L'éducation libertaire

Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 20 Aoû 2016, 17:51

La fonction de maintien de l'ordre de l'enseignant

Dans la forme scolaire, les enseignants sont des agents de maintien de l'ordre : ils doivent maintenir la discipline dans leur classe et maintenir l'ordre social en triant et en sélectionnant les élèves. Le mystère de l’école est de comprendre comment un espace conçu pour reproduire l’ordre social parvient parfois à produire de l’émancipation ?

Faire la police

Les enseignants se plaignent parfois du fait qu'ils ont l'impression de passer plus de temps à faire la police qu'à enseigner alors qu'ils voudraient accorder plus de temps aux apprentissages.

L'éducation libertaire et les pédagogies qui en ont été tirées avaient pour objectif d'essayer de penser une éducation qui abolisse la fonction policière de l'enseignant. Mais ces pédagogies, pour cela, doivent remettre en question la forme scolaire, par exemple l'obligation d'assiduité.

De fait, l'enseignant dans le cadre scolaire, peut difficilement remettre en question cette fonction qui lui est attribuée. D'où l'intérêt chez certains enseignants des méthodes de discipline positive. Ces méthodes intéressent également le management patronal. En effet, elles visent à faire en sorte que le sujet accepte de manière non-conflictuelle de se plier à l'ordre disciplinaire. La capacité de récupération des nouvelles idées par le capitalisme tient à ce que sa devise pourrait être: “il faudrait que tout change, pour que rien ne change” (Tancredi, Le Guépard). L’apparent progressisme du libéralisme économique masque un conservatisme social.

Ces pédagogies ne visent principalement qu'à adoucir l'ordre carcéral de l'école.

On assigne à l'école le rôle de socialiser les élèves. Il est bien prétentieux d’affi cela : un élève qui n'irait pas à l'école ne finirait pas comme un être profondément asocial.

En revanche, la forme scolaire a pour fonction d'habituer l'élève aux contraintes du travail salarié : horaire régulier, charge de travail, obéissance à des ordres…

L'école maternelle a principalement pour fonction d'habituer l'élève à l'ordre disciplinaire de l'école et ainsi, à le préparer au mieux à cet ordre pour la suite de ses apprentissages. C'est le devenir élève.

Le réel moyen de remettre en question l’ordre de disciplinaire que construit l’école, c’est en stimulant l’esprit critique des élèves. L’esprit critique consiste à leur apprendre à discerner lorsqu’il est légitime d’obéir à une règle sociale et lorsqu’il est légitime de la contester.

Reproduire les inégalités sociales

La seconde fonction de maintien de l'ordre des enseignants, c'est la reproduction des inégalités sociales, en particulier, de sexe et de classe sociale.

La forme scolaire française fonctionne comme une chambre d'enregistrement des inégalités sociales : elle sélectionne les élèves et les trie, principalement en fonction de leur origine sociale, en dépit d'une apparente compétition méritocratique.

S'il est illusoire pour un enseignant de vouloir lutter individuellement contre l'ordre disciplinaire de la forme scolaire, en revanche, il lui appartient d'essayer de tenter de subvertir l'ordre de la reproduction des inégalités sociales.

Pour cela, il doit mettre en œuvre un répertoire de tactiques qui lui permette de mener une micro-guerilla contre la reproduction de l'inégalité scolaire. Cette micro-guerilla vise à subvertir l’ordre scolaire et à instiller un esprit de révolte face aux injustices produites par les inégalités sociales. L’enseignant se situe au niveau de ce que Scott a appelé l’infrapolitque.

L’étude de cette infrapolitique de l’ordre scolaire peut être saisie par une microsociologie de la classe à travers des observations ethnographiques: comment l’enseignant reproduit l’ordre scolaire, comment l’élève résiste à la forme scolaire, comment l’enseignant tente de subvertir l’ordre scolaire...

Ce qui est attendu de l’enseignant, c’est qu’il dote les élèves des compétences nécessaires à leur employabilité (socle commun), mais sans aller jusqu’à leur donner les moyens de critiquer les inégalités sociales et de les combattre. Mais il n’en demeure pas moins que le fait d’apprendre à lire ouvre des possibilités d’émancipation qui s’avèrent parfois capables d’échapper à la logique sociale de la reproduction de la domination.

Il en va de même de ce qui est attendu de l’enseignant: il ne s’agit pas de lui donner les moyens de combattre les inégalités sociales, mais simplement de faire en sorte que les élèves acceptent l’ordre social tel qu’il est: apprendre à devenir élève, fournir une culture commune, mettre en avant le discours sur la laïcité plutôt que la question sociale.

http://iresmo.jimdo.com/2016/07/17/la-f ... nseignant/
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 24 Aoû 2016, 15:15

Anarchisme, éducation et pédagogie

Le texte ci-dessous est l’introduction à une série de séminaires de l’Université de pédagogie militante du Centre de recherche-action libertaire (CIAL) de Bogota (Colombie) qui ont eu lieu en 2012. Il constitue un exemple de la réflexion sur la pédagogie critique dans les milieux anarchistes latino-américain. On y reconnaît les thématiques qui sont celles de la pédagogie critique à savoir l’école comme espace de reproduction des inégalités économiques, mais également comme lieu de construction d’une hégémonie culturelle. L’enseignant critique y est présenté comme mettant en œuvre un processus de subversion de cette logique pour constituer une tranchée de résistance au sein de la lutte des classes. (NB : les citations qui émaillent le textes sont celles d’universitaires qui s’inscrivent dans le courant de la pédagogie critique).

La pédagogie critique est née comme une réponse à l’exploitation et à l’oppression dont souffrent les classes les moins favorisées du système capitaliste. Ce monstre appelé capitalisme se sert de son grand ami l’État pour faire croître la lutte des classes dans la salle de classe, en effet seul quelqu’uns ont le privilège d’avoir une éducation digne et scientifique tandis que la majorité doit supporter une éducation acritique, mercantile et autoritaire. Les intérêts particuliers d’une série d’individus friqués transforment ces grands centres de savoir, que devraient être les écoles, en des centres commerciaux où l’on fabrique et où l’on vend des marchandises pour les grandes multinationales qui emploient des milliers d’ouvriers qui seront dans la chaîne économique de soumission avec un salaire de misère qui ne suffira pas pour survivre dans ce monde d’inégalités et de tristesse.

Tel est l’image de l’école moderne qui a été implantée dans les formations sociales dépendantes et dans les métropoles impérialistes. Dans ces dernières, le coût du néolibéralisme a du être supporté par les masses dépossédées qui n’ont pas l’argent pour se payer une école de riches car l’accumulation capitaliste de quelqu’uns leur a ôté le droit à une bonne éducation. Cette éducation qui devrait être réflexive s’est transformée en une éducation au service de l’oligarchie et du capital. Il n’y a qu’à réaliser une analyse profonde des théories de la reproduction pour prouver la subordination de l’école à l’argent et au pouvoir.

« Ces théories, a dit Henry Giroux, centrent leurs analyses sur comment les écoles utilisent leurs ressources matérielles et idéologiques pour reproduire les rapports sociaux et les attitudes nécessaires pour soutenir les divisions sociales du travail qui sont nécessaire pour l’existence de rapports de production ». L’éducation imposée aux jeunes et aux enfants des classes populaires s’appuie sur un enseignement technique qui leur montre comment se comporter et agir devant le maître des moyens de production qui les exploitera quand l’école leur donnera leur accréditation comme membres de la société de consommation et de gaspillage. De la même manière, les écoles imposeront une série de discours aux étudiants sur les bénéfices du système actuel d’exploitation et sur le caractère non-viable d’une transformation radicale de ces structures socio-économiques, politiques et culturelles qui continuent à dominer la majorité misérable qui vit dans les grandes villes et les espaces ruraux. A ce sujet McLaren affirme que « les écoles reproduisent les structures de la vie sociale par la colonisation (socialisation) des subjectivités de l’étudiant et en établissant des pratiques sociales caractéristiques de la société ».

Cependant, l’école traditionnelle ne reproduit pas seulement l’idéologie dominante de passivité devant le système, mais également la reproduction d’une idéologie culturelle despotique. A travers le racisme et le sexisme, transmis par l’impérialisme culturel, on génère chez l’apprenant une indifférence face à l’afro-américain, l’indigène, l’immigrant, le paysan et l’homosexuel en provoquant une marginalisation de ces thématiques sociales dans l’éducation. En dehors de l’école, il se produit quelque chose de similaire car « la culture dominante place les marginaux dans des relations de dépendance dans lesquels on les prive de droits civiques égalitaires » (McLaren). Ce qui montre cela, c’est la division ethnique et sexuelle du travail qui soumet la femme et la population non-blanche aux diktats des grands magnats de l’économie mondiale. Mais l’impérialisme culturel qui se présente dans et hors de l’école est une excuse pour maintenir des idioties dans les masses dépossédées à travers une domination indirecte ni économique, ni violente.

« En effet, ce que l’école conserve et distribue, écrit Michael Apple, ce n’est pas seulement la propriété économique, mais il existe également une propriété symbolique – un capital culturel -. De cette manière, nous pouvons commencer à obtenir aujourd’hui une compréhension plus complète de la manière par laquelle les institutions de conservation et de distribution de la culture, comme les écoles, créent et re-créent des formes de conscience qui permettent le maintient du contrôle social sans que les groupes dominants n’aient besoin de recourir à des mécanismes explicites de domination ». Il ne faut pas occulter que les étudiants sont manipulés par les modes, les jeux vidéos, les réseaux sociaux et autres produits du marché au bénéfice du maintien du statu quo. Ce lavage de cerveau que reçoivent les élèves à l’intérieur et à l’extérieur des murs de l’école s’ajoute à la production de l’enseignant autoritaire qui tente d’introduire dans l’esprit des apprenants la peur, la religion, la consommation et la soumission. En outre, « les écoles opèrent principalement pour reproduire les valeurs et les privilèges des élites » (McLaren) comme le sont le respect de la propriété privée, la loyauté à l’exploiteur et la tolérance à l’inégalité sociale produite par la folie et l’ambition d’une minorité opulente.

