Le souverainisme en slip

Re: Le souverainisme en slip

Messagede luco » 19 Jan 2016, 17:15

L'enjeu est bien là d'en parler, de soutenir, et de participer à créer et renforcer du lien et du réseau à l'international au niveau de la lutte des classes et pas de se renfermer sur soi, pour répondre à luco.


On peut en parler, on peut soutenir (mais personne ne soutien CONCRETEMENT les luttes en Chine ou en Corée du Sud, car le mvt ouvrier n'a pas les moyens de cette solidarité internationale, et a déjà assez de mal à exister ici) et personne de participe ÉVIDEMMENT.

C'est une réponse "idéale" et abstraite que fait Piero.

Il répond abstraitement aux questions réelles posées par l'unification du marché au niveau mondial qui n'est qu'une accélération de la mise en concurrence de tous contre tous.

Or, sur le terrain social comme sur le terrain écologique, ce n'est qu'en refusant la merde qu'on veut mettre dans notre jardin, que nous aidons tout le monde à la refuser chez lui aussi.

Quand je refuse un incinérateur ici et maintenant dans mon bled, je ne fais pas de "repli sur soi".

Quand j'essaie d'imposer des marchés protecteurs (locaux, régionaux, nationaux, continentaux) je ne fais pas du "repli sur soi", j'aide aux contraires les autres pays à faire de même chez eux (pays du sud contre le dumping agro-alimentaire par exemple).

A l'inverse, quand je milite pour la libre circulation des marchandises et des personnes, je ne fais que porter les valises du capitalisme mondialisé et de la classe qui en profite.
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Re: Le souverainisme en slip

Messagede Pïérô » 20 Jan 2016, 20:59

Là encore c'est vraiment du raccourci, qui ferait que d'un côté je serais défenseur du capitalisme libéral, et que d'un autre je renverrais qu'on trouverait le défenseur d'un capitalisme protecteur. Bref, il faudrait cesser d'aller sur ce terrain luco, même tu ne t'inscris désormais plus que dans la basse provocation, et dans une forme d'incantation autour des la question de la présence dans les luttes sociales, dont tu ne parles d'ailleurs jamais sur ce forum, pour au final passer ton temps à ramer à contre sens et à défendre l'ordre établi.

Il y a des axes qui doivent se rejoindre dans ce que j'énonce plus haut.
Alternatives en actes, et autogestion, en dynamique vers un autre monde.
Cet autre monde se rapporte pour nous à un projet communiste libertaire, et il est important de porter ce projet, de le rendre lisible et visible.
Soutenir les luttes de par le monde et construire du réseau international.

Je ne suis pas dans l'incantation concernant la question du soutien. Le soutien, parce qu'il ne peut pas vraiment être physique, passe déjà par l'information et le partage d'informations, et il y en a beaucoup ici qui reflète une petite partie de l'existant dans ce domaine important. Construire du réseau, au moins dans le domaine social et syndical, il y en a qui se démènent pour en créer déjà plus qu'un embryon : viewtopic.php?f=66&t=7116

Tout cela ne représente pas encore assez, mais ce sont des jalons importants qui se situent de mon point de vue dans la bonne dynamique, et pas le souverainisme et le protectionnisme.
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Re: Le souverainisme en slip

Messagede luco » 20 Jan 2016, 21:23

Bref, il faudrait cesser d'aller sur ce terrain luco, même tu ne t'inscris désormais plus que dans la basse provocation,


Non. Mes posts précédents sur le souverainisme sont largement aussi étayés que les tiens et que les autres intervenants du forum.

Tu ne sais pas y répondre, c'est un autre problème...
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Re: Le souverainisme en slip

Messagede Pïérô » 20 Jan 2016, 22:21

Il me semble pourtant avoir déroulé ce qui pour moi fait sens.
Et il faut noter une divergence qui me semble complètement insurmontable parce qu'on ne se place pas dans la même dynamique et sur le même terrain, et notamment celui de la révolution sociale internationale.
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Re: Le souverainisme en slip

Messagede bipbip » 19 Fév 2017, 16:45

Politique : Aux risques d’une dérive souverainiste

Le courant citoyenniste fait souvent des propositions qui, sous couvert d’antilibéralisme, flirtent avec le nationalisme. Analyse.

