Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis


Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede moolood » 03 Nov 2008, 05:21

Aux USA, il y eut bien entendu le "weather underground" qui s'apparenterait à "action directe" de france. Les 2 ont eu droit à la répression et à un film notamment celui du génial (c'est subjectif) Pierre Carles dénommé "Ni vieux, ni traitres".
« Les révolutions qui commencent en troupeau, se finissent à l'abattoir » Reiser selon Pierre Carles
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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede kuhing » 03 Nov 2008, 20:12

salon du livre anarchiste à SF mars 2008

il y a une présence anarchiste notable aux états-unis aujourd'hui.

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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede chaperon rouge » 11 Nov 2008, 01:37

Si je me souviens c'est Ronald Creagh qui avait écrit aussi un bouquin sur l'histoire du mouvement anarchiste aux états-unis et un autre "laboratoires de l'utopie" où il décrit tout plein d'expériences de communes libertaires ou proches. Un film "mainstream" (à grande parution) est paru dernièrement sur la Bataille de Seattle(je peux pas commenter je l'ai pas vu). À lire aussi, l'Histoire Populaire des États-unis publié par Howard Zinn.
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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede kuhing » 01 Déc 2008, 17:54

dernier interview de Murray Bookchin :

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Révolutionnaires du Nouveau Monde

Messagede Phébus » 18 Déc 2009, 23:24

Une brève histoire du mouvement socialiste francophone aux États-Unis (1885-1922)

Lux Éditeur poursuit sur sa lancée d’histoire sociale avec ce petit livre de l’historien Michel Cordillot. Si l’histoire du mouvement ouvrier et socialiste américain est relativement connue, personne jusqu’à maintenant ne s’était arrêtée au rôle joué par l’immigration française. Et pourtant...

Dès 1885, dans les communautés minières de Pennsylvanie, un vigoureux mouvement socialiste francophone va voir le jour. La vie de ce mouvement est structurée autour d’une série de journaux, comme La Torpille, Le Réveil des masses, suivis du Réveil des mineurs et de la Tribune libre, et enfin l’Union des travailleurs. D’abord d’obédience anarchiste, le mouvement va devenir socialiste libertaire puis socialiste tout court au fur et à mesure de son américanisation. Son ancrage et sa permanence tiennent au fait que le mouvement des immigrés politisés organise littéralement la vie de l’ensemble de la communauté immigrée, notamment en publiant en français une presse dont les pages sont largement ouvertes à tous (jusqu’à un quart du matériel écrit fourni par les lecteurs), en organisant une foule de syndicats, de coopératives, de mutuelles et d’associations sociales et culturelles francophones.

Concernant essentiellement les communautés francophones d’origine européenne, une jonction s’opère avec la masse des Canadiens français émigrés en Nouvelle-Angleterre. En effet, la Fédération française du textile des Industrial Workers of the World (syndicalistes révolutionnaires) émerge en 1906-1907 chez les Québécois exilés, ce qui rend possible un activisme socialiste dans une communauté que les Français et les Belges méprisaient jusqu’alors pour son conservatisme et son attachement au catholicisme. C’est sur les presses de l’Union des travailleurs qu’est imprimé l’Émancipation, journal de cette fédération syndicaliste libertaire.

Dans la foulée, l’éditeur de l’Union des travailleurs fait des excursions jusqu’au Canada. On le trouve ainsi en tournée à Montréal et Québec au début du siècle où il rencontre plusieurs syndicalistes influents. On retrouvera ainsi plusieurs syndicalistes montréalais dans la liste d’abonnés de l’Union des travailleurs, comme J.-A. Rodier des typographes, L. Charbonneau des boulangers, E. Pelletier, des peintres ou encore Albert Saint-Martin, l’un des organisateur du 1er mai à Montréal. Québec n’est pas en reste et compte même un agent pour gérer localement les ventes et les abonnements en la personne de L.-G. Authier, du syndicat des typographes. L’histoire ne dit pas quel impact a eu ce journal socialiste franco-américain sur le devenir du jeune mouvement socialiste québécois d’avant-guerre.

