1968, et l’après-68

Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 27 Mai 2018, 15:32

Les Comités Ouvriers-Étudiants

France, mai 68

Nous reproduisons ici une analyse par Fredy Perlman & Roger Grégoire sur le mouvement d’occupation à Paris au printemps 1968, s'accompagnant d'une réflexion sur l'engagement et la participation à ceux-ci. Cinquante ans plus tard, et un grand nombre d'autres « mouvements sociaux » continuent de rendre ce texte pertinent à nos yeux. Au printemps 1968, Fredy Perlman alors professeur d’université à Kalamazoo, fit un séminaire à Turin. « Quand le cours de Turin se termina, Fredy pris un train pour Paris et s’est retrouvé pris dans les événements tumultueux de mai 1968. Ses expériences pendant ces semaines intenses et joyeuses ont profondément affecté ses opinions et sont restées un point de référence constante à chaque fois qu’il considérait les potentiels de changement social. […] Il prit part dans un groupe vaguement organisé d’intellectuel.le.s, d’étudiant.e.s et de jeunes travailleur.se.s qui tenaient des débats dans les salles du campus de Censier, et ont également tenté de communiquer leurs aspirations aux ouvriers de l’automobile habitant et travaillant dans la banlieue parisienne. Le syndicat du parti communiste, la CGT n’a pas bien accueilli les agitateur.ice.s enthousastes venu.e.s initier le dialogue avec les ouvriers en grève pour qui ils prétendaient parler. Les organisateurs syndicaux ont eu peur de perdre le contrôle de « leur » grève si les ouvrièr.e.s insistaient à changer les demandes, de celles habituelles concernant les salaires à celles que le syndicat ne pourrait pas facilement s’accaparer. Ils ont donc gardé les portails des usines fermées […] -Lorraine Perlman, « Having Little, Being Much » (1989) La traduction est de Jean-Pierre Lafitte, contenue dans le second tome de la revue (Dis)continuité, vol.18, publiée en 2004. L'édition originale comprend de nombreuses illustrations. La traduction et cette version numérique n'en contiennent pas. La brochure en reproduit une poignée.

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
Paris le 18 mai 1968 : la deuxième révolution française
Paris, le 20 mai 1968 : Les ouvriers occupent leurs usines
Paris, le 30 mai 1968 : Le Comité d'Action Citroën (I)
De la Révolte étudiante à la grève générale : Une révolution avortée
Paris, le 24 juin 1968 : Le Comité d'Action Citroën (II) 2 : expérience et perspectives
La grève du 20 mai et l'occupation
Les portes sont fermées par la C.G.T.
Les contacts à l'usine
Les foyers des travailleurs étrangers
Les comités de base
La grève pour des revendications matérielles
Perspectives
Censier libérée : Une base révolutionnaire
Le caractère exemplaire de l'occupation de l'université
La conscience révolutionnaire du pouvoir social
Le dévoilement de la répression et de la propagande
DEUXIEME PARTIE
Évaluation et Critique
Les limites de l'escalade
L'auto-organisation en assemblées générales
L'auto-organisation en comités d'action
La critique des actions
Le caractère partiel de la théorie révolutionnaire

Lire en ligne : https://fr.theanarchistlibrary.org/libr ... -etudiants
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 27 Mai 2018, 18:02

Soirée Mai 68 avec Robi Morder et "Mourir à 30 ans"

Cahors jeudi 31 mai 2018
à 18h30, Bourse du Travail

Robi Morder présentera son livre: " Quand les lycéens prenaient la parole" après la projection du film culte: "MOURIR à 30 ans" suivi d'un buffet partagé et concert musical!

https://lot.demosphere.eu/rv/2521

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Lila » 27 Mai 2018, 21:20

Féministes en Mai 68 :
PAS DE REVOLUTION SANS EMANCIPATION DES FEMMES

INTERVIEW DE MARTINE STORTI
Par Francine Sporenda

Martine Storti a été professeure de philosophie, journaliste à Libération et inspectrice à l’Éducation nationale. Elle a publié « Le féminisme et ses enjeux » (en collaboration, 1988), « Un chagrin politique » (1995), « Cahiers du Kosovo » (2001), « 32 jours de mai » (2006), « L’arrivée de mon père en France » (2008), « Je suis une femme, pourquoi pas vous ? » (2010) et « Sortir du manichéisme » (2016).

F.S. : Mai 68 a été (entre autres) une intarissable logorrhée masculine: les femmes participaient, écoutaient–mais ne parlaient pas. Vous dites que vous avez été une des rares femmes à prendre la parole. Pourquoi et dans quelles circonstances avez-vous décidé de monter à la tribune? Comment étaient reçues les rares femmes qui prenaient la parole?

à lire : https://revolutionfeministe.wordpress.c ... es-femmes/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 30 Mai 2018, 07:50

Projection rencontre « Reprise »

Documentaire d'Hervé Le Roux

Paris mercredi 30 mai 2018
à 19h, Cinéma Espace Saint Michel, 7, place Saint-Michel

Une femme qui crie... Avec des militantes du MLF, en partenariat avec le Collectif National pour les Droits des Femmes

Le film:

Le 10 juin 1968, des étudiants en cinéma filment la reprise du travail aux usines Wonder de Saint-Ouen. Une jeune ouvrière en larmes crie, dit qu'elle ne rentrera pas.

1997 : le réalisateur Hervé Le Roux part à la recherche de cette femme en rencontrant d'anciens ouvriers, militants et syndicalistes, en leur donnant la parole. Cette enquête amoureuse et cinématographique, quasi obsessionnelle, va dérouler un pan d'histoire enfoui.

Image

http://espacesaintmichel.free.fr/horair ... php?page=4
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 31 Mai 2018, 16:38

Voyage en outre-gauche // Rencontre avec Lola Miesseroff

Nantes le vendredi 1 juin 2018
à 18h30, La Dérive, 1 rue du Gué Robert

Comme une boutade, c'est le 1er juin que nous aurons le plaisir d'accueillir Lola Miesseroff pour causer de son dernier livre Voyage en outre-gauche, paroles de francs-tireurs des années 1968.

Alors que partout les commémorations officielles font rage, c’est un regard décalé sur cette période (dont le mois de mai n’aura été que l’apogée) que l’auteure nous propose, et ce au travers des témoignages de certain·e·s acteur·ice·s de l’époque.

http://www.editionslibertalia.com/catal ... tre-gauche

Regard avisé sur l'époque, écoute de son écho sur le présent, ça commence aux alentours de 19h, ça s'arrête quand on en a marre de parler !

https://nantes.indymedia.org/events/41628
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 31 Mai 2018, 23:26

Mai 68 chez Lip à Besançon

Les années de Gaulle 1958 – 1968

De Gaulle, c’est le pouvoir hautain qui décide et ne négocie pas, qui monologue et ne dialogue pas. La guerre d’Algérie a renforcé le côté policier de ce pouvoir. Les manifestations sont durement réprimées. Ce sont donc des années difficiles pour les salarié.es et leurs organisations. Le patronat s’est mis à l’unisson du style de Gaulle. Partout, il ya durcissement des rapports sociaux. A Lip, les réunions mensuelles obligatoires de CE et DP sont expédiées en trois quarts d’heure, avec des réponses négatives à la quasi-totalité des demandes des salarié.es.

Rappel de quelques dates

1962 : fin des années de guerre en Algérie, enfin !

1963 : nous sommes admiratifs devant le courage des mineurs, leur longue lutte, leur résistance à la réquisition. Nous participons à l’information sur leur lutte, et aux nombreuses collectes de soutien.

1964 : à Lip, devant une grève de deux heures pour les salaires, le patron décide le lock-out pour la journée… C’est la première fois !

1966 : un militant CGT est licencié pour avoir déposé une circulaire syndicale sur le bureau de son collègue.

