Post-modernisme et luttes sociales

Post-modernisme et luttes sociales

Messagede abel chemoul » 04 Nov 2016, 15:05

Luttes post-coloniales, féminisme queer, antiracisme qui parle de "racisé-e-s". toutes ces théories ont le même fondement idéologique qui remonte aux années 70, les French théories, aussi appelées théories post-modernes. Récemment, les tenants de ces théories ont agressé des participants à une réunions à la librairie Mille babords et se rencontrent partout, gangrénant toutes les orgas d'extrême-gauche. Alors, le post-modernisme, c'est quoi? En voici une présentation par Renaud Garcia lors du camping d'été de l'OCL.
R.Garcia a aussi écrit un livre sur le sujet chez L'échappée. Bouquin intéressant mais un peu complexe quand on ne connait pas le sujet à la base ou qu'on n'est pas calé en philosophie, à mon avis.

http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1889
Le postmodernisme, une mode qui sape la critique sociale ?

Intervention de Renaud Garcia

lundi 17 octobre 2016, par ocl-lyon

Les théories postmodernes doivent être critiquées, pas uniquement pour le plaisir de la joute intellectuelle. Ces idées à la mode exercent une réelle capacité d’influence dans les milieux altermondialistes, autonomes et alternatifs en nous proposant de passer d’une critique de l’exploitation, d’une critique du pouvoir qui s’exerce sur les exploités, à une critique des normes : la critique sociale revient alors à déconstruire toute norme, à desserrer l’« étau » des règles de vie collectives, ce qui conduit logiquement à une recherche frénétique de la singularité, à une sorte d’exode pour échapper à toute contrainte. D’un anarchisme social, lié à la lutte des classes on passe ainsi à un « anarchisme mode de vie » déjà critiqué en son temps par Bookchin.
Renaud Garcia, auteur du Désert de la critique (Paris, L’Échappée 2015), dans lequel il montre en quoi les théories de la « déconstruction » sapent la critique sociale, encouragent la marchandisation et le déferlement technologique et conviennent parfaitement à une société libérale et atomisée, est venu présenter son livre et animer un débat lors des rencontres libertaires de l’été organisées par l’OCL.

Le postmodernisme est un courant de pensée qui peut être assimilé à une mode intellectuelle qui a migré de l’université et des sphères « radicales-chic », à certains courants de gauche qui peuvent fricoter avec le gouvernement mais aussi qui se réclament de l’anticapitalisme (Clémentine Autain, le NPA ou certains milieux anarchistes), en s’orientant vers une certaine critique tous azimuts de la domination.
Définition a minima

Si le terme de postmodernisme est très marqué au niveau universitaire il demeure quand même assez flou. Par exemple Fredric Jameson, un universitaire marxiste américain analyste de la pensée postmoderne, conclut après 600 pages que cette dernière n’est pas quelque chose que l’on peut fixer une fois pour toutes et qu’il est par conséquent difficile de la définir. Il précise simplement que selon lui il s’agit d’une logique culturelle liée à un capitalisme tardif : avec la fin de l’étalon or, l’hégémonie culturelle américaine se met en place entre 1945 et 1973. Le sens des choses, des productions humaines est alors dilué dans le fétichisme de la marchandise avec un effet de fausse distanciation. Les premières manifestations de ce post modernisme, on les trouve dans l’architecture et on note une collusion entre l’art qui accepte sa propre marchandisation (Andy Warhol) et le commerce.

Mais au delà de ce flou il y a quand même trois thèmes récurrents : Le simulacre, l’absence de l’Histoire, et la Vie intense.
Premièrement, à peu près tout ce qui nous entoure relève du simulacre. Le simulacre c’est ce qui imite… une copie dont l’original va disparaître. Par exemple, une chanson à l’origine folklorique, reprise ensuite sur un vinyl puis sur CD, puis sur MP3… au bout du compte l’original a disparu, on n’a plus que des reflets. Et s’il n’y a plus que des simulacres il n’y a plus de références, s’il n’y a plus de références, il n’y a plus que de la parodie sans référent ultime.
Le deuxième point est qu’il n’y a plus d’histoire, c’est une mode intellectuelle qui ne pense que le présent.
La troisième idée est que les émotions relèvent toutes de l’intensité, et qu’il y a des sentiments qui deviennent inadéquats à la réalité postmoderne. Jameson analyse le cri, le tableau de Munch, et dit que ce tableau qui exprime l’aliénation et l’angoisse face au monde moderne ne pourrait plus être peint dans un monde post moderne car il exprime des sentiments qui ne s’y retrouvent plus (sentiment d’être aliénés, angoissés face à des puissances détachées). On est simplement face à une vie intense, l’euphorie est le sentiment premier de la postmodernité.

Ces trois fondements sont liés à l’essor des nouvelles technologies, dans un monde de reflet et de spectacle (dans le sens de Debord).
Le discours de la french theory

Le discours et les thèses d’un certain nombre d’universitaires français des années 1970 (Derrida, Foucault, Deleuze et Guattari, etc.) se sont exportés aux USA, où ils sont devenus des icônes dans les facs de lettres, puis sont revenus en France sous forme d’appareil critique dont vont s’emparer les milieux de gauche, notamment à la suite de l’effondrement du bloc soviétique.

Selon Derrida (en quelque sorte le dépositaire du mot déconstruction) toute référence stable, toute origine est une illusion, tout est en fait construit. Ce qu’on prend pour une origine est un effet de répétition où on a oublié ce qui était divergent, mineur, potentiellement perturbant pour la norme. Derrida s’attaque essentiellement à des textes philosophiques, de manière très intellectuelle, puis il étend la critique aux institutions. Par exemple, on habitue les gens à être carnivore, ce qui n’est pas anodin car c’est lié à une conception de la subjectivité en Occident : un sujet bourgeois maître de lui-même, qui ingurgite ce qui n’est pas lui, qui absorbe la différence et s’institue comme maître par rapport à toutes les expressions de la faiblesse (l’enfant, la femme, l’animal). La philosophie occidentale a construit un sujet essentiellement masculin, viril, carnivore etc. qui a toujours mis de côté les figures de la fragilité et de la faiblesse.

Deleuze et Guattari nous disent, entre autres choses reprises dans les milieux libertaires, que comprendre un texte n’est pas essentiel. L’important c’est de sentir qu’on se connecte avec lui et ensuite on l’interprète comme on veut.

Quant à Foucault, tout dans son œuvre touche à la déconstruction, sans qu’il s’en revendique lui-même, comme sa théorie du pouvoir dans ses études sur la prison ou dans La volonté de savoir. Il estime que le pouvoir a été mal compris par les marxistes et par les anarchistes au premier chef. Ces derniers auraient une conception rudimentaire du pouvoir : c’est l’Etat (ou le capital) et il s’exerce de manière verticale sur les individus qui auraient une capacité et des potentialités de s’y opposer en s’alliant collectivement et en menant une lutte au nom de principes abstraits du type plus de justice, plus de liberté. Selon Foucault quand on est dans ce schéma on est dans l’erreur car on alimente la domination qu’on subit parce que le pouvoir ce n’est pas quelque chose d’extérieur à nous, il nous traverse, on est produit et construits par lui et c’est donc un leurre de vouloir s’opposer à l’Etat ou au capitalisme au nom de potentialités qui seraient réprimées… impossible parce qu’il n’y a rien d’autre à retrouver en dehors du système.

C’est typiquement ce que signifie Jameson lorsqu’il dit que « la distance a été abolie dans l’espace du post modernisme », autrement dit la possibilité de se mettre à l’écart en ayant un point de référence qui permette d’organiser un critique sociale et culturelle. Par exemple, une critique de type écologique va prétendre que dans la nature il y a des choses à préserver qui valent le coup d’être défendues face à la société industrielle ou au capitalisme. Selon les postmodernes ça veut dire que vous préservez une référence critique extérieure et que donc ça ne peut marcher (ne serait-ce que parce qu’il n’existe quasiment plus de portions de « nature » qui n’ait été contaminée par l’activité humaine). Si vous dites que l’inconscient et le psychisme sont détruits ou déséquilibrés par la société actuelle, à leurs yeux ça ne marche pas car ils disent que tout ça a déjà été colonisé par la société dans laquelle on vit. Foucault nous dit que nous sommes pris, englobés dans quelque chose qui nous dépasse et dont nous sommes les produits.

Jusque là on reste au niveau de la théorie, du discours philosophique. Le problème est que la théorie va se diffuser et animer tout un milieu de lutte et l’on passe ainsi concrètement d’une critique de l’exploitation et de l’aliénation (1) à une critique généralisée de la domination, terme qui revient constamment dans leurs écrits.

Or, quand je suis dominé (selon l’acception du terme utilisée par la déconstruction), il y a en moi un aspect de ma singularité qui n’est pas reconnu et je suis face à des individus qui bénéficient de privilèges par rapport à moi. Par exemple les omnivores exercent une domination sur l’animal, un vegan porte dans sa singularité la lutte contre cette domination. Un hétérosexuel ou un homosexuel obéissent autant l’un que l’autre à un régime sexuel établi et normé. On peut considérer qu’ils portent en eux une domination ; ceux qu’on appelle les queers (au départ une insulte signifiant « bizarre », « louche », qui a été retournée contre les agresseurs) qui forment une partie d’un nouveau féminisme, considèrent que nous n’avons pas à passer par des orientations sexuelles codifiées mais qu’il faut tout le temps se réinventer en réinventant son genre (le genre est mouvant, plastique, sans référence). Même par la manière dont on se tient, comme un mec, comme une femme ou autre, on reproduit tout le temps notre genre comme sur une pièce de théâtre (cf. Judith Butler). Autre exemple la domination des blancs sur les non blancs (telle que le PIR la considère) entre aussi dans ce schéma.

