Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 09 Mar 2017, 14:15

Rezé (44) jeudi 9 mars 2017

Proj Radio Lorraine Cœur d’Acier-La parole libérée au Canon à Pat

Le Canon ad hoc est un nouveau collectif qui vient de voir le jour à Rezé (44). Il s’inscrit dans le cadre de l’éducation populaire et se propose de promouvoir le cinéma documentaire, de s’en saisir pour enrichir des débats politiques et sociaux. Les projections-débats auront lieu à 20h30 au *Canon à Pat, au 51 rue Alsace Lorraine, quartier Pont Rousseau à Rezé. * *Contact : **lecanonadhoc@gmail.com*

Radio Lorraine Cœur d’Acier-La parole libérée sera le premier film à y être diffusé le jeudi 9 mars à 20h30. Réalisé en 2009 par Isabelle CADIERE, ce documentaire nous retrace l’"épopée" d’une radio pirate fondée en mars 1979 à Longwy par la CGT, en lien avec les luttes des salariés de la sidérurgie, alors en pleine "restructuration" pour ne pas dire liquidation... Cette radio animée par des professionnels s’est toutefois singularisée par son esprit d’ouverture, puisqu’au-delà des syndicats, elle donna aussi la parole à tous ceux (extrême-droite mise à part) qui souhaitaient intervenir : ouvriers, militants, femmes au foyer... Elle ne fut plus « la voix de la CGT » mais la voix des classes populaires, car les« sans-voix » osent prendre la parole et se dévoiler, parlant sans tabou de leurs conditions de vie et de travail, de sexisme, de sexualité, de culture, de racisme... Au sein de l’appareil confédéral CGT, certains jugent que Lorraine Coeur d’acier va trop loin, qu’elle devrait se contenter d’être la voix du syndicat au lieu d’être un espace de libre parole, « incontrôlable » par nature. À l’été 1980, le sort en est jeté : la CGT lui coupe les vivres, condamnant Lorraine Coeur-d’acier à cesser d’émettre... A l’issue de la diffusion, un débat sera organisé autour de la relation des médias avec les classes populaires. Entrée libre et gratuite."

http://zad.nadir.org/spip.php?article4364
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Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 04 Avr 2017, 11:11

A Saint-Claude, la mémoire toujours vivante de la Maison du peuple

La Maison du peuple de Saint-Claude est l’un des derniers témoins bâtis de l’histoire du mouvement ouvrier dans le Jura. Dévolue aujourd’hui à l’animation culturelle, elle conserve une dimension patrimoniale forte pour perpétuer la mémoire de son action coopérative au service des syndicalistes, mutualistes, coopérateurs et autres animateurs du combat ouvrier. Elle pérennise dans ces murs l’action d’éducation populaire portée autrefois par les maisons du peuple et les bourses du travail.

Son histoire est indissociable de celle de la coopérative La Fraternelle. Celle-ci s’inscrit en droite lignée d’un cercle ouvrier fondé à la fin des années 1870, transformé en coopérative d’alimentation en 1881. Ses statuts rédigés en grande partie par le socialiste Henri Ponard la distinguent, ses ambitions surpassent largement les contours de la simple coopérative ouvrière et visent à l’émancipation des travailleurs. Ils portent à l’époque des pratiques d’auto-organisation révolutionnaires : ils prévoient ainsi que les bénéfices générés par la vente des produits seront intégralement reversés à une caisse sociale permettant la mise en place de services de prévoyance, de secours, de retraite et d’entraide avec les autres coopératives. Ces caisses de solidarité, préfigurations de la Sécurité sociale mise en place quelque cinquante ans plus tard visent également à abonder un fonds de mécénat culturel et sportif au service de l’éducation populaire.

