Crise du capitalisme et alternative

Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 12 Juin 2016, 00:15

La loi travail, ultime stade de la crise capitaliste

Le texte défendu par le gouvernement s’inscrit dans un long processus de mesures néolibérales visant à accroître les profits, diminuer les salaires et saper la protection sociale. Cette volonté de profit s’inscrit dans le contexte d’un capitalisme en crise, dont les solutions palliatives ont démontré leurs limites. À nous d’inscrire les combats d’aujourd’hui dans le cadre d’un projet de société émancipée dans l’avenir.

La loi travail s’inscrit dans la continuité des réformes néolibérales menées par les gouvernements successifs depuis le tournant de la rigueur de 1982-1983. La crise de 1974 s’est traduite par le constat de l’échec des politiques keynésiennes (investissements de l’État pour stimuler la production et la consommation) et redistributives (hausses des salaires), dont les limites se sont révélées dans les années 1980. La chute des taux de profit et les ralentissements de la croissance ont entraîné l’impossibilité d’assurer à la fois investissement, protection sociale et remboursement de la dette croissante de l’État, liée aux politiques sociales keynésiennes d’avant crise.

Le projet néolibéral était alors de redresser les taux de profit par tous les moyens, en jouant sur tous les leviers d’augmentation de la plus-value, c’est-à-dire sur tout ce qui permet de produire autant ou plus sans dépenser davantage, ou en dépensant moins, notamment au niveau des salaires. En découlent des politiques visant la flexibilité à l’embauche et la facilitation des licenciements, la diminution des salaires, l’augmentation du temps de travail sans hausse de salaires, l’intensification des cadences, la hausse de la productivité technique, les délocalisations. En découlent aussi les logiques de démantèlement des acquis salariaux, les réductions de taxes sur les entreprises, (en réduisant les budgets des services de l’État), ainsi que les cadeaux fiscaux faits aux patrons (pour stimuler la production et l’embauche).

Les néolibéraux espèrent qu’en détruisant toute entrave à la réalisation de profits, à travers une longue phase d’austérité, les entreprises seront en mesure de devenir compétitives sur le plan international. La logique consiste à accumuler suffisamment pour réinvestir plus tard dans de nouvelles activités, et ainsi recréer de la croissance et de l’emploi, et pouvoir rembourser une part suffisante de la dette publique.

Une crise de surproduction

La limite de toutes ces mesures est qu’elles sont incapables d’agir sur les causes profondes de la crise. Au contraire, elles conduisent inévitablement à son aggravation. La crise du capitalisme prend ses racines dans le développement illimité de la technologie appliquée à la production industrielle. Le progrès technique permet certes, pour un capitaliste pris individuellement, d’économiser au niveau de la masse salariale, mais aussi de la dépense en moyens de production (produits en série à grande échelle par d’autres moyens de production, employant peu de force de travail, ce qui réduit leur prix).

Cependant, la productivité technique, en se développant, tend à supprimer l’emploi, qui est la source même de la valeur et de la plus-value (le profit des capitalistes étant fondé sur l’exploitation des travailleurs). Tandis que le taylorisme et le fordisme ont porté un coup terrible à l’emploi qualifié, le développement de l’automatisation, de la robotique et de la programmation intelligente a à la fois dégradé les conditions de l’emploi non qualifié et celles d’emplois hautement qualifiés. Dans ces secteurs, les créations d’emplois ne peuvent dorénavant être qu’inférieures aux destructions de postes. De plus, cette logique ne se limite pas à l’emploi industriel : elle se reporte depuis longtemps dans l’ensemble des secteurs dits de « déversement » de la main-d’œuvre (les secteurs d’activités en développement nécessitant de la force de travail dans lesquels les travailleurs et travailleuses licencié-e-s peuvent se reconvertir) : production de moyens de production, distribution, services, administration, et même éducation.

Le fait qu’une part croissante de la production de biens et services soit effectuée par des machines implique, pour que les capitalistes embauchent, que le coût salarial soit égal et même inférieur au coût d’une production automatisée. Ce coût est donc lui-même amené à diminuer pour les mêmes raisons (davantage de production automatisée, moins de travailleurs à payer). La tendance générale du capitalisme est donc de se diriger vers les modèles d’usines entièrement automatisées (Foxconn, par exemple) ou vers des conditions de travail proches de l’esclavage.

En conséquence, le pouvoir d’achat des ménages tend à diminuer, entraînant une diminution du nombre de personnes en capacité d’acheter (la demande solvable). La production n’étant pas vendue en totalité, les entreprises produisent à perte et ne bénéficient pas de l’ensemble des recettes. La production excédentaire est alors sans valeur marchande et inutile, tandis que des personnes sont dans la ­misère et ne peuvent satisfaire leurs besoins faute de pouvoir d’achat : c’est une crise dite de « surproduction ».

À supprimer de plus en plus de travail humain, le capitalisme tend ainsi vers une situation paradoxale. D’une part, il est un mode de production capable de produire pour toute l’humanité, où le travail humain devient progressivement superflu. D’autre part, son mode de distribution marchand nécessite des salaires suffisants, donc des salarié-e-s bien rémunéré-e-s, pour écouler ses marchandises, mais dont les salarié-e-s coûtent trop cher pour le capital par rapport à l’usage de moyens de production automatisés, aboutissant à des salaires diminués. Les conditions d’une crise majeure sont ici réunies.

Sans intervention politique sur l’économie, le capitalisme aurait connu une crise profonde dès la fin des années 1970. Cette crise a été amortie par le développement de la finance et du système du crédit. Il s’agissait d’apporter de l’argent rapide aux entreprises, aux ménages et à l’État, afin d’entretenir la croissance, c’est-à-dire la production et la consommation. De cette manière, on peut dire que la finance est venue au secours du capital. Cependant, il s’agissait là d’un cadeau empoisonné. Le système du crédit consistant dans l’anticipation de la création de valeur à venir, le ralentissement de la croissance à partir de cette période constituait un signe annonciateur de l’impossibilité de réaliser cette valeur future (c’est-à-dire de vendre les marchandises produites), et donc de rembourser les crédits. Pour qu’elle se réalise, il aurait fallu que les ménages puissent simultanément consommer toujours plus massivement et rembourser toujours plus de crédits (l’un limitant nécessairement l’autre), sans que leurs salaires ou que leur pouvoir d’achat ne diminue, et sans que la technique ne supprime potentiellement toujours plus d’emplois et ne déqualifie toujours plus de travailleuses et de travailleurs.

Ce qui se produisit est alors bien connu : une situation de remontée des profits et de forte accumulation sans croissance de l’économie réelle, accompagnée d’un gonflement des bulles financières, tandis que se multipliaient les titres pourris (actions perdant leur valeur) et que l’augmentation de la dette des entreprises, des États et des ménages, ne faisait qu’aggraver ces difficultés de réalisation. Cette situation a débouché sur la crise financière de 2008, celle de 2015 en Chine, tandis que les économistes prévoient déjà une crise économique bien plus profonde dans les années à venir.

L’impasse d’un autre capitalisme

La majeure partie de la gauche se trompe donc lorsqu’elle crie « haro » sur les banquiers et les financiers et les accusent de limiter le développement du capital productif et d’empêcher la relance de l’économie. La critique du capital fictif et du pouvoir de la finance ne peut être dissociée de celle du capital productif et du pouvoir patronal.

D’autre part, elle se trompe tout autant d’un point de vue programmatique. Il est bien évident que les vieilles recettes des Trente Glorieuses sont devenues obsolètes. Les politiques keynésiennes de relance ne pourraient aboutir qu’à un endettement encore plus massif ; tandis que la répartition des richesses, quant à elle, conduirait à une baisse plus rapide de l’accumulation, et ne ferait au mieux que différer le problème de quelques années.

Réduction du temps de travail

La diminution du temps de travail à 32 heures hebdomadaires, puis 30, 28, 24, 20, 16, etc., dans le cadre du mode de production capitaliste, amortirait peut-être le choc temporairement. Cependant, la transformation du mode de production ne se résume pas à une simple diminution du temps d’exécution. Elle affecte la nature même du travail. Or ces mutations mènent davantage vers un besoin de main-d’œuvre hautement qualifiée, consistant en une formation sur de nombreuses années et pas nécessairement accessible à chacun et chacune (si tant est que l’on n’en remplace pas une grande partie par des intelligences artificielles).

D’autre part, les mutations du travail sont en accélération constante, si bien que les travailleurs et travailleuses sorti-e-s de formation sont aujourd’hui presque systématiquement dépassé-e-s en quelques années par les évolutions du système. La réduction du temps de travail favorise ainsi les nouveaux entrants sur le marché du travail, c’est-à-dire les jeunes, mais elle laisse sur le carreau les travailleurs et travailleuses déqualifié-e-s en milieu ou fin de carrière.

On touche alors ici à la difficulté de former en temps et en heure suffisamment de main-d’œuvre adaptée aux évolutions du capital. D’autre part, il ne faudrait pas oublier que d’un point de vue capitaliste, il est plus rentable de former et d’embaucher un seul travailleur hautement qualifié que deux. Dans ce cadre, la tendance, déjà opérante, est à l’exclusion d’une quantité grandissante de travailleurs et travailleuses. Tout ceci mène droit vers un effondrement de la demande solvable.

Le capitalisme est à bout de souffle, ne proposant plus aux travailleuses et aux travailleurs qu’une alternative entre austérité croissante et exclusion sociale. La seule possibilité, à terme, est donc la rupture avec les fondements mêmes du capitalisme : la propriété privée des moyens de production, la concurrence, l’échange marchand de biens, services et force de travail. Il s’agit de sortir de la logique aveugle des échanges marchands, de la concurrence et de la croissance technique incontrôlée, et d’organiser la production et la distribution sur la base de délibérations démocratiques, autogestionnaires, en faisant en sorte d’employer tout le monde, sur un temps égal, et de distribuer la production en fonction des besoins, et non plus de la capacité productive ou de la compétence.

De la résistance à l’émancipation

Cette rupture ne se fera bien évidemment ni en un jour, ni en quelques années. Durant ce temps se livre une bataille dont l’enjeu est la conservation des avantages d’une classe au prix de l’appauvrissement de l’autre. Pour les capitalistes, l’enjeu réside dans la baisse sans limites des salaires directs et indirects et la destruction de l’ensemble des règlementations favorables au salariat. Pour les travailleuses et les travailleurs, il consiste, dans l’immédiat, à défendre ces acquis sociaux.

