1968, et l’après-68

Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 04 Mai 2018, 11:01

Boris Gobille "Mai 68 par celles et ceux qui l'ont vécu"

Le Mans, samedi 5 mai 2018
à 16h, Librairie Thuard,24, rue de l'étoile

Samedi 5 mai à 16h, rencontre-dédicace avec Boris Gobille pour son livre "Mai 68 par celles et ceux qui l'ont vécu" aux éditions de l'Atelier, librairie thuard

Mai-Juin 68, cinquante ans après… L'événement génère encore beaucoup de discours, de confiscations, de raccourcis, mais qui sait comment cet épisode extraordinaire est entré dans la vie de millions de personnes ordinaires ?
De Paris à Lamotte-Beuvron, en passant par Lille, Marseille ou Poitiers, plus de cent cinquante témoins de ce moment marquant de l'histoire racontent dans ce livre comment elles et ils l'ont vécu.
Enfant de la banlieue rouge, collégienne des beaux quartiers, étudiant algérien en art dramatique, ajusteur, professeur de collège, opératrice des PTT, métallo d'une usine automobile, appelé du contingent, aumônier de jeunes, mère au foyer, directeur d'une maison de la culture, cheminot… Reliés les uns aux autres, leurs récits forment une incroyable fresque. L'élan émancipateur de ce qui fut vécu durant ces semaines mémorables s'incarne de manière polyphonique, à la fois intime et politique.

Ces pages forment la trace précieuse, inédite à cette échelle, de ce que fut Mai-Juin 68. Un moment d'histoire dont le souffle a transformé des vies. Un passé si fort qu'il travaille encore le présent.

https://sarthe.demosphere.eu/rv/2117



journée Non commémorative "6 mai, mai si..." au Cinéma l'Univers à Lille

Dimanche 6 mai 2018
de 11h à 23h, L'Univers, 16 rue Georges Danton, Lille

Image

Chacun étant sa propre archive, nous participons à un mouvement commun.
Nos archives sont nos vies, nos actes.
Nous avons ahah prendre et, en ce sens, nous serons jonction.

10h59 Accueil sans vernis pour l’expo pas-sage « Je dès nous » : réalisation d’affiches, de pochoirs, dessins,… essais de libérations des gestes et paroles (accès à l’atelier toute la journée)

11h44 Présentation sobre du lieu, du lien et du jour puis projection de « Guédigian n’est pas mort pour la france. Le groupe Manouchian vit éternellement. Amen. Lettre ouverte aux traîtres et lâches en tout genre. » (29’02) du GAJE, du GAJE-Canal Dissident et du groupe 1984 pour une Nouvelle Pensée Anarchiste

12h32 Banquet

13h33 Saynète « Révélation/Révolution » par Christophe, Baptiste & Simon

14h14 Présentation du texte « Abject or débris Art » et témoignage « La Sorbonne 68 et 2018 » par Nina Zivancevic

15h05 Lecture-spectacle « L’Etabli » (de Robert Linhart) par Aurélien Ambach Albertini (Compagnie Triple A)

15h46 « 5 courtes tentatives visuelles et sonores. De la révolution à la mémoire. De l’EHPAD froid aux éclats de la rue » (26′) de Romain Kowalczyk

17h27 Lecture d’un texte comportant 2154 signes par Pierre Merejkowsky

18h08 Lecture-spectacle « La France contre les robots » (de George Bernanos) par AAA

18h55 Témoignage « Mai et après… » par Jean-François Rey

19h53 Banquet

20h58 Projection du film « l’Aube » (15’48)

21h30 Chronique davidique en live par Christophe Laby

22h00 Concert de Facetrap


http://lunivers.org/evenement/6-mai/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 06 Mai 2018, 16:51

Mai 68 : à Nantes, "on a eu la révolution"

À Nantes, comme à Paris, le printemps fut chaud. Yvon Chotard, le leader étudiant d’alors, aujourd’hui avocat, se souvient de débats passionnés, d’une vie qui "se soulève" et d’un drame évité de peu, le 13 mai 1968, à la préfecture de Nantes.

À Nantes comme à Paris, « on a eu la révolution. C’est ce qu’on voulait. Pour faire quoi ? On n’a pas su car, en fait, on ne voulait pas du pouvoir. » Avec d’autres jeunes, Yvon Chotard, 21 ans alors, étudiant en droit sur le nouveau campus installé au nord de la ville, voulait d’abord une société moins corsetée.

Les premières manifestations ciblent la vie étudiante : les règlements intérieurs des cités U, par exemple, interdisaient aux garçons la libre circulation dans les cités des filles. « Auparavant encore, j’étais au petit séminaire. Il faut s’imaginer la société de l’époque : on ne rentrait chez soi que tous les trois mois. »

Émancipé de cette éducation religieuse, Yvon Chotard se fait élire, en mai 1967, président de l’association générale des étudiants de Nantes (AGEN-UNEF). Sur le campus, ce sont des discussions sans fin entre maoïstes, situationnistes, trotskistes… Mais aussi des manifestations coups de poing : occupation du rectorat le 14 février 1968, premiers heurts avec les policiers et arrestations de 45 étudiants

Avec les ouvriers

De tendance anarchiste, le futur avocat fait la connaissance d’un jeune professeur, Gabriel Cohn-Bendit (le frère de Daniel) et du leader de Force ouvrière, Alexandre Hébert. « On refaisait le monde. Mais contrairement à ce que l’on croit aujourd’hui, nous nous opposions aux communistes qu’on traitait de staliniens. Notre idéal était que l’individu devait être libre et heureux », rappelle-t-il.

L’idéal étudiant rejoint rapidement le combat des ouvriers qui, à partir de la mi-mai, et dans la foulée de Sud-Aviation, se mettent en grève et occupent les usines. Plus de 80 % des salariés du privé cessent le travail en Loire-Atlantique. « On était en phase avec eux. Beaucoup d’étudiants venaient de la classe ouvrière. » Le père d’Yvon Chotard était « mensuel » aux chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire. À Nantes, sur le campus nord, les étudiants, issus de milieux modestes, arrivaient du Finistère, de Vendée, du Morbihan. Dans le centre-ville, ceux en médecine et pharmacie, provenaient de familles plus aisées.

