ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 28 Juil 2016, 13:40



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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 02 Aoû 2016, 01:46

Documentaire

« Élisée Reclus, la passion du monde », de Nicolas Eprendre

Le film de Nicolas Eprendre fait le portrait d’une personnalité peu banale, tout à la fois grand voyageur, scientifique reconnu et homme de conviction, un des principaux penseurs anarchistes du XIXe siècle : Élisée Reclus.

Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage.

Le délai que vous m’accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.

Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.

N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.

Je vous salue de tout cœur, compagnons .

Élisée Reclus.


vidéo : http://alternativelibertaire.org/?Elise ... n-du-monde
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 03 Déc 2016, 14:33

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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 05 Jan 2017, 15:53

Charles Perron, Elisée Reclus, Paul Reclus, Franz Schrader, Écrits cartographiques, Genève, Éditions Héros-limite, 2016, ISBN : 978-2-940517-50-3, texte établi et préfacé par A. Chollier et F. Ferretti

Cette anthologie présente des textes choisis d’Élisée Reclus (1830-1905) et du circuit des géographes anarchistes abordant l’un des problèmes les plus sensibles de la pensée géographique et de ses relations avec la sphère politique, notamment la cartographie, rien de moins que la représentation du monde.

Reclus avait été l’élève du géographe prussien Carl Ritter (1779-1859), l’un des plus grands critiques de la carte bidimensionnelle. L’auteur de l’Erdkunde affirmait que « les cartes, même les meilleures, sont à l’étude de la géographie générale comparée, ce que les préparations anatomiques sont à la physiologie (…). Si le géographe voulait se servir de son amas de cartes comme des sources premières pour démontrer sa science, et c’est ce qu’on a déjà fait dans tant des systèmes géographiques, il tomberait dans une aberration aussi grande que le physiologiste qui chercherait l’état vivant du cœur, l’essence et la cause de la vie, dans l’anatomie d’un cadavre, lorsqu’il n’a en son pouvoir que l’image rapetissée et défigurée d’un corps privé de vie ». Il s’agissait alors, d’après les géographes contemporains, d’une stratégie politique implicite visant à questionner le monopole de l’État dans la représentation du monde pour revendiquer à la géographie critique le droit de représenter le monde lui-même avec ses propres instruments, afin de pouvoir ensuite le modifier. La métaphore de la carte en tant qu’objet « mort » contrastant avec une nature vivante recourt souvent chez les géographes du 19e siècle, influencés par l’approche de la nature de Ritter et d’Alexander von Humboldt (1769-1859).

Rien d’étonnant que cette perspective stratégique soit embrassée par Reclus, qui aborde ces problèmes dès les débuts de sa carrière, à la fois comme traducteur de Ritter et dans des écrits de jeunesse comme le commentaire sur l’Atlas sphéroïdal de Garnier qui ouvre ce recueil. La supériorité des représentations tridimensionnelles du monde, tels que globes, reliefs et plaques globulaires sur les cartes, ainsi que la critique des projections et des échelles de la cartographie dite « traditionnelle », sont des thèmes centraux de son œuvre. Cependant, il faut faire attention à ne pas confondre cette position avec une version naïve du positivisme cartographique visant à une majeure « exactitude », « précision » ou « vérité ». Des documents comme la lettre de Charles Perron (1837-1909) à Daniel Baud-Bovy (1870-1858) reproduite ensuite, où le cartographe anarchiste prie l’ami de ne pas dire qu’il y avait des « erreurs » dans son Relief de la Suisse, dont d’ailleurs il ne s’inquiétait pas trop, démontrent que la construction de globes et reliefs devait servir les enjeux de la communication publique et de l’éducation populaire plutôt que des soucis abstraits d’exactitude. Comme le montre la collaboration entre Reclus et l’éducateur anarchiste espagnol Francisco Ferrer y Guardia (1859-1909), très preneur de globes et reliefs pour l’école libertaire qu’il dirigeait à Barcelone, le but de cette production cartographique de la part des géographes anarchistes est le même que toutes les branches de la science doivent viser d’après ces scientifiques, notamment la lutte contre les états et contre les religions. Questionner leurs idéologies à partir de la culture et de l’instruction était considéré alors comme le premier pas pour arriver à se débarrasser de ces institutions.

