C'est pas un club philo pour intellos de salon ici, donc ne commence pas par te dévaloriser, il est courant sur ce type d'espace, d'ailleurs fait aussi pour ça, de se confronter à des questions de ce type. Et puis, commencer à faire différence entre Proudhon et Bakounine c'est déjà le signe que tu portes de l'intérêt à cetaines questions qui font enjeu, et pas que philosophiques mais aussi politiques, et que tu ne pars pas de rien. Et je te souhaite la bienvenue sur cet espace d'infos et d'échanges.
Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une "philosophie anarchiste" qui rassemble tout ce qui se réclame de cette philosophie justement, ou d'une étiquette souvent bien malmenée et déformée. Aborder l'anarchisme par ce bout risque de t'amener à planer, non seulement dans certaines formes d'abstraction, mais aussi dans un éventail politique qui dépasse largement ce courant politique, social, et révolutionnaire, qui émerge au sein du courant socialiste au sens large du 19e siècle, et du mouvement ouvrier, de la lutte des classes.
Il y en a pour se revendiquer de "l'anarchisme de droite", de "l'anarcho-capitalisme", de "l'anarchisme-individualiste", de "l'anarcho-primitivisme", et j'en passe..., et évidemment c'est l'idée même de révolution sociale et de projet de société communiste-libertaire qui se trouve noyée dans un fatra dans lequel les repères se perdent.
Pour faire court, et cela se ressent sur ce forum, les points d'achoppement se trouvent et se construisent entre libéral et libertaire, individualisme et communisme, "anarchisme lifestyle" et construction et dynamique collective. De ce point de vue, ce qui t'es servi sur un plateau sur un autre forum, le forum anarchiste (et c'est en partie d'ailleurs assez révélateur de ce qui fait aussi les divergences dans le mouvement anarchiste qui ne peut se penser en "un" mais en pluriel) est très interrogeable, et critiquable.
La question de l'idéologie dominante dans ce qu'elle a de prégnante est à prendre en considération dans ce qui relève aussi d'un exercice qui devrait tendre à s'en émanciper le plus possible, et non pas la reproduire ou la décliner de diverses manières, tout en pensant être super radical par exemple en confondant libertaire et ultra-libéral.
Je pense que ce que tu dis de Proudhon est d'ailleurs révélateur d'une conscience qui s'aiguise, car dépeint souvent comme précurseur, comme s'il fallait qu'il existe des maîtres à penser, il est limite dans pas mal de domaines. Le courant dit bakouninien (collectiviste à l'époque, alors que le mouvement anarchiste est majoritairement communiste aujourd'hui) participera lors de la première international à mettre le courant proudhonien (mutuelliste et plutôt libéral) en minorité sur les questions de débat de projet de société notamment qui faisaient et font toujours enjeu. Il y a une forme d'articulation entre théorie et expériences révolutionnaires et autogestionnaires qui fait que l'anarchisme n'est pas figé dans le marbre, et qu'il se nourrit constamment, qu'il est changeant et qu'il évolue.
Alors, de mon côté, parce que je n'ai pas dans ce domaine (philosophique, si tant est que l'on puisse n'aborder l'anarchisme que sous cet angle biaisé) de sainte bible à énoncer, je t'invite plutôt à continuer dans cette démarche que tu as entreprise et qui t'amène déjà à certains positionnements, et à parcourir le forum pour mesurer l'étendue de ce que représente, et pas que sur un plan philosophique, ce courant politique, dans le sens révolutionnaire, tant en terme de projet de société communiste-libertaire, que dans les actes de la vie réelle, les luttes et les combats, et les expériences d'autogestion (de gestion collective, de démocratie directe)...