Première guerre mondiale, Histoire(s) et commémorations ...

Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede charlelem » 18 Déc 2013, 15:53

Mon père a fait la 2ème, son oncle favori était revenu aveugle de la 1ère.
Mon père faisait parti de ceux qui y sont allés parce qu'il le fallait.
D'après lui il y avait 3 catégories :
- ceux qui pensaient ne pas en revenir (et qui n'en sont pas revenus),
- ceux qui croyaient que ce serait rapide (et qui en ont pris pour 5 ans),
- ceux qui comme lui ont dit à leurs épouses de ne pas les attendre (et dans son cas elle ne l'a pas attendu).
C'était un croyant pratiquant car excommunié (à cause de son divorce) mais il m'a dit une fois quelque chose d'assez étonnant pour un homme de sa génération :
"certains camarades (car il appelait ces compagnons d'infortune "camarade") s'arrangeaient entre eux, moi je n'ai pas voulu".
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede Denis » 18 Déc 2013, 23:14

j'ai un doute René, ton père t'a eu à quel âge ?

t'es sûr que c'est pas ton grand-père ?
Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede digger » 19 Déc 2013, 10:21

Merci René pour tes éclaircissements.

Lorsque je dis que j’ai une position simpliste, je veux dire que je désapprouve le Manifeste des seize, par principe. Et mon apparence apparaissant comme désabusée vient sans doute du fait que cette position manichéiste ne me satisfait pas. Il y manque quelque chose. (Ce que je ressens plus généralement dans nombre de positions de principes anarchistes)

J’essaie de comprendre la fracture du mouvement anarchiste face à la première guerre mondiale. Comment, avec un même idéal, arrive t’on à des conclusions et des prises de positions différentes. Ce qui n’est pas discuté dans le milieu anarchiste, parce que, à mon avis, pas accepté. Je pense que l’imaginaire anarchiste est tout aussi puissant que les autres. D’où un certain manichéisme, en effet.

Ce que tu dis me fais réfléchir. Je pense comme toi que Kroptkine et les autres ont eu tort de rédiger ce manifeste mais je me demande si il n’ a pas une utilité (dérangeante) qui est de confronter le principe, ou la pureté du principe – l’antimilitarisme, l’internationalisme...- à la réalité. Ou autrement dit la simplicité de l’énoncé d’un principe face à la complexité d’une situation.

Les anti-manifeste ont appliqué les principes. Les signataires ont à mon avis maladroitement, essayé de faire face à la complexité. Je ne pense pas qu’il faille traiter la question en terme de bons et mauvais anarchistes, ou en terme de "cohérence" ou de "trahison", dans ce domaine comme dans d’ autres.

Où se sont trompés les signataires de l’appel, c’est je pense, dans leur analyse des "bénéfices de la guerre
Sur le plan historique, la victoire des alliés en 1918 n’a pas arrêté le militarisme et le nationalisme prussien. Même si il est vain de vouloir ré-écrire l’histoire, il est sans doute probable qu’elle a fait le nid du nazisme. D’un mal n’est pas sorti un bien (la der des der). Malatesta avait prédit la suite :

"Quelque grande que puisse être la défaite de l’armée allemande - s’il est vrai qu’elle sera battue - il ne sera jamais possible d’empêcher les patriotes allemands de songer à la revanche et de la préparer ; et les patriotes des autres contrées, très raisonnablement, de leur propre point de vue, désireront se tenir prêts, de façon à ne plus être pris au dépourvu. Ceci signifie que le militarisme prussien deviendra une institution permanente et régulière dans tous les pays"


Christian Cornélissen (en 1928) justifiait sa signature
"Cependant, vingt-six dynasties balayées d’un seul coup en Allemagne, l’Autriche délivrée de son empereur, de même que la Russie de son régime autocratique, constituent autant de progrès indéniables pour l’humanité."


La position de Kropotkine suppose une hiérarchisation des oppressions. Je ne pense pas qu’il avait des illusions sur les démocraties de l’Entente, mais il les préfère au militarisme prussien et souhaite la victoire des premières. Ce qui a été exprimé par Jean Grave.

