Sur la question religieuse

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Messagede Nico37 » 19 Mai 2009, 02:27

Militantisme et religion

En lisant Citation à expliquer j'ai "bad tripé" ; j'ai eu l'impression d'être sur un site intégriste religieux.
D'où un double questionnement :
- les rapports entre engagement militant et engagement religieux
- l'affirmation de Lénine en elle même
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Re: Militantisme et religion

Messagede RickRoll » 19 Mai 2009, 08:14

Il est de notoriété publique que Lénine ne s'intéressait pas aux questions de libération féminine.

L'affirmation de Lénine est juste celle d'un militant qui n'a pas su se défaire du carcan moral chrétien, ce qui en fait un réac sur les questions de moeurs.

Il y a un lien entre militantisme et religion dans le sens que certain-es se comportent comme des curés ou des nonnes de la cause qu'il défendent : il-les ne s'autorisent pas de vie, de distraction en dehors de leur cause, n'ont pas de vie amoureuse etc...

A part ces deux trucs (le carcan, et les curé-es) et quelques influences chrétiennes dans certaines idéologies, je ne vois pas trop de lien.
RickRoll
 

Re: Militantisme et religion

Messagede kuhing » 19 Mai 2009, 08:53

RickRoll a écrit:

L'affirmation de Lénine est juste celle d'un militant qui n'a pas su se défaire du carcan moral chrétien, ce qui en fait un réac sur les questions de moeurs.

.


En tout cas son copain Trotsky c'était un chaud.
Il y a un passage dans une lettre à sa femme Natalia alors qu'ils étaient séparés pour un moment qui n'est pas à piquer des hannetons.
"hot" de chez "hot" : "broute-minou et autres joyeusetés" ; pas ce qu'on entend à la messe.
Je ne sais plus dans lequel de ses bouquins j'ai lu ça. Je crois que c'est dans "ma vie" , quand il raconte un de ses périples .Le dernier au Mexique ? ou c'est ailleurs, me souviens plus.
Bof, pas trop envie de rechercher ça, peut-être qu'un trotskysophile le fera à un moment donné.
kuhing
 

Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 30 Jan 2015, 01:23

Sur la question religieuse
de la CGA Lyon

Sur la question religieuse

Au sein des luttes sociales auxquelles nous participons, et plus largement dans la dynamique de notre combat contre toutes les formes d’oppression et de domination, nous rencontrons la religion comme idéologie, mais aussi comme fait social et culturel.

D’abord parce qu’une majorité des exploité-e-s affirme un sentiment religieux, qu’il s’agisse de l’adhésion à telle ou telle religion instituée (ou l’un de ses courants), ou la conviction qu’il existe un force extérieure à la matière, une transcendance qui, selon les cas, est présentée comme créatrice (du monde, des événements historiques, des comportements humains, des phénomènes naturels....), comme normative (source de norme de comportement, d’une conception morale fondée sur "le bien" et "le mal" ou le "licite" et "l’illicite), comme supérieure...

Ensuite parce que la religion, comme idéologie (quelle que soit sa forme), est mobilisée dans les conflits politiques et sociaux par les protagonistes, pour justifier leur positionnement, et, dans la plupart des cas, par les dominants pour justifier leur domination.

Quelle est le fondement de notre critique de la religion ?

Quelle conception du monde ?

Toutes les religions ont en commun l’idée que ce ne sont pas les être humains, qui individuellement ou collectivement, doivent déterminer leurs comportements, les valeurs éthiques (ce que l’on considère comme juste, injuste, acceptable, inacceptable, souhaitable ou au contraire non souhaitable), la manière d’organiser la vie en société, mais une (ou des) entités extérieures aux individus et aux être humains, "transcendantes", qui définirait des normes de comportement, une conception du "bien" et du mal, de ce qu’il faut ou ne faut pas faire.

Dans le cas des religion déistes, il s’agit d’un ou plusieurs dieux, et de leur "parole révélée". Dans le cas de la religion "scientiste" il s’agit de la science vu non pas comme un méthode critique de connaissance, mais comme une autorité idéale. Dans le cas des religions "naturalistes" ou animiste, il s’agit de la nature, ou d’esprits, etc...

Cet aspect de l’idéologie religieuse (comme système d’idée), a pour conséquence de protéger de la critique des normes sociales, des comportements, des organisations sociales, dès lors qu’ils sont présentés comme l’expression de la transcendance (volonté divine, inéluctabilité scientifique, fatalité de la nature). La conséquence en est que l’idéologie religieuse est un outil de pouvoir particulièrement efficace, puisqu’elle fait échapper-lorsqu’elle est utilisée par les dominants- les rapports sociaux, les normes, la hiérarchie, la domination, à la critique rationnelle, à la possibilité de remise en cause.

Il est évident que toutes les religions ont du composer au cours de l’histoire avec la démarche rationnelle, celle qui consiste pour les individus à exercer leur propre réflexion critique et le "doute méthodique" pour forger leur points de vue, ainsi qu’à énoncer des affirmations de telle manière qu’on puisse autant prouver qu’elles sont vraies que démontrer qu’elles sont fausses, ce qui n’est pas le cas de la pensée religieuse qui est "infalsifiable"(1).
C’est ce qui explique que chez l’immense majorité des croyants coexistent dans les représentations religieuses un noyau rationnel et un noyau irrationnel. C’est ce qui explique, avec les contradictions du réel, qu’aucune religion (comme fait social et historique) n’a échappé à la discussion rationnelle, liée aux divergences d’interprétations de la norme religieuse, de conception de la nature et de la forme de la transcendance, opposant exégèse, courants religieux, interprétations littérales et symboliques du discours et des textes religieuses.

Aucune "religion", qu’il s’agisse des religions monothéistes ou polythéistes, des religions naturalistes ou scientistes, n’échappe au développement de courants religieux, qui représentent l’expression historique, dans le domaine religieux, du conflit entre la rationalité humaine et l’irrationalité qui représente le cœur de l’idéologie religieuse.

Des controverses théologiques au débat philosophico-religieux, de l’Itjihad à la kabbale, aucune religion n’échappe totalement à l’approche rationnelle et à la pensée critique individuelle, qui s’exprime soit sous la forme du doute, soit sous celle de la contestation de telle ou telle interprétation du dogme, en fonction des enjeux qui s’expriment dans la société (conflits d’intérêts, rapports de domination...).

Mais ces éléments rationnels présents dans les religions (comme production de l’histoire humaine) n’en sont pas l’expression spécifique, mais la résistance du monde social, matériel et concret, des êtres humains de chair et de sang, à un système d’idée dont le noyau repose sur la renonciation à user -l’abdication- (au moins sur une partie du réel) de la pensée individuelle critique. Bien évidemment, cette partie du réel, sur lequel l’idéologie religieuse impose à l’esprit humain de renoncer à réfléchir et interpréter (qu’il s’agisse de l’origine du monde, du sens de la vie, etc...) peut être très restreint chez un individu croyant lorsque la pensée rationnelle a poussé la pensée religieuse dans ses retranchements. Mais ce "noyau" qui échappe à toute possibilité critique, est un socle sur lequel les pouvoirs politiques, religieux, les dominant-e-s, peuvent s’appuyer pour conforter, justifier ou instituer des rapports de domination.

On rétorquera que les rapports de dominations peuvent exister, sous des formes brutales, dans des sociétés ou la rationalité a pris une place importante, ou peuvent être incarnés, mis en œuvre sous forme d’un discours rationnel et laïque, par des individus qui eux/elles mêmes se définissent comme rationnels et laïques.

C’est une évidence. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici en général de discours qui n’ont de rationnels que l’apparence, et non le contenu, car la pensée religieuse ne se résume pas aux religions instituées. Le discours scientiste applique les catégories religieuses à la science, en les "laïcisant". L’idéologie étatiste est elle même "la religion des temps modernes" comme l’a montré Rudolph Rocker dans son ouvrage "nationalisme et culture".La "laïcité" de certains pseudo-laïques n’a plus rien à voir avec la rationalité critique, mais tout avec le dogmatisme qui peut nourrir parfois, ou justifier des rapports de domination bien concret, sur les individus appartenant à des minorités religieuses.

Camillo Berneri, parmi d’autres, dans son texte "le prolétariat ne se nourrit pas de curés" avait il y a déjà presque cent ans souligné les dangers d’un tel dogmatisme qui, se présentant comme une critique anti-religieuse, en reprend les méthodes et le contenu, et par la même non seulement manque sa cible mais fournit des armes aux réactionnaires religieux.

Notre critique ne s’attaque donc pas seulement à la forme extérieure que prend la pensée religieuse, mais à sa nature et à son fond, qu’on retrouve dans bien d’autres approches que les religions instituées.

Lorsque nous formulons une critique de la domination et de la hiérarchie entre êtres humains, nous rencontrons inévitablement à un moment donné l’utilisation de l’argument religieux pour justifier le rapport de domination en question : "ordre divin", "ordre naturel" ou "loi de la science" sont mobilisés pour défendre l’ordre existant.

A cet instant, deux attitudes sont possibles :

◾ L’une qui consiste à opposer une "autre vision de la religion", utilisé par les dominants. C’est celle des divers avatars de la "théologie de la libération". Dans le cas des "religions révélés", le débat se déplacera sur les textes et leur interprétation (littérales ou symboliques), et se résoudra en fonction du rapport de force. Celui-ci se situe du côté de celui qui édicte la norme, et l’histoire humaine montre que cette discussion se place nécessairement sur le terrain des dominantEs, qui peuvent en définir les termes. Dans tous les cas, il est impossible d’échapper aux termes de base de la discussion qui sont imposés, parce qu’ils constituent le socle commun religieux à l’ensemble des interlocuteurs.

Le problème se posera alors, entre deux discours religieux concurrents, de celui qui est en mesure de s’imposer par la force, et non par la conviction.
◾ L’autre qui consiste à déplacer la discussion sur le terrain matériel, historique, rationnel, et d’opposer le réel à ce discours de justification utilisant la religion, c’est à dire l’opposition irréductible entre perspective de libération, d’émancipation, et oppression, en s’attaquant à toutes ses formes de justification idéologique, sous la forme d’un discours religieux théiste, naturaliste ou scientiste.

Une telle approche permet non seulement de s’attaquer aux justifications idéologiques de la domination et de l’oppression, mais aussi d’en identifier les émetteurs (pouvoirs religieux de différentes natures : clergé, idéologues religieux réactionnaires, appareils idéologiques dominants...).

Critique des usages politiques de la religion

La religion comme idéologie est un outil de pouvoir, puisqu’il ne s’agit pas d’un système de croyance personnelles, construites individuellement, mais d’un ensemble d’idées qui font système, et qui sont "performatives", c’est à dire qu’elles agissent sur le réel, en créant des normes morales, et donc des normes de comportement, de fonctionnement et d’organisation sociales.

Tous les discours religieux (scientistes, théistes, naturalistes...) ont ceci de commun qu’ils permettent aux personnes qui les énoncent d’exercer un pouvoir d’influence, tout en en masquant le ou les bénéficiaires : on peut ainsi faire agir "au nom de dieu", "au nom de la nature" ou "au nom de la science" des individus ou des groupes d’individus qui sans cette médiation refuseraient d’agir, puisqu’ils identifieraient les mobiles et bénéficiaires de l’action.
Les personnes agissant sous l’influence d’une telle idéologie ou d’un tel système de norme, n’agiraient pas nécessairement de la sorte (d’une manière parfois contraire à leurs intérêts) si ils avaient conscience que l’injonction bénéficie à des êtres humains biens concrets, sous prétexte d’"accomplir la volonté de dieu", "d’obéir aux lois de la science ou de la nature".

Le clergé comme institution hiérarchisée, dans les religions structurées sur une base cléricale, est aisément identifiable comme l’un des bénéficiaires politiques de ce discours idéologique : que ce soit lorsqu’il exerce de manière directe le pouvoir, comme dans les théocraties (Vatican, Iran aujourd’hui...), ou lorsqu’il justifie une structure de domination à laquelle il est lié, quelle soit étatique ou féodale...

Mais le rôle de la religion comme outil de pouvoir n’apparaît pas uniquement dans un cadre ou celle-ci est structurée de manière cléricale. Le discours religieux se prête à cette utilisation même si il n’est pas porté par le clergé, mais comme idéologie commune des croyants. Ce rôle que joue la religion comme outil de pouvoir apparaît au cours de l’histoire, chaque fois que la hiérarchie sociale, de quelque nature que ce soit, est justifiée par un discours religieux, comme étant l’expression d’une volonté divine, naturelle ou d’une loi scientifique. Que ce discours religieux soit tenu par une autorité religieuse instituée, ou une autorité religieuse informelle, il reste l’un des noyaux, l’une des fondations idéologiques sur lesquelles s’appuie la domination.

C’est à ce titre qu’une politique d’émancipation se heurtera nécessairement, à un moment ou à un autre, au discours religieux, entendu ici comme le refus de la justification rationnelle d’un fonctionnement social, d’une injonction normative (morale...) en matière de comportement...

Il est indispensable d’identifier la dimension politique du discours religieux, pour briser les constructions idéologiques que dressent les dominants pour maintenir les rapports de dominations et d’oppression. La critique rationaliste accroît ainsi pour les individus en lutte la capacité à dissiper les écrans de fumée qui entretiennent ou soutiennent l’oppression.

Majorité et minorités religieuses.

Dans tous les pays, existent des majorités ou des minorités religieuses. Les personnes appartenant aux minorités religieuses sont très souvent victimes de persécutions, d’oppression, liées à ce fait. La liberté de conscience que nous défendons, ainsi que le refus de l’oppression, implique que nous nous opposions à ces persécutions ou aux rapports de dominations en question que subissent les individus appartenant aux minorités religieuses.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il nous appartient de défendre les convictions religieuses de ces individus, ou que celles-ci doivent échapper à notre critique lorsqu’elles sont mobilisées, à leur tour, pour justifier des situations d’oppression ou des rapports de domination. Nous ne parlons ainsi pas de "religions opprimés", comme le font les idéologues religieux des minorités religieuses en question, mais bien de l’oppression des personnes appartenant à des minorités religieuses. Ce sont des personnes qui sont opprimées, et non une idéologie.

Il est cependant indispensable de combattre les instrumentalisations qui peuvent être faites, par l’idéologie religieuse dominante, des critiques ciblées de telle ou telle minorité religieuses. Notre critique du discours religieux ne vise pas une religion plutôt qu’une autre, mais ce qui dans le discours religieux est utilisé pour justifier des rapports de domination. C’est cette approche généraliste qui nous distingue des critiques opportunistes de telle ou telle religion, qui peuvent masquer la défense voilée de la religion dominante, ou un discours raciste lorsque ces critiques sont couplées avec une racialisation des personnes appartenant -ou assignées malgré elles- aux minorités religieuses, comme par exemple dans le cas de l’antisémitisme et de l’islamophobie.

Nous combattons l’idéologie religieuse parce qu’elle prétend déterminer ou justifier les comportements, les normes sociales, l’organisation sociale dominante et soutient ou contribue de ce fait, à la domination et l’oppression des individus qui sont directement victimes de ces normes imposées (les femmes, les gay, les lesbiennes, les bi et les trans...), ou de l’organisation sociale ainsi justifiée (les classes exploitéEs et l’ensemble des opprimé-e-s précédemment citéEs).

Mais ce combat ne saurait se fourvoyer dans des instrumentalisations religieuses ou racistes.

A ce titre, il importe de combattre dans chaque pays les amalgames essentialistes qui nient les contradictions idéologiques qui traversent les religions minoritaires, ainsi que les visions fantasmées de telle ou telle religion, basées sur l’ignorance, parce qu’elles fournissent les justifications intellectuelles d’une oppression réelle.

Notre critique globale de la religion n’empêche pas de distinguer les courants politiques qui s’en réclament, et de distinguer la gauche religieuse, de la droite et de l’extrême droite religieuse, sans renoncer à la critique spécifique du discours religieux, même "de gauche". Cette distinction est faites le plus souvent en Europe en ce qui concerne le christianisme, où les courants de gauche, voire d’extrême gauche, sont considérés distinctement des courants de droite (conservateurs religieux) ou d’extrême droite (intégristes chrétiens). Cela n’a jamais empêché la critique de la gauche chrétienne, et de ses contradictions et limites (et de son aspect oppressant dans le cas des rapports de genre) liées à son assise idéologique religieuse.

Par contre, dès lors qu’il s’agit des courants politico-religieux qui se réclament du judaïsme ou de l’islam, ce soucis de distinction cède le plus souvent la place, dans les pays occidentaux, à un discours fait d’amalgames, auxquels se mêlent un discours à l’arrière fond raciste.
Les musulmans ou juifs (ou les individus athées de culture juive ou musulmanes, qui sont assignés par l’idéologie dominante à ces identités, fussent-ils ou elles anarchistes), y compris celles et ceux qui s’affirment progressistes, de gauche ou d’extrême gauche sont souvent d’emblée suspectés, les uns d’être "islamistes" (entendu ici comme équivalent à l’extrême droite religieuse), les autres d’être "sionistes" (entendu ici comme extrême droite religieuse, nationaliste et coloniale).
Leurs prises de position contre des amalgames ou une vision fantasmée de la religion à laquelle on les assigne sont souvent d’emblée interprétées comme une défense de l’idéologie religieuse (ou nationale-religieuse) à laquelle on les assigne.

La grille d’analyse politique appliquée dans le cas de la religion dominante (distinguant extrême gauche religieuse, gauche religieuse, droite religieuse et extrême droite religieuse) cède la place à des généralisations, facilitées par l’ignorance largement partagée des contradictions politiques et courants idéologiques opposés qui partagent un même référent religieux (même si, dans le cas du sionisme, celui-ci n’est que le prétexte à un discours nationaliste -et non religieux- à dimension laïque).