1967 : c’est la grève de la Rhodia1à Besançon. Nous y allons matin et soir, les rencontrer, diffuser leurs informations, vivre un peu leur dur conflit au jour le jour.

Les 1ermai : la CFTC, puis CFDT (à partir de 1964), organise quelques 1er mai en salle, vu le peu de participant.es. La CGT, elle, maintient les manifs de rue quelque soit le nombre de participant.es.

Lip

J’y travaille depuis 1946. Je suis élu en 1954 délégué du personnel et membre du comité d’entreprise. Avec quelques jeunes, nous avons vite compris que nous n’avions qu’un pouvoir illusoire. Seul un collectif de salarié.es conscients, nombreux, peut constituer une force réelle. D’où notre acharnement à construire ce collectif. Cela s’est fait en cultivant l’unité avec la CGT, et surtout par une modification profonde de notre rôle de militant.es.

Nous étions convaincus que la qualité principale du militantisme ne réside pas dans l’art de la négociation, ni même dans la bonne connaissance des dossiers. L’essentiel est ailleurs ! Nous l’avions résumé dans un slogan : « Les 90/10. Passer 90 % de son temps, de son énergie à construire une force autonome des salarié.es, syndiqués ou non. Une force qui pense et agit, un collectif dont les membres sont à égalité. Et 10 % pour le reste, l’étude des dossiers, les rapports avec la direction et avec notre organisation syndicale ». Un renversement complet de ce qui se passait alors !

Chaque lutte doit être l’occasion de concrétiser tout cela ; chaque lutte doit permettre l’émancipation de chacune et de chacun. C’est aussi important que les revendications ! Nous n’y parviendrons qu’en 1973, mais un grand pas en avant a été permis par Mai 68. Avant 1968, nous avions à notre actif quelques avancées sociales malgré la dureté de la période. Ceci dit, nous ressentions toutes et tous la lourdeur du climat social général. Nous savions que pour vraiment améliorer notre sort, les grèves de quelques heures seraient insuffisantes.

Tout à coup, une lumière apparaît !

Au début de mai 1968, les étudiant.es, désormais en grand nombre, se révoltent. Ils et elles veulent être considérés comme des adultes, ne veulent plus de ces cours magistraux sans dialogue ni de ces règlements de la vie universitaire en retard de plusieurs générations. Elles et ils n’ont aucun complexe et répondent vertement aux ministres, aux recteurs d’université et autres… Nous suivons tous ces événements avec étonnement et passion : « Voilà des jeunes qui ne savent pas que le pouvoir est fort et ne recule pas. Ils osent avec audace et naturel. Ils nous révèlent que c’est possible de s’attaquer à ce pouvoir, le déséquilibrer, le ridiculiser ». Leur lutte a un tel retentissement, une telle résonance qu’un peu partout en Europe, puis dans le monde, elle fait école. Ces jeunes secouent ce vieux monde !

La classe ouvrière et ses organisations sentent que le moment est très important. Toutes les arrogances, le mépris pour le peuple de ces dernières années ont constitué une bombe à retardement. Tout cela est explosif. Lundi 13 mai, c’est la grève générale : en soutien aux étudiant.es et contre les violences policières. Nous sommes plein d’espoir, nous informons largement à Lip. Nous n’avions qu’une crainte : cette peur dormante depuis des années va t’elle enfin être surmontée ? A Lip, la grève est bien suivie, mais déception à la manif, près du Pont Battant, peu d’ouvrier.es présents en dehors des militant.es. Tout à coup, une clameur : « Ils arrivent ». Une longue manif d’étudiant.es, en rangs serrés, apparaît le long des quais, venant de l’université.

Le Mai 68 des ouvrier.es commence

Certes, il y a déjà eu quelques usines en grève, mais le grand mouvement commence le 13 mai, avec cette manifestation. Les étudiant.es envahissent la place Jouffroy, près du pont Battant. C’est la joie, et en même temps, j’éprouve de la honte : « Que vont-ils penser de nos maigres troupes ? ». Mais la fraternisation est si chaleureuse que tout est oublié. Quelle joie de manifester ensemble dans les rues de la ville ! Cette journée fait chaud au cœur.

Les jours suivants, nous apprenons que des débrayages et des grèves éclatent un peu partout en France. A Lip, nous rappelons par tract : « Les étudiants.es ont de bonnes raisons de vouloir des changements, nous aussi. C’est le moment d’intervenir, nous avons déjà trop subi. Les salaires, les horaires longs, les cadences, les brimades, les inégalités : ça suffit ! ». C’est décidé, le 20 mai, nous devons partout entrer dans la lutte : grève et occupation. Le samedi précédent, le groupe CFDT Lip passe de longues heures à préparer cette action du 20 mai. Tout est minutieusement réfléchi ; le tract est prêt. Rendez-vous le lundi à 6 heures du matin devant l’usine (l’entrée du personnel se fait à 7 heures). Nous allons enfin pouvoir développer toutes les réflexions faites autour de la lutte participative.

20 mai, 6 heures du matin

Nous sommes tous là, les premiers, le groupe CFDT. Stupeur : des militants de l’Union locale CGT barrent la porte d’entrée, des manches de pioche dans les mains : « C’est la grève, on ne passe pas ! ». C’est le clash. Nous expliquons : « Nous allons distribuer un tract invitant tous les Lip à entrer et rendez-vous à 8 heures au restaurant d’entreprise pour débattre de notre participation au mouvement national. A Lip, nous voulons un vote libre, réfléchi, conscient des enjeux actuels ». Le moment est tendu, beaucoup d’incompréhension. Heureusement, la CGT de Lip arrive et tient le même discours que nous… Les portes sont dégagées : il est 6 heures 20.

Le patron, Fred Lip, arrive, entouré d’une vingtaine de fidèles : des cadres et le chef du personnel. Pourtant, d’habitude, ces gens-là n’arrivent jamais à l’usine aux aurores… Il vient vers moi : « Je vous propose une négociation immédiate sur vos revendications ». Ma réponse : « L’heure n’est pas à la négociation mais à l’action. L’ensemble du personnel de Lip doit décider d’entrer ou non dans la grève générale. Nous nous verrons plus tard. ». La direction de Lip espérait casser la dynamique d’entrée en lutte. Pour nous, au contraire, seule comptait la mise en marche de la lutte, tout le reste n’était que diversion. L’heure était à la réalisation de ce collectif des salarié.es, et à la lutte !

Avant de se quitter, Fred Lip me prend un peu à part et sort de sa poche un gros pistolet automatique, treize coups précise-t-il… Je suis abasourdi. Il en est là ! Je lui réponds : « Je ne vois pas du tout la nécessité d’une arme dans cette affaire. ». Plus tard, j’ai repensé à l’attitude des militants de l’UL CGT devant la porte. Ils étaient dans la logique : c’est si difficile de faire le pas – la grève – avec la peur, qu’il faut faciliter ce geste, de ne pas franchir la porte de l’usine, en prenant la décision à leur place. Mais cette logique n’est pas émancipatrice et n’est pas porteuse de durée, de conviction. A Lip : nous avions entamé une autre logique depuis des années.

20 mai, 8 heures

Tous les Lip sont là, au restaurant : tables dégagées, chaises rangées, micros en place. Un délégué CGT, puis un CFDT, prennent la parole, environ 7/8 minutes chacun. Ils situent les enjeux : le contexte général pesant depuis des années, avec des exemples ici à Lip.

Les étudiant.es révèlent au grand jour le profond malaise de cette société. Nous voulons un vrai dialogue, des horaires qui permettent de vivre, des salaires décents non liés à des cadences infernales. Pour tout cela, une grève générale massive est nécessaire : c’est ce que nous proposent les organisations syndicales. Qu’en pensez-vous ? Le micro baladeur est prêt. Aucune main ne se lève pour demander la parole. Les cadres sont là : la peur de se faire remarquer et repérer est la plus forte. Nous avions prévu cette situation. Nous décidons une interruption de trois quarts d’heure de l’AG. : « Il fait beau, les portes du restaurant donnent sur le parc, les pelouses. Rassemblez-vous par affinités, par ateliers, par bureaux et discutez entre vous ». La consigne donnée aux délégués : empêcher les cadres de se mêler aux débats et qu’ils fassent eux aussi des groupes. C’est une réussite : de nombreux groupes se forment et les débats sont très animés.