L’idée de mon bouquin c’est qu’à partir de ces conceptions, va se développer une méfiance vis-à-vis de tous les concepts qui permettent de mener une lutte englobante et commune. La critique sociale se singularise. Par exemple on va se méfier du terme de nature. Ce qui est bien sûr souvent justifié, car quand on dit « c’est dans la nature », on valide pour une éternité les rapports sociaux. La question est de savoir jusqu’à quel point se méfier, car il y a un seuil qui est toujours franchi avec la déconstruction. Certes la déconstruction a mis en évidence des oppressions, pas seulement de classe, qui n’étaient pas toujours vues et prises en compte dans le cadre marxiste ou anarchiste. Mais cette critique poussée au delà de ce seuil conduit à diluer et à fragmenter les oppressions que nous subissons et qui devraient permettre de mener des combats communs. Ces multiples fragmentations peuvent se multiplier à l’infini autant qu’il y a de dominations.

C’est ainsi que naissent de nouveaux terrains contre la domination : le validisme (les gens en bonne santé sont privilégiés dans notre société), l’âgisme (Bonnardel sur la domination contre les enfants – de quel droit un adulte peut-il imposer quelque chose chose à un enfant). A Marseille il y a un café uniquement réservé aux queers sourds ! (Ces derniers en effet cumulent les dominations, et sont à l’intersection de plusieurs dominations.), etc.
Les effets

Nous arrivons là sur le terrain de la pratique.
Quand on veut déconstruire on lutte contre les essences et contre tout discours essentialiste. On considère que rien n’est naturel puisque construit. Par exemple il n’existe ni féminin ni masculin, il n’y a que des individus qui jouent le rôle de… (performatif dit Judith Butler)… chacun performe son genre chaque jour.
Le problème c’est que les déconstructionnistes reproduisent à l’infini des normes et des sous-catégories. C’est particulièrement visible dans le discours des indigènes de la république qui vont parler de Blancs, de non blancs, de Français de souche etc. Au nom d’un discours post colonialiste ils reproduisent des catégories dans un cycle qui n’a pas de fin. Et si vous critiquez ça vous allez être considéré comme quelqu’un qui veut maintenir la société et les dominations telles qu’elles sont et donc au choix totalitaire, réactionnaire ou fasciste.

C’est ce qui m’est arrivé à St-Jean du Gard où je présentais mon livre. Deux jeunes femmes m’ont interpellé me reprochant d’avoir mentionné qu’une des têtes pensantes du féminisme queer avait changé de sexe, ce qui était, selon elles, une notation de type homophobe et transphobe… Et je n’ai plus vraiment pu continuer la discussion avec d’autres personnes présentes et intéressées à d’autres questions…

Un autre exemple à Paris, une bibliothèque anarchiste La Discordia qui organisait un débat sur l’islamophobie (janvier 2016) a vu son local couvert de tags et sa vitrine cassée avec l’explication qu’y seraient véhiculées des théories racistes et homophobes et qu’elle serait donc une courroie de transmission des idéologies du pouvoir. C’est qu’ils refusent d’utiliser des concepts (comme islamophobie) issus du discours postcolonial issu lui-même des travaux de Foucault sur l’histoire et la race. Une position tout à fait justifiée car ce n’est pas une phobie de l’Islam qu’on a en France c’est tout simplement une phobie basique et bas du front de l’Arabe.

Prenons un extrait du livre Les blancs, les Juifs et nous de Houria Bouteldja : « ce sont les effets du patriarcat blanc et raciste qui exacerbent les rapports de genre en milieu indigène c’est pourquoi un féministe décolonial doit avoir comme impératif de refuser radicalement les discours et les pratiques qui stigmatisent nos frères et qui dans le même mouvement innocentent le patriarcat blanc. » Au bout du compte cela veut dire que si les autorités françaises arrêtaient de faire des contrôles au faciès, les frères non blancs se conduiraient de manière un peu plus respectueuse des femmes non blanches parce que ces dernières deviennent finalement le réceptacle de leur frustration… Cela conduit à légitimer la tolérance du viol… en milieu indigène !

Ce genre de raisonnement produit trois effets :
• Un effet psychologique qui est dévitalisant pour les militants… Ça devient épuisant car derrière tout ça il y a une course à la radicalité… Je cumule plus de dominations que toi et j’ai donc plus de légitimité à parler. Il existe en plus des injonctions à ne pas parler, à se mettre en retrait parce qu’on n’est plus légitime si on n’est plus en première ligne. Par exemple moi-même : je ne peux pas parler de ça puisque je suis blanc, relativement bien intégré, je suis prof, je suis un homme… on peut allonger la liste.
• Politiquement la déconstruction poussée à ce point n’est plus pertinente parce qu’on ne cherche pas à établir un front commun pour des revendications qui seraient universalisables (je ne dis pas universelles ce qui voudrait dire imposées dogmatiquement), que tout le monde pourrait reprendre ce qui est suspect à leurs yeux.
Les post anarchistes pensent ainsi que si vous proposez ne serait-ce qu’une esquisse de projet de société organisée différemment, vous êtes potentiellement un totalitaire parce que vous allez inévitablement vouloir conformer les gens au modèle prescrit. Ne valent que des expériences multiples et variées pour avancer à tâtons dans l’ici et le maintenant. Toute projection, ne serait-ce qu’utopique, est suspectée d’être dangereuse. Une approche qui finalement épouse assez bien le mouvement de fragmentation produit par le libéralisme.

• Enfin, le raisonnement postmoderne a pour effet de disqualifier une certaine critique sociale et culturelle en renvoyant les ouvrages comme le mien à des catégories dépassées de la modernité, à quelqu’un qui mène des combats d’arrière garde au nom de valeurs dépassées comme la lutte contre l’aliénation, les conflits entre classes sociales, l’exploitation. C’est ce que me reproche Tomas Ibanez qui considère que je ne sais pas appréhender la situation culturelle dans laquelle nous nous trouvons : un monde liquide, avec un maillage serré de nouvelles technologies et que j’applique une grille d’analyse déphasée. Pour lui l’avenir de la critique ce sont par exemple les hackers, ceux qui infiltrent les réseaux, qui vont épouser le mouvement de ce néo-libéralisme qui s’étend, pour le subvertir de l’intérieur.

A l’inverse je pense qu’il y a pas mal à faire en revenant vers les impensés de cette critique déconstructionniste, notamment un qui me semble majeur : l’idée que si tout est construit et si la nature ou une forme de nature résiduelle n’existe plus en nous alors tout ce qui nous vient de la technologie, de la haute technologie, qui nous permet de nous hybrider avec les machines est bienvenu car ça accélère notre désidentification, cette fascination de n’être jamais le même. Beaucoup d’auteurs déconstructionnistes sont assez enthousiastes vis-à-vis des prouesses techniques (Derrida ou Negri, qui appelle au transhumanisme). Quitte à passer pour ringard il serait bon de revenir au fait que la condition humaine est aussi une condition corporelle, que nous sommes des êtres incarnés qui ont besoin d’un certain milieu stable pour exercer leurs capacités. D’où la critique de la technologie et du monde artificiel de la marchandise et l’idée qu’on peut trouver des référents pour critiquer le système. En revenir à des gens comme Illich, Debord, Marcuse qui maintiennent l’idée toute simple qu’il y a des vrais besoins et des faux, alors que pour un déconstructionniste il n’y a pas de distinction entre les deux.

1. Pour les anars et les marxistes – l’aliénation c’est que je suis dépossédé de certaines formes de vie, dépossession dont certes je participe aussi, mais qui m’éloignent de certaines potentialités.

Après l’intervention de Renaud, une discussion a eu lieu. Nous en tirons quelques éléments qui peuvent contribuer au débat, tout comme le texte intitulé « Jusqu’ici tout va bien  ? » (voir ci-dessous).
De la déconstruction, de l’intersectionnalité et du postmodernisme

Contrairement au cochon tout n’est pas bon dans la déconstruction, l’intersectionnalité et le post modernisme. Il y a certes des bons morceaux. Certains ouvrent même des portes intéressantes pour la compréhension du monde comme il va, d’autres tendent à n’être qu’un ravalement d’évidences déjà anciennes. Mais il en est de franchement inconsommables pour les communistes libertaires que nous sommes.

Il n’est évidemment pas question de nier l’intérêt qu’il peut y avoir à comprendre ce par quoi nous sommes traversés. L’explosion sociale de mai 68 a, par exemple, ouvert des espaces qui ont permis l’émergence et la prise en compte de certaines oppressions qui ne relevaient pas d’une stricte et simplificatrice division en classes sociales au sens économique du terme, et qui n’avaient pas été suffisamment prises en compte, et parfois même niées, par le mouvement ouvrier traditionnel, marxiste ou anarchiste. C’est ainsi qu’à la fin des années 1960 et au début des années 1970, on discutait des rôles sociaux, de l’inné ou de l’acquis en abordant ce qui est devenu l’intersectionnalité mais en faisant ressortir l’exploitation capitaliste et la domination patriarcale. Le courant féministe portait la lutte des classes dans ces analyses (tout en refusant de considérer que les femmes étaient une classe sociale, du moins dans l’acception habituelle de ce terme). Mis à part quelques courants hippies, mystiques (qui ont toujours existé) ou anarchistes individualistes, il s’agissait sans doute de se changer soi-même (se déconstruire ?) mais tout en changeant la société.