Depuis quelques, années, une certaine « gauche » nationaliste et souverainiste tend à émerger progressivement. L’ouvrage de Bernier, La Gauche radicale et ses tabous – Pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national (2014), semble rassembler toutes ces exigences d’un nationalisme « de gauche », en thématisant la nécessité d’un protectionnisme circonstancié, d’une défense de l’État-nation français, pour résister aux diktats néolibéraux de l’UE. Bernier s’inscrit aussi dans la mouvance d’un PCF vieillissant, dont il faudrait actualiser les préoccupations jugées « légitimes », mais peut-être à l’intérieur de stratégies politiques plus dynamiques (Front de gauche).

Au sein de cette nébuleuse nationaliste de gauche, on retrou­vera Frédéric Lordon, mais aussi Jacques Sapir et Emmanuel Todd. Les journaux Le Monde diplomatique, ou Fakir, sur un autre mode, relayeront certaines de ces conceptions protectionnistes, sans toujours faire preuve d’une cohérence stricte.

Par ailleurs, si l’on considère le programme protectionniste et souverainiste d’un Mélenchon, son souci de thématiser une « identité française » (issue des Lumières et de la Révolution), ses propos très ambigus à propos de l’immigration ou du « droit à l’installation », on peut considérer que de telles projections « de gauche », d’abord théoriques, tendent à se cristalliser dans certaines mouvements politiques « de masse ».

Ces réactions « de gauche » au « néolibéralisme », qui sont aussi des conséquences de la crise de 2008 (crise qui entérine le caractère pervers d’un tel néolibéralisme, ayant émergé dès les années 1980), sont citoyennistes en un sens précis ; et elles questionnent donc l’être même du citoyennisme, ses structures et limites, d’autant plus que nous aurions affaire ici à un citoyennisme qui se voudra éminemment « radical ». En effet, un tel protectionnisme « de gauche », qui pourra promouvoir la sortie française de l’Europe, prône essentiellement, politiquement parlant, une modification radicale des processus constituants, mais sans modification des rapports matériels de production, et sans abolition conséquente des structures juridiques d’exploitation. C’est par la politique politicienne, par ses médiations institutionnelles universelles et abstraites et réellement inégalitaires, qu’on voudrait promouvoir une égalité purement formelle et idéologique. C’est bien le « citoyen », ou l’électeur, qui est mobilisé par ces discours, de telle sorte que ne sont plus pris en compte, essentiellement, les conditions matérielles d’existence des individus, infiniment variables, ni les processus de prolétarisation et de dépossession des individus, dont l’abolition supposerait l’abolition des rapports sociaux capitalistes, au niveau global. C’est finalement au nom d’une « union nationale » interclassiste, particulièrement favorable à la petite-bourgeoisie, ou au petit patronat, que chaque « citoyen » sera appelé à se mobiliser activement au sein de ces mouvements.

Thèmes dangereux

Il faut maintenant revenir sur chaque contradiction de tels protectionnismes dits « de gauche », mais qui empruntent aussi aux populismes droitiers certains thèmes dangereux :

– D’abord, en critiquant simplement le néolibéralisme global, pour défendre un capitalisme « régulé » national, ce protectionnisme protège intrinsèquement le capitalisme, national ou global, non seulement matériellement, mais aussi idéologiquement, puisqu’il voudrait nous faire croire qu’un capitalisme « durable », ou « à visage humain », serait possible. De fait, ce protectionnisme ne s’oppose pas strictement au libre-échange mondial, mais s’insère dans sa logique destructrice, puisqu’il ne fait que « réguler » une telle logique, sans abolition des structures mondiales, juridiques et matérielles d’exploitation. Rappelons-le donc maintenant, dans les faits, un tel système économique, à la fois national et transnational, ne saurait être maintenu indéfiniment, pour deux raisons essentielles : d’une part, il prétend pouvoir croître à l’infini dans un monde où les ressources naturelles et les besoins et capacités humains sont finis ; d’autre part, il doit affronter des crises économiques cycliques et systémiques, au sein d’un procès irréversible de dévalorisation, dans la mesure où il est soumis à une contradiction entre un machinisme (travail mort) toujours plus développé, rendant obsolète toujours plus le travail vivant, et un besoin irréductible, malgré tout, de travail vivant, pour extorquer une survaleur et faire du « profit ». Les « révolutions industrielles » ne font qu’aggraver une telle contradiction, et la crise de 2008 n’est pas étrangère, d’ailleurs, à ce qu’on a appelé la « troisième révolution industrielle » (informatique et microélectronique). Le protectionnisme, ou le régulationnisme nationaliste, ne seront jamais susceptibles d’empêcher cette autodestruction dédoublée, comme il va de soi : comme industrialisme, ou comme idéologie du développement, il n’évitera jamais la crise écologique ; comme néokeynésianisme, il ne fait que retarder l’échéance des crises, comme le rappelle l’échec des Trente Glorieuses (1973, etc.).