Le pouvoir des élites est tellement fort que « les étudiants provenant de milieux blancs et riches obtiennent des privilèges au-dessus de ceux qui viennent d’autres groupes, non pas par mérite, mais grâce aux avantages que leur apporte l’argent et l’importance du statut social » (Mc Laren). De cette manière, l’école se transforme en un champ de bataille entre des classes antagonistes qui cherchent à obtenir des choses distinctes : l’une désire dominer, l’autre doit être dominée.

C’est ici qu’intervient la pédagogie critique qui, en défendant les exploités et les opprimés du système, tente de réaliser une transformation structurelle des niveaux d’action micro et macro « qui identifie comment (l’école) se trouve perméable au niveau macro à des facteurs politiques, économiques sociaux et culturels, et au niveau micro, par la propre expérience vécue par chaque sujets qui y participe » (Ortega Valencia, 2009). Ce changement des inégalités sociales et culturelles dans l’école est le premier pas dans la recherche d’une société différente qui aura comme caractéristique importante la suppression de la propriété privée, la lutte des classes et la discrimination raciale. A travers la conscientisation des apprenants et d’un processus d’éducation qui est une théorie et une praxis, l’enseignant fait trembler les ciments de l’école traditionnelle. L’école est transformée pour les étudiants en une tranchée d’insoumission anti-systémique qui provoque un acte de résistance qui « doit constituer une fonction révélatrice, qui contienne une critique de la domination et offre des opportunités théoriques pour l’auto-réflexion et la lutte dans l’intérêt de l’émancipation personnelle et de l’émancipation sociale ».

La libération de ce jeu qui transforme l’apprenant en une vis de cette grande machine appelée capitalisme conduit la totalité de la société à un monde nouveau d’égalité, de justice et de fraternité.

Présentation du CIAL : https://centrodeinvestigacionaccionlibe ... nizativos/

Traduit de l’espagnol par Irène Pereira, le 20/08/2016


http://www.questionsdeclasses.org/?Anar ... ieLe-texte
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 28 Aoû 2016, 15:35

A l’école libertaire Germinal, São Paulo, Brésil

Suivant l’onde de choc provoquée par l’exécution de Francisco Ferrer, le projet de création d’une école moderne naît à São Paulo en novembre 1909 et se réalise dès l’année suivante. Il a toutefois été précédé d’une autre expérience pédagogique, celle de l’école libertaire Germinal, active à São Paulo dès 1902. C’est Angelo Bandoni, fondateur et rédacteur du périodique homonyme, qui crée cette école dont il est aussi le professeur. On apprend, de la plume de Bandoni lui-même, que les élèves de l’école Germinal savent parfaitement définir les concepts les plus complexes et les principes anarchistes les plus élaborés, qu’ils ont appris à définir l’histoire, à haïr la religion, la propriété privée et la patrie. Cet apprentissage (?) passe le plus souvent par des chansons, la plupart écrites par le maître pour « influencer (!) la sensibilité » des élèves. Voici un extrait du chant qui vient ponctuer la fin de chaque journée d’école :

Noi siam figli di sfruttati
che fecondan col sudore
le delizie pel signore,
che in compenso un pan non dà ;
noi siam seme di pezzenti
che vagheggian l’ideale
di vederlo il mondo uguale,
senza servi, né padron.
Collo studio apprenderemo
a distinguere i fratelli
ed intrepidi ribelli
noi sarem per l’avvenir !
Addestrati nella lotta…


Nous sommes fils d’exploités
qui fécondent par leur sueur
les plaisirs de ces messieurs
qui en retour ne donnent pas de pain.
Nous sommes semence de miséreux
qui aspirent à un idéal,
celui de voir un monde juste
sans esclaves ni patrons.
Par l’étude nous apprendrons
à reconnaître nos frères
et de l’avenir nous serons
les rebelles intrépides.
Élevés dans la lutte…

L’école Germinal cesse d’exister en 1905, mais Bandoni n’en reste pas là et sévit dans bien d’autres projets scolaires. La création des écoles modernes ayant entraîné un renouveau dans la discussion sur l’enseignement, Bandoni intervient dans les débats en présentant une méthode « mnémologico-résolutive » qu’il a mise au point en 1912. Cette méthode est basée, comme son nom l’indique, sur la mémoire et consiste à faire apprendre par cœur toute une série de définitions avant de passer aux exemples pratiques. Ainsi pour le triangle, nous dit Bandoni, « au lieu de recourir tout de suite à l’expression graphique, je fais apprendre des petites leçons », en l’occurrence une vingtaine (!) de lignes. Selon Bandoni, il n’y a pas de méthode plus rationnelle ni plus rapide pour que la notion, quelle qu’elle soit, devienne inoubliable et pour démontrer l’efficacité de sa pratique, il tient une série de conférences accompagné par deux jeunes écolières auxquelles il fait réciter une kyrielle de définitions de physique, chimie, botanique, astronomie, météorologie, mathématique, géographie… L’histoire ne dit pas combien de temps ces élèves ont gardé en mémoire ces définitions, ni même si elles ont compris les notions, mais cette prestation, lamentable aux dires de certains spectateurs, nous rappelle combien l’enfer pédagogique peut être pavé des meilleures intentions.

Texte pour le calendrier du CIRA de Marseille

http://atelierdecreationlibertaire.com/ ... lo-bresil/
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 29 Oct 2016, 17:57

L’éducation libertaire

Séminaire ETAPE n°11 – Décembre 2014

Éducation et pédagogie dans la tradition libertaire

Par Hugues Lenoir

Enseignant-chercheur en Sciences de l’Education à l’Université de Paris Ouest Nanterre La défense et militant de la Fédération Anarchiste

Auteur notamment d’Autogestion pédagogique et éducation populaire : l’apport des anarchistes (Editions Libertaires, 2014)

Introduction

Avant même la création de l’Internationale antiautoritaire en 1872 à Saint-Imier (Suisse), Gustave le Français, engagé durant la Révolution de 1848, membre de l’Internationale et de la « minorité » antiautoritaire durant la Commune [1] participe à la rédaction du Programme d’enseignement de l’association fraternelle des instituteurs et institutrices et professeurs socialistes suite à un appel dans le journal proudhonien Le Peuple en février 1849. Il apparaît comme l’une des premières sources de la pédagogie libertaire et syndicaliste. Ce programme a pour objectif de donner à tous indistinctement une égale instruction. Il fut largement soutenu par les unions ouvrières parisiennes qui permirent d’ailleurs de le publier. Il vise à donner « à la société un homme, un travailleur, un citoyen largement instruit de ses devoirs, propre à les remplir dans leur plus haute et plus saine expression »[2]. Education pour l’Egalité devant conduire de plus à la dignité du travail dans une société harmonieuse où « il ne peut y avoir des professions libérales, d’un côté, et des professions serviles, de l’autre »[3].

Proudhon

De son côté, Proudhon reprend l’idée d’une éducation intégrale dans la trace de Charles Fourier. Fourier qui proposait déjà une société sans Etat reposant pour une large part sur une éducation libre et choisie par les apprenants eux-mêmes. Ainsi avant même la naissance « officielle » » de l’anarchisme social, le mouvement dont nous sommes les continuateurs s’est réclamé d’un éducationnisme révolutionnaire. Proudhon dans De la capacité politique des classes ouvrières a pour ambition d’œuvrer dans le sens de « l’émancipation intellectuelle du peuple »[4] et toujours clair voyant, il pressentait que l’école d’Eglise et/ou l’école d’Etat serait une machine à organiser la soumission des humbles et à n’offrir qu’une instruction élémentaire visant à enfermer la jeunesse et le futur producteur « dans l’étroitesse de ses fonctions parcellaires »[5], dans le travail aliéné. Car sans garantie et sans contrôle des associations ouvrières « l’enfant envoyé aux écoles ne sera toujours qu’un jeune serf dressé pour la servitude, au mieux des intérêts et de la sécurité des classes supérieures »[6]. Proudhon considère donc que « les associations ouvrières sont appelées à jouer un rôle important. (…), elles deviennent à la fois foyers de productions et foyers d’enseignement »[7], proposition que reprendront en leur temps les anarcho-syndicalistes ou Sébastien Faure. Edouard Dolléans, lecteur de Proudhon souligne que « l’union de l’atelier et de l’école permettra de restituer au travail sa signification et sa joie. L’alliance intime de l’enseignement humaniste et scientifique et l’apprentissage industriel est, aux yeux des ouvriers parisiens [souvent proudhoniens], la condition même de l’émancipation sociale »[8]. Ainsi Pierre Joseph Proudhon avait de fait conçu, c’est pourquoi le « parti du travail »[9] s’en empara, « un système d’éducation adéquat aux producteurs dans une société où le producteur serait souverain »[10].

L’Internationale

A partir de 1864 et de la création de l’Association Internationale des travailleurs (AIT) puis lors des congrès de l’Internationale antiautoritaire l’Education fut souvent, voire toujours évoquée lors des différents congrès.

En effet, dès le second congrès de l’A.I.T. à Lausanne en 1867 fut évoquée la nécessité d’un enseignement intégral inspiré de Proudhon. Le congrès émettra d’ailleurs « une résolution en faveur de l’organisation de l’école-atelier, et d’un enseignement scientifique, professionnel et productif »[11]. En effet, aux yeux des internationaux, « l’instruction et l’éducation sont (…) une des conditions de leur émancipation et comme l’affirme, l’un d’entre eux, Heligon : « l’absence d’instruction met le travailleur sous la dépendance de ceux qui la possèdent »[12]. Crainte d’une dictature de l’intelligentsia que Bakounine redoutait aussi de son côté lorsqu’il écrivait : « nous demandons pour le prolétariat non seulement de l’instruction, mais toute l’instruction, l’instruction intégrale et complète, afin qu’il ne puisse plus exister au-dessus de lui, pour le protéger et le diriger, c’est-à-dire pour l’exploiter, aucune classe supérieure par la science, aucune aristocratie de l’intelligence »[13]. Au congrès de Bruxelles en 1868, la question de l’éducation est de nouveau inscrite à l’ordre du jour ; son point quatre a pour thème : L’enseignement. James Guillaume rappelle dans ses souvenirs la motion adoptée alors et inspirée du texte de Lausanne : « le congrès invite les différentes sections à établir des cours publics suivant un programme d’enseignement scientifique, professionnel et productif, c’est-à-dire (un) enseignement intégral, pour remédier autant que possible à l’insuffisance de l’instruction que les ouvriers reçoivent actuellement »[14]. En 1869, un an plus tard au congrès de Bâle, l’éducation intégrale est inscrite au débat et fait l’objet d’une motion. Le congrès recommande en effet « à toutes les sections des groupes d’organiser dans leur sein des séances de discussion où sera abordée l’étude de tous les sujets se rattachant aux sciences, aux arts, aux métiers »[15]. Une telle place octroyée aux débats sur l’éducation dans les congrès démontre l’importance que lui donnaient les Internationaux pour une large part libertaire [16].