Les coopérateurs s’inspirent des Vooruit –les maisons du peuple belges nées à Gand et à Bruxelles– et acquièrent un bâtiment au cœur de la ville de Saint-Claude qui accueille les boutiques et les foudres de vin des coopérateurs. Mais l’ambition est autre, et bientôt les locaux sont agrandis. En 1910, Jean Jaurès vient inaugurer la Maison du peuple, « bâtie pour le socialisme de demain ». Forte de ce parrainage de prestige, elle accueille sur 4000 m2 une épicerie, une boucherie, une charcuterie, des fours, des caves à vin et à fromage,… En parallèle de cette activité commerciale qui permet à la coopérative une solide indépendance financière, s’établit un projet social d’envergure : elle accueille au fil du temps une bourse du travail, un théâtre, un cinéma, une bibliothèque, l’unique salle de sport de la ville et crée la première pouponnière qui permettra de faire chuter de manière spectaculaire la mortalité infantile. En 1908, une pharmacie mutualiste y voit le jour. Elle se dote également d’une imprimerie qui passe sous presse le Jura Socialiste, un hebdomadaire régional dont il est possible de consulter les exemplaires sur le site Gallica. La Maison abrite en plus du siège du Parti socialiste local l’ensemble des organisations ouvrières jurassiennes.

L’activité économique s’avère florissante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De nombreux membres de la Fraternelle seront alors déportés payant leur implication dans la Résistance. La Maison ravitaille les habitants et les maquisards, édite des tracts et journaux clandestins. Certains de ces membres sont actifs dans l’organisation d’une partie des maquis du Haut-Jura et de l’Ain.

Elle connaîtra ensuite un long déclin de ses activités, entre 1975 et 1985. Avec l’avènement de la grande distribution, la plupart des coopératives doivent mettre la clef sous la porte. Les années 1980 voient la fin d’une utopie. En 1984 les administrateurs des coopérateurs du Jura contraints à la fusion créent une association, La Fraternelle, à laquelle ils confèrent la propriété de la maison et la mission de « perpétuer le souvenir de l’action » et d’«assurer la pérennité et la continuation» de cette action, surtout dans le domaine de l’«éducation populaire».

... http://www.autogestion.asso.fr/?p=6581#more-6581
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Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 11 Mai 2017, 21:52

Angers vendredi 12 mai 2017

Education populaire : Ciné le crime de Mr Lange / débat les coopératives ouvrières

à 20h30, à l'étincelle, 26 rue Maillé, 49000, Angers

Educ' pop' : Soirée Ciné - débat autour du film de Jean Renoir, le crime de Mr Lange (1935) et des coopératives ouvrières. Sound System Rudy's Back.

Entrée Prix libre en soutien aux victimes de la répression du mouvement social.

https://nantes.indymedia.org/events/37678
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Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 07 Oct 2017, 13:59

Pierre Besnard. – Les Bourses du Travail

L’Encyclopédie anarchiste est un ouvrage monumental de 2893 pages en quatre tomes dont Sébastien Faure entreprit la rédaction et qui fut publié entre 1925 et 1934 en fascicules. Il fut initialement prévu de publier cinq volumes mais seul le premier parut – en quatre tomes.

Organismes de propagande et d’action faisant œuvre de résistance et d’éducation dans la société actuelle, les Bourses du Travail, qui devront se multiplier rapidement en période révolutionnaire, sont appelées à former les bases de la société nouvelle. Elles seront, par destination, les organes de l’organisation du travail, de la répartition des matières premières et des produits fabriqués, de l’échange entre les localités voisines. C’est dans leur sein, par le canal des représentants directs et contrôlés des travailleurs de tous les métiers, de toutes les industries que s’élaboreront les conditions de la vie urbaine, que se traiteront toutes les questions relatives à l’habitation, aux œuvres sociales, à l’enseignement, à tous les degrés. C’est sous la direction générale de la Bourse du Travail que travailleront de façon harmonique les Syndicats ; de même que c’est sous le contrôle et l’impulsion de ceux-ci que se coordonnera l’organisation de la production par les conseils d’usine et les Comités d’ateliers.

doc PDF : http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Besnar ... ravail.pdf
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Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 15 Oct 2017, 14:44

Quatrième congrès de la Fédération Nationale des Bourses du Travail, Nîmes, le 11 juin 1895