C’est dans ce cadre que s’inscrit la lutte contre la loi travail. Dans un second temps, à court terme, il est possible de gagner de nouveaux droits et de réduire, voire de supprimer totalement, la part des profits que les capitalistes destinent à leur consommation personnelle, afin de limiter l’approfondissement de l’austérité. À moyen terme, cette perspective ne peut conduire qu’à l’expropriation des capitalistes. Mais elle ne supprime pas les causes systémiques de la crise. La lutte des classes ne pourra déboucher sur une émancipation réelle que si elle se fixe l’objectif d’une rupture anticapitaliste et s’organise progressivement, au niveau international, pour y parvenir.

Flo (AL Marne)

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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 20 Juil 2016, 01:33

Tout bloquer devient vital

Tout d’abord, il faut comprendre que nous considérons que plus aucune amélioration importante de notre existence ne peut être espérée dans le cadre capitaliste et son régime politique, la démocratie parlementaire. L’Europe connaît quasiment sans discontinuité depuis 40 ans une crise économique et sociale. Cette crise structurelle ne pourra jamais être résolue par un volontarisme politique qui accepterait les cadres de ce système : État, économie marchande et propriété privée.

Selon nous, cette impossibilité explique les échecs de Syriza, les renoncements de Podemos et de toutes les initiatives qui veulent explicitement ou non se poser comme nouvelle « gauche radicale ». La plupart de ces initiatives partent du principe que la crise du capitalisme provient de la mauvaise répartition des richesses et qu’en rééquilibrant la balance on pourrait à la fois relancer l’économie et permettre aux gens de vivre mieux. Nous nous opposons à cette croyance de possibilité de gestion alternative de la crise. C’est une erreur fondamentale de croire que la part de la richesse engloutie par le capital n’est pas nécessaire à sa propre survie. La question d’une solution par une meilleure répartition des fruits de l’économie ne nous paraît donc pas possible.

Nous sommes la crise

Il faut comprendre les différentes réformes qui touchent actuellement l’Europe (on pense précisément ici, à la Belgique et à la France, mais ces réformes ont déjà eu lieu en Allemagne, Espagne ou Grèce) comme une nécessité pour le capitalisme de renouveler les sources de profit afin d’assurer sa survie.

Les classes dominantes semblent privilégier quatre voies :

1) Tout d’abord en intensifiant le travail, c’est-à-dire en essayant de détruire la rigidité organisationnelle qui l’empêche d’allouer la force de travail efficacement en interne des entreprises. C’est ce qu’on a coutume à appeler dans le langage managérial la flexibilisation du travail. En Belgique c’est clairement le sens de l’annualisation du temps de travail qui permettra au patronat de mieux employer la force qu’il paye.

2) Dans une moindre mesure, les capitalistes tentent de s’attaquer à la rémunération des travailleurs pour augmenter la part revenant au capital. Cependant ces attaques ne sont pas la composante principale de l’offensive actuelle et se font plutôt de manière indirecte : Les gestionnaires politiques préfèrent s’attaquer aux sursalaires (travail du dimanche, heures supplémentaires), au salaire collectif (salaire brut) ou aux rémunérations hors emploi (chômages, allocations CPAS, congés maladies) que le salaire direct des travailleur.euse.s. La raison d’une telle stratégie est double, d’une part, ne pas créer une crise (supplémentaire) de « sous-consommation » en attaquant le « pouvoir d’achat ». D’autre part, les politiciens savent qu’une diminution trop brutale du salaire poche serait trop visible et risquerait de provoquer un embrasement social.

3) Ce dernier élément d’attaque sur le salaire socialisé ou salaire indirecte se double d’un redéploiement de l’État capitaliste. Ce redéploiement se caractérise par une privatisation de certaines prérogatives de l’Etat. Les fonds ainsi dégagés par les privatisations sont réorientés vers le financement plus ou moins direct des profits capitalistes (aides aux entreprises, réductions fiscales, etc.). Les secteurs privatisés par l’État peuvent être absorbés par la sphère de l’économie privée, ce qui crée de nouvelles sources de valorisation pour le capital. Dans d’autres cas, le redéploiement se caractérise plutôt par une réorientation des prérogatives sociales de l’Etat transformées en outils répressifs chargés d’imposer la nouvelle discipline économique aux classes populaires (restriction de la protection sociale, contrôle et sanction des chômeurs, etc.) et les contraindre à l’emploi précaire. L’état social est devenu état punitif.

4) Cette transformation de l’économie capitaliste permet également le glissement d’une norme de l’emploi hérité de la période fordiste (CDI, plein temps) vers une nouvelle forme plus adaptée au capitalisme tardif (CDD ou Interim, temps partiel, etc.). Ces emplois précaires et flexibles sont bien évidemment beaucoup plus profitables aux patrons, ce qui permet souvent de dégager des profits rapides. L’existence de travailleurs-euses précaires permet en plus de faire pression vers le bas pour les emplois plus stables.

En ce sens, le refus de s’adapter à ces réformes qui visent à renouveler les sources du profit du capital tend à faire advenir la crise du système capitaliste. Cette crise est une brèche au cœur même de la forteresse du capital. Nous voulons l’approfondir et l’élargir, nous le clamons sans honte nous sommes la crise et la crise est notre politique. Nous voulons basculer d’une crise de fait à une crise volontaire.

Notre programme, bloquer le plan du capital

Notre unique programme est d’accentuer la crise du système en bloquant le plan néolibéral de transformation du capital par tous les moyens nécessaires, en bloquant toutes ses réformes et en approfondissant ses contradictions. En résumé si le capital veut flexibiliser le travail, une stratégie révolutionnaire est de rigidifier le plus possible celui-ci. Non pas que nous croyons que le CDI -comme norme d’emploi – ou plus de lois protégeant les salariés-es constituent une alternative anticapitaliste ou une voie vers le communisme libertaire. Mais parce que nous considérons avant toute chose, que ces luttes sont outil qui permet d’aggraver la crise du capital en mettant en échec les « réformes de travail » qui le revitalisent.

En augmentant les contradictions du capital, nous nous donnons le temps aussi de recomposer nos forces. La mutation permanente du capital ces 40 dernières années rend très difficile l’émergence d’un processus d’opposition conséquent. Une forme de valorisation à peine apparue, celle-ci fait place presque immédiatement à une autre, avant même qu’une analyse ou qu’une résistance puisse émerger. Face à ce constat, ralentir le rythme de réformes, nous laissera le temps de recomposer nos forces.

Le Peuple n’obtient que ce qu’il prend

Face à la misère et la pauvreté qui touchent toujours plus notre classe. Face à l’injustice de ce système qui fait de nous des précaires, nous ne pouvons fermer les yeux.

Nous n’attendons pas que les puissants daignèrent tourner leurs yeux vers nous ou tendre une oreille pour écouter nos peines. Nous ne revendiquons rien, nous prendrons ce qui nous revient. Non pour survivre mais pour vivre. D’une manière ou d’une autre, il s’agit de substituer une partie du monde au système marchand. Nourriture, vêtements, logements, savoirs, loisirs, transports, santé, etc., tout ce que la bourgeoisie nous refuse ou lui permet d’affirmer ses privilèges, nous le prendrons gratuitement, librement et le rendrons accessible à toutes et tous.

Nous sommes partisan-e-s de tout arracher à la bourgeoisie mais en attendant nous profiterons de chaque occasion pour diminuer les privilèges capitalistes.

Il faut, de là où nous sommes, participer à l’auto-­organisation des exploité.e.s. Assemblées de travailleurs-euses ou de chomeurs-euses, de quartier, collectifs, syndicats, etc. Pourvu qu’ils concourent à l’autogestion et l’autonomie des luttes. Pourvus que les exploité.e.s puissent se fédérer et décider ensemble des conditions de lutte et des moyens d’action.

Contre la précarité du capitalisme néolibéral, nous n’attendons rien des patrons, des politiciens ou de quelques puissants, nous ne comptons que sur notre propre force pour réaliser notre émancipation.


Alternative Libertaire Bruxelles

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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 01 Nov 2016, 19:10

Mieux comprendre le capitalisme pour mieux le détruire

Producteur précaire, emprunteur, consommateur, contribuable, usager de services publics, ressources naturelles, à tous ces titres le capitalisme protéiforme du XXIe siècle nous exploite !

Les crises à répétition qu’a traversées l’économie mondiale ces dernières années le montrent : le capitalisme est arrivé à un stade de développement bien particulier. Bien sûr, le capitalisme actuel a hérité de ses stades antérieurs : les traces et les tares sont nombreuses. Les marchands et industrieux, pour accroître leur capital, s’appuient sur deux ressources : la main-d’œuvre bon marché et les produits issus des colonies. Le colonialisme – impérialisme des États et de leurs pilotes capitalistes –, est, depuis trois siècles, et continue d’être aujourd’hui, une grande source d’augmentation de profits pour les capitalistes, grands et petits.

La finalité première de tout capitaliste est d’augmenter les capitaux accumulés grâce au surtravail non rémunéré. Mais plus encore grâce au développement des échanges, échanges toujours inégaux dans ce système (voir tout le travail de Samir Amin sur « l’échange inégal » en Afrique et dans le monde).

Avec les premières crises de développement du capitalisme, on s’aperçoit peu à peu que ce système économique se développe par crises successives. Les crises constituent le seul moyen de régulation du système capitaliste.

Le premier objectif des crises concerne la lutte sans merci que se livrent les capitalistes entre eux. Chacun tente de s’approprier les parts de marché des autres. Dans cette loi de la jungle, tous les coups sont permis et le plus souvent dans la précipitation. Le système n’a qu’une vision à court terme. Ses capacités d’anticipation ne sont pas meilleures aujourd’hui qu’hier. Ce qui laisse penser que le système, dominé qu’il est par l’appât de profits, est peu apte à son propre apprentissage.