"Au point de vue abstrait, on peut encore affirmer, sans beaucoup se tromper que, au point de vue de la liberté absolue, un gouvernement vaut l’autre. Dans la pratique cependant, il faut bien admettre que sous certains gouvernements, au prix de quelques mois de prison, de quelques tracasseries, la propagande de nos idées est possible, tandis qu’elle est peut-être rendue impossible sous d’autres. Sous prétexte que nous ne voulons aucun gouvernement, faut-il en conclure que s’il se présentait une tentative de nous imposer un régime comme celui du tsarisme par exemple, les anarchistes devraient se croiser les bras et laisser faire ?"


Mais je pense qu’il y a autre chose, une sorte de solidarité pragmatique

"En notre profonde conscience, l’agression allemande était une menace - mise à exécution - non seulement contre nos espoirs d’émancipation, mais contre toute l’évolution humaine. C’est pourquoi nous, anarchistes, nous antimilitaristes, nous, ennemis de la guerre, nous, partisans passionnés de la paix et de la fraternité des peuples, nous nous sommes rangés du côté de la résistance et nous n’avons pas cru devoir séparer notre sort de celui du reste de la population. "


Ou exprimé plus tard par Jean Grave :

"II serait temps d’en finir avec ces façons aristocratiques de certains anarchistes, de se croire bien au-dessus du reste de la population. Il est faux que l’on puisse se détacher d’elle, se désintéresser de ce qui lui arrive. Ce qui la frappe nous frappe, ce qui l’avilit nous avilit. Et si tout l’égoïsme des non-résistants ne frappe pas tout d’abord, c’est que ce raisonnement - resté, du reste, purement théorique - était tenu loin des régions ou les populations étaient molestées par l’envahisseur."


Ce qui me fait penser à la position du père de Charlelem.

Paul Reclus, après coup, justifiait cette position et critiquait les "révolutionnaires purs" :
"Évidemment, nous nous sommes trouvés du même côté de la barricade que les patriotes et que le tzar... et après ? Dans quelles circonstances antérieures les révolutionnaires « purs » ont-ils marché sans l’aide des gens d’idées toutes différentes ? J’ai vu la Commune. Combien nombreux étaient ceux que guidait un idéal social à côté de ceux qui avaient pris les armes par indignation patriotique contre le gouvernement de la « défense nationale » ? Combien de Varlin pour combien de Rossel ?"


Cette question en cache beaucoup d’autres pour le mouvement anarchiste, toute proportion gardée. J’ai eu la chance, ou la malchance, d’avoir eu des professeurs qui m’ont appris le doute. Et je ne suis donc pas un -iste pur, puisque le doute ne fait pas partie de la panoplie du -isme. Cela devrait être le cas en anarchisme qui ne se veut pas un -isme comme les autres, ou en tout cas, c’est comme cela que je le comprends.
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede René » 19 Déc 2013, 10:25

Il s'agit bien de mon père, né à Saint-Malo en 1893.
Je suis né en 1946, il avait 56 ans et ma mère 40.
Un accident tardif...
J'ai dit qu'il s'était "engagé" en août 14 parce qu'à cette époque il vivait à Vladivostok, il n'avait pas reçu sa feuille de mobilisation évidemment. C'est toute une histoire mais qui n'a rien à voir avec un forum anarchiste.
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede digger » 19 Déc 2013, 10:38

Un accident tardif...

J'ai connu plus grave comme accident :)
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede René » 19 Déc 2013, 12:40

Réponse à Digger

J’ai écrit il y a quelques années un livre, non encore publié, intitulé Kropotkine et la Grande guerre. Il paraîtra aux éditions du ML en juin 2014.
Je pense que tu te retrouveras pas mal dans ce bouquin parce que justement, j’essaie de me dégager des positions manichéennes traditionnelles du mouvement anarchiste. J’y fais un distinguo entre les textes qui sont dans le registre « proclamatif », ceux qui sont habituels au mouvement anarchiste (et révolutionnaire d’une façon générale) et les textes qui restent sur un registre pragmatique.
Dans le premier cas il y a le texte « L’Internationale anarchiste et la guerre », dans le second le « Manifeste des seize ».