L’AG reprend. Nous expliquons le déroulement du vote à main levée :

Oui : entrée dans la lutte, grève illimitée avec occupation et présence à l’usine ;

Non : à la grève et reprise du travail ;

Abstention : je ne peux ou ne veux me prononcer sur cette grève.

Nous demandons à toutes et tous de respecter les votes ; chacun.e a eu le temps de la réflexion et de l’échange : c’est donc un vote en toute conscience. Le vote a lieu : c’est massivement le oui, pour la grève et l’occupation. Il y a des non et des abstentions, mais pas de sifflets ou de hou-hou… Il est 11 heures 30. Des délégations syndicales d’usines de Besançon sont dehors et nous regardent délibérer par les grandes baies vitrées. Nous les informons du résultat. Nous prévenons les LIP : un comité de grève va être élu, c’est lui qui organisera la grève et l’occupation de l’usine.

L’élection du comité de grève

Chaque secteur de l’usine vote pour un représentant (syndiqué.e ou non), voire deux selon la taille du secteur. C’est le choix des salariés.es du secteur qui compte, l’essentiel est qu’il représente bien son secteur.

Sitôt élu (j’en fais partie), nous (les CFDT) proposons de faire le tour de l’usine pour rappeler aux quelques rares salarié.es qui sont restés au boulot à leur place que c’est la grève totale et qu’ils doivent s’y conformer. Ensuite, nous nous rendons dans les locaux de la direction. Fred Lip est là, toujours entouré d’une vingtaine de fidèles. Nous leur annonçons le résultat du vote et nous ajoutons : « Nous occupons l’entreprise, vous pouvez rester dans vos bureaux à condition de ne rien faire contre l’occupation et contre la grève. Sinon, l’AG est d’accord pour vous expulser de l’entreprise ». Ils étaient blêmes et n’ont pas dit un mot. Nous avons ajouté : « Nous allons nous servir des machines à écrire, photocopieuses et des ateliers de menuiserie… pour notre lutte ». Nous n’avons pas dit un mot concernant leur proposition de négociation. Il fallait montrer que la priorité était à la lutte et s’en tenir là.

Retour au restaurant :un spectacle émouvant. De nombreux groupes de salarié.es assidus autour des tables rédigent leurs cahiers de doléances. Ils relevaient tout ce qui devait changer dans leur atelier ou bureau. Dans la foulée, réunion CFDT Lip à l’Union locale : nous devons apporter notre aide aux salarié.es des autres entreprises de la ville. L’UL CFDT est animée par les « Rhodia » : c’est la plus forte section et la plus expérimentée de Besançon. Au tableau noir, sont inscrits les noms des entreprises dont les salarié.es demandent de l’aide, et en face le nom du militant / de la militante désigné.e pour y aller. A Lip, hélas, seuls Roland Vittot et moi ont répondu à ce genre d’appel. Je lis : Piaget, usine d’horlogerie Yema, mardi matin et usine Simonin (fabrique de ressorts), mardi à 14 heures.

Je pars en vélo à Yema, j’y suis bien avant l’heure d’ouverture. Le patron est là avec l’encadrement, les salarié.es hésitent devant les portes d’entrée. Le patron les presse d’entrer. Gaston un ami du SGEN-CFDT (syndicat de l’enseignement) est là aussi : nous montons sur un mur et nous prenons tour à tour la parole pour convaincre les salarié.es d’entrer dans la lutte. Le patron enfle la voix, nous aussi… Quelques minutes d’incertitude et la grande majorité des salarié.es se décide pour la grève. Ils se regroupent et s’organisent.

Je repars, toujours à vélo, pour l’usine Simonin, à l’autre bout de la ville. Sur place, je rencontre les salarié.es regroupés dans une salle. Ils sont en grève avec occupation, ils ont besoin d’aide pour préparer leurs revendications et les étayer. Je demande à voir quelques feuilles de paye pour me faire une idée de leurs salaires, horaires et primes… « Qu’est ce que c’est ces retenues : 3 francs, 4,50 francs, … ? » Les salarié.es m’expliquent que ce sont des amendes pour casse de matériel : ampoule électrique, taraud, forêt… Je suis sidéré : les amendes sont interdites depuis plus de 30 ans. Nous allons voir le patron et son comptable, je montre les feuilles de paye, les amendes : « Ce que vous faîtes est interdit depuis très longtemps, et vous ne le saviez pas ? ». Ils sont étonnés, pensaient que c’était légal, bla-bla… Je précise : « Concernant les amendes, vous devez les rembourser à chaque salarié concerné sur un arriéré d’un an, c’est la règle. Les délégués présents y veilleront ! ». Intérieurement, je pensais : mais qu’est ce que c’est que ces délégués qui ne savent pas et ne se renseignent pas ? Je leur rappelle que l’UL dispose des informations juridiques dont ils peuvent avoir besoin. Nous établissons le cahier de revendications et je repars.

Je passe à l’UL. On me dit : « Vite, Piaget, il y a une urgence, file chez Cheval-Frères, l’usine de fabrication de rubis pour l’horlogerie ». Je sonne : pas de réponse. J’ouvre la porte, les deux patrons sont là, l’un tient un fusil de chasse et me braque. Je lève les bras. Il crie : « Ici, c’est chez moi, vous n’avez rien à faire ici. ». Il est visiblement à bout de nerfs, son frère cherche à le calmer. Je parle, les bras en l’air : « Les salarié.es de votre entreprise m’ont demandé de venir ici pour formaliser leurs revendications, alors, je suis là ! ». Il finit par se calmer, je rejoins les salarié.es au fond du hall, tous décontenancés par la tournure des événements. Après un moment de stupeur, nous construisons le cahier de revendications. Avant de m’en aller, je leur dis que je rendrai compte à l’UL de ce qui s’est passé et je leur demande de faire comprendre à leur patron qu’à la prochaine menace, nous viendrons en masse ici.

Nous avons réfléchi à ce fait : des patrons sont armés, c’est grave, détention d’armes et menaces : qu’est ce que cela signifie ? On conclut : une personne d’un côté (l’employeur), plusieurs centaines de personnes de l’autre (les salarié.es), les employeurs sont plus redoutés qu’aimés ! Le déséquilibre en situation habituelle est compensé par le téléphone : l’employeur appelle le préfet s’il se sent menacé, celui-ci envoie la police, saisit la justice… Mais à ce moment là, il y a des milliers d’entreprises occupées, le téléphone ne répond plus, d’où la panique de certains patrons… Les patrons mal aimés connaissent, en petit, les affres des dictateurs lorsque les peuples se révoltent. Alors, une arme les rassure… un tout petit peu !

Mai 68 : deux semaines intenses pour les militant.es

Il faut prendre en charge : les rendez-vous avec les salarié.es de diverses entreprises ; l’organisation de la lutte dans son entreprise ; les réunions à l’UL ; les participations aux manifestations… Et bien d’autres tâches.

A LIP, les délégués m’appellent : « Viens vite, le patron pique une crise à cause d’un photocopieur ». J’arrive, il est à demi couché sur son photocopieur et clame : « C’est mon bien, mon bureau, je ne suis plus maître chez moi ». Je lui rappelle ce qui a été défini par le comité de grève, que nous avons besoin d’utiliser certaines machines, comme ce photocopieur. « Vous pouvez l’utiliser aussi, on peut convenir d’horaires utilisables, vous et nous … ». Il se calme. En fait, il ne supportait plus, lui, le patron tout puissant, de voir des salarié.es qui n’avaient plus la déférence habituelle : des salarié.es qui circulent et utilisent « son bien » sans lui marquer d’allégeance : c’était trop pour lui !