Le second objectif des crises est de réduire la part du salariat pour augmenter la part du capital. Comprimer les charges de salaires, rattraper par la baisse des pouvoirs d’achat les sommes perdues (augmentations des salaires concédées, provisoirement, à cause des grèves et luttes ouvrières). Obtenir des modifications de législation pour rendre les ouvriers plus précaires et dépendants, afin de leur couper les ailes et de réduire leur pouvoir de nuisance. Depuis 1989 les capitalistes se lâchent et exigent des gouvernants des politiques d’austérité qui leur permettent d’obtenir les plus grands profits possibles pour eux et les plus grandes précarités pour tous les autres.

Au menu : la précarité pour toutes et tous !

L’exploitation des salarié-e-s ­reste une des bases de l’enrichissement des capitalistes de par le monde. Mais au cours du XXe siècle les classes des ouvriers ont montré des capacités de lutte insoupçonnées. Aussi le capitalisme agit-il depuis pour accroître les groupes de précaires et diminuer, notamment par une multiplication des statuts des travailleurs, la force des ouvriers.

Les capitalistes ont compris qu’il fallait, pour protéger leurs surprofits, qu’ils augmentent les groupes d’employées (écrit au féminin car 85% des employés sont des femmes), de « chômistes », de précaires, de sans-diplômes, de sans-papiers, de pauvres, pour rapprocher ces groupes sociaux d’un esclavage « moderne » au service des riches. Tout en maintenant la capacité minimum de ces populations à consommer pour que les échanges marchands continuent à se développer. Quand va-t-on remplacer la valeur d’échange marchand par la valeur d’utilité sociale ? En utilité sociale, personne n’est précaire !

La finance internationale prétend régenter le monde

Le nouveau capitalisme est caractérisé par de très grandes entreprises et de très grandes multinationales qui ne veulent plus se « salir les mains » avec l’exploitation des travailleurs. Ce capitalisme est en train de se transformer en une myriade de sociétés toujours plus anonymes et d’entreprises sans ouvriers. Ces « entreprises » vont donc sous-traiter la production concrète à des sous-entreprises de production de biens, dans lesquelles les cadres feront le sale boulot de « gérer », c’est-à-dire exploiter, le personnel employé et ouvrier, qui sera de plus en plus précarisé.

Ainsi, on dilue les responsabilités, on rend toujours plus anonyme le pouvoir et on se cache toujours plus derrière cet écran de fumée organisationnel. Ce capitalisme devient essentiellement, voire exclusivement, financier. Il dicte les taux de rendement financier à ses sous-traitants et à ses collabos.

Le passage du capitalisme classique à ce capitalisme financier, commencé dans les années 1973-1975, s’est accéléré à partir de 2007. Le capitalisme financier exploite essentiellement des contrats, des conventions financières et des crédits, dont beaucoup sont les emprunts d’État.

Ces trafics financiers, y compris les « marges » de profits en provenance des sous-traitants, produisent l’essentiel des profits. Les énormes masses financières concernées doivent tourner le plus vite possible, grâce à la multiplication des échanges marchands internationaux, pour accroître encore les profits. Les capitalistes inventent toujours plus d’officines de crédits aux particuliers, d’organismes intermédiaires de transport et de distribution, pour ne laisser aucun espace à un autre système.

D’autre part ces mêmes pôles financiers s’enrichissent aussi grâce aux emprunts des pays pauvres, emprunts organisés sous l’égide et les exigences du FMI, ce qui aboutit au fait que ces pays ne peuvent annuellement que payer les intérêts des emprunts, sans jamais espérer rembourser le capital emprunté. Ce sont de véritables mafias légales qui se sont mises en place au niveau mondial et ce qu’ils appellent la « mondialisation » n’est en fait que l’internationalisation de l’accaparement et de « l’anonymisation » des capitaux (voir les études du CADTM à Genève sur ce point).

L’exploitation des ressources de la planète et l’impérialisme

Dans les premières analyses du capitalisme de 1830 à 1914, le capitalisme était dénoncé essentiellement pour son exploitation du travail humain. Peu d’analyses montraient qu’il ne pouvait fonctionner sans l’exploitation des ressources de la planète. Les croyances de l’époque laissaient penser que les ressources naturelles étaient infinies. De plus l’idée était : « Si on ne trouve pas ce qu’on veut dans les pays industrialisés, qu’on aille le prendre ailleurs. »

Époque « bénie » des colonisations, avec les trois M, Militaires, Marchands et Missionnaires. C’était ce que pensaient aussi beaucoup de militants et militantes de gauche de l’époque. Inutile de condamner les perspectives étroites qui étaient les leurs alors, mais on peut se demander en quoi, aujourd’hui, les militants et militantes de gauche devraient persévérer ces étroitesses de vue ?

Dans ce siècle 21, les colonisations se poursuivent, déguisées parfois, mais tout aussi sauvages (on ne va pas développer ici, voir les sites notamment de Survie et de Sortir du colonialisme) Les exemples récents concernent l’« achat » des terres rares d’Afrique par la Chine, l’Inde, les États-Unis, l’Australie (par ordre d’importance). Il y a aussi les politiques capitalistes extractivistes et les luttes des révolutionnaires en Amérique du Sud contre ces politiques. La lutte anticapitaliste aujourd’hui n’intègre pas assez cet aspect impérialiste. Si certains ont l’impression que le colonialisme a disparu avec les colonies, il n’a pas disparu pour les peuples colonisés !

Dans les pays développés, des voix s’élèvent de plus en plus contre cette exploitation de la planète et contre les discours officiels sur les « bienfaits de la croissance ». De nouveaux militants et militantes existent alertent sur les signes avant-coureurs de la dégradation de la planète.

Entendez-vous les quolibets, les insultes, avec lesquelles beaucoup de militants de gauche, forts de leurs analyses, ont accueilli « celles et ceux qui veulent revenir à la bougie » ? Ils et elles ne parlent que de nucléaire, d’OGM, d’abeilles, de baleines. On leur reproche d’être enfermés dans leurs « spécialités »… Il ne s’agit pas ici des écolos de gouvernement, mais bien des écologistes de base, ceux qui commencent à participer à des actions contre le système : ils évoluent vite vers des thèmes qui interrogent : décroissance, changer de climat, circuits courts entre producteurs et consommateurs, lutte contre le capitalisme vert.

Les capitalistes traient les consommateurs et les emprunteurs comme des vaches

Ce que le capitalisme du siècle 21 ne peut capter par la seule réduction des salaires, il l’obtient en pressurant le consommateur. Chaque employée, chaque ouvrier, chaque personne précaire est obligée, pour survivre elle et sa famille, de consommer dans ces bazars que sont les soi-disant « super » marchés.

La multiplication de la grande distribution devait garantir la concurrence. De fait, les accords secrets entre ces entreprises limitent la concurrence au minimum, juste un peu pour paraître acceptable aux yeux des contrôleurs, des lois antitrusts et des gouvernements. Malgré les textes et les discours de l’Union européenne sur la « concurrence non faussée », depuis le début de ce siècle, c’est la concurrence faussée qui règne.

Cette exploitation des consommateurs prend une nouvelle tournure dès les années 1990 avec la mise en œuvre par les capitalistes d’une accélération de la vitesse d’obsolescence des techniques et des produits. Il ne s’agit plus seulement de produire des biens et services nécessaires, mais de changer la mentalité des consommateurs. Il faut les amener à penser en termes de mode, les amener à se passionner pour les technologies nouvelles (ce que font plus aisément les hommes que les femmes), à aimer ce qui est rapide, fast, à aimer ce qui nécessite une réponse et une satisfaction immédiates.

Les consommateurs et consommatrices vont se laisser séduire par tout ce qui est « in », à la mode, tout ce qui est le « must », le dernier cri. On imagine-là le rôle des publicitaires et des médias sur les mentalités, médias financés par les publicités des entreprises. Les consommateurs ne savent pas ou ne veulent pas savoir que ce qui est vendu comme le dernier cri, en matière d’appareils techniques notamment, est démodé dans les laboratoires des industriels, où est déjà mis au point le « dernier cri » suivant. Ils ne savent pas non plus qu’il existe des usines de fabrication de « soldes » dans lesquelles des ouvrières (majoritairement des femmes) de l’Inde, de Turquie, du Bengladesh, de Tunisie, de Chine, sous-payées et maltraitées, triment pour survivre.

Mais comment faire pour que des personnes, qui ont des revenus stagnants et un pouvoir d’achat toujours plus faible, consomment davantage ? Il faut développer chez les consommateurs l’envie d’avoir dès aujourd’hui ce que l’on payera demain. Les sociétés financières développent donc à outrance les modalités et sociétés de crédits à la consommation et autres. Autant de laisses que les capitalistes mettent au cou des emprunteurs. (comment ensuite pourraient-ils faire grève ?)

Les capitalistes exploitent aussi les contribuables

Le capitalisme du siècle 21, non content d’exploiter le travail de tous les travailleurs et travailleuses, non content d’exploiter la planète, non content d’exploiter les consommateurs et les emprunteurs, exploite aussi les contribuables. Ces employées, ces ouvriers sont aussi de plus en plus des contribuables exploités, du moins celles et ceux qui payent des impôts. Les capitalistes, qui sont les premiers à critiquer l’État et ses réglementations, sont ceux qui profitent le plus de subventions affichées ou déguisées de toutes les organisations territoriales de tous niveaux.

Les baisses d’impôts et les diminutions des cotisations sociales patronales de la part de l’État central se chiffrent en milliards chaque année. Les subventions obtenues par les entreprises privées auprès des régions et des conseils départementaux, avec ou sans chantage à l’emploi, sont autant de ponctions dans l’argent versé par les contribuables (peu de statistiques globales sur les sommes ainsi détournées). En plus de subventions en espèces, les capitalistes obtiennent beaucoup d’avantages en nature. Des exemples à foison !

Une partie des impôts engraisse les capitalistes, petits et grands. Et les élu-e-s sont toutes et tous complices de ce transfert de fric des caisses publiques vers les poches privées, avec ou sans corruption, pots de vin et rétrocommissions.

Mais la lutte essentielle pour les capitalistes porte sur la privatisation de tous les services publics. Avec l’aide de la législation de l’UE, les services publics sont démantelés les uns après les autres et leur « gestion », lucrative et elle seule, est ensuite confiée à des entreprises privées : énergie, eau, poste, téléphonie, cliniques privées qui fleurissent au détriment de l’hôpital public, auquel on laissera la santé des pauvres. Écoles, culture et loisirs suivent le même chemin. À terme c’est la fin de l’État-Providence et des services publics.