Dans le premier texte il n’y a pas d’analyses, juste des affirmations. Dans le second, quoi qu’on dise, il y a une analyse, ou une tentative d’analyse de la situation.
Quand on est dans la proclamation révolutionnaire, on a forcément raison, aux yeux de l’opinion anarchiste, s’entend. Dès qu’on commence à analyser, à émettre des réserves, on glisse inévitablement vers la trahison des idéaux.
Si entre temps survient un ou des événements qui sortent du cadre des principes proclamés, on est placé devant un choix : on continue à s’accrocher aux principes, ou on s’adapte.
Dans le cas de Kropotkine, il avait dit bien avant la guerre qu’il prendrait position pour la France. Il n’a pris personne par surprise. Je crois même qu’il a dit que s’il avait l’âge pour prendre les armes, il le ferait. Mais le Manifeste des Seize date de 1916, pas de 1914. Quel est l’événement déclenchant ? A ce moment-là, la France était en train de perdre la guerre. En somme, les choses devenaient réellement inquiétantes.

Pour les internationalistes intransigeants, comme Malatesta, il importait peu qui gagnait la guerre, les prolétaires auraient à lutter de toute façon contre les capitalistes. Je pense que Malatesta avait tort. Kropotkine craignait qu’une victoire allemande ne conduise à l’instauration d’une terrible dictature militaire sur toute l’Europe, et pour longtemps.
Les signataires du Manifeste des Seize étaient presque tous des « anciens » qui avaient connu la guerre de 1870. Ils avaient vu les conséquences de la défaite française et la subordination totale du socialisme français au socialisme allemand. Ils étaient paniqués à l’idée d’une seconde défaite française.

Ce qui est marrant dans l’histoire, c’est que l’analyse sur laquelle Kropotkine fonde son choix est la même que celle de Bakounine qui, en 1870 avait clairement soutenu la France contre la Prusse. Alors qu’est-ce qui fait que des relents de « traîtrise » planent sur l’ombre de Kropotkine tandis que Bakounine conserve son prestige de révolutionnaire internationaliste ? La Commune de Paris.

Le tort de Kropotkine, je pense, est d’avoir pensé que l’expression publique de son ralliement à l’union sacrée aurait pu changer quelque chose.
Il a eu tort de signer le Manifeste des Seize ; il aurait pu faire passer le même message en s’opposant par principe à la guerre, mais en exposant clairement des effets d’une éventuelle victoire allemande. Cela aurait été un choix tactique, mais je ne suis pas certain que l’ego de Kropotkine pouvait s’accorder avec des choix tactiques.

Après la guerre, certains signataires du Manifeste des Seize ont expliqué leur choix. Leur argumentation ne manque pas d'intérêt. J'en parle dans mon bouquin.
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede M(A)TT » 20 Déc 2013, 11:53

Il me semble bonne l'idée d'approche non manichéenne soutenue par René pour comprendre un choix politique qui, heureusement d'ailleurs, ne sera pas majoritaire dans le mouvement anarchiste internationale.
Ce qui les a historiquement différenciés, aux yeux du prolétariat international, par rapport au socialistes.

Je me poserait aussi des questions politiques qui vont au-delà du sujet complexe " Pourquoi Kropotkine a fait ce choix ? ".

René, Le Manifeste date du 1916 mais Kropotkine avait pris publiquement cette position dès 1914 et il ne la changera pas jusqu'à la fin du massacre en 1918, ni après me semble.
Entre temps, il rentre en Russie, en mars 1917, et soutient le gouvernement provisoire de Kerenskj (et de Kornilov !). N'est-ce pas ? Avec quels arguments ou analyses politiques ?

Avant 1917, pour la section russe de l'Internationale Anarchiste l'argument de devoir d'abord faire face au despotisme allemando-prussien ne pouvait guère être accepté, car elle aurait dû, par conséquence, arrêter de combattre l'autocratie tsariste, allié de la France et de l'Angleterre.
Comment expliquer cela aux travailleurs russes qui se battaient depuis des années contre ce régime ?
Et, encore pire, comment expliquer cela après la chute de Kerenskj et après la paix signée par les bolsceviques, aux quels justement Kropotkine s'opposera.