Minorité religieuses, minorité nationales

Dans le cadre de la construction de l’idéologie de la "Nation", nous assistons depuis la fin du XIXème à une dynamique qui vise à transformer les minorités religieuses en minorités nationales, désignées comme "ennemis intérieurs", comme corps extérieures à la "communauté nationale" vivant sur le territoire, définie par des références (culturelles et théologiques) à une religion majoritaire.
Ainsi les personnes issues de minorités religieuses, mêmes si elles se convertissent à la religion dominantes ou deviennent athées, restent considérés comme extérieures à la communauté nationale par l’idéologie dominante, cette même communauté nationale étant définie par référence à la religion majoritaire.
Ce phénomène est à l’origine de l’antisémitisme moderne, et se retrouve dans les formes actuelles d’islamophobie qui visent des personnes assignées à l’identité musulmane du fait d’amalgames racistes (alors mêmes qu’elles sont athées, ou partagent d’autres conviction religieuses). Ces minorités nationales (qui regroupent toutes les personnes définies comme extérieures à la communauté nationale du fait de leur assignation à une identité religieuse considérée par le discours nationaliste comme "extérieures à la nation") sont ainsi formées à partir d’une convergence de fait entre un discours nationaliste (y compris à masque laïque) et la religion dominante comme idéologie, même si celle-ci a pu être combattue par ailleurs par le premier.

On peut retrouver ce traitement des minorités religieuses considérées comme exogènes (ou le relais d’intérêts "extérieurs" au corps national) dans l’ensemble des États où elles existent : musulmans français considérés comme "agents de l’islamisme international"(sic), chrétiens d’Irak ou d’Égypte considérés comme "agents de l’impérialisme américain", juifs du Maghreb ou du Mashreq considérés comme "agents sionistes".

On aboutit ainsi à un amalgame minorité religieuse/minorité nationale forgée par les discours nationalistes, et repris par les nationalistes appartenant aux minorités nationales. (2)

Dans tous les cas, ces amalgames concourent à l’oppression des personnes ainsi assignées à une identité religieuse, et par exclusion, à une identité nationale (ou exclu, dans tous les cas, de l’appartenance à la "communauté nationale" du pays dans lequel elles vivent par le discours nationaliste.

Lorsque des militantEs athées, issuEs de ces minorités religieuse (ou minorités nationales) soulèvent le caractère simplificateur, contre-productif et potentiellement réactionnaire de ces amalgames (car ils rejoignent les amalgames faits par les nationalistes racialistes comme par l’extrême droite politico-religieuse chrétienne, juive ou musulmane qui présentent ses expressions comme étant la "vraie" manifestation de la religion, ou comme étant les vrais défenseurs des intérêts de la minorité nationale ou religieuse), celles et ceux-ci sont souvent confrontéEs à un tel régime de suspicion.
Pourtant, la critique de l’idéologie religieuse, d’un point de vue révolutionnaire, ne saurait se mêler à la critique opportuniste des religions minoritaires par les courants religieux dominants ou comme support d’un discours raciste remaquillé.

Car si, d’un point de vue anarchiste-communiste, nous nous opposons en bloc à l’idéologie religieuse, comme support de l’oppression, et des systèmes d’exploitation, nous ne pouvons laisser prise dans notre discours comme dans notre pratique à la critique opportuniste des religions qui justifie l’oppression des personnes assignées aux minorités nationale ou religieuse.

C’est à cette condition que nous construirons l’union des exploité-e-s face aux exploiteurs, et que nous combattrons efficacement l’idéologie religieuse et son utilisation par les dominantEs.


Dans le cas contraire, nous ferions le jeu de l’oppression nationaliste et religieuse dominante, des courants religieux les plus réactionnaires au sein des minorités religieuses, et des courants nationalistes au sein des minorités nationales.

Notre critique sera efficace si elle ne se laisse aller ni aux raccourcis, ni aux amalgames, à plus forte raison à l’instrumentalisation par l’idéologie religieuse dominante (fusse-t-elle maquillée comme laïque), ou par l’idéologie nationaliste.
En ce sens, notre critique est rationaliste, c’est à dire qu’elle respecte la liberté de conscience des individus, leur intégrité, sans sous-estimer l’influence politique de l’idéologie religieuse, et donc sans renoncer au combat idéologique contre cet outil de domination et d’influence.

Groupe de Lyon de la Coordination des Groupes Anarchistes


(1) Voir les travaux de Popper. Toute "croyance" religieuse (qu’elle soit théiste, scientiste, naturaliste, idéaliste) repose sur des affirmations formulées de telle manière qu’elle ne puissent jamais être invalidées par l’expérience. A l’inverse, une affirmation rationnelle et scientifique porte en elle même les possibilité de sa négation, de son invalidation par l’expérience ou le raisonnement logique.

(2) Dans le cas de l’extrême droite ou de la droite religieuse musulmane, c’est la notion de Oumma qui se substitue à l’idée de nation, comme mythe mobilisateur. Les courants panarabes, quant à eux, sont partagés quant à la référence à l’islam comme religion nationale de la "nation arabe".

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Re: Sur la question religieuse

Messagede abel chemoul » 02 Fév 2015, 19:40

"L’essor de l’islam en France et ses conséquences politiques négatives pour les mouvements ouvrier et féministe"
trop long pour un copié/collé, à lire là: http://mondialisme.org/spip.php?article2218
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Pïérô » 14 Fév 2015, 12:24

Contribution individuelle d'un sympathisant du Collectif Emma Goldman (Québec)

L’Anarchisme et la Religion

Le texte qui suit est une position personnelle pour alimenter un débat. Je le base sur une praxis libertaire; c'est-à-dire en réflexion sur un travail militant réalisé et pour alimenter la pratique du travail militant à venir. La théorie n’est utile que dans ce mouvement constant de vas-et-viens entre pratique et réflexion.

Des militants et militantes de différents horizons politiques sourcillent de voir que des anarchistes soutiennent des groupes religieux. À leur avis, il y aurait là une grande contradiction avec les idées anarchistes. Si l’on puise dans les écrits classiques du courant anarchiste, on peut prendre Bakounine par exemple, il est bien clair qu’une opposition aux superstitions, à la religion et aux idées reçues était véhiculé – cela, dans l’optique d’une émancipation sociale et individuelle de tous et toutes. Cela n’a pas empêché le mouvement anarchiste d’inclure, historiquement, en son sein un fort nombre de personnes de différentes confessions religieuses [1]. Les grands principes anarchistes se sont toujours conjugués par des militants et militantes (sur le terrain) en fonction de la donne au temps présent – il n’y aucune certitude absolue et anhistorique. En appliquant les principes et idées dans le temps présent aujourd’hui, il se pose une problématique d’une grande acuité qu’il serait bien dogmatique et incohérent de négliger. Le contexte de crise économique est actuellement très fertile en germes de populisme et en recherche de bouc-émissaires. L’islamophobie atteint d’ailleurs un niveau particulièrement préoccupant. Les guerres impérialistes attisent également de grandes tensions, pour des objectifs aussi ridicules que mettre du « fuel » dans nos chars. Pour détourner notre attention de l’enrichissement des plus riches à travers l’austérité (tandis que l’on se « serre la ceinture » nous autres), les États prennent pleinement part à la démonisation des bouc-émissaires. Bref, des communautés minoritaires se retrouvent particulièrement stigmatisées et montrées du doigt avec des amalgames qui nous rappellent beaucoup trop l’antisémitisme des années 30. Non, il n’est pas juste de prétendre combattre « toutes » les religions, l’une à la fois, à travers des caricatures ou quelque autre moyen. Ce n’est pas juste dans un contexte où certaines religions sont beaucoup plus affligées socialement par le racisme. C’est bien au contraire hypocrite et lâche car l’on néglige encore une fois l’existence de systèmes d’oppressions duquel nous tirons des privilèges comme blancs et blanches d'Amérique du Nord : le racisme et le colonialisme.

Ensuite, la praxis nous amène au questionnement : que faire? Quelles sont les possibilités d’intervention ici et maintenant – cela, a contrario d’hypothèses fumeuses des changements à attendre au « grand soir » chez les activistes de salon. D’abord, rien ne serait plus futile que de sensibiliser des gens en les moralisant quant aux bonnes idées à avoir. Puis, pour les nostalgiques, il faut considérer que nous ne sommes plus devant la période de pleine participation du clergé à l’insurrection fasciste à Barcelone en 1936. Pas non plus devant l’alliance au pouvoir de l’État et du clergé dans le Québec des années 1950.

Mais, si la moralisation est futile, pourquoi ne pas s’appliquer à la préfiguration d’un athéisme positif, tourné vers l’Humanité et une cohabitation égalitaire entre les peuples dans toute leur diversité, et non simplement un athéisme qui ne signifie que l’absence de religion. Si l’on ouvre la discussion de façon sincère, il y a un grand nombre de personnes croyantes qui motivent leur foi et leur appartenance à un groupe religieux par des raisons tout à fait rationnelles, des raisons que l’on ne peut se permettre de juger et de rabaisser comme inférieure dans des termes évolutionnistes méprisants. Rappelons simplement qu’actuellement, à Rojava, une révolution sociale du peuple kurde (pas athée!), dans une région de la Terre particulièrement éprouvée par les conflits sectaires et interreligieux, est en train de donner au monde entier une leçon de cohabitation harmonieuse entre les peuples de différentes confessions religieuses.

Pour finir, il doit être clair que nous ne pourrons pas, même nous les hommes blancs occidentaux pour qui le « fardeau de l’homme blanc » n’est jamais loin(!), libérer les autres à leur place! Mais alors, ne devrions-nous pas nous questionner plutôt sur ce que nous faisons concrètement pour construire un athéisme axé sur l’harmonie sociale et la libre-pensée, une communauté vibrante anti-oppressive et à la rencontre de l’autre, plutôt qu’un athéisme réactionnaire et trop souvent porté vers le repli sur soi et l’exclusion? Trop peu. Il y a un siècle, à New York, Emma Goldman participait à la Modern School, une forme d’école anarchiste pour les enfants de la classe ouvrière de toutes les confessions religieuses qui faisait, par son existence même, contrepoids à l’influence des institutions religieuses. Avec le retour en force du mouvement anarchiste, espérons que nous pourrons faire germer à nouveau de tels laboratoires de l’émancipation.

Alan Gilbert
Sympathisant du Collectif Emma Goldman

[1] Notre raclure de demi-nazis locale, les « Nationalistes du Saguenay », associée à la Fédération des québécois de souche, s’emballait frénétiquement, il y a quelques mois, d’avoir découvert qu’Emma Goldman était une immigrante juive. Bravo, lâchez pas les idiots!

http://ucl-saguenay.blogspot.fr/2015/02 ... igion.html
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 12 Mar 2015, 14:10

Artillerie antireligieuse : trois livres

La religion, ce n’est pas seulement une mythologie archaïque, c’est aussi un système social, et il est parfois bon d’écouter les récits édifiants des gens qui ont eu à le subir de l’intérieur. La littérature sur le sujet est foisonnante. Présentation de trois livres qui sortent du lot.

Pour commencer, Black Boy, de Richard Wright (1945). Communiste et athée, Wright écrit ce livre sous la forme ­d’une autobiographie de son enfance et de ses premières années de jeune adulte, dans les années 1920. Il s’y attache à démontrer la double oppression que constitue la ségrégation raciale aux États-Unis et la religion chrétienne dont sa grand-mère est une fanatique, ce dont il souffre énormément en tant qu’athée (il le devient très jeune).

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Le deuxième livre, c’est Confidences à Allah de Saphia Azzeddine (2008). Hilarant mais d’une crudité redoutable (à ne pas mettre entre des mains trop timorées), Confidences à Allah évoque la trajectoire d’une jeune Marocaine qui subit tout au long de son enfance l’hypocrisie patriarcale et religieuse des hommes... avant de devenir ­prostituée.

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Enfin, le troisième livre – plus léger – c’est La Lamentation du prépuce de Shalom Auslander (2009). Là, c’est le milieu des juifs orthodoxes new-yorkais qui est dynamité par un jeune adulte qui n’en finit pas d’essayer de négocier chaque événement de sa vie avec un dieu impitoyable. Là aussi, le rire est puissant et implacable contre les petites bassesses (le père cache des revues pornographiques sous le lit) ou la schizophrénie intrinsèque à toute pratique religieuse dans notre monde technologique...

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Dans ces trois livres, l’enfant élevé dans la religion n’a que deux choix : subir ou se rebeller. Dans les trois livres, c’est la deuxième option qu’il ou elle choisit.

L’autre point commun entre ces livres est de rappeler que si, prises hors contexte, les religions peuvent parfois nous paraître dignes de respect ou de considération, il n’en va pas de même lorsqu’on les expose à la lumière crue de l’expérience personnelle.

Ainsi, tel le vampire (qu’elles exècrent pourtant) les religions du Livre ne souffrent pas le soleil du détail qui prouve de manière éclatante l’incompatibilité entre leur théorie et leur application forcément biaisée par des humains trop humains. Sans compter que les religions sont fondées sur un message de terreur, de haine, de viol et d’atteintes aux droits humains : il suffit de lire la Genèse pour s’en convaincre.

À la lecture fastidieuse de la Bible, du Coran et de la Torah, opposez donc plutôt celle de Wright, Azzeddine et Auslander : trois perles de la littérature subversive et antireligieuse.

Guillaume (AL Toulouse)

• Richard Wright, Black Boy, 1945, Gallimard, 448 pages, 8,50 euros.
• Saphia Azzeddine, Confidences à Allah, 2008, Éditions Léo Scheer, 145 pages, 16 euros.
• Shalom Auslander, La Lamentation du prépuce, 2009, Editions 10/18, 305 pages, 8,40 euros.

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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 26 Mar 2015, 03:10

Douze preuves de l'inexistence de Dieu

Sébastien Faure

(en deux partie)

Douze preuves de l'inexistence de Dieu

Camarades

Il y a deux façons d'étudier et de tenter de résoudre le problème de l'inexistence de Dieu.
La première consiste à éliminer l'hypothèse Dieu du champ des conjectures plausibles ou nécessaires par une explication claire et précise par l'exposé d'un système positif de l'Univers, de ses origines, de ses développements successifs, de ses fins.

Cet exposé rendrait inutile l'idée de Dieu et détruirait par avance tout l'échafaudage métaphysique sur lequel les philosophes spiritualistes et les théologiens la font reposer.

Or, dans l'état actuel des connaissances humaines, si l'on s'en tient, comme il sied, à ce qui est démontré ou démontrable, vérifié ou vérifiable, cette explication manque, ce système positif de l'Univers fait défaut. Il existe, certes, des hypothèses ingénieuses et qui ne choquent nullement la raison ; il existe des systèmes plus ou moins vraisemblables, qui s'appuient sur une foule de constatations et puisent dans la multiplicité des observations sur lesquelles ils sont édifiés un caractère de probabilité qui impressionne ; aussi peut-on hardiment soutenir que ces systèmes et ces suppositions supportent avantageusement d'être confrontés avec les affirmations des déistes ; mais, en vérité, il n'y a, sur ce point, que des thèses ne possédant pas encore la valeur des certitudes scientifiques et, chacun restant libre, somme toute, d'accorder la préférence à tel système ou à tel autre qui lui est opposé, la solution du problème ainsi envisagée, apparaît, présentement du moins, comme devant être réservée.

Les adeptes de toutes les religions saisissent si sûrement l'avantage que leur confère l'étude du problème ainsi posé, qu'ils tentent tous et constamment, de ramener celui-ci à ladite position ; et si, même sur ce terrain, le seul sur lequel ils puissent faire encore bonne contenance, ils ne sortent pas de la rencontre - tant s'en faut - avec les honneurs de la bataille, il leur est toutefois possible de perpétuer le doute dans l'esprit de leurs coreligionnaires et c'est pour eux, le point capital.

Dans ce corps à corps où les deux thèses opposées s'empoignent et s'efforcent à se terrasser, les déistes reçoivent de rudes coups ; mais ils en portent aussi ; bien ou mal, ils se défendent et, l'issue de ce duel demeurant, aux yeux de la foule, incertaine, les croyants, même quand ils ont été mis en posture de vaincus, peuvent crier victoire.

Ils ne se privent pas de le faire avec cette impudence qui est la marque des journaux à leur dévotion ; et cette comédie réussit à maintenir, sous la houlette du pasteur, l'immense majorité du troupeau.
C'est tout ce que désirent ces mauvais bergers.

Le problème posé en termes précis

Toutefois, camarades, il y a une seconde façon d'étudier et de tenter de résoudre le problème de l'inexistence de Dieu.

Celle-là consiste à examiner l'existence du Dieu que les religions proposent à notre adoration.
Se trouve-t-il un homme sensé et réfléchi, pouvant admettre qu'il existe, ce Dieu dont on nous dit, comme s'il n'était enveloppé d'aucun mystère, comme si l'on n'ignorait rien de lui, comme si on avait pénétré toute sa pensée, comme si on avait reçu toutes ces confidences : Il a fait ceci, il a fait cela, et encore ceci, et encore cela. Il a dit ceci, il a dit cela, et encore cela. Il a agi et parlé dans un tel but et pour telle autre raison. Il veut telle chose, mais il défend telle autre chose ; il récompensera telles actions et il punira telles autres. Et il a fait ceci et il veut cela, parce qu'il est infiniment sage, infiniment juste, infiniment puissant, infiniment bon ?

A la bonne heure ! Voilà un Dieu qui se fait connaître ! Il quitte l'empire de l'inaccessible, dissipe les nues qui l'environnent, descend des sommets, converse avec les mortels, leur confie sa pensée, leur révèle sa volonté et donne mission à quelques privilégiés de répandre sa Doctrine, de propager sa Loi et, pour tout dire, de le représenter ici-bas, avec pleins pouvoirs de lier et de délier, au ciel et sur la terre !
Ce Dieu, ce n'est pas le Dieu Force, Intelligence, volonté, Energie, qui, comme tout ce qui est Energie, Volonté, Intelligence, Force, peut être tour à tour, selon les circonstances et par conséquent indifféremment, bon ou mauvais, utile ou nuisible, juste ou inique, miséricordieux ou cruel ; ce Dieu, c'est le Dieu en qui tout est perfection et dont l'existence n'est et ne peut être compatible, puisqu'il est parfaitement juste, sage, puissant, bon, miséricordieux, qu'avec un état de choses dont il serait l'auteur et par lequel s'affirmerait son infinie Justice, son infinie Sagesse, son infinie Puissance, son infinie bonté et son infinie Miséricorde.
Ce Dieu, vous le reconnaissez ; c'est celui qu'on enseigne, par le catéchisme, aux enfants ; c'est le Dieu vivant et personnel, celui à qui on élève des temples, vers qui monte la prière, en l'honneur de qui on accomplit des sacrifices et que prétendent représenter sur la terre tous les clergés, toutes les castes sacerdotales.
Ce n'est pas cet "Inconnu" cette Force énigmatique, cette Puissance impénétrable, cette Intelligence incompréhensible, cette Energie incognoscible, ce Principe mystérieux : hypothèse à laquelle, dans l'impuissance où il est encore d'expliquer le comment et le pourquoi des choses, l'esprit de l'homme se plaît à recourir ; ce n'est pas le Dieu spéculatif des métaphysiciens, c'est le Dieu que ses représentants nous ont abondamment décrit, lumineusement détaillé.
C'est, je le répète, le Dieu des Religions, et, puisque nous sommes en France, le Dieu de cette Religion qui, depuis quinze siècles, domine notre histoire : la religion chrétienne.
C'est ce Dieu-là que je nie, et c'est celui-là seulement que je veux discuter et qu'il convient d'étudier, si nous voulons tirer de cette conférence un profit positif, un résultat pratique.