Or les thématiques spécifiques qui enrichissaient l’ensemble il y a encore une quinzaine d’années sont devenues progressivement problématiques et ont débouché sur des rapports conflictuels entre les différents particularismes. On a pu constater cela aussi bien dans le mouvement des squats que dans celui dit des banlieues. A l’époque de la marche des beurs, en 1981, ce qui était dominant était la volonté de « vivre ensemble ». Dans les squats se côtoyaient, certes avec plus ou moins de bonheur, des gens marqués par des identités différentes.

Il s’est opéré une sorte de basculement vers l’envers de ce qui pouvait être le projet au départ. Au lieu d’un élargissement de la critique c’est une sorte d’interdiction de la critique appliquée à d’autres qui s’est mise en place. Par exemple une femme qui remet en question les présupposés de la déconstruction, sera au mieux accusée de n’être point une vraie féministe, au pire de n’être qu’une femme dominée par ses camarades masculins. Plus généralement la critique tend à n’être pas autorisée à celles et ceux qui, sur tel ou tel sujet, seraient situé ici ou là. Idem si on est blanc ou pas assez noir, valide et non handicapé, etc.

La réthorique déconstructionniste, telle qu’elle s’exprime à l’heure actuelle dans les milieux dits de gauche radicale, induit de facto la réapparition du sentiment de culpabilité dont on sait qu’il est au cœur du fonctionnement tant des religions que du stalinisme. Et qu’à ce titre il doit être combattu comme instrument du maintien du pouvoir et de l’aliénation des individus. Entre culpabilisation et responsabilité collective, le cousinage est germain. Ainsi Houria Bouteldja, dans Les Blancs, les Juifs et nous suggère que si tu es né français et blanc, quelque soit ton engagement passé et présent contre le colonialisme, que tu le veuilles ou non, tu es en partie responsable et coupable.

Le « d’où parlez vous ? » se trouve ainsi perverti et détourné de son sens le plus évident à savoir que votre histoire, le lieu où vous vous trouvez socialement et intellectuellement a une influence sur votre discours et vos actes, souvent à votre insu. Cette prise en compte, au lieu d’être un élément de compréhension et d’explication pour faire plus de place au libre arbitre devient chez les déconstructionnistes un élément de pourvoir, d’exclusion et de culpabilisation.
L’ éthique commune à tout ce qui globalement constituait le mouvement ouvrier (socialistes, communistes, anarchistes, syndicalistes, etc.) portait sur la nécessité d’unir les opprimés en mettant en avant les points communs qui les constituait. A l’inverse l’effort de la bourgeoisie consistait à favoriser tout ce qui les opposait et à les diviser. Le postmodernisme (et ses déclinaisons « déconstructionnistes » et « intersectionnalistes »), tend à présent, à diviser davantage encore.

Comment ce glissement a-t-il pu se produire ?
La simple « french théory » (voir intervention de Renaud Garcia dans les pages précédentes) n’a pas pu a elle seule produire ces dégâts. Elle aurait pu rester sagement dans les murs de l’université – en dehors de la société réelle ! Il se trouve simplement qu’elle a rencontré une réalité socio-économique culturelle qui a produit des disciples dans le monde militant.
Ce retournement a accompagné le vide politique qui s’est installé dans les années 1980 et s’est renforcé avec l’implosion des pays dits communistes. Un libéralisme triomphant mettant en scène l’idée que le capitalisme était la fin de l’histoire, le meilleurs système possible, a fermé la porte à tout espoir concret et collectif, installant un ‘no futur’ dans l’espace culturel et politique de la contestation de plus en plus tourné vers l’individualisme ?

Le holisme a laissé la place au fractionnement infini, les classes sociales disparaissaient, la lutte des classes encore plus ! Pendant ce temps, la bourgeoisie qui, elle, voit plus clair se délectait. Warren Buffett, « l’homme le plus riche du monde » déclarait en 2005 : «  Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.  »

Il ne faut pas perdre de vue que les producteurs des différentes variantes du post modernisme sont des universitaires, c’est-à-dire des gens qui sont salariés pour produire de la nouveauté, qu’elle soit réelle ou simple ravalement de productions anciennes. On sait que dans le système universitaire, pour faire son trou ou simplement y rester il faut trouver le bon créneau de recherche qui peut être soit dénicher un sujet pas ou peu étudié (c’est rare !), soit coller aux basques d’un semi mandarin en travaillant pour lui, ou encore reprendre à son compte des choses connues en les repeignant aux couleurs de la modernité. Et à ce jeu les théories postmodernes sont hautement pourvoyeuses de possibilités. Plus on détricote les rapports sociaux et plus on produit de sujet ; et plus il y a de sujet plus il y a de créneaux de recherche pour gagner sa croûte. C’est, entre autres, ce à quoi ont servi les studies (1) qui peuvent, comme les petits pains, se multiplier à l’infini puisque la segmentation du corps social est théoriquement possible jusqu’à déceler pour chaque individu une oppression spécifique qui se trouverait au carrefour des appartenances et des influences qui le constituent (intersectionnalité).


1. Département universitaire consacré à une oppression particulière. Le dernier en date, le hairy studies (étude des poils). Un professeur d’études des genre, dans l’Arizona, accorde des bonus à ses étudiants qui se rasent entièrement et à ses étudiantes qui se laissent pousser les poils, histoire de se déconstruire.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede abel chemoul » 07 Nov 2016, 19:06

"Jusqu'ici tout va bien?", texte qui a servi de base de discussion lors de la réunion attaquée par les racialistes le 29 octobre.
Jusqu’ici tout va bien ?

« Il y a dix ans, dans la même réunion qu’aujourd’hui, si on avait dit ” blanc ”, les gens auraient cassé le mobilier. Aujourd’hui, grâce aux Indigènes de la République, grâce à Houria, on peut dire ”les blancs”. »
Eric Hazan.

On ne peut malheureusement pas encore donner tort à l’éditeur classé à l’extrême gauche du dernier pamphlet explicitement antisémite d’Houria Bouteldja Les Blancs, les juifs et nous, qui n’a pas suscité de réaction à la hauteur de son caractère ignoble. Les catégories et le vocabulaire de l’idéologie racialisatrice, repris depuis quelques temps dans les organisations et milieux politiques qui vont de l‘extrême gauche jusqu’aux libertaires, sont en train de devenir la norme et d’instaurer une hégémonie. Ce vocabulaire s’est imposé insidieusement, sans être ni discuté ni argumenté. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui sont dans l’incapacité de soutenir politiquement ces positions intenables, à part à coup d’affirmations tautologiques et de fausses évidences. Un glissement sémantique a déjà largement opéré : les termes de « race », « blancs », « non-blancs », « racisés », « racialisation », « décolonial » sont devenus du jour au lendemain des catégories d’analyse jugées pertinentes, nécessaires, et sont même promus comme instruments d’une perspective d’émancipation, là où nous y voyons une faillite catastrophique.

Dans une époque de crise généralisée propice à la confusion, dans laquelle prospèrent des courants contre-révolutionnaires, menaçants voire meurtriers comme les rouges-bruns, les boutiquiers racistes Soral et Dieudonné ou différentes variantes de l’islam politique, certains ne trouvent donc rien de mieux à faire que de ressusciter la théorie des races en réhabilitant les assignations culturelles, sociales et religieuses dans la droite ligne de l’ethno-différentialisme de la nouvelle droite. Le retournement est allé au point que le simple questionnement de l’idéologie racialiste devient impossible, tant dans les réunions publiques que sur les sites internet des milieux militants, qui opèrent à cet endroit une véritable censure. L’ensemble prospère et tient notamment par un chantage à la culpabilité que manient très bien les tenants de cette idéologie. Ironiquement, aujourd’hui, refuser les termes de « race » ou « d’islamophobie » expose à l’infamante accusation de racisme, visant à étouffer ainsi toute possibilité de débat, de critiques et de refus. Certains anarchistes en sont rendus à proscrire le slogan « ni dieu ni maître » sous prétexte d’« islamophobie » et certains marxistes pensent que pour être antiraciste il est urgent d’ajouter la « race » à la classe. De fait le terme de « race » qui était jusqu’à peu l’apanage de l’extrême droite se retrouve aujourd’hui à toutes les sauces. La promotion des identités, le communautarisme culturel ou religieux n’ont jamais eu d’autres fonctions que de maintenir la paix sociale.

Le clivage à l’œuvre autour de ces questions se doit donc d’être clarifié et travaillé de manière réfléchie. À plus forte raison dans la situation actuelle, le racialisme ne peut mener qu’à la guerre de tous contre tous. Cette offensive politique est lourde de conséquence pour tous, et d’un point de vue révolutionnaire c’est un point de rupture. Où en serons nous dans quelque temps si elle s’avérait victorieuse ? Tôt ou tard, il va bien falloir choisir son camp et le plus tôt sera le mieux.

Été 2016, Assemblée en mixité révolutionnaire et non-mixité de classe.

Ce texte est appelé à circuler aussi largement que nécessaire, et peut servir pour susciter discussions, débats et confrontations.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede bipbip » 19 Nov 2016, 15:38

D’un néant critique : déconstruction et postanarchisme

Renaud GARCIA
LE DÉSERT DE LA CRITIQUE
Déconstruction et politique
Paris, L’Échappée, collection « Versus », 2015, 224 p.