Un petit livre utile qui lève le voile sur tout un pan méconnu de l’histoire de la gauche francophone en Amérique du Nord. À lire notamment pour se rappeler que la lutte pour l’égalité économique et sociale ne date pas d’hier, ni des années 1960!

==
Extrait du numéro de décembre du journal l'Infobourg.
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Re: Révolutionnaires du Nouveau Monde

Messagede RickRoll » 20 Déc 2009, 10:24

Ce doit être un bon complément à "Sur le traces de l'anarchisme au Québec" de Mathieu Houle-Courcelles, non ?
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Re: Révolutionnaires du Nouveau Monde

Messagede Phébus » 21 Déc 2009, 17:43

Pas vraiment, en fait. Mathieu avait mis la main sur La Torpille et quelques unes de ses incarnations il y a deux ou trois ans mais avait laissé ça de côté. En fait, durant la période strictement anarchiste de ces périodiques, ils n'avaient pas de liens avec le Québec. C'est plus tard, lorsqu'ils sont devenus plus socialistes et syndicalistes qu'ils ont fait des liens avec les québécois. Dans la série d'abonnés québécois, c'est clairement des gens plutôt marxistes. Il y a bien Albert Saint-Martin dans le lot mais c'est un peu abusif de l'annexer à l'anarchisme (c'est un peu un bonhomme qui se situerait dans la lignée de gens comme Marceau Pivert ou René Lefeuvre... genre marxiste non-orthodoxe inclassable (il a été exclu du PCC pour «anarcho-communisme» mais, bon, quelle crédibilité pouvons nous accorder aux insultes staliniennes?)).
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Le chronomètre et le sabot, management scientifique et IWW

Messagede L . Chopo » 09 Jan 2013, 15:16

Le chronomètre et le sabot (1) : le management scientifique et les Industrial Workers of the World

Sur autrefutur.net, la traduction d’un texte de Mike Davis (Radical America Vol. 9 N° 1, Janvier Février 1975) (2) sur le développement des techniques de management Tayloristes pour briser la solidarité des travailleurs/euses et la réponse du syndicat IWW.

Trop long pour une lecture à l’écran (16 pages), seule l’introduction est en ligne. Le texte complet est en téléchargement.

Image

Voir sur : http://www.autrefutur.net/Le-chronome%C ... e-sabot-le


L.Chopo


(1) Le sabot était un symbole anarchiste au XIXe et au début du XXe siècles, bien que son utilisation ait progressivement disparue depuis.
(2) Publié sur le site britannique libcom.org, dans sa rubrique « History », sous le titre « The Stopwatch and the Wooden Shoe : Scientific Management and the Industrial Workers of the World ».

.
L. Chopo
Pour la Confédération Nationale des Travailleurs - Solidarité Ouvrière (CNT-SO)
http://www.cnt-so.org


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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede bipbip » 18 Juin 2017, 23:14

Histoire de l'anarchisme aux états-unis d'amérique (1826-1886)
par R.Creagh

Image

Livre format PDF 360 pages :
http://cras31.info/IMG/pdf/creagh_-_his ... ats_un.pdf
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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede Pïérô » 20 Sep 2017, 03:42

Article de septembre 2001 dans Ruptures no.1

Neufs années d'existence de la fédération révolutionnaire Love and Rage aux États-Unis

Une nouvelle vague de radicalisation se répand autour du monde. Des fédérations anarchistes s’organisent aux Etats-Unis et au Canada, ainsi que dans d'autres pays. Le courant « Plateformiste » dans l'anarchisme international, qui met l’emphase sur le besoin des anarchistes de s'organiser, a des effets à travers le monde. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant pas qu'il y ait un intérêt pour la dernière tentative principale d'établir une fédération anarchiste en Amérique du Nord : la fédération révolutionnaire anarchiste Love and Rage (L&R). Fondée en 1989, elle a existé jusqu’à 1998, presque dix ans, avec des ramifications au Mexique (Amor y Rabia) et au Canada anglophone.