Ce Dieu quel est-il ?
Puisque ses chargés d'affaires ici-bas ont eu l'amabilité de nous le dépeindre avec un grand luxe de détails, mettons à profit cette gracieuseté de ses fondés de pouvoirs ; examinons-le de près ; passons-le à la loupe : pour le bien discuter, il faut le bien connaître.
Ce Dieu, c'est lui qui, d'un geste puissant et fécond, a fait toutes choses de rien, celui qui a appelé le néant à l'être, qui a, par sa seule volonté, substitué le mouvement à l'inertie, la vie universelle à la mort universelle : il est Créateur !
Ce Dieu, c'est celui qui, ce geste de création accompli, bien loin de rentrer dans sa séculaire inaction et de rester indifférent à la chose créée, s'occupe de son œuvre, s'y intéresse, intervient quand il le juge à propos, la gère, l'administre, la gouverne : il est Gouverneur ou Providence.
Ce Dieu, c'est celui qui, Tribunal Suprême, fait comparaître chacun de nous après sa mort, le juge selon les actes de sa vie, établit la balance de ses bonnes et de ses mauvaises actions et prononce, en dernier ressort, sans appel, le jugement qui fera de lui, pour tous les siècles à venir, le plus heureux ou le plus malheureux des êtres : il est Justicier ou Magistrat.
Il va de soi que ce Dieu possède tous les attributs et qu'il ne les possède pas seulement à un degré exceptionnel ; il les possède tous à un degré infini.
Ainsi, il n'est pas seulement juste : il est la Justice infinie ; il n'est pas seulement bon : il est la Bonté infinie ; il n'est pas seulement miséricordieux : il est la Miséricorde infinie ; il n'est pas seulement puissant : il est la Puissance infinie ; il n'est pas seulement savant : il est la Science infinie.
Encore une fois, tel est le Dieu que je nie et dont, par douze preuves différentes (à la rigueur, une seule suffirait), je vais démontrer l'impossibilité.

Division du Sujet

Voici l'ordre dans lequel je vous présenterai mes arguments.

Ceux-ci formeront trois groupes : le premier de ces groupes visera plus particulièrement le Dieu-Créateur ; il comprendra six arguments ; le deuxième de ces groupes concernera plus spécialement le Dieu-Gouverneur ou Providence ; il embrassera quatre arguments ; enfin, le troisième et dernier de ces groupes s'attachera au Dieu-Justicier ou Magistrat ; il comportera deux arguments.

Donc : six arguments contre le Dieu-Créateur ; quatre arguments contre le Dieu-Gouverneur ; deux arguments contre le Dieu-Justicier. Cela fera bien douze preuves de l'inexistence de Dieu.

Le plan de ma démonstration vous étant connu, vous pourrez plus aisément et mieux en suivre le développement.


PREMIERE SÉRIE D'ARGUMENTS

PREMIER ARGUMENT
Le Geste créateur est inadmissible


Qu'entend-on par créer ?
Qu'est-ce que créer ?
Est-ce prendre des matériaux épars, séparés, mais existants, puis, utilisant certains principes expérimentés, appliquant certaines règles connues, rapprocher, grouper, sérier, associer, ajuster ces matériaux, afin d'en faire quelque chose ?
Non ! Cela n'est pas créer. Exemples : Peut-on dire d'une maison qu'elle a été créée ? - Non ! Elle a été construite. Peut-on dire d'un meuble qu'il a été créé ? - Non ! Il a été fabriqué. Peut-on dire d'un livre qu'il a été créé ? - Non ! Il a été composé, imprimé.
Donc, prendre des matériaux existants et en faire quelque chose ce n'est pas créer.
Qu'est-ce donc que créer ?
Créer... je suis, ma foi, fort embarrassé d'expliquer l'inexplicable, de définir l'indéfinissable ; je vais, néanmoins, tenter de me faire comprendre.
Créer, c'est tirer quelque chose de rien ; c'est avec rien du tout faire quelque chose ; c'est appeler le néant à l'être.
Or, j'imagine qu'il ne se trouve pas une seule personne douée de raison qui puisse concevoir et admettre que de rien on puisse tirer quelque chose, qu'avec rien il soit possible de faire quelque chose.
Supposez un mathématicien ; choisissez le calculateur le plus émérite, placez derrière lui un gigantesque tableau noir ; priez-le de tracer sur ce tableau noir des zéros et des zéros ; il aura beau totaliser, multiplier, se livrer à toutes les opérations de la mathématique, il ne parviendra jamais à extraire de l'accumulation de ces zéros une seule unité.
Avec rien, on ne fait rien ; avec rien on ne peut rien faire et le fameux aphorisme de Lucrèce ex nihilo nihil reste l'expression d'une certitude et d'une évidence manifeste.
Le geste créateur est un geste impossible à admettre et une absurdité.
Créer, c'est donc une expression mystique, religieuse, pouvant posséder quelque valeur aux yeux des personnes à qui il plaît de croire ce qu'elles ne comprennent pas et à qui la foi s'impose d'autant plus qu'elles comprennent moins ; mais créer est une expression vide de sens pour tout homme avisé, attentif, aux yeux de qui les mots n'ont de valeur que dans la mesure dans laquelle ils représentent une réalité ou une possibilité.

En conséquence, l'hypothèse d'un Être véritablement créateur est une hypothèse que la raison repousse.
L'Être créateur n'existe pas, ne peut pas exister.


DEUXIÈME ARGUMENT
Le "pur Esprit"
ne peut avoir déterminé l'Univers


Aux croyants qui, en dépit de toute raison, persistent à admettre la possibilité de la création, je dirai qu'il est, en tous les cas, impossible d'attribuer cette création à leur Dieu.
Leur Dieu est pur Esprit. Et je dis que le pur Esprit : l'Immatériel ne peut avoir déterminé l'Univers : le Matériel. Voici pourquoi :

Le pur Esprit n'est pas séparé de l'Univers par une différence de degré, de quantité, mais par une différence de nature, de qualité.
En sorte que le pur Esprit n'est et ne peut pas plus être une amplification de l'Univers que l'Univers n'est et en peut être une réduction du pur Esprit. La différence ici n'est pas seulement une distinction, mais une opposition, opposition de nature : essentielle, fondamentale, irréductible, absolue.
Entre le pur Esprit et l'Univers, il n'y a pas seulement un fossé plus ou moins large et profond qu'il serait, à la rigueur, possible de combler ou de franchir ; il y a un véritable abîme, dont telles sont la profondeur et l'étendue que, quel que soit l'effort tenté, rien personne ne saurait combler ni franchir cet abîme.
Et je mets le philosophe le plus subtil comme le mathématicien le plus consommé au défi de jeter un pont, c'est-à-dire d'établir un rapport -quel qu'il soit - (et à plus forte raison un rapport aussi direct et aussi étroit que celui qui relie la cause à l'effet) entre le pur Esprit et l'Univers.
Le pur Esprit ne supporte aucun alliage matériel ; il ne comporte ni forme, ni corps, ni ligne, ni matière, ni proportion, ni étendue, ni durée, ni profondeur, ni surface, ni volume, ni couleur, ni son, ni densité.
Or, dans l'Univers, tout, au contraire est forme, corps, ligne, matière, proportion, étendue, durée, profondeur, surface, volume, couleur, son, densité.
Comment admettre que cela a été déterminé par ceci ?
C'est impossible.

Arrivé à ce point de ma démonstration, je campe solidement sur les deux arguments qui précèdent, la conclusion suivante :

Nous avons vu que l'hypothèse d'une Puissance véritablement créatrice est inadmissible ; nous avons vu, en second lieu, que, même si l'on persiste à croire en cette Puissance, on ne saurait admettre que l'Univers essentiellement matériel ait été déterminé par le pur Esprit essentiellement immatériel ;
Si, néanmoins, vous vous obstinez, croyants, à affirmer que c'est votre Dieu qui a créé l'Univers, le moment est venu de nous demander où, dans l'hypothèse Dieu, se trouvait la Matière, à l'origine, au commencement.
Eh bien ! de deux choses l'une : ou bien la Matière était hors de Dieu ; ou bien elle était en Dieu (et vous ne sauriez lui assigner une troisième place). Dans le premier cas, si elle était hors de Dieu, c'est que Dieu n'a pas eu besoin de la créer, puisqu'elle existait déjà ; c'est qu'elle cœxistait avec Dieu, c'est qu'elle était concomitante avec lui et, alors, votre Dieu n'est pas créateur ;
Dans le second cas, c'est-à-dire, si elle n'était pas hors de dieu, elle était en Dieu ; et dans ce cas, j'en conclus :
1° Que Dieu n'est pas pur Esprit, puisqu'il portait en lui une parcelle de matière, et quelle parcelle : la totalité des Mondes matériels !
2° Que Dieu, portant la matière en lui, n'a pas eu à la créer, puisqu'elle existait ; il n'a eu qu'à l'en faire sortir ; et, alors, la création cesse d'être un acte de création véritable et se réduit à un acte d'extériorisation.
Dans les deux cas, pas de création.


TROISIÈME ARGUMENT
Le Parfait ne peut produire l'imparfait


Je suis certain que si je posais à un croyant cette question : L'imparfait peut-il produire le parfait ? ce croyant me répondrait sans la moindre hésitation et sans crainte de se tromper : L'imparfait ne peut produire le parfait.

Or, je dis, moi, : Le parfait ne peut pas produire l'imparfait et je soutiens que ma proposition possède la même force et la même exactitude que la précédente, et pour les mêmes raisons.
Ici encore : entre le parfait et l'imparfait il n'y a pas seulement une différence de degré, de quantité, mais une différence de qualité, de nature, une opposition essentielle, fondamentale, irréductible, absolue.
Ici encore : entre le parfait et l'imparfait, il n'y a pas seulement un fossé plus ou moins profond et large, mais un abîme si vaste et si profond que rien ne saurait le franchir, ni le combler.
Le parfait, c'est l'absolu ; l'imparfait, c'est le relatif ; au regard du parfait qui est tout, le relatif, le contingent n'est rien ; au regard du parfait, le relatif est sans valeur, il n'existe pas, et il n'est au pouvoir d'aucun mathématicien ni d'aucun philosophe d'établir un rapport d'établir un rapport - quel qu'il soit - entre le relatif et l'absolu ; a fortiori, ce rapport est-il impossible, quand il s'agit d'un rapport aussi rigoureux et précis que celui qui doit nécessairement uni la Cause à l'Effet.
Il est donc impossible que le parfait ait déterminé l'imparfait.
Par contre, il existe un rapport direct, fatal, et, en quelque sorte mathématique, entre l'œuvre et celui qui en est l'auteur : tant vaut l'œuvre tant vaut l'ouvrier ; tant vaut l'ouvrier tant vaut l'œuvre ; c'est à l'œuvre qu'on reconnaît l'ouvrier, comme c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre.
Si j'examine une rédaction mal faite, où abondent les fautes françaises, où les phrases sont mal construites, où le style est pauvre et relâché, où les idées sont rares et banales, où les connaissances sont inexactes, je n'aurai pas l'idée d'attribuer cette mauvaise page de français à un ciseleur de phrases, à un des maîtres de la littérature.
Si je jette les yeux sur un dessin mal fait, où les lignes sont mal tracées, les règles de la perspective et de la proportion violées, il ne me viendra jamais à la pensée d'attribuer cette ébauche rudimentaire à un professeur, à un maître, à un artiste. Sans la moindre hésitation, je dirai : c'est l'œuvre d'un élève, d'un apprenti, d'une enfant ; et j'ai l'assurance de ne pas commettre d'erreur, tant il est vrai que l'œuvre porte la marque de l'ouvrier et que, par l'œuvre, on peut apprécier l'auteur de celle-ci.
Or, la Nature est belle ; l'Univers est magnifique et j'admire passionnément, autant que qui que ce soit, les splendeurs, les magnificences dont il nous offre l'incessant spectacle. Pourtant, si enthousiaste que je sois aux beautés de la Nature et quelqu'hommage que je leur rende, je ne puis dire que l'Univers est une œuvre sans défaut, irréprochable, parfaite. Et personne n'oserait soutenir une telle opinion.
L'Univers est donc une œuvre imparfaite.

En conséquence je dis :
Il y a toujours entre l'œuvre et l'auteur de celle-ci un rapport rigoureux, étroit, mathématique ; or, l'Univers est une œuvre imparfaite ; donc l'auteur de cette œuvre ne peut être qu'imparfait.
Ce syllogisme aboutit à frapper d'imperfection le Dieu des croyants et, conséquemment, à le nier.
Je puis encore raisonner comme suit :
Ou bien ce n'est pas Dieu qui est l'auteur de l'Univers (j'exprime ainsi ma conviction).
Ou bien, si vous persistez à affirmer que c'est lui qui en est l'auteur, l'Univers étant une œuvre imparfaite, votre Dieu est lui-même imparfait.
Syllogisme ou dilemme, la conclusion du raisonnement reste la même :
Le parfait ne peut déterminer l'imparfait.


QUATRIÈME ARGUMENT
L'Être éternel, actif, nécessaire, ne peut,
à aucun moment, avoir été inactif ou inutile


Si Dieu existe, il est éternel, actif et nécessaire.

Eternel ? Il l'est par définition. C'est sa raison d'être. On ne peut le concevoir enfermé dans les limites du temps ; on ne peut l'imaginer commençant ou finissant ; il ne peut avoir ni apparition ni disparition. Il existe de tout temps.
Actif ? Il l'est et ne peut pas ne pas l'être, puisque c'est son activité qui a tout engendré, puisque son activité s'est affirmée, disent les croyants, par le gest le plus colossal, le plus majestueux : la Création des Mondes.
Nécessaire ? Il l'est et ne peut pas ne pas l'être, puisque sans lui rien ne serait ; puisqu'il est l'auteur de toutes choses ; puisqu'il est le foyer initial d'où tout a coulé ; puisque, seul, se suffisant à lui-même, il a dépendu de sa seule volonté que tout soit ou que rien ne soit. Il est donc : éternel, actif et nécessaire.
Je prétends et je vais démontrer que, s'il est éternel, actif et nécessaire, il doit être éternellement actif et éternellement nécessaire ; que, conséquemment, il n'a pu, à aucun moment, être inactif ou inutile ; que, conséquemment, enfin, il n'a jamais créé.
Dire que Dieu n'est pas éternellement actif, c'est admettre qu'il ne l'a pas toujours été, qu'il l'est devenu, qu'il a commencé à être actif, qu'avant de l'être, il ne l'était pas ; et, puisque c'est par la création que s'est manifestée son activité, c'est admettre du même coup que, durant les milliards et les milliards de siècles qui, peut-être, ont précédé l'action créatrice, Dieu était inactif.
Dire que Dieu n'est pas éternellement nécessaire, c'est admettre qu'il ne l'a pas toujours été, qu'il l'est devenu, qu'il a commencé à être nécessaire, qu'avant de l'être, il ne l'était pas et, puisque c'est la Création qui proclame et atteste la nécessité de Dieu, c'est admettre du même coup que, durant les milliards et les milliards de siècles qui peut-être ont précédé l'action créatrice, Dieu était inutile.
Dieu oisif et paresseux !
Dieu inutile et superflu !
Quelle posture pour l'Être essentiellement actif et essentiellement nécessaire !
Il faut donc confesser que Dieu est de tout temps actif et de tout temps nécessaire.
Mais alors, il ne peut l'avoir créé ; car l'idée de création implique, de façon absolue, l'idée de commencement, d'origine. Une chose qui commence ne peut pas avoir existé de tout temps. Il fut nécessairement un temps où, avant d'être, elle n'était pas encore. Si court ou si long que fut ce temps qui précède la chose créée, rien ne peut le supprimer ; de toutes façons, il est.

Il en résulte que :
Ou bien Dieu n'est pas éternellement actif et éternellement nécessaire ; et, dans ce cas, il l'est devenu par la création. S'il en est ainsi, il manquait à Dieu, avant la création, ces deux attributs : l'activité et la nécessité. Ce Dieu était incomplet ; c'était un tronçon de Dieu, pas plus ; et il a eu besoin de créer pour devenir actif et nécessaire, pour se compléter.
Ou bien Dieu est éternellement actif et nécessaire ; et, dans ce cas, il a créé éternellement la création est éternelle ; l'Univers n'a jamais commencé ; il a existé de tout temps ; il est éternel comme Dieu ; il est Dieu lui-même et se confond avec lui.
S'il en est ainsi, l'Univers n'a pas eu de commencement ; il n'a pas été créé.
(Dans le premier cas, Dieu, s'il n'était ni) actif, ni nécessaire, était incomplet, c'est-à-dire imparfait ; et, alors, il n'existe pas ; dans le second cas, Dieu étant éternellement actif et éternellement nécessaire, ne peut pas l'être devenu ; et, alors, il n'a pas créé.


CINQUIÈME ARGUMENT
L'être immuable ne peut avoir créé


Si Dieu existe, il est immuable. Il ne change pas ; il ne peut pas changer. Tandis que, dans la Nature, tout se modifie, se métamorphose, se transforme, tandis que rien n'est définitivement et que tout devient, Dieu, point fixe, immobile dans le temps et l'espace, n'est sujet à aucune modification, ne connaît et ne peut connaître aucun changement.