A ce propos, quelqu'un aurait-il lu des documents précédents sa fameuse Lettre de 1920 ?
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede René » 21 Déc 2013, 11:19

Kropotkine avait pris position en faveur de la France bien avant le début de la guerre.
Il faut éviter, je pense, de prendre les patins des bolcheviks et des « compagnons de route » concernant Kropotkine. Ainsi, Alfred Rosmer écrit dans Moscou sous Lénine :

« Kropotkine mourut le 8 février 1921. Il était rentré en Russie après la Révolution de Février pour apporter son plein appui au Gouvernement provisoire, au régime débile de Kérensky, même augmenté de Kornilov. C’était pour lui la suite logique de l’adhésion totale qu’il avait donnée, au début de la guerre mondiale, à l’un des groupements impérialistes, celui des Alliés qui menaient soi-disant la guerre du droit contre le militarisme prussien. » (A. Rosmer, Moscou sous Lénine.)


Ce type de raisonnement est souvent repris sans critique par certains anarchistes.

Kropotkine est rentré en Russie parce que c’était son pays et qu’il aspirait à y retourner depuis longtemps. Dire qu’il y est allé pour « soutenir » Kérensky est un peu tiré par les cheveux. Kropotkine refusa le poste de ministre que Kérensky lui proposa.
En février 1917 avait eu lieu la première révolution socialiste de l’histoire en Russie. (Les bolcheviks ne prendront le pouvoir qu’en octobre.) Il était compréhensible que Kropotkine soutienne le régime. Il est vrai que Kérensky voulait continuer la guerre, ce qui allait dans le sens des opinions de Kropotkine. Mais dire que Kropotkine soutenait Kérensky et Kornilov est également tiré par les cheveux. Kornilov, général nommé ministre des armées par Kérensky en juillet 1917, organisa en fait un coup d’Etat contre le régime et tenta de disperser le soviet.

Kropotkine s’opposera aussi au régime bolchevik et exhortera Lénine à développer les coopératives et les soviets populaires.

Je ne cherche pas à justifier tous les choix de Kropotkine mais il faut éviter les raccourcis.
Je « condamne » (si tant est que cela ait encore un sens aujourd’hui) la signature par Kropotkine du Manifeste des Seize :

• Parce que c’était inutile (les Alliés n’attendaient pas Kropotkine pour continuer la guerre) ;
• Parce que c’était aller à l’encontre de nos principes (quand on n’a aucune capacité d’intervenir sur les événements, il faut au moins préserver les principes) ;
• Parce que Kropotkine aurait très bien pu faire passer son « message » tout en ne signant pas le Manifeste des Seize ;
• Parce que ça a foutu le mouvement anarchiste dans la merde (encore que le fait que quelques militants signent le Manifeste ne signifiait pas que cela engageait tout le mouvement international, il faut avoir une sacrée dose de mauvaise foi pour incriminer l’ensemble du mouvement libertaire pour ça).
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede M(A)TT » 21 Déc 2013, 14:08

Je ne reprends certainement pas à mon compte les considérations de Rosmer, n'ai je rappelé moi-même que Kropotkine avait pris publiquement cette position dès 1914 et il ne la changera pas jusqu'à la fin du massacre en 1918 ?
J'aimerais bien avoir davantage de sources en ligne sur cette première partie de la période russe ('17-'19), car il m'arrive de remarquer justement des raisonnements tirés par les cheveux et, si je peux, j'essaie d'apporter des citations ou des faits précis (sur wikipedia par exemple).

J'ai repéré sur internet une citation de sa première Lettre à Lénine, daté 21 mai 1917, où il écrit en gros que le mot “socialisme” risque de devenir une malédiction comme le mot égalité en France, après 40 ans de jacobinisme. Pour 1920, j'ai trouvé encore 2 lettres à Lénine.