L’équilibre du jugement n’est pas la sérénité. Et moins encore la sagesse. C’est une prédisposition à garder le cap, non sur des certitudes – et pas davantage sur des doutes –, mais sur les enjeux intellectuels et politiques d’un temps si manifestement confus qu’à l’interpréter, la pensée du malaise devient malaise de la pensée. Ce cap, Renaud Garcia le tient sans faillir, mais en se gardant de l’excès. Car, il le sait, la cause qui l’occupe – saisir en quoi les théories de la déconstruction ont si largement contribué à légitimer la marchandisation généralisée du monde et son artificialisation –, ne pouvait se satisfaire de jugements à l’emporte-pièce ou de condamnations morales pour qu’apparût le lien entre leur triomphe comme idéologie dominante et le recul général de l’idée d’émancipation sociale. Elle exigeait de faire retour sur ses origines et sur l’époque qui les vit naître – un après-68 où s’opéra subrepticement, dans l’arrière-salle postmandarinale d’une rébellion festive, un « changement dans la manière d’appréhender le réel et, par voie de conséquence, dans la manière d’exercer le jugement critique » (p. 9). Elle impliquait aussi de revenir sur l’attrait qu’exerça ce renouveau conceptuel sur une jeunesse apparemment radicalisée mais surtout désireuse de sortir du « vieux monde » – ce « vieux monde » que le capitalisme, lui-même en phase « néo », rêvait parallèlement de déconstruire pour le délester de ses pesanteurs (nos acquis, entre autres) et étendre à l’infini ses infinis taux de profit. Elle imposait, enfin, à partir d’une analyse de leurs fondements et d’une lecture critique de leurs principales productions, de se pencher sur les soubassements politiques des théories de la déconstruction dont l’essor, sur une bonne trentaine d’années, a fini par assécher le champ de la critique de l’aliénation. Devenue esprit du temps, la French Theory, ce performant simulacre de pensée subversive, inspire aujourd’hui, dans un même élan et tous ensemble, les laudateurs de l’économie-monde, les petits-maîtres de l’Alma Mater, les militants d’une gauche devenue sociétale et les adeptes d’un postanarchisme transgressif qui, tout acquis aux fadaises et délires de cette idéologie du néant [1], est en passe d’en devenir l’avant-garde.

De l’abscons comme variante du n’importe quoi

Philosophe de sensibilité anarchiste et d’inspiration décroissante [2], Renaud Garcia le dit à sa manière, nette mais policée : « Parmi les motifs légués par la pensée française des années 1970-1980 et largement mis à profit par les acteurs politiques contemporains dans un éventail allant des partis de gouvernement “de gauche” jusqu’aux divers courants composant le renouveau de la pensée anarchiste depuis deux décennies, nul doute que la “déconstruction” se trouverait en bonne place » (p. 13). Désormais, sous les ruines d’un monde déjà largement « déconstruit », rien ne semble, en effet, plus urgent, dans les marges apparemment dissidentes d’un système devenu fou, que s’atteler à défaire avec une maniaque constance les anciennes « constructions normatives » que seraient le réel, le pouvoir, la nature humaine, la vérité, le langage, le corps. Ce faisant, la nouvelle extrême gauche « déconstructiviste » tisse, sans toujours s’en apercevoir – à la différence de Foucault qui, lui, savait [3] –, d’évidentes convergences conceptuelles avec le capitalisme réellement existant, dont la nature – néo-libérale – est aussi radicalement « mouvementiste » que sa finalité est marchande.

L’effet de ce « déconstructivisme » frénétique est d’ouvrir par force sur un complet chaos de la pensée où rien ne demeure des anciens concepts admis et discutés – ni le réel (si contradictoire qu’il se révélerait inassimilable), ni le pouvoir (si multiple qu’il en deviendrait insaisissable), ni la nature humaine (si floue que sa seule réalité relèverait de la fiction), ni la vérité (si conditionnée qu’il serait, par avance, vain de distinguer le vrai du faux), ni le langage (si normé qu’il tiendrait de la prison), ni le corps (si biologiquement indéfinissable qu’il n’aurait d’existence possible que dans le transgenre). Dans une telle configuration, il apparaît évident que l’abscons, variante intellectualisée du n’importe quoi, a gagné en épaisseur ce que la raison commune a perdu en repères. Et plus encore que, dans le dispositif général de la domination, pour parler comme elle, la fonction de l’idéologie de diversion postmoderne [4] consiste précisément « à remplacer la cohérence qui fait sens par la juxtaposition qui fait choc » [5]. En retournant le langage, en somme, comme la police retourne ses futurs indics.

Renaud Garcia décrypte avec méthode comment fonctionne (à l’intimidation) le dispositif de déconstruction, mais aussi comment, procédant par surenchère supposément critique, il tend à dissoudre, par brouillage, toute pensée réellement émancipatrice dans un infini discours sur les discours de la modernité et, ce faisant, comment, opérant par la gauche – c’est-à-dire par reprise des thématiques antiautoritaires des années 1970 –, il a activement contribué à la crétinisation des révoltes en affranchissant, par avance, celles et ceux qui les portent de toute exigence critique fondée sur une compréhension globale d’un monde globalement inacceptable. Car, au bout du compte, le principal effet du dispositif de déconstruction, et ce quels que soient les champs où il s’applique, consiste à annihiler tout savoir objectif fondé sur la raison – celle dont le sommeil engendre les monstres – pour promouvoir, invariablement, sur les ruines d’un paysage dévasté et insaisissable, le fragmentaire contre le commun, la diversité contre l’égalité, l’indifférencié contre l’universel, le sociétal contre le social, le genre contre la classe ou la multitude contre le peuple. Avec application, les maîtres à penser de la postservitude volontaire et désirante, cette engeance qui s’entête à défaire pan par pan ce qui tient encore de la pensée émancipatrice et de la double aspiration à transformer le monde et à changer la vie, s’inscrivent pleinement, comme le rappelle opportunément Renaud Garcia, dans cette catégorie que Guy Debord engloba sous le terme d’ « anesthésistes-réanimateurs du spectacle » et dont le trait commun, chaque fois plus développé, reste « la perte de logique, c’est-à-dire la perte de la possibilité de reconnaître instantanément ce qui est important et ce qui est mineur ou hors de question ; ce qui est incompatible ou inversement pourrait bien être complémentaire ; tout ce qu’implique telle conséquence et ce que, du même coup, elle interdit » [6].

Postanarchisme et illimitation du vide

Du point de vue « socialiste et libertaire » qui est le sien, Renaud Garcia s’intéresse naturellement aux influences que les théories de la déconstruction – celles de Foucault, Deleuze et Guattari, plus précisément – ont exercées, outre-Atlantique notamment, dans l’émergence, à partir des années 1990, d’un néo-anarchisme réticulaire assumé comme postmoderne et, par là même, dégagé de toute connexion, même vague, avec l’histoire de l’anarchisme dit classique.

De fait, comme pour le postféminisme, dont la cible principale reste le féminisme historique, le postanarchisme se présente, non comme un greffon d’époque sur un anarchisme d’une autre époque – à la manière du marxisme libertaire ou des courants « néo » de l’après-68 – mais comme une projection pure et simple, sur le terrain permissif et non clos de l’anarchie, des lieux communs du révisionnisme universitaire postmoderne dont la double caractéristique est d’être aussi indifférent à la question de l’émancipation sociale que friand d’identité floue. Partant de là, il semble inapproprié – et même contreproductif –, dans une perspective d’élucidation critique du postanarchisme, de reprendre, comme le fait Renaud Garcia, l’ancienne différenciation, déjà moyennement opérationnelle en règle générale, entre un anarchisme dit social et un anarchisme dit existentiel (ou individualiste). Appliquer cette grille de lecture au postanarchisme, c’est induire, in fine, qu’il se situerait, sans plus, dans la filiation historique d’une de ces deux traditions de l’anarchisme classique, ce qui pose question. Car il fait peu de doute, à nos yeux que, dans l’amicale querelle, évoquée par Renaud Garcia, qui opposa, en 1901 – à partir d’une même vision anarchiste-communiste du monde et d’une même approche de l’humaine condition – le « vieux » Pierre Kropotkine à la « jeune » Emma Goldman sur la question de la place devant être accordée à la libération sexuelle dans le combat global pour l’émancipation sociale, les postanarchistes ne verraient, à coup sûr, aujourd’hui, pour se mettre à leur niveau de sous-langage, qu’une double expression d’une même vision hétéronormée de la domination blanche.

De la même façon, mais sur un autre plan, il ne nous semble pas que la « charge » de Murray Bookchin (1921-2006) contre le néo-anarchisme de « bacs à sable pour pitreries juvéniles » [7], datant de 1995, puisse être réutilisée telle quelle pour attester, vingt ans plus tard, d’une supposée filiation du postanarchisme avec l’individualisme anarchiste [8]. Et ce d’autant que les différences paraissent évidentes entre ceux à qui s’adressa, pour condamner leurs dérives, l’écologiste libertaire et social Bookchin, en 1995, et ceux qu’il ignora par la suite et qui sont devenus aujourd’hui, au sein des grandes institutions académiques américaines, les principaux pourvoyeurs de concepts postanarchistes, à savoir Todd May, Saul Newman, Lewis Call, Jason Adams et Richard Day.

Comme l’a justement pointé Vivien García dans un livre qui reste, sans doute, sur la question du postanarchisme, le plus informé qu’on connaisse, « au-delà des apparences, les perspectives postanarchistes sur l’anarchisme relèvent davantage de la critique que de l’héritage » [9]. Dans le cas qui nous intéresse, le dispositif de déconstruction se caractérise, là encore, par un double mouvement de rupture et de parasitage : d’un côté, on ne laisse rien debout de l’ancien corpus anarchiste jugé métaphysique, essentialiste, positiviste, scientiste, humaniste, mais surtout obsolescent ; de l’autre, on s’en réapproprie l’appellation – sous une forme préfixée – pour parachever sa dilution par pseudomorphose [10]. « Ce qui se présente comme ouverture à l’imprévisible, absence de dogmatisme et de sectarisme, pourrait bien n’être au fond qu’une version politisée de la philosophie relativiste s’accordant pleinement à la sensibilité libérale » (p. 38), note Renaud Garcia. On lui donne raison, sans conditionnel d’usage, mais en insistant sur le fait qu’il n’y a pas plus de filiation entre les postanarchistes et telle ou telle sensibilité de l’anarchisme historique – même la plus individualiste qui fût – que de continuité critique entre la French Theory et les Lumières. Même si l’arrangeur Saul Newman s’y entend assez bien pour réinterpréter Stirner en précurseur du postanarchisme, ce qui, entre nous soit dit, n’a rien de bien étonnant.

