Le marxisme et l'anarchie

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede luco » 08 Mai 2009, 15:43

Soit on est matérialiste et l'on favorise une socièté de fourmis ou tout est hyper bien organisé et les déviants éliminés .
Soit on est spiriritualiste, anarchiste, poête, artiste, un homme libre et l'on ne vit qu'au jour le jour en fonction de ces humeurs, de sa conscience afin de maximiser son ego, sa personnalité ou la divinité qui sommeille en nous . Je suis personnellement pour la synthése des 2 .


La synthèse des deux ?

Je vois : un peu comme Radovan karadzic. Un poète artiste qui vit en fonction de ses humeurs, partisan d'une société bien organisée qui élimine les déviants. :siffle:
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Alayn » 08 Mai 2009, 18:38

luco a écrit:
A RR: pourquoi je me ferais chier à définir le marxisme !


Ca permetrait à tous de constater que tu en es bien incapable.

Sinon tu aurais constaté depuis longtemps que Bakounine (qui te sers de signature), malgré ses divergences avec Marx, importantes, partageait aussi un certain nombre de ses concepts.

Ta haine du "rouge" (dans laquelle tu confonds absolument tout et n'importe quoi) te sers visiblement à masquer ton absence de stratégie révolutionnaire opérante (ou même de pari) pour réellement en finir avec le capitalisme.

En réalité, ton "anarchisme" est uniquement une posture morale et individuelle basé sur le plus plat idéalisme : "si tout le monde pensait comme moi on pourrait établir la société anarchiste". Ce qui est exactement la même chose que celle des chrétiens "si tout le monde respectait les 10 commandements on aurait le paradis sur terre".

Mais entre la réalité et tes rêves, il y a un vide béant, parsemé de quelques tentatives de "mode de vie alternatif" dont nous connaissons à la fois l'intérêt, mais aussi malheureusement les limites.

Ta pratique politique semble se résumer à fermer les yeux les très fort en espérant qu'au moment où tu les ouvriras, le capitalisme, ses forces de répression, l'économie de marché et la propriété privée... se seront évanouis. Le tout agrémenté de mantras abstraits du genre "ni dieu ni maître" "ma liberté s'arrête... truc machin chouette...".

C'est exactement ce que je ressens en lisant le Ml et autres : un regard surplombant sur le reste de l'humanité, qui se croit très radical, tout en n'offrant aucun perspective concrète à quiconque voudrait faire quelque chose (à part dire du bien des congrès de FO, appeler à occuper quelques squatts, et filer comme Pénélope, jour après jour, année après année, la légende dorée de l'espagne libertaire...).



T'es complètement à côté de la plaque ! Au secours !
Alayn
 

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Antigone » 08 Mai 2009, 21:26

Lepauvre a écrit:L'anarchiste dit > J'ai raison, donc j'ai raison
un autre anarchiste dit > J'ai raison, donc tu as tort
L'anarchiste dit > Puisque tu me donnes tort, logiquement t'es pas anarchiste.
Alors c'est la raison pourquoi dans les differents courants d'opinion anarchiste il y à tant de disputes virulentes.
Et puisque je suis anarchiste, je me permets de vous dire que vous ne l'êtes pas, si vous l'étiez vous respecteriez plus la pensée de l'autre.

Ah bon alors ! Je suis tranquille.
Je ne suis pas anarchiste (encore moins marxiste).
Ca me permet d'écouter les uns et les autres de manière égale.
Antigone
 

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Lepauvre » 08 Mai 2009, 21:43

Antigone a écrit:
Lepauvre a écrit:L'anarchiste dit > J'ai raison, donc j'ai raison
un autre anarchiste dit > J'ai raison, donc tu as tort
L'anarchiste dit > Puisque tu me donnes tort, logiquement t'es pas anarchiste.
Alors c'est la raison pourquoi dans les differents courants d'opinion anarchiste il y à tant de disputes virulentes.
Et puisque je suis anarchiste, je me permets de vous dire que vous ne l'êtes pas, si vous l'étiez vous respecteriez plus la pensée de l'autre.

Ah bon alors ! Je suis tranquille.
Je ne suis pas anarchiste (encore moins marxiste).
Ca me permet d'écouter les uns et les autres de manière égale.


Eh ben ç'alors!
T'est le premier véritable anarchiste que je rencontre (mise à part de moi même). :slt:

Salutations Anarchistes!
Vous trouverez de la limonade dans l'arbre...mais il faut grimper.
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede conan » 08 Mai 2009, 22:38

Je respecte infiniment le marxisme, comme l'une des grilles de lecture parmi les plus intéressantes. Mais il y a bien des critiques à lui faire en effet. Des critiques graves même, qui justifient bien du recul, et que les anarchistes ont su voir très tôt. En ce sens, je comprends tout à fait les récriminations de Alayn, et force est de constater que s'il existe des individualistes poseurs chez les anars, il y a aussi le risque d'une dérive chez les coco-libs.

En-dehors de ce qui a déjà été dit et sur quoi je ne reviendrai pas, je vois trois autres choses.