Elle est issue d'un mouvement anarchiste très amorphe, dont la principale activité à l'échelle continentale consistait en des « rassemblements » presque annuels. Dans diverses villes des Etats-Unis et du Canada, les anarchistes se réunissaient, s'occupaient d’ateliers, parlaient les un avec les autres, mangeaient de la nourriture végétarienne, jouaient ensemble, s'engageaient dans « des rites païens », et puis retournaient chez eux. Des décisions n'avaient pas été prises et des structures durables n'avaient pas été installées.

Dans ce milieu, une minorité lança un appel pour la création d’un journal anarchiste continental. Naturellement, il y avait déjà un nombre restreint de périodiques anarchistes, chacun exprimant les opinions de l’individu ou du petit groupe qui le publiait. L'idée était qu’un journal reflète les vues du groupe continental de sympathisants qui étaient prêt à participer à sa création et à sa distribution. Les défenseurs de ce « projet de journal » se sont bientôt rendu compte que ceci impliquait une certaine forme d'organisation.

Des gens de différentes tendances anarchistes se sont réunis pour établir la fédération L&R. Un rôle clé a été joué par un groupe de Minneapolis, Minnesota, qui se donnait pour nom Revolutionary Anarchist Bowling League (RABL ou « rabble »). Un autre groupe provenait de l'ex-Revolutionary Socialist League (RSL). C'était un groupe qui avait évolué du Trotskisme à l'Anarchisme. Le RSL (dont j'étais membre) n'a jamais considéré l’état-capitaliste de l'union soviétique comme « un état ouvrier dégénéré », à la manière du Trotskisme orthodoxe. Il a interprété l'orthodoxie marxiste de la façon la plus libertaire possible, à la manière des écrits de Marx sur la commune de Paris ou de « L'État et la Révolution » de Lénine. Quand il est devenu impossible de continuer, le groupe s'est orienté vers l'anarchisme. Le RSL s'est officiellement dissout au moment de la fondation de L&R ; la plupart des ex-membres laissant la politique. Certains d’entre nous se sont impliqués dans la création de L&R et de son journal, qui s'appela également Love and Rage.

L&R se distinguait de la majeure partie du mouvement anarchiste par quelques caractéristiques importantes. La première, cela va de soi, était l'idée selon laquelle les anarchistes devaient former une organisation, et, de façon liée, publier un journal. Ces concepts étaient vigoureusement, pour ne pas dire brutalement, dénoncés par de nombreuses personnes dans le mouvement anarchiste. Un anarcho-syndicaliste relativement important est venu à la réunion de fondation seulement pour dénoncer l'idée de fonder une organisation. Les anarchistes-primitivistes de « Fifth Estate » ont dénoncé L&R dès le début. Beaucoup d'autres convenaient que c'était une erreur de la part des anarchistes de former des organisations ou, du moins, des organisations au-delà du niveau local. Il y avait une rumeur largement répandue selon laquelle les ex-membres de l'ex-RSL effectuaient une sorte d’infiltration Trotskiste dans le mouvement anarchiste afin d’en émerger avec une nouvelle et plus grande base léniniste. Vu le cours des événements, c'était tout à fait ironique.

Cependant, la question de l'organisation n’a jamais été tout à fait réglée. Il y avait une tension constante dans la fédération concernant jusqu'où nous pouvions aller dans son unification et sa coordination. Une large minorité de gens a rompu parce qu'elle voulait vraiment un « réseau lâche » et non une fédération plus coordonnée. Avec le temps, cette question a continué de poser problème. En raison de l'héritage décentralisé de L&R, les gens qui étaient désignés pour exécuter des tâches l'étaient sur la base de leur situation géographique et non pour des raisons politiques. Le comité continental qui prenait des décisions entre les conférences était sélectionné de cette façon. C'est ainsi qu'étaient choisis les gens composant le plus petit ensemble assurant la coordination entre les réunions de ce comité. Des personnes influentes ont souvent été laissées hors de ces groupes, dans l'espoir d'empêcher la formation d'un « leadership », mais au lieu de ça (naturellement), le vrai « leadership » a été maintenu de façon informelle et non démocratique. Les décisions éditoriales concernant le journal continental n'étaient prises par aucun groupe politiquement responsable, mais par l'équipe de production. Celle-ci était composée de personnes aléatoires qui étaient volontaires et qui vivaient dans la ville où le journal a été créé.