Donc les positions de Reclus et collègues pourrait être comparées, aujourd’hui, plutôt au déconstructionnisme et aux théories non représentationnelles qu’à une forme quelconque du positivisme, car la critique et le démontage des représentations existantes sont au centre des arguments qu’ils développent pour justifier la construction de nouveaux objets cartographiques. C’est le cas, parmi d’autres, du texte de Paul Reclus (1858-1941) (le neveu d’Élisée et fils d’Elie Reclus) sur le « globe creux » : regarder le monde comme s’il était transparent et à partir d’un point donné signifié d’abord se situer. Donc, la cartographie tridimensionnelle des géographes anarchistes se présente ici comme une anticipation des théories contemporaines sur le « sujet situé » et sur la nécessité de questionner le point de vue de l’observateur. Les actuelles géographies postmodernes, postcoloniales et féministes sont unanimes dans leur critique du point de vue surplombant et objectivant qui a caractérisé la géographie du pouvoir et du colonialisme au service de la raison d’état et s’appuyant sur ce que Gunnar Olsson a appelé la « raison cartographique ». Cette dernière implique de prendre la carte géographique pour vérité au lieu d’interroger la construction de cet objet et ses raisons idéologiques.

Le questionnement de la cartographie bidimensionnelle est aussi une mise en cause de la modernité prônant la séparation entre le sujet et l’objet, voir la domination du premier sur le second. En effet Reclus, plutôt que du kantisme, s’inspire de la Naturphilosophie de Lorenz Oken (1779-1851) et Friedrich Schelling (1775-1854) lesquels affirmaient, comme Élisée le répétera, que l’humanité « est la nature prenant conscience d’elle-même ». Déjà Baruch Spinoza (1632-1677), le philosophe de l’insubordination et de la désobéissance, s’était exprimé en de termes semblables et ce n’est pas par hasard que Reclus l’incluait également parmi ses lectures philosophiques.

L’écrit « Géographie générale », pour sa part, est indicatif d’une série de tendances et des circonstances très importants pour comprendre le parcours d’Élisée Reclus. Il fait partie d’une série d’articles publiés dans la République française, organe des républicains proches de Léon Gambetta, qui témoignent de la volonté de Reclus de garder des contacts avec certains de ces républicains, même après que la Commune de Paris de 1871 avait clarifié l’incompatibilité entre le républicanisme bourgeois et le communisme anarchiste de Reclus et de l’Internationale antiautoritaire. Reclus, cependant, continue à considérer la république comme une valeur dans son idée originelle et continuera à collaborer avec de républicains progressistes comme Ferdinand Buisson (1841-1932), à l’instar d’autres anarchistes comme son camarade James Guillaume (1844-1916). D’après l’historien Gaetano Manfredonia, plusieurs anarchistes de la génération de Reclus gardent un rapport ambivalent avec la République. Comme le géographe écrit en 1873 à son éditeur Pierre-Jules Hetzel, « je vous serre fortement la main et fais des vœux non pour la République, puisqu’elle n’existe pas, mais pour son nom, toujours cher à nos cœurs. Car un nom, c’est encore quelque chose. »

Mais pour l’instant, il s’agit pour Reclus de commenter sa visite à l’exposition universelle de Vienne de 1873, tout en regrettant que la communauté internationale des géographes n’ait pas saisi cette occasion pour se réunir après le Congrès d’Anvers de 1871, auquel Reclus ne put pas participer car la République le détenait dans les prisons françaises suite à sa participation à la Commune de Paris. Ironiquement, à Reclus sera interdite également la participation au congrès géographique international suivant, tenu à Paris en 1875, car il se trouve alors exilé en Suisse, d’où écrit au géographe anarchiste hongrois Attila de Gerando (1848-1898), compagnon de son voyage de 1873, de ne pas trop regretter d’être absent et de ne devoir pas se mêler aux délégations officielles. « Je n’ai pas le plaisir de voir cette fête. J’y ai perdu la vue de fort belles cartes, mais j’y gagne de ne pas voir les ventripotents et les chamarrés qui font mon dégoût. »

Franz Schrader (1844-1924), cousin des Reclus, est alors l’un des protagonistes de la rédaction des voix géographiques pour le Dictionnaire de Pédagogie et d’Instruction primaire dirigé par Buisson et Guillaume. Si d’on côté ses références à son illustre consanguin Élisée démontrent sa dette intellectuelle envers celui-ci, de l’autre côté ses écrits et ses travaux démontrent une maturité scientifique et une relative originalité. Cette dernière ne va toujours dans le sens progressiste car Schrader, politiquement plus modéré que ses cousins, écrit dans les rapports reproduits ci-dessous des phrases assez indulgentes envers le colonialisme et l’expansion européenne qui n’auraient été jamais souscrites par Élisée ou par son frère aîné Elie Reclus (1827-1904), critiques précoces et très radicaux de l’européocentrisme, de la conquête et des crimes coloniaux, toujours prêts à fustiger les bévues des militaires, missionnaires et explorateurs envoyés outre-mer en soi-disant « civilisateurs ».