... https://www.ouest-france.fr/societe/mai ... on-5734760
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 08 Mai 2018, 13:00

Les grèves ouvrières de mai-juin 1968

Les grèves ouvrières de mai-juin 1968

Pour que des ouvriers partent en grève, et donc qu’ils soient prêts à perdre une part importante de leur salaire, il faut au moins qu’ils aient accumulé un contentieux dans leur entreprise et qu’ils aient trouvé une occasion pour l’exprimer.

Précisément dans les années 1960, les pays d’Europe occidentale sont engagés dans une période de croissance économique qui prolonge un essor industriel ancien. Les industries automobile, chimique ou des appareils électro-ménagers embauchent massivement. De nouvelles usines de montage se multiplient en France, notamment en Normandie, dans les pays de la Loire et en Bretagne qui profitent de la décentralisation industrielle engagée par les gouvernements successifs à partir de 1955. De ce fait, de nouveaux ouvriers, des hommes comme des femmes, venus des campagnes s’embauchent et côtoient des immigrés originaires de la rive nord (Italiens, Espagnols et Portugais) ou sud (Algériens surtout) de la Méditerranée. À ces derniers, les entreprises réservent les travaux les plus dangereux et les plus insalubres.

Cet essor industriel s’accompagne dans les branches les plus modernes d’un début d’automatisation des tâches. Le plus souvent, il est indissociable de la diffusion de la rationalisation du travail : les chaînes de montage s’allongent et se généralisent, comme la division du travail et le chronométrage des tâches. Cette rationalisation, qui se perfectionne sans cesse, induit une intensification : cadences accélérées pour effectuer des gestes répétés dans le textile ou l’électronique, mais mobilisation des corps aussi.

Ce sont les ouvriers spécialisés, les OS, qui pâtissent le plus de telles évolutions. C’est ainsi qu’en janvier 1968 à Caen chez Jaeger, des grévistes disent : « Les compteurs défilent, les ouvrières tombent ». À la Rhodiaceta de Besançon, les ouvriers réclament des augmentations de salaires en février-mars 1967 mais surtout un aménagement du repos hebdomadaire pour ceux affectés au travail posté en 4x8. Les salaires dépendent en effet toujours davantage du travail effectué ou du poste tenu, et moins de la qualification ou de la formation. De ce fait, les ouvriers et les ouvrières, surtout quand ils prennent de l’âge, peuvent alors connaître une baisse de leurs rémunérations voire une carrière négative.

Enfin, toute une série d’industries, notamment les mines, l’industrie textile ou la construction navale, connaissent des difficultés et perdent des emplois. Cela signifie très concrètement qu’un premier mouvement de désindustrialisation affecte les « vielles régions industrielles » (les bassin houillers du Nord-Pas-de-Calais ou de Saône-et-Loire, les vallées vosgiennes, etc.) nourrissant une crainte diffuse du chômage et donne lieu à une vague de manifestations au début de l’année 1968.

Malgré la croissance économique donc qui favorise une progression des salaires et un accès partiel à la consommation, le discours nostalgique sur les supposées « Trente glorieuses » tord la réalité ouvrière de l’époque. Ce sont la pénibilité maintenue de la condition ouvrière, la dureté et la dangerosité du travail qui nourrissent un antagonisme diffus mais croissant. Relayée par les organisations syndicales CGT et CFDT qui se rapprochent à compter de 1966, cette colère ouvrière profite de la brèche ouverte par le mouvement étudiant pour exploser au printemps 1968.

Le 13 mai 1968 en effet, répondant à l’appel lancé par les confédérations syndicales d’une journée de grève interprofessionnelle contre la répression du mouvement étudiant et la politique gouvernementale, les ouvriers font grève et manifestent un peu partout dans le pays. Le lendemain, à Bouguenais, dans la banlieue de Nantes, les travailleurs du Sud-Aviation votent la grève avec occupation, ferment les portails de l’usine et séquestrent de ce fait le directeur de l’usine et plusieurs de ses collaborateurs. Cette grève et ses modalités – occupation et séquestration – sont rapidement connues et favorisent une propagation rapide du mouvement. Le 20 mai au soir, la grève s’est généralisée dans les usines du pays et concerne sans doute quelque deux millions d’ouvriers.

Le mouvement s’est souvent étendu des grandes concentrations vers les établissements les plus petits. Son extension massive favorise la bigarrure des grévistes. Car, en plus des bastions traditionnels du mouvement ouvrier – la métallurgie, l’automobile, la sidérurgie, etc. – où se concentrent des ouvriers masculins, souvent qualifiés et français, des établissements textiles, des usines de montage, des ateliers divers sont aussi paralysés et occupés par des jeunes, des femmes, des immigrés aussi, qui bravent les ragots (des femmes qui occupent la nuit sont-elles tout à fait honnêtes ?...) ou les risques très réels d’expulsion pour se faire voir et faire triompher leurs revendications.

La généralisation de la grève favorise une prise de parole multiple : débats dans les meetings organisés régulièrement à la faveur des occupations, pour discuter des modalités de lutte, des actions à mener, de l’avancée des négociations, etc. ; discussions dans les bourses du travail aussi où bat le pouls de la grève ; échanges avec les autres salariés et les étudiants qui viennent aux portes des usines ou pour se rendre dans les universités, avec les paysans parfois qui viennent vendre leurs denrées. Ce faisant, l’occupation prolongée favorise aussi une appropriation des locaux, y compris les bureaux de la direction, et (r)allume des rêves de pouvoir ouvrier, d’autant que des expériences ou des projets d’autogestion semblent s’esquisser dans une poignée d’usines : chez Perrier à Montigny-le-Bretonneux ou à la CSF à Brest par exemple.

Les grévistes, dès lors, ne discutent pas seulement de la modicité des salaires, mais dénoncent aussi l’organisation du travail, la parcellisation du travail ou son chronométrage, le rôle de la maîtrise, etc. Ils interrogent parfois le rôle ou le fonctionnement des organisations syndicales, questionnent le caractère démocratique du pays. Chez Renault par exemple, des ouvriers immigrés font le choix de rédiger une plate-forme revendicative, sans l’aval du syndicat CGT majoritaire. C’est une véritable boîte de Pandore qui s’ouvre dans des usines transformées en « forum », selon le nom que donnent les grévistes de Peugeot-Sochaux à leur lieu de discussion.