Les Bourses du travail

Il en sera de même en France où les Bourses du Travail mettront aussi régulièrement à l’ordre du jour de leurs travaux la question éducative. Fernand Pelloutier le 1er mai 1895 affirme que « la mission révolutionnaire du prolétariat éclairé est de poursuivre plus méthodiquement, plus obstinément que jamais, l’œuvre d’éducation morale, administrative et technique pour rendre viable une société d’hommes fiers et libres »[17]. A cette fin la plupart des Bourses créeront en leur sein des cours généraux ou professionnels, ouvriront des bibliothèques et certaines accueilleront les Université populaires… Pour donner quelques exemples, à Paris en 1900, le VIIIe Congrès des Bourses prit la décision suivante : « les Bourses devront immédiatement faire le nécessaire pour créer des cours populaires où, sous forme de lectures, seront commentés les écrits de tous les penseurs qui honorent l’humanité. Le Congrès invite, en outre, à faire tous leurs efforts pour compléter l’enseignement technique par l’enseignement primaire »[18]. En 1908 au Congrès de Marseille, le rapport du délégué de la Bourse du travail de Lorient, Yves-Marie Trévennec est intitulé « Les écoles syndicales et l’enseignement adapté à la classe ouvrière ». L’auteur y déclare que pour qu’une société égalitaire et libre voit le jour, il serait nécessaire que les individus « aient reçu une éducation spéciale, comme nous la voudrions pour nos enfants, nous qui savons quels germes tenaces a jetés dans nos cerveaux l’enseignement néfaste de l’école cléricale ou de l’école laïque. La classe ouvrière fut et continue à être instruite contre elle-même. L’éducation syndicale est toute à faire »[19]. Enfin en 1912, la Bourse du Travail d’Amiens se donne pour but en matière d’éducation « de compléter l’enseignement professionnel, de relever, par des cours et des concours d’apprentis, l’art manuel que la division du travail industriel moderne tend à faire disparaître, et de compléter, par des cours et des conférences d’enseignement général, l’éducation et l’instruction des classes laborieuses »[20]. Albert Thierry préconise même de ne pas se limiter à cette seule éducation secondaire syndicaliste, il préconise aussi une éducation générale supérieure adaptée aux besoins du travail. Cet « enseignement supérieur ouvrier » pluridisciplinaire sera dispensé dans le cadre de « l’université syndicale »[21]. En d’autres termes, « c’est par cette éducation que les prolétaires pourront ébaucher ou parfaire une organisation communale, régionale, nationale, (…), internationale de l’économique »[22], c’est-à-dire ébaucher puis construire une société basée sur les principes du fédéralisme proudhonien.

La CGT syndicaliste révolutionnaire

Quant aux animateurs de la CGT syndicalistes révolutionnaires où les anarchistes étaient nombreux, ils s’inscrivent naturellement dans la tradition éducationniste libertaire. Emile Pouget, secrétaire général adjoint de la C.G.T. et talentueux rédacteur du Père peinard, considère que l’émancipation sociale du mouvement ouvrier est étroitement liée à sa formation. Pour lui, « la besogne du syndicat qui prime sur toutes les autres et qui lui donne son véritable caractère de combat social est une besogne de lutte de classe ; elle est de résistance et d’éducation »[23].

Georges Yvetot s’inscrivant dans la trace de Fernand Pelloutier écrit : « la transformation sociale n’étant que la somme des transformations individuelles, nous pouvons conclure que l’éducation individuelle et collective faite dans certains syndicats ouvriers y contribuera énormément »[24]. Et Paul Delesalle qui assumera lui aussi des responsabilités importantes à la C.G.T. considère que le syndicalisme se doit d’œuvrer à « l’éducation morale des travailleurs »[25], qu’il faut entendre comme une élévation morale et culturelle des individus dans et par le syndicalisme. Comme le confirme un observateur de l’époque, Auguste Pawlowski : « le syndicalisme confédéral se regarde non seulement comme rénovateur, mais encore comme moralisateur et éducateur »[26].

Par la suite malgré la bolchévisation du syndicalisme après 1921, le courant libertaire et révolutionnaire affaibli maintiendra ses positions sur l’éducation héritées de l’Internationale antiautoritaire. Il réaffirme et adopte dans la Charte de Lyon au congrès constitutif de la C.G.T.-S.R. (syndicaliste révolutionnaire) qui se déroule les 1er et 2 novembre 1926 que « le syndicalisme dans la période pré-révolutionnaire (…) sera mener à bien la besogne de documentation, d’éducation technique et professionnelle en vue de la réorganisation sociale, (et) sera réaliser dans les meilleures conditions l’apprentissage de classe à la gestion »[27]. Il s’agit donc bien encore de former l’ensemble de la Classe à la gestion et à l’organisation de la société future. Cette déclaration en matière de formation sera reprise in extenso en 1946 dans la Charte de Paris, lorsque fut créée, à la suite de la C.G.T.-S.R. autodissoute en 1939, la Confédération Nationale du Travail (C.N.T.)[28]. Pierre Besnard, animateur de la C.G.T.-S.R. réaffirme la filiation éducationniste et l’importance des enjeux pour les révolutionnaires de la formation, tant en matière de préparation que de réalisation d’un Monde nouveau [29]. Cette continuité de pensée est si forte et si constante que, dans son ouvrage majeur Les syndicats ouvriers et la Révolution sociale publié en 1930, Pierre Besnard écrit dans le chapitre qu’il consacre, dans la tradition, à l’éducation : « j’ai lu et relu les quelques pages que James Guillaume consacre à cette question. Je ne vois rien à y ajouter (…). Ecrites en 1876, elles restent d’aujourd’hui »[30]. Pour lui, « le problème que nous avons à résoudre est donc, toujours et comme tous les autres, d’abord un problème d’éducation, de formation syndicaliste »[31] et « si le syndicat sait faire œuvre de prospection et de formation, avec toute la patience, en même temps que toute la célérité que nous imposent les événements, il sera capable de faire face à sa tâche »[32], à savoir la Révolution sociale.

Le mouvement anarchiste espagnol

De son côté le mouvement libertaire et syndicaliste espagnol, lui aussi héritier de l’Internationale s’inscrit aussi dans la nécessité de développer l’Education pour engager et réussir le processus de transformation radicale. Ainsi, la 3e séance du Congrès fondateur de la CNT en 1910 adopte une résolution qui vise à « créer, dans toutes les localités où cela sera possible, des groupes consacrés uniquement à la divulgation des principes syndicalistes au sein de la classe travailleuse, en particulier chez les jeunes ouvriers. Ces groupes devront servir aussi de lieu éducatif pour constituer un vivier de compagnons apte à parler au public dans les meetings, faire des conférences, écrire dans les journaux et toutes les autres formes d’activités syndicales »[33]. On connaît par ailleurs le rôle important des athénées libertaires dans la montée en puissance et en culture du mouvement anarchiste ibérique. Le Congrès de Saragosse, prélude à la Révolution sociale libertaire réaffirmera le principe d’éducation. Face à « de nombreux obstacles traditionnels, à cause du retard culturel, à cause de l’instinct de propriété et de d’individualisme qui complique la captation des masses paysannes à des fins collectivistes. Le mouvement anarcho-syndicaliste paysan peut et doit vaincre ces obstacles au moyen d’une propagande claire, vaste et tenace de ses fins idéologiques, et d’une tâche éducative et syndicale qui développe, parmi les travailleurs de la campagne, leurs habitudes de solidarité collective qui les dispose et les prépare, sans réserve et dans leur propre intérêt, pour l’implantation du régime communiste libertaire »[34]. L’éducation est donc essentielle et consubstantielle du projet anarchiste et le même congrès de souligner que « le problème de l’enseignement devra être abordé avec des procédés radicaux. En premier lieu, l’analphabétisme devra être combattu énergiquement. On restituera la culture à ceux qui en furent dépossédés (…). L’enseignement en tant que mission pédagogique visant à éduquer une humanité nouvelle, sera libre, scientifique et identique pour les deux sexes »[35].

Principes et réalisations

Au-delà de l’élaboration de principes généraux quant à l’importance de l’éducation dans le processus révolutionnaire anarchiste dont je pourrais encore multiplier les exemples, notre mouvement fut et est encore, malgré son déclin dans la seconde moitié du XXe siècle, à la pointe de l’innovation, des réflexions et des expérimentations pédagogiques.