Cependant, Schrader joue un rôle très important dans le débats qui portent à la conception du projet reclusien du Grand Globe pour l’Exposition universelle de 1900 : les remarques qu’il publie dans le Dictionnaire Buisson sur la nécessité d’utiliser des globes et des reliefs dans l’éducation primaire portent sur le principe d’échelle uniforme pour les trois dimensions, qui sera le même prôné par Reclus et Perron. D’après Schrader, les globes en relief seraient alors des « monstruosités » à proscrire dans l’enseignement, car en utilisant nécessairement une échelle plus grande pour la dimension verticale ils déformeraient sensiblement les formes terrestres. Nous pouvons penser que l’idée de Reclus de construire alors un globe à l’échelle du cent-millième qui permettrait de représenter la dimension verticale à la même échelle que celle horizontale (1 montagne de 1000 mètres = un centimètre de saillie) peut se considérer comme une réponse une peu pragmatique et une peu provocatrice à ce problème : si nous sommes d’accord qu’il faut surtout garder les proportions relatives, alors faisons-le ! Dans les textes de Schrader nous trouvons aussi un autre antécédent du projet de Grand Globe : le globe de 20 mètres de circonférence qu’il avait construit pour servir à l’ « agence géographique Hachette » dans la rédaction des revues et encyclopédies géographiques dont l’éditeur parisien était alors l’un des plus grands producteurs en Europe. Ce globe, « divisé en plusieurs centaines de feuilles portant une projection en blanc, reçut l’esquisse sommaire, ramenée à cette échelle de 1/ 2,000,000, de toute carte nouvelle dès son apparition. De la sorte, les contradictions, les impossibilités, le degré de probabilité ou d’improbabilité des divergences ne permettaient pas d’oublier et même, le plus souvent, rendaient aisées les analyses comparatives qui sans cela eussent présenté des complications inextricables (…). Ainsi, grâce à la patience inlassable des éditeurs et de leurs collaborateurs, se préparait le triage et le choix de l’énorme approvisionnement de faits, de noms et de chiffres nécessaires à une œuvre qui prétendait ne pas copier autrui, mais créer sa propre information. » Parmi ces derniers, Schrader cite « l’éminent et modeste doyen des Reclus, Élie, puis ce travail fut collationné sur des fiches dont le nombre annuel se comptait par plusieurs milliers. Le rapprochement, la critique et la comparaison de ces fiches et des autorités sur lesquelles on pouvait fonder leur degré de valeur relative, se manifestait chaque année (et par cela) le Service cartographique de la Librairie Hachette mettait le monde de la Géographie au courant du dépouillement ainsi effectué. »

La construction de globes apparaît donc comme une pratique collective stablement incorporée dans le « système Reclus », comme en témoignent enfin les textes et les correspondances des deux derniers auteurs de cette anthologie. Perron, cartographe genevois de la Nouvelle Géographie universelle, et Paul Reclus, furent les deux premiers collaborateurs du projet de Grand Globe et de la réalisation des premiers reliefs (Suisse, Ecosse et Belgique) qui en devaient être les morceaux d’attaque. Si on connaît bien le Relief de la Suisse par Perron, qui en a été finalement le seul fragment effectivement réalisé et reconnu digne d’une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, moins connus sont les travaux de P. Reclus en Ecosse, où il s’était réfugié dans les années 1890, chez Patrick Geddes, suite aux persécutions anti-anarchistes en France. Ses écrits publiés ici, s’encadrant tous dans sa collaboration avec Geddes, nous permettent d’en avoir une idée, mais ce sont surtout les archives de ces deux auteurs, déposées à la Librairie nationale d’Ecosse à Édimbourg, qui nous permettent d’affirmer que les travaux de P. Reclus furent fondamentaux pour la construction d’entreprises geddésiennes comme l’Outlook Tower, conçue comme un musée géographique visant à l’éducation populaire. Si le relief au cent-millième de l’Ecosse ne vit jamais le jour, un relief d’Édimbourg à l’échelle uniforme de 1/4 000 par Paul Reclus était exposé dans l’Outlook Tower, ainsi que le Globe Creux, l’Épiscope et plusieurs globes et cartes de fabrication reclusienne. Rien d’étonnant donc si, quelques décennies après, Paul Reclus essaye de répliquer dans le Périgord une idée, celle de l’Outlook Tower, dont il avait la copaternité avec Geddes et avec ses aînées Reclus. Geddes, mort à Montpellier en 1932, continuera jusqu’au dernier jour à collaborer avec le plus jeune des Reclus et à l’encourager dans son projet qui, d’après sa dernière lettre connue à Paul, écrite en 1931, doit s’encadrer dans le même projet d’éducation populaire et laïque inauguré au siècle précèdent par Guillaume, Buisson, les Reclus et beaucoup d’autres. « Tout comme un village médiéval construisait son église, ou comme un village moderne a son école [le musée géographique] est aujourd’hui indispensable à chaque village. Une véritable avancée de ses ressources en civilisation ! L’association avec des écoles étant toujours possible, il conviendrait aussi d’y intégrer un jardin pédagogique ».