Rapport du Comité fédéral sur la demande de révision de l’article 5 des Statuts

Camarades,

Avant d’entrer dans le débat soulevé par la proposition de révision de l’article 5 des statuts, votre Comité fédéral, à qui une expérience de plusieurs années permet d’exposer les avantages de sa résidence à Paris et que les renseignements connus de vous tous ont éclairé sur les difficultés que soulève, pour d’autres organisations leur fixation en province et surtout leur déplacement annuel, votre Comité fédéral, disons-nous, croit nécessaire de déclarer que sa composition même met à l’abri de toute suspicion la sincérité des arguments qu’il se propose de présenter contre la proposition. Des vingt-trois délégués chargés de l’administrer, deux seulement exercent leur mandat depuis le Congrès de Saint-Etienne. Ce sont les représentants des Bourses du Travail de Montpellier et de Saint-Girons. Et la confiance qui leur est témoignée démontre irréfutablement qu’ils ont toujours rempli leur mission à la satisfaction de leurs commettants. Des autres membres du Comité fédéral, deux sont délégués depuis plus d’un an, l’un par la Bourse du Travail de Lyon ; l’autre, par celle de Saint-Nazaire ; les dix-neuf derniers ont des mandats récents, dont le plus ancien n’excède pas six mois.

doc word : http://monde-nouveau.net/IMG/doc/rappor ... ederal.doc

http://monde-nouveau.net/spip.php?article575
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Re: Histoire des Bourses du Travail et éducation populaire

Messagede bipbip » 13 Mai 2018, 22:21

Saint-Étienne

Bourse du travail : la belle endormie

C’est l’un des bâtiments les plus emblématiques de la ville. Situé en plein centre, il est désormais visité par une minorité de Stéphanois : les militants des syndicats présents dans ce lieu. Pourtant, la création d’une Bourse du travail à Saint-Étienne a été l’objet d’intenses mobilisations, et ce « palais du peuple » a connu des heures fastes, certaines historiques. Nous avons rencontré et lu Jean-Michel Stein, président du Groupe de Recherches et d’Études sur les Mémoires du Monde Ouvrier Stéphanois [Gremmos], spécialiste de l’histoire de cette Bourse. Nous avons ainsi pu revisiter sa richesse et nous interroger sur les enseignements que nous pourrions en tirer aujourd’hui.

Tout commence dans les années qui suivent la Commune de Paris en 1871 : l’écrasement de celle-ci (notamment pendant la « semaine sanglante » : 6 000 à 7 500 morts selon Robert Tombs [1], et plus de 4 000 déportés) décime le mouvement ouvrier. La Commune de Saint-Étienne [2] (quatre jours en mars 1871) connaîtra aussi son lot d’arrestations et de déportés.
Dès 1879, des militants ouvriers investissent le terrain politique en créant la Fédération du parti des travailleurs socialistes lors d’un congrès réunissant des délégués de syndicats (encore illégaux) et de coopératives. Ce parti ouvrier regroupe alors des « possibilistes » [3], des guesdistes (marxistes), des révolutionnaires, des anarchistes. Ces courants peuvent correspondre à des professions spécifiques (par exemple, les passementiers sont plutôt possibilistes). Leur cohabitation n’est pas sans heurts, mais tous veulent lutter contre la société capitaliste et projettent une société future débarrassée de l’esclavage salarial.
Cependant, en 1881, le courant blanquiste d’Édouard Vaillant quitte cette fédération et fonde le Comité révolutionnaire central. En 1882 au Congrès de Saint-Étienne, les « possibilistes » prennent le parti. Ils seront rejoints par d’anciens communards (Jules Vallès, Benoît Malon, Prosper-Olivier Lissagaray), puis par des parlementaires — comme Jean Jaurès — qui défendent des réformes dans le cadre politique existant. Les minoritaires guesdistes créent à Roanne le Parti ouvrier français, d’inspiration marxiste. À partir de 1881, les anarchistes s’engagent dans la « propagande par le fait », qui vise à sortir du terrain légal pour passer à des actions de révolte incluant le boycott, le sabotage, voire des actes de guérilla (attentats, etc.). Cette stratégie fortement réprimée est cependant abandonnée progressivement, et les militants anarchistes investissent le terrain syndical à partir de 1895.
Par ailleurs, les syndicats sont tolérés à partir de 1879, puis légalisés par la loi Waldeck-Rousseau en 1884. Les premiers syndicats qui apparaissent n’ont alors qu’une existence locale. Pour leurs militants, c’est le syndicat qui — par ses luttes — créera les conditions d’une nouvelle société. Ils sont très hostiles à tout compromis avec l’État. On discute souvent à l’échelle d’une ville, et de l’entreprise quand c’est possible, mais il n’y a pas alors de vision d’un syndicalisme centralisé. Il existe cependant une volonté internationaliste.
À Saint-Étienne, les acteurs locaux sont en prise directe avec ces débats nationaux auxquels ils participent et qu’ils hébergent volontiers (par le biais de congrès notamment). Ainsi, Jules Ledin sera un des initiateurs de la première Bourse du travail stéphanoise (il ira étudier celle qui se crée à Paris), puis de la deuxième en tant que maire. Il est, au départ, un syndicaliste organisateur de la longue grève des passementiers, de décembre 1899 à mars 1900. C’est un patron passementier qui, comme les patrons canuts à Lyon, est en butte à des donneurs d’ordre notamment sur la question des « tarifs ». Il adhérera au courant possibiliste du parti ouvrier, et deviendra maire de Saint-Étienne de 1900 à 1906. Il rejoindra Aristide Briand, député de Saint-Étienne à partir de 1902, socialiste propagandiste de la grève générale mais qui bascule dans le réformisme en créant la Fédération socialiste indépendante [4].