James Guillaume, lui-même éducateur et collaborateur du Dictionnaire pédagogique rédigé à l’initiative de Fernand Buisson énonça en quelques lignes les principes de la pédagogie libertaire et autogestionnaire. Dans son texte de 1876, Idées sur l’organisation sociale, il tient les propos suivants sur le fonctionnement pédagogique des espaces éducatifs : « dans leurs réunions, les enfants seront complètement libres : ils organiseront eux-mêmes leurs jeux, leurs conférences »[36].Guillaume affirme bien là le principe premier de l’autogestion pédagogique, à savoir celui de pouvoir décider collectivement de son activité d’apprentissage, en d’autres termes, ceux-là mêmes d’Albert Thierry, de vivre et de mettre en place l’action directe pédagogique. Et Guillaume d’ajouter : « ils établiront un bureau pour diriger leurs travaux, des arbitres pour juger leurs différends, etc. »[37]. N’est-ce pas ici la préfiguration d’un « soviet » de classe ou d’école, un conseil où les enfants organisent leurs débats, prennent des décisions, gèrent leurs éventuels différends et conflits. Conseil que l’on trouve aujourd’hui mis en place dans les écoles où se pratiquent des pédagogies progressistes. Et il ajoute : les enfants ainsi « s’habitueront […] à la vie publique, à la responsabilité, à la mutualité »[38]. Guillaume préconise l’apprentissage in vivo de l’autogestion pédagogique, non pas aux seules fins d’apprentissages de savoirs académiques ou professionnels mais à des fins sociales. « L’école du peuple » doit permettre au peuple de développer son propre système de valeur et de fonctionnement, d’expérimenter des pratiques libertaire par l’éducation et dans l’éducation. L’école, la classe deviennent des laboratoires sociaux où se construisent, se débattent, se décident, se testent, se perfectionnent… d’autres modalités de gestion et d’administration des sociétés humaines. La pédagogie libertaire de l’autogestion est donc initiatrice et préfiguratrice de fonctionnements sociaux différents, non plus ceux de la compétition mais ceux de la saine émulation et de la gestion collective du bien commun.

C’est ce que préconisaient les théoriciens anarchistes et syndicalistes révolutionnaires. Ce sont ces mêmes principes qui furent mis en œuvre ultérieurement dans de nombreuses circonstances. Que ce soit à Cempuis (1880-1894) dans l’Oise avec cet autre membre de l’AIT que fut Paul Robin où la pédagogie intégrale prônée par Proudhon fut expérimentée durant quatorze ans. Mais aussi pédagogie active, coopérative et de la découverte car pour Robin « aux éducateurs à aider [les enfants] à trouver les réponses à leurs questions, soit dans l’expérience, soit dans les réunions avec les camarades, soit dans les livres et le plus rarement possible à leur répondre directement eux-mêmes »[39]. Que ce soit La Ruche (1904-1917) animée par l’anarchiste Sébastien Faure qui bénéficia du soutien des syndicats de la seine de la CGT. Ruche qui prit la forme d’une coopérative intégrale où travail et éducation étaient intimement associés et où pour l’éducateur, écrit Faure « l’important, c’est de lui [à l’enfant] apprendre à apprendre »[40]. Ou encore les expériences conduites par les Maîtres-camarades de Hambourg (1919-1933) qui visaient à développer chez l’enfant « un sens de responsabilité envers les êtres humains parmi lesquels il vit »[41], en d’autres termes à développer son humanité et sa sociabilité. Voire les centaines d’école Ferrer de Catalogne (150 en 1908) qui se multiplièrent de par le Monde comme au Portugal, au Brésil, au Pays-Bas… Ecoles rationalistes et modernes où il s’agissait une fois de plus de permettre aux apprenants de s’épanouir et se réaliser en toute liberté et d’échapper aux projets des « gouvernements [et des Églises qui] ont toujours veillé à diriger l’éducation du peuple [car] ils savent mieux que personne que leur pouvoir repose totalement sur l’école et c’est pour cela qu’ils la monopolisent avec chaque fois plus d’acharnement »[42]. Mais aussi, l’école Ferrer de Lausanne créée en 1910 qui était placée sous le patronage de la Fédération des unions ouvrières de Suisse romande et du pédagogue libertaire Henri Roorda qui refusait le bourrage des crânes (sic) et qui pensait qu’« à l’école, les enfants pourraient s’instruire mutuellement. Mais la consigne est formelle : – « Ne vous aidez pas les uns les autres ! – Collaborer, c’est tricher [43] » déplorait-il.

Dans une période plus récente d’autres riches expériences furent entreprises comme l’école Da Ponte au Portugal née après la révolution des Œillets de 1974 et où plusieurs centaines d’enfants s’éduquèrent ou l’école Bonaventure (1993-2001) à Oléron qui se définissait comme une expérience d’éducation « à et par la liberté, l’égalité, l’entraide, l’autogestion et la citoyenneté (…) brandissant haut et clair le drapeau de la laïcité, de la gratuité, d’un financement social, de la propriété collective, de l’égalité des revenus »[44]. En clair comme un projet d’éducation libertaire revendiqué « en incluant une pratique scolaire à un mouvement social et culturel, [afin de renouer] avec l’éducation populaire du début du siècle»[45] et les autres expériences libertaires éducatives. Ou encore comme les lycées expérimentaux en France dont le LAP (lycée autogéré de Paris) qui a fêté ses trente ans en 2012 et ou plusieurs milliers de lycéens ont séjournés et qui, au-delà des apprentissages académiques, tend à développer chez les jeunes apprenants d’autres pratiques sociales autogestionnaires. Car « vivre et agir parmi d’autres de manière réfléchie est une condition préalable à la compréhension de la citoyenneté à l’échelle d’une nation ou à l’échelle de la planète »[46]. Enfin, et sur le terrain de l’éducation des adultes la relance à Saint-Denis par des militants de Fédération anarchiste d’une université populaire, la Dionyversité qui se définit comme un projet politique, social et éducationniste explicite qui inscrit sa visée émancipatrice dans un cadre autonome se revendiquant clairement de « la capacité politique (donc éducationniste) des classes ouvrières » (1865) de Pierre-Joseph Proudhon et de Fernand Pelloutier afin que chacun puisse accéder à la compréhension des causes de sa domination économique et sociale. Elle tente aussi de développer localement toutes les initiatives possibles d’auto-organisation (AMAP, bibliothèque, atelier informatique, jardin partagé…) et de reprendre, le cas échéant, des initiatives impulsées sur d’autres territoires, comme le festival Bobines rebelles de la Creuse. En d’autres termes, l’Université Populaire (au sens large) vise à multiplier sur tous les terrains des initiatives auto-organisées et pas seulement des structures d’acquisition de savoir formel, mais toutes les initiatives sociales directes, toujours porteuses, qu’elles soient pérennes ou non, d’apprentissage, de valeurs et de sociabilité nouvelles.

Conclusion

Cette communication à nos rencontres internationales de Saint-Imier de 2012, 140 ans après la création de l’Internationale antiautoritaire contribuera à démontrer que les tâches d’éducation s’inscrivent fortement et depuis sa fondation dans la tradition libertaire. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle éducation autoritaire visant à conformer la femme et l’homme nouveaux aux visées et aux désirs d’une minorité « éclairée » mais de permettre à chacun et chacune de se réaliser et de s’épanouir dans toutes ses dimensions de et par la liberté. La cohérence entre projet social et projet éducatif anarchiste est forte et logique, on ne crée pas une société libre sans une éducation libre. C’est ce que nos prédécesseurs avaient compris, à nous d’agir dans cette direction pédagogique et sociétale.

Hugues Lenoir

Présentation aux Rencontres internationales anarchistes à Saint-Imier 2012 (8-12 août)


Pour en savoir plus (ouvrages d’Hugues Lenoir) :

◾ Éduquer pour émanciper, Éditions CNT-RP, Paris, 2009
◾ Henri Roorda ou le Zèbre pédagogue, Éditions du Monde libertaire, Paris, 2009
◾ Éducation, autogestion, éthique, Éditions libertaires, Saint-Georges-d’Oléron, 2010
◾ Précis d’éducation libertaire, Éditions du Monde libertaire, Paris, 2011.
◾ Pour l’éducation populaire, Éditions du Monde libertaire, Paris, 2012.
◾ Autogestion pédagogique et éducation populaire : l’apport des anarchistes, Éditions libertaires, Saint-Georges-d’Oléron, 2014
◾ Madeleine Vernet, Éditions du Monde libertaire, Paris, 2014


[1] L’Education laïque et gratuite fut d’ailleurs l’une des préoccupations premières de la Commune de Paris.

[2] Lefrançais G., 1972, Souvenirs d’un révolutionnaire, Société encyclopédique française et Éditions de la Tête de feuilles, Paris, en annexe Programme d’enseignement, p. 485.

[3].Ibid., p. 468.

[4] Proudhon P.-J., 1977, De la capacité politique des classes ouvrières, Paris, Les Editions du Monde libertaire, t. 2, p. 335.

[5] Dommanget M., 1973, Les grands socialistes et l’éducation, Paris, A. Colin, p. 252, ici Maurice Dommanget cite Proudhon.

[6] Proudhon P.-J., De la capacité politique des classes ouvrières, op. cit., t. 2, p. 337.

[7] Ibid., p. 344.

[8] Dolléans E., 1957, Histoire du mouvement ouvrier, Paris, A. Colin, t.1, p. 282.

[9] Allusion au texte d’Emile Pouget, Le parti du travail, Paris, Editions CNT-RP, 1997.

[10] Dommanget M., op. cit., p. 248.

[11] Dolléans E., op. cit., t. 1 p. 304.

[12] Ibid., t. 1, p. 307.

[13] Baillargeon N., 2005, Education et Liberté, Tome 1, 1793-1918, Montréal, Lux éditeur, p. 165.

[14] Guillaume J., 1980, L’internationale, documents et souvenirs, Genève, Ed. Grouauer, t. 1, p. 70.

[15] Terrot N., 1983, Histoire de la formation des adultes en France, Paris, Edilig, p. 52.

[16] Terme non employé à l’époque mais qui définit bien la sensibilité de nombre de congressistes.

[17] Pelloutier F., propos du 1er mai 1895 que l’on retrouve in Les syndicats en France, Paris, Librairie ouvrière, 1897, p. 15.

[18] Leroy Maxime, 2007, La Coutume ouvrière, Paris, Editions CNT-RP, Tome 1 (1ère édition 1913), p. 434.

[19] Cité par Hamelin D., « Les Bourses du travail : entre éducation politique et formation professionnelle », in Le Mouvement social, n°23, mai-juin 2011, p. 27.

[20] Leroy Maxime, op. cit., p. 302.

[21] Thierry A., 1986, Réflexions sur l’éducation, op. cit., pp. 142-143 et p. 148.

[22] Ibid., p. 166. J’ai volontairement retranché de la citation l’adjectif « coloniale » qui aujourd’hui pourrait être mal interprété.

