Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale ...

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Messagede bipbip » 21 Mai 2018, 17:18

Table ronde « L'affaire Audin »

L'affaire Audin, emblématique des pratiques de l'armée française pendant la « bataille d'Alger » en 1957

Table ronde organisée par l'Association Maurice Audin

Paris mardi 22 mai 2018
à 17h45, Auditorium de l'Hôtel de Ville, 5 rue Lobau, Paris 4e

avec
• Gilles Manceron,
• Sylvie Thénault : Armée et pouvoirs spéciaux à Alger, 1957.
• Fabrice Riceputi : Les enlèvements suivis de disparition durant la « Bataille d'Alger ».
• Pierre-Jean Le Foll-Luciani : La répression contre les communistes en Algérie de 1955 à 1957.

http://histoirecoloniale.net/L-Associat ... Paris.html
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Messagede bipbip » 17 Juil 2018, 15:06

La colonisation française des campagnes algériennes de 1830 à 1954

Quelles formes la colonisation a-t-elle prises dans les campagnes algériennes ? Comment est-on passé d'une société où la petite propriété foncière occupe une grande partie du territoire à la grande propriété de type capitaliste ? Quelles conséquences économiques, sociales et démographiques la colonisation a-t-elle eues sur la population algérienne ?

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Messagede bipbip » 28 Aoû 2018, 18:09

Port-La Nouvelle Il y a 60 ans, le FLN embrasait les dépôts pétroliers… Gilbert Farinelli raconte la nuit rouge

Entre le 25 août et le 1er septembre 1958, en plein cœur de la campagne pour le référendum visant à adopter l’actuelle constitution française, le FLN (Front de libération nationale algérien), décidait de transporter le conflit sur le sol français, via les militants de la fédération française du FLN. La lutte, de l’autre côté de la Méditerranée, durait déjà depuis 4 ans.

Cette série d’attentats fut l’un des déclencheurs du durcissement du conflit en Afrique du Nord.

Au cours de la seule nuit et journée du 25 août, tandis que le ministère de l’Intérieur et celui de l’Information s’efforçaient de maîtriser les médias quant aux menaces qui planaient sur la France, pas moins de 11 attentats ont été commis. Vingt autres ont été perpétrés les jours suivants.

À Port-La Nouvelle, le FLN avait choisi de s’attaquer aux dépôts pétroliers de la société Purfina. Les investigations permirent de déterminer que deux engins explosifs ont été lancés sur les installations depuis le stade Jean-Moulin, situé derrière la mairie, jouxtant les dépôts pétroliers. L’une des bombes avait notamment atteint la salle des pompes souterraines.

Tandis que Purfina avait agrandi ses installations quelques mois plus tôt, ce furent 10 des 12 cuves de carburant, qui flambèrent de 3 heures du matin jusqu’en début d’après-midi.

Ceux qui vécurent cette » nuit rouge » gardent le souvenir de flammes atteignant plusieurs dizaines de mètres de haut, disent que l’on y voyait » comme en plein jour « , évoquent un incroyable panache de fumée et des scènes de panique surréalistes.

Certains retiendront qu’au moins ce jour-là à Port-La Nouvelle, les engagements du FLN avaient été tenus : aucune victime civile n’avait été à déplorer. Les auteurs de l’attentat qui valut tristement à Port-La Nouvelle de faire la Une de Paris-Match, avaient été arrêtés et jugés quelques semaines plus tard. Idem pour les auteurs d’un attentat similaire perpétré chez nos voisins héraultais à Frontignan.

Gilbert Farinelli est né en 1933. À Port-La Nouvelle, précisément. En cette très particulière nuit du 25 août, il entendit des explosions.

» Ce jour-là, avait lieu la finale d’un concours de pétanque au boulodrome Grimal. J’ai entendu des » boums « , j’ai pensé que les gagnants fêtaient la victoire avec des pétards, on croyait que c’était minuit, une heure du matin « , raconte-t-il.

Sauf qu’il était tard, très tard dans la nuit, environ 3 heures. » Mon beau-père, qui était boulanger au village, est venu taper à ma fenêtre avec sa perche qui lui servait à nettoyer le four, son » escougal « . » Gilbert, Gilbert, réveille-toi, Purfina a sauté « , criait-il.