La création d’une Bourse du travail à Saint-Étienne

C’est dans ce bouillonnement politique et syndical que naît ce projet. Lors de la campagne municipale de mai 1888, la liste radicale-socialiste (menée par Émile Girodet, qui deviendra le nouveau maire) a besoin du soutien de celle du parti ouvrier. Le principe de la création d’une Bourse du travail est intégré au programme des vainqueurs.
Elle sera créée dès juillet 1888, la 4e de France après Paris (en 1886), Nîmes et Marseille (en 1887). Elle est alors implantée place Marengo (aujourd’hui Jean Jaurès), dans les anciens locaux de la Banque de France (sur l’emplacement actuel du restaurant italien Di Voglia). Lors de son inauguration, 4000 personnes défilent depuis Bellevue, tandis que sonnent les cloches des églises. Cependant, son acceptation par l’État et les politiques locaux est fluctuante : lors du 1er mai 1890 (le premier à être internationalisé), la Bourse est carrément fermée et occupée par la troupe. Louise Michel, qui avait participé à des réunions les jours précédents à Saint-Étienne, Firminy et Saint-Chamond pour inciter aux manifestations et à la grève générale, fait l’objet d’un mandat d’amener. Elle sera finalement arrêtée à Paris.
Le dynamisme de ces Bourses les amène à se regrouper nationalement en 1892, lors d’un Congrès à la Bourse de Saint-Étienne. En effet, cette structuration à l’échelle d’une ville paraît plus adaptée au développement du mouvement ouvrier que dans le cadre des entreprises très éclatées pratiquant une répression sans failles à l’égard de ceux qui voudraient contester. Cependant, l’intégration verticale des syndicats progresse après la création à Lyon dès 1886 d’une fédération nationale. Celle-ci fusionne avec celle des Bourses du travail en 1895 pour créer la Confédération Générale du Travail (CGT).
Cette CGT, seule organisation syndicale nationale en France jusqu’en 1919, abrite en son sein différents courants, les mêmes que ceux qui se sont séparés sur le plan politique. Mais des combats communs les rassemblent : autour des 1er mai, utilisés comme expression du rapport de force avec le patronat et l’État ; de la réduction du temps de travail (journée de 8 heures) entre la fin des années 1890 et 1906 ; contre la guerre et la militarisation pendant les 10 années qui précèdent la guerre de 14-18.
Cette première Bourse apparaît rapidement trop exiguë, d’autant que le nouveau maire — Ledin — veut y adjoindre les mutuelles. Une deuxième est donc projetée sur le cours Victor Hugo dès 1901. Elle sera inaugurée à trois reprises : d’abord la salle des conférences lors d’un congrès du Parti socialiste en 1904 (en présence de Jean Jaurès, Jules Guesde, Aristide Briand), puis l’aile syndicale en 1906, enfin celle des sociétés mutualistes en 1907. Le bâtiment, au départ conçu pour accueillir des spectacles lyriques (dans la salle des conférences, aujourd’hui très délabrée), est d’architecture plutôt bourgeoise et ne s’affiche pas « Bourse du travail », suite à des divergences entre les élus locaux. Plusieurs éléments de ce bâtiment ont fait l’objet d’une inscription aux monuments historiques en 2002 : façade et toiture, le péristyle, la salle Sacco et Vanzetti et la salle des fêtes.
La devise inscrite à son fronton, « Liberté-Égalité-Solidarité-Justice », et des blasons « Droit-Travail-Solidarité-Force » sur les pavillons latéraux permettent son identification :
– le Droit renvoie à la soif de justice, à l’espérance dans le développement d’une législation qui réglemente les relations sociales et les libère du credo libéral —« laisser-faire, laisser-passer » —, masque de la loi du plus fort.
– Le Travail représente à la fois la dimension première du mot —le labeur — et la « communauté » des travailleurs.
– La Solidarité évoque la construction consciente de cette communauté, devenant classe pour parvenir à sa libération. Le bonnet phrygien qui surmonte l’ensemble renvoie à l’émancipation des esclaves antiques et appelle celle des salariés, esclaves modernes.
– La solidarité, grâce à l’action militante, brise les divisions et génère l’union, qui seule doit permettre au prolétariat de faire sentir sa Force pour parvenir à ses fins.