[23] Pouget E., 1997, La confédération générale du travail suivi de Le parti du travail, Paris, Editions CNT, p. 140

[24] Lorulot A., Yvetot G., 1909, Le syndicalisme et la transformation sociale, Paris, Librairie internationaliste, p. 15. Cette brochure reprend une série d’articles parus dans Le libertaire en 1905 reflétant le débat dans le milieu anarchiste sur la place du syndicalisme.

[25] Delesalle P., 1907, La Confédération Générale du Travail, Paris, La Publication sociale, p. 9.

[26] Pawlowski A., 1910, La Confédération Générale du Travail, Paris, Alcan, p. 95.

[27] Charte de Lyon, ronéotée, supplément à Solidarité ouvrière, n° 50, publiée par l’Alliance syndicaliste, s.d.

[28] Charte du Syndicalisme révolutionnaire dite charte de Paris (1946), Paris, Ed. CNT, 1978, p.8.

[29] Allusion à Besnard P., Le monde nouveau, organisation d’une société anarchiste, édité par le groupe de Fresnes-Antony de la Fédération anarchiste, 4ème édition, s.d.

[30] Besnard P., 1978, Les syndicats ouvriers et la Révolution sociale, Editions le Monde Nouveau, Besançon (?), p. 320.

[31] Besnard P., 1990, L’éthique du syndicalisme, Paris, Ed. CNT-RP, p. 46. Il s’agit bien ici de formation dans l’esprit « syndicaliste » et non de la formation exclusive des syndicalistes.

[32] Ibid., pp. 50-51.

[33] 1910, Naissance de la CNT, 2010, Paris, Editions CNT-RP, p. 93.

[34] Dupont C., 2002, Ils ont osé ! Espagne 1936-1939, Paris, Editions du Monde libertaire. p. 132, Résolution du Congrès de Saragosse, 8 mai 1936.

[35] Collectif Equipo Juvenal Confederal, 1997, La collectivité de Calanda, Ed. CNT-RP, pp. 28-29.

34 Guillaume J., « Idées sur l’organisation sociale », in Besnard P., 1978, Les Syndicats ouvriers et la Révolution sociale, Éditions le Monde nouveau, Besançon (?), p. 324.

[37]Ibid., p. 324.

[38]Ibid., p. 207.

[39] Cité par Brémand N., 1992, in Cempuis, une expérience d’éducation libertaire à l’époque de Jules Ferry, Éditions du Monde libertaire, Paris.

[40] Faure S, 1992, Écrits pédagogiques, Éditions du Monde libertaire, Paris, p. 41.

[41] Schmid J.-R., 1936, Le Maître-camarade et la Pédagogie libertaire, Éditions Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, p. 47.

[42] Francisco Ferrer i Guardia, 2009, L’École moderne, BXL laïque, Bruxelles, pp. 50-51 ; entre crochets, ajouté par moi.

[43] Roorda H., 1969-1970, « Avant la grande réforme de l’an 2000 », Œuvres complètes, t. 2, Lausanne, Editions L’âge d’homme. p. 157.

[44] Collectif, 1999, La Farine et le Son, bilan d’une république éducative libertaire, Bonaventure, Éditions du Monde libertaire/Editions Alternative libertaire, Paris-Bruxelles), p. 3.

[45] Collectif, La Farine et le Son, bilan d’une république éducative libertaire, Bonaventure, op. cit., p. 63.

[46] Site du LAP : http://www.l-a-p.org/ (LAP).


http://conversations.grand-angle-libert ... ibertaire/
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Re: L'éducation libertaire

Messagede T.B. » 30 Oct 2016, 11:23

J'interviens après que la bataille ait été livrée. T.B. d'Offenbach !

1) L'éducation libertaire
Tel est bien le sujet. Alors il me semble que l'école n'y a pas sa place. Si éducation libertaire il y a, il vaudrait mieux pour elle qu'elle prenne place ailleurs qu'à l'école, soit dans une structure différente. Il n'y a rien de naturel dans le fait de rassembler les "apprenants" dans un lieu séparé, de les répartir en classes d'âges, ni même de considérer que ce sont forcément/uniquement les jeunes qui ont besoin d'apprendre.

2) L'éducation libertaire dans une société capitaliste
Alors là, on commence à s'empoigner. La forme étatique d'enseignement (l'école) est fondamentalement incompatible avec l'émancipation des ses agents (qu'ils soient professeurs ou élèves d'ailleurs). Pour faire vite, elle a surtout été crée à des fins de contrôle (ne pas laisser les enfants du prolétariat foutre le boxon dans les rues et se livrer à la petite délinquance) et de reproduction (adapter le principe de transmission héréditaire des privilèges de la noblesse aux besoins de la bourgeoisie). Du coup, il faut forcément naviguer en marge, soit en créant une école séparée mais tolérée (voire subventionnée) par le système éducatif étatique, soit en tentant de saboter la machine en pénétrant dans la salle des machines. Les deux stratégies ont leurs avantages et leurs limites.

3) La responsabilité des professeurs
Il a été précédemment discuté de la responsabilité de ceux qui, choisissant de rejoindre le système étatique, contribuent à faire ce qui est attendu d'eux, parfois aux antipodes de leurs désirs. Personnellement, j'aurais tendance à dire que tous les agents du système éducatif ont leur part de responsabilité. Il ne faudrait pas (trop) la relativiser au prétexte que personne n'y échappe ou qu'on est, à l'état isolé d'individu, inapte à changer fondamentalement la donne. Le professeur y est statutairement un agent répressif, engagé dans un jeu dont il contribue fort peu à formuler les règles. En gros, il fait comme ses élèves, il obéit.

4) Désobéissance
J'aurais tendance à dire que toute désobéissance ne peut être efficace que si elle est collective. Je peux décider de ne plus noter mes élèves mais si mes collègues continuent à le faire... Le prélude à la transformation du système scolaire est le renversement du rapport de force. Et pour cela, il faut une coalition de professeurs, d'élèves, de directeurs d'école,... organisés. En attendant, on ne peut se permettre que des tentatives du style "grain de sable" et commencer un long et ardu travail de militance.
T.B.
 
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Re: L'éducation libertaire

Messagede Pïérô » 01 Nov 2016, 21:51

Je suis bien d’accord sur la question de la présentation de l’alternative, une alternative globale et généralisée, qui ne peut se conjuguer avec ce système. Et il y a des articulations à trouver et pratiquer parce qu’on ne peut pas être passifs-ves, et qu’il y a des expériences alternatives à mener aujourd’hui pour construire l’alternative de demain en terme de jalons.
On peut voir qu’il y a eu des expériences d’écoles libertaires dans l’Histoire, la dernière dans l’ile d’Oléron, et qui ne sont pas d’ailleurs absentes de critiques.
Nous pourrions faire différence entre éducation et pédagogie libertaire, cette dernière permettant justement des pratiques même dans le cadre institutionnel, des pratiques qui peuvent se partager au delà du mouvement libertaire proprement dit.
C’est là qu’on peut trouver formes d’expérimentations à mener et soutenir, qui peuvent s’inscrire dans une dynamique de débordement du système capitaliste et s’inscrire dans un projet communiste libertaire à partager.
Tenter des pratiques alternatives, désobéir, résister à la réaction, construire à contre-courant, c’est une
voie pour l’enseignant-e révolutionnaire.
Au delà de la fonction assignée, la résistance individuelle peut exister et doit se développer, et en renforçant et se renforcer d'une force collective nécessaire.
C'est à partir de ces éléments partagés, donc, qu'il reste à construire à la fois cette alternative, ces alternatives, dans ce monde de l'éducation, et cette force collective indispensable...
On est en phase ? :)
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Re: L'éducation libertaire

Messagede digger » 02 Nov 2016, 09:00

Tu as raison de différencier le système éducatif et l'éducation, cette dernière s'adresse à toutes les tranches d'âge et les conditions, et ne nécessite pas de lieu séparé. Et comme le dit Piero, il faut aussi différencier éducation et pédagogie.
Ou, la vraie question aujourd'hui serait, faute de pouvoir transformer le système éducatif dans l'immédiat, des conceptions et des outils d'éducation indépendants du système.
Il en a existé, effectivement, et il en existe de plus ou moins opérant.
Sans minimiser le rôle du système éducatif - nous y sommes pratiquement tous passés, sauf peut-être quelques exceptions, il ne sort pas non plus des clones obéissants et quelques fois mêmes, les systèmes les plus rigides ont été, et sont sans doute encore, des producteurs de révolte. Autrement dit, il existe des séances de rattrapage, la "lobotomisation" n'étant pas encore efficace à 100%.
Cela existe dans le domaine de l'enseignement professionnel. Si tu prépares un BEPA, tu apprends les techniques d'agriculture intensive, avec usage d'engrais chimique, pesticides, etc... C'est un passage obligatoire, mais il y a un peu partout désormais des exemples d'autres modes culturaux et des possibilités d'accéder à de la doc technique.
C'est pourquoi je crois en des "enclaves", des lieux où s'appliquent des modèles différents de rapports sociaux, même si ceux-ci ne suffisent pas à un changement radical. Et pour moi, la pédagogie libertaire consiste à créer un environnement où s'épanouit le potentiel créatif de l'individu. Ce qui n'est bien sur pas le cas du système éducatif capitaliste.
Quant aux responsabilités individuelles, je ne sais pas ce que tu appelles "relativiser" . Je suis très mauvais en introspection et battage de coulpe et plutôt pragmatique. J'ai travaillé longtemps dans le social aussi, associatif, subventionné, état/ département/ région, profitant du mieux possible des opportunités, en faisant des compromis. Je suis parti quand j'ai pensé en avoir fait le tour, mais la prétention de vouloir changer le système de l'intérieur aurait été absurde. On pourrait éviter beaucoup de désillusion et de cynisme désabusé si on faisait la part des choses. Et ta façon de te présenter m'apparaît comme une autoflagellation.
Certain-es choisissent la "marginalité", je l'ai fait à des moments donnés et je suis toujours en contact avec certaines formes. Ce sont des histoires de vie qui correspondent soit à des choix, soit à des circonstances personnelles. D'autres travaillent en usine ou dans des bureaux. Chacun-e mène sa barque comme il/elle peut. Où situer une "échelle de responsabilités" individuelle?
Et ce forum n'est pas que "un petit monde de posts". Il y a des militant-es, des infos qu'on utilise ou pas, des outils de formation à disposition, des actions proposées, bref, ce qu'on veut en faire à un titre personnel et/ou collectif. Pas de quoi changer le monde, mais, bon, pour l'impossible on a droit à un délai.
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Re: L'éducation libertaire

Messagede T.B. » 02 Nov 2016, 11:32

En fait, l'éducation est loin d'être réductible au système scolaire. Dans une société libertaire, si toutefois, la forme-école devait être conservée, elle le serait sans doute encore moins. La charge éducative est laissée au milieu familial jusqu'à six ans (moins pour ceux qui n'ont pas les moyens, potentiellement plus pour certains qui les ont). D'ailleurs, certains éléments laissent penser qu'une école qui prendraient tous les enfants en charge depuis leur plus jeune âge (re)produrait moins les inégalités...

