Une contribution et un livre de Mathieu Léonard.
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle4846Mémoire : Une histoire de la Première Internationale de Mathieu Léonard
Voici un rappel bienvenu de ce que fut la courte et tumultueuse histoire de l’Association internationale des travailleurs (AIT). L’auteur retrace les débats politiques qui l’ont agitée et qui sont à l’origine des grands courants du mouvement ouvrier : social-démocratie, marxisme, syndicalisme, anarchisme.
Il apporte l’éclairage nécessaire à la compréhension des affrontements entre tendances et personnalités qui ont fini par mettre fin à cette expérience, sans cacher les manœuvres, intrigues, calomnies, le poids des préjugés nationalistes qui les ont émaillés. Mais là n’est pas le principal mérite du livre.
C’est d’abord l’histoire de l’émergence du prolétariat européen en tant que classe consciente d’elle-même, en tant que force politique autonome luttant pour ses propres objectifs.
A sa création en 1864 à Londres, l’AIT n’est qu’un modeste rassemblement de trade-unionists anglais, de mutuellistes français et de communistes allemands, un réseau avec peu de sections et d’adhérents.
Pendant les grèves qui se multiplient à la fin de la décennie, l’Internationale fonctionne comme une agence inter-gréviste, un relais des caisses de résistance qui apporte un soutien financier parfois décisif dans le rapport de force. De nouvelles sections se créent, les adhésions affluent même si elles sont plus symboliques que réelles.
Une montée en puissance qui fait trembler les bourgeoisies européennes, d’autant plus que parallèlement au développement de son influence, l’AIT se radicalise. Au départ il est surtout question d’améliorer les conditions de travail, avec la perspective vague et lointaine d’une fin de l’exploitation.
En quelques années, la révolution sociale devient centrale dans la propagande de l’Internationale. Le rôle de premier plan des Internationalistes durant la Commune de Paris prouve que les bourgeois avaient raison d’avoir peur. Ils se vengeront par une répression terrible. Malgré sa fin tragique, l’insurrection parisienne est une source d’espoir pour les opprimés, de nouvelles sections de l’AIT se créent en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. Pourtant ses jours sont comptés, elle est minée par les luttes de tendances, comme le dira plus tard Malatesta : « Mais tous, bakouninistes et marxistes, nous cherchions également à forcer les choses, plutôt que de compter sur la force des choses... »
En septembre 1872, la Première Internationale explosait au congrès de La Haye, quelques jours après naissait l’internationale antiautoritaire à Saint-Imier. Cent-quarante ans plus tard, le mouvement ouvrier mondial est toujours orphelin d’une internationale qui mette réellement en pratique ce principe : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Hervé (AL Marseille)
Mathieu Léonard, L’émancipation des travailleurs. Une histoire de la première Internationale, La Fabrique, 2011, 416 pages, 16 euros.
http://chroniques-rebelles.info/spip.php?article781L’Émancipation des travailleurs. Une histoire de la Première Internationale
« À l’heure où le seul internationalisme qui prévaut est celui des marchés, de la finance et des multinationales, l’idée d’une solidarité entre les peuples et les travailleurs du monde entier semble appartenir aux utopies des XIXe et XXe siècles. Tandis que la nécessité même d’un dépassement du capitalisme se fait ressentir chaque jour davantage, nous nous retrouvons cruellement dépossédés de tout horizon émancipateur. »
C’est ainsi que commence cette histoire détaillée de la Première Internationale dont l’expérience et les idées furent des plus émancipatrices, et il y a de cela un siècle et demi.
À revenir ainsi sur l’histoire de l’AIT, l’Association internationale des travailleurs, à redécouvrir par le livre de Mathieu Léonard les revendications et les propositions de ceux et celles qui y ont participé, il est en tout premier lieu étonnant de constater leur actualité. On comprend mieux alors la mise de côté de cette histoire de l’émancipation et des luttes révolutionnaires qui, comme l’écrit Mathieu Léonard, pourraient à nouveau « fournir quelques renseignements nécessaires dans l’urgence des combats actuels. »
La Première Internationale date de 1864. « Pas plus qu’elle n’a de maîtres, l’Internationale n’a pas de fondateurs » déclare Benoît Malon. Karl Marx renforce cette idée en écrivant qu’elle est « le produit spontané du mouvement prolétaire. » Et cela se passe avant la formation des premiers syndicats.