– En outre, comme nationalisme, il renonce à une vocation internationaliste anticapitaliste conséquente, et maintient donc les rapports néocoloniaux de production, au sein de la division internationale du travail. Il n’est pas un anticapitalisme conséquent, mais un altercapitalisme, d’autant plus hypocrite et contradictoire qu’il se dira parfois critique du capitalisme « tout court » (voir Lordon, Capitalisme, désir et servitude).

– Par ailleurs, en opposant une « économie réelle » à « protéger » et des principes transnationaux abstraits « pernicieux » (finance mondiale, Bruxelles, etc.), ce protectionnisme nationaliste ne voit pas que c’est aussi au sein même des contradictions internes à cette « économie réelle » que se situe le point critique, et la possibilité des crises (contradiction travail mort/travail vivant). En effet, c’est parce que l’économie dite « réelle » est au sein d’une crise permanente, que la finance, qui doit compenser sa crise de valorisation ou de réalisation, finit par l’empoisonner. Vouloir « réguler » cette finance, ou le libre-échange mondial, juridiquement, sans abolir à leur racine les principes d’une telle « économie réelle », c’est finalement vouloir mettre des pansements sur un corps à l’agonie.

– Finalement, lorsqu’un tel protectionnisme nationaliste veut se développer sur un terrain « culturel » ou « identitaire », il tend cette fois-ci à devenir franchement nauséabond. L’« identité française » pourra devenir la caution pour des discriminations spécifiques ; certaines valeurs traditionnelles patriarcales pourront se réaffirmer ; derrière la finance mondiale, on pourra bien vite reconnaître « le Juif » dominateur, et développer des thèmes antisémites ; ou l’on cherchera aussi de nouveaux boucs émissaires, susceptibles de « souder » l’unité nationale en quête de « repères » (Arabes, immigré.es, musulmans, migrants et migrantes, réfugié.es, etc.). Le protectionnisme « de gauche » reste fort éloigné de ces préoccupations, pour l’instant. Mais son correspondant d’extrême droite dévoile des logiques « culturalistes », propres à tout protectionnisme identitaire, qui devraient susciter toujours plus une critique radicale des replis nationalistes en général. Il s’agira d’interpréter attentivement les propos récents d’un Mélenchon à propos de l’immigration et du « droit d’installation » (qu’il faudrait limiter, selon lui, en garantissant la paix dans les pays concernés, alors même qu’il n’a absolument pas la politique internationaliste conséquente pour avoir de telles prétentions). Ses propos relatifs à « l’identité nationale » française, renvoyant avec lui aux Lumières capitalistes et à la Révolution française (non pas celle des bras nus, mais celles des « citoyens » bourgeois), doivent également interroger légitimement. Ses propositions « féministes » rassurent encore, tout comme ses positionnements écologiques. Mais il est bon de rappeler que le capitalisme, qu’il soit dit « national » ou « global », « à visage humain » ou « sauvage », demeure intrinsèquement un système fonctionnaliste et industriel structurellement patriarcal et antiécologique, par-delà toute « restructuration » cosmétique. Et Mélenchon, qui se disait encore, en 2011, « keynésien », est bien sûr favorable au capitalisme en tant que tel, certes quelque peu « régulé ».

Au sein de cette dynamique démagogique et nationaliste, c’est finalement une ultime confusion qui s’affirmera : la confusion entre réforme et révolution. Ces réformistes « radicaux », en effet, très souvent, feront passer leurs « réformes radicales » pour des élans révolutionnaires (on songera à la verve « insurrectionnaliste » d’un Lordon, par exemple). Dans ce contexte, les mouvements révolutionnaires conséquents, internationalistes et anticapitalistes au sens strict, tendent à perdre toujours plus en légitimité et en force. D’autant plus que ce sont bien ces réformistes citoyennistes qui auront toute la visibilité « médiatique », et qui sembleront détenir le monopole de la critique et de l’alternative.