Primo, la posture dialectique. Ou l'idéalisme appliqué à la vie. On peut le dire renversé, "matérialiste", cela reste une grille de lecture idéaliste. Ce qui évacue très vite l'homme et la conscience, au bénéfice de "la masse" en mouvement. On ne sort en fait pas de l'idéalisme, de l'abstraction. Le sujet est le "réel", l'humain, et non plus Dieu, certes. Mais son traitement demeure idéaliste, conceptuel. Toute liberté humaine est évacuée : la seule humanité demeure en celui qui est capable de comprendre, de s'extraire de cette réalité pour la décrypter : le marxiste. Deux conséquences : les hommes peuvent être traitées comme des choses participant à une masse, et seule l'avant-garde éclairée mérite respect et écoute. Ceux qui ne pensent pas comme elle ne sont que des rouages malgré eux de l'inconscient collectif de leur classe (on connaît bien le réflexe du sectaire marxiste : traiter autrui de "bourgeois" ou de "petit-bourgeois", le réifier à ses réflexes sociaux en lui déniant sa capacité de critique autonome et de créativité propre).

Deuxio, une lecture purement économique (prétendue "matérialiste"), niant ainsi le phénomène de l'oppression dans toutes ses dimensions autres qu'économiques. L'oppression de l'homme par l'homme ne s'explique pas que par le désir d'accumuler des richesses, même si ce désir permet en effet d'expliquer bien des choses en histoire. Quid de la volonté de domination d'autrui ? De la libido ? De l'instinct de survie ? De la quête de reconnaissance et d'amour ? De l'inscription de l'être dans son environnement naturel ? Ces questions, qui depuis ont été amplement développées par les anarchistes mais aussi par les psychanalystes, les sociologues, les écolos (et les publicitaires, qui savent combien l'économie peut résulter de la psychologie), critiques que certains anars eux-mêmes n'ont parfois pas bien intégrées non plus remarquez, montrent bien qu'enfermer l'humain dans l'économie est une analyse tronquée de l'humanité. Conséquence : s'il est facile de critiquer l'appétit de richesses chez les riches (qui étant riches sont en effet faciles à décrypter comme individus vivant sur le mode du désir de richesses), il est beaucoup plus délicat d'interpréter la vie sociale de toute l'humanité d'après ce principe. D'où le fait que le capitalisme se maintienne malgré ses contradictions : non, le peuple ne se révolte pas toujours de lui-même comme une vague inéluctable.

Enfin, si l'on s'en tient même à la seule critique économique, que Marx a certes brillamment développée, eh bien l'objet d'études n'est pas l'individu mais la "classe". Classe "prolétaire". Objet intéressant, passionnant même, mais qui pose problème de définition précise, selon les marxistes eux-même (cf débat entre Marx et Engels à ce sujet, dès le début !). Car où commence-t-elle, où s'arrête-t-elle, cette classe prolétaire ? Les tactiques du capitalisme ont démontré depuis que les rapports hiérarchiques avaient su parfaitement brouiller les pistes, et que si le capital se concentre dans les mains d'une minorité toujours plus resserrée, il sait aussi se diluer dans tous ses rouages, ainsi que le pouvoir. Les marxistes eux-mêmes sont peu d'accord sur la notion de prolétaire et de bourgeois. Entre les diplodocus qui continuent de parler de "classe ouvrière", ceux qui parlent de salariés, ceux qui incluent aussi les petits patrons comme maillons pressurés, ou ceux de l'ultra-gauche qui considèrent que le s'eul véritable prolétariat révolutionnaire serait le lumpen... tous les marxistes ont une sorte de fascination béate un peu simpliste de ce qu'est le sujet idéal de classe : fascination pour l'ouvrier en bleu de travail avec sa clé à molette contre le patron avec son haut-de-forme et son cigare, horloge bloquée au XIXème siècle (cf caricatures dans LO, c'est toujours un régal)... fascination pour l'employé (et donc pas l'ouvrier) un peu cultivé et un peu gueulard (cf cricatures dans Rouge, et maintenant "Tout est à nous")... fascination pour tous types d'individus vivant en marge (le fou, le clochard, le squatteur... lire le Comit invisible), le marxiste projette des concepts sur la complexité du monde social, dans un espèce de romantisme monolithique globalement pertinent mais dans le détail crrément étriqué.

Les marxistes le savent, au fond. Ils ont l'intuition de cette limite, de cette étroitesse d'esprit, de cette grille systématisée appliquée au réel. D'où leur besoin permanent de justifier par plus grand que la classe... par le global, par la politique. Parce que le réle leur échappe. Oui, il faut vraiment lire Freud, Jung et compagnie pour comprendre toute l'énergie de mort qui accompagne souvent le marxisme, les marxistes... comme l'ombre projetée sur la société du mépris de la vie.