Une négociation a lieu à Lip

Nous obtenons : une échelle mobile partielle des salaires par rapport au coût de la vie ; une forte révision du salaire minimum de l’entreprise : cela concerne les OS et donc surtout les femmes ; l’engagement de mensualiser les salaires au rendement, donc le même salaire malgré les écarts de rendement (il y a quand même une fourchette de rendement à respecter) ; cela permettra de réduire cette course au rendement. Nous précisons : cet accord sera revu automatiquement selon l’accord national. Cet accord n’arrête ni la grève, ni l’occupation, seul l’accord national y mettra fin.

Deux anecdotes sur le climat de l’époque

Le lundi 27 mai, Fred Lip nous dit : « Je me suis promené à pied avec mon épouse dans le quartier ce dimanche après-midi. Tout est calme : je n’ai pas vu de révolution. ». Un air de nous dire : le pays est calme et bien loin d’une révolution. Le boulanger qui passe vendre son pain au porte-à-porte dans mon quartier se lamente et dit à mon épouse : « Les salariés en veulent toujours plus, je viens d’apprendre qu’ils exigent une piscine dans chaque usine, mais où va-t-on ? ».

Nous recevons de nombreux documents des fédérations CFDT. Nous sommes en train d’en lire un, intitulé : « Qu’est ce que le pouvoir ouvrier ? Comment le préparer ? ». L’un d’entre nous s’écrie : « Mais c’est ce que nous pratiquons à Lip depuis des années… ».

Un crève-cœur

L’AG vote la fermeture de l’usine aux personnes extérieures. Seuls les représentants syndicaux CGT et CFDT seront admis. La CFDT avait proposé l’ouverture aux délégations étudiantes, pour s’informer et faire connaissance. La CGT s’y est opposée et l’a emporté sur ce point. Nous n’oublierons jamais cela, et nous réaliserons enfin la grande ouverture des portes lors du conflit qui démarrera en 1973.

Bien sûr, quelques précautions sont à prendre, mais ce qui faisait peur à la CGT, c’était la propagande d’idées non conformes à leurs yeux. A Lip, par exemple, les mécanos ont invité les horloger.es et employé.es à venir visiter leurs ateliers, expliquer ce qu’ils font. Les horloger.es ont fait de même. Nous avons appris à mieux nous connaître. C’est la même chose avec les étudiant.es : pourquoi avoir peur de l’échange ? Evidemment, des sensibilités différentes apparaitront ; les salarié.es manient moins bien les idées et sont forcément plus dans le concret : mais c’est toujours bénéfique d’échanger.

L’entreprise capitaliste s’ingénie à diviser les salarié.es. C’est leur intérêt : ne jamais avoir un bloc devant eux mais une multitude de cas isolés. Alors les salarié.es sont répartis en trois groupes (trois collèges) : les horlogers en blouses blanches dans un bâtiment à part, les mécaniciens en blouse bleu dans un autre bâtiment, les personnels des bureaux encore ailleurs… Toute personne embauchée est conduite à son poste de travail avec interdiction de se trouver ailleurs : seuls les toilettes et les couloirs d’accès aux vestiaires et restaurant sont autorisés. On peut avoir dix ou quinze ans d’ancienneté et ne rien connaître de l’usine…

Nous n’avons pas à avoir peur de l’échange avec les paysan.nes, les étudiant.es, les enseignant.es, les salarié.es des autres usines : cela ne peut que conforter la démocratie.

Les accords de Grenelle

Plus 35% d’augmentation du SMIG (qui devient le SMIC) ; plus 10% sur les salaires : une réduction du temps de travail sans perte de salaire ; la reconnaissance de la section syndicale ; l’affichage libre sur des panneaux syndicaux réservés aux syndicats ; une heure et demi payée par trimestre pour informer tous les salarié.es.

L’affichage libre

Jusqu’à mai 68, les panneaux d’affichage, nombreux dans l’usine, étaient réservés à la direction. Aucun droit pour les délégués du personnel et pas de possibilité de droit de réponse par les syndicats à toutes les notes affichées par la direction. Les salarié.es sont interdits de toute expression écrite. Nous pouvons affirmer qu’à Besançon, nous avons été les seuls à prendre ce nouveau droit comme le plus important de Mai 68.

Nous avons fait construire un panneau de 3 mètres de long et 2 mètres de haut, éclairé, et placé à un endroit stratégique où tous les salarié.es passaient et repassaient quatre fois par jour… Nous y avons placé des affiches énormes, écrites en gros caractères au feutre de couleur, avec des textes percutants. Ces affiches étaient changées fréquemment au fil des événements. Les Lip pouvaient lire ces affiches en 20/30 secondes. Un formidable outil ! Il y avait toujours un petit rassemblement devant ce panneau et de nombreux commentaires.

Ce panneau était réservé CFDT-CGT-CGC mais la CGC ne l’utilisait pas du tout. La CGT, elle, était prisonnière de cette « obligation » qu’elle ressentait de faire vérifier les textes par son UD. La CFDT occupait ce panneau à plus de 80%.

Grâce au réseau très sûr que nous avions dans l’usine, des informations importantes pouvaient être divulguées avec certaines précautions. Fred Lip ne supportait plus cet affichage. Un jour, il a fait arracher deux affiches par le chef du personnel. Dès que nous l’avons appris, nous avons monté la garde devant le panneau, prévenant la direction que nous portions plainte. Le directeur du personnel est rapidement venu remettre les deux affiches. Nous l’avons empêché en déclarant : « Nous attendons l’huissier pour le constat ». Nous en sommes restés là, mais Fred Lip n’a plus jamais touché à nos affiches !

Lorsque nous allions voir les délégué.es d’autres usines, très peu prenaient au sérieux ce nouvel outil. Petits panneaux ridicules, affiches format A4 tapées à la machine, panneaux à l’écart du passage des salarié.es… Malgré nos remarques, au fil des années, il n’y a pas eu de changement notable : un formidable outil délaissé !

C’est la reprise du travail à Lip

Surprise : plusieurs ateliers refusent de reprendre le travail « comme avant », ils veulent des changements propres à leurs ateliers. Le patron fait appel à la direction du travail, un inspecteur arrive et nous dit : « Vous devez coopérer avec votre employeur pour régler cela. Faites respecter l’accord. ». Refus de notre part de « coopérer avec l’employeur ».

Nous inventons « l’école autogérée de résolution des conflits ». Un délégué arrive dans un atelier en grève : pas de chaises, on s’assied tous à terre en cercle. « Que se passe-t-il ? L’accord ne vous plaît pas ? » « Ce n’est pas çà, on ne reprendra le travail que si des changements ont lieu ici ; nous ne supportons plus certains comportements et inégalités ». Alors, allons-y ! « Tout d’abord, qui prend des notes ? » « Toi, le délégué ». « Non pas moi, c’est vous qui voulez autre chose, alors c’est vous qui allez prendre votre problème en charge ». Un salarié se décide avec carnet et stylo.

Premier problème : des classifications à relever. Attention, souligne le délégué, c’est du ressort de la convention collective, la direction va s’abriter derrière… Il s’agit d’un problème général de classifications, il y a effectivement des choses à bouger. Mais cela ne pourra se faire qu’à l’échelle de la convention collective. Deuxième problème : « Le chef est méprisant, nous fait des remarques désobligeantes pour un rien, nous ne le supporterons plus ». « Cela, c’est du ressort de la direction, il faut exiger que ce chef change de comportement ou qu’il s’en aille. » Toutes les revendications sont décortiquées de cette façon et réécrites clairement. Alors maintenant, il faut aller négocier tout cela : qui y va ? « Toi le délégué ». « Moi, je vais vous accompagner, mais c’est vous qui parlerez et négocierez. Alors qui ? ». Trois salarié.es sont désignés après consultation.