Il est aujourd'hui ce qu'il était hier ; il sera demain ce qu'il est aujourd'hui. Qu'on envisage Dieu dans le lointain des siècles révolus ou dans celui des siècles futurs, il est constamment identique à lui-même.
Dieu est immuable.

Je prétends que, s'il a créé, il n'est pas immuable, parce que, dans ce cas, il a changé deux fois.
Se déterminer à vouloir, c'est changer. De toute évidence, il y a eu un changement entre l'être qui ne veut pas encore et l'être qui veut.

Si je veux aujourd'hui ce que je ne voulais pas, ce à quoi je ne songeais même pas, il y a quarante-huit heures, c'est qu'il s'est produit en moi ou autour de moi une ou plusieurs circonstances qui m'ont déterminé à vouloir. Ce vouloir nouveau constitue une modification : il n'y a pas lieu d'en douter : c'est indiscutable.
Pareillement : se déterminer à agir, ou agir, c'est se modifier.

Il est, en outre, certain que cette double modification : vouloir, agir, est d'autant plus considérable et marquée, qu'il s'agit d'une résolution plus grave et d'une action plus importante.
Dieu a créé, dites-vous ? - Soit. Alors il a changé deux fois : la première fois, lorsqu'il a pris la détermination de créer ; la seconde fois, lorsque, mettant à exécution cette détermination, il a accompli le geste créateur.

S'il a changé deux fois, il n'est pas immuable.
Et s'il n'est pas immuable, il n'est pas Dieu, il n'existe pas.
L'Être immuable ne peut avoir créé.


SIXIÈME ARGUMENT
Dieu ne peut avoir créé sans motif ;
or, il est impossible d'en discerner un seul


De quelque façon qu'on l'envisage, la Création reste inexplicable, énigmatique, vide de sens.
Il saute aux yeux que, si Dieu a créé, il est impossible d'admettre qu'il ait accompli cet acte grandiose et dont les conséquences devaient être fatalement proportionnées à l'acte lui-même, par conséquent incalculables, sans y être déterminé par une raison de premier ordre.
Eh bien ! Quelle peut être cette raison ? Pour quel motif Dieu a-t-il pu se résoudre à créer ? Quel mobile l'a impulsé ? Quel désir l'a pris ? Quel dessein a-t-il formé ? Quel but a-t-il poursuivi ? Quelle fin s'est-il proposée ?

Multipliez, dans cet ordre d'idées, les questions et les questions : tournez et retournez le problème ; envisagez-le sous tous ses aspects ; examinez-le dans tous les sens ; et je vous mets au défi de le résoudre, autrement que par des balivernes ou de subtilités.

Tenez : voici un enfant élevé dans la religion chrétienne. Son catéchisme lui affirme, ses maîtres lui enseignent que c'est Dieu qui l'a créé et mis au monde. Supposez qu'il se pose à lui-même cette question : Pourquoi Dieu m'a-t-il créé et mis au monde ? et qu'il y veuille trouver une réponse sérieuse, raisonnable. Il n'y parviendra pas. Supposez encore que, confiant dans l'expérience et le savoir de ses éducateurs, persuadé que, par le caractère sacré dont, prêtres ou pasteurs, ils sont revêtus, ils possèdent des lumières spéciales et des grâces particulières, convaincu que, par leur sainteté, ils sont plus près de Dieu que lui et mieux initiés que lui aux vérités révélées, supposez que cet enfant ait la curiosité de demander à ses maîtres pourquoi Dieu l'a créé et mis au monde, j'affirme que ceux--ci ne peuvent faire à cette simple interrogation aucune réponse plausible, sensée.
En vérité, il n'y en a pas.
Serrons de près la question, creusons le problème.
Par la pensée, examinons Dieu avant la création. Prenons-le dans son sens absolu. Il est tout seul ; il se suffit à lui-même. Il est parfaitement sage, parfaitement heureux, parfaitement puissant. Rien ne peut accroître sa sagesse ; rien ne peut augmenter sa félicité ; rien ne peut fortifier sa puissance.
Ce Dieu ne peut éprouver aucun désir, puisque son bonheur est infini ; il ne peut poursuivre aucun but, puisque rien ne manque à sa perfection ; il ne peut former aucun dessein, puisque rien ne peut étendre sa puissance ; il ne peut se déterminer à aucun vouloir, puisqu'il ne ressent aucun besoin.
Allons ! Philosophes profonds, penseurs subtils, théologiens prestigieux, répondez à cet enfant qui vous interroge et dites-lui pourquoi Dieu l'a créé et mis au monde.
Je suis bien tranquille ; vous ne pouvez pas répondre à moins que vous ne disiez : Les desseins de Dieu sont impénétrables, et que vous ne teniez cette réponse pour suffisante.
Et sagement vous ferez en vous abstenant de répondre, car toute réponse, je vous en préviens charitablement, serait la ruine de votre système, l'écroulement de votre Dieu.
La conclusion s'impose, logique, impitoyable : Dieu, s'il a créé, a créé sans motif, sans savoir pourquoi, sans but.

Savez-vous, camarades, où nous conduisent forcément les conséquences d'une telle conclusion ?
Vous allez le voir.

Ce qui différencie les actes d'un homme doué de raison des actes d'un homme frappé de démence, ce qui fait que l'un est responsable et l'autre pas, c'est qu'un homme de raison sait toujours, en tous cas peut toujours savoir, quand il a agi, quels sont les mobiles qui l'ont impulsé, quels sont les motifs qui l'ont déterminé à agir. Quand il s'agit d'une action importante et dont les conséquences peuvent engager lourdement sa responsabilité, il suffit que l'homme en possession de sa raison, se replie sur lui-même, se livre à un examen de conscience sérieux, persistant et impartial, il suffit que, par le souvenir, il reconstitue le cadre dans lequel les événements l'ont enfermé, qu'en un mot, il revive l'heure écoulée, pour qu'il parvienne à discerner le mécanisme des mouvements qui l'ont fait agir.
Il n'est pas toujours très fier des mobiles qui l'ont impulsé ; il rougit souvent des raisons qui l'ont déterminé à agir ; mais, que ces motifs soient nobles ou vils, généreux ou bas, il parvient toujours à les découvrir.
Un fou, au contraire, agit sans savoir pourquoi ; son acte accompli, même le plus chargé de conséquences, interrogez-le ; pressez-le de questions ; insistez ; harcelez-le. Le pauvre dément balbutiera quelques folies et vous ne l'arracherez pas à ses incohérences.

Donc, ce qui différencie les actes d'un homme sensé des actes d'un insensé, c'est que les actes du premier s'expliquent, c'est qu'ils ont une raison d'être, c'est qu'on en distingue la cause et le but, l'origine et la fin ; tandis que les actes d'un homme privé de raison ne s'expliquent pas, qu'il est incapable lui-même de discerner la cause et le but, qu'ils n'ont pas de raison d'être.
Eh bien ! si Dieu a créé sans but, sans motif, il a agi à la façon d'un fou et la Création apparaît comme un acte de démence.

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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 26 Mar 2015, 03:13

Suite
DEUX OBJECTIONS CAPITALES

Pour en finir avec le Dieu de la création, il me paraît indispensable d'examiner deux objections.
Vous pensez bien qu'ici les objections abondent ; aussi, quand je parle de deux objections à étudier, je parle de deux objections capitales, classiques.
Ces deux objections ont d'autant plus d'importance qu'on peut, avec l'habitude de la discussion, ramener toutes les autres à celle-ci :



PREMIERE OBJECTION
Dieu vous échappe


On me dit : Vous n'avez pas le droit de parler de Dieu comme vous le faites. Vous nous présentez un Dieu caricatural, systématiquement rapetissé aux proportions que daigne lui accorder votre entendement. Ce Dieu-là n'est pas le nôtre. Le nôtre, vous ne pouvez le concevoir, car il vous dépasse, il vous échappe. Sachez que ce qui serait fabuleux pour l'homme le plus puissant en force, en sagesse et en savoir n'est, pour Dieu, qu'un jeu d'enfant. N'oubliez pas que l'Humanité ne saurait se mouvoir sur le même plan que la Divinité. Ne perdez pas de vue qu'il est aussi impossible à l'homme de comprendre la façon d'opérer de Dieu qu'il est impossible aux minéraux d'imaginer les modes d'opérer des animaux et aux animaux de comprendre les modes d'opérer des hommes.

Dieu plane à des hauteurs que vous ne sauriez atteindre ; il occupe des sommets qui vous restent inaccessibles.

Sachez que quelle que soit la magnificence d'une intelligence humaine, quel que soit l'effort réalisé par cette intelligence, quelle que soit la persistance de cet effort, jamais l'intelligence humaine ne pourra s'élever jusqu'à Dieu. Rendez-vous compte enfin que, si vaste qu'il puisse être, le cerveau de l'homme est fini et que, par conséquent, il ne peut concevoir l'infini.

Ayez donc la loyauté et la modestie de confesser qu'il ne vous est pas possible de comprendre, ni d'expliquer Dieu. Mais de ce que vous ne pouvez ni le comprendre, ni l'expliquer, il ne s'ensuit pas que vous ayez le droit de le nier.

Et je réponds aux déistes :
Vous me donnez, Messieurs, des conseils de loyauté auxquels je suis tout disposé à me conformer. Vous me rappelez à la modestie légitime qui sied à l'humble mortel que je suis. Il me plaît de ne pas m'en écarter.
Vous dites que Dieu me dépasse, qu'il m'échappe ? Soit. Je consens à le reconnaître ; et affirmer que le fini ne peut ni concevoir ni expliquer l'Infini, c'est une vérité tellement certaine, et même évidente, que je n'ai pas la moindre envie d'y faire opposition. Nous voilà, jusqu'ici, bien d'accord et j'espère que vous êtes tout à fait contents.
Seulement, Messieurs, permettez que, à mon tour, je vous donne les mêmes conseils de loyauté ; souffrez que, à mon tour, je vous rappelle à la même modestie. N'êtes-vous pas des hommes, comme j'en suis un ? Dieu ne vous dépasse-t-il pas, comme il me dépasse ? Ne vous échappe-t-il pas comme il m'échappe ? Auriez-vous la prétention de vous mouvoir sur le même plan que la Divinité ? Auriez-vous l'outrecuidance de penser et la sottise de déclarer que, d'un coup d'aile, vous avez gravi les sommets que Dieu occupe ? Seriez-vous présomptueux au point d'affirmer que votre cerveau fini a embrassé l'Infini ?
Je ne vous fais pas l'injure, Messieurs, de vous croire frappés d'une telle extravagante vanité.
Ayez donc, tout comme moi, la loyauté et la modestie de confesser que, s'il m'est impossible de comprendre et d'expliquer Dieu, vous vous heurtez à la même impossibilité. Ayez donc la probité de reconnaître que si, de ce que je ne puis concevoir ni expliquer Dieu, il ne m'est pas permis de le nier, puisque vous ne pouvez, vous non plus, ni le comprendre ni l'expliquer, il ne vous est pas permis de l'affirmer.
Et gardez-vous de croire, Messieurs, que nous voilà, désormais, logés à la même enseigne. C'est vous qui, les premiers avez affirmé l'existence de Dieu, c'est donc vous qui, les premiers, devez mettre fin à vos affirmations. Aurais-je jamais songé à nier Dieu, si, alors que j'étais tout petit, on ne m'avait pas imposé de croire en lui ? si, adulte, je ne l'avais pas entendu affirmer tout autour de moi ? Si, devenu homme, mes regards n'avaient pas constamment observé des Eglises et des Temples élevés à Dieu ?
Ce sont vos affirmations qui provoquent et justifient mes négations.
Cessez d'affirmer et je cesserai de nier.


SECONDE OBJECTION
Il n'y a pas d'effet sans cause


La seconde objection paraît autrement redoutable. Beaucoup la considère encore comme sans réplique. Elle nous vient des philosophes spiritualistes.
Ces Messieurs nous disent sentencieusement : Il n'y a pas d'effet sans cause ; or, l'Univers est un effet ; donc cet effet a une cause que nous appelons Dieu.
L'argument est bien présenté ; il paraît bien construit, il semble solidement charpenté.
Le tout est de savoir s'il l'est véritablement.
Ce raisonnement est ce que, en logique, on appelle un syllogisme. Un syllogisme est un argument composé de trois propositions : la majeure, la mineure et la conséquence ; et comprenant deux parties : les prémisses, constituées par les deux premières propositions, et la conclusion représentée par la troisième.
Pour qu'un syllogisme soit inattaquable, il faut : 1° que la majeure et la mineur soient exactes ; 2° que la troisième découle logiquement des deux premières.
Si le syllogisme des philosophes spiritualistes réunit ces deux conditions, il est irréfutable et il ne me reste qu'à m'incliner ; mais s'il lui manque une seule de ces deux conditions, il est nul, sans valeur et l'argument s'effondre tout entier.
pour en connaître la valeur, examinons les trois propositions qui la composent.
Première proposition majeure :

Il n'y a pas d'effet sans cause.
Philosophes, vous avez raison. Il n'y a pas d'effet sans cause ; rien n'est plus exact. Il n'y a pas, il ne peut pas y avoir d'effet sans cause. L'effet n'est que la suite, le prolongement, l'aboutissant de la cause. Qui dit effet dit cause ; l'idée d'effet appelle nécessairement et immédiatement l'idée de cause. S'il en était autrement, l'effet sans cause serait un effet de rien ; ce qui serait absurde.
Donc, sur cette première proposition, nous sommes d'accord.
Deuxième proposition, mineure :
Or, l'Univers est un effet.
Ah ! ici, je demande à réfléchir et je sollicite des explications. Sur quoi s'appuie une affirmation aussi nette, aussi tranchante ? Quel est le phénomène ou l'ensemble de phénomènes, quelle est la constatation ou l'ensemble de constatations qui permet de se prononcer sur un ton aussi catégorique ?
Et d'abord, l'Univers, le connaissons-nous suffisamment ? L'avons-nous assez étudié, scruté, fouillé, compris pour qu'il nous soit permis d'être aussi affirmatifs ? En avons-nous pénétré les entrailles ? En avons-nous exploré les espaces incommensurables ? Sommes-nous descendus dans les profondeurs des océans ? Avons-nous escaladé toutes les altitudes ? Connaissons-nous toutes choses appartenant au domaine de l'Univers ? Celui-ci nous a-t-il livré tous ses secrets ? Avons-nous arraché tous les voiles, pénétré tous les mystères, découvert toutes les énigmes ? Avons-nous tout vu, tout entendu, tout palpé, tout senti, tout observé, tout noté ? N'avons-nous plus rien à apprendre ? Ne nous reste-t-il rien à découvrir ? Bref, sommes-nous en état de porter sur l'Univers une appréciation formelle, un jugement définitif, un arrêt indubitable ?
Nul ne pourrait répondre par l'affirmative à toutes ces questions et il serait profondément à plaindre le téméraire, on peut dire l'insensé, qui oserait prétendre qu'il connaît l'Univers.
L'Univers ! c'est-à-dire, non pas seulement cette infime planète que nous habitons et sur laquelle se traînent nos misérables carcasses, non seulement ces millions d'astres et de planètes que nous connaissons, qui font partie de notre système solaire, ou que nous découvrons dans la lenteur du temps ; mais encore ces Mondes et ces Mondes dont nous connaissons ou conjecturons l'existence et dont le nombre, la distance et l'étendue restent incalculables !
Si je disais : L'Univers est une cause, j'ai la certitude que je déchaînerais spontanément les huées et les protestations des croyants ; et, cependant, mon affirmation ne serait pas plus folle que la leur.
Ma témérité serait égale à la leur ; voilà tout.
Si je me penche sur l'Univers, si je l'observe autant que le permettent à l'homme d'aujourd'hui les connaissances acquises, je constate comme un ensemble incroyablement complexe et touffu, comme un enchevêtrement inextricable et colossal de causes et d'effets qui se déterminent, s'enchaînent, se succèdent, se répètent et se pénètrent. J'aperçois que le tout forme comme une chaîne sans fin dont les anneaux sont indissolublement liés et je constate que chacun de ces anneaux est à la fois cause et effet : effet de la cause qui l'a déterminé, cause de l'effet qui suit.
Qui peut dire : Voilà le premier anneau ; l'anneau Cause ? Qui peut dire : Voilà le dernier anneau : l'anneau Effet ? Et qui peut dire : Il y a nécessairement une cause numéro premier, il y a nécessairement un effet numéro dernier ?...
La deuxième proposition : Or, l'Univers est un effet manque donc de la condition indispensable : l'exactitude.
En conséquence, le fameux syllogisme ne vaut rien.
J'ajoute que, même dans le cas où cette deuxième proposition serait exacte, il resterait à établir, pour que la conclusion fût acceptée, que l'Univers est l'effet d'une Cause unique, d'une Cause première, de la Cause des Causes, d'une Cause sans Cause, de la Cause éternelle.
J'attends sans trouble, sans inquiétude cette démonstration. Elle est de celles qu'on a maintes fois tentées et qui n'ont jamais été faites. Elle est de celles dont on peut dire sans trop de témérité qu'elles ne seront jamais établies sérieusement, positivement, scientifiquement.
J'ajoute, enfin, que même dans le cas où le syllogisme tout entier serait irréprochable, il serait aisé de le retourner contre la thèse du Dieu Créateur, en faveur de ma démonstration.
Essayons : Il n'y a pas d'effets sans cause ? - Soit. Or, l'Univers est un effet ? - D'accord. Donc cet effet a une cause et c'est cette cause que nous appelons Dieu ? - Soit encore.
Ne vous hâtez pas de triompher, déistes, et écoutez-moi bien.
S'il est évident qu'il n'y a pas d'effet sans cause, il est aussi rigoureusement évident qu'il n'y a pas de cause sans effet. Il n'y a pas, il ne peut pas y avoir de cause sans effet. Qui dit cause dit effet ; l'idée de cause implique nécessairement et appelle immédiatement l'idée d'effet ; s'il en était autrement, la cause sans effet serait une cause de rien, se qui serait aussi absurde qu'un effet de rien.
Donc, il est bien entendu qu'il n'y a pas de cause sans effet.
Or, vous dites que l'Univers a pour cause Dieu. Il convient donc de dire que la Cause-Dieu a pour effet l'Univers.
il est impossible de séparer l'effet de le cause ; mais il est également impossible de séparer la cause de l'effet.