L'anarchiste, par définition, ne se réclame d'aucun maître, fût-il de la trempe intellectuelle d'un Marx. L'étymologie d'anarchiste montre qu'il refuse toute oppression, tout commandement d'une partie du réel (en lui-même comme dans la société) sur une autre. Tout dogme donc. Tout systématisme. L'anarchisme apprécie la dialectique marxienne, mais ne s'enferme en aucun dogme parce qu'intuitivement, l'anarchiste sait combien la vie est complexe, combien la vie aussi est LA valeur. D'aucune grille de lecture du mal roungeant l'humanité, fût-elle celle -bien plus pertinente que le capital- du pouvoir... car il sait combien celui-ci est insidieux et combien maints anarchistes ont été hommes d'autorité. Il agit, il révolutionne lui-même et la société, en fonction de ce qu'il sent juste, utile ou désirable dans ce qu'il vit et ce qu'est le monde où il vit. Il écrit aussi... s'il a le temps, mais agit d'abord, et (s')enseigne ensuite (et même surtout pendant). Il suffit de lire la biographie de Bakounine, ou plus généralement des anarchistes, de les comparer avec celle des marxistes. De voir aussi combien leur action fut en général à la fois plus radicale, mais aussi plus respectueuse de la vie humaine individuelle. De voir que les marxistes ont toujours couru après l'énergie vitale anarchiste, afin de s'approprier leur profusion créatrice... pour parfois hélas la scléroser en concepts, en classifications.

Bon je voulais faire court, et puis j'ai encore tout conceptualisé... au fond je suis encore très marxiste... :mrgreen:
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Lepauvre » 08 Mai 2009, 23:01

Excellent Conan!
A lire dans le prochain "petit noir" peut être?
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede luco » 09 Mai 2009, 13:31

Il y a un certain nombre d'arguments apportés par Conan sur le marxisme que je partage.

Comme grille d'analyse "en gros", le marxisme est utile pour l'analyse et l'action.

Il est bien évident en revanche que certaines limites et "dérives" qui étaient déjà présentes dans Marx (un certain positivisme scientiste, messianisme historique...) et qui ont été largement amplifiée par les incarnations léninistes, puis stalinienne... sont à combattre.

Et que des "insuffisances" ont été démontrées, et que d'autres points de vue (féminisme, écologie, ...) ont permis de nourrir la critique anticapitaliste par d'autres biais (les libertaires, bien sûr, mais aussi castoriadis, Illitch, Gorz sur les difficultés d'une planification qui seraient aussi désaliénation...).

Je garde quand même mon barril de "marxisme libertaire" :lol:
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Antigone » 09 Mai 2009, 17:17

Conan, je crois que tu fais 3 faux procès, même si tu les présentes comme "d'autres choses" venant en plus de ce qui a été dit.

1 - La prépondérance accordée à la "masse en mouvement" au détriment de l'homme.
Je ne connais pas de transformation sociale qui se soit effectuée sans cette masse en mouvement.
Que ce mouvement soit composé d'individus differents aux sentiments parfois opposés, aux aspirations souvent divergentes ne l'a jamais empêché d'avancer. L'humanité est une somme d'individualités qui s'assemblent tout en se séparant. C'est ce qui crée le mouvement. En constatant ce mouvement, on occulte aucunement la liberté humaine.
Tout autre chose est la question de l'avant-garde éclairée qui, à mon sens, n'est pas le produit d'un raisonnement philosophique. C'est beaucoup plus prosaique que ça: Les masses sont ignares et aliénées, elles ont besoin d'intellectuels venant de leur rang pour les conduire au paradis. Marx pense comme un politicien bourgeois du XIXe siècle voila tout.

2 - D'après Marx, l'économie serait ce qui permettrait d'expliquer l'histoire et notamment l'exploitation de l'homme par l'homme. Ce n'est pas faux loin de là. Certes, on a découvert au XXe siècle que d'autres facteurs, notamment humains pouvaient venir s'y ajouter comme l'insatisfaction, le refoulement, la frustration et la peur, cette peur qui nous vient des ténêbres etc., (et je ne parle même pas du hasard) et qui rendent la compréhension des phénomènes visibles de la société plus complexes que ne le croit.
D'accord... mais Marx est un homme du XIXe siècle. C'est comme si tu faisais un procès à Gallilée pour ne pas avoir tenu compte de la relativité.

3 - Le problème de la définition précise de ce qu'est la classe ouvrière.
Qui peut se vanter d'en avoir une qui serait la plus proche possible de la réalité dans la mesure où la société ne cessé d'évoluer ce qui rend les délimitations à l'intérieur des rapports de propriété et des rapports hierarchiques de plus en plus poreuses ? A un moment, on a même annoncé que la classe ouvrière n'existait plus ! Je pense qu'il était moins compliqué de donner une définition au XIXe qu'au XXe.
Je me souviens que cette question a été abordée longuement à Tribune au temps où nous redéfinissions tout. Fallait-il être restrictif ou large ? En allant de ceux dont les moyens de survie dépendent d'un emploi et jusqu'à ceux qui même en dépendant d'un emploi peuvent avoir les moyens de se mettre à leur compte, nous ne trouvions pas assez de mots dans la langue française pour classifier tout le monde. Voila pourquoi je trouve ta critique un peu facile... bien qu'amusante.

Je pense que pour parler de Marx et en faire une critique constructive, il faut commencer par se poser deux questions:
De quoi sa pensée est-elle le produit ? Quelle est sa place dans la société du XIXe siècle ?