Maintenant, passons en revue quelques pièges à éviter lors de ces négociations :

– se préparer moralement. Ne pas se laisser impressionner. Vous allez rencontrer le directeur du personnel et le patron. Ce sont des hommes qui jouent aux personnages importants, qu’on dérange pour des broutilles ou pour des réclamations insensées… Le patron a un immense bureau, cinq téléphones de couleurs différentes, en arc de cercle devant lui…

– se concentrer sur ce que vous avez sur le cœur. Il faut parler haut et fort, montrer sa détermination. On n’est pas là pour des broutilles. Répétez plusieurs fois que vous ne supporterez plus ce genre de comportement. Attention à ne pas rester dans le flou, avant de passer au point suivant, la réponse à la question posée doit être claire.

– Il faut des réponses précises.

– En sortant, vous faites le point entre vous pour vérifier que vous avez tous compris la même chose. Ensuite, vous rendez compte à vos collègues puis réfléchissez ensemble s’il faut en rester là ou continuer la grève.

Vous êtes prêts, alors allons-y ! Il y a eu six à huit cas de ce genre. Cette école fait partie de tous les pas faits vers l’émancipation et la lutte démocratique.

Les suites de Mai 68 à Lip

Nous avons fait en deux semaines un énorme pas en avant. Il n’y aurait jamais eu Lip 73 sans Mai 68 ! Nous avons changé les relations entre salarié.es, nous sommes passés du « entre salarié.es » à « entre combattant.es ». Fraternisation, égalité, acteurs/actrices et non suivistes : chacun.e pouvait se sentir nécessaire pour vaincre. Nous sommes passés de « pions perdus dans les mille salarié.es » à des noms, des prénoms : on se salue, on se fait signe, ce n’est plus une foule anonyme mais plein de connaissances… Or, tout cela sera multiplié par 100 entre mai 68 et le conflit de 1973, en passant par les luttes de 1969, 1970 et 1971.

Passer des lumières de mai 68 à la grisaille de la reprise du boulot, c’est dur ! Difficile de se concentrer sur son boulot de mécano, la tête pleine des images de Mai 68 ! Une femme au service des « ébauches » connue dans son atelier pour sa folie du boulot avec ses records de 14 000 pièces par jour : elle houspillait le régleur qui ne dépannait pas assez vite sa machine et lui faisait donc perdre du temps… Après Mai 68, elle dit à ses collègues : « J’étais folle, abrutie par le boulot, c’est fini après ce que j’ai vécu ». Personnellement, j’ai toujours aimé ce travail de fabrication d’outillages perfectionnés. J’avais la chance d’avoir un travail captivant. Et pourtant, je n’arrivais plus à me concentrer, mon esprit était ailleurs. Il me faudra du temps pour me réinsérer dans mon rôle de chef d’atelier…

Et puis, nous avons plus ou moins un sentiment d’inachevé : pourquoi s’être arrêtés ? Le pouvoir capitaliste, donc inhumain, est toujours là. Mais bon, le climat a changé : entre nous, on se salue, on se fait des signes, on se reconnaît.

L’après 68 syndical

Nous intervenons contre la division du travail, beaucoup trop poussée. Sur la chaîne de montage des montres : une ouvrière pose l’aiguille des heures, puis au poste suivant une autre pose l’aiguille des minutes, puis une troisième celle des secondes. L’être humain a pourtant vocation à être producteur à part entière : cette division du travail en fait un robot. Il s’agit d’une amputation de l’être humain : la personne devient robot pour des années et des années. Nous devons rappeler qu’il y a des limites à ne pas dépasser. Il y a nécessité de compenser cette perte « d’être » producteur par plus d’informations sur le produit, ses diverses phases jusqu’à la commercialisation. Il faut également disposer les chaînes pour que les salarié.es se voient, puissent échanger quelques mots, des regards. Il faut tourner sur les divers postes. Ilfaut ouvrir l’esprit autrement si on le réduit dans le processus de production.Chacune doit sans cesse pouvoir visualiser la place qu’il occupe dans le processus global de fabrication.

Nous demandons aux ouvrières de la chaîne de montage de faire des propositions de recomposition des tâches. Leur réponse : « Si nous pouvions monter deux aiguilles au lieu d’une seule, ce serait bien ». C’est le constat que ce travail décomposé fini par convaincre les salarié.es de limiter leurs ambitions. Nous leur proposons de placer le cadran et les trois aiguilles comme toute première petite recomposition de leurs tâches.

Salaire aux pièces, salaire au rendement : nous avons obtenu que le salaire mensualisé soit fixe. La condition : que le salarié maintienne sa production dans une fourchette de rendement assez large. Cela contribuera à limiter cette course à toujours plus de rendement.

Mai 68 a été un multiplicateur de l’engagement, de la réflexion et des solidarités. Mais aussi une frustration : le système est toujours là avec l’exploitation, les inégalités et les injustices. A l’Union locale CFDT, Mai 68 nous a rendu.es plus solidaires et plus audacieux dans les luttes. De nombreux conflits ont eu lieu et nous avons collectivement organisé une aide efficace à ces luttes.

Exemple en janvier 1972 : une association « Les Salins de Bregille », dont le conseil d’administration est présidé par le président du CNPF2 local a pour directeur un ami de celui-ci. Une trentaine de salariées s’occupent d’enfants avec diverses déficiences. Ce directeur impose sans cesse de nouvelles tâches, n’admet aucune remarque, et il est très méprisant. Une section CFDT se crée, ce qui le met en rage, il multiplie les sanctions. Elles veulent entamer une grève contre ce directeur et les sanctions prises contre elles. L’UL CFDT confie au groupe Lip le suivi de la préparation de la grève. Toutes les futures dispositions démocratiques de la lutte des Lip en 1973 seront déjà à l’œuvre dans cette lutte : un comité de soutien très solide, l’indépendance totale des salariées sur les idées et actions proposées par le comité de soutien. Elles réfléchissent seules et acceptent ou non les propositions : c’est leur conflit, leur responsabilité. Six mois de lutte intense et la victoire au bout : que d’initiatives, de collectes, de manifestations pour faire plier le conseil d’administration ! Que de présence jour et nuit pour l’occupation des locaux ! Le courage, la persévérance de ces salariées nous ont impressionnés.

Huit mois plus tard, c’était la lutte de Lip 1973 !

Charles Piaget


Paru dans le N° 7 – Les utopiques : Mai 68, ce n’était qu’un début…
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 01 Juin 2018, 11:21

Rencontres avec Fabienne Lauret

Auteure de « L'Envers de Flins, une féministe révolutionnaire à l'atelier »

Auteure de « L'Envers de Flins, une féministe révolutionnaire à l'atelier »

Vendredi 1er juin à 20h30
Participation à la soirée de débat
1968 par ceux et celles qui l'ont fait
Salle Arc en ciel, 7 rue Maurice Fricotte 78 Mézières

Samedi 9 juin de 14h à 16h
Librairie APTIMOTS
81 rue Paul Doumer LES MUREAUX 78130

Samedi 16 juin de 13h à 18h
Rencontre-vente-dédicaces
Librairie Joseph GIBERT
Family Village - 78410 FLINS sur Seine

Fabienne Lauret, embauchée à l'atelier de couture des usines Renault à Flins de1972 à 2008, raconte l'enfer et l'envers d'une usine mythique et la condition ouvrière moderne.

Féministe et syndicaliste révolutionnaire, elle raconte la place des femmes, le machisme, le quotidien et le récit des luttes sociales qui ont secoué longtemps cette usine mythique.

Image

L'Envers de Flins,
une féministe révolutionnaire à l'atelier

de Fabienne Lauret

Le 3 mai 1972, Fabienne Lauret est embauchée à l'atelier couture de Renault-Flins. Issue de la génération de Mai 68, membre du groupe Révolution  !, elle est une établie, comme on appelle ces jeunes militant·es qui entraient en usine pour changer le monde. Elle y restera plus de trente-six ans.