En revenant aux faits, nous somme d'accord qu'avant, en 1917, il soutient le gouvernement Kérensky (et Kornilov en devint ministre, tandis que K. refusa cette place) et la continuation de la guerre.

Par contre, quand tu dis que sa position de soutenir le gouvernement Kérensky est compréhensible cela voudrait-il dire, d'après toi, qu'en ce moment-là il faisait dépendre la révolution de la guerre (pour être encore une fois simpliste) ?
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede M(A)TT » 24 Déc 2013, 18:28

ERRATA CORRIGE :

J'ai repéré sur internet une citation de sa première Lettre à Lénine, daté 21 mai 1917, où il écrit en gros que le mot “socialisme” risque de devenir une malédiction comme le mot égalité en France, après 40 ans de jacobinisme.

La lettre n'est pas du 1917, mais du 4 mars 1920. J'essaie de lire les notes des aperçus de certains livres sur internet et parfois ce n'est pas facile. Elle a été publiée en 1930 dans Zvezda par le secrétaire de Lénine, Bontch Brouévichtch, puis dans Dielo Touda, New York, 1956.
Cf. Pierre Kropotkine. Œuvres, présentation et choix de textes par Martin Zemliak (alias Frank Mintz), La Découverte, édition de 2001 (première édition 1976), note n° 27, p. 339.
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede bipbip » 13 Avr 2014, 13:14

Un tribunal pacifiste pour juger 16 généraux de la guerre 14-18

Dans "Le populaire du centre" du dimanche 6 avril 2014

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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede Pïérô » 01 Aoû 2014, 02:45

Syndicalisme et antimilitarisme

Le 28 juillet 1914, il y a cent ans jour pour jour, éclatait la première guerre mondiale. Profitons de l’anniversaire de cette grande boucherie nationaliste pour rappeler la motion adoptée en 1906 par la CGT (à l’époque où le courant syndicaliste révolutionnaire * était encore majoritaire dans cette confédération) :

Dans chaque grève, l’armée est pour le patronat. Dans chaque conflit européen, dans chaque guerre entre nations ou coloniale, la classe ouvrière est sacrifiée au profit de la classe patronale, parasitaire et bourgeoise. C’est pourquoi le XV° congrès approuve et préconise toute activité de propagande antimilitariste et antipatriotique qui peut seule compromettre la situation des arrivés et des arrivistes de toutes classes et de toutes écoles politiques.

* courant dont la CNT est aujourd’hui l’une des principales héritières.


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http://www.cnt-f.org/59-62/2014/07/synd ... litarisme/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede bipbip » 04 Aoû 2014, 00:25

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Une affiche de 1912 de la FCA : “Si la guerre éclate… ce que nous ferons”. Le 12 novembre 1912, alors que le conflit des Balkans a amené la Russie et l’Autriche au bord de la guerre, menaçant d’embraser l’Europe entière, la Fédération communiste anarchiste (FCA) appelle publiquement à “saboter la mobilisation”, notamment par le sabotage des voies de communication. A la tribune : Pierre Martin (du Libertaire), Édouard Boudot et André Mournaud (de la FCA). Georges Dumoulin (de la CGT) n’est finalement pas venu. Pour la FCA, ce sera le meeting de trop. La répression policière se déchaîne contre elle, ses animateurs sont arrêtés ou fuient à l’étranger.


Image

Une affiche de la FCA de 1913. Sa campagne contre la guerre, à l’automne 1912, a attiré les foudres de la répression sur la Fédération communiste anarchiste : 8 militants ont récolté au total 25 années de prison. Au meeting du 3 mars 1913, la petite organisation affirme qu’elle est toujours debout, et qu’elle ne renie rien. A la tribune : Émile Aubin, Édouard Boudot, Benoît Broutchoux et Eugène Jacquemin, tous de la FCA.

Eléments parmi d'autres pris ici : http://tropjeunespourmourir.com/
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede digger » 18 Aoû 2014, 17:26

[Un article retrouvé dans les archives de Freedom mars 1916. Je n’ai pas retrouvé de traces de Paul Savigny, ni de son histoire (comme tant d’autres dans son cas) . C’est pourquoi je pense que sa place est ici.]
--------------------------------------------------------------------------------------------------

C’est une histoire vraie – une tragédie de la réalité en France. Elle a été racontée à E. Richard Schayer, un écrivain américain, par un vieux maître d’école de Montdidier, France. Mr Schayer la raconte dans American Magazine.