Ecrans de fumée

Face à ces écrans de fumée, il faudra rappeler que seule l’abolition, au niveau global de la propriété privée des moyens de production, des catégories de base du capitalisme (marchandise, argent, travail abstrait, valeur), de ses fonctionnalités « politiques » (Etat-nation bourgeois), et des rapports matériels de production découlant de ces logiques, constitue l’horizon révolutionnaire conséquent. Car l’ampleur des ambitions révolutionnaires doit aussi se situer au niveau de l’ampleur du désastre.

Benoît (AL Montpellier)

http://www.alternativelibertaire.org/?P ... une-derive
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Re: Le souverainisme en slip

Messagede bipbip » 01 Mar 2018, 20:50

Le souverainisme : Comment la confusion profite à l’extrême droite

Le souverainisme : altermondialisme et France Insoumise – Comment la confusion profite à l’extrême droite

Depuis quelques années une certaine confusion s’est installée entre la social-démocratie radicale et le Front National : ces formations ont désormais des pans entiers de leur programme en commun. Si ces mouvements restent différents, et qu’il n’est pas possible de les amalgamer, cette confusion ne peut à terme bénéficier qu’à l’extrême droite…

La critique de l’Union Européenne est aussi un point de convergence et de confusion entre l’extrême droite et une certaine gauche souverainiste, qui dénonce l’Union Européenne comme outil de mise en place de politiques néolibérales. Par contre, cette gauche va se borner à réaffirmer la nation républicaine comme outil d’émancipation, bien loin de l’internationalisme du mouvement ouvrier. Cette proximité entre les discours de la gauche souverainiste et de l’extrême droite crée des passerelles, de la confusion, et contribue donc à la dédiabolisation du discours réactionnaire.

L’union Européenne, un outil aux mains de la bourgeoisie

Sur le papier, l’idée d’Union Européenne pourrait sembler porteuse d’idéaux intéressants : paix entre les peuples, internationalisme, libre circulation des personnes… Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, l’UE est un outil aux mains des bourgeoisies européennes. Ses politiques sont totalement inféodées aux intérêts du capital, qui tente d’attaquer ce qu’il reste de l’Etat social dans les différents pays membres

Tout d’abord, rappelons que la liberté de circulation est à relativiser : si elle est effective dans la plupart des cas et qu’elle permet la circulation de flux de personnes et de marchandises qui rapportent énormément d’argent, il ne faut pas oublier qu’elle est facilement limitée lors d’évènements politiques comme durant les contre-sommets ou encore face à un afflux de migrants trop élevé. Elle ne fonctionne pas non plus dans toute l’Europe, comme le montre par exemple la situation à Calais où des migrants stagnent en attendant de passer la frontière britannique. C’est surtout aux frontières européennes qu’elle s’avère illusoire : l’Europe forteresse laisse de nombreux migrants mourir en mer alors qu’ils tentent de rejoindre cet « eldorado » xénophobe.

L’Union Européenne est principalement le vecteur de politiques néolibérales, visant à marchandiser de plus en plus de secteurs (privatisations), mais aussi à abaisser les salaires directs et indirects par le biais de politiques d’austérité tout en mettant en concurrence les travailleurs à l’échelle européenne.

Les plus récents traités européens (MES et TSCG), avec la mise en place du mécanisme de stabilité (MES), imposent aux états membres des normes de gouvernance de plus en plus contraignantes. Celle-ci vont systématiquement dans le sens de la bourgeoisie, que ce soit dans des cas particuliers (à l’échelle d’un secteur industriel) ou de la ligne politique générale. L’Union européenne est un outil d’ « harmonisation » par le bas, pour ne pas dire un outil d’écrasement du prolétariat, bien loin du projet kantien d’harmonie entre les peuples et de paix perpétuelle.

Le paroxysme de cette politique a été l’écrasement du peuple grec au nom d’une dette insoutenable, dont l’humiliation du parti social-démocrate Syriza est un triste épisode.

L’extrême droite et la « gauche radicale » contre l’UE

Les partis d’extrême droite, bien qu’ils prétendent avoir un discours social, ne sont pas vraiment opposés aux politiques décrites plus haut, et encore moins en faveur de la liberté de circulation. Par contre, ils surfent habilement sur le ressentiment causé par ces politiques. La question de l’Union Européenne va également brouiller les clivages politiques entre deux types de mouvements qui pourtant n’ont pas les mêmes fondements.