Loin des clichés habituels, elle nous raconte la condition ouvrière moderne, la souffrance au travail, l'exploitation quotidienne.

Féministe, elle est plus particulièrement sensible à la condition des ouvrières et au sexisme dont elles sont victimes, tant de la part de leurs collègues ouvriers que de la direction patronale. La bataille qu'elle mène avec détermination est longue, rude et exige une infinie patience.

Militante CFDT, puis déléguée syndicale, elle anime ses premières grèves. Indissociables de son parcours professionnel, ses activités syndicales nous plongent au cœur des fortes luttes sociales qui ont secoué l'usine de Flins.

Élue au comité d'entreprise, puis salariée de celui-ci, elle participe au développement d'une autre conception de cette institution sociale, qui heurte les conservatismes de la direction syndicale qui succède à la CFDT et qui utilise contre elle les méthodes patronales les plus éculées.

L'Envers de Flins, parcours de vie, parcours de lutte, est aussi le témoignage vivant et fort d'une féministe ouvrière qui n'a jamais renoncé à transformer le monde.

https://paris.demosphere.eu/rv/62707
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 02 Juin 2018, 19:20

Le mouvement bradé par les appareils syndicaux

Le mouvement bradé par les appareils syndicaux

À partir du lundi 20 mai 1968, les dirigeants syndicaux de la CGT et du PCF, de peur d’être dépassés par les grèves qui avaient démarré spontanément comme ils l’avaient été par le mouvement étudiant, avaient ouvert les vannes. Ils avaient demandé à leurs militants de prendre l’initiative de mettre les entreprises en grève, mais aussi d’en garder le contrôle en renvoyant les travailleurs chez eux.

Le mouvement gréviste gagna tout le pays et toutes les corporations. Pour des millions de travailleurs, le moment était venu de poser la question des bas salaires, des conditions de travail très dures et de tout ce qu’imposait depuis des années un patronat comme toujours avide de profits.
En route pour Grenelle

Avant même que le mouvement gréviste ait atteint son sommet, avec dix millions de grévistes, les manœuvres se multiplièrent pour le détourner vers des impasses, y mettre fin et priver les travailleurs de ce que ce formidable rapport de force pouvait leur laisser espérer.

Le secrétaire de la CGT Georges Séguy, dans L’Humanité du 22 mai, donnait le ton sous le titre « La CGT, une grande force tranquille », en déclarant : « L’opinion publique a été très favorablement impressionnée par la façon dont nous avons, avec fermeté, stoppé les provocations et les mots d’ordre aventuriers… Nous seuls avons ramené à la raison les étudiants prêts à envahir Renault… Cela n’aurait pas été possible si nos militants responsables, conformément à nos recommandations, n’avaient occupé, dès les premières heures, les lieux, ce qui leur permet en outre d’assurer la sécurité et l’entretien de tout ce qui est névralgique. Le gouvernement sait à quoi s’en tenir. »

La CGT, d’ailleurs, ne mettait en avant qu’un programme revendicatif extrêmement vague : « Réduction de la durée du travail, augmentation des salaires, véritable politique de l’emploi », sans avancer aucun chiffre ! Pourtant, dans les usines, les bureaux, partout où avaient été adoptées des revendications, elles étaient très précises : c’était notamment pas de salaire inférieur à 1 000 francs, une augmentation de 200 francs pour tous (soit près de 25 % pour la majorité des ouvriers), l’échelle mobile des salaires et le retour immédiat aux 40 heures.

Le 24 mai, avant l’ouverture des grandes manœuvres, De Gaulle tenta vainement de reprendre la main. À 20 heures, il fit l’annonce d’un référendum sur la participation, promettant de se retirer s’il n’avait pas la majorité. Sa proposition fit un flop magistral, symbolisé par la réponse des 50 000 manifestants ouvriers et étudiants rassemblés ce jour-là à la gare de Lyon à Paris à l’appel de l’Unef, malgré le dénigrement de la CGT et du PC. « Adieu De Gaulle, adieu », fut leur réponse, avant qu’ils soient noyés sous un nuage de gaz lacrymogènes.
Grenelle et la trahison du mouvement

Depuis quelques jours déjà, dès le 22 mai en réalité, le jeune secrétaire d’État Jacques Chirac avait noué des liens directs et secrets avec la direction de la CGT pour préparer la liquidation de la grève. Et c’est le 25 mai à Grenelle, au ministère du Travail, que s’ouvrit la séance officielle de négociation. Toutes les confédérations syndicales étaient réunies avec l’ensemble du gouvernement sous la présidence de Pompidou, et bien sûr les représentants du patronat. Une véritable comédie se mit en place. Il fallait donner le spectacle d’une négociation longue, dure, où les syndicats se battaient pied à pied pour défendre des revendications très modestes en réalité. Du coup, cette négociation se poursuivit toute la nuit, pour aboutir à ce qu’on allait appeler les accords de Grenelle.

Il s’agissait d’une trahison des millions de grévistes du pays : seul le salaire minimum, le smig, augmentait de 35 %. Mais il ne touchait qu’une infime partie des travailleurs, 5 %. Pour le reste, l’augmentation des salaires était limitée à 7 % tout de suite et 3 % en octobre, en incluant les augmentations déjà prévues. Avec une inflation frôlant les 5 %, c’était à peine plus que ce qui était déjà prévu dans la plupart des entreprises. Donc, il n’y avait rien sur les salaires, et quasiment rien sur la réduction du temps de travail, « à négocier pour une diminution progressive ». Seuls les appareils syndicaux se voyaient renforcés dans les entreprises, en remerciement du bradage de la grève. Quant aux heures de grève, elles n’étaient pas payées mais devraient être récupérées.

Les confédérations syndicales bradaient ainsi une grève de dix millions de travailleurs. Tout fier de lui, et pour précipiter la fin de la grève, Séguy alla présenter ce résultat aux travailleurs de l’usine Renault de Billancourt. Mal lui en prit car, dès qu’il eut fini d’énumérer les termes de son accord, ce qu’il appelait des « avancées », il fut accueilli par la formidable bronca de 15 000 ouvriers furieux qu’on ose leur présenter cela comme les conditions d’une fin de la grève. Séguy dut immédiatement reculer, en déclarant qu’il appartenait aux travailleurs de décider. C’était un gros mensonge, car à aucun moment il ne demanda au gouvernement de renégocier quoi que ce soit. « On n’a jamais lancé un ordre de grève générale, aussi il appartient aux travailleurs dans chaque entreprise de voir ce qu’ils veulent », osa déclarer Séguy, façon de dire que désormais la CGT se lavait les mains du résultat du mouvement. En effet les confédérations allaient laisser les travailleurs isolés se débrouiller entreprise par entreprise, comme s’il n’y avait pas eu de mouvement général. Après le bide de Grenelle, la grève continua, mais comme s’il s’agissait d’une addition de conflits particuliers.
Manœuvres en tous genres

Ceux qui voulaient répondre à cette manœuvre se retrouvèrent à Paris au stade Charléty le 27 mai. Il y eut là 50 000 personnes, qui se sentaient en rupture avec la politique du PCF et de la CGT. Mais déjà les appareils politiques de la gauche se préparaient à l’éventualité de devoir assurer le pouvoir politique en cas d’un départ de De Gaulle. Mendès France fit un tour à Charléty, mais renonça à y prendre la parole vu l’état d’esprit des manifestants, qui demandaient la continuation de la grève et « le pouvoir aux travailleurs ». Le lendemain, ce fut Mitterrand qui alla voir Mendès France et s’affirma « prêt à prendre ses responsabilités ». Le PCF et la CGT se décidèrent à manifester en nombre pour demander, non pas la satisfaction des revendications des grévistes, mais d’être associés à un gouvernement de gauche, si celui-ci voyait le jour.