Vous affirmez enfin que Dieu-Cause est éternel. J'en conclus que l'Univers-Effet est également éternel, puisqu'à une cause éternelle doit inéluctablement correspondre un effet éternel.
S'il en était autrement, c'est-à-dire si l'Univers avait commencé, durant les milliards et les milliards de siècles qui, peut-être, ont précédé la création de l'Univers, Dieu aurait été une cause sans effet, ce qui est impossible, une cause de rien, ce qui serait absurde.

En conséquence, Dieu étant éternel, l'Univers l'est aussi, et si l'Univers est éternel, c'est qu'il n'a jamais commencé, c'est qu'il n'a pas été créé.


DEUXIEME SÉRIE D'ARGUMENTS

PREMIER ARGUMENT
Le Gouverneur nie le Créateur


Il en est - et ils sont légion - qui, malgré tout, s'obstinent à croire. Je conçois que, à la rigueur, on puisse croire à l'existence d'un créateur parfait ; je conçois que, à la rigueur, on puisse croire à l'existence d'un gouverneur nécessaire ; mais il me semble impossible qu'on puisse raisonnablement croire à l'un et à l'autre, en même temps : ces deux Êtres parfaits s'excluent catégoriquement ; affirmer l'un, c'est nier l'autre ; proclamer la perfection du premier, c'est confesser l'inutilité du second ; proclamer la nécessité du second, c'est nier la perfection du premier.
En d'autres termes, on peut croire à la perfection de l'un ou à la nécessité de l'autre ; mais il est déraisonnable de croire à la perfection des deux : il faut choisir.
Si l'Univers créé par Dieu eût été une œuvre parfaite, si, dans son ensemble et dans ses moindres détails, cette œuvre eût été sans défaut, si le mécanisme de cette gigantesque création eût été irréprochable, si tel et si parfait eût été son agencement qu'il n'eût point été à redouter qu'il se produisît un seul détraquement, une seule avarie, bref, si l'œuvre eût été digne de cet ouvrier génial, de cet artiste incomparable, de ce constructeur fantastique qu'on appelle Dieu, le besoin d'un gouverneur ne se serait nullement fait sentir.
Le coup de pouce initial une fois donné, la formidable machine une fois mise en branle, il n'y avait plus qu'à l'abandonner à elle-même, sans crainte d'accident possible.
Pourquoi cet ingénieur, ce mécanicien, dont le rôle est de surveiller la machine, de la diriger, d'intervenir quand il le faut et d'apporter à la machine en mouvement les retouches nécessaires et les réparations successives ? Cet ingénieur eût été inutile, ce mécanicien sans objet.
Dans ce cas, pas de Gouverneur.
Si le Gouverneur existe, c'est que sa présence, sa surveillance, son intervention sont indispensables.
La nécessité du Gouverneur est comme une insulte, un défi jeté au Créateur ; son intervention atteste la maladresse, l'incapacité, l'impuissance du Créateur.
Le Gouverneur nie la perfection du Créateur.


DEUXIÈME ARGUMENT
La multiplicité des Dieux
atteste qu'il n'en existe aucun


Le Dieu Gouverneur es et doit être puissant et juste, infiniment puissant et infiniment juste.
Je prétends que la multiplicité des Religions atteste qu'il manque de puissance et de justice.
Négligeons les dieux morts, les cultes abolis, les religions éteintes. Celles-ci se chiffrent par milliers et par milliers. Ne parlons pas des religions en cours.
D'après les estimations les mieux fondées, il y a, présentement, huit cents religions qui se disputent l'empire des seize cents millions de consciences qui peuplent notre planète. Il n'est pas douteux que chacune s'imagine et proclame que, seule, elle est en possession du Dieu vrai, authentique, indiscutable, unique, et que tous les autres Dieux sont des Dieux pour rire, de faux Dieux, des Dieux de contrebande et de pacotille, qu'il est œuvre pie de combattre et d'écraser.
J'ajoute que, n'y eut-il que cent religions au lieu de huit cents, n'y en eut-il que dix, n'y en eut-il que deux, mon raisonnement garderait la même vigueur.
Eh bien ! je dis que la multiplicité de ces Dieux atteste qu'il n'en existe aucun, parce qu'elle certifie que Dieu manque de puissance ou de justice.
Puissant, il aurait pu parler à tous aussi aisément qu'à quelques-uns. Puissant, il aurait pu se montrer, se révéler à tous sans plus d'efforts qu'il ne lui en a fallu pour se révéler à quelques-uns.
Un homme - quel qu'il soit - ne peut se montrer, ne peut parler qu'à un nombre limité d'hommes ; ses cordes vocales ont une puissance qui ne peut excéder certaines bornes ; mais Dieu !...
Dieu peut parler à tous - quelle qu'en soit la multitude - aussi aisément qu'à un petit nombre. Quand elle s'élève, la voix de Dieu peut et doit retentir aux quatre points cardinaux. Le verbe divin ne connaît ni distance, ni obstacle. Il traverse les océans, escalade les sommets, franchit les espaces sans la plus petite difficulté.
Puisqu'il lui a plu - la Religion l'affirme - de parler aux hommes, de se révéler à eux, de leur confier ses desseins, de leur indiquer sa volonté, de leur faire connaître sa Loi, il aurait pu parler à tous sans plus d'effort qu'à une poignée de privilégiés.
Il ne l'a pas fait, puisque les uns le nient, puisque d'autres l'ignorent, puisque d'autres, enfin, opposent tel Dieu à tel de ses concurrents.
Dans ces conditions, n'est-il pas sage de penser qu'il n'a parlé à aucun et que les multiples révélations ne sont que de multiples impostures ; ou encore que, s'il n'a parlé qu'à quelques-uns, c'est qu'il n'a pas pu parler à tous ?
S'il en est ainsi, je l'accuse d'impuissance.
Et, si je ne l'accuse pas d'impuissance, je l'accuse d'injustice.
Que penser, en effet, de ce Dieu qui se montre à quelques-uns et se cache aux autres ? Que penser de ce Dieu qui adresse la parole aux uns et, pour les autres, garde le silence ?
N'oubliez pas que les représentants de ce Dieu affirment qu'il est le Père et que, tous, au même titre et au même degré, nous sommes les enfants bien-aimés du Père qui règne dans les cieux.
Eh bien ! que pensez-vous de ce père qui, plein de tendresse pour quelques privilégiés, les arrache, en se révélant à eux, aux angoisses du doute, aux tortures de l'hésitation, tandis que, volontairement, il condamne l'immense majorité de ses enfants aux tourments de l'incertitude ? Que pensez-vous de ce père qui se montre à une partie de ses enfants dans l'éclat éblouissant de Sa Majesté, tandis que, pour les autres, il reste environné de ténèbres ? Que pensez-vous de ce père qui, exigeant de ses enfants, un culte, des respects, des adorations, appelle quelques élus à entendre la parole de Vérité, tandis que, de propos délibéré, il refuse aux autres cette insigne faveur ?
Si vous estimez que ce père est juste et bon, vous ne serez pas surpris que mon appréciation soit différente.
La multiplicité des religions proclame donc que Dieu manque de puissance ou de justice. Or, Dieu doit être infiniment puissant et infiniment juste ; les croyants l'affirment ; s'il lui manque un de ces deux attributs : la puissance ou la justice, il n'est pas parfait ; s'il n'est pas parfait, il n'existe pas.
La multiplicité des Dieux démontre donc qu'il n'en existe aucun.


TROISIÈME ARGUMENT
Dieu n'est pas infiniment bon :
l'Enfer l'atteste


Le Dieu Gouverneur ou Providence est et doit être infiniment bon, infiniment miséricordieux. L'existence de l'enfer prouve qu'il ne l'est pas.
Suivez bien mon raisonnement : Dieu pouvait - puisqu'il est libre - ne pas nous créer ; il nous a créés.
Dieu pouvait - puisqu'il est tout-puissant - nous créer tous bons ; il a créé des bons et des méchants.
Dieu pouvait - puisqu'il est bon - nous admettre tous son paradis, après notre mort, se contentant de ce temps d'épreuves et de tribulations que nous passons sur la terre.
Dieu pouvait enfin - parce qu'il est juste - n'admettre dans son paradis que les bons et en refuser l'accès aux pervers, mais anéantir ceux-ci à leur mort plutôt que de les vouer à l'enfer.
Car, qui peut créer peut détruire ; qui a le pouvoir de donner la vie a celui d'anéantir.
voyons : vous n'êtes pas des Dieux. Vous n'êtes pas infiniment bons, ni infiniment miséricordieux. J'ai, pourtant, la certitude, sans que je vous attribue des qualités que vous ne possédez peut-être pas, que, s'il était en votre pouvoir, sans qu'il vous en coûtât un effort pénible, sans qu'il en pût résulter pour vous ni préjudice matériel, ni dommage moral, si, dis-je, il était en votre pouvoir, dans les conditions que je viens d'indiquer, d'éviter à un de vos frères en humanité, une larme, une douleur, une épreuve, j'ai la certitude que le feriez. Et cependant, vous n'êtes ni infiniment bons, ni infiniment miséricordieux !
Seriez-vous meilleurs et plus miséricordieux que le Dieu des Chrétiens ?
Car enfin, l'enfer existe. L'Eglise l'enseigne ; c'est l'horrifique vision à l'aide laquelle on épouvante les enfants, les vieillards et les esprits craintifs, c'est le spectre qu'on installe aux chevets des agonisants, à l'heure où l'approche de la mort leur enlève toute énergie et toute lucidité.
Eh bien ! Le Dieu des chrétiens, Dieu qu'on dit être de pitié, de pardon, d'indulgence, de bonté, de miséricorde, précipite une parité de ses enfants - pour toujours - dans ce séjour peuplé des tortures les plus cruelles, des supplices les plus indicibles.
Comme il est bon ! Comme il est miséricordieux !
Vous connaissez cette parole des Ecritures : Il y aura beaucoup d'appelés, mais fort peu d'élus. Cette parole signifie, si je ne m'abuse, qu'infime sera le nombre des élus et considérable le nombre des damnés. Cette affirmation est d'une cruauté si monstrueuse qu'on a tenté de lui donner un autre sens.
Peu importe : l'enfer existe et il est évident que des damnés - en grand ou petit nombre - y endureront les plus douloureux tourments.
Demandons-nous à qui peuvent être profitables les tourments des damnés.
Serait-ce aux élus ? - Evidemment non ! Par définition les élus seront les plus justes, les vertueux, les fraternels, les compatissants, et on ne saurait supposer que leur félicité, déjà inexprimable, serait accrue par le spectacle de leurs frères torturés.
Serait-ce aux damnés eux-mêmes ? - Pas davantage puisque l'Eglise affirme que le supplice de ces malheureux ne finira jamais et que, dans des milliards et des milliards de siècles, leurs tourments seront intolérables comme au premier jour.
Alors ?...
Alors, en dehors des élus et des damnés, il n'y a que Dieu, il ne peut y avoir que lui.
C'est donc à Dieu que seraient profitables les souffrances des damnés ? C'est donc à lui, ce père infiniment bon, infiniment miséricordieux, qui se repaîtrait sadiquement des douleurs auxquelles il aurait volontairement voué ses enfants ?
Ah ! s'il en est ainsi, ce Dieu m'apparaît comme le bourreau le plus féroce, comme le tortionnaire le plus implacable que l'on puisse imaginer.
L'enfer prouve que Dieu n'est ni bon, ni miséricordieux. L'existence d'un Dieu de bonté est incompatible avec celle de l'Enfer.
Ou bien il n'y a pas d'Enfer, ou bien Dieu n'est pas infiniment bon.


QUATRIÈME ARGUMENT
Le problème du Mal


C'est le problème du Mal qui me fournit mon quatrième et dernier argument contre le Dieu-Gouverneur, en même temps que mon premier argument contre le Dieu-Justicier.
Je ne dis pas : l'existence du mal, mal physique, mal moral, est incompatible avec l'existence de Dieu ; mais je dis qu'elle est incompatible avec l'existence d'un Dieu infiniment puissant et infiniment bon.
Le raisonnement est connu, ne serait-ce que par les multiples réfutations - toujours impuissantes, du reste - qu'on lui a opposées.
On le fait remonter à Epicure. Il a donc déjà plus de vingt siècles d'existence ; mais, si vieux qu'il soit, il a gardé toute sa vigueur.
Le voici :
Le mal existe ; tous les êtres sensibles connaissent la souffrance. Dieu qui sait tout ne peut pas l'ignorer. Eh bien ! de deux choses l'une :
Ou bien Dieu voudrait supprimer le mal, mais il ne le peut pas ;
Ou bien Dieu pourrait supprimer le mal, mais il ne le veut pas.
Dans le premier cas, Dieu voudrait supprimer le mal ; il est bon, il compatit aux douleurs qui nous accablent, aux maux que nous endurons. Ah ! s'il ne dépendait que de lui ! Le mal serait anéanti et le bonheur fleurirait sur la terre. Encore une fois, il est bon ; mais il ne peut supprimer le mal et, alors, il n'est pas tout-puissant.
Dans le second cas, Dieu pourrait supprimer le mal. Il lui suffirait de vouloir pour que le mal fût aboli : il est tout-puissant ; mais il ne veut pas le supprimer ; et, alors il n'est pas infiniment bon.
Ici, Dieu est puissant, mais il n'est pas bon ; là, Dieu est bon, mais il n'est pas puissant.
Or, pour que Dieu soit, il ne suffit pas qu'il possède l'une de ces perfections : puissance ou bonté, il est indispensable qu'il les possède toutes les deux.
Ce raisonnement n'a jamais été réfuté.
Entendons-nous : je ne dis pas qu'on n'a jamais essayé de le réfuter ; je dis qu'on j'y est jamais parvenu.
L'essai de réfutation le plus connu est celui-ci :
Vous posez en termes tout à fait erronés le problème du mal. C'est bien à tort que vous en rendez Dieu responsable. Oui, certes, le mal existe et il est indéniable ; mais c'est l'homme qu'il convient d'en rendre responsable. Dieu n'a pas voulu que l'homme soit un automate, une machine, qu'il agisse fatalement. En le créant il lui a donné la liberté ; il en a fait un être entièrement libre ; de la liberté qu'il lui a généreusement octroyée, Dieu lui a laissé la faculté de faire, en toutes circonstances, l'usage qu'il voudrait ; et, s'il plaît à l'homme, au lieu de faire un usage judicieux et noble de ce bien inestimable, d'en faire un usage odieux et criminel, ce n'est pas Dieu qu'il faut en accuser, ce serait injuste ; il est équitable d'en accuser l'homme.
Voilà l'objection ; elle est classique.
Que vaut-elle ? Rien.
Je m'explique :
Distinguons d'abord le mal physique du mal moral.
Le mal physique, c'est la maladie, la souffrance, l'accident, la vieillesse avec son cortège de tares et d'infirmités, c'est la mort, la perte cruelle de ceux que nous aimons ; des enfants naissent qui meurent quelques jours après sans avoir connu autre chose que la souffrance ; il y a une foule d'êtres humains pour qui l'existence n'est qu'une longue suite de douleurs et d'afflictions, en sorte il vaudrait mieux qu'ils ne fussent pas nés ; c'est, dans le domaine de la nature, les fléaux, les cataclysmes, les incendies, les sécheresses, les famines, les inondations, les tempêtes, toute cette somme de tragiques fatalités qui se chiffrent par la douleur et la mort.
Qui oserait dire de ce mal physique que l'homme doit en être rendu responsable ?
Qui ne comprend que, si Dieu a créé l'Univers, si c'est lui qui l'a doté des formidables lois qui le régissent et si le mal physique est l'ensemble de ces fatalités qui résultent du jeu normal des forces de la Nature, qui ne comprend que l'auteur responsable de ces calamités, c'est, en toute certitude, celui qui a créé cet Univers, celui qui le gouverne ?
Je suppose que, sur ce point, il n'y a pas de contestation possible.
Dieu qui gouverne l'Univers est donc responsable du mal physique.
Cela seul suffirait, et ma réponse pourrait s'en tenir là.
Mais je prétends que le mal moral est imputable à Dieu au même titre que le mal physique, puisque, s'il existe, il a présidé à l'organisation du monde moral comme à celle du monde physique et que, conséquemment, l'homme, victime du mal moral comme du mal physique, n'est pas plus responsable de l'un que de l'autre.
Mais il faut que je rattache ce que j'ai à dire sur le mal moral à la troisième et dernière série de mes arguments.