Nous avons vu que l’extrême droite est contre l’Union Européenne principalement par nationalisme et que son discours anti libéral n’est que poudre aux yeux. Par contre, de l’autre côté, la « gauche radicale » de type Syriza ou Podemos et ses clones dans d’autres pays, comme le Front de Gauche et la France Insoumise va mobiliser les anciens électeurs des partis sociaux-démocrates avec un discours anti austérité aux accents radicaux. Nous n’allons pas nous étendre sur les programmes de ces partis, mais pour résumer, à part une critique virulente de la corruption et un discours en faveur de la démocratie participative, leur principale perspective est de tenter de gagner les élections sans recourir aux luttes sociales afin de mener de mener une politique keynésienne de relance nationale. Ils réclament plus d’impôts, un recours à l’emprunt et à la planche de billets, un Etat social, des aides aux ménages pour relancer la consommation, etc.

A ce niveau, leur objectif est de relancer l’économie en mettant en place un capitalisme « à visage humain », plus social et qui taxerait un peu plus les patrons – bref, un réformisme avec de nouveaux habits, proposant un retour aux « Trente glorieuses » idéalisées, assorti d’une régénération de la « démocratie ».

Ce courant politique s’oppose à l’Union Européenne. Les membres de ces mouvements se partagent entre partisans d’une « autre Europe », plus sociale, et les partisans de la rupture avec l’UE et l’Euro, qui assument ce que l’on peut appeler un souverainisme de gauche.

En Europe, parmi les partisans de ce souverainisme de gauche, on peut compter pêle-mêle Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, puis de la France Insoumise, le POI trotskiste, des économistes tels que Frédéric Lordon ou Jacques Sapir, des titres comme Le Monde diplomatique mais aussi en Grèce le KKE, la scission de gauche de Syriza « Unité Populaire », ainsi que le Bloc de Gauche au Portugal et des courants de Podemos.

Ce phénomène s’explique par le fait que dans un contexte où l’Union Européenne est l’outil de l’austérité, la question de l’acceptation du cadre européen de l’austérité et de l’euro est devenu un des clivages politiques les plus importants. Comme l’a montré la défaite humiliante de Syriza, celui qui refuse de s’y opposer ne peut que se résoudre à courber l’échine.

Comme cela avait déjà été le cas lors du référendum de 2005 sur la constitution européenne, face à ce clivage, ce sont bien deux tendances en apparence opposées qui se retrouvent sur des positions similaires.

D’un côté, il y des réformistes radicaux veulent une politique keynésienne de redistribution de la production, en prônant une série de réformes démocratiques assez illusoire dans le cadre du capitalisme mondialisé. Ils conçoivent l’Etat national comme un outil d’action politique leur permettant de mener à bien ces politiques.

De l’autre, l’extrême droite fait son beurre sur le sentiment populaire anti-UE, assumant pleinement la sortie de l’UE et de l’Euro. S’il y a convergence autour de ce clivage majeur, au-delà de leurs discours, les deux courants présentent pourtant des différences importantes. Comme nous l’avons vu, le programme économique de l’extrême droite est composé de mesures d’austérité organisant un transfert massif de richesse vers le patronat. Le cœur du programme anti UE de l’extrême droite, malgré un faux discours social, est xénophobe et nationaliste. Il vise à se donner les mains libres pour mener des politiques anti-sociales.

Le confusionnisme

La convergence apparente de ces deux courants autour de la même position anti-UE n’est pas sans créer la confusion. Le discours faussement social de l’extrême droite, FN en tête, assorti à un discours anti UE ressemble beaucoup à celui de la gauche radicale : opposition aux délocalisations, à la mondialisation, pour des emplois pour tout le monde, de vraies politiques sociales (pour les nationaux), et augmentation des salaires. Rappelons que Florian Philippot (par ailleurs issu de la gauche souverainiste) a même déclaré que « la victoire de Syriza est un camouflet pour la caste UMPS Européiste ».

Bien entendu ce discours n’est que poudre aux yeux, mais la confusion va être encore renforcée par les tenants de la gauche souverainiste qui vont « nationaliser » leur discours. Le champion de cette « nationalisation » est Jean-Luc Mélenchon qui ne rate pas une occasion d’affirmer son patriotisme et d’arborer des symboles nationaux (drapeaux et marseillaise), ne se privant pas de dénoncer l’Union Européenne, l’Euro mais aussi les allemands, par exemple dans son ouvrage au titre ridicule : Le hareng de Bismarck. Par ce double mouvement, les discours de ces deux types de formation, pourtant au départ bien distincts, se ressemblent de plus en plus. Au niveau de l’expression publique, la seule différence d’ampleur est le rejet de l’immigration et la xénophobie que la gauche radicale ne cautionne pas.

