécessité d’exproprier les possédants.

Ces critiques radicales ne sont aujourd’hui menées que par l’extrême gauche, notamment libertaire. Il est plus qu’urgent que nous nous donnions les moyens de faire en sorte que la colère du plus grand nombre trouve un débouché dans les mouvements sociaux et non dans le vote pour des démagogues autocrates.

Vincent (AL Paris-Sud)



Vous avez dit « populisme » ?

Les antisystèmes autoproclamés sont souvent taxés de « populistes » par leurs adversaires politiques ou les médias. Au moyen d’un terme renvoyant au peuple, ces derniers cherchent à disqualifier d’emblée certaines propositions politiques, comme si tout ce qui venait des classes populaires était forcément mortifère. Ils viennent ainsi accréditer précisément ce que les antisystèmes font semblant de remettre en cause : la brisure entre les élites politiques, économiques et médiatiques et le reste de la population. Par ailleurs, il faut noter que ce que les adversaires dudit « populisme » lui reprochent sont souvent des choses qu’eux-mêmes ont largement promues. La haine des immigré.es trouve ainsi ses racines très largement dans le traitement qu’une partie des médias et certains hommes politiques dans ou en dehors des gouvernements ont imposé, avant de se rendre compte que cela nourrissait l’extrême droite. On pourrait faire le même constat sur les fonctionnaires où les salarié.es privé.es d’emploi.


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Re: Les « antisystèmes »

Messagede bipbip » 09 Fév 2017, 14:29

Le Système et les systèmes

« Le Pen, Mélenchon, Macron : en quoi consiste ce fameux “système” auquel tous s’opposent ? » demandait le 5 février un article du Monde à propos de l’usage de ce terme par des candidats à la présidentielle aussi différents. Nos élèves ont dû avoir l’impression de se trouver en terrain connu, tant le terme, comme son pendant « antisystème », est omniprésent sur les réseaux sociaux, depuis notamment que Dieudonné l’a vulgarisé en l’associant à son geste de la « quenelle » présenté comme un « geste anti-système ».

Mais le flou même qui entoure cette notion invite à l’interroger. Au-delà des différences de sens que chacun attache, dans le détail, à ce mot (1), il est nécessaire de s’intéresser à l’origine de cet emploi pour éviter de se faire piéger.

Dans le langage courant, en français, « système » désigne un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon certaines règles, comme dans le système nerveux, le système métrique ou un système de quelque chose (d’exploitation, de défense, …). Dans le domaine social, on parlera ainsi de système éducatif, de système financier, de système économique, de système communiste, de système libéral, etc., mais le mot est toujours suivi d’un qualificatif ou d’un complément. Se prononcer contre le système socialiste ou contre le système libéral implique une analyse, une argumentation, et partant la possibilité d’un débat.

Au contraire, suivant un procédé étudié pour d’autres cas similaires, c’est un emploi absolu, sans qualificatif ni complément, que font les extrêmes droites du mot « système » (souvent avec une majuscule), ce qui évite de se référer à un domaine précis et de se situer politiquement, et exclut donc l’argumentation au profit d’une profération chargée d’affect. En France, tous les mouvements et partis d’extrême droite, et plus encore leurs sectateurs, ont ainsi, à un moment ou à un autre, baptisé « système », sans autre précision, les éléments sociaux qu’ils rejettent, dans un inventaire à la Prévert qui va, suivant les groupes et le moment, des « intellectuels » aux « sionistes », des « politiques » aux « people », des « nantis » aux « assistés », des « journalistes » aux « élites », des « étrangers » aux « profiteurs » …

D’un point de vue linguistique, il y a là un changement de signifié, transformant le mot (logos) en mythe (muthos) au sens de parole dépolitisée mais porteuse d’idéologie que Barthes donne à ce terme. Derrière le mot « système » prononcé par les extrêmes droites se dresse non pas un système particulier duquel on puisse débattre rationnellement, mais le monde abhorré et mythifié de toutes les fonctions et personnes qu’elles rejettent et méprisent viscéralement, le fantasme général de l’abjection socio-politique, ce qui permet de « ratisser large » auprès de tous ceux qui sont en proie à quelque ressentiment. Point n’est alors besoin d’expliciter, de recourir à l’analyse, à l’argumentation, à la raison : la profération du mot suffit à susciter le rejet.

De manière comparable, le philologue Victor Klemperer avait montré, dans son ouvrage LTI, La langue du IIIe Reich (2), comment le nazisme, déjà, avait subverti la culture allemande par le recours à une manipulation du langage, à l’utilisation dans un sens connoté de certains termes courants, et il donnait notamment comme exemple, précisément, "système", opposé par les nazis à "organisation" et devenu intrinsèquement porteur d’un "blâme métaphorique".

