Sur la question religieuse

Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 05 Juin 2017, 17:06

"Pour un anticléricalisme révolutionnaire", in Noir & Rouge n°3 (automne 1956),
par le G.A.A.R. (Groupe anarchiste d’action révolutionnaire).

Pour un anticléricalisme révolutionnaire

Fondamentalement, sur le plan éthique, l’anarchisme de toute tendance est forcément a-religieux et estime le phénomène religieux, un fléau pour l’homme dans son individualité et dans son collectif. Adepte, avant tout du « libre examen », l’anarchiste ne peut admettre aucune théorie posant au départ dogmes et postulats. La religion pose au départ une idée d’autorité, donc de hiérarchie et fait accepter du même coup l’idée de l’inégalité sociale. Jules Lhermina, dans son « A.B.C. du libertaire » écrivait : « L’idée de dieu est nécessaire aux oppresseurs, aux envahisseurs, aux négateurs du droit collectif. Pour l’inculquer aux masses, on a eu l’infernale habileté de la compliquer de l’idée de compensation. Qui a souffert sur la terre jouira d’un bonheur éternel… D’où la résignation et l’abandon aux aigrefins des biens de la Terre… ». On connaît l’apostrophe de Proudhon : « Dieu c’est le mal ». Il se trouve d’ailleurs que l’anti-cléricalisme et l’anti-religion ont toujours été une base fondamentale dans l’action du mouvement ouvrier dans son ensemble.
Que se passe-t-il aujourd’hui ?


Depuis la fameuse « Main tendue aux catholiques » prônée par Maurice Thorez, nous avons assisté à une évolution au sein de la classe ouvrière qui a abouti en pratique à un abandon à peu près total de toute action anti-religieuse dans ce qu’il est convenu d’appeler les « partis ouvriers ». Même dans nos milieux et particulièrement chez les jeunes militants, la même tendance s’est faite jour. La tendance fonteniste, à la F.C.L, n’était pas la dernière à prôner la nouvelle tactique. Pour les gens dont nous parlons, l’anti-cléricalisme est une forme périmée de l’action. On se moque volontiers des anti-cléricaux en les traitant de vieux fossiles bons pour le placard aux souvenirs. On pense bien sûr, que les croyants sont les survivants d’un autre âge, mais on se dit « matérialiste historique » et on affirme au nom de ce « matérialisme » que l’on vient de découvrir que la religion s’effondrera en même temps que le Capitalisme. Il suffit alors de combattre le Capitalisme. La lutte anti-religieuse est une chose inutile sinon nuisible. Ne rencontre-t-on pas sur le lieu du travail des militants chrétiens « drôlement sympas ? » Qui n’a pas connu de prêtres ouvriers ? On nous pose la question : « Nierez-vous qu’il y a des travailleurs chrétiens ? Nierez-vous qu’ils sont bons syndicalistes ? Nierez-vous qu’ils sont anti colonialistes ? Anti capitalistes ? » Les travailleurs chrétiens se retrouvent avec nous dans les Comités de grève, ils sont exploités comme nous, etc., etc. Et on en vient à l’idée qu’une lutte anti-religieuse pourrait bêtement nous aliéner ces gens si intéressants et, partant, briser le front de classe du prolétariat. Rien que ça ! Et puis, tout le monde sait que les athées et les « libres penseurs » sont en général des bourgeois. Ils sont en grand nombre membres de la Franc-Maçonnerie qui est un organisme de collaboration de classe. Ils sont en majorité membres du parti radical ou de l’aile droite de la S.F.I.O qui…, que… Nous n’avons rien à faire avec ces gens-là. Et nous préférons un balayeur membre de la C.F.T.C. qui est un exploité, un apprenti de la J.O.C. qui est un exploité à un actionnaire radical et anti-clérical qui « bouffe un curé tous les matins » et qui est, par ailleurs, un exploiteur.

Nous sommes beaucoup, parmi les membres des G.A.A.R. à estimer que ce raisonnement hâtif (mais par ailleurs en plusieurs points juste, et en particulier sur le côté anti-lutte de classes de la Franc-Maçonnerie) doit être étayé par des arguments plus solides, résultat d’une analyse sérieuse des différentes données du problème.

Nous avons toujours été étonnés par l’extraordinaire ignorance de l’Histoire de beaucoup de ces « matérialistes historiques ». Où ces gens ont-ils vu que l’Église était attachée à une forme économique donnée ? Où ces gens ont-ils vu que l’Église était attachée à un régime quelconque ? Méditons ces dates : 1790 : L’Église chante le « Te Deum » à l’avènement du dictateur Napoléon et lui prostitue son catéchisme ― 1816 : L’Église chante le « Te Deum » aux cérémonies d’arrachage des arbres de la Liberté. ― 1940-1950 : L’Église est collaboratrice (Suhard), résistante (Gerlier), communiste (Abbé Boulier), anti-communiste (Osservatore Romano). L’Église a toujours été de tous les régimes, de toutes les formes de civilisation : monarchiste, républicaine, fasciste, selon les cas et les époques. La seule chose qui l’intéresse c’est de maintenir son emprise sur les consciences et les évènements. Elle est, par contre anti-monarchiste, anti-républicaine, antifasciste lorsque l’un quelconque de ces régimes la menace dans son indépendance. Elle a enterré joyeusement la civilisation romaine qu’elle devait sauver dans l’idée de Constantin. Elle a été féodale au Moyen-Age. Elle a rallié le régime bourgeois totalement sous Napoléon. Elle est maintenant furieusement démocrate en France et furieusement fasciste en Espagne. Elle est maintenant, avant tout, capitaliste en régime capitaliste. Qui sait si elle ne sera pas demain communiste en régime communiste ou même libertaire si nous n’y prenons pas garde ?