Le capitalisme s'est construit à partir du mercatilisme méditerranéen du XIIe s., puis il connu une expansion géographique vers la mer du Nord au XIVe s. avant de redescendre vers l'Atlantique, point de départ vers de nouveaux mondes au début du XVIe s.
Pendant tout ce temps où les rapports de production féodaux se dégradaient, le capitalisme s'est affirmé dans la forme que nous lui connaissons économiquement par l'accumulation et la concentration du capital et politiquement par l'émergence Etats dont l'identité nationale va peu à peu s'imposer.
Tout s'est brutalement accéléré à la fin du XVIIIe s. quand la machine à vapeur et le métier à tisser ont permis à l'industrie de prendre son essor. Cela n'a pas été sans créer d'importantes mutations sociales.

Les guerres civiles soulevées par la Réforme durant le XVIe s. et surtout la révolte victorieuse de Cromwell en Angleterre au milieu du XVIIe s. annonçaient, bien plus que les jacqueries (trop anarchistes), un partage élargi des responsabilités politiques qui mêleraient des nouvelles couches sociales.
C'est au terme de ces étapes qui débouchaient sur la naissance du mouvement ouvrier et la revendication de plus en plus pressante du pouvoir politique par la bourgeoisie que les premières contradictions sociales inhérentes au capitalisme moderne vont apparaitre.
La secousse révolutionnaire de 1789-93 en France va conditionner tout le XIXe s. Dans ce contexte, il est difficile d'imaginer que les idées marxistes qui surgissent au contact de la crise de 1840-50 ne soient pas fortement influencées par les bouleversements de cette époque. C'est ce que la suite des événements a confirmé.

Deux valeurs sont alors portées par ceux qui veulent que le XIXe s rompt définitivement avec l'ancien régime, la liberté et la
démocratie. Elles vont nourrir durablement les aspirations révolutionnaires de la bourgeoisie, mais cela n'empêchera pas le prolétariat de s'en emparer au cours des journées de juin 1948.
A ce moment-là, l'idéal d'égalité est partagé par toute la société: ouvriers, artisans, bourgeois jusque dans une partie de la noblesse. C'est justement là le problème. Les valeurs sont là, mais à qui est-ce de les incarner en prenant le pouvoir ? Chacun sa stratègie... La bourgeoisie est trop divisée. Finalement c'est la partie la plus conservatrice de cette bourgeoisie, la plus liée à la noblesse qui l'emportera, temporairement.

Ce qui va caractériser Marx par rapport à ces acolytes politiciens, c'est qu'il va comprendre qu'on ne peut laisser le prolétariat livré à lui-même. Mais à la difference de Robespierre qui s'était attiré l'hostilité des ouvriers des faubourgs, Marx va préférer prendre appui sur les potentialités de cette classe alors en développement, le prolétariat, et profiter des nouvelles conditions de la période pour étendre au maximum la démocratie politique afin de parvenir à ce qu'on va appeler la socialisme.
En fait Marx va devenir le représentant de la fraction la plus jusqu'au-boutiste de la bourgeoisie qui choisit de faire cause commune avec le prolétariat. Il répond également aux aspirations d'une élite intellectuelle, qui tend à se répandre alors, et qui se verrait bien exercer une fonction de parainage sur l'action de la classe ouvrière. La tâche éducative est très présente dans les projets sociaux de cette époque.

La principale leçon qu'il tire de l'écrasement des ouvriers par les troupes de Cavaignac, c'est la nécessité d'une organisation structurée, d'un parti ouvrier. Nous sommes à une époque charnière où la bourgeoisie se constitue en autant de partis qu'elle a de façon de concevoir sa domination sur la société, dans l'optique d'une représentation la plus importante possible dans les parlements qui sont en train de se constituer. Chaque fraction de la bourgeoisie établit une relation d'identité entre son parti et les intérets qu'ils représentent. Les marxistes vont en faire autant en participant aux débats de la vie politique ce qui les amènent à émettre des choix clairs par rapport à des intérets spécifiques et envisager des alliances implicites.

Pendant l'expansion économique de 1850-70, Marx va soutenir l'établissement d'Etats unifiés en Allemagne, en Italie, en Amérique, approuver les conquêtes coloniales qui détruisent les sociétés primitives ou indiennes, prendre parti pour Napoleon III dans la guerre de Crimée, mais plus tard jouer Bismark contre Napoléon III, se déclarer favorables aux indépendances irlandaise et polonaise, assurant tout ceci nécessaire pour ouvrir la voie du socialisme.
Apparaissant partout comme les promoteurs les plus conséquents de la démocratie politique bourgeoise et donc de l'idée républicaine, les marxistes ont pris une part considérable à la transformation du capitalisme, en lui insufflant une législation moderne et un contrôle social de l'exploitation et de l'éducation basé sur plus de justice et moins d'inégalité.
Ce souci de progrès social amènera Marx et ses disciples à distinguer les tâches réformistes de l'heure du but socialiste futur... au point de réduire celui-ci à mot creu bon pour les jours de fête et les soirs de meeting et capable de servir de couverture à n'importe quel gouvernement. La question de l'Etat, la construction du Parti, la participation au jeu électoral, tout découle du pronostic politique de Marx après les journées révolutionnaires de juin 1848. Nous n'en sommes toujours pas sortis !