TROISIÈME GROUPE D'ARGUMENTS

PREMIER ARGUMENT
Irresponsable, l'homme
ne peut être ni puni ni récompensé


Que sommes-nous ?
Avons-nous présidé aux conditions de notre naissance ? Avons-nous été consultés sur la simple question de savoir s'il nous plaisait de naître ? Avons-nous été appelés à fixer nos destinées ? Avons-nous eu, sur un seul point, voix au chapitre ?
Si nous avions eu voix au chapitre, chacun de nous se serait, dès le berceau, gratifié de tous les avantages : santé, force, beauté, intelligence, courage, bonté, etc., etc. Chacun eût été résumé de toutes les perfections, une sorte de Dieu en miniature.
Que sommes-nous ?
Sommes-nous ce que nous avons voulu être ?
Incontestablement non !
Dans l'hypothèse Dieu, nous sommes, puisque c'est lui qui nous a créés, ce qu'il a voulu que nous soyons.
Dieu, puisqu'il est libre, aurait pu ne pas nous créer.
Il aurait pu nous créer moins pervers, puisqu'il est bon.
Il aurait pu nous créer vertueux, bien portants, excellents. Il aurait pu nous combler de tous les dons physiques, intellectuels et moraux, puisqu'il est tout-puissant.
Pour la troisième fois, que sommes-nous ?
Nous sommes ce que Dieu a voulu que nous soyons. Il nous a créés comme il lui a plu, à son gré.
Il n'y a pas d'autre réponse à cette interrogation : que sommes-nous ? si on admet que Dieu existe et que nous sommes ses créatures.
C'est Dieu qui nous a donné nos sens, nos facultés de compréhension, notre sensibilité, nos moyens de percevoir, de sentir, de raisonner et d'agir. Il a prévu, voulu, déterminé nos conditions de vie : il a conditionné nos besoins, nos désirs, nos passions, nos craintes, nos espérances, nos haines, nos tendresses, nos aspirations. Toute la machine humaine correspond à ce qu'il a voulu qu'elle soit. Il a conçu, agencé de toutes pièces le milieu dans lequel nous vivons ; il a préparé toutes les circonstances qui, à chaque instant, donneront l'assaut à notre volonté et détermineront nos actions.
Devant ce Dieu formidablement armé, l'homme est irresponsable.
Celui qui n'est sous la dépendance de personne est entièrement libre ; celui qui est un peu sous la dépendance d'un autre est un peu esclave, il est libre pour la différence ; celui qui est beaucoup sous la dépendance d'un autre est beaucoup esclave, il n'est libre que pour le reste ; enfin celui qui est tout à fait sous la dépendance d'un autre est tout à fait esclave et ne jouit d'aucune liberté.
Si Dieu existe c'est dans cette dernière posture, celle de l'esclavage, qu'il se trouve par rapport à Dieu, et son esclavage est d'autant plus entier qu'il y a plus d'écart entre le Maître et lui.
Si Dieu existe, lui seul sait, peut, veut ; lui seul est libre ; l'homme ne sait rien, ne peut rien, ne veut rien ; sa dépendance est complète.
Si Dieu existe, il est tout ; l'homme n'est rien.
L'homme ainsi tenu en esclavage, placé sous la dépendance plein et entière de Dieu, ne peut avoir aucune responsabilité.
Et, s'il est irresponsable, il ne peut être jugé.
Tout jugement implique un châtiment ou une récompense ; et les actes d'un être irresponsable, n'ayant aucune valeur morale, ne relèvent d'aucun jugement.
Les actes de l'irresponsable peuvent être utiles ou nuisibles ; moralement, ils ne sont ni bons ni mauvais, ni méritoires ni répréhensibles ; ils ne sauraient équitablement être récompensés ni châtiés.
En s'érigeant en Justicier, en punissant ou en récompensant l'homme irresponsable, Dieu n'est qu'un usurpateur ; il s'arroge un droit arbitraire et il en use à l'encontre de toute justice.
De ce que je viens de dire, je conclus :
a) Que la responsabilité du mal moral est imputable à Dieu comme lui est imputable celle du mal physique ;
b) Que Dieu est un Justicier indigne, parce que : irresponsable, l'homme ne peut être ni récompensé, ni châtié.


SECOND ARGUMENT
Dieu viole
les règles fondamentales de l'équité


Admettons, un instant, que l'homme soit responsable et nous allons voir que, même dans cette hypothèse, la divine Justice viole les règles les plus élémentaires de l'équité.
Si l'on admet que la pratique de la Justice ne saurait être exercée sans comporter une sanction et que le magistrat a pour mandat de fixer cette sanction il est une règle sur laquelle le sentiment est et doit être unanime : c'est que, de même qu'il y a une échelle de mérite et de culpabilité, il doit y avoir une échelle de récompenses et de châtiments.
Ce principe posé, le magistrat qui pratiquera le mieux la justice, sera celui qui proportionnera le plus exactement la récompense au mérite et le châtiment à la culpabilité ; et le magistrat idéal, impeccable, parfait, sera celui qui fixera un rapport d'une rigueur mathématique entre l'acte et la sanction.
Je pense que cette règle élémentaire de justice est acceptée par tous.
Eh bien ! Dieu, par le ciel et par l'enfer, méconnaît cette règle et la viole.
Quel que soit le mérite de l'homme, il est borné (comme l'homme lui-même) et, cependant, la sanction de récompense : le ciel est sans borne, ne serait-ce que par son caractère de perpétuité.
Quelle que soit la culpabilité de l'homme, elle est limitée (comme l'homme lui-même) et, pourtant la sanction du châtiment : l'enfer est sans limite, ne serait-ce que par son caractère de perpétuité.
Il y a donc disproportion entre le mérite et la récompense, disproportion entre la faute et la punition ; disproportion partout. Donc, Dieu viole les règles fondamentales de l'équité.
Ma thèse est achevée ; il ne me reste plus qu'à récapituler et à conclure.


RÉCAPITULATION

Camarades,

Je vous avais promis une démonstration serrée, substantielle, décisive de l'inexistence de Dieu. Je crois pouvoir dire que j'ai tenu cette promesse.

Ne perdez pas de vue que je ne me suis pas proposé de vous apporter un système de l'Univers rendant inutile tout recours à l'hypothèse d'une Force supra naturelle, d'une Energie ou d'une Puissance extra mondiale, d'un Principe supérieur ou antérieur à l'Univers. J'ai eu la loyauté, comme je devais l'avoir, de vous dire qu'envisagé de la sorte, le problème ne comporte, dans l'état actuel des connaissances humaines, aucune solution définitive et que la seule attitude qui convienne à des esprits réfléchis et raisonnables, c'est l'expectative.

Le Dieu dont j'ai voulu établir, dont, je puis le dire maintenant, j'ai établi l'impossibilité, c'est le Dieu des religions, le Dieu Créateur, Gouverneur et Justicier, le Dieu infiniment sage, puissant, juste et bon, que les clergés se flattent de représenter sur la terre et qu'ils tentent d'imposer à notre vénération.
Il n'y a pas, il ne peut y avoir d'équivoque. C'est ce Dieu que je nie ; et, si l'on veut discuter utilement, c'est ce Dieu qu'il faut défendre contre mes attaques.

Tout débat sur un autre terrain sera, - je vous en préviens, car il faut que vous vous mettiez en garde contre les ruses de l'adversaire - tout débat sur un autre terrain sera une diversion et sera, par surcroît, la preuve que le Dieu des religions ne peut être défendu, ni justifié.

J'ai prouvé que, comme Créateur, il serait inadmissible, imparfait, inexplicable ; j'ai établi que, comme gouverneur, il serait inutile, impuissant, cruel, odieux, despotique ; j'ai montré que, comme justicier, il serait un magistrat indigne, violant les règles essentielles de la plus élémentaire équité.


CONCLUSION

Tel est pourtant le Dieu que, depuis des temps immémoriaux, on a enseigné et que, de nos jours encore, on enseigne à une multitude d'enfants, dans une foule de familles et d'écoles. Que de crimes ont été commis en son nom !

Que de haines, de guerres, de calamités ont été furieusement déchaînées par ses représentants ! Ce Dieu, de quelles souffrances il a été la source ! quels maux il engendre encore !
Depuis des siècles, la Religion tient l'humanité courbée sous la crainte, vautrée dans la superstition, prostrée dans la résignation.

Ne se lèvera-t-il donc jamais le jour où, cessant de croire en la Justice éternelle, en ses arrêts imaginaires, en ses réparations problématiques, les humains travailleront, avec une ardeur inlassable, à l'avènement, sur la terre, d'une Justice immédiate, positive et fraternelle ?
Ne sonnera-t-elle donc jamais l'heure où, désabusés des consolations et des espoirs fallacieux que leur suggère la croyance en un paradis compensateur, les humains feront de notre planète un Eden d'abondance, de paix et de liberté, dont les portes seront fraternellement ouvertes à tous ?
Trop longtemps, le contrat social s'est inspiré d'un Dieu sans justice ; il est temps qu'il s'inspire d'une justice sans Dieu. Trop longtemps, les rapports entre les nations et les individus ont découlé d'un Dieu sans philosophie ; il est temps qu'ils procèdent d'une philosophie sans Dieu. Depuis des siècles, monarques, gouvernants, castes et clergés, conducteurs de peuples directeurs de consciences, traitent l'humanité comme le vil troupeau, bon tout juste à être tondu, dévoré, jeté aux abattoirs.
Depuis des siècles, les déshérités supportent passivement la misère et la servitude, grâce au mirage décevant du Ciel, et à la vision horrifique de l'Enfer. Il faut mettre fin à cet odieux sortilège, à cette abominable duperie.

O toi qui m'écoutes, ouvre les yeux, regarde ; observe ; comprends. Le ciel dont on te parle sans cesse, le ciel à l'aide duquel on tente d'insensibiliser ta misère, d'anesthésier ta souffrance et d'étouffer la plainte qui, malgré tout, s'exhale de ta poitrine, ce ciel est irréel et désert. Seul, ton enfer est peuplé et positif.

Assez de lamentations : les lamentations sont vaines.
Assez de prosternations : les prosternations sont stériles.
Assez de prières : les prières sont impuissantes.
Redresse-toi, ô homme ! Et, debout, frémissant, révolté, déclare une guerre implacable au Dieu dont, si longtemps, on imposa à tes frères et à toi-même l'abrutissante vénération.
Débarrasses-toi de ce tyran imaginaire et secoue le joug de ceux qui se prétendent ses chargés d'affaires ici-bas.
Mais souviens-toi que ce premier geste de libération accompli, tu n'auras rempli qu'une partie de la tâche qui t'incombe.
N'oublie pas qu'il ne te servirait de rien de briser les chaînes que les Dieux imaginaires, célestes et éternels, ont forgées contre toi, si tu ne brisais aussi celles qu'ont forgées contre toi les Dieux passagers et positifs de la terre.
Ces Dieux rôdent autour de toi, cherchant à t'affamer et à t'asservir. Ces Dieux ne sont que des hommes comme toi.
Riches et Gouvernants, ces Dieux de la terre ont peuplé celle-ci d'innombrables victimes, d'inexprimables tourments.
Puissent les damnés de la terre se révolter enfin contre ces scélérats et fonder une Cité où ces monstres seront ; à tout jamais, rendus impossibles !
Quand tu auras chassé les Dieux du ciel et de la terre, quand tu te seras débarrassé des Maîtres d'en haut et des Maîtres d'en bas, quand tu
auras accompli ce double geste de délivrance, alors, mais seulement alors, ô mon frère, tu t'évaderas de ton enfer et tu réaliseras ton ciel !


Sébastien Faure

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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 19 Avr 2015, 03:17

De l’urgence d’un anticléricalisme anarchiste au XXI° siècle

Le retour du religieux dans la vie de tous les jours est un fait prégnant. Loin de nous l’idée de le nier, ou de nier son instrumentalisation par certain-e-s, que ce soit pour ne pas désigner les personnes victimes de la haine (l’emploi de plus en plus systématique du terme « musulman » pour désigner les arabes) ou que ce soit pour présenter les migrants ou issus des migrations passées uniquement par le prisme d’une supposée communauté religieuse en faisant croire que la religion pourrait être un moyen d’émancipation.

Cette désignation des personnes concernées les enferme, de fait, dans une communauté qui se reconnaîtrait par la religion, et qui pourtant ne les définit pas. Les « Arabes », français ou non, qui vivent ici se trouvent alors assimilés à une religion diabolisée qui est censée les définir et les représenter tous. Celle-ci est, certes, constitutive de leur héritage familial, culturel et historique comme chaque religion est constitutive de l’héritage familial, culturel et historique de n’importe quelle catégorie ethnique, qu’on le veuille ou non. Cependant, nous ne sommes pas responsables de ce que nous n’avons pas choisi, nous n’avons pas choisi nos héritages et nous devons donc être libres d’en rejeter ce qui ne nous plaît pas, en particulier la religion, que nous soyons « Arabes », « Blancs », « Asiatiques », « Noirs », etc.

L’emploi du terme « islamophobie » produit de l’ambiguïté et de la confusion qui compliquent la lutte contre le racisme et l’intégrisme religieux. Il exclut de la lutte anti-raciste les personnes d’origine orientale et africaine qui ne sont pas croyantes, tout en instaurant un amalgame systématique et stigmatisant entre ces personnes et celles qui sont musulmanes. Dans la foulée, l’effet est d’entraver le droit au blasphème, ainsi que toutes critiques contre les dogmes religieux d’abord musulmans, puis logiquement et par extension, chrétiens et juifs. En quelque sorte, c’est là le programme des groupes d’extrême-droite qui instrumentalisent et falsifient la notion de laïcité comme « Riposte Laïque » qui n’est pas si laïque que ça mais juste raciste. Ou un site comme Oumma.com, fondé par un créationniste musulman.

Participer à cet amalgame en employant le terme « islamophobie » permet non seulement de ne pas nommer le véritable problème qui est le racisme et la xénophobie, mais pousse aussi les personnes visées par ce racisme et cette xénophobie à se réfugier dans un repli communautaire qui leur offre une illusion de confort et de sécurité.

Choisir le terme « islamophobie » plutôt que « racisme » c’est enfermer une multitude de personnes dans une catégorie définie de façon trompeuse et réductrice. C’est nier leur individualité, leur subjectivité et leur droit à exercer la même liberté que les autres. C’est s’enfermer soi-même et se soumettre à l’injonction de se positionner par rapport à la religion pour défendre sa propre existence ou celle d’autrui.

C’est reprendre à son compte un discours dogmatique. Le terme « phobie » désignant une peur irrationnelle à caractère pathologique, l’emploi du terme « islamophobie », dont la véritable fonction est d’interdire toute critique de l’islam, vise à faire croire que ce ne serait pas la religion elle-même qui est irrationnelle, mais le fait de la critiquer…

Nous avons là un excellent exemple de rhétorique perverse.

L’islam n’est légitime en rien, il n’a pas à être défendu car, comme toutes les religions, il apporte son cortège de maltraitances, de soumissions et d’aliénations. Au contraire, il doit être fustigé en tant que tel, comme toutes les autres religions. Par contre nous devons dénoncer très haut le racisme haineux de nos concitoyen-ne-s qui n’a d’égal que le racisme haineux de Daesh et autres extrémistes religieux de tous poils.

Certain-e-s font, consciemment ou inconsciemment, le jeu des racistes et extrémistes religieux en interdisant / diabolisant toute critique de l’islam politique, radical et intégriste, et par là même établissent une hiérarchie entre les religions…

En parallèle on peut noter le retour en grâce de la « noble religion » en France, comprenez la religion catholique. Nous la pensions en perte de vitesse mais le passage autour du mariage pour tou-te-s est venu nous réveiller : elle est encore bien présente et a bien l’intention de dicter ce que nous avons le droit de faire ou non dans nos vies.

Elle ne se plaint pas trop de la laïcité, puisque cette laïcité n’est que partiellement appliquée à son égard (par exemple : financements publics attribués à de nombreuses écoles catholiques, maintien du concordat en Alsace-Moselle, tolérance à l’égard des agents du service public exhibant des crucifix sur leur lieu de travail) et elle a su laisser croire qu’elle s’y conformait pour mieux s’imposer dans chaque rouage du pouvoir étatique. D’ailleurs, nous avons pu voir l’alliance de toutes les religions, du bouddhisme au protestantisme dans le but de priver de droit de vivre une partie de la population, sous prétexte que la sexualité qu’elle vit n’est pas conforme à leurs textes sacrément archaïques.

Rien d’étonnant quand on sait que les trois branches de la religion monothéiste et transcendantaliste ont pour base commune un ensemble de textes et de récits qui font l’apologie du viol (collectif, punitif, conjugal et incestueux), de l’infanticide, du féminicide et du sacrifice d’autrui à des fins de vengeance. Ils imposent des lois dogmatiques qui témoignent d’un rejet viscéral de la philosophie et de la science, d’une haine profonde pour les femmes et les homosexuel-le-s ainsi que d’un mépris radical à l’égard des enfants et des autres espèces animales… Tout ce qui rappelle que nous sommes des êtres vivants, sensibles, imparfaits, uniques et mortels déplaît à ce dieu qui, en plus d’être tyrannique comme tous ses collègues, est aussi fondamentalement sadique, phallocrate (1) et anthropocentriste (2).

Au nom d’une promesse de « salut » dans un au-delà éternellement ennuyeux, il puise toute son inspiration et sa puissance dans une haine inépuisable de la vie et de la liberté. Les religions polythéistes et sans dieu mais avec transcendance les suivent sur ces points-là, malheureusement.

Voici donc le temps du fameux « 21ème siècle religieux », et il fait froid dans le dos de tout-e anarchiste.

Car la religion n’est pas qu’une démarche individuelle. Elle est l’organisation de croyant-e-s à des fins politiques. C’est ce qui fait qu’elle est par essence un des piliers du système de domination mondial.

Pas d’émancipation des personnes sans destruction des quatre piliers de la domination que sont le patriarcat, l’État, le capitalisme et la religion.

Nous voyons d’ailleurs le côté protéiforme des différentes religions : condamnant le profit, elles ont pourtant toutes permis d’ériger des empires, qu’ils soient financiers ou de droit divin, et permis aux classes les plus aisées de se tailler la part du lion. Le Qatar tout comme le Vatican sont deux exemples de ces multinationales du turban et de la calotte.

Et ils sont nombreux : le fanatisme religieux se lâche dans le monde. Que ce soit les bouddhistes birmans qui dézinguent les musulman-e-s, Daesh et son califat de l’horreur avec épuration ethnique en prime, Boko Haram et sa vision de la purification, les catholiques en goguette qui s’acoquinent avec les milices sud-américaines et les réactionnaires en France, le créationnisme qui déferle sur le monde via les USA et la Turquie, etc… etc… Comme on dit : y’a du boulot !

Il est vital de construire une solidarité internationale concrète avec les organisations progressistes qui se battent a minima pour la laïcité dans les pays où les intégristes religieux détiennent le pouvoir politique, avoir le courage de combattre également les intégristes religieux d’ici, et ce, quelle que soit leur religion, leur importance numérique et leur impact politique, parce qu’aucune personne ne doit être considérée comme négligeable ou sacrifiable et que l’oppression religieuse doit être combattue à grande comme à petite échelle. Et ce, à l’échelle du monde entier, comme au sein de chaque pays, ainsi que dans la sphère dite « privée » des communautés et des familles, en prenant garde de ne pas développer un discours de haine à l’égard des croyant-e-s en tant que personnes.