Face à ce capitalisme protéiforme, changer de militantisme ?

Ce qui nous distingue aujourd’hui des courants de la « gauche » traditionnelle, c’est que ces derniers veulent adapter les humains au système capitaliste. Les socialo-libéro-centristes croient encore à l’humanisation du capitalisme. Ils font montre en ce sens d’une méconnaissance crasse du capitalisme du siècle 21, qui n’est que recherche absolue et opportuniste des plus grands profits possibles dans ces cinq champs d’exploitation, quels qu’en soient les dégâts faits aux humains et à la planète.

Les courants anarchistes et libertaires veulent eux changer de système économique. Cependant le fait de crier « anticapitalisme » suffit-il ? Ni dans les objectifs, ni dans la forme des organisations, ni dans une autre définition du militantisme, on ne trouve pris en compte ensemble ces cinq champs de luttes. De plus, et à l’exception du premier champ qui constitue évidemment un socle plus classique pour la gauche, ces cinq champs ne sont pas reliés entre eux. Pourtant, ce sont ces liens qu’il faudrait travailler sur les terrains de lutte, si nous voulons un jour être en mesure de changer le système économique et social. Sinon, crier seulement son « anticapitalisme » restera inutile.

Jaèn Boyer (anarcho-syndicaliste à Perpignan)

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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 19 Nov 2016, 15:18

Vers l’autoritarisme ?

Le renforcement des tendances autoritaires dans les sociétés capitalistes avancées constitue assurément l’un des faits politiques majeurs de notre temps. Cette coordonnée centrale de la situation politique nationale, européenne et mondiale, a d’ailleurs été saisie par le récent mouvement, en France, contre la loi travail et son monde, qui a noué solidement les questions sociale et démocratique.

Mais l’actuelle poussée d’autoritarisme renvoie moins à des facteurs strictement conjoncturels qu’à une transformation durable des formes politiques de la domination bourgeoise. Les centres du pouvoir capitaliste ne parvenant pas, par les moyens ordinaires de la démocratie parlementaire, à surmonter les contradictions du capitalisme dans sa configuration néolibérale, une période s’est ouverte de régression structurelle des droits démocratiques et sociaux conquis par le mouvement ouvrier au XXe siècle.

... http://www.anti-k.org/2016/11/07/vers-l ... DBeyWczW1t
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede Pïérô » 03 Jan 2017, 01:16

Capitalisme et crises

Cet article correspond à la suite de l’atelier économie qui s’est tenu aux rencontres libertaires du Quercy. Nous avons (re)vu dans l’article précédent la théorisation de l’exploitation. Nous allons nous pencher maintenant sur un phénomène tellement d’actualité depuis tellement longtemps qu’on peut parfois se demander si ce n’est pas une arme idéologique du patronat, le phénomène des crises. Les débats n’avaient pas été enregistrés. Il se peut que certaines remarques aient été oubliées. Certains aspects n’avaient pas eu le temps d’être développés pendant l’atelier.

Retour dans le passé

Revenons à l’époque de Marx. Avec la révolution industrielle et l’essor du capitalisme, le 19ème siècle ouvre une période nouvelle pour l’humanité. Jusque là, on connaissait les crises de pénurie, c’est-à-dire des crises essentiellement agricoles, qui correspondaient à un phénomène simple, on ne produisait pas assez pour satisfaire aux besoins les plus élémentaires de l’ensemble de la population. D’où des famines. Vous me direz, nous connaissons encore au 21ème siècle des épisodes de famines dans certaines régions. Oui, mais ce n’est pas pareil. La différence ? Certes, une partie importante de la population est sous-alimentée, quand même 868 millions de personnes dans le monde d’après la FAO, soit un huitième de l’humanité. Mais ce n’est pas faute de production suffisante. On produit à l’échelle de la planète de quoi nourrir, loger, habiller, etc, l’ensemble de la population. Là est la nouveauté qui apparaît au 19ème siècle, là est le scandale.

Pour Marx, qui est d’une époque où on a encore la mémoire des crises de pénurie, l’existence même de l’échange marchand ouvre une nouvelle possibilité de crises. En effet, quand on produit pour satisfaire un besoin précis, on produit forcément utilement. Mais lorsque l’échange marchand commence à gouverner la production, on ne produit pas pour satisfaire ses besoins ou ceux de ses voisins, on produit une marchandise pour la vendre pour ensuite s’acheter ce dont on a besoin. On introduit alors une incertitude : vais-je vendre ? C’est ce que Marx appelle « le saut périlleux de la marchandise », ou possibilité formelle des crises. Les crises sont pour lui inhérentes au système, puisque la production n’est pas coordonnée en fonction des besoins.

Des crises consubstantielles au capitalisme

Il introduit aussi la « loi de la baisse tendancielle du profit », c’est-à-dire l’idée qu’à terme le taux de profit doit baisser, qui est un peu plus compliquée à comprendre. En gros, la plus-value, donc le profit, vient du travail vivant. Or, le capitalisme utilise de plus en plus de machines, donc la part du travail mort (les machines) (qui ne fait que transmettre sa valeur aux marchandises) augmente au détriment de celle du travail vivant (qui est le seul créateur de valeur, donc de plus-value, donc de profit). Donc, même si les profits augmentent, leur taux (le rapport à l’investissement) a tendance à diminuer. Il n’est pas très intéressant de discuter si ça se vérifie dans la réalité (je sais, on pourrait remplir une bibliothèque entière avec les controverses sur la question), ce qui est intéressant là-dedans, ce n’est pas cette loi, c’est ce qu’elle provoque. Dans le chapitre du capital qu’il lui consacre, il expédie cette loi en quelques paragraphes puis développe tout le long du chapitre que c’est l’aiguillon qui oblige le capitalisme à innover et se transformer sans cesse, et c’est ça qui l’intéresse.

Deux types de crises sont donc inhérentes au système et éclatent périodiquement. Comme on l’a vu plus haut, il peut y avoir des crises de surproduction. Il peut aussi y avoir des crises de suraccumulation : il y a trop de capital par rapport aux profit qu’il peut engendrer. Ces deux types de crises se rejoignent car il y a un excédent de capacités de production, et elles sont difficiles à distinguer. Mais là n’est pas l’essentiel. Chaque sortie de crise se traduit par une concentration accrue (donc l’élimination d’une partie des capitalistes), la destruction d’une partie du matériel obsolète. D’où le lien entre crise et guerre : la guerre permet de sortir de la crise de deux façons, d’abord en détruisant les usines donc les capacités de production excédentaires, mais aussi en offrant des débouchés à l’industrie. Il ne s’agit donc pas de guerres coloniales ou impérialistes comme le monde en est secoué en ce moment (celles-là offrent des débouchés mais ne détruisent pas assez de capital), mais de vraies guerres au cœur du système industriel (les « guerres mondiales »).
Le chômage aussi est inhérent au système, mais ce n’est pas forcément un symptôme de crise. Le capital a besoin d’une main d’oeuvre excédentaire pour peser à la baisse sur les salaires. C’est ce que Marx appelle l’armée industrielle de réserve. Ne confondons en effet pas crise et misère. Le capitalisme, ça peut parfaitement être la misère sans la crise. Il peut en effet se porter très bien quand nous nous portons très mal. Ce qu’on désigne par crise, c’est lorsque le système lui-même est en crise, et bien sûr, dans ces cas là, nous nous portons encore plus mal.

Marx pose aussi la question des débouchés pour le capital. En effet, à son époque, ce n’était pas la classe ouvrière qui risquait de consommer la production de masse. Et d’une certaine façon, ça ne l’est toujours pas. Pour qu’elle consomme beaucoup, il faut diminuer la plus-value. Une solution provisoire avait été trouvée à cette contradiction avec le fordisme et l’état providence en crise depuis le début des années 70. En effet, le fordisme reposait sur un compromis social qu’on peut résumer caricaturalement ainsi : les syndicats acceptent les conditions de travail imposées par le capital, en gros le travail à la chaîne et les accidents de travail qui vont avec, en échange d’un salaire décent et d’une déprécarisation de la classe ouvrière (protection sociale, code du travail avec CDI...). En quoi cela permettait-il de résoudre la contradiction entre débouchés et plus-value ? L’essentiel de la plus-value devient alors de la plus-value relative, c’est-à-dire qu’elle ne repose pas sur l’allongement de la durée du travail mais sur les gains de productivité qui permettent d’abaisser la valeur des marchandises qui sont nécessaires à la consommation ouvrière. Bien sûr, ce compromis n’a pas été volontairement recherché par le capital. C’était le résultat du rapport de forces au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et la crise ne date pas du choc pétrolier. C’est ce compromis qui était entré en crise dès la fin des années 60, dès lors que les conditions de travail ont commencé à être massivement contestées (rappelez-vous les grèves massives d’OS dans la foulée de 1968, le slogan « ne pas perdre sa vie à la gagner »...). C’est parce que le système était déjà en crise que l’augmentation du prix du pétrole a eu un effet aussi dévastateur. Et c’est aussi ce compromis qui a été systématiquement démantelé par l’offensive néo-libérale depuis le début des années 80. Le patronat en est revenu à la bonne vieille recette de l’intensification du travail et de l’allongement de sa durée. Et il a cru résoudre le problème des débouchés par une explosion des crédits, qui ont en plus l’avantage d’enchaîner plus solidement encore les exploités à leurs exploiteurs. Sauf que cette solution ne pouvait être que temporaire, et on l’a vu avec la crise des subprimes dont nous subissons encore les conséquences.

Rosa Luxembourg avait repris au début du siècle dernier cette question des débouchés en expliquant que le capitalisme avait besoin d’un extérieur à dévorer sous peine de périr. Elle expliquait ainsi les conquêtes coloniales notamment. Cette idée peut être intéressante à creuser à nouveau aujourd’hui. Cet extérieur ne peut plus être géographique, le capitalisme a conquis toute la planète ou quasiment. Il a hélas presque fini de détruire ou de soumettre tous les autres systèmes sociaux ou modes de production qui pouvaient résister, les soit-disant sociétés arriérées. Mais cet extérieur peut avoir aussi un autre aspect : ça fait longtemps que nous dénonçons la marchandisation de notre société. Et effectivement, un des extérieurs que le capitalisme dévore en ce moment, c’est ce qu’il restait comme espaces non marchands y compris au sein des sociétés dites développées : loisirs, entr’aide, travail domestique, vie privée...