En 1870, lorsque la République fut rétablie en France, Marx demanda aux ouvriers français de ne pas se retourner contre le nouveau gouvernement, de remplir leur fonction de citoyens et regénérer la France car écrivait-il "de l'énergie et de leur sagesse dépend le sort de la République" (adresse à l'AIT). Cela ressemblait déjà au "retroussons nos manches" du PCF à la Libération.

Après la scission de 1872 dans l'AIT, les marxistes sont devenus majoritaires. Le reflux qui fait suite à l'écrasement de la Commune de Paris leur a été favorable. Ce résultat concrétisait une composition nouvelle de la classe ovrière.
Dans l'Europe du Nord, l'influence marxiste va s'accroitre en même temps que les ouvriers s'intègrent à la grande industrie. En Europe du Sud, la petite production individuelle ou artisanale va résister, la transformation des structures économiques sera plus tardive. Il en résultera une présence de l'anarcho-syndicalisme après la guerre de 14, ainsi que le maintien de certaines traditions d'organisation ouvrière héritées de l'esprit libertaire.

Plutôt que de chercher à m'empaler sur des questions idéologiques, philosophiques bien fumeuses sur le capital, le rôle de l'Etat, le matérialisme historique, la dialectique hegelienne etc. à coups de citations qui ne reposent à mon avis que sur des justifications a posteriori, je préfère me demander d'où tout cela vient, regarder l'histoire en amont et me faire un jugement d'après ce qu'elle nous en livre. Et pour moi, le constat que j'en tire est clair. Je ne vois pas comment aujourd'hui on peut se dire révolutionnaire en se réclamant de Marx.
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede luco » 09 Mai 2009, 20:02

Vraiment très intéressant ton résumé Antigone, et le point de vue que tu adoptes pour ce faire.

Et pour moi, le constat que j'en tire est clair. Je ne vois pas comment aujourd'hui on peut se dire révolutionnaire en se réclamant de Marx.


Il me paraît au contraire assez difficile de continuer à être révolutionnaire sans faire appel à certains de ses concepts qui sont à mon avis toujours opérant pour distinguer ce qui serait la déformation sociale-démocrate lassalienne (puis stalinienne)... de ce qui serait un courant plus centré sur l'émancipation collective et individuelle, critique envers l'état.

Quid de l'aliénation au travail et du travail ? Cela reste quand même l'une des principales domination du capitalisme : un mode de production collectif, une appropriation privée et donc une séparation, aliénation, du sens de cette production, d'où cette situation "d'étrangeté" au monde qui nous entoure, sur lequel nous n'avons pas de prise...

Comment dépasser cet état de fait ? La résolution de la question de la propriété est-elle suffisante ? Nécessaire mais pas suffisante ? Dépassée, il faut en revenir à un mode de production pré-industriel basé sur la petite propriété et de petites entités fédérées (ou pas d'ailleurs) avec les anti-industriels...

Je ne crois pas que l'ensemble des pistes ouvertes par marx soient dépassées, bien au contraire. Il a levé un paquet de lièvres, même si le mouvement ouvrier ne s'est occupé que de quelques uns d'entre eux (par nécessité, "efficacité"...)

Et sinon, quelle est la pensée, ou la synthèse, ou les concepts qui sont à même de reconstruire une dynamique révolutionnaire capable d'en finir avec la dictature de la marchandise ?
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Lepauvre » 09 Mai 2009, 22:05

Antigone: Trés passionante ta reponse à conan.
J'ai envie de soulever certains points:

1.- Oui

2.- L’économie = argent / échange de marchandise qui explique l‘exploitation de l‘homme? Ou seulement l’usure et le cumul d’argent accéléré par l’exploitation motorisé par l’usure? Ou bien encore d’autres facteurs….?
Je ne crois pas que Marx ait eu la bonne réponse, qui conduit inévitablement et directement au premier sectaire et au bureau politique central.
Le facteur d’insatisfaction, refoulement, frustration et la peur n’est il pas toujours à l’ordre du jour? Je me joins à ton observation que on ne peut reprocher cela à Marx.

3.a)- Les frontières salariat/bourgeois glissent. Les rapports de force changent de mains plus souvent qu’avant mais le fonctionnement par rapport de forces reste intacte.
On peut dire que le capital (pas les personnes) lui-même à pris le pouvoir sur les hommes et les hommes ne sont plus que des marionnettes au service du capital. Et effectivement il est difficile de nommer un coupable dans ces conditions là. L’argent sera plus coupable que les personnes? Fais moi rire….pourtant c’est qu’il me semble vrai.
3.b)- Je vais pas refaire Tribune (que je ne connais pas d’ailleurs) mais nous avons besoin des règles qui ne désavantagent personne, qui laissent la liberté de choix à toute le monde. Je ne sais pas si une classification est nécessaire…oui une détermination des besoins vitaux certes, des écoles publiques et de la sécurité, qui peuvent s’organiser sans s’appuyer sur Marx.

Antigone a écrit:Deux valeurs sont alors portées par ceux qui veulent que le XIXe s rompt définitivement avec l'ancien régime, la liberté et la
démocratie. Elles vont nourrir durablement les aspirations révolutionnaires de la bourgeoisie, mais cela n'empêchera pas le prolétariat de s'en emparer au cours des journées de juin 1948.