Au sein du régime actuel, l’Église tient une place trop souvent ignorée ou passée sous silence. Des vins du Chianti aux usines FIAT, d’Hispano-Suiza aux tramways de Madrid, des mines de mercure d’Espagne aux usines de conserves américaines, des fabriques de bas nylon au casino de Monte-Carlo, le Vatican tient une place plus qu’honorable dans divers conseils d’Administration. Cela dit, l’Église, comme toute puissance capitaliste joue un jeu politique. On connaît son influence sur cette société secrète appelée Synarchie. On connaît l’existence de cette autre société secrète appelée « Sapinière » avant guerre et présentement nommée « Fides Romana ». On connaît l’association pour le « Saint Empire Romain Germanique » qui a son siège à Bonn et dont Pinay, Adenauer et Schuman sont les membres influents. On connaît l’action des différents partis « démocrates chrétiens » qui avaient réussi à avoir la main sur les différents ministères des affaires étrangères de la « libération » des pays occidentaux. On connaît l’action de Thierry d’Argenlieu en Indochine. On arrive de là au fameux Pool Charbon-Acier, à la relance européenne : J’en passe et des meilleurs… La mainmise cléricale, en France, sur la presse, le cinéma, la radio se voit à l’œil nu. Et la fameuse loi Barangé vient de réveiller les « laïques » pourtant timorés. Et tout cela se passe pendant que nos « matérialistes historiques » proclament l’anti-cléricalisme dépassé.

Et les travailleurs chrétiens ? Que font-ils dans tout cela ?

La plupart d’entre eux sont membres de la C.F.T.C. Cette même C.F.T.C. que nous retrouvons parfois dans les Comités de grève et avec qui les dirigeants staliniens de la C.G.T. aiment se marier porte dans ses principes les points suivants qu’il est nécessaire de publier :

« La C.F.T.C. professe qu’on ne saurait apporter un remède efficace et durable aux erreurs économiques et aux injustices sociales qui ont amené les désordres actuels, qu’en se référant aux enseignements contenus plus particulièrement dans les encycliques RERUM NOVARUM et QUADRAGESI O ANNO. »

Les chrétiens avec qui nous parlons se gaussent volontiers du programme social de l’Église qui renferme (paraît-il) la solution au problème de la lutte des classes. En les interrogeant plus avant, on se rend compte que bien peu ont lu ces fameuses encycliques. Au moment de la naissance de la grande industrie, au moment de l’essor du mouvement ouvrier, il fallait trouver un antidote. Et le pape Léon XIII de préconiser comme remède à la situation la constitution de syndicats mixtes composés des patrons et des ouvriers. La C.F.T.C. de 1956 n’a en rien renié ce but final, elle y met simplement des formes. Mais laissons la parole à Zirnheld qui fut président de la C.F.T.C. en 1934 et 1935 :

« Le Capital est incontestablement un moyen qui peut aider puissamment la production à se développer, mais il ne saurait prétendre à être l’agent propre, ni donc l’élément essentiel. C’est pour y avoir prétendu, pour avoir usurpé la première place dans l’économie qu’il a entraîné le déséquilibre dans l’économie que nous constatons aujourd’hui et causé les graves conflits sociaux et économiques actuels. C’est aussi parce que l’on a top souvent confondu la propriété, principe parfaitement juste lorsqu’il dérive du produit du travail, et le capital qui n’est, la plupart du temps, que son apparence ou son mode d’emploi humain, qu’on a cru pouvoir admettre les abus du capital mal acquis, les justifier comme la conséquence normale de la propriété légitime et lui réserver une place et des avantages qu’il ne méritait pas. Le capital, accessoire de la production, a évidemment droit à une rente équitable. Il a droit, de plus à l’assurance du risque qu’il court, cette assurance étant organisée et payée par la production… »

Il fallait, bien sûr, trouver une théorie qui, sans toucher au principe essentiel du régime capitaliste, soit un aménagement destiné à contenter les masses et ainsi empêcher le développement des idées révolutionnaires. La propriété est nécessaire — nous dit-on ― mais c’est le capital qui n’a pas fait son devoir. Quand il sera à sa place tout ira bien. Ce sera la grande embrassade générale, la fin de la lutte de classe qui inquiète tant ces messieurs. Nous ne nous attarderons pas à discuter ce genre de théorie. Remarquons toutefois qu’il n’y a pas au fond plusieurs pensées de droite. Il n’y en a qu’une et c’est bien l’Église qui la dispense. Les programmes sociaux des différents partis fascistes d’avant guerre étaient tous inspirés des principes que nous venons de citer. La Charte du Travail de Pétain n’était rien moins qu’un essai d’application. Les Comités d’Entreprise institués par Vichy n’étaient que le prélude à ce fumeux syndicat mixte des patrons et des ouvriers. On sait qu’ils font encore aujourd’hui l’enchantement des patrons de 1956. La fameuse association Capital-Travail du R.P.F reposait aussi sur les mêmes principes. Il y a bien unité de pensée. Observons ce que dit Poujade et nous constatons encore l’énoncé des mêmes principes. Mieux que cela, la Confédération Générale des Syndicats Indépendants a repris les mêmes principes en enlevant l’étiquette chrétienne. La fameuse association d’inspiration cléricale intitulée « Jeune Patron » a aussi repris la doctrine. Il s’agit paraît-il de patrons sociaux qui reconnaissent volontiers l’existence du syndicat dans leur entreprise. Un syndicat du type « collaboration » bien entendu. Il ne faut pas croire qu’une lutte même accompagnée d’une grève suffit à définir une action révolutionnaire. Lisons plutôt ce qu’écrivait la C.F.T.C. En 1938 : « La C.F.T.C. considérant la grève comme le dernier moyen à employer pour faire triompher le bon droit cherche à obtenir les résultats souhaités par des moyens pacifiques : démarches, envoi de cahiers de desiderata. Souvent, hélas ce genre de revendication s’est heurté à une fin de non-recevoir. On ne peut donc s’étonner d’avoir vu les syndicats chrétiens recourir à la grève, pour un motif grave, une cause indiscutablement juste, et après que toutes les possibilités d’entente eurent été épuisées. » On lit plus loin :