Un des débats aujourd’hui chez les économistes, marxistes ou non d’ailleurs, est de savoir si nous sommes en crise ou non. Ce qui pose accessoirement la question de savoir ce qu’on désigne sous le nom de crise économique. On peut poser la question en termes purement économistes : le système capitaliste est en crise quand le taux de profit baisse. Il y a en ce moment des discussions pour savoir si le taux de profit est reparti à la hausse (il n’y aurait donc plus crise du capital) ou non. Je ne me sens pas les compétences (et surtout, je ne dispose pas du temps nécessaire, je ne suis pas rentière !) pour trancher. On peut aussi poser la question de façon plus dynamique. Le capitalisme se transforme perpétuellement, il doit renouveler sans cesse ses modalités d’exploitation, en termes d’organisation du travail comme de compromis social. Ce qu’on va désigner comme crise alors, c’est lorsqu’un mode de développement capitaliste est épuisé sans qu’un nouveau aie été trouvé. Il est clair que le modèle fordiste, le modèle de l’état-providence qui a fondé les « trente glorieuses » est terminé. On peut considérer qu’il est dans ses derniers soubresauts qui ont duré donc environ 30 ans. La question est de savoir si un nouveau modèle a pris le relais. D’une certaine façon, la réponse est oui. Durant ces plus de trente années d’offensive du capital mondial et de défaites successives des exploités, en terme de rapports de classes comme en terme de rapports néo-colonialistes, une nouvelle forme/modalité capitaliste est apparue, basée sur un essor sans précédent de la finance. Les marchés financiers jouent depuis longtemps un rôle important dans le système capitaliste, mais ils en sont maintenant au cœur à un degré inconnu jusqu’ici. Surtout, la nouveauté du siècle dernier, c’est l’importance prise par le système de crédit dans la consommation de masse. Jusqu’à la fin de la première moitié du 20ème siècle globalement, on pouvait considérer que la finance et l’argent des exploités relevaient de deux univers séparés. Aujourd’hui, les exploités le sont aussi via le crédit et la quasi-obligation (obligation en France mais pas dans tous les pays) de détenir un compte en banque.
Mais cette réponse entraîne de nombreuses questions. Vivons-nous aujourd’hui une nouvelle crise, c’est-à-dire une crise de ce modèle financier ? Comment analyser le rôle actuel des marchés financiers et de la banque dans le système ? Ces questions ont été assez peu approfondies par Marx et les marxistes/marxiens révolutionnaires. A l’époque de Marx, ce système était encore très embryonnaire.

Quelques réflexions sur la finance

Reste qu’on ne peut plus se dispenser de réfléchir sur le rôle des marchés financiers si on veut comprendre ce qui se passe. La finance quelles que soient ses formes a en effet une caractéristique, elle ne crée pas de valeur : elle ne se mange pas, elle ne produit rien d’utile ou d’utilisable, elle ne devient créatrice de richesses qu’investie, immobilisée dans la production (de biens ou de services).

Et en effet, on peut se dire que les profits financiers sont prélevés sur la masse des profits, et que donc, l’importance de la finance, c’est d’abord une histoire de rapports de forces entre fractions du capital. Que les financiers prennent du gras sur les patrons du commerce et de l’industrie nous importe finalement assez peu. On ne peut cependant plus exactement raisonner comme ça : en France (qui est un cas un peu extrême), les revenus financiers représentent presque 90% des excédents des entreprises non financières. Il y a donc en fait une financiarisation de l’ensemble du capitalisme. En quoi cela nous intéresse-t-il ? Déjà, partir dans des grandes envolées sur la finance en faisant l’impasse sur le reste du système n’a aucun sens. On ne peut pas opposer une logique financière prédatrice à une logique entrepreneuriale caractéristique du système capitaliste industriel et commercial. Les deux sont maintenant inextricablement liées. C’est une des grandes limites des mouvements contre la financiarisation de l’économie, notamment ATTAC et le combat pour une taxe sur les transactions financières. On ne peut pas séparer le combat contre la finance du combat anticapitaliste, sous peine sinon de laisser le champ libre aux politiciens pour des postures antifinance démagogiques tant qu’on ne touche pas au système, voire pire, laisser le champ libre à des interprétations antisémites.

Or, la logique financière est effectivement un peu différente de la logique capitaliste traditionnelle. On peut en effet considérer les placements financiers comme une prévalidation des profits futurs, comme une préemption sur la création à venir de valeurs. On peut analyser l’essor de la finance comme une « montée en puissance des engagements de paiement anticipant sur la production à venir en proportion de richesses effectivement produites » (1) C’est donc un véritable encadrement des conditions capitalistes d’exploitation et une vraie pression supplémentaire. Et il y a une différence entre ces placements, que l’on peut qualifier de « capital fictif » et un investissement industriel ou commercial. C’est que lorsqu’on construit une usine, on investit de l’argent durablement, s’en désengager du jour au lendemain signifie une perte sèche importante. La caractéristique des investissements financiers, c’est qu’ils sont liquides, c’est-à-dire qu’on peut s’en dégager brutalement sans perte ou en limitant les pertes (ce n’est que de l’argent qui circule). Ceci change les logiques de gestion et d’accumulation. Ceci complique également le rapport de forces dans une lutte collective : les salariés ne savent pas forcément qui est leur patron, et ce patron est partiellement anonyme, caché derrière des transactions boursières, et très changeant. Lorsque ce sont les marchés financiers qui dictent les conditions d’exploitation, c’est directement contre un système que se battent en réalité les salariés.

On peut aussi remarquer qu’il s’est instauré en plusieurs décennies une véritable gouvernance mondiale par la dette. Ceci a commencé dans la années 80 dans les pays du tiers-monde avec les plans d’ajustement du FMI, c’est-à-dire l’utilisation du prétexte de la dette pour imposer une politique économique aux pays endettés. Cela continue aujourd’hui dans la zone euro, avec l’exemple éclatant de la Grèce. Mais, la particularité de la Grèce, c’est qu’elle a essayé de résister. Ces politiques économiques ont bien été imposées en Espagne, au Portugal, en Italie. Rappelons que pour la France, la loi travail correspondait à une préconisation de la Commission Européenne dans les discussions sur le déficit budgétaire français. Il existe aujourd’hui une forme de gouvernement économique mondial d’une très grande bourgeoisie transnationale qui impose ses lois par le canal du financement de la dette.

Beaucoup de questions demeurent donc sur la « crise » actuelle. Est-ce un nouveau mode de gouvernance capitaliste ou est-ce une crise du capital ? Ce modèle capitaliste financier est-il déjà en crise ou sommes-nous au début d’une longue période où ces « crises » feront partie de la normalité du système ? D’un point de vue capitaliste, comment résoudre la contradiction entre des profits qui viennent quand même in fine de la création réelle de richesses, et un capitalisme flottant qui refuse tout engagement à long terme et exige une rentabilité immédiate élevée, qui gagne aujourd’hui autant par la spéculation que par l’exploitation ? Sachant que l’argent de la spéculation est quand même pris forcément sur notre sueur, la plus-value qu’on nous extorque.

Sylvie

(1) Cédric Durand, le capital fictif, les prairies ordinaires, 2014. Le capital fictif est le nom donné par Marx aux placements financiers, fictif car ce n’est pas un investissement réel, créateur de marchandises.


http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1917
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 18 Mar 2017, 18:26

Pourquoi la finance est-elle nécessaire au capitalisme ?

La dénonciation de la financiarisation de l’économie est très à la mode depuis le début de la crise de 2008. Si ça s’est un peu calmé chez les politiques ces derniers temps, elle reste largement présente en filigrane chez tous ceux se présentant comme « anti-système ». Quel système ? Ce n’est jamais clair, chacun à sa version et personne ne met le mot « capitaliste » derrière. Mais presque tous affirment leur volonté de redonner sa place à « l’économie réelle » par rapport à la finance vue comme « parasite ». Comme s’il existait deux formes de capitalisme, bien différentes et déconnectées l’une de l’autre.

En réalité, séparer ces deux formes semble beaucoup plus compliqué. Pour comprendre comment le système capitaliste fonctionne, faisons un bref panorama économique de ces 70 dernières années.

... http://www.19h17.info/2017/03/07/pourqu ... leconomie/
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 30 Mar 2017, 16:53

Où en sont les bulles du capital ?

« Shadow Banking », où en sont les bulles du capital ?

La crise des SubPrimes commencée à l’été 2007 à bientôt 10 ans. Une crise systémique, plusieurs tempêtes financières et 8 ans de stagnation économique plus tard, où en est le capitalisme financier mondial ?

On s’en souvient, la crise de 2007-2008 avait été déclenchée par l’explosion de la bulle des Subprimes. Des prêts hypothécaires immobiliers américains à risque, découpés et revendu à la chaine. L’augmentation des taux de crédits provoque l’impossibilité pour des millions d’Américains de rembourser leurs dettes. Ces défauts de paiement entrainent automatiquement la saisie et la mise en vente de biens, mettant des centaines de milliers de prolos à la rue.

Incapables de se rembourser, des banques et des compagnies d’assurances gigantesques font faillite. Pour empêcher une explosion totale du système, certaines comme AIG sont nationalisées par l’État américain. La crise se reporte alors sur la dette des Etats qui explosent et pousse ces derniers à faire payer leur prolétariat en multipliant les mesures d’austérité.

Bien sûr, l’explosion de cette bulle qu’étaient les Subprimes n’était que la partie émergée de la crise du capitalisme. Le développement de la financiarisation par les bulles spéculatives n’étant qu’un moyen de repousser temporairement la baisse du taux de profit. Mais ça, on l’a déjà expliqué ça en détail dans la notion : « Pourquoi la finance est nécessaire au capitalisme ? ».

D’où viendra la prochaine explosion ?

À partir de 2008, tout le monde a commencé à se demander quelle allait être la prochaine bulle à éclater. Celle qui en explosant exposerait un peu plus la crise du capital actuel.