Qui sont les révolutionnaires bourgeoises?

Antigone a écrit:Ce qui va caractériser Marx par rapport à ces acolytes politiciens, c'est qu'il va comprendre qu'on ne peut laisser le prolétariat livré à lui-même. Mais à la difference de Robespierre qui s'était attiré l'hostilité des ouvriers des faubourgs, Marx va préférer prendre appui sur les potentialités de cette classe alors en développement, le prolétariat, et profiter des nouvelles conditions de la période pour étendre au maximum la démocratie politique afin de parvenir à ce qu'on va appeler la socialisme.
En fait Marx va devenir le représentant de la fraction la plus jusqu'au-boutiste de la bourgeoisie qui choisit de faire cause commune avec le prolétariat. Il répond également aux aspirations d'une élite intellectuelle, qui tend à se répandre alors, et qui se verrait bien exercer une fonction de parainage sur l'action de la classe ouvrière. La tâche éducative est très présente dans les projets sociaux de cette époque.

:clap: chapeau bas!

Antigone a écrit:Plutôt que de chercher à m'empaler sur des questions idéologiques, philosophiques bien fumeuses sur le capital, le rôle de l'Etat, le matérialisme historique, la dialectique hegelienne etc. à coups de citations qui ne reposent à mon avis que sur des justifications a posteriori, je préfère me demander d'où tout cela vient, regarder l'histoire en amont et me faire un jugement d'après ce qu'elle nous en livre. Et pour moi, le constat que j'en tire est clair. Je ne vois pas comment aujourd'hui on peut se dire révolutionnaire en se réclamant de Marx.


Le « capital » de Marx et les actions politiques de Marx durant sa vie, les lésons qu’on tire de Marx, séparer le vrai du faux, le juste de l’injuste….reste une chose intelligent à faire.
A condition de le faire intelligemment……
Merci à toi, Antigone, pour ces éclaircissements du coté sombre du Marxisme. Il en avait bien besoin.
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Alayn » 10 Mai 2009, 01:04

Bonsoir ! Oui, merci pour les très bonnes explications de Conan et d'Antigone du marxisme et surtout de la "volonté marxienne".

Je rajouterais néanmoins 3 ou 3 petites choses:
-Comme il est souvent cru, Marx n'a rien inventé. Il a pompé beaucoup sur Pierre-Joseph PROUDHON entre autres et d'autres penseurs d'avant plutôt libertaires.(William GODWIN, etc...) et en "autorisant" (dans le sens "autoritaire"à) leurs pensées...
-Il a synthétisé à un moment certes une certaine analyse du capitalisme naissant. (mais pas de quoi sauter au plafond non plus !)
-Il a voulu que les classes laborieuses suivent son schéma mais son schéma révolutionnaire était autoritaire.

Les premiers à s'en apercevoir furent les anarchistes et notamment au sein de la Première Internationale. (Michel BAKOUNINE, James GUILLAUME, etc...) Les anarchistes, osant d'ailleurs lui dire ses 4 vérités, Marx et ses amis les ont excluent. Cool...

Marx n'a fait que de la théorie sans jamais être monté sur une barricade à contrario de Michel BAKOUNINE !

Ensuite, et de +, les théories marxistes ont été reprises et "adaptées" à la sauce du moment par des Lénine, Mao, Castro, etc...et c'est là qu'est peut-être le plus gros drame du marxisme: soit-disante dictature du prolétariat -finalement qui n'a jamais eu lieu-, totalitarisme d'Etat -çà oui !-, etc...

Aujourd'hui encore, l'on voit quelques personnes s'esbaubir devant la pensée marxienne, principalement du fait qu'il aurait été l'inventeur ou plutôt le découvreur d'une pensée critique du capitalisme, de l'exploitation des masses, etc...
Plus grave, il subsiste quelques personnes continuant à nous faire un bloubilboulga des idées marxistes et anarchistes alors qu'en germe, les idées marxistes contiennent un certain autoritarisme, même si celui-ci serait soit-disant dicté par le prolétariat.
Je parle même pas de cette fameuse transition nécessaire toute marxienne du déperrissement de l'Etat notion complètement antinomique avec l'anarchisme qui veut se débarrasser tout de suite et à juste raison de l'Etat)... qu'on attend toujours... A chaque fois qu'un marxiste a pris le pouvoir, il a tout fait pour le garder le plus longtemps possible !

Voilà les raisons principales qui font que je pense que l'anarchisme n'a pas à se référer ou s'appuyer sur des notions marxistes.

Pour finir, n'oublions jamais le nombre incalculable de fois que des marxistes (ou leurs avatars et successeurs) ont flingué nos compagnes et compagnons anarchistes (En Espagne, en Ukraine, Cronstadt, même d'une certaine manière avec l'OPB au sein de la FA dans les années 50, ceci pour ne prendre que quelques exemples)

L'anarchisme n'a pas besoin des idées marxistes !
Détachez-vous de ce poids de l'histoire ! (arf !)
Salutations Anarchistes !
(ca serait bien aussi que les cocos-libs viennent nous dire ce qu'ils pensent exactement de Marx...)
Alayn
 

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede luco » 10 Mai 2009, 07:15

Désolé Alayn,

Tu ne fait pas illusion 2 secondes.
Tu n'as rien lu de Marx, c'est évident.
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Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede conan » 10 Mai 2009, 09:07

En effet, merci pour ces contributions Antigone, Luco et Lepauvre !