Parallèlement, les extrêmes droites ont forgé le terme « anti-système ». L’historien Nicolas Lebourg le fait remonter au Rassemblement national créé en 1954 par Tixier-Vignancour (3). Le Front national a développé ce thème, et Marine Le Pen le reprend d’abondance, se définissant lors des élections présidentielles de 2012 comme « la seule candidate anti-système ». De même, par exemple, le mouvement « nationaliste révolutionnaire » Nouvelle Résistance entendait en 1991 constituer un "front anti-système" regroupant les "radicaux" de tous bords. Il n’est pas jusqu’au parti « national-bolchévique » PCN, qui n’écrive en 2002 « Notre but c’est la subversion du Système ».

La prégnance du terme et de la notion de « système » dans l’idéologie d’extrême droite se manifeste jusque dans les conflits internes à celle-ci et les anathèmes que se lancent les différents courants : le site extrémiste la-flamme.fr titrait ainsi le 13 novembre 2013 : « Marine Le Pen alliée du système contre Minute ». Et Alain Soral veut en 2014 créer un nouveau parti au motif que « le Front national, après l’éviction de Jean-Marie Le Pen, est entré dans le système, il faut bien qu’il y ait un nouveau parti antisystème »…

Il s’agit là d’imposer une vision nouvelle du politique, visant à remettre en cause radicalement aussi bien la notion marxienne de lutte des classes que la distinction classique entre droite et gauche. Une variante plus élaborée a été développée dans les années 1990 par la Nouvelle Droite qui entendait substituer à l’opposition entre la droite et la gauche une opposition entre « le centre », aussi appelé « le système », et « la périphérie » constituée de tous ceux, de droite ou de gauche, qui s’y opposent, ce qui permet, par parenthèse, de légitimer les rapprochements « rouges-bruns », que ce soit à la mode soralienne ou à la façon identitaire.

En 2001, l’actuel dirigeant des Identitaires, Fabrice Robert, dont les références allaient des frères nazis Strasser à Guevara, expliquait à propos du site « Bleu Blanc Rock » qu’il venait de créer : « L’objectif, à terme, est de bâtir un portail de la scène musicale anti-système et enracinée. Et de se faire côtoyer Fraction, Ile de France, Vae Victis avec des groupes tels que Sepultura, EV, Tri Yann ou encore Madball. Ces formations musicales peuvent ne pas être totalement en phase avec nos idées. Au fond, peu importe. »

Et c’est ce « peu importe » qui est essentiel : il ne s’agit pas pour l’extrême droite de susciter une adhésion raisonnée, qui la conduirait sans doute à rester éternellement minoritaire ; il s’agit de créer une attraction à partir de réactions affectives, voire irrationnelles ou pulsionnelles. C’est à cela que sert cet emploi absolu du nom « système », à dépolitiser le débat, les revendications populaires et les luttes sociales, au profit de réactions identitaires fondées sur le ressentiment, sur une vision complotiste des rapports sociaux, sur un confusionnisme savamment orchestré.

Se dire « antisystème » permet de se donner à peu de frais, sans nécessiter une analyse, une posture de « rebelle » qui peut séduire en particulier des jeunes – nos élèves – en manque de repères politiques, mais qui repose en fait sur des schémas et des concepts d’extrême droite.

Il est ainsi particulièrement affligeant de voir ce concept de « système » repris dans les rangs des mouvements de gauche, car c’est, en reprenant consciemment ou non les mots et les notions forgés par les extrêmes droites, se placer sur leur terrain et ouvrir un boulevard à l’intégration de leur conception du monde et, au final, à l’adhésion à leurs idées.

(1) Voir aussi Cécile Alduy, Ce qu’ils disent vraiment, Seuil, 2017.
(2) Traduction française, Paris, Albin Michel, 1996. LTI est l’abréviation du latin Lingua Tertii Imperii, "La langue du troisième Reich".
(3) « Le Front national et la galaxie des extrêmes droites radicales », dans Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer, Les Faux-semblants du Front national : sociologie d’un parti politique, Presses de Sciences Po, 2015.


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Re: Les « antisystèmes »

Messagede bipbip » 14 Fév 2017, 14:46

Montpellier mercredi 15 février 2017

Apéro/ Débat sur les anti système

Cet apéritif débat organisé par Alternative Libertaire Montpellier cible les rouge-bruns.

Image

Ces "intellectuels" ont tous une posture anti-système. On verra que l' "antisystème" ne veut rien dire. Ces penseurs, font reference à des idées de gauche pour finir par des idioties réactionnaires et parviennent à berner de nombreuses personnes.

Chouard commence par une référence à la démocratie athénienne pour finir par une critique de la finance qui confine à l'anti-sémitisme.