En même temps, L&R n'a jamais été une vraie fédération, parce qu'il n'y a jamais eu plus que quelques vrais groupes locaux. La plupart du temps il y avait environ 200 membres dispersés dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il y avait quelques collectifs significatifs dans quelques villes et beaucoup d'individus qui étaient disposés à distribuer le journal.

En plus d'être pro-organisation, l'autre caractéristique distinctive de L&R était son ancrage à gauche. La fédération était pour les luttes des opprimés. Elle a supporté les luttes de libération nationales. Elle a supporté la libération des femmes, la libération Gay et Lesbienne, les luttes des prisonniers, des pauvres, de la jeunesse, et des Afro-Américains. Ceci peut sembler évident, mais la grande partie du mouvement anarchiste le dénonçait comme étant trop « à gauche ». La gauche était perçue comme quelque chose de vieux jeu, dépassé. C'était la conception explicite des primitivistes. Même les anarchistes qui étaient consciemment gauchistes, tels que les anarcho-syndicalistes, beaucoup d'entre eux étaient pour les luttes ouvrières mais ne soutenaient pas les guerres de libération nationale. Un trop grand nombre de ces derniers rejetaient les luttes qui n'étaient pas des luttes de la classe ouvrière car ils considéraient que c'était des diversions.

Hormis cela, il y avait peu d'accord théorique parmi les membres de L&R et peu d'efforts pour développer un programme théorique. Leur théorie, ou programme, était quelque chose vaguement appelée, « anarchisme révolutionnaire ». C'est-à-dire que nous étions des anarchistes qui étaient « pour » la révolution. Ceci nous distinguait des anarchistes pacifistes et des anarchistes réformistes sans plus de spécificité. L&R était contre le capitalisme mais ne s'engageait pas pour le « socialisme » qui a été associé à la propriété d'état. Il y avait différents points de vue sur d'autres questions, telle que la libération des Afro-Américains. Une minorité était pour le « Race Traitor program » : le racisme était la question principale aux Etats-Unis, tout le reste était secondaire, l'anarchiste blanc ne devait pas propager ses opinions dans la communauté Afro-Américaine. D'autres gens ont eu d'autres points de vue qui ont également tourné autour de semblables sentiments de culpabilité de libéraux blancs.

Le problème n'était pas vraiment telle ou telle opinion sur tel ou tel autre sujet particulier mais le manque de tentatives sérieuses d'étudier la théorie du passé et de la développer pour la pousser plus loin. Dès le début, les gens considéraient que toute tentative d'enraciner L&R dans la tradition anarchiste serait vieux jeu. Il n'y avait aucune lecture exigée pour tous les membres, ni groupes d'étude réguliers. Même vers la fin, les gens insistaient sur le fait que la théorie était quelque chose qu'ils développeraient hors de leur expérience. La théorie n'est finalement rien que la codification de l'expérience de beaucoup de gens. Mais cette approche signifiait réinventer constamment la roue, et répéter les erreurs des générations précédentes. Cependant, il n'est pas étonnant que les anarchistes des Etats-Unis aient suivi l'empirisme et le pragmatisme brut de la culture politique des Etats-Unis.

L'organisation avait une liste empirique, une sorte « d'arbre de Noël », de bonnes causes qu'elle soutenait (comme la libération des femmes, la libération Gaie et Lesbienne, l'abolition de la prison, et ainsi de suite). Elle essayait d'établir un meilleur programme, plus long et plus approfondi. Pendant des années, lors des conférences, elle discutait des parties d'un programme amélioré. Mais ce processus était contradictoire. Avant que L&R se dissolve, le programme était encore inachevé.