Pour ma part je m'empale volontiers sur le débat des postulats de fond, parce que je crois (avec une certaine naïveté assumée) que leur réconciliation, du moins le dépassement de l'éternel débat pour on contre le holisme, peut permettre le dépassement de clivages désuets dans l'anarchisme (1).

Alayn, comme tu le dis toi-même l'idée communiste (étymologiquement, l'idée de s'inspirer de la "commune" de Paris) précède Marx. Marx n'a représenté qu'une partie du mouvement communiste (lui-même inspirant le léninisme, mais aussi le conseillisme... or c'est pas tout à fait la même chose).
Bien entendu, la plupart des communistes libertaires ne se réfèrent pas à Marx mais à l'héritage dont tu parles.
Tu évoques l'Ukraine, l'Espagne... mais Makhno ou les gens de la CNT étaient précisément des anarchistes communistes. On peut aussi citer Kropotkine, Malatesta, Goldman et Berkman... pour ma part je ne vois pas comment on peut, en tant qu'anarchiste, faire d'office l'impasse de la réflexion communiste (tout comme de la réflexion dite "individualiste", les deux étant les garde-fous du dogmatisme de l'un ou l'autre courant) (2).
Bref attention à ne pas toujours dire communisme égale caca.
Au passage j'aime bien la définition de communisme développée dans l'IQV.

1 A ce propos l'article de Paraire dans le dernier Monde Libertaire me pose problème.
2 en effet je pense qu'on peut "reprocher" à tous les communistes un certain risque du primat du collectif sur l'individu, du moins de la majorité sur la minorité, aussi bien dans l'identité que dans la méthode et les buts, avec quelques difficultés à définir l'intérêt collectif.
En effet dès qu'il est défini, on risque fort le recours à l'autorité. On risque de brimer les individus qui ne sont pas d'accord (et qui, au passage, ne sont pas toujours des égoïstes/bourgeois/fascistes -critique expéditive hélas un peu courante- mais pensent peut-être qu'on peut bâtir autrement le collectif).
conan
 

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede M.J.A » 10 Mai 2009, 12:41

En fait, Alayn, je ne vois pas trop ce que tu reproches a la pensée de Karl Marx. Apparemment tu critique plus son interprétation par certains "marxiste" et les conséquences que cela a entraîné...
On peut très bien accorder a certains anarchiste (cité plus haut, mais je pense notamment a Krondstadt) une application du marxisme sans passer par des dérives autoritaires. Car au fond, qu'il ai "pompé" sa penser ici ou ailleurs, ce que nous sommes en droit de critiquer chez Marx, en tant qu'anarchistes c'est sa période de transition avec dictature du prolétariat, période de transition sensée précéder la paix sociale et la fin de la lutte des classes en faveur du prolétariat.
Sinon le collectivisme qu'il propose est une position qui se défend et elle a le mérite d'exister, contrairement aux anarchistes qui jusqu'à ce jour n'ont pas proposé, d'une seule voix, d'alternatives claires.
M.J.A
 

Re: Le marxisme et l'anarchie

Messagede Antigone » 10 Mai 2009, 13:15

luco a écrit:Il me paraît au contraire assez difficile de continuer à être révolutionnaire sans faire appel à certains de ses concepts qui sont à mon avis toujours opérant pour distinguer ce qui serait la déformation sociale-démocrate lassalienne (puis stalinienne)... de ce qui serait un courant plus centré sur l'émancipation collective et individuelle, critique envers l'état.
.../...
Je ne crois pas que l'ensemble des pistes ouvertes par marx soient dépassées, bien au contraire. Il a levé un paquet de lièvres, même si le mouvement ouvrier ne s'est occupé que de quelques uns d'entre eux (par nécessité, "efficacité"...)

J'essaie de replacer Marx dans son siècle, le XIXe qui voit la bourgeoisie prendre le pouvoir dans les pays les plus industrialisés (Angleterre, Allemagne, France), qui voit un système économique, le capitalisme, transformer la société de fond en comble, et une course de vitesse s'engager entre les principaux impérialismes pour s'enfoncer dans les régions les plus reculées et mettre la main sur des richesses naturelles inconnues.
Dans la période d'expansion de 1850-70, la bourgeoisie ne pense qu'à se remplir les poches. L'économie est pour elle un formidable jackpot. On crée des sociétés au noms plus ronflants les uns que les autres. On spécule à tout-va. Les travaux du canal de Suez qui s'achèveront en 1869 promettent une phase d'expansion encore supérieure. La bourgeoisie s'enivre de son insolente réussite.

