Merci Piero encore pour ta réponse. Juste pour se mettre d'accord, je vais regrouper nos échanges ici pour choisir un forum et discuter sans diviser et répéter nos propos !
J'avais ainsi répondu à ta première partie de texte :
Mahnrikwé a écrit:Merci pour ta réponse Pit, marquée indéniablement par le communisme libertaire, tant mieux, puisque je ne fais qu'au final affronter mes deux penchants communiste et individualiste. L'egalitarisme et la non-surbordination de l'individu étant deux principes qui me paraissent fondamentales, d'où peut-être mon penchant synthesiste à tenter d'allier les deux.
Je lirai à l'occasion le document d'Alternative Libertaire.
Mais voilà un problème qui me tracasse :
Le communisme, libertaire ou autoritaire, repose sur la mise en commun et la redistribution, nécessitant alors dans tous les cas un certain centralisme, la différence étant alors l'échelle de ce centralisme. On ne peut alors dissocier ce système d'un ensemble de frontières, administratives soient elles pour déterminer la répartition en fonction des secteurs/communes/territoires. Au final, grosso merdo, comme Marinaleda, cela en résulte une démocratie athénienne : un micro-État.
J'en viens à me demander alors qu'appelle t'on État, celui que nous anarchistes voulons détruire ?
Le problème est aussi que le principe quasi-fondamental de l'anarchie qu'est le fédéralisme, entre autre ici précisément, la libre association entre individus, semblerait être violé par la naissance de ce type de structure: un individu aurait obligation vitale (s'il veut pouvoir vivre en société) de s'unir aau communisme locale d'où il vit. Il ne se serait pas uni avec la communauté par association mais uniquement parce qu'il n'en avait pas le choix en fonction de sz localisation (et cela me ferait bien du mal de devoir quitter ma bonne campagne où j'ai toujours vécu, parce que le système, tant bien même anarchiste, en place ne me convient pas).
La finalité se trouve sûrement que je cherche à unir mes quelques idées individualistes (et non libéral au fond) avec le communisme que je ne vois comme unique ciment de la société, pour écarter tout rapport de domination entre nous, humains.
Tu m'as alors répondu ceci :
Piero a écrit:Cela va être dur vu le nombre d'être humains.
Et je pense pour prendre un exemple très concret qu'il te sera difficile de prendre le train, car il te faudra aussi trouver la et les personnes qui entretiennent les voies. Et pour en rajouter, on peut imaginer négocier un poulet contre un soin dentaire, mais pour une opération à cœur ouvert dans un hôpital équipé, le poulailler n'y suffira pas.
[...]
Suivi d'une partie de ton argumentation déjà présente ici-même.
La question que je me pose est celle que j'ai déjà soulevé dans ma quote au-dessus, par rapport à la nature de la commune libertaire. Si nous plongeons dans l'exemple concret de Marinaleda que j'ai déjà cité, nous pouvons alors nous demander tout simplement si elle n'est pas dans la conjoncture un Etat (communal) dans l'Etat (espagnol).
Quel est l'Etat réellement que nous, anarchistes, voulons détruire ?
Est-ce qu'une commune libertaire serait ainsi considérée autrement que comme un Etat ? Si j'en prends la définition de la convention de Montevideo, une municipalité ayant adoptée le communisme libertaire ne restera pas moins un Etat : elle possèdera un territoire déterminé sur lequel s'exerce son pouvoir et sur lequel réside une population jouant le rôle de gouvernement (démocratie directe) avec la capacité de dialoguer et de s'organiser avec les autres Etats (d'autres communes par extension, par le biais du fédéralisme libertaire). J'en reviens toujours à la même constatation que le communisme au final nécessite obligatoirement un Etat, une organisation du pouvoir de par la politique de planisme et de répartition du travail. Je n'ai pas l'impression d'y voir la destruction de l'Etat mais juste le retour à la démocratie athénienne, à la constitution de nombreux micro-Etats ayant relation entre eux, la seule différence entre cette forme d'Etat et l'actuelle se trouveraient dans la forme du gouvernement : d'un côté, tout le peuple exercerait le pouvoir à travers la démocratie directe, alors qu'actuellement, le peuple abdique le pouvoir au main d'une élite oligarchique.