Pendant un long moment, on a cru que les CDS allaient faire vaciller l’économie mondiale. Ces Credit défaut swap sont des sortes d’assurance de crédit impayé qui se déclenchait à partir du moment où le l’emprunteur n’était plus en capacité de rembourser. Avec la perspective de défaut de paiement de certains États comme la Grèce, le Portugal ou Chypre, le déclenchement de ces CDS faisait frémir l’ensemble des capitalistes de la planète. Surtout qu’en 2010, la quantité de CDS au niveau mondial était estimée à presque 30 000 milliards soit presque deux fois le PIB des États-Unis. Quelque 2 800 milliards concernaient des dettes d’État.

Bref, au fur et à mesure de la crise, ces CDS sont devenus tellement dangereux que les capitalistes s’en sont détournés. Les renflouements des banques par les Etats ont également souvent été faits en contrepartie de l’assainissement de ce genre de produit financier. Résultat aujourd’hui la bulle des CDS a largement dégonflé. Les investisseurs se sont tournés vers des produits moins médiatisés.

D’autres bulles menacent toujours d’exploser depuis plusieurs années. À l’instar de la dette étudiante américaine ou surtout de la gigantesque bulle immobilière chinoise.

La finance se tourne vers Batman.

Mais depuis la crise de 2007-2008, les bilans financiers des banques sont régulièrement scrutés par les États qui les ont renfloués pour vérifier la stabilité des investissements. Du coup, certains produits financiers louches (CDS, CDO, ABCP, etc.) ont été progressivement délaissés. Le problème c’est que cela ne change rien.

Depuis 2014, le capitalisme se tourne massivement vers ce que l’on appelle le « Shadow Banking » : La finance de l’ombre. Ce n’est pas la suite de The Dark Knight Rise, ni le dernier film d’horreur de David Cronenberg. C’est plutôt un moyen de créer massivement du crédit sans passer par la case banque ni le faire apparaître dans le bilan comptable. Concrètement cela regroupe aussi bien des plateformes de financement participatif que des boites de sous-traitances créées par les banques pour continuer de créer des prêts à risque. Ce qui est sûr c’est que cela représente aujourd’hui plus de 80 000 milliards de dollars (1,5 fois le PIB mondial) et presque 38% des prêts aux USA sont attribués par ce Shadow Banking[1]. Cela dépasse même les banques classiques qui ne représentent plus que 32% des crédits accordés au pays de l’Oncle Sam.

Ce Shadow Banking est donc devenu indispensable au fonctionnement de l’économie états-unienne. Il est devenu le seul moyen de prêter à la chaine à des personnes ou des entreprises sans être trop regardant sur les garanties de remboursement. En clair, la bulle des Subprimes qui a explosé en 2007 est complètement regonflée.

Mais le capitalisme est mondial et le même phénomène se passe en Chine depuis de nombreuses années. La plupart des prêts ne passent pas par les banques ou alors sont considérés comme des investissements et non des crédits. De plus, pour contourner le crédit très règlement, le prêt entre personnes et entre entreprises est très développé[2]. On se retrouve alors avec des chaines de crédits entre particuliers. Impossible de savoir réellement les sommes échangés, mais quelques impossibilités de payer les créances pourraient facilement entraîner des défauts de paiements en cascades.

Qu’en retirer ?

Alors ça ne veut pas dire forcément que ces bulles spéculatives vont exploser dans les mois qui viennent. C’est possible, mais personne n’en sait rien et il est très difficile d’anticiper les facteurs conduisant à ce genre de rupture. Ce qui est sûr par contre c’est que la situation économique n’est pas très différence de la veille du krach de 2007. Elle est même pire, car les sommes en jeux sont devenues beaucoup plus importantes.

Mais ça nous prouve aussi que l’ensemble des discours de moralisation et régulation de la finance sont totalement hypocrite. Les politiques mises en place ne peuvent être qu’inefficaces, car cette finance est indispensable à l’économie capitaliste. Aujourd’hui c’est ce Shadow Banking qui permet de faire fonctionner les PME aux USA comme en Chine.

En tout cas et 10 ans plus tard, on est loin d’être « sortis » de la crise comme peut parfois le présenter certains médias. En témoigne d’ailleurs la Deutsch Bank ou la Monte Paschi di Sienna, plus vieille banque du monde, qui est actuellement à deux doigts de la faillite.

Pour plus d’info pour comprendre le fonctionnement du capitalisme actuel, on vous encourage vivement à écouter le podcast de l’émission Sortir du capitalisme avec en invité Léon de Mattis http://sortirducapitalisme.fr/200-l-arg ... n-histoire.


http://www.19h17.info/2017/03/14/shadow ... e-capital/
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 03 Mai 2018, 17:56

Le capitalisme : une introduction

Petite introduction au capitalisme et son mode de fonctionnement par libcom.org.

A la base, le capitalisme est un système économique fondé sur trois éléments : le travail salarié (le fait de travailler pour un salaire), la propriété privée ou le contrôle sur les moyens de production (c'est-à-dire les usines, machines, fermes et bureaux), et la production dans l'objectif de vente et de profit.

Tandis que certaines personnes possèdent des moyens de production, ou du capital, la plupart d'entre nous ne possède rien. Pour survivre, nous devons donc vendre notre force de travail en échange d'un salaire, ou alors nous vivotons à l'aide d'allocations sociales. Le premier groupe de personnes constitue la classe capitaliste ou la “bourgeoisie” pour utiliser le jargon marxiste, et le deuxième groupe représente la classe ouvrière ou le “prolétariat”. Vous pouvez consulter notre introduction aux classes sociales (en anglais) pour avoir plus d'informations sur les classes.

Le capitalisme se fonde sur un processus simple – de l'argent est investi afin de générer encore plus d'argent. Quand l'argent est utilisé avec cette finalité, il fonctionne en tant que capital. Par exemple, quand une entreprise utilise les profits pour employer plus de personnel ou afin d'ouvrir de nouvelles filiales, dans l’objectif de générer un bénéfice, l'argent fonctionne comme du capital. Lorsque le capital s’accroît (on pourrait dire aussi, lorsque l'économie est en croissance), on appelle ça 'accumulation de capital', c'est le moteur de l'économie.

Le capital s'accumule d'autant mieux quand il peut se soulager de coûts en les transférant sur les autres. Lorsque des entreprises peuvent réduire des coûts, en ne tenant pas compte de la protection de l'environnement, ou en payant des salaires de misère, elles le font. Donc le changement climatique catastrophique et la pauvreté massive ne sont que l’expression du fonctionnement normal du système. Par ailleurs, pour faire plus d'argent avec de l'argent, de plus en plus de choses doivent être échangeables pour de l'argent. Ainsi, la tendance est de transformer tout, depuis les objets quotidiens en passant par des séquences ADN jusqu'aux émissions de dioxyde de carbone – et, de manière cruciale, notre force de travail– en marchandises.

Ce dernier point – la marchandisation de nos capacités créatives et productives, notre force de travail – détient le secret pour comprendre l'accumulation du capital. L'argent ne devient pas plus d'argent en un coup de baguette magique, mais par le travail que nous fournissons chaque jour.

Dans un monde où tout est à vendre, nous devons tou-te-s vendre quelque chose afin de pouvoir acheter les biens dont nous avons besoin. Ceux-celles d'entre nous qui n'ont rien d'autre à vendre que leur force de travail doivent vendre cette force à ceux-celles qui détiennent les usines, les bureaux, etc. Mais les choses que nous produisons au travail ne nous appartiennent bien évidemment pas, elles appartiennent à nos patron-ne-s.

De plus, à cause de l’augmentation du temps de travail, d'améliorations de la productivité etc, nous produisons beaucoup plus que ce qu'il faudrait pour que nous puissions fonctionner comme travailleur-se-s. Le salaire que nous recevons permet à peine de couvrir les dépenses pour les produits nécessaires pour nous maintenir en vie et en mesure de travailler chaque jour (ce qui explique pourquoi, à la fin du mois, notre solde bancaire est assez proche de celui du mois précédent). Le capital s'accumule (ou du profit est généré) grâce à cette différence entre le salaire que nous recevons et la valeur que nous créons.

Cette différence entre le salaire que nous touchons et la valeur que nous créons est la “valeur ajoutée”. L'extraction de la valeur ajoutée, ou plus-value, par l'employeur-se est la raison pour laquelle nous considérons le capitalisme comme un système qui est fondé sur l'exploitation – l'exploitation de la classe ouvrière.

Ce processus est sensiblement le même pour tout travail salarié, pas seulement celui qui se déroule dans les entreprises privées. Les travailleurs du secteur public sont eux-elles aussi constamment confrontés à des attaques sur leur salaire et sur leurs conditions de travail afin de réduire les coûts et de maximiser les profits pour l'ensemble de l'économie.

L'économie capitaliste repose également sur le travail non-rémunéré des femmes travailleuses.

La concurrence

Pour accumuler du capital, notre patron-ne doit entrer en concurrence sur le marché avec d'autres patron-ne-s d'autres entreprises. Ils-elles ne peuvent pas se permettre d’ignorer les forces du marché, ou alors ils-elles risquent de perdre des parts de marché au profit de leurs concurrent-e-s, de perdre de l'argent, de faire faillite, d'être racheté-e, et, en fin de compte, de ne plus être notre patron-ne. Pour cette raison même les patron-ne-s ne contrôlent pas vraiment le capitalisme, le capital en soi. C'est pour cette raison que nous pouvons parler du capital comme s'il s'agissait d'un acteur économique en soi ayant ses propres intérêts. Parler de 'capital' est donc souvent plus judicieux que de parler du patronat ou des patron-ne-s.

Autant les patron-ne-s que les travailleur-se-s sont aliéné-e-s (étranger-ère-s) à ce processus, mais de manière différente. Tandis que depuis la perspective ouvrière, nous vivons notre aliénation comme un contrôle que les patron-ne-s exercent sur nous, les patron-ne-s la vivent à travers les forces impersonnelles du marché et la concurrence entre eux-elles.

Les patron-ne-s et les politiques se sentent donc impuissant-e-s face aux 'forces du marché', chacun-e étant sous la pression d'agir de manière à ce que le capital puisse fructifier (d’ailleurs, ils-elles se débrouillent plutôt bien pour y arriver !): Ils-elles ne peuvent pas agir dans notre intérêt car toute concession à notre égard aidera en quelque sorte leurs concurrents nationaux ou internationaux.

