À vrai dire, et pour avoir lu toutes vos interventions, plusieurs réflexions me viennent à l'esprit.
Tout d'abord, et plusieurs d'entre vous l'ont pointé, nous devons lutter contre une certaine étroitesse d'esprit de la part de beaucoup de militant(e)s. Notre milieu est tout petit (ça j'y reviendrai), on se connaît plus ou moins tous (j'ai la flemme de tout féminiser, vous corrigerez de vous-mêmes), on se tient chaud d'une certaine manière, en tout cas au sein d'une même région. Et encore je parle de ce que je connais, la région parisienne. Les "militants" sont toujours les mêmes : certes, les mandats sont censés tourner mais ça n'est pas assez souvent le cas. Non pas à cause d'un hypothétique goût du pouvoir de ces mandatés, mais pour des questions pratiques : il est plus facile d'être présent à toutes les réunions, à toutes les actions, quand on habite en plein Paris ou à 10 minutes des Vignoles (je parle toujours pour ce que je connais), ou bien si l'on a une voiture. Du coup, on est plus près du centre décisionnaire, du débat, on est plus à même de prendre sa place et d'être capable de postuler à ces mandats. De même, quand on est enseignant (je n'ai rien contre les enseignants), étudiant, chômeur, les disponibilités ne sont pas les mêmes : du coup, celui ou celle qui habite loin, qui a du mal à se déplacer pour xxx raisons, va vite se sentir culpabilisé parce qu'il n'en fait pas assez par rapport à d'autres. Dans des cas comme ça, impossible de s'engager fermement, de prendre des responsabilités, de prendre un mandat, de pouvoir assister et se faire entendre dans toutes les réunions. Une fois encore, je ne jette en rien la pierre aux "mandatés", je sais quel est leur dévouement, je sais que c'est peut-être au détriment de leur vie privée, n'empêche, pour des raisons matérielles, moi ça m'est impossible. Et quand je parle de "moi", il ne s'agit pas que de ma petite personne, au demeurant négligeable, mais de beaucoup de camarades qui n'ont pas la possibilité matérielle de s'investir plus qu'ils ne le font. C'est là qu'on se retrouve extrêmement culpabilisé parce que ce sont les autres qui vont au charbon : on se fatigue vite de ce genre de situation, que l'on soit du côté qui peut militer ("c'est toujours nous, les mandats ne tournent pas faute de bonnes volontés") ou de l'autre ("ben non, j'étais pas à la réu où vous avez décidé de faire ça, et peut-être que je n'aurais pas été d'accord, mais les absents ont toujours tort c'est bien connu"). Et on en arrive vite à se faire traiter de militant du net car on continue néanmoins à s'exprimer, mais devant un écran.
Ça c'était la 1ère chose : le problème des militants ou aspirants frustrés au militantisme.
Autre chose importante à mes yeux, et liée à la première : l'absence pratiquement totale de base populaire. Qui sont les militants anars dans leur grande majorité ? Des jeunes "des quartiers" comme on dit ? Des mères de familles qui se battent pour que leurs enfants fassent des études ? Encore une fois, je vais parler de ce que je connais : en grande majorité des étudiants, des enseignants, et, toujours en région parisienne, pour la plupart des parisiens intra-muros. Je n'ai pas de chiffres précis, mais je pense que 90 % de nos militants (CNT en tout cas, et sans doute aussi FA, pour AL je n'en connais pas beaucoup sur la région) habitent Paris ou Montreuil (le XXIè arrondissement) ce qui est déjà parlant. Depuis que je milite à la CNT on se dit régulièrement qu'il va falloir aller parler aux habitants, en particulier aux "jeunes des quartiers" : on ne l'a jamais fait, non pas par manque de volonté, mais de temps (toujours le cercle vicieux). Quand on va parler aux salariés de notre boîte, on va commencer par parler de leurs problèmes au quotidien, et qui sont énormes : quand tu gagnes 1000 € par mois, tu as plus tendance à chercher à obtenir une prime ou à passer à l'échelon supérieur qu'à envisager une future société débarrassée de l'argent.
Et j'en arrive à un autre problème : nous sommes dans tout ce qui est "contre". Et c'est très bien : je pense que les anars ne sont pas pour rien dans la diffusion des idées anti-homophobes, anti-sexistes, anti-racistes, etc. Mais, si c'est, plus que jamais, nécessaire, ce n'est pas suffisant : qui d'entre nous est capable d'aller expliquer quelle société nous souhaitons pour demain ? Qui est capable d'expliquer comment l'autogestion permettra de gérer la macro-économie, la recherche, la médecine (voir d'ailleurs sur l'autogestion :
viewtopic.php?f=69&t=6302) ? Il ne s'agit pas d'établir un "programme", mais de donner des pistes concrètes de ce que nous ferons : car le tout n'est pas "que" de faire la révolution que nous appelons de nos voeux mais de savoir ce que nous sommes capables de proposer pour "après". Car, sinon, cette hypothétique révolution, si jamais elle se faisait, nous échappera, nous sera confisquée comme l'ont été toutes les révolutions.
Voilà, ce ne sont que quelques pistes, mais ça "cloche" déjà pas mal tout ça...