"C’est l’histoire d’un homme qui ne tuera point" commença le vieux maître d’école. "Il est venu me voir il y a deux ans, frais sorti de ses trois années de service militaire, qu’il avait détesté, avec des lettres d’amis communs. Je l’ai pris comme assistant.

Il s’appelait Paul Savigny. Il était pâle mais bien bâti, de la pâleur des trop nombreuses nuits passées à étudier. Ses yeux noirs recelaient toute la flamme et les qualités que l’on retrouve chez les grands penseurs et débatteurs. Mais il était calme, studieux et aimable et très réservé. Tout le monde l’aimait – les élèves l’adoraient.Avec eux il était tout de gentillesse et de gaieté, mais assez ferme, si besoin, pour inspirer le respect et l’obéissance. Ils apprenaient rapidement sous sa tutelle et j’en étais enchanté.

Quand la guerre nous est tombée dessus si soudainement, Paul est resté à l’écart de toute l’excitation, des réunions publiques, des discours. Lorsque nous est parvenue la nouvelle de la déclaration de guerre allemande, j’ai demandé à Paul ce qu’il en pensait. Je n’oublierai jamais l’expression de son visage lorsqu’il m’a regardé droit dans les yeux, les siens brillant de l’éclat d’une froide résolution, et il m’a répondu :
"Il n’y a pas de raison et d’excuse à la guerre- une chose hideuse et honteuse. Je n’ai rien à voir avec cela !"
Pendant un moment, je n’ai pas saisi la pleine signification de ses paroles. Alors j’ai dit, étonné :
"Mais tu devras y aller aussi lorsque ta classe sera appelée"
Il a souri doucement et a répondu "Non. Rien en me forcera jamais à prendre les armes contre mes semblables"
Je me suis exclamé "Tu veux dire que tu refuseras d’y aller si la France t’appelles?'
"Exactement".
"Mais ce serait de la folie. Ce serait honteux ! Ils te forceront à y aller – ou te mettront en prison – ou pire""
"Quoi qu’ils me fassent" répondit t-il, ils ne peuvent pas m’obliger à me battre. Cette guerre est monstrueuse. C’est le travail des diplomates et des gouvernements, pas celui des peuples. C’est un meurtre légal. Je ne commettrai pas un meurtre ni pour mon pays, ni pour aucun pouvoir sur terre.. C’est ma décision. Parlons d’autre chose."

Je n’ai pas continué à discuter, pensant que sa résolution était celle d’un illuminé, qui, le moment venu, partirait comme les autres, quelles que soient ses croyances et ses principes. Il a semblé que j’avais raison, car lorsque la convocation est arrivée quelques jours plus tard, Paul avait été convaincu par ses amis de se présenter au bureau de recrutement et d’y recevoir ses ordres. Il avait été convenu, par des amis influents à Paris, qu’il serait muté à des tâches administratives d’intendance, où il n’aurait pas à se battre.

Il est venu me dire au-revoir dans son uniforme et m’a parlé de son affectation future. "Je me suis soumis au système militaire pour cette unique raison" m’a t-il dit "Je déteste cela, tout cela. Je hais cet uniforme. C’est l’attribut de la soif de sang et de la boucherie — l’incarnation des instincts les plus bas et les plus bestiaux de l’homme. Je suis un lâche. J’ai sacrifié jusqu’à maintenant mes croyances et mon idéal. Mais je n’irai pas plus loin. Je ne me battrai pas – je ne tuerai pas – quoi qu’ils me fassent. Adieu, vieil ami, mon père !"

Il s’est rendu avec son régiment à dans un lieu quelconque de mobilisation près de Paris. Une semaine plus tard, j’ai reçu une carte postale. Il s’entraînait encore avec son régiment, mais il s’attendait qu’on lui donne d’un jour à l’autre le poste promis. Les semaines suivantes furent remplies des clameurs de guerre et de terreur.....