Dans un tel cadre et avec une telle espérance, les négociations de Grenelle auxquelles Georges Pompidou convie le patronat et les organisations syndicales (sans qu’aucune femme ne participe aux délégations), débouchent essentiellement sur le principe de la reconnaissance du syndicalisme dans l’entreprise et des augmentations de salaires, en particulier pour le SMIG relevé de 35 % et de 10 % ailleurs. Les jeunes, souvent payés au salaire minimal et qui bénéficient en outre de la suppression des abattements d’âge, sont les grands gagnants des discussions. Mais pour les autres, le résultat en demi-teinte justifie la déception des grévistes qui refusent le plus souvent le relevé de négociations, dans la foulée des Renault le 27 mai. Pendant deux ou trois jours, l’impuissance d’un pouvoir déboussolé avive les espoirs révolutionnaires.

Pourtant, à la suite du discours de De Gaulle du 30 mai qui dissout l’Assemblée nationale et convoque les élections législatives, les organisations syndicales se plient à la solution électorale et conduisent des négociations dans les branches ou les entreprises, qui s’achèvent le plus souvent sur le canevas du protocole de Grenelle, sans améliorations supplémentaires substantielles. Là où le patronat fait preuve de la plus grande fermeté, comme dans la métallurgie, la grève s’étire pendant une bonne partie du mois de juin.

Le pouvoir gaulliste qui entend réduire ces points de fixation, y fait intervenir les forces de l’ordre, notamment à l’usine Renault de Flins le 6 juin, ou à Sochaux le 11 juin. Ces interventions brutales conduisent à des affrontements particulièrement violents et provoquent la noyade du lycéen Gilles Tautin près des Mureaux et les morts des ouvriers Pierre Beylot et Henri Blanchet à Sochaux, parmi quatre-vingt blessés dont certains très grièvement. En parallèle, le pouvoir fait expulser environ 250 étrangers, étudiants et ouvriers, parmi lesquels des Espagnols et des Portugais qui risquent la prison.

Ainsi, la reprise du travail s’étire pendant tout le mois de juin voire au début de juillet, alors que les élections législatives ont été marquées par un raz-de-marée de la droite gaulliste. C’est le paradoxe de la plus puissante grève qu’a connu le pays, rassemblant environ 7 millions de grévistes (pour 16 millions d’actifs) que de déboucher sur un résultat en demi-teinte, qui gonfle les salaires mais sans rien modifier à l’organisation même du travail. C’est aussi pourquoi, à l’instar de tous les pays ouest-européens et notamment de l’Italie, la France connaît une insubordination ouvrière pendant les années 1970, qui prolonge, amplifie et radicalise les contestations formulées dans ce printemps 1968 sans pareil.

Elle favorise l’essor du mouvement syndical, mais relaie dans le même temps les critiques à son encontre, qui visent aussi le mouvement communiste d’abord soucieux de conquérir les classes moyennes. Car c’est un autre bilan des années 1968 que cette perte de l’hégémonie communiste sur le monde ouvrier en France comme en Italie. On comprend mieux pourquoi que les organisations du mouvement ouvrier peinent aujourd’hui à intégrer ces grèves dans leurs mémoires. Elles gênent tant la CGT qui s’échina à les canaliser que sa rivale cédétiste qui abhorre aujourd’hui la contestation.

Xavier Vigna


https://blogs.mediapart.fr/x-vigna/blog ... -juin-1968
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 08 Mai 2018, 13:16

Projections, débat
Autour de mai 68 : Les groupes Medvekine
cinéma en usine

Paris mardi 8 mai 2018
à 15h, Maison des métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud

avec les Mutins de Pangée et ISKRA

Image

Février 1967 : Chris Marker et Mario Marret commencent le tournage d'À bientôt j'espère pendant la grève dans les usines de la Rhodiacéta de Besançon. Lors de sa projection, les ouvriers le jugent trop romantique.

Pour Marker, un véritable cinéma militant ne peut être en définitive que celui qui serait réalisé par les ouvriers eux-mêmes. Très vite des cinéastes militants du collectif SLON entreprennent de former ces ouvriers aux techniques cinématographiques : les groupes Medvedkine de Besançon et de Sochaux sont nés.

À l'occasion de la sortie du coffret DVD Les Groupes Medvedkine (1967-1974), les Mutins de Pangée s'associent à la Maison des métallos pour proposer deux projections-rencontres afin de rendre hommage à cette expérience unique de cinéma en usine.

Programme
• 15h : Le groupe Medvedkine de Besançon.
Projection de Classe de lutte et Nouvelle Société n°7, Augé découpage, suivie d'une rencontre avec Inger Servolin, productrice, co-fondatrice de SLON et ISKRA, Bruno Muel, cinéaste, et Henri Traforetti, ouvrier du groupe.
• 17h : Le groupe Medvedkine de Sochaux.
Projection de Week-end à Sochaux, suivie d'une rencontre avec Bruno Muel, Francine Muel-Dreyfus, sociologue, Christian Corouge, ouvrier du groupe et militant syndicaliste, et Annette Paleo, médecin, fille d'ouvrier.

entrée libre

http://www.maisondesmetallos.paris/2018 ... medvedkine
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 08 Mai 2018, 21:28

Mai 68 à Lyon : le drapeau rouge a flotté sur la fac de Lettres occupée

Commencée le 12 mai, l’occupation de la fac de Lettres, quai Claude Bernard, s’est poursuivie jusqu’au début du mois de juillet. Un record. A la fois QG, lieu de débats, dortoir géant, la fac de lettres a été l’épicentre étudiant du Mai 68 lyonnais. Des étudiants et un prof témoignent.

... https://www.rue89lyon.fr/2018/05/07/le- ... e-lettres/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 08 Mai 2018, 21:55

[Roybon] Discussions autour de « Pourquoi Mai 68 ? » du 11 au 13 mai

Après avoir fêté comme il se doit le retour de la caravane « Center Parcs : ni ici ni ailleurs » (la NINA) à Roybon, interrogeons maintenant « mai 68 » !
Les 11, 12 et 13 mai 2018 seront l’occasion d’en discuter à la maison forestière La Marquise à Roybon.

Pourquoi parler (encore) de Mai 68 ?

Pas pour célébrer ni commémorer, mais plutôt pour interroger.

Le symbole de mai 68 nous détourne du pan le plus subversif et le plus intéressant de son histoire. À nous de creuser sous la couche de vernis spectaculaire dont cet « événement » a été recouvert. C’est dans cet esprit que nous vous proposons de venir en discuter, pour que cette explosion de révoltes ne soit pas fossilisée.

50 ans, c’est peu et c’est beaucoup. Assez pour que nos manières de penser et de faire de la politique aient vraiment changé, trop peu pour que nous puissions dire que ce qui s’est passé à ce moment-là appartient au passé des vieilles pierres.