À ce moment-là, tout le monde avait peur de Purfina, comme c’était en ville. Alors vite tout le monde s’est levé, on a pris la fille, qui avait 3 ou 4 ans. Et on descend. Et pardi ! On voit au fond là-bas une lumière rouge (il écarte largement les bras, NDLR). Je suis parti, moi, à la mairie « , raconte-t-il.
Ambulancier municipal

Et pour cause. Gilbert Farinelli, en ce temps-là était ambulancier municipal. » J’ai laissé ma femme et ma fille avec mon beau-père. et je suis parti à la mairie. Le maire était là et m’a dit » Gilbert, il faut prendre l’ambulance et évacuer toutes les personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer « . Je lui ai demandé où les emmener. Il m’a dit, sur l’île Sainte-Lucie où elles seraient à l’abri « , poursuit-il.

» J’ai fait des trajets jusqu’à midi, midi et demie. J’ai dû faire plus de 400 kilomètres avec la Renault Prairie, sur un chemin de halage pour le moins bosselé ! Même que j’ai failli me mettre au canal dans le tournant, tellement j’allais vite. Pendant ce temps, tout le monde courrait à la plage, au bord de la Robine et s’éloignait du village. C’était la panique totale. Mon voisin d’en face, rue Gambetta a chargé un papet sur une carriole pour le mettre à l’abri. Jamais je n’oublierai cette incroyable nuit de panique. On aurait dit l’exode de 1940 « , raconte-t-il.
Ce sont les fellagas

Gilbert Farinelli sut rapidement ce qu’il se passait. » J’ai compris ce qu’il se passait quand je suis allé à la mairie. Et quand je suis allé sur le terrain, il y avait des gens de Purfina qui m’ont dit c’est les fellagas, enfin les gens du FLN qui ont fait sauter. Heureusement, il n’y a pas eu de morts, de blessés, il était 3 heures du matin. Les pompiers ont fait ce qu’il fallait. Mais enfin ça a duré toute la matinée ! C’était impressionnant. Ces flammes, des tôles qui tombaient, tout le monde à plat ventre et tout ça. Il fallait le voir pour le croire !

» Même s’il y eut plus de peur que de mal, Gilbert Farinelli confie que » les Nouvellois après cela avaient peur, se disant qu’après-ça, ils auraient pu faire sauter autre chose !

Ça a fait des raisonnements, et puis ils ont arrêté les fellagas qui avaient été recherchés comme il faut, en commençant par Frontignan. Mais enfin, ça a fait impression. Les gens disaient que quand Purfina péterait, La Nouvelle péterait aussi. Et puis finalement ce ne fut pas le cas. car à l’époque, déjà, tout était prévu pour la sécurité, pour que les carburants brûlent en milieu confiné « , ajoute l’ex-ambulancier municipal.

Cet épisode, à 85 ans, toujours bon pied, bon œil, dont on ne parle plus guère, il le garde en mémoire comme si c’était hier. Et il en parle, avec le sentiment du devoir accompli : avoir mis à l’abri des dizaines de Nouvellois, dans ce sanctuaire protecteur jadis, protégé désormais, qu’est Sainte-Lucie. Les livres d’Histoire, eux, souffrent d’amnésie.


https://www.algeriatoday.info/port-la-n ... uit-rouge/
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Messagede bipbip » 13 Sep 2018, 22:13

MAURICE AUDIN : LE CRIME D’ÉTAT ENFIN RECONNU !

Emmanuel Macron se rend aujourd’hui chez Josette Audin et publie une déclaration pour reconnaître le crime d’État commis sur son mari. En 1957, en pleine bataille d’Alger, l’armée française avait torturé et assassiné ce jeune mathématicien communiste anticolonialiste. Justice lui est enfin rendue. Après un demi-siècle de déni, avec ce geste historique, la France regarde en face l’une des pages les plus sombres de la colonisation.