@Pïérô
Absolument et tu as raison de souligner la nécessité et les possibilités de l'action individuelle. A ne rien faire en attendant le "grand soir", on ne va surement pas hâter sa venue. Aussi, chaque heure de cours est l'occasion de lutter, en commençant par le commencement, c'est-à-dire des choses infimes.

@digger
a) La question de la responsabilité fait référence aux débats qui ont eut lieu précédemment/plus haut. Mon point de vue est le suivant : le système scolaire étant coercitif, et cette coercition passant, qu'ils le veuillent ou non, par les agents (majoritairement des professeurs) qui y travaillent, ceux-ci ne peuvent nier toute responsabilité dans la sélection sociale qui s'y déroule. Ce serait trop facile, au prétexte d'être "révolutionnaire", de s'en dédouaner. Autrement dit, il n'y a pas de tri à faire en "bons" et "mauvais" profs, car tous ont leur part, certes à des degrés divers, dans les violences qui y ont cours.
Je ne parle donc pas de responsabilité à dessein de distribuer des médailles ou même de condamner, il s'agit simplement d'être lucide. Comprendre ce qui se joue à l'école est la condition première de sa subversion. Dans le même ordre d'idées, l' "autoflagellation" dont tu parles, sert surtout à mettre en évidence le rôle statutaire du professeur dont il ne peut se défaire, à moins de sortir du système scolaire mainstream. Par ailleurs, quand je suis en classe, je ne me vis pas comme un agent répressif, je tente à ma sauce l'émancipation : l'important c'est que je m'empêche de me mentir sur les résultats de mon travail, dont je ne maitrise pas tous les facteurs, loin de là.

b) Bien sûr, le système scolaire ne produit pas l'uniformité. Bien que composé d'agents interchangeables, ceux-ci ne sont pas identiques. Toutefois, le système scolaire (ou ce que Bourdieu appelle le "travail pédagogique") produit bien quelque chose, et très efficacement (forcément à 35h/semaine sur 12 ans) : des modes de comportement et de pensée. J'ignore s'il est possible de s'en affranchir mais il est tout à fait possible de les combattre, au sein du système scolaire, ou à l'extérieur.

c) J'apprécie beaucoup tes deux dernières lignes.
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Re: L'éducation libertaire

Messagede digger » 02 Nov 2016, 19:52

Oui, on est d'accord sur l'essentiel. Il ne s'agit pas de se dédouaner pour se faire une bonne conscience mais tu me semblais noircir le trait, genre, "voyez comme je suis vilain". Tu y es presque arrivé vu que Piero et moi, on était prêts à te botter le cul :)
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 22 Déc 2016, 18:23

Education : Vers une pédagogie émancipatrice critique

Les pédagogies libertaires ont désigné un ensemble de conceptions et de pratiques d’enseignement qui visent l’émancipation individuelle et collective. Pourtant, il est sans doute aujourd’hui nécessaire de donner un nouveau souffle à ce projet.

L’efficacité d’une technique n’est ni de droite ni de gauche... Dans le domaine de l’éducation comme ailleurs, l’histoire le montre. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, des militants du mouvement anarchiste ouvrier se sont lancés dans le projet de renouveler l’éducation. Parmi ceux-là, on peut citer Paul Robin ou Sébastien Faure. Il s’agit de sortir d’un rapport au savoir vertical hérité de l’Église. Il faut au contraire s’inspirer de la méthode expérimentale scientifique pour promouvoir une pédagogie rationnelle. Célestin Freinet met en place, après la Première Guerre mondiale, une pédagogie d’inspiration conseilliste qui permettrait aux enfants du peuple d’acquérir les capacités d’autogérer les usines.

Ennemi commun

Mais ce projet progressiste n’est pas seulement partagé par des acteurs du mouvement ouvrier, mais également par des tenants de l’économie libérale. Ainsi à la fin du XIXe siècle, Herbert Spencer ou Edmond Demolins, par exemple, incarnent cette tendance. Mais il s’agit pour eux de former l’élite entrepreneuriale de demain. L’ennemi commun est une éducation traditionnelle et conservatrice. Il faut au contraire valoriser l’autonomie et l’esprit d’initiative. Le renouveau de l’éducation est également promu par des courants qui valorisent avant tout le développement personnel de l’individu-e. Ce sont par exemple les expériences pédagogiques ­d’Alexander Neil ou encore de Carl Rogers.

Ainsi, des ambiguïtés s’installent durablement, perdurant jusqu’à aujourd’hui. Le nouvel esprit du capitalisme utilise dans le cadre de la pédagogie entrepreneuriale les méthodes de Freinet, ou des méthodes proches, pour développer les nouvelles compétences managériales. La difficulté tient au fait que le capitalisme récupère tout ce qui est efficace en le dépouillant des intentions qui ont présidé à leur élaboration. Or il semble effectivement que les pédagogies nouvelles soient jugées fort efficaces pour apprendre le travail en équipe ou l’autonomie. Ce qui relève selon le discours managérial des « soft skills ».

Les méthodes d’éducation nouvelle sont traditionnellement combattues par les forces conservatrices : les « réac-publicains » comme les appelle Grégory Chambat. Elles sont défendues par des forces modernisatrices, attachées à l’autonomie individuelle, qui peuvent être libérales ou libertaires.

Dans les années 1960, Pierre Bourdieu met en avant que la pédagogie traditionnelle reproduit les inégalités sociales en reposant sur des implicites qui ne peuvent être maîtrisées que par les enfants des classes dominantes. Sous l’effet de la massification scolaire, les pratiques commencent à changer. Après la loi de Jospin de 1989, les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) développent un discours favorable aux méthodes actives et constructivistes à l’école. Celles-ci restent dans les pratiques relativement limitées, mais elles ont davantage d’impact à l’école primaire. Plusieurs courants de la sociologie des inégalités scolaires s’intéressent à ces mises en pratiques. Ils observent que les méthodes nouvelles sont défavorables aux élèves de milieux populaires. En valorisant la recherche en autonomie, elles favorisent les élèves de classes moyennes qui ont déjà construit ces compétences dans leur milieu familial.

Il faut néanmoins remarquer qu’une étude, menée par Yves Reuter, dans une école Freinet en quartier populaire, montre que celle-ci obtient de bons résultats. Mais l’expérience peine à s’étendre car elle repose sur une école entièrement composée d’enseignants Freinet. Le GFEN (Groupe français d’éducation nouvelle) sous l’impulsion de Jacques Bernardin tente pour sa part de prendre en compte les critiques soulevées en particulier par l’équipe des sociologues d’ESCOL.

Ainsi, si on résume le propos, il est possible de souligner deux points : le risque de reproduction des inégalités sociales et le risque de récupération par le capitalisme. Néanmoins, cette situation est-elle inextricable ?

Evaluation par compétences

Lorsque l’on compare le champ de la pédagogie dans le monde francophone, à d’autres espaces – anglo-saxon ou latino-américain »–, il est possible de constater qu’il ne se présente pas de la même manière. Il n’existe pas, en France, ce que l’on appelle à l’étranger « une pédagogie critique ». Le pédagogue critique étasunien Henry Giroux distingue trois courants : conservateur (traditionnel), libéral et critique. La pédagogie critique se distingue de la pédagogie libérale (ou éducation nouvelle) en ce qu’elle ne prône pas seulement une révolution des pratiques d’enseignement, mais une transformation politique de la société en prenant la pédagogie comme point de départ.

Ce qui est tout à fait spécifique à la France, c’est que les controverses sur les méthodes pédagogiques focalisent tout le débat au détriment des finalités. Cela conduit à ce que des individu-e-s qui ont pourtant des positions idéologiquement différentes se retrouvent à défendre les mêmes méthodes. Par exemple, des tenants du libéralisme économique et des pédagogues progressistes ont pu défendre l’introduction de l’évaluation par compétences.

C’est dans les années 1980 que se constituent, autour de la figure de Paulo Freire, les courants de la pédagogie critique. Ce qui caractérise cette approche, c’est l’idée que la pédagogie doit être orientée vers une remise en cause des inégalités sociales de classe, de sexe et de race. Les méthodes pédagogiques ne doivent donc pas être fétichisées pour elles-mêmes, mais subordonnées à cette finalité. Cela signifie qu’il ne peut y avoir de dogmatisme pédagogique, mais qu’il s’agit d’utiliser les moyens les plus appropriés pour parvenir à cette finalité.

Ce qui caractérise la pédagogie critique, ce n’est donc pas avant tout ses méthodes pédagogiques, mais le rapport au savoir qu’elle essaie de favoriser chez les apprenants et apprenantes, à savoir un rapport critique. C’est pourquoi, il ne peut être question de se limiter à une transmission verticale de savoirs. L’enseignant et l’enseignante doit créer les conditions de l’appropriation critique de ces savoirs par une pédagogie qui valorise le questionnement, le dialogue et la réflexivité.

L’école est un espace de lutte des classes

Les pédagogues critiques, comme Giroux, admettent que l’école est un instrument de reproduction sociale, mais ils ne l’y réduisent pas : l’école est un espace de la lutte des classes. De ce fait, les élèves ne sont pas passifs et peuvent également résister à la culture scolaire. Les enseignants peuvent subvertir l’ordre scolaire en menant une lutte contre-hégémonique au sein de leur classe. Les pédagogues critiques se sont en particulier intéressés à dévoiler aux apprenants et apprenantes les curricula cachés. Ce sont les règles scolaires implicites qu’apprennent à maîtriser les élèves des classes moyennes ou encore les stéréotypes sexistes qui sont véhiculés au sein de l’école. Ce sont également par exemple les présentations idéologiquement orientées dans les programmes scolaires.