Dans cet essai, il n’est cependant pas question de passer à la trappe les tensions, les dissensions, les oppositions ou les désaccords au sein de l’AIT, mais plutôt d’en analyser les raisons et les enjeux dans le contexte de l’époque, et également d’en renvoyer un écho pour une meilleure compréhension des problèmes actuels. L’auteur souligne notamment des questions très rarement abordées durant les huit années de l’association internationaliste, des questions, et non des moindres, « restées en suspens : celle des peuples colonisés, celle de la libération des femmes, celle de la paysannerie. »
Pour n’évoquer que la question de la libération des femmes, Flora Tristan avait pourtant insisté, dès 1843, sur la nécessité d’émancipation pour la « prolétaire du prolétaire » : « l’oubli et le mépris des droits naturels » des femmes sont les « seules causes des malheurs du monde ». Elle était en cela précurseure des mouvements féministes, comme également de la Première Internationale lorsque, dans le même discours, elle lance cet appel : « Ouvriers et ouvrières, écoutez-moi. […] Le jour est venu où il faut agir et c’est à vous, à vous seuls, qu’il appartient d’agir dans l’intérêt de votre propre cause. […] Votre action à vous, c’est l’Union universelle des ouvriers et des ouvrières. »
Si l’on change « ouvriers et ouvrières » par salarié-es ou, dans le style Indignés, par « 99 % », on prend mieux la mesure des paroles de Flora Tristan. Démonstration : « écoutez-moi. […] Le jour est venu où il faut agir et c’est à vous, [les salarié-es, les 99 %,] à vous seul-es, qu’il appartient d’agir dans l’intérêt de votre propre cause. […] Votre action à vous, c’est l’Union universelle des [salarié-es et des 99%.] » !
La Première Internationale est donc fondée en 1864 et la « dislocation de l’organisation [est actée] lors du Congrès de La Haye en 1872 », un an après la Commune. Parmi les raisons de cette « dislocation », peut-on considérer comme déterminante la difficulté rencontrée par l’Internationale de « mener une révolution à la fois économique, sociale et politique, sans que l’un de ces aspects ne l’emporte sur les autres » ? Ou bien est-ce avant tout la « question de conquête du pouvoir politique qui scinda l’Internationale en deux camps, antiautoritaires contre autoritaires » ? En y regardant de plus près, c’est autant d’impasses et de sujets d’opposition qui perdurent encore aujourd’hui.
En 1855, le chartiste Ernest Jones faisait ce constat qui n’a guère évolué : « Les oppresseurs de l’humanité sont unis, même quand ils se font la guerre. Ils sont unis sur un point : laisser les peuples dans la misère et la soumission. » Or, ajoutait-il, « la cause des peuples de tous les pays est la même : l’émancipation de l’humanité doit être » le but ultime. Alors, « jusqu’à ce que le travail commande le capital, je me fous des lois politiques que vous faîtes, de quelle république ou monarchie vous instaurez, tant que l’homme [et la femme sont des] esclaves. »
« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Pas besoin pour cela d’un ou d’une leader ou que l’émancipation soit « chapeautée par une élite ». Ni dieu ni maître !
samedi 10 août 2013
à ALÈS (30)
19h, à la Bibliothèque la Rétive, 42 rue du faubourg d’Auvergne, 30100
Discussion sur la Première Internationale
en présence de Mathieu Léonard, auteur du livre L’émancipation des travailleurs. Une histoire de la Première Internationale
Huit ans : c’est ce qu’a duré l’Association internationale des travailleurs, plus connue sous le nom de première Internationale. Une vie brève donc, et pourtant c’est tout un monde qui change avec la Commune de Paris pour pivot. Entre le meeting fondateur au St Martin’s Hall de Londres en septembre 1864, et le congrès de la scission, à la Haye, en septembre 1872, on passe d’un timide réseau d’entraide ouvrière à une
organisation internationale qui parle ouvertement de révolution sociale.
En partant d’un conglomérat hétérogène de syndicalistes anglais, d’artisans mutuellistes français et de communistes allemands, on voit surgir en chemin de grandes figures du mouvement ouvrier comme le Belge César De Paepe et le Français Eugène Varlin, et l’on assiste à la formation des courants marxistes, anarchistes et sociaux-démocrates. Pour finir, les épisodes se succèdent dans la lutte entre les « autoritaires » autour de Karl Marx et les « anti-autoritaires » autour de Michel Bakounine, lutte qui finira par faire éclater l’Internationale.
Bien des questions qui sont les nôtres sont déjà posées dans les congrès de la première Internationale, dans les luttes qu’elle a menées et dans les querelles dont elle a fini par mourir. Une richesse largement oubliée, que ce livre restitue avec une entraînante empathie.
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http://www.millebabords.org/spip.php?article24156