61 ans, 3 mois et 2 jours… C’est le temps qu’il aura fallu à l’État français pour reconnaître que Maurice Audin a bien été torturé et assassiné par l’armée. La déclaration d’Emmanuel Macron et sa visite, cet après-midi, à Josette Audin, représentent une formidable victoire. Un bonheur inestimable pour sa famille, d’abord. Car Josette Audin, qui a aujourd’hui 87 ans, s’est battue sans relâche pendant plus de soixante ans pour que la vérité soit faite sur l’assassinat de son mari. Elle l’a fait pour lui, mais aussi pour tous les Algériens, victimes de cette sale guerre que les autorités françaises refusaient jusqu’à présent de regarder en face. Ce geste historique du Président de la République marque la fin d’un demi-siècle de déni. Il va permettre à la société française d’affronter plus sereinement les pages les plus sombres de son histoire coloniale. Car le sort d’un homme révéla tout un système : celui de la pratique généralisée de la torture pendant la guerre d’Algérie. C’est aussi une précieuse victoire pour tous les progressistes qui n’ont jamais abandonné Maurice Audin, devenu un symbole de l’anticolonialisme et de la lutte contre la torture. Et le combat fut long ! Des lois d’amnistie à l’omerta de la Grande Muette, tout a été fait pour que l’« affaire » tombe dans l’oubli. Mais plusieurs générations d’historien(ne)s, de militant(e)s communistes, de mathématicien(ne)s et de journalistes ont continué à se passer le témoin, jusqu’à cet heureux dénouement. L’Humanité n’a jamais renoncé, depuis l’arrestation de Maurice Audin en juin 1957, jusqu’à l’appel publié le 29 mai dernier dans nos colonnes, auquel s’était associé Cédric Villani, à faire vivre ce combat pour la vérité et la justice (lire « Un long combat d’Humanité »). Sa rédaction n’a jamais oublié le visage de Maurice Audin, éternel jeune homme de 25 ans, le regard tourné vers l’avenir. Un grand journaliste, Henri Alleg, disparu en 2013, qui fut lui aussi victime de la torture, n’a cessé d’y veiller : « N’oubliez jamais Maurice. »

... https://www.humanite.fr/maurice-audin-l ... nnu-660645
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Messagede bipbip » 15 Sep 2018, 14:11

Affaire Audin. Un long combat d’Humanité

Dès le 15 juin 1957, quelques jours après l’arrestation de Maurice Audin, l’Humanité se saisit de l’affaire. Aux côtés de sa famille, notre journal exige inlassablement, depuis plus de soixante ans, justice et vérité.
Il lève les yeux au ciel, regard espiègle et cheveux en bataille. Dans les mains, il tient un journal, on n’en distingue pas le titre ; c’est l’Humanité. L’heureuse insouciance de cette photographie accompagne, depuis plus de soixante ans, le combat sans relâche mené par notre titre, aux côtés de sa famille et de sa veuve, Josette Audin, pour exiger justice et vérité sur l’assassinat de Maurice Audin. Quelques jours seulement après son arrestation le 11 juin 1957, l’Humanité se saisit de l’affaire, ce qui lui vaut d’être censurée à maintes reprises par les autorités françaises. Le 30 juin 1957, le journal publie la plainte pour torture adressée au procureur général d’Alger par Henri Alleg, directeur du quotidien Alger républicain, interdit depuis septembre 1955. Alleg est alors interné au camp de Lodi. L’article est en fait une première version de la Question. Il est précédé d’une présentation du dirigeant communiste Léon Feix, sous forme de lettre ouverte au garde des Sceaux, Maurice Bourgès-Maunoury. « Qu’est devenu Maurice Audin ? » demande-t-il, en évoquant aussi les assassinats de Me Ali Boumendjel, de Raymonde Peschard et de Larbi Ben Mhidi, ainsi que le sort des condamnés à mort. « Il n’y a jamais eu en Algérie autant de tortures, de “disparitions”, d’exécutions sommaires », dénonce Feix. Cette édition de l’Humanité est saisie mais les militants communistes s’organisent pour en sauver des exemplaires du pilon et les diffuser clandestinement. Jusqu’en 1962, d’innombrables articles, enquêtes, appels d’intellectuels évoquant l’affaire Audin sont frappés de censure.
« Le silence officiel serait ajouter au crime de l'époque une faute d'aujourd'hui »
Après l’indépendance de l’Algérie, l’Humanité n’a jamais tourné la page. Au tournant des années 2000, lorsque le témoignage de Louisette Ighilahriz, dans les colonnes du Monde, relance le débat sur les atroces pratiques de l’armée française en Algérie, le journal lance un appel de douze personnalités qui demandent à Jacques Chirac et Lionel Jospin de condamner la torture pratiquée par la France en Algérie. « Des deux côtés de la Méditerranée, la mémoire française et la mémoire algérienne resteront hantées par les horreurs qui ont marqué la guerre d’Algérie tant que la vérité n'aura pas été dite et reconnue (…). Le silence officiel serait ajouter au crime de l'époque une faute d'aujourd'hui », écrivent les signataires (1). Parmi eux, l’historien Pierre Vidal Naquet, qui réfuta point par point, dès le mois de mai 1958, dans l’Affaire Audin, une implacable enquête publiée aux Éditions de Minuit, la fable de « l’évasion » du jeune mathématicien. L’Appel des douze, la publication dans la presse française de témoignages de personnes torturées ébranlent les consciences et suscitent de vifs débats. Le général Aussaresses avoue « sans regrets ni remords », dans le Monde, avoir torturé pendant la guerre d’Algérie. Jacques Massu, interrogé dans les mêmes colonnes sur l’affaire Audin, choisit de rester dans le mensonge : « Je n'ai pas de souvenirs précis. »