« Mettant en application ses principes de collaboration la C.F.T.C. entretient les meilleures relations avec l’organisation des patrons catholiques. Dès 1930, une commission mixte était constituée entre la C.F.P. et la C.F.T.C. ; en 1932, notamment, elle étudiait le grave problème de la « rationalisation » et, fait remarquable, patrons et ouvriers chrétiens parvenaient à se mettre d’accord sur cette délicate question. »

Or, on lit dans les « Cahiers de la Productivité » d’octobre-Novembre 1954 :

« Les syndicats (il s’agit d’une étude sur les syndicats américains) ne prétendent pas se substituer au « management » dont ils reconnaissent la compétence, l’efficacité. Ils ne cherchent pas à supprimer le profit considéré comme un stimulant indispensable. Les chefs syndicalistes américains sont considérés surtout comme des hommes d’affaires chargés d’obtenir le maximum d’avantages pour les gens qui leur ont confié leurs intérêts, en l’occurrence les syndiqués qui paient leur cotisation. Le principe de la co-gestion ne constitue aujourd’hui ni un objectif immédiat, ni même un idéal lointain. » Il arrive que les dirigeants syndicalistes tiennent le langage suivant : « Vous ne pouvez pas augmenter les salaires parce que votre affaire est mal gérée. Nous allons vous envoyer des spécialistes chargés de la réorganiser ». Il est même arrivé que des syndicats aient prêté de l’argent à des entreprises en difficulté pour sauver les salariés du chômage. À l’égard du problème technique de l’accroissement de la productivité les syndiqués partagent la position de principe de l’ensemble des Américains : ils pensent que le progrès assurant l’amélioration du sort de tous est un objectif essentiel. Mais ils estiment que ce n’est pas le rôle des syndicats de promouvoir l’amélioration de la productivité : le « management », en général s’en charge et avec succès ».

Voilà bien de quoi faire retourner dans sa tombe feu Léon XIII !
Il est à noter en passant que ces méthodes font l’admiration d’un grand nombre de bonzes de F.O (Le Beurre et consorts).

Il n’y a pas, au fond, de véritable originalité entre syndicalistes de tout poil qui désirent lutter dans le cadre du régime capitaliste. Et, là encore, c’est la pensée de l’Église, en définitive que nous retrouvons. Voilà qui jette une singulière lumière sur les idées des soi-disant chrétiens révolutionnaires.

Deux autres mouvements groupent des travailleurs chrétiens : Le Mouvement de Libération du Peuple et la Jeune République. Le premier est issu du mouvement d’action catholique intitulé Ligue Ouvrière Chrétienne qui était la JOC des adultes. Transformé en Mouvement Populaire des Familles (mouvement d’entr’aide) après la libération il devient maintenant un mouvement politique avec des positions révolutionnaires ou soi-disant telles. (attitudes courageuses sur le plan anti-colonialiste ou sur l’anti-capitalisme). Ce mouvement n’a pas encore été capable d’élaborer une doctrine propre et pour cause : à l’intérieur existe une seconde organisation travaillant avec les aumôniers qui s’appelle l’Action Catholique Ouvrière. Étant donné que cette organisation professe la doctrine sociale de l’Église citée plus haute. La Jeune République est issue du « Sillon » de Marc Sangnier. Rappelons que le « Sillon » qui avait voulu simplement réconcilier l’Église avec les idées démocratiques fut condamné par le pape et que ces protagonistes se soumirent à l’époque. La Jeune République a des positions « gauches » et professe une vague « sociale démocratie » chrétienne qui serait plus à gauche que la S.F.I.O. De toute façon aucun de ces deux mouvements ne sort du cadre du réformisme. Il se peut qu’il y ait parmi les chrétiens qui y appartiennent d’authentiques révolutionnaires. Nous en avons connu. Nous avons dans ce cas, beaucoup plus intérêt à leur montrer qu’ils sont des dupes de l’Église (puissance réactionnaire) qu’à abandonner notre lutte anti-cléricale pour nous les concilier d’une façon artificielle.