Lorsque Reclus, en parlant en 1903 à la Royal Geographical Society de Londres, propose l’interdiction des cartes bidimensionnelles dans l’éducation primaire, il n’établit pas seulement un passage épistémologique fondamental pour toute future géographie et cartographie critique portant sur le questionnement des représentations : il indique aussi une tâche sur laquelle encore aujourd’hui il a beaucoup de travail à faire.


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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 16 Jan 2017, 18:29

N’attendez rien du piège du vote, agissez, par Elisée Reclus

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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 27 Jan 2017, 12:08

L’ANARCHIE

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Dans ce discours, Élisée Reclus (1835-1905) revient sur l’origine ancienne des principes anarchistes. De tous temps il y eu des hommes unis qui collaborèrent à la naissance d’une société sans maîtres, sans conservateurs officiels de la morale publique, sans geôliers ni bourreaux, sans riches ni pauvres mais des frères ayant tous leur part quotidienne de pain et se maintenant en cordiale union, non par l’obéissance à des lois mais par le respect mutuel.

L’idéal d’une société pacifique est d’ailleurs un but commun à beaucoup d’hommes généreux, appartenant aux religions, sectes, partis les plus divers. Les anarchistes se distinguent par leur lutte contre tout pouvoir officiel, sachant pertinemment que comme l’a formulé le poète hindou du Mahâbhârata il y a 3 000 ans : « L’homme qui roule dans un char ne sera jamais l’ami de l’homme qui marche à pied ! »

La morale ancienne reposait sur la terreur, la crainte de Dieu. Les relations sociales s’articulent encore autour des rapports de supériorité et de subordination. La domination est imposée par une hiérarchie, obligeant chacun à s’incliner devant le supérieur et se redresser fièrement devant le subordonné.

La morale anarchiste n’est pas un ordre auquel on se soumet mais une partie de l’être. Il faut chercher âprement la vérité, trouver le devoir personnel, apprendre à se connaître, faire continuellement sa propre éducation, se conduire en respectant les droits et les intérêts des autres.

Cette conception est dans la logique de l’histoire, de l’évolution de l’humanité.

Les Dieux et leur morale, peu à peu s’évanouissent. La liberté de penser à fait de tout homme un anarchiste sans le savoir. Les illusions sont dissipées par l’observation et l’expérience du travail scientifique. Si elle fut tout d’abord aristocratique, elle s’étend désormais dans les profondeurs de la société. Déjà le respect des puissants se perd et la critique frondeuse gagne chaque jour du terrain. Le peuple ne croit plus à l’origine sainte de la propriété privée et n’ignore pas que l’enrichissement monstrueux est la conséquence d’un faux état social attribuant à l’un le produit du travail de milliers d’autres.

L’anarchie n’est pas un exercice intellectuel, un élément de dialectique, car il y a déjà eu, de tout temps, nombre de réalisations concrètes. Des expériences de colonies libertaires et communistes existent et dans la vie de tous les jours, la pratique anarchiste triomphe dans l’entraide spontanée entre voisins.

Élisée Reclus utilise la belle métaphore du capitaine d’un bateau que l’on pourrait croire « seul maître à bord » alors que matelots, chauffeurs et mécaniciens s’organisent sans son aide, les pilotes se succèdent, les cartes et la boussole dirigent réellement, de même que le chenal à l’entrée du port.