Donc, par exemple, si un fabricant développe une nouvelle technologie pour produire des voitures qui lui permet de doubler sa productivité, il peut licencier la moitié de ses travailleur-se-s, augmenter ses profits et réduire les prix de ses voitures afin de vendre moins cher que ses concurrents.

Si une autre entreprise veut être gentille avec ses employé-e-s et essaye de ne pas virer des gens, elle sera au bout d'un moment éjectée du marché ou rachetée par un concurrent moins sympa – à ce moment là, l'entreprise devra quand même introduire cette nouvelle technologie et procéder aux licenciements afin de rester compétitive.

Évidemment, si les entreprises étaient tout à fait libres d'agir comme bon leur semble, les monopoles se développeraient et étoufferaient la compétition, ce qui conduirait au blocage du système. L'État intervient alors pour préserver l'intérêt à long terme du capital dans son ensemble.

L'État

La fonction première de l'État dans une société capitaliste est de maintenir le système capitaliste et de faciliter l'accumulation du capital.

A cet effet, l'État s'appuie sur des lois répressives et la violence contre la classe ouvrière lorsque nous essayons de protéger nos intérêts contre le capital. Par exemple, en adoptant des lois anti-grève, ou en envoyant la police ou des soldats pour briser une grève ou une manifestation.

De nos jours, le modèle 'idéal' d'un État capitaliste est la démocratie libérale. Cependant, à d'autres époques, des systèmes politiques différents ont vu le jour afin de permettre l’accumulation du capital. Le capitalisme d’État en URSS, le fascisme en Italie et en Allemagne sont deux modèles qui étaient nécessaires pour permettre aux autorités de cette époque de s'approprier ou de briser des mouvements importants de la classe ouvrière, car ces mouvements représentaient une menace potentielle pour l'existence du capitalisme.

Lorsque des abus de patrons poussent les travailleur-se-s à protester, l'État intervient parfois par d’autres manières que la répression pour assurer que le monde des affaires puisse poursuivre son activité sans perturbation. Il développe par exemple des législations nationales et internationales de protection de l'environnement et des travailleur-se-s. Généralement, l'étendue et l'application de ces lois fluctue en fonction de l'époque et du pays, selon le rapport de force entre employeur-se-s et employé-e-s. En France, par exemple, où les travailleur-se-s sont mieux organisé-e-s et plus combatif-ve-s, la semaine de travail est limitée à 35 heures. Au Royaume Uni, où les travailleur-se-s sont moins combatif-ve-s le nombre d'heures maximal est de 48, et aux États-Unis, où les travailleur-se-s sont encore plus réticent-e-s à faire grève, il n'y a pas de limitation du temps de travail du tout.

L’histoire

Le capitalisme est souvent présenté comme un système 'naturel', qui s’est formé telles les montagnes et les masses terrestres par des forces bien au-delà du contrôle humain. Or, le capitalisme n'a pas été construit par des 'forces naturelles' mais par l'emploi de violence massive et intense à travers le monde. D'abord, dans les pays 'développés', des barrières insurmontables ont amené des paysan-ne-s auto-suffisant-e-s à quitter leurs terres collectives et à rejoindre les villes pour travailler dans les usines. Toute résistance était brisée. Les personnes qui s'opposaient au travail salarié étaient sujettes à des lois visant les 'vagabonds', subissaient l'emprisonnement, la torture, la déportation ou étaient menacés d'exécution. En Angleterre, rien que sous le règne d'Henri-VIII, 72 000 personnes ont été exécutées pour vagabondage.

Plus tard, le capitalisme s'est imposé dans le monde entier à coups d'invasions et de conquêtes menées par les puissances impérialistes occidentales. Des civilisations entières ont été détruites brutalement, des communautés chassées de leurs terres n’ayant d'autre choix que d’accepter le travail salarié. Les quelques pays qui ont échappé à la conquête, comme le Japon par exemple, sont ceux qui ont adopté le capitalisme de leur propre gré afin de pouvoir rivaliser avec les autres puissances impériales. Partout où le capitalisme s'est développé, des paysans et des travailleuses et travailleurs ont résisté, mais ont finalement été vaincu-e-s par la terreur et la violence massives.

Le capitalisme n'a pas émergé suite à l'action de lois naturelles qui seraient propres à la nature humaine : il a été imposé avec la violence organisée par les élites. Le concept de propriété privée de la terre et des moyens de production semble aujourd'hui comme un état naturel des choses, mais nous devrions toujours nous rappeler qu'il s'agit d'un concept forgé par les humains et imposé par la conquête. De la même manière, l'existence d’une classe de personnes qui n'ont rien d'autre à vendre que leur force de travail ne va pas de soi – avant d’en arriver là, des terres collectives partagées par tout le monde ont été saisies de force, et les exproprié-e-s ont été contraint-e-s de travailler pour un salaire, sous la menace de mourir de faim, voire d'être exécuté-e-s.

Avec le développement du capital, celui-ci a créé une classe ouvrière globale qui regroupe la plus grande partie de la population mondiale, qu'il exploite mais dont il dépend aussi. Comme l'écrit Karl Marx: “La bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeur-se-s.”

L'avenir

Le capitalisme, en tant que système économique dominant la planète existe seulement depuis un peu plus de 200 ans. En comparaison avec le demi million d'années de l'existence humaine, cela ne représente pas grand chose. Il serait donc naïf de croire que ce système existera pour toujours.
Il repose entièrement sur nous, la classe ouvrière, et notre travail qu'il doit exploiter, donc il ne survivra que tant que nous le tolérons. »


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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede bipbip » 22 Oct 2018, 20:15

Capitalisme et destruction

CAPITALISME ET DESTRUCTION

Bien des auteurs ont déjà disserté sur l'histoire de l'homme est son combat contre la nature (1). L'être humain, fragile mais intelligent se serait prémuni contre un environnement qui lui était a priori hostile. Cette opposition s'est radicalisée avec le développement du capitalisme.

Certes aucun projet préconçue d'anéantissement n'a existé. Et l'idée s'imposait que la destruction de la nature serait toujours rééquilibrée grâce à de nouvelles découvertes elles-mêmes suscitées par le moteur que représentait la recherche d'un profit indispensable.

Renouvelables ou non renouvelables ?

On attribue, dès la préhistoire, la disparition de certaines espèces animales, à la main de l'homme. Cependant on a aussi constaté, dans les sociétés dites « primitives » (2) une volonté de préservation du milieu qui, liée à des croyances religieuses, s'est traduit par un respect de la nature.

La conception du capitalisme qui s'affirme au XIXe siècle, est doublée d'une vision de progrès inéluctable compensant la destruction du milieu et les génocides. Ainsi très rapidement, la végétation et la faune endogènes d'Amérique du nord disparurent avec l'arrivée des colons européens. Quant à la tragédie des peuples amérindiens elle est aujourd'hui assez connue et indéniable.

Peu importait que le bison disparaisse puisqu'il fallait de l'espace pour la culture industrielle des céréales et l'élevage du bétail.

Dès les années 1930, on constatait néanmoins l'épuisement des terres nord-américaines ainsi exploitées. Ce qui engendra non pas une remise en question mais tout au contraire le développement d'une industrie chimique destinée à « améliorer » les rendements. Ainsi s'affirmait encore mieux cette tendance mortifère à la destruction. En prétendant conjurer le mal on l'aggravait.

Le marché de l'écologie

Et « l'écologie », nouveau champ politique émergeant dès la fin des années 1970 , apparut pour beaucoup un marché juteux qui faisait dire à certains industriels allemands que lorsque « les Français évoquent l'écologie, ils plantent un arbre alors que les Allemands créent une industrie », comme Ecosia, par exemple. Même si, depuis, les capacités d'investissement ont faibli, les pays de l'ancien bloc soviétique, ont représenté effectivement fin 1980, par le caractère vétuste de leurs infrastructures industrielles, un marché de recyclage alléchant.

Une nouvelle antienne sema ensuite l'inquiétude : l'épuisement des ressources pétrolières. On n'en avait plus que pour quelques années et ensuite c'était plié !... La bicyclette, fantasme maoïste, n'allait-elle pas redevenir la petite reine ?... Pour le coup le progrès technique vint effectivement au secours du système en désarroi : exploitation des gaz de schistes, perfectionnement des capacités d'exploitation, nouveaux champs désormais exploitables.

On n'en parle plus.

Et Nono peut continuer de faire le plein même s'il doit payer plein pot, même s'il sait qu'il est assis sur le tonneau d'explosifs que représente la catastrophe climatique annoncée. Pour le coup c'est la consommation de carburant, d'énergie, les pêts des vaches destinées à la consommation de viande, qui accentuent l'irrémédiable destruction de la planète.

Pourtant la réunion de la COP 21 avait semblé prometteuse, suscitée même l'enthousiasme.

Mais face à l'opposition des Etats-Unis à ces accords, où en sont, par exemple, les investissements promis dans l'exploitation de « nouvelles énergies»?

L'organisation de la destruction.

Le capitalisme ne peut vivre sans gaspillage. Que deviendraient les compagnies d'électricité si, soudainement, les consommateurs trouvaient le moyen de s'en passer, ou plus simplement, consommaient moins ? Et quid des éleveurs de bovins si l'on consommait moins de lait et plus de viande du tout. Ne faut-il donc pas soutenir les marchés quitte à produire de l'inutile ou du néfaste condamné à la poubelle à plus ou moins long terme ? C'est même encore mieux pour le système, assuré par la destruction promise, d'une continuité de la production.

Régulièrement on découvre, mis en vente, des produits, notamment carnés, qui sont contaminés ou jugés impropre à la consommation, provoquant avec toujours plus d'acuité des remises en question. Le capitalisme par la prééminence de la recherche du profit, promet des monceaux de déchets et la mort.

Mais comment organiser cette destruction indispensable ?

L'obsolescence programmée.

Depuis longtemps on sait que les industriels gardent à l'idée que ce qu'ils produisent se doit d'avoir une durée de vie limitée. Cependant cela reste un calcul risqué car la concurrence peut toujours faire valoir une fiabilité plus grande. Ainsi l'industrie allemande vit sur cette réputation de savoir-faire, de qualité et de durabilité. Ce qui permet de garder et d'étendre le marché, tout en vendant plus cher que ce que l'on trouve ailleurs.