Ron Tabor, un ex-membre de la vieille RSL, a essayé de faire un travail théorique sérieux. Il a cherché à repenser la signification du marxisme dans une perspective anarchiste. Tandis que sa brochure précédente, « A Look at Leninism », avait été largement distribuée, l'organisation a cessé d'éditer ses articles critiquant le marxisme dans le journal. Les gens n'étaient simplement pas assez intéressés, disaient-ils.

Néanmoins, un bon travail a été effectué. Un petit nombre de vrais collectifs ont existé et ont été liés les uns aux autres dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Un réel effort a été fourni pour supporter un groupe mexicain en produisant un journal et de la littérature espagnole. Nous avons organisé un important soutien états-unien pour la rébellion Zapatiste (bien que politiquement ceci n'ait pas été plus loin que le fait d'être des « cheerleaders » radicaux, au lieu de discuter des possibilités d'une révolution mexicaine). Un journal anarchiste continental a été produit pendant neuf ans, sur une base plus ou moins mensuelle. Quelques activités ont été effectuées à l'échelle de la fédération, comme participer à plusieurs manifestations nationales aux États-Unis.

Cependant, dès le début, il y avait certains aspects non démocratiques dans ce que les membres entendaient par « anarchisme révolutionnaire ». L'un d'entre eux était la sympathie largement répandue pour les mouvements de type Léniniste-Staliniste des années '60 et '70. Beaucoup de membres admiraient le « Weatherpeople », la faction armée rouge allemande, « The Black Liberation Army », et d'autres groupes qui ont voulu créer des dictatures révolutionnaires au-dessus de la masse des gens. Le tout dernier numéro de L&R a inclus un article très favorable concernant des membres emprisonnés du « Weatherpeople », intitulé « Ennemis de l'État ». « Ennemis de cet État, amis d'un nouvel État » aurait été plus approprié.

L'autre faiblesse non démocratique était le manque d'intérêt ou le manque d'orientation vers la classe ouvrière nord-américaine. Au mieux, le fait que certains d'entre nous étaient intéressés par les ouvriers en tant qu'ouvriers était accepté de façon condescendante. Comme me l'a dit un membre influent, les ouvriers ne s'identifient pas comme ouvriers. Quand une importante grève étudiante a éclaté dans les universités publiques de New York City, nos membres ont effectué un excellent travail en l'organisant et en la menant (de façon non autoritaire). Mais ils ont ricané à l'idée d'orienter la lutte étudiante vers les travailleurs (qui luttaient alors également contre le gouvernement de la ville sur des problèmes comparables).

Plus tard, nos membres de Detroit sont devenus impliqués dans le travail de soutien en faveur des ouvriers grévistes de la presse. Ces membres avaient diffusé un tract soulevant la grève générale. Les gens de L&R à New York n'ont pas voulu en parler dans le journal continental. Un membre a demandé si la « grève générale » était une « idée de Trotskiste », ainsi peu d'entre eux connaissaient l'histoire de l'anarchisme et de l'anarcho-syndicalisme.

Au bout du compte, le mépris pour les ouvriers, leurs organisations (syndicats), et leurs luttes, est non démocratique. Il mène à l’idée qu’un petit groupe de jeunes radicaux, des étudiants d’université et d’ex-étudiants issus de la bourgeoisie pour la plupart, peut transformer la société lui-même, sans être profondément ancré dans la classe ouvrière et les groupes opprimés de la société. Ce point de vue est conforme au Stalinisme radical.

Un conflit final a éclaté pendant les deux dernières années de L&R. Chris Day, un fondateur, et un membre influent (c'est-à-dire un leader), avait conclu qu'il était temps d'abandonner l'anarchisme. Il disait aux gens, de façon informelle, que nous avions atteint les limites du « milieu » anarchiste et qu’il était temps de bouger. Il a écrit un article sur « l’échec historique de l'anarchisme », soulignant les faiblesses de l'anarchisme en matière de programme. Il a déclaré qu'aucune révolution ne pourrait réussir sans une armée régulière et un état révolutionnaire centralisés. Un groupe s’est formé autour de lui, composé en particulier de personnes qui n’avaient jamais eu à choisir entre l’anarchisme et le marxisme autoritaire. Bien que Chris ait soudainement découvert la valeur de la classe ouvrière internationale, son marxisme nouvellement découvert n'était pas de n'importe quelles tendances libertaires ou humanistes (autonomes, communisme de conseil, CLR James, Eric Fromm, Hal Draper, etc.). C'était du Maoïsme, une version des plus Staliniste, des plus autoritaire.