Pour comprendre les souffles de révolte qui nous animent aujourd’hui et pour imaginer comment aiguiller leur puissance dans les temps à venir, il est sans doute intéressant de se tourner vers celles et ceux qui ont soufflé ces vents juste avant nous, et de retracer l’histoire de la tempête, à travers elles et eux, jusqu’à demain.

Au programme du weekend de discussions :
• Vendredi soir : en introduction, présentation du livre de Céline Pessis, Sezin Topçu et Christophe Bonneuil Une autre histoire des « Trente Glorieuses » en présence de C. Bonneuil. Discussion sur les contestations sociales, politiques, écologistes, de la période allant de l’après-guerre à 68
• Samedi après-midi : discussion avec Claire Auzias autour de son livre Trimards, « Pègre » et mauvais garçons de Mai 68
• Samedi soir : 68 dans le monde. Extraits vidéos et sonores
• Dimanche après-midi : discussion avec Ludivine Bantigny à propos de son livre 1968, De grands soirs en petits matins, édité cette année

Rien n’a été programmé les matins afin de laisser de la place pour d’autres envies de discussions, d’ateliers, etc. Sentez-vous libres de proposer ! L’envie est présente de notre côté d’échanger sur ce qui se passe en ce moment dans nos luttes, d’esquisser des ponts.

Sur place, nous aurons à notre disposition des livres et des textes sur le sujet. N’hésitez pas à ramener votre propre documentation.

Infos pratiques :
Il y a de la place pour dormir sur place. Contactez-nous si besoins de confort particuliers ! (foret.occupee.roybon@riseup.net)

Pour la nourriture :
• repas partagés le vendredi soir et le samedi midi
• les repas de samedi soir et dimanche midi seront réalisés collectivement. Des équipes cuisines seront constituées parmi les participant.es, pour qu’on gère ça ensemble !

Adresse :
Maison forestière La Marquise
4681 route de la Verne
38940 Roybon
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 10 Mai 2018, 23:30

« MAI 68, TOUT CHANGER », UNE PRODUCTION DU NPA

Vidéo. 10 mai 68 : la nuit des barricades, racontée par ses protagonistes

Dans "mai 68 : tout changer", réalisé par le NPA, une série d'actrices et d'acteurs de mai 1968 reviennent sur les événements du joli moi de mai. Ils en gardent des convictions chevillées au corps et des souvenirs politiques incroyables comme celui de cette nuit des barricades, ayant eu lieu le 10 mai 1968, à Paris. Quelques extraits racontés par Pierre, étudiant à Paris à l'époque, Pierre Rousset et Philippe Mussat, alors militants de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR) plantent le décor, 50 ans après.

... http://www.revolutionpermanente.fr/Vide ... tagonistes
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 11 Mai 2018, 02:14

Il y a cinquante ans, l’usine Renault Cléon cessait le travail

Cléon, l’une des premières usines à se mettre en grève en Mai 68. Les grévistes de l’usine Renault décrivent le quotidien de l’occupation et débattent de l’accès à la culture et de la reprise du travail : les relations avec les non grévistes, la mise en pratique des droits et libertés syndicaux, la création de commissions d’ateliers succédant au comité de grève.

Le 15 juin 1968, 964 ouvriers de Renault Cléon votent contre la reprise du travail tandis que 2950 sont pour : surtout les jeunes initiateurs dumouvement qui ne souhaitent pas reprendre dans ces conditions.

En 1968, Renault Cléon est la deuxième usine à entrer en grève avec occupation, après Sud Aviation à Bouguenais, près de Nantes. Dès le 15 mai, à l’occasion d’un débrayage contre les ordonnances de la sécurité sociale, quelques centaines d’ouvriers refusent de reprendre le travail et défilent dans les ateliers.La direction, refusant de recevoir une délégation des grévistes, s’enferme dans son bureau. Dès le soir, les ouvriers décident de l’y maintenir, puisqu’elle refuse de négocier. La direction est alors séquestrée. Un comité de grève, qui s’apparente davantage à une intersyndicale, se met en place. Les ouvriers se réapproprient l’espace + le temps.
Des meetings quotidiens informent les grévistes et régulièrement, ils votent la poursuite du mouvement. Les piquets de grève sont tenus à tour de rôle par les grévistes. Des collectes sont organisées, de la nourriture parvient à l’usine. Enfin, les étudiants mobilisés et les ouvriers se rencontrent malgré l’hostilité de la CGT et du PCF.

A Cléon, ce sont les jeunes ouvriers qui « tiennent le rôle d’agitateurs » : la solidarité générationnelle avec les étudiants a beaucoup compté tant dans le déclenchement de la grève que dans la politisation des ouvriers. La répression contre les étudiants était suivie avec attention par les ouvriers. Les discussions étaient nombreuses dans les ateliers. Peu après de déclenchement de la grève à Renault Cléon, les étudiants de Rouen mobilisés, immédiatement informés, se déclarent solidaires. Ils se pressent aux portes de l’usine afin d’entrer en contact avec les ouvriers.
Au moment du meeting à la fin duquel le vote de la reprise a lieu, des ouvriers brandissent d’ailleurs une pancarte où l’on peut lire :

Non à la reprise avec des miettes / Les jeunes sont contre la reprise et soutiennent Peugeot et Citroën.

Voici un film qui donne la parole à ces grévistes de Renault Cléon.
"Cléon" Réalisation collective (1968) durée : 26 minutes.



https://a-louest.info/Il-y-a-cinquante- ... ravail-393
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 11 Mai 2018, 18:58

Ludivine Bantigny : « Il faut garder de 68 l’imagination politique et la puissance de la créativité »

l’historienne Ludivine Bantigny, auteure de 1968 - De grands soirs en petits matins aux Editions du Seuil est l’invitée de La Midinale.