Nous avons montré que sous ses aspects divers, la pensée de l’Église est une et qu’elle est en fait la source de toute la pensée dite de « droite ». Nous ajouterons de la droite intelligente. Celle qui a compris qu’il ne reste qu’une planche de salut à la bourgeoisie et que cette planche de salut est le réformisme. Une récente émission à la radio Vatican s’efforçait de distinguer la pensée de l’Église de la pensée révolutionnaire, et le chroniqueur affirma : « L’Église est résolument réformiste ! »

Ceci nous amène à envisager les autres réformismes que nous connaissons et (nous en faisons la remarque à propos de F.O.) nous observons une parenté de pensée évidente entre nos sociaux-démocrates actuels et les chrétiens sociaux. Nous pourrions en dire autant de la bourgeoisie « intelligente » représentée par Mendès-France. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner outre mesure des alliances entre radicaux et cléricaux lors des dernières élections municipales ou législatives. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de l’adhésion de nombreux cléricaux au soi-disant « Front Républicains ». Il ne faut pas s’étonner de la préparation d’un Concordat et de la mainmise des cléricaux sur certains éléments de la Franc-Maçonnerie (sujet sur lequel nous reviendrons au prochain numéro). C’est là où l’analyse révolutionnaire prend tout son sens.

Tous les partis réformistes considèrent le régime démocratique comme tremplin de leur action. Or nous savons que le régime de démocratie bourgeoise correspondait surtout au stade concurrentiel du régime capitaliste. L’évolution vers le monopole économique étatique ou privé de nouvelles formes politiques, soit en réaction, soit en concordance. Ces formes politiques sont toutes du type fasciste. La bourgeoisie a besoin d’un soutien pour construire le fascisme. Où peut-elle mieux le trouver que dans l’Église qui a pour principe premier la destruction de toute pensée libre ? À ceux qui en douteraient nous citerons un extrait de l’encyclique Quanta Cura du pape Pie IX : « Il ne manque pas d’homme qui, appliquant à la société civile l’impie et absurde principe du naturalisme… osent enseigner que la perfection des gouvernements et le progrès civil demandent impérieusement que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou du moins, sans faire aucune différence entre la vraie religion et les fausses. En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée que la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme… »

Tous les efforts des réformistes de tout poil aboutissent, en fait, au renforcement du régime, conformément au plan élaboré par Léon XIII, que Guy Mollet suit comme les autres. Nous savons que le régime capitaliste va vers une forme politique autoritaire. C’est pourquoi, il est normal, en fin de compte que les démocrates bourgeois fassent le jeu du cléricalisme, même s’ils se prétendent anti-cléricaux d’opinion.

Il ressort de nos constatations que l’anti-cléricalisme est plus nécessaire que jamais, puisque l’action de l’Église marque fondamentalement le fonctionnement du régime que nous voulons détruire. Si une certaine forme d’anti-cléricalisme du genre de celui des radicaux ne correspond plus à la réalité puisqu’elle n’empêche pas en fait, que ces radicaux de rejoindre la réaction et de faire ainsi le jeu de l’Église combattue verbalement, il appartient aux révolutionnaires de définir un anti-cléricalisme réel, basé sur les faits. Certains libres penseurs pensent que leur action doit se faire uniquement sur le plan philosophique. À les en croire, il suffit de faire des conférences pour nier l’existence de l’enfer ou l’existence de Dieu pour que les foules soient convaincues. Il n’est pas dans notre propos de nier l’intérêt d’une telle action sur le plan éducatif (bien sûr). Mais il ne faut pas perdre de vus que l’idéologie chrétienne correspond à une réalisation politique et qu’il est absurde de vouloir dissocier les deux aspects. Il est absurde de ne pas envisager le jeu économique de l’Église et du Capital, dans la lutte anti-religieuse et il serait d’ailleurs aussi absurde de séparer le problème religieux pur du problème politique ou économique. Sébastien Faure écrivait sur ses affiches :

« Croire en Dieu, ou nier Dieu, ce problème est plus que jamais d’actualité. Il n’est pas d’ordre strictement philosophique : il se prolonge dans le domaine social. La foi pousse les consciences à la résignation, foyer de réaction. L’Athéisme les pousse à la révolte, source de Révolution. Foi ou athéisme, Résignation ou Révolte, Réaction ou Révolution. Tout se tient. Il faut choisir. »

Un autre aspect négatif est la lutte anti-cléricale basée sur le républicanisme. Il est curieux de vouloir combattre l’Église pour défendre la République qui est en fait la démocratie bourgeoise, alors que cette même République est entièrement entre les mains des cléricaux ou de ceux qui jouent leur jeu. Il serait temps d’être logique. Citons à ce propos l’oeuvre négative s’il en fut des Comités d’Action laïque qui ont basé toute leur action sur l’espoir d’une majorité anti-cléricale aux élections du 2 janvier. Ladite majorité a été théoriquement obtenue, on sait ce qu’il advint depuis… Nous écrivions dans notre précédent numéro :

« En fait, maintenant comme toujours il y a d’un côté la Révolution et de l’autre la Contre Révolution. Dans cette perspective de pensée, nous disons que nous combattons le Réformisme, quel que soit sa forme ou le parti dont il se couvre. »

Dans le problème précis de l’anti-cléricalisme, la seule solution nous semble être basée sur la lutte de classes du prolétariat. Il faut, pour ce faire, toujours analyser les positions de l’adversaire en fonction de la situation sociale et de l’évolution du régime d’exploitation.

Considéré sous cet angle, l’anti-cléricalisme peut devenir un facteur puissant dans la prise de conscience des exploités et cimenter l’unité ouvrière que les partis soi-disant « ouvriers » cherchent en parole depuis si longtemps. Alors que ces mêmes partis ont précisément abandonné cette forme de lutte. On déplore volontiers un certain matérialisme sordide de la classe ouvrière qui ne penserait qu’au beefsteak. Les foules qui se pressent dans les réunions anti-cléricales montrent que ce problème est l’un des rares problèmes éthiques qui touchent les masses de ce pays. À ceux qui cherchent l’éducation du prolétariat d’en tenir compte !