Irène (amie d’AL)

http://www.alternativelibertaire.org/?E ... -pedagogie
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 30 Jan 2017, 11:41

Saint-Gilles (Be) ce lundi 30 janvier 2017

Éducation et société chez Mikhail Bakounine

à 19h, Local Sacco Vanzetti, 54 chaussée de Forest, 1060 Bruxelles

L'éducation est-elle une condition nécessaire et suffisante de l'émancipation intellectuelle et sociale ? L' "intelligence individuelle" un concept bourgeois, l' "intelligence collective" une idée libertaire ? Quel est le rôle du capital culturel dans la reproduction sociale ? Enfin l'instruction suppose-t-elle inévitablement une relation de dominant à dominé ? Toutes ces questions, posées dès 1869 par Bakounine, gardent aujourd'hui encore toute leur actualité.

Pour nourrir la réflexion commune, nous allons commencer par deux exposés:
– le premier portera sur la conception d’une instruction nouvelle par Bakounine,
– le second sur les interrogations et les expériences d’une enseignante anarchiste de Bruxelles.

ACAB (Action Culturelle Anarchiste de Bruxelles), lundi 30 janvier 2017, 18h30, local Sacco et Vanzetti 54 chaussée de Forest à 1060 Saint-Gilles.

Event facebook : https://www.facebook.com/events/825948234219503/

https://albruxelles.wordpress.com/2017/ ... bakounine/
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 28 Aoû 2017, 10:38

Anarchisme, éducation et pédagogie vus de Colombie

Le texte ci-dessous est l’introduction à une série de séminaires de l’Université de pédagogie militante du Centre de recherche-action libertaire (CIAL) de Bogota (Colombie) qui ont eu lieu en 2012. Il constitue un exemple de la réflexion en pédagogie critique dans les milieux anarchistes latino-américains. On y reconnaît les thématiques qui sont celles de la pédagogie critique : à savoir l’école comme espace de reproduction des inégalités économiques, mais également comme lieu de construction d’une hégémonie culturelle. L’enseignant critique y est présenté comme mettant en œuvre un processus de subversion de cette logique pour constituer une tranchée de résistance au sein de la lutte des classes. (NB : les citations qui émaillent le texte sont celles d’universitaires qui s’inscrivent dans le courant de la pédagogie critique).

La pédagogie critique est née comme une réponse à l’exploitation et à l’oppression dont souffrent les classes les moins favorisées du système capitaliste. Ce monstre appelé capitalisme se sert de son grand ami l’État pour faire croître la lutte des classes dans la salle de classe : en effet seuls quelques-uns ont le privilège d’avoir une éducation digne et scientifique, tandis que la majorité doit supporter une éducation acritique, mercantile et autoritaire. Les intérêts particuliers d’une série d’individus friqués transforment ces grands centres de savoir, que devraient être les écoles, en des centres commerciaux où l’on fabrique et où l’on vend des marchandises pour les grandes multinationales qui, gourmandes, emploient des milliers d’ouvriers qui seront à la chaîne économique de soumission avec un salaire infernal qui ne suffira pas pour survivre dans ce monde d’inégalités et de tristesses.

Tel est le reflet de l’école moderne qui a été implantée dans les formations sociales dépendantes et dans les métropoles impérialistes. Dans ces dernières, le coût du néolibéralisme a dû être supporté par les masses dépossédées qui n’ont pas l’argent pour se payer une école de riches, car l’accumulation capitaliste de quelques-uns leur a ôté le droit à une bonne éducation. Cette éducation qui devrait être réflexive s’est transformée en une éducation au service de l’oligarchie et du Capital. Il n’y a qu’à réaliser une analyse profonde des théories de la reproduction pour prouver la subordination de l’école à l’argent et au pouvoir.

« Ces théories, a dit Henry Giroux, centrent leurs analyses sur comment les écoles utilisent leurs ressources matérielles et idéologiques pour reproduire les rapports sociaux et les attitudes nécessaires pour soutenir les divisions sociales du travail qui sont nécessaires pour l’existence de rapports de production1 ». L’éducation imposée aux jeunes et aux enfants des classes populaires s’appuie sur un enseignement technique qui leur montre comment se comporter et agir devant le maître des moyens de production qui les exploitera quand l’école leur donnera leur accréditation comme membres de la société de consommation et de gaspillage. De la même manière, les écoles imposeront une série de discours aux étudiants sur les bénéfices du système actuel d’exploitation et sur le caractère non-viable d’une transformation radicale de ces structures socio-économiques, politiques et culturelles qui continuent à dominer la majorité misérable qui vit dans les grandes villes et les espaces ruraux. A ce sujet Peter McLaren affirme que « les écoles reproduisent les structures de la vie sociale par la colonisation (socialisation) des subjectivités de l’étudiant et en établissant des pratiques sociales caractéristiques de la société2 ».

Cependant, l’école traditionnelle ne reproduit pas seulement l’idéologie dominante de passivité devant le système, mais également la reproduction d’une idéologie culturelle despotique. A travers le racisme et le sexisme, transmis par l’impérialisme culturel, on génère chez l’apprenant une indifférence face à l’afro-américain, l’indigène, l’immigrant, le paysan et l’homosexuel en provoquant une marginalisation de ces thématiques sociales dans l’éducation. En dehors de l’école, il se produit quelque chose de similaire car « la culture dominante place les marginaux dans des relations de dépendance dans lesquels on les prive de droits civiques égalitaires3 ». Ce qui montre cela, c’est la division ethnique et sexuelle du travail qui soumet la femme et la population non-blanche aux diktats des grands magnats de l’économie mondiale. Mais l’impérialisme culturel qui se présente dans et hors de l’école est une excuse pour maintenir des idioties dans les masses dépossédées à travers une domination indirecte ni économique, ni violente.

« En effet, ce que l’école conserve et distribue, écrit Michael Apple, ce n’est pas seulement la propriété économique, mais il existe également une propriété symbolique – un capital culturel. De cette manière, nous pouvons commencer à obtenir aujourd’hui une compréhension plus complète de la manière par laquelle les institutions de conservation et de distribution de la culture, comme les écoles, créent et recréent des formes de conscience qui permettent le maintien du contrôle social sans que les groupes dominants n’aient besoin de recourir à des mécanismes explicites de domination4 ». Il ne faut pas occulter que les étudiants sont manipulés par les modes, les jeux vidéo, les réseaux sociaux et autres produits du marché au bénéfice du maintien du statu quo. Ce lavage de cerveau que reçoivent les élèves à l’intérieur et à l’extérieur des murs de l’école s’ajoute à la production de l’enseignant autoritaire qui tente d’introduire dans l’esprit des apprenants la peur, la religion, la consommation et la soumission. En outre, « les écoles opèrent principalement pour reproduire les valeurs et les privilèges des élites5 », comme le sont le respect de la propriété privée, la loyauté à l’exploiteur et la tolérance à l’inégalité sociale produite par la folie et l’ambition d’une minorité opulente.

Le pouvoir des élites est tellement fort que « les étudiants provenant de milieux blancs et riches obtiennent des privilèges au-dessus de ceux qui viennent d’autres groupes, non pas par mérite, mais grâce aux avantages que leur apporte l’argent et l’importance du statut social6 ». De cette manière, l’école se transforme en un champ de bataille entre des classes antagonistes qui cherchent à obtenir des choses distinctes : l’une désire dominer, l’autre doit être dominée.

C’est ici qu’intervient la pédagogie critique qui, en défendant les exploités et les opprimés du système, tente de réaliser une transformation structurelle des niveaux d’action micro et macro « qui identifie comment (l’école) se trouve perméable au niveau macro à des facteurs politiques, économiques sociaux et culturels, et au niveau micro, par la propre expérience vécue par chaque sujet qui y participe7 ». Ce changement des inégalités sociales et culturelles dans l’école est le premier pas dans la recherche d’une société différente qui aura comme caractéristique importante la suppression de la propriété privée, de la lutte des classes et de la discrimination raciale. A travers la conscientisation des apprenants et d’un processus d’éducation qui est une théorie et une praxis, l’enseignant fait trembler les ciments de l’école traditionnelle. L’école est transformée pour les étudiants en une tranchée d’insoumission anti-systémique qui provoque un acte de résistance qui « doit constituer une fonction révélatrice, qui contienne une critique de la domination et offre des opportunités théoriques pour l’autoréflexion et la lutte dans l’intérêt de l’émancipation personnelle et de l’émancipation sociale ».

La libération de ce jeu qui transforme l’apprenant en une vis de cette grande machine appelée capitalisme conduit la totalité de la société à un monde nouveau d’égalité, de justice et de fraternité.

Traduit de l’espagnol par Irène Pereira, le 20/08/2016

* Texte originel en langue espagnole : https://centrodeinvestigacionaccionlibe ... /#more-266

* Présentation du CIAL (Centro de Investigación-Acción Libertaria) : https://centrodeinvestigacionaccionlibe ... nizativos/ /


1 Henry Giroux, Teoría y resistencia en educación, Siglo XXI Editores, 2004, p. 105

2 Peter McLaren, La vida en las escuelas. Una introducción a la pedagogía critica en los fundamentos de educación, Siglo XXI Editores, 2003, p. 291.

3 Peter Mclaren, ibid., p. 85.

4 Michael Apple, Ideología y Currículo, Ediciones Akal, S.A.2008, p. 13.

5 Peter Mclaren, op. cit., p. 260.

6 Peter Mclaren, ibid.

7 Piedad Ortega Valencia, « La Pedagogía Crítica: Reflexiones en torno a sus prácticas y sus desafíos », Revista Pedagogía y Saberes, n° 31, 2009, p. 30.


http://www.grand-angle-libertaire.net/a ... -colombie/
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 16 Nov 2017, 18:21

Qu’est ce qu’un enfant ? Atelier-Débat

Fougères vendredi 17 novembre 2017

Nous, adultes, avons tous et toutes une vision construite de ce que doit être un enfant, de ce qu’est l’enfance. Nous en oublions bien souvent que les enfants sont des personnes à part entière. Penser l’enfance c’est aussi penser nos interactions avec eux, les droits qu’ils et elles peuvent avoir, leurs besoins pour devenir des adultes critiques et émanciper : viens en échanger !