Un nombre restreint d’entre nous a commencé à résister, d'abord en écrivant des contre-articles. Nous étions pour la plupart, mais pas tous, d'anciens membres de RSL, souvent plus âgés que le membre moyen. Ce qui nous dérangeait et nous embrouillait était que la plupart des membres de L&R ne réagissaient pas au conflit. Ils restaient en dehors. Cette absence de réaction a été favorisée par la manœuvre de Chris qui, rarement, n’a affirmé franchement qu'il avait rejeté l'anarchisme. Au lieu de cela, lui et son groupe tournaient autour du pot. Ils faisaient des allusions puis des démentis, prenaient position puis se retiraient. Si des gens voulaient ignorer la question, la tâche leur a été facilitée. Nous, qui affirmions qu’il y avait une crise, avons été traités comme des fauteurs de troubles.

Comme nous l'avons vu, l'enjeu était le rejet de l'anarchisme pour le Marxisme-Léninisme-Maoïsme. Nous avons été accusés d'être dogmatiques, de ne pas être suffisamment actifs, d’être des provocateurs, d’avoir tort sur toutes les autres questions et ainsi de suite. Il y a un mythe dans le mouvement anarchiste actuel selon lequel L&R s'est effondré en raison de ses faiblesses au sujet de la question de la libération des Afro-Américains. Celle-ci n'a jamais été l’objet d’un conflit important à l'intérieur de l'organisation, bien que peut-être il aurait dû avoir lieu. Cette question a pris de l’importance à la dernière minute, le défenseur principal de la politique de « Race Traitor » faisant bloc avec la faction maoïste. Mais cela n'avait jamais été l’enjeu du combat de cette faction, cet enjeu était le maoïsme contre l’anarchisme. Derrière le combat et puis l'effondrement de « LOVE AND RAGE » se cachaient de plus larges tendances historiques. A l'époque où L&R se dissolvait, notre section mexicaine s'est également séparée. Le réseau Québécois qui avait publié le journal l'anarchiste Démanarchie s’est décomposée. Le groupe britannique, « Class War Federation », s’est aussi dissout. Bien qu’il y avait des enjeux spécifiques dans chaque cas, chacun d’eux subissait la longue accalmie dans le mouvement plus large. Les gens étaient découragés. Quoi qu'il en soit, dans notre cas, les gens ont recherché une alternative. Le marxisme avait été discrédité par l'effondrement de l’Union-Soviétique et le virage officiel pro-marché de la Chine. Mais, à la différence de l'anarchisme, il gardait toujours l'attraction de l’histoire de ses révolutions et de sa vaste quantité de travail théorique. C'était (et c’est toujours) un vrai pôle d'attraction pour beaucoup de gens.

L&R a eu une brève réunion pour dissoudre formellement la fédération. Le groupe maoïste, et ceux qu'il avait attirés, formèrent Fire by Night pour une courte période. Bientôt ils devaient se dissoudre dans la mouvance léniniste. Notre groupe a créé le journal anarchiste The Utopian (voir www.utopianmag.com). Par ailleurs, les individus ont continué à s'engager dans diverses tendances du mouvement anarchiste. Dans les deux à trois ans qui ont suivi la dissolution de L&R, il y a eu une grande reprise dans le mouvement anarchiste, mais pas de fédération anarchiste continentale pour y participer.

Les leçons de la Fédération Love and Rage

Quand je réfléchis bien à mon expérience dans L&R (ainsi qu'à mes expériences antérieures), je parviens à ces trois conclusions principales :

(1) Il y a un besoin d'équilibrer l'activisme et la théorie. Un programme d'activistes a besoin d'être basé sur une théorie du monde, qu'est ce qui est responsable de l'oppression, que signifie libération, quels secteurs de la société peuvent mettre fin à l'oppression, et que pouvons nous faire pour les aider à aller vers la libération. Non pas que tous les membres d'une fédération anarchiste doivent être totalement en accord avec les mêmes idées, mais il y a besoin d'un noyau de membres qui ont une approche commune.

Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons rien faire sans une théorie mature. Au contraire des Marxistes, nous n'avons pas un ensemble de livres sacrés dans lesquels on apprend. Mais tout en participant aux luttes, les anarchistes devraient simultanément travailler sur la théorie. Il devrait y avoir des groupes d'études, un ensemble de lectures communes, et un journal théorique plein de vie.

(2) Il y a un besoin d'avoir une orientation vers la classe ouvrière. Pas seulement pour des raisons théoriques mais pour des raisons stratégiques. Il n'y a pas d'autre groupe opprimé qui possède potentiellement l'aptitude à mettre fin à la société capitaliste – et à la relancer de nouveau. Seuls les travailleurs, en tant que travailleurs, peuvent le faire. Aucun autre groupe n'est opprimé au cœur du processus de production ou n'a son propre intérêt à créer une société sans classe. C'était l'éclairage de l'anarcho-syndicalisme.

Les anarchistes doivent continuer à participer et à défendre les luttes des femmes, des Gays et des Lesbiennes, des races et des peuples opprimés. Leur oppression est aussi réelle que celle des travailleurs. Leurs mouvements sont essentiels à la libération. Mais de la même manière que leurs problèmes doivent être soulevés dans la lutte de classe, la lutte de classe doit être soulevée dans ces mouvements.

(3) Il y a un besoin pour une organisation démocratique d'anarchistes révolutionnaires – si nous ne voulons pas (une fois de plus) nous faire organiser par les Marxistes. Il ne peut y avoir aucune structure abstraite préétablie pour une telle organisation, exceptée qu'elle soit démocratique. Tout dépend des circonstances. Le principe est qu'elle devrait être aussi décentralisée et aussi directement démocratique que possible mais pas plus centralisée et pas plus coordonnée que le minimum requis. Ce n'est pas un parti, qui est une organisation pour prendre le pouvoir (par les élections ou par le contrôle de la révolution). C'est un instrument pour participer aux luttes populaires et pour encourager les gens à se prendre en charge. Une organisation Anarchiste est une partie du processus de l'auto-organisation populaire, pas son contraire. Mais, ainsi que le mentionne la Plateforme Organisationnelle des Communistes Libertaires, elle a besoin de quelques personnes choisies par les membres. Elles devraient être élues sur la base de leurs politiques, pas de leur personnalité ou de l'endroit où elles vivent. Je crois qu'il est essentiel pour un tel groupe, démocratique et programmatique, d'être élu pour surveiller les publications, et autre littérature, aussi bien que pour faire une certaine quantité minimale de coordination et de réagir aux urgences.

Tous ces points sont controversés parmi les anarchistes. Mais j'ai vu trop souvent, la victoire des autoritaires, des étatistes et des Marxistes, sur les anarchistes et les socialistes libertaires. Nous avons la chance de changer cette affreuse histoire, si nous y sommes préparés.

— Wayne Price
Septembre 2001

Wayne fut membre de la Revolutionnary Socialist League, puis de Love and Rage et milite actuellement dans la NEFAC, à New York.


https://www.causecommune.net/publicatio ... -unis.html
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Re: Histoire du mouvement anarchiste aux Etats-unis

Messagede bipbip » 24 Fév 2018, 19:59

Projection débat « Anarchism in America »

Paris dimanche 25 février 2018
à 17h, Bibliothèque La Rue, 10 rue Robert-Planquette, Paris 18e

Image

Le documentaire relate l'histoire du mouvement anarchiste aux États-Unis, d'une part comme une tradition Américaine individualiste qui remonte au 19e siècle, et d'autre part comme une idéologie importé de l'étranger par l'immigration.

Projection organisée par le ciné club "La Lanterne Noire" du groupe Louise-Michel

http://www.groupe-louise-michel.org/Ana ... in-America
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