Guy Bourgeois

Nota. ― L’auteur de ces lignes tient à dire que les récents travaux du Congrès National de la « Libre Pensée » française manifestent très nettement une prise de conscience du problème tel que nous l’exposons ici. Le texte de la plupart des résolutions tient compte des problèmes politiques et économiques et de la lutte des classes d’une façon très nette. La « Libre Pensée » qui se rajeunit peut encore jouer un rôle très important dans l’éducation de la masse ouvrière. Aux anarchistes révolutionnaires de s’y intéresser.


http://www.la-presse-anarchiste.net/spip.php?article161
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Lila » 16 Juil 2017, 20:02

Alyaa Gad, l'Égyptienne qui parle «sans tabou» de sexualité en arabe

Aliaa Gad, médecin égyptienne installée en Suisse, explique la sexualité en arabe et en anglais sur sa chaîne YouTube, pour pallier au manque d’informations sur ce sujet encore tabou dans certains pays. Elle s’adresse notamment aux jeunes et ses vidéos comptabilisent des millions de vues.

Dysfonctionnement sexuel, masturbation, plaisir, contraception…On trouve toutes les explications en arabe sur «AfhamTV» (je comprends.tv), la chaîne YouTube créée par Alyaa Gad, médecin égyptienne établie en Suisse. Dans ces vidéos inédites dans le monde arabe, elle parle de sexualité de manière scientifique et pédagogique pour pallier au manque d’informations dans ce domaine jugé encore tabou.

«Le sexe, presque comme un crime»

Née en Egypte, dans une société très conservatrice, Alyaa Gad a grandi avec le «tabou» de la sexualité. «Beaucoup considère le sexe comme honteux, presque comme un crime», confiait-elle à Tel Quel en 2015. Après des études de médecine, la jeune femme propose à des médias égyptiens et arabes une émission sur la santé et la sexualité pour informer sur le sujet mais «ils n’étaient pas intéressés», explique-telle à la Deutshe Welle. Elle ne baisse pas les bras pour autant et lance en 2010 sa propre chaîne sur YouTube. Elle compte aujourd’hui plus de 260.00 abonnés. Des millions d’autres internautes arabophones visionnent ses vidéos.

la suite : http://geopolis.francetvinfo.fr/alyaa-g ... abe-149185
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Pïérô » 22 Oct 2017, 00:41

Ce monde dont nous ne sommes pas

Notes pour un colloque

Nous rendions, il y a peu, un hommage au récemment disparu Mezioud Ouldamer (1951-2017). Nous sommes aujourd’hui en mesure de le compléter en publiant le dernier texte qu’il ait écrit. À l’occasion d’un colloque – « Critique de la religion et athéisme en terre d’Islam » –, qui s’est tenu à la Bourse du travail de Paris en juin 2016, Mezioud avait été sollicité par les organisateurs. Faute de pouvoir se déplacer, il leur envoya cette con- tribution tout à fait révélatrice de cette démarche critique panachée d’humour qui fit sa marque. Mezioud était un de ces docteurs en rien qui peuvent parler de tout avec talent, et notamment de « ce monde où nous sommes mais dont nous ne sommes pas ». Visible- ment, le retour ravageur de l’archaïsme religieux dans notre contemporaine postmoder- nité l’inspirait. Sans dieu, et donc libre de toute entrave consolante, c’est aux hommes et à leurs limites qu’il s’intéressait. Et au pouvoir qu’il réservait ses coups, ce pouvoir sur les hommes dont la religion, en terre d’Islam mais pas seulement, demeure l’une des plus puissants leviers.

pdf : http://www.fondation-besnard.org/IMG/pd ... damer_.pdf
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 27 Nov 2017, 20:04

La religion contre les femmes

« Débattre des origines religieuses de l’oppression des femmes, c’est débattre des fondements symboliques et juridiques du pouvoir et de l'État. »
Suzanne Blaise

par Nelly Trumel, in Le Monde Libertaire hors-série 1998.

LA RELIGION CONTRE LES FEMMES

" Le retour en force du religieux, accompagné d’un développement du fondamentalisme, dans un monde patriarco-capitaliste en crise profonde, ne peut que susciter une immense inquiétude, particulièrement en ce qui concerne les libertés et les droits des femmes.

Mais ces pouvoirs patriarco-politico-religieux ne sont pas issus d’une génération spontanée et pour mieux comprendre ce qu’il en est aujourd'hui, un retour aux sources est nécessaire.

Au commencement... étaient les déesses mères

Les recherches archéologiques et anthropologiques mettent en évidence l’existence d’un pouvoir religieux féminin et la première hiérarchie : le sacré et le profane. Peu à peu, au cours des millénaires, un semblable divin de sexe opposé s’est imposé, ces déesses mères se retrouvent entourées d'hommes, époux, amant ou fils élu.

Cette revanche des dieux mâles implique un meurtre de la mère et la destruction d’une religion et d’une symbolique propre aux femmes a eu lieu lors de la révolution néolithique (8000/2000 av. J-C). Avec la découverte des métaux apportait une longue période de guerres, de conquêtes.

Les hommes imposent leur domination et pour ce faire approprient le sacré, fondement originel du pouvoir. Cette appropriation du sacré par les hommes s’accompagne d’une régression progressive du rôle et de la place des femmes dans la société.