Comme dans un jeu de bonneteau auquel peut être comparé aujourd'hui le jeu financier, il convient de trouver ce qui, compte tenu du rapport qualité prix, est le plus rentable. La durée d'un produit, d'une valeur en Bourse, si elle peut être évaluée (3) corrige dans la durée, même limitée, sa moindre qualité, sa fiabilité douteuse.

Les marchés issus des progrès technologiques doivent désormais compter dans leurs rangs la Chine, qui ne se contente pas de rester simplement « l'atelier du monde ». Par cette montée en puissance, en qualité et en efficience, la Chine devient un redoutable concurrent pour une production qui était jusqu'ici l'apanage de pays occidentaux.

A l'obsolescence programmée, les écologistes opposent une idéologie de durabilité et de recyclage raisonné....

Contradictions de « l'écologie durable »

La vision des écologistes parait raisonnable. Il faut produire moins, autrement, tout en parvenant à satisfaire les besoins. Moins de gaspillage, du recyclage, de l'énergie moins cher et moins polluante...

Mais c'est justement là où le bât blesse dans le système tel qu'il est. La recherche du moindre coût, du recyclage, contrecarre radicalement l'idéologie capitaliste basée sur l'expansion permanente de la production, la destruction et le gaspillage. Que deviendraient tous ces marchands de gadgets si ces derniers devenaient vraiment utiles et durables ? Le fabricants de portables sophistiqués craint en effet la réaction du consommateur, blasé, gardant son vieil appareil qu'il peut donner à réparer... Certains fabriquent à la maison leurs détergents prétendumment « écologiques », d'autres encore plus nombreux, achètent leurs fruits et légumes dans des amaps... On parle de plus en plus de covoiturage, de voitures électriques... Mais que vont devenir nos émirs dont le principal revenu est le pétrole (4) ?

On perçoit vite que les conceptions écologistes entrainent sans rémission, dans une l'économie capitaliste, une baisse radicale des profits. Hormis quelques naïfs bien utiles, servant de paillasson, que l'on expose sous les feux de la rampe et des médias, comme Nicolas Hulot, la plupart de ceux qui veulent vraiment s'informer, savent cela.

Mais qu'importe nous disent les écologistes les plus radicaux. Que ce système s'effondre sous les coups de la Raison et tout le monde ne s'en sentirait-il pas mieux ? Sauf que, bien évidemment, ledit système, les intérêts qu'il soutend, reste prédateur, bien décidé, lui, à ne pas se laisser détruire quitte à renverser la table...à bouleverser la planète.

La guerre réponse à l'impossible valorisation du capital.

L'impossible valorisation du capital (5) accélère la financiarisation de l'économie capitaliste qui, au bout du compte, risque de n'être plus basée que sur du vent. Tout ne tient plus qu'au fil ténu de la confiance. C'est la récurrence de ces crises, de plus en plus fortes, connues depuis la faillite de la Compagnie du Mississipi, et l'échec du papier-monnaie de Law, en France, en 1722 , qui, aujourd'hui, atteint mortellement le système sans qu'aucun rebond ne soit raisonnablement possible. Ladite confiance s'étiole, disparaît.

La financiarisation entrainent des crises récurrentes qui deviennent banalisées. Ainsi chacun sait, même Trump, que la hausse des taux d'intérêts, inéluctable (5) va probablement provoquer en cette fin d'année 2018, une nouvelle crise financière.

Quelle mouche aurait piqué les Américains et les Etats-Unis ? Disent à voix haute les libéraux partisans du libre-échange, de l'absence de barrières douanières, de l'OMC etc.

Ce Trump serait un fou dangereux dont la politique erratique nous ménerait à la catastrophe.

Le vrai, comme ailleurs, est ici un moment du faux.

Les mesures économiques de Trump visent apparemment à préserver l'industrie et la production américaine. Car pour rassurer les marchés financiers il faut bien montrer des bases solides, une force attractive, une production réelle et rentable sur laquelle on pourra continuer de spéculer.

Et en cela cette volonté politique ne diffère guère des velleités de pays européens, comme la France, dont les dirigeants, eux aussi, évoquent une réindustrialisation. Même si, à terme, en tenant compte des coûts de production, une telle tentative semble vouée à l'échec, dans l'immédiat la popularité des gouvernants qui la soutienne est assurée. Comme est assurée sur cette ligne, par cette même démagogie, l'essor des populistes.

La guerre économique qui existe depuis la nuit des temps, apparaît avec plus d'acuité avec les mesures et les réactions de Trump. Au bout du compte, c'est le libéralisme lui-même, dans son essence, qui est finalement remis en question comme il l'a été dans une situation de crise similaire, celle des années 1930. Le repli, mais néanmoins les menaces de guerre contre un état comme l'Iran, dans un Moyen Orient qui n'a jamais connu la paix depuis 1945, représente une issue apparemment inéluctable pour les partisans de l'extrème-droite au pouvoir à la Maison Blanche (6).

Derrière la guerre économique qui fait rage, comment ne pas distinguer la menace d'une vraie guerre ? La crise de 1929 n'a t'elle pas trouvé sa fin dans la deuxième guerre mondiale et ses destructions ?

L'opposition

Les manipulations des médias, du Pouvoir, bien organisé, ayant toujours un coup d'avance, rendent difficile l'organisation d'une opposition à un système capitaliste pourtant décadent.

Dans cette période de tensions, la mainmise réactionnaire rencontre une opposition populaire qui sait encore se manifester. On sait que l'atmosphère aux Etats-Unis est celui de la guerre civile.

Aucun compromis n'est possible : ou l'on est contre ledit système et l'on doit concevoir la radicalité de cette opposition. Ou l'on tente discussions et concessions avec les tenants du Pouvoir, pour ergoter, par exemple, sur les comptabilités, les tours de passe passe des « décideurs » des banques centrales, de la Finance, et alors la défaite est assurée.

Paul Mattick, militant conseilliste, penseur et homme d’action rappelle que « Marx ne prévoyait pas, quant à lui, un effondrement "automatique" ou "économique" du système capitaliste. Seule la puissance des actions révolutionnaires de la classe ouvrière était apte, selon lui, à montrer si la crise du système à un moment donné en constituait ou non la "crise finale". » (7). Peut-on encore en rêver ?

Nemo3637


Notes

1. On peut citer « Capital contre nature » de Michael Löwy et Jean-Marie Harribey (2003).

Et, bien qu'adeptes du développement à tout crin des forces productives, citons aussi Marx, et son camarade Engels :

[…] tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol; tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de cette fertilité. […] Si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur.

Le Capital,livre I, Éditions sociales, 1982, p. 565-567. Edition et traduction de Jean-Pierre Lefebvre.

[…] ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d’elles. […] Les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger comme quelqu’un qui est en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et toute notre domination sur elle réside dans l'avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures de connaître ses lois et à pouvoir nous en servir judicieusement. […] depuis les énormes progrès de la science de la nature au cours de ce siècle, nous sommes de plus en plus à même de connaître aussi les conséquences naturelles lointaines, tout au moins de nos actions les plus courantes dans le domaine de la production, et, par suite, d’apprendre à les maîtriser. Mais plus il en sera ainsi, plus les hommes non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu’ils ne font qu’un avec la nature, et plus deviendra impossible cette idée absurde et contre nature d’une opposition entre l’esprit et la matière, l’homme et la nature, l’âme et le corps, idée qui s’est répandue en Europe depuis le déclin de l’antiquité classique et qui a connu avec le christianisme son développement le plus élevé.

Engels, La dialectique de la nature, Éditions Sociales, Paris, 1977, p. 180-181. Traduction d’Émile Bottigelli.

2. Les sociétés que l'on a qualifiées de « primitives » sont en fait des sociétés qui n'ont pas connu le capitalisme.

3. L'usage d'alogaritmes tel qu'il a pu être mis en usage par des gens comme Robert Mercer, conseiller de Trump, permet aujourd'hui, dans le temps, des évaluations apparemment de plus en plus fiables.... et des manipulations sophistiquées !

4. Le recyclage de l'économie des pays pétroliers s'effectue tout en restant néanmoins tributaires de la manne pétrolières

5. Lire « Krachs,spasmes et crise finale» petit opus prémonitoire dont aucun éditeur n'a voulu, mais bientôt lisible intégralement sur le site de la « Chayotte Noire » https://lachayotenoire.jimdo.com

6. Il s'agit du clan du génial et maléfique Robert Mercer.

7. « Marx et Keynes » P.Mattick, Gallimard, 2010, p.126


https://blogs.mediapart.fr/nemo3637/blo ... estruction
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede Pïérô » 01 Juin 2019, 20:56

Comment résister face au durcissement des régimes politiques en Europe ? Comment sortir du capitalisme et de la société autoritaire ? Sur quelles bases créer des convergences de luttes ? Que propose Rouvikonas ?

NOUVELLE TOURNÉE DE ROUVIKONAS
en Italie, Suisse, France et Belgique du 1er au 9 juin 2019

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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede digger » 03 Juin 2019, 06:36

Un bon article sur Rouvikonas
Oubliez la troïka, voici les anarchistes de Rouvikonas
http://www.slate.fr/story/157036/rouvikonas-grece-anarchisme-austerite
Soutien
https://www.lepotcommun.fr/pot/mjj83sy2
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Re: Crise du capitalisme et alternative

Messagede Pïérô » 24 Mar 2020, 19:25

Une crise d’ampleur internationale : le responsable, c’est le capitalisme !

En trois mois, le coronavirus s’est étendu à près de 170 pays, au total plus de 200 000 cas de Covid-19 ont été confirmés ainsi que 9 000 décès selon l’OMS. À l’origine de cette crise sanitaire, c’est bien le capitalisme qui est en cause et notamment l’industruie de la viande qui, en plus des conditions sanitaires dégradées, induit des déforestations. Ces dernières détruisent l’habitat d’animaux vecteurs de maladies. Ces facteurs favorisent ainsi l’entrée en contact des virus avec les populations humaines. L’organisation actuelle de l’économie et des échanges a accéléré la propagation du virus à l’échelle mondiale. La concurrence et la course au profit entre capitalistes ont retardé et limitent les mesures sanitaires dans de nombreux pays. Et les conséquences de cette pandémie seront encore plus

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