S’il est une société chimérique, c’est bien le pandémonium dans lequel nous vivons. Elle ne se défend pas par la raison mais par la schlague, le cachot et l’échafaud. Si des violences seront nécessaires, elles ne sont rien par rapport à celles imposées par les lois répressives et les politiques de haine.

On ne peut que fortement que conseiller la lecture de ce bref texte, d’une grande clarté. Son enthousiasme à penser que ses adversaires, incertains, abandonneront le monde, peut faire plaisir à entendre mais semblera naïf.

L’ANARCHIE
Élisée Reclus
58 pages – 2,60 euros
Éditions Mille et une nuits – Paris – janvier 2012
Discours prononcé en 1894 et paru pour la première fois dans la revue Les Temps nouveaux en mai et juin 1895.

http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... rchie.html
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 09 Avr 2017, 17:27

Paris mercredi 12 avril 2017

Présentation-débat : Élisée, avant les ruisseaux et les montagnes

Dans le cadre du festival Colères du présent, présentation-débat en présence de l’auteur, Thomas Giraud, dès 19h45 à la librairie Quilombo (23 rue Voltaire Paris 11e, m° Rue des Boulets)

En imaginant ce qu’ont pu être certains épisodes de la vie d’Elisée Reclus (1830-1905), avant qu’il ne devienne l’auteur d’Histoire d’un ruisseau et Histoire d’une montagne, ce premier roman nous met dans les pas d’un personnage atypique et toujours d’une étonnante modernité.

Image

https://paris-luttes.info/presentation- ... avant-7872
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 08 Juil 2017, 12:06

6-9 juillet 2017 Sainte-Foy-la-Grande.- Les Reclusiennes : "Le Bien commun".

Jeudi 6, Vendredi 7, Samedi 8 et Dimanche 9 juillet

Conférences, ateliers, débats, spectacles, films et expos sur
le Bien commun
à
Sainte-Foy-la-Grande,
44 Rue Alsace Loraine, 33220 Sainte-Foy-la-Grande, France.

Savons-nous ce qui nous est commun et ce qui nous est propre, ce que l’on partage et ce que l’on ne partage pas ?

Pouvons-nous tout mettre en commun ?

Pouvons-nous penser et agir pour vivre ensemble sur des territoires ?

En question, les espaces, les services publics et l’identité.

Jeudi 6, Vendredi 7, Samedi 8 et Dimanche 9 juillet

Conférences, ateliers, débats, spectacles, films et expos

sur le Bien commun à Sainte-Foy-la-Grande

"Dans l’exercice de ton activité, connais tes forces, dose-les, vois de quelle façon tu peux le mieux les mettre en œuvre pour le bien commun. Si tu agis surtout par la force de la pensée, fais penser les autres ! si tu vaux par la bonté, la tendresse, fais aimer les autres ; si tu es un homme d’action, agis avec les autres ou pour les autres."

Élisée Reclus-Correspondance, 1890-1905 - Bibliothèque Libertaire

Lettre à Henri Roorda van Eysinga. Paris, 13 décembre 1893.


Trois thématiques

1 - LE TERRITOIRE, FABRIQUE DE BIEN COMMUN

• L’urbanisme crée-t-il du bien commun par le lieu ?
Exemple : la Bastide, ville nouvelle.

o La communauté de vie sur un territoire suffit-elle pour créer un bien commun sur le territoire ? Exemple : squat, zad, communauté de Reclus, espaces co-construits, …

• Le bien commun est-il défini par sa co-construction, puis par sa co-gestion ?
Exemple : Jardins partagés, habitats participatifs, le 44 Maison Citoyenne.

• La propriété est-elle antinomique du bien commun ?
Exemple : Hameau Viel Audon, SCI La Citoyenne, Colonie agricole de Guyenne, …

2 - BIEN COMMUN, SPHÈRE PUBLIQUE ET ÉCONOMIQUE

• La sphère publique signifie-t-elle systématiquement un bien commun ?

o Le bien commun peut-il être géré par un opérateur privé
Exemple : services publics versus modèles économiques privés.

o Faut-il s’affranchir de l’Etat pour administrer le bien commun ?
Exemples : la Commune, la Sécurité Sociale, le CNR, le Mouvement des Sans Terre, …

• Nouvelles économies = nouvelles gouvernances = biens communs ?

o économies de la connaissance
Exemples : université libre, open sources, copy left, ….

o économie de la fonctionnalité et de la coopération
Exemple : Loos en Gohelle, …

o Gouvernance horizontale et gestion coopérative
Exemples : scop/scic, associations, …

3 - IDENTITÉ ET BIEN COMMUN

La culture comme bien commun permet-elle de créer une identité collective ?