La radicale nouveauté de la démarche postanarchiste tient moins, pensons-nous, à ce qu’elle propose – l’illimitation d’un vide dont l’anarchisme déconstruit serait la pointe avancée – qu’à ce qu’elle induit : l’abandon ou le bradage de catégories aussi éclairantes, dans une perspective d’émancipation, que celles d’exploitation ou d’aliénation, conceptualisées et affinées par une pensée critique qui ne fut pas aussi inféodée aux Lumières que le prétendent les « déconstructivistes ». Partant de cette constatation, Renaud Garcia s’interroge sur l’étrange fascination que, bien au-delà des contingents d’une contestation assez largement soumise aux dernières modes intellectuelles, semblent exercer, dans la sphère libertaire old school, les lignes de fuite du postanarchisme. Et de citer, outre Michel Onfray, qu’on sait prolixe en déshérences et en repositionnements divers, le cas beaucoup plus intéressant de Tomás Ibáñez, « historique » anarchiste hétérodoxe dont le dernier ouvrage paru – Anarchisme en mouvement [11] – témoigne, en effet, d’un intérêt exagérément enthousiaste pour les thématiques postanarchistes. Cela dit, pour qui connaît et pratique depuis longtemps les productions intellectuelles d’Ibáñez, il est assez clair que cette connivence affichée avec le postanarchisme, s’inscrit, d’une part, dans la continuité de la longue affinité qu’il entretient avec l’œuvre de Foucault [12], et participe, de l’autre, de son infini penchant pour cet « anarchisme sans dogmes » [13] qu’il croit déceler dans chaque manifestation de nouveauté. De là à imaginer qu’Ibáñez serait dupe des mille billevesées « post-machin(e)s » dont Renaud Garcia nous offre, chapitre après chapitre, un impressionnant florilège, il y a un pas. On peut être exagérément enthousiaste, mais savoir raison garder. Le problème, que signale l’auteur de ce livre, c’est qu’il n’est pas sûr, en revanche, que les jeunes pousses gavées de French Theory et « qui n’ont pas l’ancrage historique d’un Tomás Ibáñez » soient capables, elles, de se mouvoir, comme lui, dans le second degré. Elles prennent et elles régurgitent, et souvent le pire. Pour preuve, on citera les propos hallucinés – et hallucinants – d’une universitaire canadienne spécialiste de sémiotique, proche de la mouvance anarcho-punk et postféministe, propos rapportés par Renaud Garcia et qui situent assez précisément, nous semble-t-il, à quel niveau de crétinerie peut conduire la déconstruction : « L’anarchisme n’est pas un mouvement blanc. […] L’anarchisme n’est pas un mouvement de monogamie hétérosexuelle bi-genrée. […] L’anarchisme est un mouvement porté vers la décolonisation. […] L’anarchisme n’est pas un mouvement de gens en pleine capacité physique et sains d’esprit. […] L’anarchisme ne concerne pas l’ouvrier. […] L’anarchisme n’est pas un mouvement d’hommes (cela, c’est le capitalisme). […] Les anarchistes utilisent le langage différemment. […] L’anarchisme, c’est créer des événements. [14] » Illimitation du vide, disions-nous…

Déconstruire les motifs de la révolte

Le « plus loin » qu’imaginaient, à l’orée des années 1970, Guatarri et Deleuze dans L’Anti-Œdipe – ce « plus loin dans le mouvement du marché, du décodage et de la déterritorialisation » –, c’est le monde d’aujourd’hui, un cauchemar où les formes d’aliénation sont désormais si puissantes, y compris dans ses marges contestataires facebookées, que rien n’indique désormais qu’elles puissent être battues en brèche. Cette horreur a le don de fasciner Toni Negri, dont la manie de conférer aux multitudes la tâche de créer du post-humain semble relever de la pure démence. Il faudra bien, un jour, s’intéresser de près au recyclage idéologique des anciens zélateurs de la Classe (ou de la Chine rouge) en apologistes de la technologie sans limites (à la Badiou) ou du « communisme informationnel » (à la Negri). On en conclurait sans doute que, du marxisme-léninisme de la pire espèce – celle des tueurs de prolétaires – au révisionnisme naturaliste postmoderne – celui des négateurs de la question sociale –, ils n’ont fait que tituber d’une fosse à purin idéologique à une autre en se plaçant toujours dans le sens du vent, c’est-à-dire du côté des maîtres.

C’est évidemment dans le même sens que souffla, assumé ou pas comme tel par ses gauchistissimes inspirateurs, ce « libéralisme libertaire » sociétal directement issu de Mai 68 dont le principal apport fut de livrer, clefs en main, au système d’exploitation, l’argumentaire « immédiatiste », « présentiste », « quotidienniste » et « désirant » dont il avait besoin pour déconstruire le vieux monde de la « modernité solide » et changer d’époque. Car, en « modernité liquide » [15], la « gouvernementalité », pour reprendre un concept foucaldien tardif [16], exige de ses vassaux une allégeance – ludique, mais sans faille – à l’imaginaire connexionniste et déterritorialisé du capitalisme réellement existant. Quiconque refuse de s’y rallier sera renvoyé à la poubelle sans fond d’une histoire finie –comme « populiste » ou « passéiste », injures suprêmes en postmodernité.

S’il est un terrain sur lequel s’accordent les divers courants postmodernes, anarchistes compris, et le néo-libéralisme actuellement dominant, c’est bien celui du « desserrement des normes » (p. 147), de toutes les normes, un desserrement dont la logique intrinsèque relève de la « dissolution de tous les liens sociaux » (Debord) dans une perspective de « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune à un principe de vie particulier et une fin particulière » (Engels). Au bout du compte, les théories de l’anéantissement du sujet ont joué un rôle fondamental dans l’adaptation des « élites intellectuelles » au monde tel qu’il est devenu. En renvoyant l’humain postmoderne à ses « passions tristes » (Spinoza) – « dépendance pathologique à l’égard des gadgets technologiques, brouillage de l’identité et solitude accentuée sous la carapace des “réseaux sociaux”, déchaînement pulsionnel favorisé par les interfaces électroniques, assouvissement frénétique du désir par des moyens techniques, lutte prométhéenne pour rogner sur la souffrance de la condition humaine » (p. 183) –, la déconstruction a, en effet, permis, par néantisation de tout repère et abolition de toute limite, une exacerbation nihiliste des nouvelles subjectivités, toujours séparées et infiniment marchandes.

Dans sa charge roborative, déjà citée, contre l’idéologie de diversion postmoderne, Jordi Vidal notait que, « au centre inavouable de la politique postmoderne, on trouve la déconstruction, non des procédés de l’aliénation, mais des motifs de la révolte. […] Par une falsification de l’histoire habituelle aux sociétés totalitaires, il s’agit de faire radicalement en sorte que l’histoire des hommes ne soit plus jamais confondue avec celle de leur révolte » [17]. Assez semblable se révèle la constatation de l’anthropologue et militant anarchiste David Graeber, relevée par Renaud Garcia (p. 122), lorsqu’il indique que, de s’être confronté à la littérature de la déconstruction – celle de Foucault, plus particulièrement –, « on se retrouve avec l’impression gnostique d’un monde déchu, dans lequel chaque aspect de la vie humaine passe par la violence et la domination », et plus encore enfermé dans la sombre perspective que « la résistance est futile (ou du moins, que la résistance politique organisée est futile), que le pouvoir est simplement l’ingrédient de base de toute chose et, assez souvent, qu’il n’existe aucune échappatoire à un système totalisant, de sorte que nous devrions simplement apprendre à l’accepter avec un détachement ironique » [18]. Ironie festive, bien sûr, sur décor de télé-réalité, comme le suppose l’esprit du temps, dont la déconstruction ludique est devenue la quintessence version drag queen.

Sans jamais se départir de son calme, un calme qu’on sent parfois bouillir sous sa plume maîtrisée, Renaud Garcia questionne, dans cet indispensable Désert de la critique qui deviendra classique, le paradoxe qui veut que, cartographiées comme radicales ou subversives par les experts de l’industrie culturelle dominante, les théories de la déconstruction se révèlent non seulement inopérantes – et même désarmantes au propre sens du terme – pour comprendre le monde tel qu’il s’effondre, mais participent, dans tous les champs qu’elles investissent, de cette marche vers le chaos que la folie capitaliste porte en elle comme la nuée porte l’orage.

Freddy GOMEZ


[1] L’expression est de Miguel Amorós, in : Préliminaires. Une perspective anti-industrielle, Villasavary, Éditions de la Roue, 2015.