Dans l’Humanité du 15 septembre 2000, Josette Audin écrit ces mots :

« Combien de femmes algériennes, combien de mères algériennes, combien d’enfants algériens n’ont pas retrouvé leur mari, leur fils, leur père, “disparu” après être passé entre les mains des tortionnaires ? (…) Tous attendent qu’officiellement on reconnaisse que la torture a été massivement employée pendant la guerre d'Algérie et que ces méthodes honteuses, ces crimes odieux soient officiellement condamnés. »

Notre journal donne écho à toutes ses initiatives pour la reconnaissance officielle du crime d’État que constitue l’assassinat de son mari ; les autorités restent sourdes à ces appels. En 2012, le Nouvel Observateur exhume, dans les archives de l’université de Stanford, en Californie, un manuscrit du colonel Godard. Cet officier de la 10e division parachutiste (10e DP), passé par l’OAS, mort en 1975, y désigne un sous-lieutenant du 6e RCP, Gérard Garcet, comme l’auteur de l’assassinat de Maurice Audin, ordonné par Massu et organisé par l’équipe que supervisait Aussaresses durant la bataille d’Alger. L’intéressé se mure dans un silence de plomb, refuse obstinément de répondre à nos sollicitations. Son nom revient encore dans le témoignage d’un ancien appelé que publie l’Humanité le 14 février dernier. Le vieil homme pense avoir, sur son ordre, « enterré » le corps de Maurice Audin. Son récit, insoutenable, est repris dans toute la presse française et algérienne. Trois mois plus tard, notre journal prend l’initiative d’une lettre ouverte demandant au président de la République la reconnaissance officielle des sévices subis par Maurice Audin et de son assassinat par l’armée française. Il est signé d’une cinquantaine de personnalités.

... https://www.humanite.fr/affaire-audin-u ... ite-660642
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Messagede bipbip » 17 Sep 2018, 10:09

Benjamin Stora «Cette reconnaissance de l’État va délivrer des poids qui pèsent sur les cœurs et les consciences »
Benjamin Stora, historien de la guerre d’Algérie et président du musée national de l’Histoire de l’immigration, réagit à la reconnaissance du crime d’État par Emmanuel Macron. Entretien.
Vous avez été l’un des premiers historiens à travailler sur les mémoires blessées de la guerre d’Algérie. Comment réagissez-vous à cette déclaration d’Emmanuel Macron ?
benjamin stora C’est une formidable victoire. La bataille a été très très longue pour la reconnaissance de ce crime d’État. Elle a commencé il y a soixante et un ans et aboutit aujourd’hui à un texte très important, puisqu’il qualifie ce crime comme étant le produit d’un système politique mis en place à l’époque de la guerre d’Algérie. C’était d’ailleurs la revendication depuis le début, notamment de l’historien Pierre Vidal-Naquet, qui avait toujours insisté pour que cet assassinat soit bien interprété comme représentatif du système colonial. Il s’agit donc d’un pas en avant considérable.
... https://www.humanite.fr/benjamin-stora- ... oeurs-et-0