Ce confusionnisme tourne bien souvent à l’avantage de l’extrême droite, qui en plus de pouvoir mobiliser sur le thème de la sortie de l’UE, fait aussi campagne contre l’immigration et parvient à surfer sur des sentiments racistes et anti-immigration de plus en plus largement répandus.

Dans un concours de discours assez similaires, ce sont souvent les meilleurs communicants qui l’emportent. Par exemple les discours du Front de Gauche et du FN peuvent avoir des similitudes troublantes, mais à ce petit jeu le FN est souvent plus audible car plus rompu aux ficelles de la démagogie et de la propagande, liant un discours de rejet de l’UE et du « système » à celui de l’immigration et à la peur de l’Islam. L’affrontement pour obtenir le soutien des classes populaires glisse donc vers des thématiques marquées à droite, ainsi, si Mélenchon réalise un bon score aux élections présidentielles de 2017, c’est Marine Le Pen qui parvient au second tour.

Mais ces similitudes sont dangereuses pour d’autres raisons plus profondes : alors que la stratégie des sociaux-démocrates avait été pendant des années de créer un « cordon sanitaire » autour de l’extrême droite en France, celui-ci vole en éclats. Le fait que ces deux types de formations tiennent un discours similaire crée un état de brouillage et de confusion qui ne peut qu’être favorable à une extrême droite en ordre de bataille.

L’ « Union Nationale »

Un des exemples les plus extrêmes de ce confusionnisme est le discours appelant à une « Union nationale » des opposants à l’UE et à l’Euro mêlant gauche radicale et extrême droite, dont le centre de gravité aurait bien entendu tendance à être à droite, voire du côté de l’extrême droite. Il a été tenu par Nicolas Dupont Aignant de Debout la République (qui appelle à voter FN en 2017), mais aussi par l’économiste anciennement proche du Front de Gauche et financé par la Russie Jacques Sapir, dont les déclarations en faveur d’une telle union nationale suscitent un tollé .

Cette convergence confusionniste ne peut qu’à terme bénéficier à l’extrême droite, et s’éloigne de l’internationalisme du mouvement ouvrier, sans pour autant pouvoir apporter de solutions au camp des travailleurs. Nous pouvons aussi remarquer qu’en Grèce, Syriza a cumulé deux trahisons : tout d’abord, après des gesticulations anti UE, le gouvernement a capitulé et mis en place des mesures d’austérité sans aucune contrepartie sociale. Mais en plus de cela il s’est allié à la droite souverainiste de l’ANEL, petit parti défendant des positions semblables à celles de Debout La République, et proche de l’armée grecque.

Par ailleurs, nous rajouterons que d’un point de vue révolutionnaire, il ne faut absolument jamais accepter le piège mortel représenté par la fausse alternative entre d’un côté l’Europe de l’austérité et de l’autre un capitalisme national promettant de relancer l’économie. Celui-ci n’aboutirait qu’à un durcissement de l’exploitation dans un contexte d’économie en crise. Si nous sommes d’accord avec le fait qu’il soit nécessaire de sortir de l’Euro, nous pensons que cette sortie ne peut se faire que dans le cadre d’une sortie du capitalisme. Se positionner pour une sortie de l’Euro dans d’autres conditions ne peut qu’aboutir à un écrasement supplémentaire du prolétariat.

L’extrême droite, sans parvenir au pouvoir, depuis quelques années exerce une importante influence sur la vie politique en France et en Europe. Chasse aux pauvres sous couvert de lutte contre l’insécurité, violences policières légitimées et exacerbées, panique morale vis-à-vis de l’Islam, état d’urgence, tentatives de mettre en place la déchéance de nationalité… Toutes ces politiques ont un point commun : être nées dans les esprits de l’extrême droite, et sont devenues la norme. Cette série d’articles extraits du livre « Temps obscurs, extrême droite et nationalisme en France et en Europe », écrit par des contributeurs au site 19h17.info et du blog Feu de prairie, ont pour objectif de mieux comprendre ce retour en force et le danger qu’il implique pour nous.

Lien vers le livre : https://editionsacratie.com/temps-obscu ... en-europe/


https://www.19h17.info/2018/02/26/le-so ... me-droite/
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