Sur le 9 mai 1968 : Aragon hué à La Sorbonne
« Il y avait une méfiance d’une tradition stalinienne, dont se réclamait Louis Aragon dans une certaine mesure. »
« C’est un épisode très chargé politiquement et un peu triste aussi parce qu’Aragon venait tendre la main aux étudiants mobilisés. »
« On retrouve un clivage assez radical sur la question de la stratégie et des perspectives d’avenir dessinées d’une part par les communistes et d’autres part par les groupes révolutionnaires. »

Sur ce qu’il faut garder et oublier de Mai-68
« Il faut garder de 68 l’imagination politique et la puissance de la créativité. »
« On ne peut rien oublier de 68 parce que le moment historique doit demeurer dans sa complexité. »
« On aimerait oublier la défaite qu’a représenté dans une certaine mesure 1968 : que cette grève générale de 10 millions de personnes qui s’arrêtent de travailler débouchent sur des résultats assez minces. »

Sur les acteurs de Mai-68
« Les historiens avaient parlé de ‘rencontres improbables’ et c’est vrai qu’on en trouve partout de ces rencontres entre des mondes sociaux qui jusqu’à présent dialoguaient assez peu : les agriculteurs, les salariés, les chauffeurs de taxi, les danseurs de l’Opéra, des employés de magasins, des chèques-postaux, ouvriers, lycéens. »

Sur la période pré-68
« 1967 est une période de pic de grèves notamment la Rhodiacéta qui est une grève très importante à Besançon, à Lyon, c’est la première occupation d’une usine.
« On se bat à ce moment-là pour des revendication salariales parce que les salaires sont très bas, les inégalités sont très fortes, les cadences élevées et la pression sur la productivité est très dense. »

Sur la question des affects en 1968
« Quand on s’engage on le fait parce qu’on a un moteur d’émotion : de joie, de colère et d’indignation, et qu’il s’agit de ne pas opposer à l’intelligence et la rationalité. »
« Il y a une intelligence émotionnelle qui nous fait agir et qui nous fait nous engager politiquement. »

Sur les clichés de Mai-68 : la révolution sexuelle
« On s’est surtout arrêté sur des slogans qui étaient très beaux, très puissants, qui étaient poétiques et politiques. »
« La sexualité en 1968 n’est pas encore un enjeu politique très largement partagé au sein de la contestation. »

Sur le message politique de Mai-68
« Il y a des utopies concrètes. Ce sont des mondes possibles qui s’ouvrent en 68. »
« Il y a une aspiration à changer la vie, c’est ça qui structure 68. »
« Il y a une promesse révolutionnaire qui se dessine en 1968 : certains commencent à se poser la question de l’autogestion, se passer de patron et de démocratie directe. »
« 1968, même s’il y a eu une véritable aspiration révolutionnaire, ne peut pas être considéré comme une révolution au sens classique et historique du terme. »
« Il n’y a pas eu de changement de gouvernement, le président de la République reste en place, les institutions de la Ve ne sont pas ébranlées et le ‘capitalisme assassin’ qu’on retrouve sur les affiches des ateliers populaires n’est pas ébranlé. »
« Il y a eu une sorte de révolution anthropologique parce que c’est une révolution de la prise de parole, de la dignité qui a des conséquences très profondes encore aujourd’hui et dont nous sommes les héritiers. »

Sur les liens entre néolibéralisme et Mai-68
« Il y a un vrai contresens historique mais qui est pratiqué avec une fonction politique bien précise de disqualification, de dénigrement de 68, chez ceux qui ont peur que quelque chose resurgisse : c’est l’idée que 68 a débouché sur l’individualisme ou le néolibéralisme. »
« Il y a une forme de récupération d’idées qui étaient à l’opposé du néolibéralisme, du marché comme valeur absolue, de la compétition et de l’individualisation des rapports de production : cette idée, c’était ’soyons plus autonome’. »
« 1968 est une aspiration très collective à l’émancipation. »

Sur le mouvement social aujourd’hui
« Etant donné qu’on danse sur un volcan, on a envie d’imaginer et d’espérer que des changements profonds dans un sens de l’émancipation collective sont possibles. »

https://www.youtube.com/watch?v=YKWHDVni-Ms
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 11 Mai 2018, 20:29

Ludivine Bantigny - 1968 : de grands soirs en petits matins

En plus long

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 12 Mai 2018, 20:12

RÉCIT. Mai 1968, « Nantes la Rouge » s’embrase
Première usine occupée en France. Comité de grève, unique dans le pays, distribuant des bons de ravitaillement. Manifs regroupant ouvriers, étudiants et paysans. Ambiance électrique à Nantes, en mai 1968.
... https://www.ouest-france.fr/pays-de-la- ... se-5751794

Allier
A Montluçon, les femmes de Mai 68 témoignent : « On ne pouvait pas mettre de pantalon »
Treize Montluçonnaises vont monter sur la scène des Îlets pour le spectacle de Nadège Prugnard Women 68. Elles avaient entre 15 et 26 ans en Mai 68. Rencontre avec trois d'entre elles.
«Il faut liquider l’héritage de Mai 68. » La phrase prononcée par Nicolas Sarkozy, à l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007, a inspiré Nadège Prugnard pour son spectacle Women 68. Créé en 2008 pour la compagnie Brut de béton production, il revient au centre dramatique national de Montluçon. Dix ans plus tard, le texte de Nadège Prugnard se veut toujours très actuel.
« Avec les mouvements sociaux dans les universités, la montée du fascisme, la lutte pour le droit des femmes, on est encore en plein dedans, même si on décontextualise », explique l’auteure. Avec trois comédiennes, Monique Brun, Marie-Do Fréval et Françoise Loreau, et une musicienne, Manon Mourguiart, elles vont redonner la parole aux femmes et célébrer le cinquantenaire de ce mouvement social.
... https://www.lamontagne.fr/montlucon/soc ... 43500.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 12 Mai 2018, 21:14

Mai-68 au fil des jours… Débat à la librairie La Gryffe

Ci-dessous l’enregistrement de la présentation/débat qui a eu lieu le 7 avril 2018 à la librairie La Gryffe à Lyon sur le livre Mai-68 à Lyon. Retour sur un mouvement d’insubordination, lié à la brochure Mai 68 à Lyon : Trimards, Mouvement du 22 mars et mémoire rétroactive. Aussi avant la parution prochaine de la nouvelle version de Mai 68 et le mai rampant italien nous entamons une série de publications Mai-68 au fil des jours…

http://blog.tempscritiques.net/archives/2013
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 12 Mai 2018, 22:34

Nouveau point de départ pour le féminisme

68 : Nouveau point de départ pour le féminisme

L’année 1968 ne fut pas particulièrement féministe. Mais en attaquant l’autorité tous azimuts, Mai ouvrait grande la porte à la contestation du patriarcat. Deux ans plus tard le mouvement féministe renaissait, plus fort que jamais, avec le MLF.