C’est pour cela qu’il est temps de construire un anticléricalisme anarchiste du 21ème siècle. Non pas celui fantasmé par les personnes qui se rendent poreuses au mysticisme sous prétexte de trouver là un lien avec les démuni-e-s (niant au passage les constructions internationalistes du passé), mais bien un anticléricalisme qui sache prendre la mesure des défis à relever. Des gens, qui sont en apparence ennemis, défendent en réalité les mêmes intérêts : les intégristes religieux, les anti-féministes, les obscurantistes, les conspirationnistes, les racistes, bref, toutes les sortes d’essentialistes (3), autrement-dit, d’adeptes des extrêmes-droites (de quelque inspiration culturelle et/ou cultuelle soient-elles).

Les confusions actuelles (profitant notamment à Égalité et Réconciliation d’Alain Soral) qui tendent à nous faire oublier la lutte contre le patriarcat, le racisme et le capitalisme, par l’intrusion sur la scène politique des délires du type « choc des civilisations » et « défense de la diversité » (les deux étant fondées sur l’enfermement des personnes dans des catégories identitaires qui nient leurs individualités) arrangent bien les dominant-e-s et les extrêmes-droites. Pendant que certain-e-s instrumentalisent une illusion d’anti-racisme afin de faire de la propagande anti-féministe, d’autres font l’inverse, ce qui n’est pas mieux…

Car ce qui est évident, c’est avant tout que le club des calotins et enturbannés a gagné une manche. Aujourd’hui, on parle de « musulmans de France », de « catholiques de France » ou autres labels religiophiles… C’est bien là une bonne dose de différentialisme qui est entrée dans notre société ! Et ce n’est pas pour rien. Il est d’ailleurs à souligner que ces désignations ne sont utilisées que si elles ont un sens politique, et permettent une main mise. Car personne ne souligne que les Roms sont majoritairement chrétien-ne-s… Mais les Roms ne pèsent pas dans l’escarcelle électorale.

En découpant la société par le prisme de « à quoi tu crois », on oublie déjà la masse très importante des athées, en particulier dans le pays censé être laïque qu’est la France. Et on donne l’impression que les croyant-e-s sont majoritaires. Or, c’est faux. Selon diverses sources, l’athéisme se situerait entre 19 et 31 % des français-es, les agnostiques autour de 18 à 30 %… Et pour les individus qui se réclament d’une religion, cela se situe entre 15 et 23 %. Seulement, miracle de la bêtise, on parle en permanence comme si les religieux étaient non seulement majoritaires, mais en plus incontournables.

Empêchant bien souvent l’expression de celles et ceux qui ne croient pas, au nom d’un refus de blesser les croyant-e-s, mais en réalité avec pour but de protéger les religions.

L’important, pour définir notre positionnement politique est-il de savoir en quoi croire ou plutôt qu’est-ce que nous voulons ? Nous voulons une Humanité sans religion car la religion a une influence toxique sur l’Humanité.

Depuis des milliers d’années, la religion cautionne, justifie et pardonne le fait que des êtres soient considéré-e-s et traité-e-s comme des choses, que cela se traduise par l’exploitation (sexuelle, esclavagiste et salariale), les différentes formes de tortures (dont la plus courante est le viol), les mutilations (notamment sexuelles), le meurtre, la manipulation mentale, etc…

Est-ce qu’une personne est ce qu’elle fait, ou est-elle ce qu’elle dit penser ? Marine Le Pen est-elle sincère lorsqu’elle dit ne pas être raciste et vouloir défendre la laïcité ?…

Évidemment non !

L’éthique précède l’idéologie. L’éthique qui précède toutes les idéologies progressistes est fondée sur la reconnaissance de la différence fondamentale entre les êtres vivant-e-s (en particulier les êtres humain-e-s pour la plupart des idéologies progressistes) et les objets. Une étiquette idéologique collée sur une personne, qui n’adhère manifestement pas à la base éthique au fondement même de l’idéologie qu’elle prétend représenter, est un mensonge.

Par la perte de repères universalistes et anticléricaux, nous sommes sommé-e-s de prendre parti pour l’une ou l’autre de ces deux tendances d’extrême-droite, l’une plutôt raciste anti-arabes, l’autre plutôt raciste « anti-sioniste » (en réalité antisémite).

Les deux sont racistes, les deux sont misogynes et homophobes. Les deux sont identitaires et essentialistes. Les deux sont obscurantistes.

Nous sommes censé-e-s être capables de penser, nous positionner et agir de façon autonome par rapport aux partis et tendances politiques, même les moins éloignés de nos valeurs. Nous ne sommes pas obligé-e-s de tomber dans le piège d’un choix insensé à faire entre une tendance d’extrême-droite et une autre. Si nous tombons dans ce piège en choisissant un camp entre la peste et le choléra, alors ces deux tendances d’extrême-droite, qui semblent s’opposer mais se rejoignent, auront gagné.

Vive le blasphème ! À bas les Identitaires, Riposte « laïque », le Parti des Indigènes de la République, la Ligue de « Défense » Juive, le Hezbollah, le Hamas, le Betar, SOS « Tous Petits », le FN, Égalité et réconciliation, Réconciliation nationale etc, et merde à Le Pen, Soral, Dieudonné, Tariq Ramadan, De Villiers… À bas TOUTES les extrêmes-droites !

LES intégrismes religieux en sont une composante essentielle quelles que soient leurs inspirations culturelles et / ou cultuelles !

Ils veulent que des personnes humaines soient considérées et traitées comme des choses. Pour ça l’Église catholique, lorsqu’elle détenait le pouvoir politique, a renforcé et organisé la prostitution (4), comme le fait actuellement l’État Islamique sur les territoires qu’il domine et contrôle. Puis l’Inquisition a érigé des bûchers et pratiqué la torture pour terroriser et mater les femmes, les personnes souffrant de troubles psychiques, les handicapées, les chats, les alchimistes… les islamistes préfèrent le fouet et la lapidation. Aujourd’hui encore les mensonges de l’Inquisition exercent une influence non négligeable sur les mentalités occidentales, en témoignent les représentations presque exclusivement négatives des « sorcières »… Ces mêmes « sorcières » torturées et brûlées vives par l’Inquisition parce qu’elles soignaient, aidaient et transmettaient à la population paysanne les restes d’une tradition populaire profane antérieure à la christianisation.

Et on retrouve la même misogynie, la même haine et la même violence chez les islamistes. Et il suffit de voir les orthodoxes juifs caillaissant une marche des fiertés ou demandant des séparations homme / femme de partout pour comprendre les liens… La condition des femmes en Inde nous laisse entrevoir que toutes les religions partagent ce fond.

Dans les pays où les féministes luttent en risquant leur vie tous les jours parce que les intégristes islamistes sont au pouvoir, les homosexuel-le-s risquent la peine de mort, les femmes peuvent être abattues comme du bétail défectueux par leur mari jaloux au moindre soupçon d’adultère, elles sont mariées de force, recluses, battues, violées, lapidées, esclaves domestiques, etc. Parce qu’elles sont d’origine orientale ou africaine, l’oppression qu’elles subissent en tant que femmes devrait être minimisée et traitée au second plan au nom d’un intérêt soi-disant supérieur dicté par des courants et des partis politiques français réputés « de gauche » ? De même lorsque l’on voit applaudir l’arrivée au pouvoir d’un parti religieux nationaliste en Inde sous prétexte d’un « changement » nécessaire. Il est là le racisme ! Racisme doublé de machisme camouflé dans le costume de la bonne conscience qui fait l’économie des questions embarrassantes !

Alors on choisit la solution de facilité qui consiste à considérer certain-e-s comme quantité négligeable et sacrifiable. C’est d’autant plus facile quand elles font partie d’une minorité numérique, comme c’est le cas par exemple des victimes de l’oppression religieuse islamiste présente en France. « T’es oppressée par un / des opprimé-e-s ? Désolé-e-s, mais ce qui compte pour nous c’est notre image et notre électorat… nous luttons contre l’islamophobie et puis tu n’es qu’une femme alors sois gentille, ne joue pas la traître à la cause et pleure en silence… »

Les religions se combattent pied à pied, face à face, sans avoir peur. Car nous savons faire la distinction entre les croyant-e-s et leurs chefs, même si nous ne retirons pas toute responsabilité aux croyant-e-s qui alimentent les clergés, de même que nous savons faire la distinction entre les salarié-e-s et le patronat lorsque nous parlons d’abolition du salariat et de toutes les formes d’oppression et d’exploitation. Nous ne laisserons plus passer l’idée que nous devrions tolérer les faits religieux, voire les assimiler (quel horrible mot), pour mieux aider les plus démuni-e-s, car nous savons que les religions sont là avant tout pour consoler les démuni-e-s dans l’immatériel en laissant le matériel aux plus riches.

L’anticléricalisme anarchiste doit être au cœur de nos pensées politiques en ce 21ème siècle débutant, et ce pour que demain nous puissions revenir à ce qui compte : une lutte des classes claire, précise, et unificatrice.

Mort au patriarcat, mort à l’État, mort au capital, mort aux religions !

Plus que jamais : ni dieu, ni maître, ni ordre moral.

Graine d’anar
Fédération anarchiste
Lyon, Février 2015

Notes

1 Le terme phallocratie (du grec phallos, « pénis en érection » et cratos « pouvoir ») désigne la domination sociale, culturelle et symbolique exercée par les hommes sur les femmes. Par extension, elle est utilisée pour désigner une structure sociale misogyne, patriarcale et sexiste.

2 L’anthropocentrisme est une conception philosophique qui considère l’espèce humaine comme l’entité centrale la plus significative de l’Univers et qui appréhende la réalité à travers la seule perspective humaine.

3 En philosophie, l’essentialisme est le nom de la conception de l’humanité qui s’oppose à l’existentialisme : l’essentialisme philosophique vise à accorder le primat à l’essence sur l’existence, et ne suppose pas de libre arbitre de l’individu, considéré comme produit de déterminismes qui le définissent et dont il ne peut s’extraire. L’essentialisme tend à réactualiser un débat opposant la nature et la culture, l’inné et l’acquis.

4 Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir.

http://grainedanar.org/2015/04/13/de-lu ... xi-siecle/
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 30 Juil 2015, 01:30

Cinq raisons pour lesquelles Jésus n’aurait jamais existé

Le personnage historique de Jésus est-il un mythe construit de toute pièce?

La plupart des historiens universitaires spécialistes de l’antiquité pensent que le Nouveau Testament (les évangiles) sont «de l’histoire transformée en mythologie religieuse». En d’autres mots, ils estiment qu’autour du début du premier siècle un rabbin controversé nommé Yeshua ben Yosef a gagné un certain nombre d’adeptes et que sa vie et ses enseignements ont fourni les éléments de départ de ce qui est devenu le Christianisme.

Dans le même temps, ces universitaires reconnaissent que de nombreuses histoires bibliques, une vierge qui donne naissance à un enfant, les miracles, la résurrection... sont une reprise de thèmes mythiques courants au Moyen-Orient à la même époque.

Depuis plus de 200 ans, un grand nombre de théologiens et d’historiens a cherché dans les textes anciens inclus dans la bible ou pas, à découvrir l’homme Jésus à travers le mythe. L’hypothèse selon laquelle Jésus n’aurait jamais existé et serait un mythe construit pour donner un socle à une religion naissante est très minoritaire encore aujourd'hui. C’est sans doute lié au fait que pendant des siècles tous les chercheurs sérieux sur les origines du christianisme étaient eux-mêmes chrétiens.

Mais un nombre croissante d’universitaires s’interroge maintenant ouvertement sur la réalité historique de Jésus. Et ils avancent plusieurs arguments pour douter de la réalité de l'existence du personnage. Voilà cinq de leurs arguments.

... http://www.slate.fr/story/104227/cinq-r ... xtor=RSS-2
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 19 Sep 2015, 12:17

Contre les religions : Combattre tous les systèmes de domination

S’il est nécessaire de s’opposer à la stigmatisation des musulmans et des musulmanes, Alternative libertaire veut développer un combat contre tous les racismes et contre l’oppression religieuse. Nous en donnons ici les raisons.

Nous ne reviendrons pas ici sur l’analyse de Pierre Tévanian concernant la montée de la stigmatisation actuelle des musulmanes et des musulmans. Alternative libertaire partage cette analyse, en particulier quand la laïcité ou le féminisme sont appelés à la rescousse par la réaction pour montrer du doigt les personnes originaires d’Afrique du Nord ou d’Afrique noire.

Ni loi, ni voile !

Pour autant, et c’est ce qui nous différencie de Pierre Tévanian, Alternative libertaire dénonce le piège tendu aux femmes prises entre le mépris républicain et la « tradition », qui leur impose le voile, parfois le niqab, symboles de domination sur le corps des femmes. Nous ne soutiendrons jamais aucune législation répressive sur ces questions, parce qu’elles répriment les femmes et qu’elles s’inscrivent dans une stigmatisation des populations issues des anciennes colonies. Mais nous n’entendons pas non plus taire nos critiques sur la place que les religions – toutes les religions – assignent aux femmes.

Les idéologies religieuses sont des systèmes complexes, récupérant à un niveau plus ou moins significatif des éléments « progressistes », voire « libérateurs ». Et régulièrement les institutions religieuses peuvent servir de « lieu d’organisation » des groupes sociaux dominés. Mais les religions, qui toutes appellent à la sujétion face à une divinité supérieure à l’humanité, ont été, sont et seront toujours des systèmes de domination.

Combattre tous les racismes

Le racisme est une réalité polymorphe. Son objet est toujours de stigmatiser une partie de la population. Au travers de discriminations et de violences symboliques et physiques, il s’agit de diviser la masse des dominé-e-s en fractions antagonistes. En Europe occidentale aujourd’hui, le racisme dominant désigne le paria sous les traits imprécis du « musulman » et enveloppe cet archétype de toutes les peurs de la société occidentale. Mais d’autres racismes perdurent et obtiennent parfois la vedette dans le système médiatique, à l’encontre des Roms, des juifs, des asiatiques, des populations noires des Dom-Tom... Le racisme est plus que jamais colonial. Et pour nous le combat antiraciste ne doit jamais cesser d’être global sous peine d’être affaibli.

Au final, notre combat contre tous les systèmes de domination nous impose une position complexe. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une posture où l’islamophobie serait l’alpha et l’oméga de la lutte antiraciste. Nous ne pouvons pas mettre en veilleuse notre critique des religions, donc aussi de l’islam, parce qu’une partie significative de ces victimes du racisme, en particulier celles originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique noire, se reconnaissent dans cette religion.

Critiquer les religions, respecter les croyants

Affirmer « théoriquement » que nos camarades originaires d’Afrique du Nord comme d’Afrique noire, qu’ils-elles soient français-e-s ou pas ou encore qu’ils-elles soient musulman-e-s ou pas, sont nos égales et nos égaux n’est pas suffisant. Pour en faire une réalité il est nécessaire de les respecter y compris quand ils-elles sont croyant-e-s.

C’est ce respect qui permet d’avancer dans la construction d’un véritable échange et d’une solidarité dépassant les clivages « religieux », et ainsi de faire comprendre - et partager - ce qui fonde notre critique des religions. Face à la recrudescence du « religieux », le combat antiraciste trouve son prolongement dans une critique de tous les systèmes de domination et en particulier des traditions de domination sur les femmes et de la dépendance archaïque à la religion. Nous ne serons jamais les complices d’un système de domination pour en combattre un autre !

Jacques Dubart (AL Agen) et Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

http://www.alternativelibertaire.org/?C ... -Combattre
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Pïérô » 05 Mai 2016, 21:21

Les Femmes et les religions

... ou comment les religions sont un facteur fondamental d'oppression pour les femmes.

Dans ce texte, je fais référence à quatre religions : l'islam, le judaïsme, le catholicisme et le bouddhisme. Je commencerai par parler de ce que je connais bien, c'est-à-dire le catholicisme, ayant été élevée dans cette religion, puis des autres religions, en faisant référence à des lectures. J'analyserai quel est le rôle qui est imparti aux femmes dans toutes les religions et j'essaierai de démontrer en quoi les femmes ont tout à perdre à s'aliéner à une religion, quelle qu'elle soit.

... http://www.socialisme-libertaire.fr/201 ... gions.html
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Lila » 05 Juin 2016, 19:38

La place et le rôle de la femme dans l’islam, le christianisme et le judaïsme

La femme dans le Coran

Voici quelques extraits du Coran (1) où il est dit que les hommes peuvent battre leurs femmes au simple soupçon d’infidélité ou quand elles n’obéissent pas, où les femmes menstruées sont déclarées impures, où l’homme peut répudier sa femme, où le témoignage d’une femme ne vaut que la moitié de celui d’un homme, où le garçon recevra une part d’héritage qui sera le double de celui de la fille, où les hommes ont autorité sur leurs femmes du seul fait de la préférence de Dieu en leur faveur, où la virginité et la jeunesse des femmes sont considérées comme des valeurs très importantes, etc.

« Ils t’interrogent au sujet de la menstruation des femmes ; dis : « C’est un mal ». Tenez-vous à l’écart des femmes durant leur menstruation ; ne les approchez pas, tant qu’elles ne sont pas pures. » (Sourate 2 : 222) (2)

« Demandez le témoignage de deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes (…). Si l’une des deux femmes se trompe, l’autre lui rappellera ce qu’elle aura oublié ». (Sourate 2 : 282)

« Quant à vos enfants, Dieu vous ordonne d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles (…) ». (Sourate 4 : 11)

« Les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles, et à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leur entretien. (…). » (Sourate 4 : 34)

« Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais ne leur cherchez plus querelle, si elles vous obéissent. » (Sourate 4 : 34)

« Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer que l’extérieur de leurs atours, de rabattre leur voile sur leur poitrine, de ne montrer leurs atours qu’à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs servantes ou à leurs esclaves, ou à leurs serviteurs mâles incapables d’actes sexuels, ou aux garçons impubères. » (Sourate 24 : 31)

« Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles : c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées. » (Sourate 33 : 59)

« S’il vous répudie, son Seigneur lui donnera peut-être en échange des épouses meilleures que vous, soumise à Dieu, croyantes, pieuses, repentantes, adorantes, pratiquant le jeûne ; qu’elles aient été déjà mariées ou qu’elles soient vierges. » (Sourate 66 : 5)


La femme dans le christianisme

• Les Épîtres de St-Paul

La femme doit être modeste, décente, soumise et voilée quand elle prie. Elle ne doit pas parler dans les assemblées et pourra racheter la faute d’Ève en devenant mère. Quant à l’homme, il est le chef de la famille ; il a le pouvoir de marier sa fille ou de la garder vierge. Par contre, le mari ne peut répudier sa femme.