De multiples fonctions

Des locaux pour les syndicalistes

Avant, ceux-ci se réunissaient dans les bois du Rond-Point pour éviter la répression par la police. Il existait cependant un cirque en bois (angle rue de la République et rue du Jeu de l’arc) pour des réunions publiques.
La Bourse va servir de soutien logistique (juridique et matériel) à la création de nouveaux syndicats (l’Union Départementale CGT ne sera créée qu’en 1911), de centre de rassemblement des ouvriers pendant les grèves, pour des meetings (le balcon donnant sur le cours Victor Hugo a pendant longtemps servi aux orateurs lors des manifestations).

Une Bourse d’emploi

Auparavant, des officines privées (souvent tenues par des gérants de bistrots dans leur arrière-salle) servaient de bureau de placement. Il y avait beaucoup d’abus : il fallait payer pour accéder aux informations, un travail pouvait n’être donné qu’au moment où le demandeur était « à sec », donc incapable de refuser des conditions léonines. Les femmes pouvaient y subir des abus sexuels, voire être conduites par ce biais vers la prostitution. La Bourse est alors conçue, sur le modèle des Bourses de valeurs, comme un lieu d’échange entre offres et demandes d’emploi mais contrôlé par les travailleurs et leurs représentants. À Saint-Étienne, son succès fut cependant relatif car elle était contestée par les patrons : vers 1900, la moyenne était de 180 placements par mois, alors qu’à Marseille pour l’année 1895, 21 000 ouvriers sont placés, dont la moitié « à demeure ». À Saint-Étienne, cette activité cessera définitivement suite à la création en 1967 de l’ANPE, ancêtre de Pôle Emploi… et au retour des officines privées, désormais souvent multinationales.

Le lieu d’implantation des mutuelles

Légalisées depuis 1852, celles-ci visent à protéger leurs adhérents contre les risques de perte d’emploi ou d’accident du travail. Saint-Étienne peut d’ailleurs être considérée comme le berceau du mutualisme en France, la première y étant créée dès 1819. À la veille de la guerre de 14-18, dans la Loire on comptait plus de 20 000 adhérents, 110 000 en 1935. Ce système de protection sociale par entreprise ou branche fut le seul jusqu’à la création de la Sécurité Sociale en 1946. Les mutuelles resteront dans les locaux de la Bourse (dans l’aile sud) jusqu’en 1954, date de leur transfert dans l’actuel bâtiment de la Comédie. À leur place, le maire de l’époque imposera l’arrivée d’autres organisations syndicales (CFTC, CGT-FO, CFE-CGC, FEN, CNT), la CGT occupant seule l’aile nord.