• L’art exprime-t-il et est-il le bien commun ?
Exemples : graph, street art, land art, poésies, ….

• La religion considérée comme bien commun renvoie-t-elle vers un communautarisme ?
Exemples : la laïcité, Colonie agricole Guyenne, …

• Symboles nationaux confortent-ils la notion de bien commun et sont-ils un bien commun ?
Exemples : hymne, drapeaux, équipe nationale de sport, Miss France,



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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 23 Sep 2017, 21:15

Élisée Reclus, vivre entre égaux

La vie d’Élisée Reclus ne saurait s’entendre sans le siècle qui fut le sien, celui du grand basculement, de la pile électrique, de la locomotive, de la dynamite et du morse, ce siècle qui vit la France, pays agraire, s’industrialiser et se couvrir de machines ; siècle, donc, de la bourgeoisie triomphante et de l’organisation du mouvement ouvrier. Né un jour de mars 1830 en Gironde, au sein d’une famille ardemment protestante et sous l’égide d’un père pasteur, Reclus grandit sous la monarchie de Juillet, s’emballa pour la révolution ratée de 1848 puis participa à la Commune de Paris. Tour à tour — ou plutôt en même temps — voyageur, géographe, militant anarchiste et communiste, partisan végétarien de la cause animale, critique de la domination coloniale1, défenseur de « la liberté de [l]a femme » comme critère définitif de ce qu’est la tyrannie et précurseur écologiste, Reclus est l’homme de ce qu’il nommait la « lutte méthodique et sûre contre l’oppression ». Une boussole, en somme.

... https://www.revue-ballast.fr/elisee-rec ... tre-egaux/
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 02 Mai 2018, 12:38

Lettre écrite à l’occasion de l’ouverture d’un congrès anarchiste à Barcelone

Chers camarades,

Nous avons en général l’habitude d’exagérer aussi bien notre force que notre faiblesse : ainsi, pendant les époques révolutionnaires, il nous semble que le moindre de nos actes doive avoir des conséquences incalculables, et, en revanche, dans certains moments de marasme, toute notre vie, bien que consacrée entièrement au travail, nous paraît inféconde et inutile, et nous nous croyons même emportés par un vent de réaction.

Que faut-il donc faire pour nous maintenir en état de vigueur intellectuelle, d’activité morale et de foi dans le bon combat ?

Vous vous adressez à moi parce que vous comptez sur mon expérience des hommes et des choses. Eh bien, en ma qualité de vieillard, je m’adresse aux jeunes et leur dis :

Point de querelles ni de personnalités. Écoutez les arguments contraires après avoir exposé les vôtres ; sachez vous taire et réfléchir ; n’essayez pas d’avoir raison au détriment de votre sincérité.

Étudiez avec discernement et persévérance. L’enthousiasme et le dévouement, même jusqu’à la mort, ne sont l’unique moyen de servir sa cause. Il est facile de donner sa vie, pas toujours facile de nous conduire, en sorte que notre vie serve d’enseignement. Le révolutionnaire conscient n’est pas seulement un homme de sentiment, il est aussi un homme de raison dont tous les efforts en vue de plus de justice et de solidarité s’appuient sur des connaissances exactes et synthétiques d’histoire, de sociologie, de biologie, qui peut, pour ainsi dire, incorporer ses idées personnelles dans l’ensemble générique des sciences humaines et affronter la lutte, soutenu par l’immense force qu’il puisera dans ces connaissances.

Évitez les spécialisations ; n’appartenez ni aux patries ni aux partis, ne soyez ni Russe, ni Polonais, ni Slave ; soyez des hommes avides de vérité, dégagés de toute pensée d’intérêt, et toute idée de spéculation vis-à-vis de Chinois, Africains ou Européens : le patriote en arrive à détester l’étranger, à perdre le sentiment de justice qui illuminait son premier enthousiasme.