« Femmes, soyez [soumises] à vos maris comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme. (…) Ainsi, de même que l’Église est soumise au Christ, que les femmes le soient aussi en tout à leur mari. » (Éphésiens 5 : 21-25)

« Que, de son côté, le mari ne répudie point sa femme » (I Corinthiens, 7 :11)

« Si quelqu’un croit qu’il est malséant pour sa fille de dépasser l’âge nubile, et qu’il est de son devoir de la marier, qu’il fasse comme il voudra : il n’y a point de faute à la marier. Mais celui qui, sans aucune contrainte, et parfaitement libre de son choix, aura pris dans son cœur la décision de garder sa fille vierge, celui-là fait bien. En somme, celui qui marie sa fille fait bien ; et celui qui ne la marie pas, fait mieux. » (I Corinthiens 7 : 36-38)

« Mais toute femme qui prie ou prophétise la tête découverte manque d’égard à son chef. (…) Si une femme ne porte pas de voile, qu’elle se coupe aussi les cheveux. (…) Quant à l’homme, il ne doit pas se couvrir la tête, car il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais bien la femme pour l’homme. C’est pourquoi, à cause des anges, la femme doit porter sur la tête un signe de soumission. » (I Corinthiens 11 : 5-10)

« Comme dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées : elles n’ont pas le droit d’y parler. Elles doivent être soumises, comme dit d’ailleurs la Loi. Si elles désirent s’instruire sur quelque question, qu’elles interrogent leur mari à la maison : car il est malséant qu’une femme parle dans l’assemblée (I Corinthiens 14 : 34-35)

« Pareillement, je veux que les femmes portent des toilettes décentes, pudiques et modestes. (…) Que la femme écoute l’instruction en silence, en esprit de soumission. Je ne l’autorise pas à enseigner, ni à commander à l’homme : qu’elle demeure dans le silence. Adam fut en effet formé le premier, Ève ensuite. Ce n’est pas Adam qui a été séduit ; c’est la femme qui, séduite, s’est rendue coupable de transgression. Néanmoins, elle aura le salut en devenant mère, pourvu qu’elle persévère avec modestie, dans la foi, la charité et la sainteté. » (I Timothée 2 : 9-15)

• Saint-Albert le Grand

Voici ce que Saint-Albert le Grand (dominicain et philosophe du XIIIe siècle) dit de la femme :

« La femme est moins apte à la moralité (que l’homme). Car elle renferme plus de liquide que l’homme. Or le liquide a pour faculté d’absorber facilement, mais de mal retenir. En outre, il se déplace volontiers. D’où l’instabilité et la curiosité des femmes. Quand une femme a un rapport avec un homme, elle rêve en même temps d’être sous un autre. Elle n’a pas de fidélité. Crois-moi, si tu lui prêtes foi, tu seras déçu. Écoute un maître expérimenté. Pour cette raison, les hommes intelligents ne font pas part de leurs projets ni de leurs actions à leurs épouses. La femme est un homme raté ; par rapport à l’homme, elle ne possède qu’une nature défectueuse et imparfaite. C’est pourquoi elle est intrinsèquement peu sûre. Ce qu’elle ne peut obtenir elle-même, elle cherche à l’atteindre par le mensonge et des tromperies diaboliques. Aussi doit-on, en résumé, se garder de chaque femme comme d’un serpent venimeux ou du diable cornu. (…) Son sentiment pousse la femme vers ce qui est mauvais, de même que sa raison entraîne l’homme vers ce qui est bon. (Quaestiones super de animalibus, XV, q. 11). » (3)


La femme dans le Talmud

Selon le Talmud, la femme a peu de valeur par elle-même. Elle est curieuse, bavarde, attachée à son apparence, paresseuse, jalouse et portée sur la sorcellerie. Elle est sous l’autorité du père et du mari qui peut la répudier. Elle se doit d’être modeste, voilée à partir du moment où elle se marie et de rester le plus possible à la maison, le seul rôle valorisé pour elle étant celui de mère et d’épouse. Elle ne peut être ni juge, ni témoin. Alors que l’enseignement de la Torah est très important, elle en est souvent exclue ou reçoit une instruction rudimentaire.

« Tout individu du sexe masculin est tenu de prononcer trois bénédictions par jour : pour remercier Dieu d’avoir fait de lui un Israélite, de ne l’avoir pas fait naître femme, de ne pas avoir fait de lui un rustre » (Men. 43 b) p. 211. (4)

« Comment les femmes acquièrent-elles du mérite ? En envoyant leurs enfants étudier la Tora à la synagogue et leurs maris s’instruire dans les écoles des rabbins. » (Ber. 17 a) p. 212.

Pourquoi avoir choisi la côte d’Adam pour créer Ève ? « Dieu se demanda de quelle partie (du corps) de l’homme il formerait la femme. Je ne choisirai pas la tête à cet effet, dit-il afin qu’elle n’élève pas trop fièrement sa propre tête ; ni l’œil, pour qu’elle ne soit pas trop curieuse ; ni l’oreille, pour qu’elle n’aille pas écouter aux portes ; ni la bouche, pour qu’elle ne soit pas trop bavarde ; ni le cœur, pour qu’elle ne soit pas trop jalouse ; ni la main, pour qu’elle ne se livre pas à la prodigalité ; ni le pied, pour qu’elle ne sorte pas continuellement de chez elle ; je vais la tirer d’une partie du corps qui reste cachée, afin de la rendre modeste. » (Genèse R. 18,2) p. 213

« Quatre caractères sont imputés aux femmes : elles sont gourmandes, elles écoutent aux portes, elles sont paresseuses et jalouses. En outre, elles sont loquaces et querelleuses. » (Genèse R. 45, 5) p. 213

« La femme reste chez elle, tandis que l’homme circule en public et acquiert l’intelligence en fréquentant les autres hommes. » (Genèse R. 18,1) p. 213

« Les choses qu’une femme désire ne sont qu’ornements. » (Keth. 65,a) p. 213

« Plus il y a de femmes, plus les sortilèges foisonnent. » (Aboth. 2, 8) ; « La majorité des femmes inclinent aux maléfices. » (Sanh. 67 a) ; « Tu ne laisseras pas vivre une sorcière. » (Exode 22, 18) p. 214

« Celui qui suit les conseils de sa femme tombe dans la géhenne. » p. 217 et « L’homme gouverné par sa femme est du nombre de ceux dont l’existence n’est pas une vie. » (Betza 32 b) p. 219

« Une femme peut être répudiée qu’elle y consente ou non, mais un mari ne peut être répudié qu’avec son consentement. » (Yeb. 14,1) p. 220 et p. 219 « Il peut divorcer même si elle a manqué une cuisson. »

« (…) Heureux celui dont les enfants sont des fils, et malheur à celui qui n’a que des filles. » (p. 224)

« Il est écrit : une fille est un faux trésor pour son père. La crainte qu’il éprouve pour elle lui retire le sommeil pendant la nuit. Pendant ses jeunes années, il redoute qu’elle ne soit séduite ; pendant son adolescence, il craint qu’elle ne s’égare ; quand elle est d’âge à se marier, il a peur qu’elle ne trouve pas d’époux ; mariée, il craint qu’elle ne soit stérile ; vieille, qui sait si elle ne va pas s’adonner à la sorcellerie ? » (Sanh. 100 b) p. 225

« Mieux vaudrait que les paroles de la Tora fussent consumées par le feu que communiquées à des femmes. » (p. Sot. 19 a) p. 233


Notes :

1. D. Masson, Le Coran, tomes I et II, Paris, Gallimard, 1967, collection Folio classique, no. 1233 et 1234.
2. Une sourate est un chapitre du Coran. Les deux points suivis d’un chiffre fait référence au verset.
3. Cité dans Ranke-Heinemann, U., Des eunuques pour le royaume des cieux – L’Église catholique face à la sexualité, Robert Laffont, 1990, p. 203.
4. Tous les extraits du Talmud proviennent du livre suivant : A. Cohen, Le Talmud - Exposé synthétique du Talmud et de l’enseignement des Rabbins sur l’éthique, la religion, les coutumes et la jurisprudence, Payot, 1982.


http://bruxelles.indymedia.org/spip.php?article11252
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Pïérô » 18 Juin 2016, 20:56

De la religion

Voilà déjà un certain temps que la question de la religion suscite des débats dans le mouvement révolutionnaire et syndical. La circulaire Chatel de 2012 sur les mères voilées, les réactions aux attentats contre Charlie Hebdo, pour ne citer que ces exemples, ont contribué à figer les positions et ont conduit, plus ou moins directement, à l’éclatement de certains groupes. Alors que certainEs continuent à faire de la critique de l’aliénation religieuse un élément fondamental de l’anarchisme, d’autres dénoncent un universalisme essentialiste qui renverrait à un racisme honteux, à une forme d’islamophobie plus ou moins consciente.

Le sujet a été débattu à plusieurs reprises au sein de la CLA. Cet article ne prétend ni résumer les débats, ni présenter une position « officielle » de la CLA. Il expose simplement un point de vue personnel qui n’engage que son auteur.

1. La critique de l’aliénation religieuse : un élément fondamental de l’anarchisme.

Si l’anarchisme est incompatible avec une vision religieuse du monde, c’est pour trois raisons : philosophiques, éthiques et politiques.

Une démission de la raison.

Pour les anarchistes, la liberté de pensée doit être totale. Pour connaître le monde, nous ne disposons que de trois instruments : nos sens, notre sensibilité et notre raison. De ce fait, toute vérité ne peut être que partielle et provisoire. Or les religions imposent des dogmes qui se présentent comme des vérités absolues, au-dessus de toute critique. Quels sont ces dogmes ? Des idées délirantes. Le concept de création divine est une absurdité injustifiable. Croire que l’univers a été créé ex nihilo par une ou plusieurs entités relève de la pure fiction. Cette affirmation ne se présente pas comme une hypothèse susceptible de vérification, mais est assénée comme une révélation indiscutable. Comment peut-on, après Spinoza et Darwin, affirmer que l’humanité a été créée de toutes pièces, qu’elle est le sommet de la création et que la nature a une fin ? Pour le faire, il faut avoir renoncé à faire usage de sa raison.

Une morale normative.

Une religion ne se résume pas à un ensemble de croyances portant sur l’origine et les fins de l’univers. Elle édicte des normes, des commandements et des interdits qui émaneraient d’une entité supérieure et s’imposeraient à l’humanité sous peine de châtiments. Cette entité définirait, dans l’absolu, la différence entre le Bien et le Mal. Quoi de plus étranger aux principes de l’anarchisme ? Pour les libertaires, le Bien et le Mal ne sont pas des normes transcendantes. C’est l’humanité qui doit définir ses principes éthiques de façon non contraignante, en les fondant sur l’intérêt bien compris. On trouve un exemple intéressant de cette démarche dans la Morale anarchiste de Pierre Kropotkine (voir l’article consacré à cet ouvrage dans le numéro 12 de l’Éclat d’octobre 2012).

Au service de la domination.

Les religions ont contribué et contribuent encore à perpétuer les systèmes de domination et d’exploitation et ceci sous des formes différentes. Le procédé le plus brutal consiste à instaurer un État théocratique, où le gouvernement tire son autorité de Dieu. Aujourd’hui, l’État iranien en fournit un exemple. Cependant, même lorsqu’elles ne portent pas directement les religieux au pouvoir, les religions ont pour constante de prôner la soumission et le renoncement. On connaît la célèbre Épître aux Romains de l’apôtre Paul : « Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu. Et les rebelles se feront eux-mêmes condamner ».

On objectera, comme le fait Philippe Corcuff dans un article du Monde Libertaire (numéro 1752 du 16 au 22 octobre 2014) qu’il ne faut pas essentialiser les religions et qu’elles peuvent revêtir une dimension subversive. Il est vrai qu’à certaines périodes de l’histoire, certains courants religieux ont pu sembler s’engager dans une voie révolutionnaire ou progressiste. Si l’on prend l’exemple du mouvement millénariste et communiste initié par Thomas Münzer au XVI° siècle, il est indéniable qu’il se fondait sur une interprétation de textes religieux auxquels il donnait une perspective révolutionnaire. Ce faisant, il était hérétique : la dimension révolutionnaire du mouvement millénariste (certes discutable) n’est pas contenue dans les dogmes religieux. Elle les détourne, les déforme. Les autorités politiques et religieuses qui condamnèrent à mort Thomas Münzer ne s’y sont pas trompées.

De même, la théologie de la libération, qu’on nous donne souvent en exemple ne suffit pas à exonérer les religions de leur rôle politique. Au même titre que le christianisme social, elle ne s’est jamais inscrite dans la perspective d’un changement révolutionnaire, mais dans celle d’un aménagement de l’ordre existant.
En bref, soit les religions perpétuent la domination, soit certains courant religieux adoptent une position plus critique, mais en s’excluant de l’ordre religieux.

2 Peut-on être laïc et libertaire ?

Une contradiction dans les termes.

Si la laïcité désigne le principe de la séparation de la religion et de l’État, les anarchistes qui combattent à la fois l’État et l’aliénation religieuse ne peuvent s’en revendiquer. Certes, dans une logique du moindre mal, on doit bien admettre que le fait de ne pas se voir imposer d’obligation religieuse, de ne pas être contraint à subir une instruction religieuse ou encore à mimer des rites constitue un gain de liberté. Mais le concept de laïcité est discutable à plusieurs titres.

Le catéchisme laïque.

En France, la référence à la laïcité sert de prétexte à dispenser un catéchisme républicain dont les affirmations pompeuses sont en contradiction flagrante avec la réalité. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire la fameuse Charte de la laïcité affichée dans tous les établissements scolaires. On y lit par exemple : « La République laïque organise la séparation des religions et de l’État. L’État est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’État ». Officiellement, certes, il n’y a pas de religion d’État mais il est fréquent de voir des représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions assister à une messe dès que l’occasion s’en présente comme le fit Manuel Valls en 2014 lors de la canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II au Vatican.

La même Charte ose proclamer : « La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général ». Comme si l’égalité et l’intérêt général avaient un sens dans l’ordre capitaliste !

Un usage raciste de la laïcité.

Depuis quelques années, la laïcité sert de masque aux discours racistes les plus décomplexés. Riposte laïque, fondée en 2007, en constitue l’exemple le plus caricatural. Ce ramassis de fachos se réclame de la laïcité pour s’attaquer, non à l’Islam (on peut attaquer l’Islam, le Judaïsme, le Christianisme sans être raciste) mais aux Musulmans ou supposés tels. Leur prétendue laïcité ne les empêche pas toutefois de délirer sur les soi-disant racines chrétiennes de la France. Il est indéniable qu’aujourd’hui, pour beaucoup, la laïcité sert de masque à un racisme visant essentiellement deux types de personnes : celles qui professent (ou sont censées professer) deux religions : l’Islam ou le Judaïsme.

Une critique ethniciste de la laïcité.

Reconnaître et dénoncer l’usage raciste de la laïcité ne doit pas pour autant nous conduire à adhérer à un autre type de discours : celui qui, dénonçant l’universalisme comme une sorte de colonialisme honteux, revendique l’identité religieuse comme une forme de lutte contre la domination raciale. Une telle démarche (voir par exemple le Parti des Indigènes de la République) a pour effet d’empêcher l’unité du prolétariat dans sa lutte contre le capital et l’État. De même que le racisme de la droite et de l’extrême droite divise les travailleuses et travailleurs, l’ethnicisme qui oppose les blancs et les indigènes ne peut que faire obstacle à la lutte des classes.

Bref : un concept foireux.

En résumé, le concept de laïcité est un concept dont il faut se méfier. Il semble plus clair de mettre en avant l’athéisme.

3 Combattre les religions, pas les croyantEs.

Il nous semble donc nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, avec le retour du religieux, de ne pas céder à la tentation de l’auto-censure. Notre critique des religions doit être sans concessions.

En même temps, nous devons rester lucides sur ce qui se joue autour de la question du religieux. On a vu que la prétendue défense de la laïcité sert de masque à l’expression de positions racistes. Quand on dénonce cet état de fait, que dénonçons-nous ? Il ne s’agit nullement de défendre la religion, fût-elle la plus stigmatisée, ni la liberté de croire (la croyance n’étant pas un acte de liberté mais une forme d’asservissement). Ce que nous combattons, c’est le racisme sous toutes ses formes. D’ailleurs, ce que l’on nomme « islamophobie » (concept ambigu) ne renvoie pas à un rejet de l’Islam en tant que tel, mais à une attaque en règle contre celles et ceux qui sont censéEs professer cette religion, même lorsque ces personnes sont athées.

Comment combattre les religions ?

En tant que libertaires, loin de nous l’idée d’interdire (supposé que l’on en ait les moyens) l’expression d’une foi religieuse. Les staliniens eurent beau interdire toute activité religieuse en 1929, ils ne réussirent pas à éradiquer les religions. Une telle démarche est, non seulement contraire à nos principes, mais totalement inefficace. C’est par la discussion, par l’argumentation que nous parviendrons peut-être à faire reculer l’aliénation religieuse. Celle-ci ne pourra disparaître totalement que lorsqu’ auront disparu les conditions qui la rendent possible : l’ignorance et l’injustice à l’origine du besoin de consolation religieuse.

Et les croyantEs ?

La lutte contre les religions n’est pas une lutte contre les croyantEs. Dans les luttes concrètes que nous menons, nous côtoyons des personnes qui ne partagent pas nos idées. Celles-ci peuvent être athées, agnostiques ou croyantEs. Lorsque nous luttons ensemble, peu importe : si je suis en grève, ce n’est pas le croyant ou la croyante qui est à mes côtes, mais le ou la gréviste. C’est par l’unité de classe que nous parviendrons à faire disparaître les clivages qui nous divisent.

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