Des cours professionnels

Ils étaient destinés à renforcer la compétence des ouvriers face aux employeurs et donc à peser davantage. À l’inverse, certains craignaient que ces cours fassent des ouvriers moins revendicatifs. Les formateurs étaient d’autres ouvriers. Malgré leur succès, ces cours s’arrêteront dès 1912 par décision du maire conservateur. Mais à Marseille par exemple, le Centre de Formation de la Bourse du Travail fonctionne encore comme Centre de formation d’apprentis.

Un lieu favorisant l’accès à la culture et aux sports

– La bibliothèque faisait une large place aux livres consacrés aux métiers de la cité, mais aussi à des ouvrages d’histoire politique, des journaux, des livres engagés, antimilitaristes ou anticolonialistes. Il semble que le fonds existe toujours.
– En 1920 fut créée en son sein une Université populaire à laquelle seront rattachées différentes sections artistiques. C’est elle qui prendra l’initiative de manifestations culturelles, notamment dans la grande salle des conférences (un théâtre à l’italienne d’environ 2600 places). Elle accueillera des pièces de théâtre, des opéras et opérettes, des films et documentaires le plus souvent militants. Cette salle fut aussi, de 1890 à 1940, un des principaux centres de la chanson stéphanoise révolutionnaire. S’y dérouleront dans les années 50 et 60 des matchs de boxe et de catch. Elle reste occasionnellement utilisée, par exemple ce mois de juin 2017 pour un concert en hommage à Georges Perec (classique et lyrique).
– Par ailleurs, la salle Sacco et Vanzetti (au rez-de-chaussée), auparavant ouverte et destination naturelle des meetings, est aujourd‘hui encore utilisée pour des expositions, des salons…

Un dispensaire

Il y trouve place à partir de 1911. Son activité ralentit pendant la guerre de 14-18 (ses médecins sont mobilisés), et après-guerre une partie de son activité sera intégrée à la Fédération des mutilés du travail (créée à Saint-Étienne en 1921, devenue la FNATH [5]). Son but était de pratiquer des soins gratuits aux victimes d’accidents du travail (à une époque où la Sécurité sociale n’existait pas), et de les aider juridiquement. Mais il est aussi intervenu pour des actions de prévention, pour des formations sur la limitation des naissances.

Après 1914

La division syndicale (création de la CFTC en 1919, de la CGTU en 1922) mais aussi le poids croissant du niveau national dans l’activité des syndicats vont progressivement limiter l’influence de la Bourse sur le terrain social et la politique locale. Certes, c’est à Saint-Étienne qu’est créée la CGTU (Confédération Générale des Travailleurs Unitaires) par les minoritaires de la CGT (exclus en 1921). Face à une majorité adepte de « l’accompagnement ministériel », les minoritaires se prononcent pour un renforcement des luttes. Beaucoup sont proches du Parti Communiste Français (créé au congrès de Tours, 1920), mais d’autres sont syndicalistes révolutionnaires (ils quitteront la confédération en 1925, refusant la subordination du syndicat au PCF, pour créer la CGT-SR), anarchistes… Les CGT et CGTU seront réunifiées en 1936. Une nouvelle scission intervient, en 1947, avec la création de la CGT-FO (Force ouvrière) par les minoritaires « réformistes ». À cette occasion, certaines fédérations (dont la FEN : Fédération de l’éducation nationale, ancêtre des FSU et UNSA, nées en 1993) deviennent autonomes.
La Bourse redevient occasionnellement un pôle d’attraction lors d’actions massives : en soutien à Sacco et Vanzetti [6] au début des années 1920, pendant la guerre d’Espagne, lors de la grande grève des mineurs en 1948, pendant mai 1968... Avec aussi la venue de figures nationales : Léon Blum en 1932, Albert Camus, qui y lance un appel à l’union des ouvriers et des intellectuels en 1953. Mais la désindustrialisation stéphanoise la touche de plein fouet, en la privant du contact privilégié avec les bastions ouvriers locaux. Elle est aujourd’hui essentiellement une « maison des syndicats », mais elle a partiellement perdu sa fonction d’animation du mouvement social, même si les manifestations démarrent toujours devant sa façade.