D'un point de vue individualiste et même du point de vue de la convention de Montevideo, l'Etat ne pourrait donc ne pas exister uniquement dans le cas où les individus s'unissent librement comme je l'ai exposé plus haut, et non pas en fonction de leur situation géographique. On pourra me répondre alors que rien n'empêche l'individu de changer de lieu d'habitation pour changer de mode de vie : mais cela ne change rien qu'au problème d'Etat actuel. Sans compter qu'en imaginant que le monde entier soit régi par le communisme libertaire, l'individualiste aura beau se mouvoir à travers le monde entier, il ne se confrontera jamais à la situation d'absence total d' "Etat" (comme je l'ai défini plus haut) et ne pourra jamais assouvir sa soif de détermination personnelle. Je citerai alors un texte paru dans le Monde Libertaire, en mai dernier :
Mon individualisme anarchiste, par Thierry, groupe Germinal de la FA. Mai 2014[...]Ce qui m’effraie particulièrement chez les compagnons et les compagnes qui ont des idées sur l’organisation postrévolutionnaire, c’est quand ils pensent que l’émancipation individuelle ne peut se faire qu’à travers l’émancipation collective ; ainsi la puissance individuelle devient la résultante des besoins collectifs satisfaits. Nous voyons bien là un risque non négligeable d’un autoritarisme anarchiste obligeant à suivre les règles fixées par les plus éclairés quant au bonheur nécessaire aux individus. Pour moi, les exigences de l’individu passent avant celles de la société, c’est l’affirmation du Moi qui est ma propre finalité et toute action n’a d’autre valeur que pour Moi.
Je me souviens d’une discussion avec des compagnons sur la possible économie libertaire. Chacun y allait de son idée, de ses projets quant à la façon de s’organiser. Ces moments me font toujours un peu peur. En effet, quelle place pour la déviance ? Qu’arrivera-t-il, dans ces paradis sociaux, si je refuse d’y participer ? Mais qu’on ne s’y méprenne pas, si les projections de redistribution des richesses des copains et des copines sont très attirantes, ce sont leurs convictions qui m’effraient. J’ai toujours cette impression qu’il ne me sera pas possible de m’épanouir comme je l’entends. Un exemple : si je dénonce un métier comme aliénant même en dehors d’un système capitaliste mais que le groupe, la commune, en décide autrement, dois-je m’aliéner ou résister à ce paradis ? Quelle est alors la place pour mon autonomie individuelle ? Dans ces discussions, j’ai trop souvent l’impression que les murs sont déjà construits pour les déviants.[...]
Il me vient une seconde interrogation auquelle j'aimerais qu'un communiste libertaire me réponde : suite à mon argumentation tendant à montrer que la commune libertaire n'est qu'une forme de démocratie et de micro-Etat comme il a pu exister par le passé, que répondrez-vous comme argumentation à un patriote communiste prônant dans son pays la démocratie directe, réfutant l'élitisme léniniste, pour former un gouvernement citoyen, participant alors aux élections actuelles pour changer de gouvernement et seulement changer de système pour une organisation "citoyenne" ?
Puisqu'au final, de mon point de vue (actuel), j'ai l'impression que ce qui sépare le communiste libertaire du communiste prônant une démocratie directe nationale, ce n'est que l'échelle. L'un visant la municipalité, l'autre visant le national. Qu'on m'éclaire ce point, s'il vous plaît.
Pour en revenir très brièvement à ton jugement sur mes conceptions très stirneriennes comme tu disais Piero (il est vrai que j'ai découvert que très récemment l'anarchisme et y ai plongé dedans comme si j'avais été destiné à ça, les lectures m'ayant le plus influencé étant la Morale anarchiste de Kropotkine, et comme on le devine, des extraits de Stirner), je ne pense pas que cela puisse paraître si absurde dans le sens que des systèmes similaires existent pour l'instant : on peut par exemple noter l'existence toute simple des mutuels, des banques, des assurances, auxquels nous choisissons d'adhérer sans pour autant qu'elle est de caractère territoriale, nous associant avec un ensemble de personnes. C'est au final la même chose au moment d'un échange commercial (en en extrayant toute composante capitaliste évidemment) : mais si j'achète à une ferme ou à une coopérative un produit, la transaction signe un contrat de libre-association en quelque sorte avec l'ensemble des personnes ayant produit ce que je veux consommer et leur achète. Il y a libre-association parce que j'ai choisi à eux et pas à autre le produit que je veux et qu'ils produisent.
Bien évidemment, ce point de vue n'échappe pas au paradoxe que je soulevais plus haut, qui nous enferme encore dans une société capitaliste.