En orient, au moyen orient une question émerge : " Qui détient la supériorité ? La terre qui reçoit la semence, ou la semence qui fertilise la terre ? " La semence prend le pas, la femme devient une outre vide, n’est plus qu’un réceptacle. Cette conception a la vie dure : pendant la guerre en ex-Yougoslavie, les femmes musulmanes violées par les soldats serbes devaient donner naissance à des enfants serbes.

Au commencement... était le verbe

S’imposent alors les religions du livre : Bible, Torah, Évangiles, Coran.

La plupart de ces textes sacrés ont été écrits, copiés, transmis, commentés par des hommes. Le verbe est assimilé comme la semence à un extérieur qui viendrait féconder un intérieur, " une nature ". L'homme féconde la femme, détient le langage puisqu’il produit le sperme et assimile le pénis au phallus par un détournement. Encore actuellement le fonctionnement du langage décrit par les psychanalystes est centré sur le fonctionneront du phallus. Pourtant le phallus n'étant pas anatomique, il n’est pas le seul apanage des hommes, les femmes aussi ont affaire à lui. Il est intéressant de noter que Lacan dans ses derniers séminaires, pour contrer l’aspect religieux lié à la fonction paternelle, proposa une autre théorie encore en friche, qui permettrait de problématiser la sexuation sans recourir au phallus. A suivre…

Les femmes écartées de la transmission des écritures y sont peu présentes : deux livres sur quarante-cinq sont consacrés aux femmes dans la Bible. Voilà donc les femmes exclues du symbolique, du sacré et par voie de conséquence du politique, le patriarcat religieux étant à l’origine du patriarcat politique et " voilà pourquoi votre fille est muette " !

Pour justifier une telle exclusion, les femmes ont été décrétées inférieures, impures, porteuses de la faute, et de l'érotisme sacré des temples antiques au culte de la vierge dans les églises, on passe de l’amour qui se célèbre à l’amour qui se consume.

Reléguées au rang de reproductrices, enfermées, servantes du seigneur mais " gardiennes du temple ", elles ne sont plus porteuses du sacré mais ne peuvent plus qu'être mères de porteurs du sacré.
Ainsi les chrétiens, la vierge Marie, mère de Dieu devient la seule référence symbolique pour les femmes avec la virginité pour fer de lance et l’interdit d’une sexualité qui leur soit propre.

Toutes les grandes religions du monde ont pour prêtres des hommes comme dans l'église catholique même si elles y tiennent une place en nombre avec comme rôle majeur : gestation et transmission. " La gestation porte la foi ".

Cependant durant des siècles, l'Église a pu constituer un refuge pour des femmes qui voulaient échapper à la violence de la société, à la loi du père, au mariage imposé. Elles pouvaient avoir accès à la sainteté (seule forme d'égalité avec les hommes), à la culture, avoir un rôle social, par le biais de l’enseignement, des soins, rôle que la société civile leur refusait. Mais, en règle générale, si elles " en faisaient trop " (certaines femmes d’exception dont des béguines acquerront un statut quasi sacerdotal), l’institution religieuse réagissait par l'élimination physique (bûchers) ou l’intégration forcée en institution (couvents très contrôlés).

Avec l’amélioration de la condition des femmes, les vocations religieuses se raréfient tandis que " le religieux " tente un retour en force. Notre époque semble située à la croisée de deux mouvements antagonistes : le retour du religieux accompagné d’un développement du fondamentalisme sur fond de crise économique grave et l'émancipation des femmes, émancipation que ce retour du religieux bat en brèche.

On peut constater une ingérence dramatique du pouvoir pontifical et de tous les pouvoirs religieux dans la vie civile, publique et politique (avec l’accord des politiques), aux interventions multiples, systématiques du pape contre les droits des femmes (imposition de normes sexuelles : hétérosexualité, mariage, condamnation de l'homosexualité, de l’avortement, de la contraception, du préservatif malgré les ravages du sida). Ces prises de position publiques vont à l’encontre des exigences de liberté et d'égalité.

Jean-Paul II est parti en croisade

Il affirme dans ses encycliques Veritatis splendor ou Evangelum vitae que la loi divine doit primer sur les lois civiles justifiant ainsi des actions commando contre les centres d’interruption volontaire de grossesse, l’opposition au droit des femmes à disposer de leur corps et encourage tous les lobbies de l’ordre moral. Dans sa " lettre aux femmes " de 1995 il définit pour les femmes une " vocation spécifique " précisant que c’est dans le sacrifice et le don de soi que " la femme " peut s’accomplir. Il y rappelle également que l’avortement est un péché et un crime même pour les femmes violées durant la guerre en ex-Yougoslavie - avortement qu’il assimile à un génocide… Ce discours s’accompagne d’une exaltation de la dignité de la " femme " dans sa mission humaine et divine de mère, toujours dans la problématique d’une complémentarité homme-femme. S’il affirme soutenir les droits des femmes au travail, à l'égalité dans la vie publique, il écrit dans le même temps : " l'Église voit en Marie la plus haute expression du génie féminin et trouve en elle une source d’inspiration constante. Marie s’est définie elle-même servante du seigneur. "

Cette mariolâtrie de Jean-Paul II peut se rapprocher du gouvernement de Vichy (exaltation d’un " éternel féminin ", multiplication des pèlerinages aux sanctuaires mariaux, référence à une " loi naturelle " qui impose à chacun des deux sexes des rôles distincts, célébration de la famille). Cette célébration de la famille est largement reprise par le pape (et par le corps politique dans son entier), lequel pape qui, en 1994 dans sa lettre aux familles écrivait :
"la famille constitue la cellule fondamentale de la société".
Cette phrase est à rapprocher de celle de Hitler dans Mein Kampf :
" La destruction de la famille signifierait la fin de toute humanité supérieure… Le but final de tout développement vraiment organique et logique doit être toujours la famille. "
Dans cette même lettre aux familles, le pape précise : " la famille est organiquement unie à la nation et la nation à la famille. " Il déclare en outre que l'Église ne peut pas être une démocratie.