Un matin, la porte de l’école s’ouvrit et Paul entra. Il était vêtu de sa vieille veste noire. Son visage était hagard et ses traits tirés sous son bronzage, mais ses yeux traduisaient comme jamais son esprit indomptable. Les enfant criaient de joie en le reconnaissant. Au diable la discipline, ils l’interpellaient et le pressaient de questions alors qu’ils se frayait un passage jusqu’à mon bureau et me serrait la main.
"'Silence, mes petits" cria t-il, "Je suis revenu vous enseigner. Retournez à vos places."
C’était presque l’heure de la pause, alors j’ai permis aux élèves de détaler, en criant la bonne nouvelle du retour de Paul à tous ceux qu’ils rencontraient dans la rue..
J’ai attendu silencieusement ses explications. Il m’a regardé et a souri d’un ait grave.
"C’est fini" a t-il dit"Ils m’ont menti. On ne m’a pas donné un poste administratif. Mon régiment a reçu l’ordre de monter au front il y a deux jours. Je suis parti avec, en espérant jusqu’au dernier moment qu’on me donnerait le travail promis. Cette nuit, j’ai campé à un peu plus d’un kilomètre des tranchées et on m’a dit qu’au matin, nous entrerions dans la bataille. Je suis parti. Dans la confusion, on ne m’a pas arrêté à la gare. J’ai jeté mon uniforme détestable dans les toilettes. Je porte mes vrais habits. Je suis un instituteur, pas un boucher. Puis-je rester avec vous comme avant, jusqu’à ce qu’ils viennent me chercher. Ce ne sera pas long."

Je l’ai supplié, en pleurs. Je lui ai décrit les dangers de sa situation, le mépris et la colère des habitants de la ville – comment ils interpréteraient ses raisons et le considéreraient comme un traître et un lâche. Je lui ai dit qu’il serait jugé, condamné et probablement fusillé.

"je sais tout cela. Il est inutile de discuter. Si vous ne voulez pas que je vienne à l’école, je resterait à l’écart et les attendrai dans ma chambre. . Mais j’aimerais être ici, à mon travail, lorsqu’ils viendront."
Cela m’a semble peu de chose à faire pour lui, qui était si déterminé à laisser sa vie pour une croyance, un idéal. J’ai accepté. Ce jour-là, il a assuré le cours de l’après-midi, avec sa même ancienne compétence, puis il s’est dirigé vers la ville. Là où il n’avait il n’avait rencontré auparavant que des sourires amicaux et des salutations chaleureuses , il était reçu avec des regards suspicieux et interrogateurs. A tous ceux qui l’interrogeaient, il répondait simplement qu’il était revenu enseigner à l’école.

La nuit tombée, toute la ville savait que Paul Savigny avait quitté son régiment, avait repris ses habits civils et enseignait à nouveau à l’école. La nouvelle de son retour arriva jusqu’aux autorités militaires. Je reçus la visite d’un officier et fut interrogé. J’ai donné aussi peu d’informations que possible.

Aucune action ne fut entreprise ce soir-là, mais le lendemain matin, alors que les enfants étaient au milieu de leur leçon de grammaire et que Paul était au tableau, l’inévitable se produisit. Nous avons entendu le bruit sourd des pas à l’extérieur, un commandement sec, le claquement des crosses sur les pavés et la porte fut ouverte brutalement par un jeune officier.
"'Paul Savigny,' demanda t-il.
"'Je suis ici, Monsieur," répondit tranquillement Paul de sa place près du tableau.
"Vous êtes demandé immédiatement au quartier général. Venez!'
"Paul tendit la main vers le haut du tableau et inscrivit d’une main ferme et d’une écriture claire la petite phrase que vous avez remarqué aujourd’hui, lorsque vous étiez dans ma salle de classe:
'La guerre est une bête sauvage qui dévore la civilisation.'
En se tournant vers les élèves, il dit:
"Au revoir, mes petits. C’est ma dernière leçon. Apprenez-la bien et ne l’oubliez jamais"

Le procès à huis-clos de Paul fut expéditif. Nous avons appris plus tard qu’il n’avait eu recours à aucune excuse ou prétexte, se contentant seulement d’expliquer qu’il ne combattra pas, et que lorsque la promesse d’un poste administratif n’avait pas été tenue, il avait quitté l’armée et était retourné à sa profession. Il fut déclaré coupable de lâcheté et de désertion en face de l’ennemi et condamné à être fusillé. Il devait mourir comme un chien, méprisé par tous ses anciens amis, la fin la plus terrible qui puisse arriver à un homme.