[2] Renaud Garcia, dont les recherches portent essentiellement sur l’anarchisme, la critique sociale et la décroissance, est l’auteur de Pourquoi tant de tolérance ? (Aléas, 2009, essai inspiré de Christopher Lasch), Léon Tolstoï contre le fantasme de toute-puissance (Le Passager clandestin, 2013), Pierre Kropotkine ou l’Économie par l’Entraide (Le Passager clandestin, 2014) et La Nature de l’entraide (ENS Editions, 2015). On lui doit également deux études intéressantes : « Illich anarchiste ? », publiée dans le n° 14 (printemps 2013) de la revue Entropia, et « Christopher Lasch : le culte du narcissisme », publiée dans Radicalité. Vingt penseurs vraiment critiques, édition coordonnée par Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini, Montreuil, L’Échappée, collection « Frankenstein », 2013, pp. 159-172.

[3] Signalons, pour mémoire, que, parmi les quelque vingt-cinq ouvrages consacrés à Michel Foucault parus en langue française en 2014, à l’occasion du trentième anniversaire de sa disparition, un seul s’inscrit dans une perspective non laudative. Il s’agit de Critiquer Foucault : les années 1980 et la tentation néo-libérale, ouvrage collectif dirigé par Daniel Zamora, Bruxelles, Éditions Aden, 2014.

[4] L’expression est de Jordi Vidal, dont on lira avec grand profit le percutant Servitude et simulacre en temps réel et flux constant. Réfutation des thèses réactionnaires et révisionnistes du postmodernisme, Paris, Éditions Allia, 2007.

[5] Annie Le Brun, Du trop de réalité, Paris, Éditions Stock, 2000, p. 60.

[6] Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992, p. 48.

[7] Murray Bookchin, Social Anarchism or Lifestyle Anarchism : An Unbridgeable Chasm, Édimbourg, AK Press, 1995, p. 10 – il en existe une version électronique sur http://dwardmac.pitzer.edu/Anarchist_Ar ... clife.html. La charge de Bookchin était principalement dirigée contre les « tazistes » de son temps sous forte influence de Hakim Bey (Peter Lamborn Wilson), l’inventeur de la notion de TAZ (Temporary Autonomous Zone) et contre les « primitivistes » à la John Zerzan. S’il est vrai que Hakim Bey, « anarchiste ontologique » particulièrement confus, fut l’un des premiers à se rattacher à un postanarchisme encore globalement inexistant – l’utilisation de cette référence date, dans son cas, de 1987 –, la critique de ce postanarchisme balbutiant entrait peu dans l’attaque générale de Bookchin contre l’anarchisme « mode de vie », même s’il en avait prévu quelques effets destructeurs.

[8] Pour Boochkin, l’individualisme anarchiste – apparenté, sous sa plume et dans le contexte de son temps, à un « anarchisme comme mode de vie » – relevait de la forme la plus détestable et la plus négative d’un anarchisme autocentré qu’il jugeait contaminé par l’esprit petit-bourgeois et qu’il craignait de voir croître sous les effets conjugués d’un narcissisme contemporain particulièrement ravageur et d’un recul évident des perspectives d’émancipation collective. Avec Social Anarchism or Lifestyle Anarchism : An Unbridgeable Chasm, Bookchin pensait encore pouvoir influer sur un débat qu’il n’engagea pas « en orthodoxe », comme le laisse penser Renaud Garcia, mais en partisan d’un communalisme libertaire assez hétérodoxe par rapport aux canons de l’anarchisme classique, et qui n’eut finalement que peu d’adeptes parmi les libertaires états-uniens. L’accusation d’orthodoxie fut assez largement reprise par les anarchistes lifestyle que visait son livre, puis – et jusqu’à aujourd’hui – par les postanarchistes de plus récente extraction qui, c’est vrai, assimilent toute analyse un tant soit peu rationnelle à de l’orthodoxie. On en trouve, par exemple, un écho dans le livre d’Uri Gordon, Anarchy Alive ! Les politiques antiautoritaires de la pratique à la théorie – Lyon, Atelier de création libertaire, 2012 –, ouvrage recensé dans le n° 44, novembre 2012, d’À contretemps. Aux dires de Janet Biehl, qui fut sa compagne – et sa principale collaboratrice – de 1987 à son décès, Bookchin en arriva, à la fin des années 1990, à la conclusion, que son alerte de 1995 n’avait eu aucun effet positif sur un anarchisme désormais largement gagné, notamment dans ses franges les plus jeunes, aux thématiques de l’individualisme contemporain. En conséquence de quoi, Bookchin décida, en 1999, de cesser de se revendiquer de l’anarchisme. http://theanarchistlibrary.org/library/ ... rchism.pdf.

[9] Vivien García, L’Anarchisme aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 43. Cet ouvrage a été recensé dans le n° 29 (janvier 2008) d’À contretemps.

[10] Le terme est utilisé par Eduardo Colombo, qui le définit ainsi : « Mise en place d’un contenu nouveau à l’intérieur d’une forme déjà existante, donnant ainsi l’illusion que la forme première se perpétue alors qu’elle a changé radicalement de nature. » Eduardo Colombo, « L’anarchisme et la querelle de la postmodernité », Réfractions, n° 20, mai 2008, pp. 55-70 – http://refractions.plusloin.org/spip.php?article247

[11] Tomás Ibáñez, Anarchisme en mouvement. Anarchisme néo-anarchisme et postanarchisme, Paris, Nada, 2014. Sur Tomás Ibáñez, on se reportera au dossier « Lectures de Tomás Ibáñez » (À contretemps, n° 24, septembre 2006) et au numéro thématique « Figures de l’anarchisme chez Tomás Ibáñez » (À contretemps, n° 39, janvier 2011), notamment le long entretien qu’il nous avait accordé.

[12] Sur un autre plan, plus théorico-poétique mais bigrement stimulant pour l’esprit, Daniel Colson, sociologue-philosophe dont l’un des principaux champs de recherche est le syndicalisme révolutionnaire, s’attelle, depuis fort longtemps et avec talent, à déceler les affinités, les analogies et les connivences secrètes entre l’anarchisme et des pensées aussi diverses que celles de Spinoza, Leibnitz, Nietzsche, Tarde, Simondon ou Deleuze. De Daniel Colson, on se reportera à deux études disponibles sur notre site : « Nietzsche et l’anarchisme » (À contretemps, n° 21, octobre 2005) et « Éclectisme et dimension autodidacte de l’anarchisme ouvrier » (À contretemps, n° 41, septembre 2011).

[13] Tomás Ibáñez, Fragments épars pour un anarchisme sans dogmes, Paris, Rue des Cascades, 2010. Cet ouvrage fut recensé par Vivien García, dans le n° 39 (janvier 2011) d’À contretemps, sous le titre « Contre-chant sur les variations Ibáñez ».

[14] Sandra Petersen, « Things to Do with Post-structuralism in a Life of Anarchy : Relocating the Outpost of Post-anarchism », in : Duane Rousselle et Süreyyya Evren (éd.), Post-anarchism. A reader, Londres, Pluto Press, 2011.

[15] Nous empruntons les catégories de « modernité solide » et « modernité liquide » à Zygmunt Bauman. Sur cet auteur, on se reportera à « Zygmunt Bauman : la modernité liquide », étude de Cédric Biagini publiée dans Radicalité. Vingt penseurs vraiment critiques, op. cit., pp. 45-63.

[16] Sur cet énigmatique concept foucaldien, on se reportera à l’étude de Jan Rehmann, « Les promesses non tenues de Foucault et des “Governmentality Studies” foucaldiennes », publiée dans l’ouvrage collectif dirigé par Daniel Zamora, Critiquer Foucault. Les années 1980 et la tentation néo-libérale, op. cit., pp. 133-162.

[17] Jordi Vidal, Servitude et simulacre en temps réel et flux constant, op. cit., p. 34.

[18] David Graeber, Toward an Anthropological Theory of Value. The False Coin of our Own Dreams, New York, Palgrave, 2001, p. 30 (traduction de Renaud Garcia).


http://www.acontretemps.org/spip.php?article581
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede Pïérô » 27 Nov 2016, 01:33

En même temps sur le site de l'OCL on trouve, et ce n'est pas la première fois, une position pro-prostitutionnelle parfaitement libérale, et évidemment loin d'être libertaire : http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1890
Dommage... Il faudrait que l'OCL balaie aussi devant sa porte...
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede JPD » 27 Nov 2016, 09:06

IL n'y a pas grand chose à balayer ! L'ocl n'est pas pro-prostitution ça serait stupide et ridicule mais anti-abolitioniste. Tout simplement parce que l'abolition, à nos yeux, ne résout en rien la question et, au contraire même, peut renforcer la prostitution tout en fragilisant les prostitués. C'est une position assumée qui n'est en rien une verrue qui rentrerait par inadvertance par la fenêtre.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede Pïérô » 28 Nov 2016, 19:52

Il y a là langue de bois parce qu'être contre la prostitution et être anti-abolitioniste est parfaitement contradictoire. Il ne reste plus que la baguette magique de la révolution sociale communiste-libertaire qui arrangera tout...
Cet article se repose sur un défenseur de la prostitution, Lilian Mathieu, qui s'appuie sur un discours parfaitement libéral dans le domaine, et combat tout ce qui pourrait mettre en péril ce marché où vendre son corps est mis sur le même plan que vendre sa force de travail. Evidemment ce mec sert et est cité dans toute la sphère pro-prostitutionnelle.

On retrouvera d'ailleurs dans un "Dossier prostitution" de CA été 2013 http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1407 toute l'argumentation portée par le STRASS, faux syndicat mais vrai lobby pro-prostitutionnel, et dont tu reprends là à nouveau une fausse argumentation, ce qui fait cette différence entre libéral et libertaire dont je parle plus haut et un peu partout sur ce forum, et qui ici fait évidemment écho au problème énoncé, parce qu'on est là en plein dedans aussi.
Liens :
. Contre le système prostitutionnel: libertaire vs libéral : viewtopic.php?f=75&t=4152
. Syndicalisme et prostitution, questions embarrassantes : viewtopic.php?f=75&t=6050

Un autre article dans CA 239 avril 2014 renforce le confusionnisme : http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1518

Je pense qu'il y a à faire différence entre un féminisme "radical" dans lequel on trouvera aussi ce qui fait Post-modernisme dans une approche d'avantage libérale que libertaire et un féminisme libertaire à rendre d'avantage lisible et visible.