Il s’agit de la troisième rencontre dans le cadre du cycle de réflexion et de construction sur l’Education organisé par Alternative libertaire Fougères.

de 19h30 à 21h30
au local autogéré Les Oiseaux de la Tempête,
14 rue de la Pinterie, à Fougères

Image

http://www.alternativelibertaire.org/?F ... lier-Debat
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 03 Fév 2018, 15:13

James Guillaume : les débats pédagogiques de la Première internationale

A l’occasion de la rencontre "L’autre école de la République" organisée par la revue N’Autre école et le collectif Questions de classe(s), Jean-Charles Buttier nous a présenté les figures de Ferdinand Buisson, James Guillaume et Paul Robin. L’occasion de replonger dans les débats pédagogique de l’Association internationale des travailleurs. Lecture par Valérie Girardon.



Idées sur l’organisation sociale par James Guillaume, membre de l’Internationale, La Chaux-de-Fonds, imprimerie Courvoisier, 1876. Exemplaire disponible sur Gallica.

Extraits du carnet de recherche James Guillaume, un itinéraire : https://jguillaume.hypotheses.org/

P. 39 : « L’enfant n’est la propriété de personne, il s’appartient à lui-même ; et pendant la période dans laquelle il est encore incapable de se protéger lui-même, et où par conséquent il peut être exposé à l’exploitation, c’est à la société à le protéger et à lui assurer la garantie de son libre développement. C’est à la société aussi à se charger de son entretien : en subvenant à sa consommation et aux diverses dépenses que nécessitera son éducation, la société ne fait qu’une avance, que l’enfant lui remboursera par son travail lorsqu’il sera devenu un producteur. »

P. 39-40 : « À ce questions nous répondrons : L’éducation des enfants doit être intégrale, c’est-à-dire qu’elle doit développer à la fois toutes les facultés du corps et toutes les facultés de l’esprit, de manière à faire de l’enfant un homme complet. Cette éducation ne doit pas être confiée à une caste spéciale d’instituteurs : tous ceux qui connaissent une science, un art, un métier, peuvent et doivent être appelés à l’enseigner. »

P. 42 : « Plus d’école arbitrairement gouvernée par un pédagogue, et dans laquelle les élèves tremblants soupirent après la liberté et les jeux du dehors. Dans leurs réunions, les enfants seront complètement libres : ils organiseront eux-mêmes leurs jeux, leurs conférences, établiront un bureau pour diriger leurs travaux, des arbitres pour juger leurs différends, etc. Ils s’habitueront ainsi à la vie publique, à la responsabilité, à la mutualité ; le professeur qu’ils auront librement choisi pour leur donner un enseignement, ne sera plus pour eux un tyran détesté, mais un ami qu’ils écouteront avec plaisir. »

P. 43. « Note : On peut consulter avec fruit, sur cette importante question de l’enseignement, un excellent travail publié il y a quelques années sous ce titre : De l’enseignement intégral, par Paul Robin. »

Nationaliste, colonialiste, ségrégative, conservatrice, « fille et servante du capitalisme »... assurément l’école dite de Jules Ferry, que nos réac-publicains rêvent aujourd’hui encore de restaurer, est bien loin de l’horizon émancipateur qui est celui de nos luttes syndicales, sociales et de nos pratiques pédagogiques.
Mais si Ferry construisait son école afin de « clore l’ère des révolutions », d’autres, tels Ferdinand Buisson, mais aussi des militants de la Première Internationale (James Guillaume, Paul Robin) ont rêvé, et commencé à mettre en oeuvre, une autre école. Une école sociale pour une république sociale, démocratique et universelle. Ils ont tenté de subvertir de l’intérieur cette institution et nous sommes – syndicalistes, pédagogues, militant∙e·s associatifs – les héritiers et les héritières de leurs combats. La réédition du Dictionnaire de pédagogie de F. Buisson, coordonné par J. Guillaume, nous offre l’occasion d’en reparler.

Les autres vidéos de cette rencontre sont sur la chaine You tube de Questions de classe(s)







Commentaire par Thierry FLAMMANT

Belle initiative de la revue ! Ces trois figures sont l’honneur de l’enseignement républicain et ce n’est que justice de les célébrer. On pourrait leur associer Francisco Ferrer et les syndicalistes de L’Ecole émancipée née en 1910 (à laquelle James Guillaume a collaboré et dont Célestin Freinet était l’un des correspondants départementaux) qui n’ont eu de cesse de populariser ces militants de l’école démocratique. L’héritage de la Commune aura donc fait long feu, au moins jusque dans les années 30. Soyons cependant vigilants quant aux récupérations politiques libérales à l’oeuvre aujourd’hui : bientôt, les pédagogues anarchistes de la Belle Epoque se retrouveront à la une du Bulletin Officiel comme caution de l’école capitaliste des Peillon, Hamon, Valaud-Belkacem et Blanquer qui se sont déjà permis de coopter Freinet...

https://www.questionsdeclasses.org/?L-a ... Republique
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Re: L'éducation libertaire

Messagede bipbip » 15 Mar 2018, 01:31

Ni dieu, ni maître... d’école no1 : L’École moderne d’Amazonie

Y a-t-il eu une école anarchiste en Amazonie  ? Cette question va nous amener dans cet article à (re)découvrir les pédagogies libertaires passées et actuelles, lointaines ou proches. Prenez votre billet et embarquez pour un voyage passionnant  !

Il était une fois, Belém do Pará en 1919. En pleine Amazonie brésilienne, entre fleuves et forêts, mais dans une métropole en plein essor, dont l’économie est alors dopée au caoutchouc, des émules du pédagogue anarchiste catalan Francisco Ferrer y Guardia vont, dix ans après sa mort et d’après la légende, défier la bonne société européanisée du Pará, plus encline à scolariser ses enfants dans les écoles confessionnelles de la cité fluviale que dans celle d’un anarchiste.

Cette année-là, la capitale amazonienne, encore effervescente et pleine d’Européens venus là en raison des richesses extraites par les malheureux seringueiros du cœur de la jungle, aurait vu débarquer parmi les écoles mises à disposition de sa jeunesse, une école à principes et enseignement anarchistes. Une nouveauté dans le paysage éducatif dont les éléments constitutifs, la portée, les difficultés et les réussites restent, pour l’heure, obscurs.

A la découverte des pédagogies libertaires

C’est l’aventure de l’exhumation de la mémoire de cette école qui nous servira de fil conducteur dans cette série d’articles dédiée aux pédagogies libertaires.

Les recherches sur la création de cette école libertaire équatoriale ne font que débuter. Moment idéal pour lancer, dans notre mensuel, une série d’articles consacrés aux réalisations de notre courant de pensée en termes éducatifs  : et ce, dans toutes les variantes possibles, car la diversité est une marque distinctive importante de notre mouvement qui est tout sauf uniforme.

C’est donc à une recherche en temps réel, au fil des mois, à des découvertes de réalisations pratiques des pédagogies issues du mouvement anarchiste ou inspirées de principes compatibles avec ses valeurs, et dont le point d’articulation sera cette enquête autour de l’école rationnelle Francisco Ferrer de Belém, bien loin de Barcelone, que cette série d’articles vous convie.

Elle présentera les avancées successives de la recherche d’archives et les mettra en lien avec les autres grandes (et moins connues) réalisations de l’éducation libertaire.

Un anarchiste de France exilé au Brésil

Mais pour conter un peu comment est venue l’idée de cette recherche, il se fait nécessaire de parler de son auteur, un étudiant en pédagogie français au Brésil. Arrivé depuis deux ans sur ces terres en passant par la Guyane, militant au sein de la Fédération anarchiste cabana (FACA), du nom de la révolution du nord du Brésil au cours du XIXe siècle, c’est en entendant parler les camarades de l’organisation politique de cette école aussi oubliée en-dehors du cercle militant que présente dans sa mémoire que l’envie est née d’en savoir plus.

Car, il faut bien le dire, au début, il n’y avait rien de concret, juste la mention, évasive de « l’Ecole Moderne de Belém »… rien de plus, puisqu’en questionnant ces premières personnes référentes, elles ne savaient pas dire exactement où elles avaient entendu parler de ce qui relevait plus de la mythologie que de la science historique.

Lors d’une première visite au centre culturel de la ville de Belém, il fut possible d’écarter des pistes non concluantes comme la possible présence de l’école en 1905 sous le nom d’Athénée du Pará, ce qui aurait pu être un nom relativement logique à cette époque-là pour une école libertaire.

Mais ce fut l’occasion aussi de trouver une trace concrète d’une connaissance au début du XXe siècle de l’œuvre de l’éducateur catalan. Un poème de 1919, signé Basilio de Carvalho, reproduit ici et intitulé l’Ecole moderne.

Première piste concrète

Une preuve que le monde intellectuel de Belém à l’époque connaissait l’œuvre de Francisco Ferrer, mais pas encore une preuve de l’existence d’une école à son nom ou suivant ses principes.

On peut donc à bon droit se poser la question : «  Est-ce qu’en ces années-là, Belém se prêtait à la création d’une école avec une pédagogie libertaire  ? Est-ce que cette école moderne de Belém a existé au-delà de la légende colportée par les camarades  ?  »

Ce sont ces questions, et toutes celles qui découleront des réponses qu’on pourra apporter à ces prémisses de recherche, qui constitueront la base de cette chronique. Base à laquelle viendront, au fur et à mesure, s’ajouter d’autres voix, d’autres exemples de ce que sont les pédagogies libertaires.

A bientôt donc pour la suite de ce parcours de (re)découverte de nos réalisations éducatives, pour ce voyage dans le temps et l’espace auquel nous vous convions.

Caesar (AL Saint-Denis)


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