{Pour que la Bourse redevienne un centre de vie démocratique}

Sur le plan politique, les deux courants dominants — communisme et social-démocratie —, qui ont évincé les autres à gauche depuis la fin de la guerre 14-18, s’effondrent depuis 30 ans. Plutôt que concurrents, ils étaient complémentaires : la social-démocratie n’a pu obtenir des aménagements au système capitaliste que par la crainte d’un basculement dans le communisme. L’effondrement du système soviétique l’a du coup rendue inopérante.
Ces deux courants ont mis en avant un État fort qui devait protéger le peuple et gérer en son nom la plupart des dispositifs sociaux. Or les différents courants socialisants, anarchistes, qu’ils ont marginalisés après 1914 prônaient, eux, plutôt l’auto-organisation des travailleurs. L’utopie qui a présidé à la création des Bourses du travail (il y en avait 86 en France en 1902 !) relevait de cette vision : principe du financement par l’impôt (municipal) mais gestion par des commissions expressions des travailleurs. On l’a vu plus haut, ce dispositif a permis beaucoup d’innovations sociales utiles car directement en lien avec les besoins de la population.
Par ailleurs, la structuration verticale du syndicalisme (fédérations, confédérations nationales) qui s’est imposée au début du XXe siècle avec la création de la CGT était adaptée à des négociations sociales nationales avec l’État ou avec des branches patronales. Ces dernières veulent désormais favoriser le terrain des entreprises (loi El Khomri et les futures ordonnances Macron ?). Mais il faut aussi constater que des travailleurs précarisés qui vont changer d’employeurs plus souvent ne sont plus prêts à se mobiliser pour des gains (ou moins de pertes) qu’ils ne connaîtront plus dans leurs prochains emplois.
Ce sont bien des droits transversaux qu’il faudrait conquérir, plutôt que ceux attachés à une entreprise ou à une branche. Sans renoncer aux regroupements nationaux, n’est-il pas temps de favoriser le terrain local et les actions collectives interbranches ? Tout cela nécessite une réactivation de débats locaux, au plus près de revendications concrètes et d’actions en prise avec les moyens disponibles sur place, ce qui était valorisé dans l’expérience des Bourses du travail à la fin du XIXe siècle.
L’outil est aussi à défendre : en 2015, les élus du Front National au conseil municipal de Saint-Étienne [1] avaient contesté l’utilité de cette Bourse et prôné la réaffectation de ses locaux à un autre usage. L’adjoint au maire LR était intervenu mollement en disant que ce n’était pas —encore — à l’ordre du jour, et en soulignant le coût des travaux d’une réfection lourde (qui permettrait de récupérer l’usage de certains équipements, dont la salle des conférences). Or ceux-ci ont été estimés à 10 millions d’euros (à comparer aux 90 millions de la réfection du stade Geoffroy Guichard).
Défendre la Bourse au service des travailleurs, oui bien sûr, mais à cette occasion ne faut-il pas revisiter son utilisation à la lumière de son histoire ?


[1] « Commentaire sur Robert Tomb », par Quentin Deluermoz, Université Paris 13, 2011 (http://www.h-france.net/Salon/Salonvol3no2.pdf)

[2] Marcel Sapey, La Commune à Saint-Étienne, Bulletin du Vieux Saint-Étienne, 1993 (http://www.emse.fr/AVSE/commse.htm) ou Jean-Pierre Vidal, La Commune de 1871 à Saint-Étienne, 1970 (http://bcpl.ish-lyon.cnrs.fr/1971_N_3/5LA_COMMU.PDF)

[3] « Possibilistes » : socialistes modérés de tradition proudhonienne qui militent pour des améliorations quotidiennes « possibles » plutôt que pour une société idéale

[4] Fédération socialiste indépendante : ce courant politique, auquel appartiendront plusieurs maires de la ville, durera localement jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et au-delà avec Alexandre de Fraissinette, maire de 1947 à 1964.

[5] Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés : son siège national est toujours à Saint-Étienne, rue des Alliés.

[6] Au début des années 1920 aux États-Unis, les anarchistes d’origine italienne Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti sont condamnés à mort et exécutés car accusés de meurtres suite à un braquage. Leurs procès, très controversés, feront l’objet d’une contestation internationale très importante. Ils seront réhabilités par le gouverneur du Massachusetts en 1977.


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