La voix du vieux maître d’école se brisa dans un murmure rauque. Il se leva
"Venez, Monsieur"
Nous avons dépassé un bâtiment blanc en retrait de la route. Des sentinelles à une barrière et des soldats à l’intérieur suggéraient qu’il s’agissait de baraquements ou d’un quartier général. Un peu plus loin, la ville se fondait avec la campagne. Sur la gauche, le mur de stuc blanc d’un cimetière à flanc de colline longeait la route. Le petit cimetière était construit en terrasse jusqu’à la partie la plus escarpée de la colline.
Une étroite bordure d’herbe séparait le mur de la route. Là, mon guide s’arrêta et je vis, tout contre le mur, un petit monticule marqué d’une croix en bois. Une couronne fanée de fleurs sauvages reposait à même le sol. Aucune inscription sur la croix n’indiquait de qui était la tombe en terre impie, à l’extérieur de l’enceinte réservée à des corps plus dignes.

Ôtant son chapeau, le vieil homme au bord des larmes leva son regard vers moi et dit d’une voix rauque et tremblante :
"Il est inutile de dire, Monsieur, qui repose ici. Regardez. Ils ont creusé cette tombe près du mur. Voyez, c’est ici qu’on l’a fait se tenir, le trou béant de sa propre tombe à ses pieds. Ils ont posé huit fusils, là-bas, sur la route. Quatre étaient chargés de cartouches à balles, quatre de cartouches à blanc. Huit réservistes, le visage pâle, dont aucun d’entre eux n’avait tiré sur autre chose de plus important qu’un lièvre, ont pris les fusils.
Puis, sous ce peuplier, Paul m’a embrassé. Ces derniers mots furent:
"Un jour, la France saura que je suis mort, non pas comme un traître ou un lâche mais pour protester contre la tyrannie et le mal, et pour ma foi dans la régénération future de l’humanité"
"A sa demande, ils ne lui ont pas bandé les yeux ni attaché les mains. Il leur a fait face, Monsieur, la tête haute, les yeux brillants.
"Le jeune lieutenant bafouilla les commandements. Lorsqu’il parvint au mot fatal 'Feu!', j’ai détourné la tête. La rafale fut irrégulière, espacée. Je me suis senti comme si j’avais été transpercé par un millier de baïonnettes. Lorsque j’ai pu me convaincre de relever la tête, le peloton d’exécution s’éloignait. Deux soldats rebouchaient la tombe.
Je me suis dirigé vers eux et ai regardé les deux hommes finir leur travail.L’un des deux a sorti cette petite croix. Il y a eut une dispute.
"'Il ne devrait pas avoir une croix. C’était un traître, un déserteur, un lâche!' a crié l’un.
"Déserteur et traître, peut-être" a répondu l’autre," mais un lâche certainement pas. Il n’est pas mort comme un homme qui a peur. Je dis qu’il doit avoir une croix."

La croix fut placée. Depuis, je suis venu chaque dimanche avec un petit bouquet de fleurs toute simples. Les gens de la ville me laissent tranquille, connaissant mes sentiments. Mais pour la plupart d’entre eux, le nom de Paul représente encore tout ce qui est lâche et traître . Je me demande si il en sera autrement un jour. Comprendront-ils jamais?

Et vous,Monsieur, qu’en dites-vous? Cet homme était -il un traître, un fou, ou un martyr?
digger
 
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Re: Commémoration de la première guerre mondiale

Messagede bipbip » 28 Aoû 2014, 01:05

La chanson de craonne-1917

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