Ni patron, ni chef, ni apôtre au langage considéré comme parole d’Évangile ; fuyez les idoles et ne cherchez que la seule vérité dans les discours de l’ami le plus cher, du plus savant professeur. Si, l’ayant entendu, vous conservez quelque doute, descendez dans votre conscience et recommencez l’examen pour juger en dernier ressort.

Donc repousser toute autorité, mais s’astreindre au respect profond d’une conviction sincère, vivre sa propre vie, mais reconnaître à chacun l’entière liberté de vivre la sienne.

Si vous vous lancez dans la mêlée pour vous sacrifier en défendant les humiliés et les offensés, c’est bien, compagnons, affrontez noblement la mort. Si vous préférez le lent et patient labeur en vue d’un meilleur avenir, c’est mieux encore, faites-en l’objectif de chacun des instants d’une vie généreuse. Mais si vous choisissez de rester pauvres parmi les pauvres, en complète solidarité avec ceux qui souffrent, que votre existence s’irradie en lumière bienfaisante, en parfait exemple, en fécond enseignement ! »

Salut, camarades.

Élisée Reclus


http://www.socialisme-libertaire.fr/201 ... elone.html
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 26 Sep 2018, 06:47

"Elysée Reclus et la passion du monde" de Nicolas Eprendre

Projection et causerie

Marseille jeudi 27 septembre 2018
19h La Dar Lamifa, 127 rue d’Aubagne

par le groupe Germinal de la Fédération Anarchiste

https://www.facebook.com/events/237358823620046/
contacts : groupe-germinal chez riseup.net
contact chez darlamifa.org

http://www.millebabords.org/spip.php?article32073
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Re: ELISEE RECLUS, LA PASSION DU MONDE

Messagede bipbip » 23 Déc 2018, 19:09

Élisée Reclus, précurseur de l'écologie

La Cop 24 nous donne l'occasion de nous questionner sur la naissance des idées liées à l'écologie. Il se dit "légumiste" (l'ancêtre du vegan) et oppose au "progrès" les "regrès", soit ses conséquences environnementales. Découvrez la pensée écologiste d'Elisée Reclus, géographe anarchiste.

"L’homme doit vivre en harmonie avec la nature", si personne ne remettrait en cause cette observation aujourd’hui, elle est formulée dès 1858 par Élisée Reclus, géographe, militant anarchiste, auteur libertaire.

Il naît en Gironde en 1830 dans une famille nombreuse protestante. Séduit par les idéaux socialistes, il abandonne rapidement ses études de théologie. Il se forme à la géographie moderne à Berlin avec les cours de Carl Ritter, fondateur de cette discipline.
Le territoire américain

Après le coup d’État de Napoléon III, il quitte l’Europe pour le continent américain et découvre la Louisiane esclavagiste. Il fait alors de longues observations sur l’activité humaine le long du Mississippi et se montre très critique sur l’aménagement des zones sauvages. Il prédit des catastrophes si le drainage des zones humide se poursuit ainsi :

“campagnes, villes, populations seraient emportées et vomies dans la mer du Mexique”

De retour en France, il publie plusieurs ouvrages de géographie humaine grâce à ses notes de voyage. Son approche de la géographie est révolutionnaire. Il considère que l’homme et son milieu s’influencent mutuellement et ne peuvent être étudiés l’un sans l’autre :

“une harmonie secrète s’établit entre la Terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir”.

Pour lui, l’homme doit trouver sa place dans la nature, sans la bouleverser :

“notre liberté, dans nos rapports avec la Terre, consiste à en reconnaître les lois pour y conformer notre existence”.

La révolution industrielle

Témoin de la révolution industrielle, il a fois en le progrès mais s’en méfie. Pour lui, le progrès, s’accompagne de “regrès”, notamment des conséquences environnementales. Il ne s’oppose pourtant pas aux grands aménagements du territoire à condition qu’ils répondent à des critères moraux et sociaux :

“c’est aux hommes de compléter l’œuvre de la nature en imitant dans leurs travaux quelques-uns des moyens qu’elle emploie”

Il est aussi très sensible à la dimension esthétique de la nature et redoute l’uniformisation paysagère :

“là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent".

Ses préoccupations de développement durable sont indissociables de ces idéaux libertaires et anarchistes qui lui valent, avec sa participation à l’insurrection de la Commune, d’être mis au ban du monde universitaire.

Élisée Reclus est également un végétarien convaincu, il se définit comme “légumiste”.

vidéo : https://www.franceculture.fr/geographie ... 1545024453
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