Par ailleurs
Un article "Manifeste pour un antiracisme politique" entre dans ce qui est ici dénoncé :
http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1693
Alors qu'un autre "A propos du racisme et de l’antiracisme" est plus clair : http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1691

Et en bref, si à l'OCL il y aurait consensus sur la question prostitutionnelle prise sous un angle parfaitement libéral, il semble dans ce qui est énoncé et dénoncé ici dans ce qui ouvre ce topic qu'il y ait encore débat. Et cela montre que l'OCL n'est pas complètement monolithique mais vraisemblablement aussi plurielle, ouverte et perméable, que d'autres.

A priori aucune organisation n'est à l'abri, pas plus l'OCL qu'une autre, de ce qu'il faut interroger et affirmer en tant que libertaires, et pas libéraux-libérales. Et nous sommes au cœur de la question là.

La CGA semble gangrénée, et à AL la porte semble s'ouvrir (pour exemple http://www.alternativelibertaire.org/?D ... um-pour-un et http://www.alternativelibertaire.org/?M ... uttes-anti), et il y a eu un appel plutôt confus de mon point de vue "Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie ! " https://blogs.mediapart.fr/enavant/blog ... lamophobie, et il y aurait matière à réfléchir, échanger, articuler, et affirmer, avant que le bateau anarchiste, libertaire, communiste-libertaire, prenne l'eau et se noie dans un discours confusionniste plus libéral que libertaire.

Lorsque je parle d'articulation c'est parce que je ne me retrouve pas complètement dans l'article qui fait introduction de ce topic. Je dis donc tout cela d'une manière complètement ouverte et transversale.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede JPD » 02 Déc 2016, 05:31

Il y a là langue de bois parce qu'être contre la prostitution et être anti-abolitioniste est parfaitement contradictoire.


La langue de bois consiste à délivrer un message suffisamment flou et imprécis pour que chacun puisse en tirer des conclusions différente. Ce n'est donc pas ici de la langue de bois. Par exemple nous allons bientôt avoir, en mai, de la langue de bois caractérisée : dans le duel Fillon-Le Pen, pas de consigne de vote mais barrer la route au FN... Un raisonnement qui va fleurir soyons-en certains

Mais pour ce qui nous concerne ici, le massage est clair : critique de l'abolitionnisme et adversaire de la prostitution. Il est clair même si on peut le juger faux et contradictoire. Critique de l'abolitionnisme parce qu'une "abolition" ne peut venir que de la loi et de l'Etat et ne peut s'assortir que d'une panoplie de mesures de répression qui ne peuvent pas être appliquées sauf dans un régime quasi dictatorial et que même les régimes qui appliquent la peine de mort contre les prostitués et les clients sont loin de l'avoir éradiqué. Ce qui peut faire reculer la prostitution ce n'est qu'une mutation dans les rapports entre H et F, H et H, F et F. Une critique des rapports au corps qui se construit dans une critique des rapports marchand entre autres. Une critique de la famille, du mariage, du couple, de la fidélité, etc. qui, justement, a plutôt tendance à régresser. Une critique que l'on doit faire apparaître dans toutes les luttes et ne pas mettre de côté sous prétexte que ce n'est pas tendance ou que simplement on mettrait de côté pour ne pas prêter le flan soit-disant à l'extrême droite (je pense ici à tout ce qui s'est dit ou fait dans la période de défense du mariage homosexuel, mais c'est une autre question)

L'abolition de la prostitution ne saurait être que juridique et à ce titre très inefficace en produisant même souvent des effets contraires.

Je voudrais aussi signaler que critiquer un discours (p.e. Lilian Mathieu) au prétexte qu'il serait repris par des ennemis plus ou moins fachos est un procédé que je ne peux accepter de manière aussi lapidaire dans un débat.
Les exemples ne manquent pas de cette réthorique : "Ah c'et pas un hasard si ce que tu dis, l'extreme droite se précipite pour l'appuyer". On sort alors toujours un Soral ou autre de sa poche (il est bien utile celui-là !) pour accréditer des visions binaires et des lignes bien nettes entre le bien et le mal.

Par ailleurs le "manifeste pour un antiracisme politique" n'est pas de l'OCL et a été publié comme document, contrairement à "A propos du racisme et de l’antiracisme", il n'y a donc pas matière à y déceler des oppositions, même si, évidemment" l'OCL n'est pas plus monolithique que d'autres "comme tu le dis (si, quand même un peu plus que certains ! sourire)
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Messagede digger » 02 Déc 2016, 14:04

le massage est clair
:oops:
Plus sérieusement, la loi interdit de maltraiter les enfants et çà n'empêche pas la maltraitance. On peut multiplier les exemples.... Ce n'est pas une loi qui va arrêter la prostitution, comme tu le dis, mais une évolution des mentalités effectivement.
Maintenant, être contre une loi institutionnelle parce qu'on est anti-étatiste ne me convainc pas non plus. Je n'ai pas grand chose contre des mesure de répression contre le proxénétisme, des marchands de corps humains. Il me semble important d'avoir une position de principe claire et ferme, en reconnaissant la complexité de la question, des différentes formes et causes de la prostitution. Et il est extrêmement difficile d'exprimer une opinion sur ce sujet (et d'autres) sans que des propos nuancés ne soient détournés parce que, sortis de leur contexte, ils ressemblent à d'autres propos ayant des fins différentes.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede JPD » 02 Déc 2016, 18:29

Contre cette loi ça veut dire que je la trouve inefficace et contre productive et aussi que la conséquence est désastreuse pour les prostituées. Maintenant je n'irai pas mener campagne contre ! Mais je trouve en revanche étrange qu'une partie des libertaires mènent campagne... POUR.
En son temps j'ai toujours trouvé stupide les campagnes antifa pour l'interdiction du FN. Non pas essentiellement au nom de principes anarchistes du genre Etat = caca-boudin en toutes circonstance (comme ça on ne se trompe jamais et on ne se pose nulle question) mais parce que de telles campagne ont plus participé à la montée du FN qu'à son éradiction (idem en ce qui concerne les thèses révisionnistes ou Dieudonné qui ont dû l'un et l'autre leur succès en partie à certains de leurs bruyants opposants qui se plaçaient sur le même terrain). Maintenant si le FN avait été interdit je n aurait pas non plus mené campagne contre cette interdiction pour la lever !
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Messagede digger » 02 Déc 2016, 18:43

Les implications pour les prostitué-es d'une loi font partie de la complexité de la question.
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Messagede Pïérô » 03 Déc 2016, 18:59

Tu bottes complètement en touche sur la question posée ici JPD. Il est bien question dans ce que j'aborde de la divergence entre point de vue libéral et point de vue libertaire (et communiste-libertaire). Il est clair que sur les questions évoquées c'est sur cette différence d'approche que cela achoppe. Tu ne réponds pas et ne développes pas, tu noies le poisson avec la question de l'antifascisme (et d'ailleurs sur cette question je partage ce que tu dis), et tu ne distilles que le discours un peu court du STRASS sur la question prostitutionnelle et les problèmes rencontrés par les prostituées pour exemple. Tu es contre tout cadre protecteur face aux violences faites aux femmes ? Tu es super anar ultra-libéral, et tu penses que tout cadre législatif est improductif et liberticide ? Je ne le pense pas.
En tout cas, je suis pour l'existence d'un cadre protecteur et de règles collectives s'appliquant aux violents et oppresseurs. Et il en sera de même en société communiste-libertaire.
Et je range comme tout-es les libertaires (dans ce cadre de divergence entre libéral et libertaire qui me semble être une bonne boussole) la prostitution, viol tarifé, dans les violences faite aux femmes. Je suis pour que l'on s'attaque aux conso-macteurs plutôt qu'aux prostituées, et en attente d'un rapport de force en terme de mouvement social, féministe et pro-féministe, qui n'est pas actuellement en capacité de faire sa loi dans la rue, je préfère encore la loi de l'Etat plutôt que la loi des maquereaux. Et je pense que vendre son corps ce n'est pas la même chose que vendre sa force de travail, et il y a là une réelle différence que je rappelle à nouveau. Ce n'est pas un travail comme un autre, et à part quelques individus qui en font petit commerce libéral et défendent le système prostitutionnel, la plupart des femmes sont contraintes. L'Etat et la loi, c'est quand même un minimum plutôt que la jungle, et il est clair que cela n'est pas suffisant. Il est clair que la question sociale se pose comme alternative (autonomie, ressources, logement, accès aux soins, papiers, etc...) et que c'est là qu'il y a des luttes à mener et partager, et tu n'en parles même pas, comme s'il fallait laisser la situation en l'état, ou en l'état d'avant même, celui où l'on poursuivait d'avantage les prostituées que les acteurs et consomacteurs du système. Je pense et redis qu'on est en plein dans ce qui amène ce topic, l'approche opposant libertaire et libéral fait pour moi sens et réel point de divergence.

Dans le domaine de la lutte féministe, je fais différence entre un féminisme qui se dit "radical" et qui porte souvent un discours libéral et confusionniste, s'inscrivant là dans ce qui apparait en critique dans le texte d'introduction de ce topic, et un féminisme libertaire. Il y a là un véritable enjeu politique qui malheureusement ne me parait pas assez pris en compte dans notre sphère militante et organisationnelle.