Zemmour fait référence à Marx fréquemment et se prétend l'ennemi du système alors qu'il a été grassement rémunéré par les chaines publiques. Son programme : la France du Maréchal Pétain.

Soral se prétend anticapitaliste et même antit-raciste. Pourtant, son message ne contient rien d'autre que des saillies antisémites et anti-femmes....

Nous vous invitons a venir débattre de ces faux anti-systèmes et vrais larbins du capital le 15 février à 19 h30 au Barricade

http://al-montpellier.over-blog.com/201 ... steme.html
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Re: Les « antisystèmes »

Messagede bipbip » 09 Mar 2018, 01:53

Anti système, vous avez dit anti-système ?

Etre contre le système est devenu à la mode. Pourtant, cette rhétorique facile et démagogique ne propose aucune réelle remise en cause des fondements du capitalisme. De plus, ce terme vient au départ de l’extrême droite. Voici pourquoi…

Depuis les années 1980, on observe un glissement du discours politique vers une rhétorique antisystème, en parallèle de la montée du FN. Faute de lutter efficacement contre la progression d’un parti qui se nourrit des frustrations et de la peur du déclassement, les principaux partis de gauche comme de droite ont copié certains termes et certains points issus du programme frontiste.

Notons que l’extrême droite prétend toujours s’inscrire dans une rhétorique antisystème, bien que ce discours ait tendance à dépasser ce courant politique. Qu’est-ce que ce système dont on parle tant ? Sa définition change selon les postures politiques : ce serait celui des partis, des oligarques, des médias, des réseaux, ou de la « caste »… Chaque personnalité politique définit le système comme l’ensemble des forces qui s’opposent à sa candidature, à son projet. Cela produit des définitions souvent contradictoires et vagues.

Par définition, le système est donc relativement flou. Il constitue un ennemi absolu dont l’absence de nom précis ou de cadre représente le danger. Ne pas nommer son adversaire précisément permet de se positionner en rebelle dévoilant un secret, mais aussi de ne pas prendre de risques inconsidérés.

Contrairement aux analyses marxistes traditionnelles définissant avec précision la bourgeoisie et les autres classes sociales par rapport à leur place dans les rapports de production, dans l’organisation de la société, les antisystèmes d’aujourd’hui entretiennent volontairement ce flou. L’extrême droite et les autres antisystèmes ne souhaitent pas totalement modifier le système politique ni abolir l’économie capitaliste – au contraire. Pour autant, toutes ces personnes ont besoin de marquer la rupture face à une série de gouvernements tous plus haïs les uns que les autres par les classes populaires. Aujourd’hui la posture antisystème est devenue hégémonique parmi les personnalités politiques.

D’où vient donc cette véritable mode qui voit se positionner contre le système des personnalités politiques telles que François Fillon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, qui ont pourtant tous profité au maximum du système politique français ?

Cette question est directement liée à la survivance et au développement d’un discours issu de l’extrême droite historique. Les premiers politiciens et organisations à se revendiquer antisystèmes sont en effet marqués à l’extrême droite : sous la Cinquième République, cette stratégie de démarcation a été portée par les héritiers du mouvement poujadiste, dont le député Jean-Marie le Pen, puis logiquement par le Front National à partir de la fin des années 1970.

Il s’agit d’une stratégie typique de l’extrême droite : comme le reste de son discours, elle permet d’affirmer une position de rupture avec les institutions et la classe politique, en dénonçant tel groupe ou tel individu, mais sans jamais entrer dans une analyse détaillée des rouages du système social et économique. A une époque où des parties conséquentes des classes populaires cherchent des réponses à la crise profonde du modèle capitaliste, avec les conséquences sociales que l’on connaît, le discours antisystème permet de marquer des points sans prendre de risque. Il est donc logique qu’il ait été peu à peu récupéré par d’autres acteurs politiques – des sociaux-démocrates aux conservateurs. Avec une conséquence tragique : la légitimation d’une grille d’analyse irrationnelle, où il ne s’agit plus d’analyser le monde qui nous entoure en se basant sur des faits rationnels, mais de mobiliser le peuple dans une dénonciation permanente d’une élite indéfinissable, toute-puissante et généralement étrangère à la nation. Un discours pavant la voie au fascisme, mouvement politique le plus à l’aise avec cette lecture antimatérialiste du monde.

De l’antisystème au complot

La dénonciation permanente du système n’est pourtant pas seulement le fait de politiques en mal de popularité. Elle touche une partie importante des classes populaires, à travers les théories du complot. Lorsque ces théories font office d’analyse politique, on parle de complotisme.

Qu’est-ce que le complotisme ? Il s’agit d’une vision du monde considérant que l’ensemble des phénomènes politiques – changements de régime, attentats, mouvements sociaux, guerres, révolutions – sont le fait d’une stratégie concertée mise en place par des élites occultes ou des groupes organisés de manière secrète.