Ce nationalisme, lors de son précédent voyage en France avait déjà été mis en évidence par la célébration de Clovis, induisant une vision théologique de la nation, le mythe d’une identité nationale, idées qui ne peuvent être porteuses que de xénophobie et d’exclusion.

Cet été, Jean-Paul II revient. De quelle manière va-t-il encore frapper ? Rappelons-nous que lors de la quatrième journée mondiale de la jeunesse en 1989, il écrivait déjà l'hédonisme, le divorce, l’avortement, le contrôle de la natalité et les moyens de contraception, ces conceptions de la vie s’opposent à la loi de Dieu et aux enseignements de l'Église. "

Nelly Trumel,
Née le 12 août 1938, artiste peintre, une militante féministe et libertaire française.


http://www.socialisme-libertaire.fr/201 ... emmes.html
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Béatrice » 26 Déc 2017, 19:27

Egypte: des enfants retirés à leur mère pour cause d’athéisme

Il ne fait pas bon être athée en Egypte. Dans un contexte de dénonciation de la croissance de l’athéisme, particulièrement chez les jeunes, une mère a perdu la garde de ses deux enfants en raison de son absence de foi.

Au Caire, une mère a été privée de ses deux enfants parce qu’athée. C’est le tribunal des affaires familiales de la ville qui a prononcé dimanche 24 décembre ce jugement sans précédent. La décision de justice intervient en pleine campagne de chasse à l’athéisme dans le pays.

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20171224 ... e-atheisme
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Re: Sur la question religieuse

Messagede Béatrice » 03 Jan 2018, 20:20

Sous " silence médiatique ! " ou presque :

Egypte: une loi pour criminaliser l’athéisme, un tour de vis contre les libertés


Annoncée par le comité religieux du Parlement, une loi criminalisant l’athéisme est en préparation en Egypte. Elle a été rédigée et présentée par le député Amrou Hamroush qui veut enrayer un «fléau» vers lequel les jeunes se tournent de plus en plus. Déjà approuvé par la haute autorité religieuse d’Al-Azhar, le projet est dénoncé comme anticonstitutionnel par des défenseurs des droits de l’Homme.

http://geopolis.francetvinfo.fr/egypte- ... tes-174379
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 17 Jan 2018, 17:45

« Ni dieu ni maître, c’est oppressif ! »

Comment emmerder les anarchistes ?

(Texte issu du Monde Libertaire numéro 1790. Abonnez vous au Monde Libertaire !)

Ces derniers temps, on sait pas vous, mais nous, on entend souvent un truc qu’avait pas cours avant. Une nouveauté en matière d’affirmation, pas piquée des vers. Accrochez vous bien… « Ni dieu ni maître, c’est oppressif ! ». Paf ! C’est du lourd, hein !

Cela a d’abord constitué un outil de trollage [art de faire chier sur le net pour se marrer et passer le temps], pratique assez répandue chez les anti-anarchistes en ligne. Mais, depuis quelque temps, c’est devenu un argument qui sort facilement lors de débats dans la « vie physique » et qui sonne comme une forme de négation du fondement historique de l’anarchisme.

Généralement, cela donne : « Tu ne peux pas dire »ni dieu ni maître », c’est oppressif. Tu ne peux pas obliger quelqu’un à être athée .» Or, dès cet instant, on se rend compte de l’entourloupe. Car il ne s’agit en rien d’imposer quoi que ce soit.

Explication. Lorsqu’une personne énonce : « ni Dieu, ni maître », c’est d’elle qu’elle parle. Si elle parlait d’une société donnée, ou de la société de ses rêves, elle dirait qu’elle la perçoit – dans le premier cas, qu’elle la veut – dans le second – « sans dieu et sans maître ». Référons-nous pour mieux comprendre la chose au slogan de Radio Libertaire, « la radio sans dieu, sans maître et sans publicité ». Ce slogan indique clairement que ses auditeurs et ses animateurs comptent bien évoluer dans un environnement radiophonique avec des caractéristiques particulières, précisément sans dieu, sans maître et sans publicité. C’est clair, non? C’est clair que, là, rien n’est imposé vu qu’on est pas obligé de causer dans le poste ni de l’écouter. Ça va ?

Revenons à « ni dieu, ni maître ». Le « ni » se rapporte clairement à la personne qui se montre à voir, ou plutôt qui se donne à entendre. Bref, à celle qui énonce. Elle dit d’elle même ou parlant d’elle même (ici, c’est la même chose) qu’elle n’a « ni dieu ni maître ». Cette fois encore, il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit à quiconque. C’est juste une information claire, délivrée à celui ou celle qui est en face. Quand on se plante face aux prieurs anti-avortement, par exemple, à gueuler « ni dieu, ni maître ! » c’est pour leur rappeler que nous n’entendons pas que leur dieu guide notre conscience et que nous ne reconnaissons aucun maître pour régler notre existence. C’est une affirmation qu’on leur délivre. Qu’est-ce qui la motive ? C’est simple : nous ne les contraignons pas, les prieuses, à avorter tandis que les bigotes et les bigots veulent, eux, nous interdire l’IVG. Bref, nous partons et nous parlons encore une fois de nous-mêmes. Et qui d’autre que nous-mêmes peut dire ce dont nous sommes fait.e.s et ce dont nous voulons nous défaire, en l’occurrence : les dieux, les maîtres, l’interdiction de l’IVG ? Y a-t-il plus bel acte de raison ? Qui osera nous le reprocher ?