Comme dans tout mouvement populaire, les femmes avaient largement participé aux événements de mai-juin. Mais alors que les porte-parole de la révolte avaient été exclusivement des hommes, les revendications féministes n’avaient pas percé. Pourtant, cette rébellion anti-autoritaire portait en elle les germes d’une nouvelle forme de luttes féministes.

La question des femmes existait avant 1968. Mais un premier féminisme, né à la fin du XIXe siècle, s’était assoupi en 1944, après l’obtention du droit de vote.

La publication du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, en 1949, avait encouragé la naissance de nouveaux groupes. En 1956, des militantes féministes avaient fondé la Maternité heureuse, ancêtre du Planning familial. En 1965, quelques intellectuelles avaient créé le Mouvement démocratique féminin pour faire du lobbying en faveur de la légalisation de la contraception. Elles avaient obtenu en 1967 la loi Neuwirth autorisant la pilule. Mais, déjà, certaines militantes jugeaient ces mouvements trop conformistes et aspiraient à de nouvelles formes d’action [1].

Mai 68 va être un accélérateur et un révélateur. La division sexuelle du travail militant, la dénonciation des revendications féministes considérées comme « bourgeoises », poussent les féministes à se démarquer des groupes d’extrême gauche dont elles sont issues.

De l’Arc de Triomphe aux Beaux-Arts

Le féminisme fait une irruption fracassante sur la scène française le 26 août 1970, quand un groupe dépose sous l’Arc de Triomphe, à Paris, une gerbe en mémoire de la « femme du soldat inconnu ». En parallèle, un numéro spécial de la revue d’extrême gauche Partisans, intitulé « Libération des femmes, année zéro » [2], pose les bases théoriques du mouvement.

La gerbe à l’Arc de triomphe est l’acte de naissance le plus couramment retenu du Mouvement de libération des femmes (MLF) qui, jusqu’à la fin, restera un mouvement informel et sans structures permanentes, ne reposant que sur les assemblées bimensuelles tenues à l’école des Beaux-Arts de Paris, véritable quartier général des avant-gardes de l’époque (lire l’article sur le FHAR).

Ces AG du MLF débutent à l’automne 1970, à l’instigation de plusieurs dizaines de militantes venues d’horizons très divers. Pendant plusieurs années, les débats vont faire rage dans cette marmite bouillonnante d’idées, au rythme de la traduction en français des ouvrages américains ou allemands. On va y commenter Betty Friedan, Kate Millet, puis Shulamith Firestone [3], on va y invoquer Marx et Engels [4], on va y décortiquer Freud, Marcuse et Reich [5].

Trois courants principaux

Trois courants vont rapidement se différencier au sein du MLF. Le premier, nommé Psychanalyse et Politique (« Psych et Po »), est animé par la psychanalyste Antoinette Fouque. Fouque est opposée au féminisme égalitaire de Simone de Beauvoir qui, selon elle, nie la différence fondamentale des sexes. Cette « différence » est fondée sur la fonction procréatrice de la femme, qui fait d’elle la porteuse des valeurs positives de vie, de paix, etc. Dans une manifestation du 6 octobre 1979, on pourra ainsi voir les militantes de Psych et Po arborer cette incroyable banderole proclamant : « L’usine est aux ouvriers, l’utérus est aux femmes, la production du vivant nous appartient ».

Pour ce courant, les femmes doivent se réaliser dans leur spécificité, et non en prenant les hommes comme modèle de l’égalité recherchée. Détournant le slogan « Chasser le flic de sa tête », Psych et Po proclame qu’il faut, pour les femmes, « chasser le phallus de sa tête » pour s’émanciper, la psychanalyse devant jouer en cela un rôle important. Les thèses de ce courant seront relayées par les éditions Des femmes, fondées en 1974.

Le deuxième courant, celui des féministes radicales, est principalement influencé par les écrits de Monique Wittig et de Christine Delphy qui, dans le fameux numéro de Partisans de l’automne 1970, a publié un article fondateur, « L’Ennemi principal ». Ce courant fait du travail domestique effectué gratuitement par les femmes un mode de production à part entière – bien qu’invisible du fait de la gratuité –, dont les hommes sont les bénéficiaires. Ainsi la société serait basée sur deux dynamiques parallèles : un mode de production capitaliste et un mode de production patriarcal. Ce courant défend l’unité des femmes par-delà les différences de classes et, selon ses sensibilités, fait de la lutte antipatriarcale une lutte aussi prioritaire, voire plus prioritaire que la lutte anticapitaliste. Pour lui, les femmes forment une classe à part entière et, en toute logique, la lutte féministe ne peut être que non mixte. Au sein de ce courant, une sensibilité lesbienne autour de Wittig va radicaliser ses positions en prônant le séparatisme complet d’avec les hommes.

Le troisième courant est celui du féminisme « lutte de classe ». Composé pour bonne part de militantes d’extrême gauche, ce courant partage une partie des thèses des féministes radicales, notamment sur la caractérisation du patriarcat en système économique, mais maintient que le système capitaliste reste « l’ennemi principal » [6]. Pour ce courant, toutes les femmes appartiennent certes à une catégorie socialement dominée, mais il est illusoire de croire à une unité entre travailleuses et bourgeoises. D’autre part, les travailleurs ont intérêt à l’abolition du patriarcat puisque celui-ci aggrave l’exploitation capitaliste. Aussi ce courant prône-t-il, à la différence des deux autres, l’inscription du mouvement féministe dans le mouvement ouvrier. Cette orientation se concrétisera dans certains secteurs très féminisés (PTT, banques, textile...) par la création de groupes femmes d’entreprises et de commissions syndicales femmes.

Entre ces trois courants, il ne faut pas imaginer que les frontières soient parfaitement étanches. Dans la phase ascendante du MLF, ils se confrontent et s’influencent mutuellement. Le courant Psych et Po, taxé d’essentialisme, suscite cependant une forte hostilité. Lors d’une manifestation, la section de Paris 20e du MLF, dominée par les révolutionnaires, arborera ainsi une banderole « Va te faire Fouque » du plus bel effet [7].
Le Torchon brûle n°3.Le seul journal « unitaire » du MLF, n’aura vécu que 6 numéros, de 1971 à 1973.
Le courant féministe lutte de classe comptera quelques succès à son actif, comme la Rencontre nationale des groupes femmes de quartiers en juin 1974, ou une rencontre nationale d’ouvrières et d’employées en juin 1975 [8].