Il y a 3 époques très differentes dans la vie de Marx qui bizarrement sont balisées par les grandes dates de l'Histoire, 1848 et 1870.
Les écrits économiques de Marx ont été écrits pendant la 2e période, entre 1857 (Contribution à la Critique de l'économie politique) et 1867 (Le Capital). Je mets de côté sa petite brochure de 1849 Travail salarié et capital qui apparait comme une sorte de brouillon de ce qu'il a écrit par la suite.
Je crois que si on lit ses textes économiques sans avoir constamment à l'esprit le contexte de cette époque, l'effervescence qui règnait dans les milieux financiers de la City londonnienne (ville où il résida à partir de 1849), on ne comprendra rien... Et surtout si on les mélange avec ses écrits philosophiques pro-hegeliens qui datent tous d'un autre âge, d'avant la révolution de 1848.

Marx, est l'homme qui a mis le doigt sur les failles du système économique dans un langage qui s'adressait d'abord à ceux de sa classe. Il leur dit "attention, vous jouez aux apprentis sorciers, vous favorisez le développement économique de la société, mais en même temps vous allez inévitablement créer des crises de plus en plus graves et permettre à une autre classe, le prolétariat, de contester votre pouvoir et de le renverser".
Cet avertissement aurait pu être donné par n'importe quel économiste un peu compétent et lucide de cette époque. Mais ce qui va le distinguer, ce qui va le faire apparaitre comme un dangereux visionnaire aux yeux de ses contemporains, c'est qu'il fait le pari d'une transition vers une autre société, le socialisme, et en plus il prend apparemment fait et cause pour ceux qui, au bout de ce processus, sont destinés à prendre le dessus. Mais ça, c'est de la théorie, c'est du papier... (et d'ailleurs pour fonder sa théorie, il a pompé sur quelques prédécesseurs à qui il est arrivé de dire un peu n'importe quoi.)

Dans la pratique (et c'est de là qu'on juge la pertinence des théories), et surtout après 1870, cette transition va devenir pour Marx un état qu'on doit s'efforcer de rendre permanent. Les écrits économiques, tout théoriques qu'ils soient, vont volatiliser. Le 3e Marx, le Marx politique et dirigiste s'impose. Le leadership qu'il faut avoir sur la classe ouvrière en est le principal enjeu.
L'écrasement de la Commune de Paris va lui épargner 10 ans de lutte bureaucratique contre Bakounine et ses amis jurassiens pour les éliminer de l'Internationale. Et du coup, ça va lui permettre passer tout de suite aux choses sérieuses, à la gestion de son influence sur les partis "ouvriers" et sur la classe ouvrière en général. Jusqu'à la fin de sa vie en 1883, Marx passera son temps à militer pour un programme "minimum" et oeuvrer au développement de partis sociaux-democrates de masse dont il saluera la progression éléctorale.

Car la pratique des marxistes de la fin du XIXe s. va se confondre avec celle la sociale-démocratie, celle des politiciens qui vont comprendre, dans la profusion des partis qui se créent à ce moment, que le prolétariat aussi a le droit de vote, qu'il y a de plus en plus d'ouvriers venant des campagnes qui ne demandent qu'à être représentés, et qu'en leur expliquant que les valeurs républicaines de démocratie et de liberté sont garantes du progrès social, on contribuerait à l'achèvement des réformes bourgeoises, et (donc) on se rapprocherait d'un socialisme à venir... après (bien entendu) avoir accédé au gouvernement.
La sociale-démocratie oui, mais pas n'importe laquelle, celle du pays le plus avancé dans la modernisation industrielle. Et à partir de 1880, l'Allemagne va devenir la seule référence.

Par la suite, c'est tout naturellement que les partis de la IIe Internationale se rangeront en 1914 aux côtés de leur bourgeoisie nationale respective lorsqu'éclate la Grande Guerre. Cette "capitulation" pour moi n'en est pas une. Il s'agit d'un aboutissement historique des thèses des sociaux-démocrates telles que Marx les a voulues. La classe ouvrière n'a pas été trahie en 1914. Elle a été victime de son immaturité politique, de ses illusions sur le capitalisme, de son manque d'indépendance de classe par rapport à la bourgeoisie.

Les marxistes ont toujours agi en politiciens et leurs idées ne pouvaient mettre en danger l'existence du système puisqu'ils ont fourni le ciment qui a permis de le conforter.
Ils ont tracé un cadre en dehors duquel tout paraitrait absurde, mais dans lequel, les pires erreurs sont plus que possibles sinon probables. C'est toute la quadrature du cercle que le XXe siècle n'est pas parvenu à résoudre.

L'originalité de son apport aura, malgré tout, d'avoir reconnu le mouvement social en tant que phénomène historique (la Révolution de 48 l'a bien aidé), et d'en avoir tiré des enseignements en forme de lois générale de l'Histoire. Son matérialisme historique doit être vu non comme une méthode de pensée (il faut penser librement) mais comme une philosophie qui visait à une compréhension nouvelle de la société, au seul usage d'une bourgeoisie en pleine ascension.
Il s'inscrit tout à fait dans le cadre des codes moraux et idéologiques d'un siècle en plein bouleversement, de la même façon qu'ont pu l'être dans d'autres domaines le darwinisme, le positivisme, le réalisme, le mouvement laïc etc.
Antigone
 

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