De Gaulle calma ces appétits en réussissant à reprendre la main. Après une mise en scène de faux départ, il annonça le 30 mai : « Je ne me retirerai pas. (…) Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale » et décida de procéder à de nouvelles élections législatives, fin juin. Le tout s’accompagna d’une mobilisation à Paris sur les Champs-Élysées où, venus de tout le pays, quelques centaines de milliers de ses partisans, antigrévistes et anticommunistes, se rassemblèrent.

L’annonce de nouvelles élections législatives allait fournir à la CGT un prétexte pour lancer des appels de plus en plus pressants à la reprise du travail. Il s’agissait, disait-elle, de préparer la victoire de la gauche aux élections. Mais la résistance des travailleurs à ce bradage de la grève allait être beaucoup plus forte que les dirigeants syndicaux ne l’avaient cru.


https://journal.lutte-ouvriere.org/2018 ... 08193.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 08 Juin 2018, 17:12

Enterrer mai 68, occulter la grève

Le patronat et ses défenseurs sont entrés en guerre contre la principale arme collective des travailleurs, la grève. Sa disqualification contemporaine réclame la dévalorisation des grèves antérieures, de leur héroïsme, de leur dynamisme, de leurs résultats.

René Mouriaux – dans cet article publié initialement en 2008 dans le n° 22 de Contretemps – revient sur le travail d’illégitimation et d’invisibilisation de la gigantesque vague de grèves de mai et juin 68, entrepris dès après les événements et jamais interrompu depuis. Contre la caricature comme l’héroïsation, il est temps pour une relecture critique de Mai.

... https://www.contretemps.eu/enterrer-mai ... -la-greve/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 09 Juin 2018, 13:43

Comment les immigrés ont eux aussi incarné «Mai 68»

Avec la cinquantaine, l’histoire de «Mai 68» atteint donc son âge mûr. Dès lors, il est peut-être temps d’interroger non seulement les nostalgies de ce moment si intense mais aussi les espoirs, les illusions provoquées. Savoir également si «Mai 68» a installé un nouveau processus touchant au fonctionnement de l’Etat, de l’école, des rapports entre femmes et hommes… Et de l’immigration, question rarement posée, qui reste toujours un point aveugle de cette histoire. La date «Mai 68» peut-elle se regarder comme anniversaire de la participation première, massive, des immigrés aux mobilisations qui ont ensuite traversé la société française? La réponse n’est pas si simple, évidente. Mai 68 ne marque pas vraiment le coup d’envoi des mobilisations propres aux travailleurs immigrés en France. Des mouvements sont bien antérieurs aux années 60.

En effet, un véritable engagement politique de l’immigration maghrébine et surtout algérienne en France a commencé bien avant mai 1968, en autonomie par rapport aux mouvements politiques français. Par la question coloniale et la guerre d’Algérie. Il n’y a pas eu d’adéquation mécanique et directe entre la mobilisation politique des immigrés en métropole, et les mouvements politiques français. On peut à ce propos évoquer trois dates significatives.

... https://alencontre.org/europe/france/co ... ai-68.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 17 Juin 2018, 02:37

11 juin 68: guerre de classe à Sochaux

Les ouvriers de Peugeot livrent à Sochaux une bataille acharnée, au prix de deux ouvriers tués, et mettent les CRS en déroute. Mais la grève générale a déjà été démantelée. Ils sont désormais isolés.

Un peu partout, le travail reprend. Mais les ouvriers des grandes usines métallurgiques résistent. Après son échec à Flins, l’État attaque les Peugeot à Sochaux. Les CRS tirent dans la foule et tuent deux ouvriers. Ils n’auraient pas pu le faire avant le démontage de la grève générale orchestrée par le régime et les bureaucrates. C’est le moment où l’Etat peut massacrer sans provoquer de riposte.

La résistance des travailleurs de Peugeot Sochaux, plus forte encore qu’à Renault Flins, est exemplaire. Elle démontre que sans la capitulation des bureaucrates syndicaux, l’Etat n’aurait jamais pu briser la grève générale. En admettant que la bourgeoisie puisse mobiliser en même temps 100 000 cafards, ceux-ci n’auraient rien pu faire face à des milliers de lieux de travail auto-organisés, coordonnés, et déterminées à se défendre.

En 1968, l’usine Peugeot de Montbéliard-Sochaux c’est 26 000 travailleurs dont 15 000 OS. Ils viennent des campagnes, y compris lointaines, passant parfois de 3 à 4 heures par jour dans les cars de ramassage. La journée de travail est de 9 h 15, la semaine parfois de 47 heures.

Les négociations commencent à Peugeot Sochaux le 31 mai. La direction organise le 4 juin un vote: 77 % de votes en faveur de la reprise, mais seulement 42 % de participation, car le comité de grève a appelé au boycott. Les syndicats organisent un autre vote le samedi 8 juin: 5 279 votants soit seulement 20 % participation, et majorité en faveur de 49 voix pour la reprise. Les syndicats mettent fin à l’occupation. Le lundi 10 juin de la reprise des rumeurs circulent dans les ateliers: les cadences vont augmenter et la direction veut imposer 17 samedis travaillés.

A 10h, de jeunes ouvriers débraient à l’atelier de finition carrosserie et traversent l’usine en appelant à la grève. A midi, plus de 1 000 ouvriers bloquent les entrées de l’usine. La CGT et la CFDT se rallient au mouvement…« à condition que tout se passe dans le calme et la dignité »... A 15 heures, 10 000 ouvriers votent l’occupation de l’usine.

... https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/ ... se-sochaux
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 20 Juin 2018, 13:29

Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Charles Piaget

Charles Piaget est une figure emblématique du mouvement autogestionnaire en France. En 1968, il est un des principaux animateurs de la CFDT à l’usine Lip de Besançon. Il est alors membre du Parti socialiste unifié (PSU). Aujourd’hui, il poursuit son engagement, principalement aux côtés des luttes de chômeurs.

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 20 Juin 2018, 14:42

Mai-Juin 68 et après : Secousse et répliques.

La-Plaine-Saint-Denis (93) samedi 23 juin 2018
à partir de 10h, Maison des Sciences de l'Homme, 20 Avenue George Sand

Image

Cinquante ans après la secousse de Mai 68, on sait combien cette crise a bouleversé la société et accéléré son évolution, mais aussi comment furent dévoyées les aspirations qu'elle avait révélées au grand jour.

Il nous faut regarder 68 avec une double focale : celle qui va cerner l'événement lui-même, ces deux mois qui allient le soulèvement de la jeunesse à la grève générale la plus massive qu'a connue la France à ce jour ; et celle qui resitue cet ébranlement dans la durée et dans l'espace. Car ce qui forme aussi la singularité de la séquence c'est qu'elle fut internationale, même si les rythmes ne furent pas synchronisés dans tous les pays.

Aujourd'hui il ne peut s'agir de commémorer en racontant les principaux aspects des « événements ». On fera œuvre plus utile en réfléchissant à la fois au contexte international de l'époque, aux points d'inflexion que cette période a marqués, mais aussi aux récupérations entreprises par un capitalisme soulagé de sa grande frayeur d'alors et entrant dans une nouvelle phase plus instable, après la forte croissance des années d'après-guerre.

L'objectif de ce colloque de la Société Daniel Bensaïd est donc de regarder les points saillants de cette période, en France et dans le monde, les ferments et les changements qu'ils ont induits dans la société. Mais aussi comment certains d'entre eux se sont mués en leur contraire : individualisme contre émancipation collective, libéralisme économique contre aspiration de liberté, fragmentation et parcellisation du travail contre revendication d'une dignité de fonction professionnelle.
Le monde tel qu'il est devenu face au monde qu'on a voulu et qu'on souhaite toujours mais autrement...