Les militantes de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) se retrouvent dans ce courant. Actives par exemple au MLF de Paris 13e, elles interviennent en direction d’une entreprise à forte main d’œuvre féminine, Pissis, qui est un désert syndical. Une militante du groupe MLF s’y établit comme ouvrière pendant quelques mois et réussit à fomenter une grève sur la feuille de paie [9].

Des luttes unifiantes

Malgré ses polémiques internes, le mouvement féministe, dont le MLF est le fer de lance, fait son unité sur une revendication unifiante : le droit à disposer librement de son corps. C’est par exemple la lutte pour le droit de choisir sa sexualité, ou la lutte contre les violences faites aux femmes – dont le viol, qui sera reconnu comme un crime et non plus seulement comme un délit en 1980. Mais c’est surtout la lutte pour la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui va être l’épine dorsale des mobilisations de femmes jusqu’à l’obtention en 1975 de la loi Weil. Les manifestations récurrentes de plusieurs milliers de femmes sont un phénomène inédit qui oblige le mouvement ouvrier à s’adapter. La signature, par la CFDT et la CGT, le 19 décembre 1974, d’une plate-forme revendicative commune sur les femmes, est une grande victoire – même si certaines militantes du MLF ne le comprennent pas et n’y voient qu’une « récupération » de leur lutte.

Division et reflux

Quand la loi Weil est votée en 1975, le MLF est à son apogée. Pourtant il est ardu, après l’IVG, de retrouver un thème aussi mobilisateur. Un reflux s’amorce. Privé de la vague qui l’avait porté, le MLF va se scinder de façon de plus en plus nette. En 1979 le groupe Psych et Po s’appropriera le sigle MLF en en faisant une marque déposée à l’Institut national de la propriété industrielle, et en menaçant d’attaquer en justice quiconque s’en réclamerait indûment.

Mais c’est véritablement l’arrivée du Parti socialiste au pouvoir, en 1981, qui va marquer la fin d’une époque. La socialiste Yvette Roudy sera nommée ministre des droits de la Femme et invitera les féministes au dialogue, à condition d’avoir comme interlocutrices des associations « responsables » susceptibles d’être subventionnées. Malgré des polémiques internes virulentes, une partie du mouvement féministe optera pour l’institutionnalisation, totalement à rebours de la culture anti-étatique et anti-organisationnelle du MLF. Celles qui continueront à militer le feront alors, pour la plupart, dans des associations visant des objectifs plus spécifiques, comme le soutien aux femmes violées, la promotion des études féministes ou la défense du droit à la contraception et à l’avortement. L’histoire du MLF proprement dit sera, alors, terminée.

Liane Henneron et Guillaume Davranche


https://www.alternativelibertaire.org/? ... -de-depart
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 12 Mai 2018, 23:02

Mai-68 à Saint-Brieuc. Le début d'une décennie de luttes
Toute la semaineMai 1968 - 8 mai 1972. La première date marque l'entrée de Saint-Brieuc dans le mouvement de Mai-68. La seconde sonne la fin de la grève, au retentissement national, des salariés du Joint Français. Quatre années émaillées d'une multitude de grèves et de conflits sociaux
... http://www.letelegramme.fr/soir/mai-68- ... 955716.php

Mai 68 : le jour où l'immense manifestation joyeuse et populaire a failli basculer
Le vieux militant syndicaliste en pleure. «Même en 36, c'était pas ça». 800 000 personnes rassemblées dans les rues de Paris ce 13 mai 68 pour une manif monstre, l'acmé de la mobilisation antigaulliste du mouvement, très largement partagée en province. Ils sont 25 000 à Bordeaux, 40 000 à Toulouse (lire ci-contre), rassemblant toute la gauche et bien au-delà une opposition protéiforme. Une véritable déferlante avec, comme un symbole, la banderole en tête du cortège parisien : «Etudiants, enseignants, travailleurs solidaires et unis», au plus fort d'une solidarité précieuse pour le mouvement populaire, si précieuse que 50 ans après, certains la cherchent encore…
... https://www.ladepeche.fr/article/2018/0 ... culer.html

Mai 68 : Sud-Aviation à l'avant-garde
Mai-68 a déjà 50 ans. La révolte des étudiants était sans précédent. Ce mouvement fut aussi la plus grande grève de l'histoire de France. Partis de l'usine aéronautique Sud Aviation située près de Nantes (Loire-Atlantique), deux anciens salariés et leaders syndicaux racontent leur Mai-68.
... https://www.francetvinfo.fr/economie/sy ... 47893.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 13 Mai 2018, 16:25

Penser par soi, critiquer le lycée caserne, rêver… ce fut un joli mois de mai

Image

« Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la surprise qu’a créé l’irruption de la jeunesse lycéenne sur la scène sociale et politique en 1968, tant les mobilisations des élèves du secondaire font désormais partie du paysage. »

Dans leur avant-propos, « Une Décennie d’engagements lycéens », avant-propos-du-livre-de-didier-leschi-et-robi-morder-quand-les-lyceens-prenaient-la-parole-les-annees-68/, publié l’avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse, Didier Leschi et Robi Morder soulignent l’inédit que représente des adolescent·es manifestant, faisant grève, occupant leurs établissements scolaires. Les auteurs abordent, entre autres, les évolutions, « De la dépendance à l’autonomie », l’invention de la coordination comme « mode d’auto-organisation dans les luttes », les « mutations profondes tant du lycéen que du lycée », « la massification scolaire », la mise en cause des « relations pédagogiques, la famille, la police, l’armée, y compris les organisations dites traditionnelles », le fait que cette massification ne fut pas « synonyme de démocratisation », la place des élèves du technique, les formes de militantisme lycéen, l’absence de recherche sur ces mêmes lycéen·es et leurs mouvements…

S’il ne pratiquent pas l’écriture inclusive (voir à la fin de la note), les auteurs ont cependant retenu une des leçons du féminisme, dire d’où ils parlent (point de vue situé), « nous avons été élèves engagés dans les lycées pour l’un (Robi Morder) dès 1968 à 1974, et pour l’autre (Didier Leschi) de 1972 à 1981. Séparément – en concurrence même – puis ensemble dans ce qu’on a appelé l’extrême gauche. Nous avons connu de l’intérieur les assemblées générales, les coordinations, l’élection de collectifs et comités de grève, la préparation de manifestations, les rencontres et négociations avec les autorités comme avec les alliés – syndicats, associations de parents d’élèves ». Ils ajoutent et cela reste trop rare chez bien des auteurs et autrices : « D’abord l’objectivité. Traiter des mouvements lycéens comme d’un objet ayant diverses facettes qu’il faut arriver à connaître. Or, nos souvenirs, notre mémoire sont empreints des partis pris de l’époque. Il faut donc nous traiter nous-mêmes comme nous traitons les témoignages des acteurs, en vérifiant avec d’autres sources, en recoupant. Notre connaissance elle-même était limitée par nos cadres d’action… ».