Qui sont ces personnes agissant dans l’ombre ? Inutile de donner un aperçu complet de toutes les théories plus ou moins loufoques, citons simplement quelques exemples, du plus raisonnable au plus délirant : les oligarques, les services secrets, les entreprises pharmaceutiques, les sectes religieuses, les francs-maçons, les Américains, les Russes, les marxistes, les sionistes (voire directement les Juifs), les Illuminati, Satan, les extraterrestres ou les hommes-lézards déguisés en humains… Des groupes croient sérieusement à chacune de ses possibilités, confirmant leur croyance en analysant méticuleusement chaque détail, chaque point d’ombre de l’actualité, avec une conclusion déjà en tête. L’absence même de preuves du complot devient en elle-même une preuve !

Notons que la plupart de ces théories contradictoires reflètent des éléments au carrefour de la culture religieuse et de la culture populaire contemporaine, et notamment des séries et films : croyance d’une lutte cachée entre bien et mal, existence de forces occultes voulant nuire à l’humanité, rôle héroïque de quelques individus découvrant la vérité malgré l’opposition d’une masse de moutons manipulés, etc. Ces théories ont existé depuis le début de l’époque moderne, notamment chez les royalistes voyant dans la Révolution française un complot satanique de la franc-maçonnerie, puis dans la révolution russe un complot juif. Si elles se développent aujourd’hui, c’est dans un contexte favorable où l’analyse marxiste a perdu du terrain et où les nouveaux moyens de communication permettent de populariser rapidement n’importe quelle théorie accrocheuse, correspondant à une lecture manichéenne.

Le développement des mouvements d’extrême droite s’est toujours largement appuyé sur de telles croyances, justifiant les pires crimes. Sans remonter jusqu’au nazisme, ce sont les théories complotistes qui ont permis de persécuter les minorités religieuses, sexuelles ou ethniques dans des pays tels que les USA, la Russie, l’Iran… Ou la France.

Les complots historiques

Quant aux exemples de complots historiques, ils ne vont pas vraiment dans le sens des nationalistes. Prenons l’exemple de la Guerre Froide : sur tous les continents, les deux blocs se sont opposés par tous les moyens, conduisant les Etats-Unis à développer des opérations clandestines anticommunistes très poussées, notamment en Asie et en Amérique latine, mais aussi en Europe. Dans le cadre de cette « stratégie de la tension », les réseaux de renseignement américains se sont alliés en Italie à une partie de l’armée, à des forces de police, à des industriels, et à des néofascistes pour déstabiliser le pays. Cela a conduit à l’organisation de nombreux attentats sanglants par le réseau Gladio. Le but étant de faire croire à un danger révolutionnaire, pour faciliter l’organisation d’un coup d’état militaire sur le modèle grec. La « stratégie de la tension » a tous les éléments d’un bon complot : des attentats utilisés pour manipuler l’opinion, l’implication de la loge maçonnique P2 et des américains, l’infiltration de groupes politiques, l’appui des élites conservatrices… Seulement, ce complot historique soutenait l’extrême droite pour liquider la gauche italienne.

Alors, la classe sociale détenant les moyens de production pratique-t-elle vraiment des sacrifices d’enfants les soirs de pleine lune devant des idoles païennes ? C’est peu probable, puisqu’elle est déjà au pouvoir. Pour autant, même si la bourgeoisie entretient ses propres associations, clubs et réseaux, dont le plus connu est la franc-maçonnerie, ce qui s’y passe n’est pas fondamental : ce sont les décisions finales du pouvoir, affectant nos vies au quotidien, et tout à fait publiques, qui transforment la société. Et en retour, une critique utile des élites ne peut se baser sur des mythes, d’autant plus s’ils reprennent des clichés religieux ou racistes. La réalité est en elle-même bien suffisante pour provoquer le dégoût, le scandale et la rébellion

L’extrême droite, sans parvenir au pouvoir, depuis quelques années exerce une importante influence sur la vie politique en France et en Europe. Chasse aux pauvres sous couvert de lutte contre l’insécurité, violences policières légitimées et exacerbées, panique morale vis-à-vis de l’Islam, état d’urgence, tentatives de mettre en place la déchéance de nationalité… Toutes ces politiques ont un point commun : être nées dans les esprits de l’extrême droite, et sont devenues la norme. Cette série d’articles extraits du livre « Temps obscurs, extrême droite et nationalisme en France et en Europe », écrit par des contributeurs au site 19h17.info et du blog Feu de prairie, ont pour objectif de mieux comprendre ce retour en force et le danger qu’il implique pour nous.


Lien vers le livre : https://editionsacratie.com/temps-obscu ... en-europe/


https://www.19h17.info/2018/03/05/anti- ... i-systeme/
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