Et puis ; « oppressif » contre qui ? Contre dieu qui n’existe pas ? Contre les maîtres que nous ne percevons pas comme des camarades ? N’est-ce pas faire preuve d’un minimum de cohérence que d’être « raccord » avec soi-même et avec la réalité sociale ? Pourquoi nous en faire grief ?

Nous serions oppressifs contre les croyantes et croyants, nous dit-on. Mais en quoi affirmer ce qui guide notre vie à des personnes croyantes serait plus oppressif que lorsqu’une personne croyante nous indique ce qui guide la sienne ? Ça va toujours ?

Lorsque vous vous démenez vaille que vaille avec cet argumentaire, votre contradicteur ne tarde pas à sortir sa botte secrète : « Hé, mais c’est même pas anarchiste ! ». Ben ouais, Ni Dieu, ni maître, c’était le journal de Blanqui, et Blanqui n’était pas anarchiste. Donc c’est blanquiste. Soit. C’est oublier un peu vite que l’on retrouve cette locution au temps des pirates, lors des révoltes passées, sous la monarchie ou la république naissante, etc… Et qu’elle est en filigrane des écrits de tous les penseurs de l’athéisme. Le fait que Blanqui en a fait le titre de son journal, en quoi cela rendrait cette devise inassimilable pour nous ? Dans ce cas là, il nous faut très vite abandonner le mot « révolution », qui n’est après tout que le titre du livre programmatique de Macron ! Nous faut-il aussi renoncer au pinard au prétexte que les bourgeois remplissent leur cave de bouteilles millésimées ?

Ne soyons pas dupes. Ces attaques sont généralement le fait de gens ayant des liens soit avec des mouvements religieux, soit avec l’idée qu’un tribun gueulard ou un chef à poigne va les sauver. Pire, ce sont parfois les mêmes ! Rien de surprenant à les voir tenter d’exploser une expression aussi claire que « ni Dieu, ni maître ». Après tout, cela fait plus d’un siècle qu’elle vient gratter leurs certitudes, s’y opposer, et qu’elle affirme haut et fort que l’on peut se passer de partis, d’État, de religions et autres autorités étouffantes. L’on peut même s’étonner qu’il ne soit pas davantage perçu comme fondamentalement bienveillant, notre cher slogan, de façon immédiate, spontanée. !

Notons d’ailleurs que si pour eux « ni Dieu ni maître » est oppressif, il n’en est rien d’aller voter pour enrichir une caste dirigeante si peu attentive à leur misère, la perpétuant même, pour l’éternité – si l’on peut dire. Pauvres pécheurs, pauvres voteurs.

Sérieux. Dénier le droit qu’a chacun de diriger sa vie, d’exprimer pacifiquement comment il entend le faire et ne pas le faire, là est l’oppression. Celle que l’on cache en s’en prenant à un slogan libérateur.

Fab – Graine d’anar – Lyon
Camille – La Sociale – Rennes


https://grainedanar.org/2018/01/16/comm ... archistes/
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Re: Sur la question religieuse

Messagede bipbip » 10 Avr 2018, 01:09

Rencontre pour la sortie du livre « Anarchisme et religion »

Lyon le mercredi 11 avril 2018

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À l’occasion de la sortie du livre, l’Atelier de création libertaire vous invite a une rencontre-débat avec Alexandre Christoyannopoulos et des traducteurs du livre au CEDRATS.

Presque toujours, l’anarchisme est anticlérical, et il est le plus souvent athée. Pourtant, la rencontre de la religion et de l’anarchisme est plus complexe qu’on ne le présume en général. Ces dernières années en particulier, une grande variété d’analyses ont éclos à l’intersection de l’anarchisme et des sciences de la religion. Les interactions entre la religion et l’anarchisme sont diverses  : il arrive que les anarchistes reviennent sur leur appréciation de la religion ; parfois, des chercheurs religieux formulent une théologie en dialogue avec des énoncés anarchistes ; on se concentre quelquefois sur la manière qu’ont certains anarchistes d’aborder la religion ; d’autres fois ce sont les textes religieux qui sont interprétés dans le sens d’une politique anarchiste. La rencontre entre anarchisme et religion peut donc se focaliser sur différents aspects de l’un ou de l’autre, et impliquer des approches, des méthodologies et des tonalités d’enquête très variées.

Ce texte propose une cartographie des manières qu’ont l’anarchisme et la religion de se croiser à partir de quatre grandes catégories  : les différends classiques opposant l’anarchisme à la religion et à ses institutions ; les interprétations anarchistes des personnages et des textes fondateurs de la religion ; la «  théologie  » anarchiste, distincte de l’exégèse scripturale ; et les études historiques consacrées à des penseurs, des communautés et des mouvements spécifiques se reconnaissant à la fois dans l’anarchisme et dans la religion.

Présentation sur le site de l’Atelier de Création Libertaire : http://www.atelierdecreationlibertaire. ... igion.html

https://rebellyon.info/Rencontre-pour-l ... ivre-18925
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