Un livre qui n’a donc pas vocation à l’exhaustivité, une ouverture de chantier de recherche, une invitation à voyager dans une histoire vivante…

1. L’irruption lycéenne. Les comités d’action comme signe d’un mouvement de politisation

Didier Leschi et Robi Morder soulignent le bouleversement sociologique que connait l’enseignement secondaire, les formes pédagogiques et disciplinaires, « Non aux lycées casernes », les modifications démographiques, les impacts des luttes internationales (le souvenir non éteint de la lutte contre la guerre d’Algérie, la contestation de la guerre du Vietnam, etc.).

Quelques éléments abordés : Comités Vietnam lycéens, comités d’action lycéens, le bourdonnement des différents groupes se réclamant de la gauche révolutionnaire, les revendications autour de de liberté d’expression, les commissions, de débats et d’organisation, l’occupation des locaux et la question de la participation des lycéen·es « à la gestion ou à la vie du lycée », la critique de la sélection, l’ouverture vers l’extérieur, « La plupart des lycées ont été décrétés ouverts à tous… », l’autonomie et la cogestion, la revendication d’examen polyvalent, les conférences nationales des CAL, l’attitude du PCF et de ses jeunesses, le contre-pouvoir lycéen, l’insubordination…

Les auteurs analysent les débats et les orientations – et parfois les « délires » – des différents groupes se réclamant de la révolution. Il me semble important de mettre en avant les impressions d’urgence temporelle, les références renvoyant à Octobre 17 ou à la Révolution culturelle, les pratiques substitutives, les centrages sur la construction de « parti », les divisions sectaires, « Les divergences politiques n’ont qu’un rapport lointain avec a vie du lycée », des éléments qui ont été des freins objectifs à l’unité, au développement de l’auto-organisation et plus généralement à une large démocratie de et pour toustes les lycéen·es. Mais, il ne faudrait cependant pas négliger la force d’émancipation et la recherche de liberté qui vertèbrent ces luttes lycéennes. Ni par ailleurs les conséquences de ces expériences dans les engagements futurs de celles et ceux qui furent lycéen·es.

Les auteurs parlent aussi des actions des commandos d’extreme-droite, des contradictions dans le corps enseignant, de la répression « la bêtise administrative et politique dans sa volonté répressive »…

2. Naissance de la coordination, la répétition générale (1970-1971)

Affaire Gille Guiot, mobilisation anti-franquistes, comités de grève et coordination, « La légitimité dans chaque lycée sera issue des AG élisant des délégués, et celle d’une coordination des délégués élus par les comités de grève », les évolutions du répertoire d’action collective, les initiatives, les sanctions et les exclusions, le mouvement contre la circulaire Guichard, l’assassinat de Pierre Overney…

3. « Cinq ans déjà, coucou nous revoilà » : l’Apogée

L’affaire Mercier et le tract du docteur Carpentier « Apprenons à faire l’amour, car c’est le chemin du bonheur », la question d’un mouvement permanent ou syndical, la Loi Debré et les sentiments antimilitaristes, le soutien aux paysan·nes du Larzac, le Comité de soutien aux insoumis, le Comité de défense des appelés (CDA), Crosse en l’air, d’autres revendications dans les IUT et les lycées techniques, de nouveau les coordinations, « Les coordinations lycéennes vont jouer en 1973 un rôle central dans l’organisation et le déroulé de la mobilisation », la politique du PCF, les manifestations et « la police charge avec une violence inouïe », le développement des « contre-cours », le positionnement des organisations syndicales de salarié·es, le premier Mai, la dissolution répressive d’organisations révolutionnaires…

« La grève contre la loi Debré va voir se « perfectionner » cet instrument d’organisation, du fait que le mouvement va durer plusieurs semaines. Et pour la première fois va se rassembler une coordination nationale, sorte aussi de coordination des coordinations, dont naturellement celle de Paris, la plus importante du mouvement puisqu’elle va rassembler plus d’une centaine de lycées »

4. Face aux réformes (1973-1976)

Septembre 2013, coup d’Etat au Chili, octobre « Guerre de Kippour » ; 1974 c’est aussi la fin des dictatures en Grèce, dans l’Etat espagnol, au Portugal. La loi du 5 juillet 1974 abaisse de 21 à 18 ans la majorité.

Certes 68 s’éloigne, les générations lycéennes sont brèves, mais les traces des mobilisations et des pratiques collectives restent fortes. Les gouvernements entendent adapter l’école aux nouveaux besoins du capitalisme, « adapter l’école à l’économie », augmenter la sélection, sans oublier le retour de l’« ordre moral » et son exemple caricatural avec Jean Royer, la circulaire Fontanet et ses 10% – non auto-gérables par les lycéen·es -, Lip, le droit à la contraception et à l’avortement, le MLAC, les groupes femmes lycéennes… et un changement d’époque.

Dans leur épilogue, « Nouveaux lycéens, nous veaux mouvements », Didier Leschi et Robi Morder reviennent sur les thématiques de l’auto-organisation, du contrôle lycéen, de l’autogestion, de la nécessité de construire un mouvement permanent de lycéen·es…

« Les mouvements lycéens de l’après 68 et particulier le mouvement de 1973 vont être le terreau particulièrement fertile sur lequel vont éclore plusieurs générations militantes ».

Des récits bien vivants sur les forces et les limites des mobilisations des lycéen·nes, la spontanéité et l’inventivité, les expériences d’auto-organisation et de coordination. Toujours de grande actualité, même si une certaine insouciance n’est plus. Un livre richement illustré de documents et de témoignages.

Reste une question, que je pose maintenant à toustesles auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les lycéen·nes, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.

Didier Leschi et Robi Morder : Quand les lycéens prenaient la parole. Les années 68

Editions Syllepse – Germe

https://www.syllepse.net/lng_FR_srub_37 ... arole.html

Paris 2018, 304 pages, 15 euros

Didier Epsztajn


https://entreleslignesentrelesmots.word ... is-de-mai/
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