Caractère et contour de l'initiative

Une journée de présentations et débats, par des experts et des acteurs politiques ou sociaux ; fin juin, dans un lieu qui s'y prête (Maison des Sciences de l'Homme de Paris-Nord).

L'initiative mêlerait outre les présentations orales, des extraits de films, des images ou photos, des bandes sonores, etc. Cela se traduirait par le fait d'intercaler entre les interventions des pièces de ce type se rapportant aux thèmes concernés.

Programme indicatif

Samedi matin (10h-12h30) : Le monde va changer de base...

Séance introduite et animée par Patrick Le Moal
• - Hasta la victoria siempre ? Le chaudron latino-américain
L'Amérique latine connaît après guerre une montée des luttes qui culmine avec la victoire de la révolution cubaine en 1959. Cette dernière va à son tour, non seulement encourager l'émergence de mouvements radicaux sur le continent, mais aussi devenir une référence dans le monde entier. Pourtant, le coup d'État au Brésil en 1964 et la répression du mouvement étudiant mexicain en septembre 1968, montrent qu'une brutale contre-révolution est en marche qui culminera avec les coups d'État militaires au Chili, en Argentine, en Uruguay et le plan Condor.
Intervenante : Janette Habel
• - Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Le printemps de l'Europe centrale
En janvier 1968, l'élection du réformateur Alexandre Dubcek au poste de Secrétaire général du PCT, répond au vent de fronde qui soulève étudiants et intellectuels en 1967. Pendant quelques mois, le « printemps de Prague » (et de Brastislava) donne le sentiment qu'une réforme interne du système mis en place à l'Est est possible. L'intervention des troupes du pacte de Varsovie, le 21 août 1968 et la mise au pas brutale de toute la société, enterre cet espoir, à l'Est comme à l'Ouest, accélérant la crise des partis communistes. En 1980, la naissance de Solidarité en Pologne mettra le mouvement de libération sur une toute autre voie.
Intervenant : Jean-Yves Potel
• - Créons un, deux, trois Vietnam : Indochine vaincra ! Le Vietnam, catalyseur mondial
Dès 1965, l'intervention massive des États-Unis contre le Vietnam du Nord et le Front national de libération au Sud, va devenir la référence des luttes dans le monde entier. En 1968, l'offensive militaire du Têt est une gifle pour la première puissance mondiale et va la contraindre à négocier. Pour les Vietnamiens, qui doivent pagayer dans la rivalité sino-soviétique, c'est une victoire politique mais une défaite militaire qui va peser lourd. Mais le cours suivi après la victoire d'avril 1975 et la réunification , puis la révélation du régime des Khmers rouges, ferme temporairement l'horizon d'espoir.
Intervenant : Pierre Rousset
• Du « Maggio strisciante » aux « années de plomb » : l'expérience italienne
C'est sa durée sur près d'une décennie qui va donner aux mobilisations italiennes ce nom de « Mai rampant » par contraste avec l'intense brièveté de Mai-Juin 68 en France. En outre, manifestations, grèves et occupations d'usines ou d'universités, verront en Italie cette unité ouvriers-étudiants que ne connaîtront pas les autres pays occidentaux touchés par la vague de contestation. Mais c'est aussi une décennie de violences qui va épuiser le mouvement et la société tout entière. L'extrême-droite, infiltrée au plus haut de l'État, multiplie les attentats qui culmineront avec celui de la gare de Bologne en 1980 ; une partie de l'extrême-gauche passe à la lutte armée, l'enlèvement et le meurtre d'Aldo Moro par les Brigades rouges en 1978, scelle la mort des espoirs nés de 68.
Intervenante : Isabelle Richet

Samedi après-midi (14h-16h) L'orage de Mai

Séance introduite et animée par Francis Sitel
• Sous les pavés de Mai : anatomie d'un événement
Comment appréhender l'événement « Mai-Juin 68 » ? Cette séquence délimitée dans le temps - les deux mois du printemps 68 - s'inscrit dans une période longue qui va de la fin de la guerre d'Algérie à l'élection de François Mitterrand en 1981. Ceux et celles qui veulent neutraliser sa portée subversive en font un vague happening géant mis en œuvre par une jeunesse vite rentrée dans le rang. A l'inverse, la droite et l'extrême-droite le vouent au gémonies y voyant la mère de toutes les turpitudes. La perception et les vies successives de 68 reflètent l'évolution de notre société sur ce demi-siècle. L'essentiel est de revenir aux sources de l'événement, à la grève générale et aux espoirs de révolution, à la promesses de changer la vie, vraiment.
Intervenante : Ludivine Bantigny
• Quand Renault éternue, la France s'enrhume : de la Forteresse ouvrière à Uber, adieu au prolétariat ou mutations du salariat ?
Mai 68 est la plus grande grève générale qu'a connue la France à ce jour. Les mutations économiques et sociales du pays après guerre donnent à la classe ouvrière une force inégalée jusque là. La prolétarisation des jeunes ruraux, la montée en puissance des techniciens et du tertiaire, alimente un vaste débat sur la « nouvelle classe ouvrière ». Parallèlement, de profondes mutations sont à l'œuvre dans les secteurs traditionnels. Perceptibles dans les mines dès 1963, elles scellent le sort de la sidérurgie en 1979. La fermeture de l'usine Renault sur l'île Seguin en 1992 en est l'épilogue.
Intervenante : Fabienne Lauret
• Levons-nous femmes esclaves ! le féminisme, fille de 68
Si mai-juin 68 ne connaît aucune mobilisation féministe, si les leaders du mouvement sont uniformément masculins, le mouvement des femmes surgit dans la foulée de l'événement. Importance nouvelle des femmes dans le salariat, augmentation du nombre d'étudiantes, débuts de la planification familiale... autant de signes avant-coureurs qui, à partir de 1970, vont faire éclore un mouvement féministe multiforme. Réflexion théorique sur le patriarcat, mobilisation de masse autour du droit à l'avortement, solidarité internationale avec le Chili ou l'Espagne, volonté de construire un courant lutte de classe... malgré sa richesse, le mouvement va se déchirer à la fin des années 70. L'inscription du sigle « MLF » comme marque déposée en 1979 en est le pathétique symptôme.
Intervenante : Josette Trat
• La jeunesse est la flamme de la Révolution : une couche sociale à l'assaut du ciel (et de la terre)
•Entre 1962 et 1968, le nombre d'étudiants a doublé ; la population ouvrière et celle des employés de bureaux des nouvelles sociétés de service est en plein essor et, en son sein, la jeunesse imprime sa marque culturelle et politique. Le chahut qui accueille Georges Séguy le 27 mai à Billancourt quand il énonce la proposition d'accord avec le patronat, en est le témoin sonore. Surtout la profonde transformation du mouvement ouvrier syndical et des partis politiques, qui traditionnellement le vertèbrent, annonce un bouleversement du paysage politique où l'horizon de la Révolution ressort des brumes, avec son cortège d'enthousiasmes ravivés et d'illusions déçues.
• Intervenante : Robi Morder

Débat final (16h 30- 18h 30)

Ce n'était qu'un début, le combat devrait continuer... mais comment ?

Débat autour des grandes questions politiques et stratégiques posées par Mai-Juin 68 :

La grève générale est-elle une stratégie ? Comment est posée la question du pouvoir politique ? Les rapports partis-syndicats sont-ils de subordination ou de compétition dans une crise ? Pouvait-on envisager une issue politique transitoire à la crise ? etc.

Participants :
• Annick Coupé
• Pierre-François Grond
• Alain Krivine
• Charles Piaget
• Christine Poupin
Débat introduit et animé par Charles Michaloux (pour la Société Daniel Bensaïd)

https://paris.demosphere.eu/rv/60616
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 20 Juin 2018, 21:40

Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - François Sabado




Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Alain Krivine




Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Dominique Manotti

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 23 Juin 2018, 21:45

Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Gilbert Pago




Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Janette Habel




Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Michel Lautrou

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