Sur d'autres questions évoquées dans le texte d'introduction, un courant libéral-réac, dit post-moderne, laisse entendre qu'il ne faudrait plus critiquer les religions, taire le fait que les femmes subissent une oppression spécifique, oppression spécifique dont certains tissus et tenues vestimentaires contraintes sont des symboles forts, sous peine d'être taxé de petit-blanc colonialiste, raciste, islamophobe. Nous sommes là aussi en plein au coeur de la question libérale/libertaire. Je pense qu'il doit y avoir là aussi pour les femmes un cadre protecteur. Par contre il doit bien s'appliquer là aussi contre les oppresseurs et pas contre les victimes. Il y a là aussi un rapport à la question de l'autonomie à développer en terme de support. Dans ce cadre je pense que les lois reposant sur les interdictions vestimentaires passent à côté de la plaque, et peuvent conduire à double punition et renforcer le côté femmes confinées à la maison. Il y a dans une certaine forme d'appréhension de la laïcité actuellement une forme de racisme qui s'exacerbe. Je n'ai pas la recette de cuisine, et là aussi il y a des idées et convictions à porter, des réflexions à partager, des luttes à mener...

Sur la question de l'oppression spécifique je ne vois pas comment on pourrait ne pas constater les discriminations sociales reposant sur des critères qui sont bien "racisés", et aborder la question non pas sous l'angle de l'essence mais bien sous l'angle social. Il y a une articulation à construire qui ne mène pas à ce qui est dénoncé et partagé dans le texte d'introduction, mais qui fait là aussi sens dans le cadre d'oppression spécifique. Cette articulation doit être abordée dans un cadre de lutte des classes qui ne peut être mis de côté, comme l'oppression spécifique d'ailleurs, en lien avec un projet de société libertaire, communiste-libertaire, et non pas en terme d'intégration "républicaine" et capitaliste. On pourra noter dans l'argumentation partagée par les tenant-es du discours libéral-réac une volonté culpabilisatrice à interroger, et dénoncer, parfaitement divisante, et qui pour exemple dans le domaine de l'oppression des femmes repose sur une pirouette qui les transforme en actrices de leur propre oppression parce qu'il s'en trouve pour le faire, et d'un point de vue révolutionnaire à la fois universaliste contre l'exploitation capitaliste et contre les oppressions spécifiques prises en compte, complètement improductive de ce côté, mais particulièrement nocives parce que les clivages principaux s'en trouvent quasiment occultés, et par là même la perspective révolutionnaire. De ce point de vue, le PIR comme le STRASS doivent être pris comme des ennemis et non des partenaires. C'est bien dans cette différence d'approche globale et ces éléments transversaux (je n'accroche pas trop sur le terme "intersectionnel") portés où il y a du lien et du sens et que l'on trouvera à la fois divergence de fond avec les libéraux-réacs, et un ressort collectif que j'espère libertaire.

Et évidemment, je préfère appuyer sur la question de l'opposition et de la confrontation entre libéral et libertaire, qu'employer le terme "post-moderne", car cela me semble plus lisible et appréhendable, et une piste, un postulat, me semblant plus facile à charger de sens.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede JPD » 05 Déc 2016, 18:50

Tu es contre tout cadre protecteur face aux violences faites aux femmes ? Tu es super anar ultra-libéral, et tu penses que tout cadre législatif est improductif et liberticide ? Je ne le pense pas.
En tout cas, je suis pour l'existence d'un cadre protecteur et de règles collectives s'appliquant aux violents et oppresseurs. Et il en sera de même en société communiste-libertaire.


Ou tu as vu que je rejetait TOUT cadre protecteur et que je considérais TOUT cadre législatif liberticide ? je n'ai parlé que d'UN cadre législatif qui ne m'apparaît pas aller dans le bon sens. Parce qu'il risque de se retourner contre les prostituées mais aussi et peut être surtout parce qu'il masque la cause essentielle de la prostitution à savoir la pauvreté, la misère.

Tu pars d'un point précis pour dévider toute une pelote en sortant des mots clés et magiques (libéral... confusionnisme etc.) comme c'est de mode dans "le milieu". Ce que je reproche au PIR comme au Strass c'est, entre autre, de vouloir explicitement parler au nom de tous les autres, c'est d'un avant gardisme de mauvaise augure. Ceci dit de là à en faire des ennemis ça me paraît relever d'une posture consistant à se fabriquer l'ennemi au plus proche de soi par impuissance à s'affronter avec les grands ennemis.

J'ai parlé de la misère comme cause de la prostitution.. Il y a aussi les rapport hommes femmes. Et là l'élément clé à mon avis c'est le rapport au corps, au mépris du corps (et du sien propre en premier) et du désir qui en est une cause importante, et donc toutes les religions, du moins dans les sociétés modernes. Et là aussi il y a des choses à faire plus intéressantes que d'aller mener des campagnes pour légiférer. Tu dis qu'il n'y a plus de mouvement féministe, oui mais pourquoi ? Tu as une idée ?

Décidément le terme abolitionnisme est très mal choisi ou plutot pas si mal que ça pour ceux qui veulent cantonner nos luttes à des aspects juridiques. Maintenant si faire ce genre de critique c'est être traité en ennemi (pourquoi pas de la classe ouvrière !) eh bien tant pis ! sourire, on s'en remettra. sourire !
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede Béatrice » 05 Déc 2016, 22:52

Ton approche est un peu réductrice car elle élude la question de la prostitution choisie à des fins purement mercantiles dont le STRASS est un ardent défenseur, sous-couvert de faux-semblants... Il faut être assez ingénu(e) ou de mauvaise foi pour ne pas le reconnaître.
Le STRASS est une des composantes du système néolibéral qui se se met progressivement en place et donc oui, un ennemi parmi tant d'autres.
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede Pïérô » 06 Déc 2016, 21:12

JPD a écrit:Ou tu as vu que je rejetait TOUT cadre protecteur et que je considérais TOUT cadre législatif liberticide ?


Je l'énonce mais je ne dis pas que tu le penses, puisque je dit
Pïérô a écrit: Tu es contre tout cadre protecteur face aux violences faites aux femmes ? Tu es super anar ultra-libéral, et tu penses que tout cadre législatif est improductif et liberticide ? Je ne le pense pas.


JPD a écrit:Tu pars d'un point précis pour dévider toute une pelote en sortant des mots clés et magiques (libéral... confusionnisme etc.) comme c'est de mode dans "le milieu". Ce que je reproche au PIR comme au Strass c'est, entre autre, de vouloir explicitement parler au nom de tous les autres, c'est d'un avant gardisme de mauvaise augure. Ceci dit de là à en faire des ennemis ça me paraît relever d'une posture consistant à se fabriquer l'ennemi au plus proche de soi par impuissance à s'affronter avec les grands ennemis.

Ce n'est pas utiliser un mot magique que d'opposer libéral à libertaire, et je dis qu'il y a là pour moi quelque chose de plus lisible que de parler de "post-modernisme" et que cela me semble plus facile à charger de sens.
Dans ce domaine il est clair par exemple que le strass se situe bien dans le champ libéral, et certainement pas libertaire, et l'affrontement politique relève bien de questions de sens fondamentales et complètement antinomiques. A partir de là il y a bien inimité et des ennemis parfaitement identifiés. On trouvera les éléments de cette confrontation dans des topics dont je remet les liens : . Contre le système prostitutionnel: libertaire vs libéral : viewtopic.php?f=75&t=4152 . Syndicalisme et prostitution, questions embarrassantes : viewtopic.php?f=75&t=6050.
C'est un peu moins simple pour le PIR, car si le champ politique parait là aussi très réactionnaire, et un champ libéral et anti-libertaire dans ce qui est porté, je rajouterai là la question d'un confusionnisme, que je n'utilise pas non plus en "mot magique" et dont on trouvera beaucoup d'éléments dans ce topic dédié : viewtopic.php?f=94&t=6982
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Re: Post-modernisme et luttes sociales

Messagede JPD » 07 Déc 2016, 16:57

Je trouve Béatrice que tu vas un peu vite à te fabriquer des ennemis. Ennemi est un mot fort surtout dans la période où en l'absence de perspectives beaucoup trouvent plus commode les dénonciations physiques et verbales d'ennemi qu'on se construit autant qu'on les dépiste..; mais bon !
Le strass à mes yeux est peut-être une composante de l'offensive néo libérale mais il dit et énonce beaucoup de chose que je partage à propos de la prostitution et des prostitués... Des choses sur la protection,la santé, la sécu etc... qui sont aussi défendu entre autre par le nid, une association abolitionniste. Non, là où vous achoppez c'est sur la question de ce n'est pas "métier comme un autre" contrairement à ce que dit le strass. Mais c'est quoi un métier comme un autre ? Cette question est le nœuds en effet de la complexité du problème, comme dit digger, et je trouve que désigner comme ennemi celles et ceux qui sont en désaccord avec vous est un peu léger. Je reproche au strass de vouloir représenter toutes les prostituées en tous genres (normal ce sont des syndicalistes et c'est ce que je reproche au syndicalisme) mais au moins ce sont des prostitués.. et pas des services sociaux.

De toutes les façons c'est vraiment la faiblesse ou même l'absence d'un mouvement social et antipatriarcal qui est un obstacle pour avancer sur ces questions.

Piero je prendrai le temps de lire tes textes. Juste un mot je suis d'abord communiste et ensuite ou presque avec anarchiste ou libertaire. Libertaire tout seul c'est déjà pour moi et depuis longtemps libéral. (voir http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article485
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