A propos de la prise de position sur l'Affaire Audin
Par Benjamin Stora
Le Président de la République, Emmanuel Macron, vient de déclarer que le mathématicien Maurice Audin, militant communiste en Algérie qui avait disparu en juin 1957, a été enlevé, séquestré, torturé, puis exécuté.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, vient de déclarer que le mathématicien Maurice Audin, militant communiste en Algérie qui avait disparu en juin 1957, a été enlevé, séquestré, torturé, puis exécuté. Il a expliqué que cet acte avait été rendu possible par l’existence d’un système légalement institué : « le système arrestation-détention, mis en place à la faveur des Pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période ».
La reconnaissance de l’enlèvement et de l’assassinat de Maurice Audin par le plus haut responsable de l’Etat a été le combat, toute une vie durant, du grand historien Pierre Vidal-Naquet. Je pense à lui dans ce moment si particulier, ainsi qu’à la femme de Maurice Audin, Josette, ses enfants ; aux animateurs du « Comité Audin », comme Gérard Tronel ou François Nadiras. Et aussi aux milliers de militants, communistes, démocrates, socialistes ; aux journaux et aux revues qui n’ont cessé d’interroger les autorités politiques et de faire reconnaître cette disparition (le Monde, l’Humanité, l’Observateur, Esprit, Les Temps modernes,). « L’Affaire Audin » a été le marqueur essentiel de toute une génération entrée en politique pendant la guerre d’Algérie.
... https://blogs.mediapart.fr/benjamin-sto ... aire-audin
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Messagede bipbip » 18 Sep 2018, 03:00

L’assassinat de Maurice Audin, pour ceux qui ont refusé le silence

Éditeur à Lausanne, à l'enseigne de La Cité, j'ai accompagné, comme Jérôme Lindon ou François Maspero, les combats de vérité durant la guerre d'Algérie. Dans ce moment de reconnaissance officielle, je veux saluer ceux et celles qui, refusant l’insoutenable, étaient interpellés, perquisitionnés, inculpés pour entreprise de démoralisation de l’armée, qualifiés de traitres à la France, alors qu’ils en défendaient les valeurs.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a reconnu la responsabilité de l’armée et de l’État dans la mort de Maurice Audin. C’est là une reconnaissance qui doit beaucoup à l’obstination de Josette Audin, de ses enfants et de tous ceux qui depuis la création du Comité Maurice Audin, en 1957, puis de l’Association Maurice Audin, n’ont jamais cessé d’en appeler à la reconnaissance des faits par les présidents de la République. Il a fallu soixante et un ans pour que soit répondu à la lettre du 9 septembre 1957 de Pierre Vidal-Naquet à Josette Audin « Puisse la lumière être faite un jour, pour l’honneur de notre pays. »

Les conditions de la mort de Maurice Audin et de milliers d’Algériens furent révélées et dénoncées dans le cours des événements. Dans ce moment d’une reconnaissance officielle des faits, il appartient au devoir de mémoire, qui n’est pas un acte de repentance ni un geste de contrition, mais un travail pédagogique de rappeler ceux et celles qui, refusant l’insoutenable, étaient interpellés, perquisitionnés, inculpés pour entreprise de démoralisation de l’armée, qualifiés de traitres à la France, alors qu’ils en défendaient les valeurs apprises.

Ainsi, le 8 novembre 1954, L’Humanité publie sous le titre Des tortures dignes de la Gestapo, un reportage de Marie Perrot : « Les arrestations se poursuivent en Algérie et de nombreuses personnes sont actuellement soumises à des sévices innommables dans les locaux de la police. » Deux militants nationalistes, Lazhar Khaled et Bekkouch Mostefa ont subi « la bastonnade, le lavage d'estomac à l'aide d'un tuyau enfoncé dans la bouche et le courant électrique ».

Le 13 janvier 1955, Claude Bourdet publie « Votre Gestapo d'Algérie » dans France Observateur : « Le supplice de la baignoire, le gonflage à l'eau par l'anus, le courant électrique sur les muqueuses, les aisselles ou la colonne vertébrale... Une fois que les Gestapistes ont dicté et fait signer à leurs victimes à demi-mortes ‘l'aveu’ qu'il leur plaît d'attribuer, le reste du séjour à la police sert à remettre le prisonnier en état, au besoin à le soigner (mais oui !) afin qu'il soit présentable lorsqu'on le mène au juge... »

Le 15 janvier 1955, François Mauriac dans L’Express sous le titre La Question fait entendre le dialogue qu’il a eu avec un témoin qui l’interpelle : « Vous seul pouvez parler... Vous seul. Je détourne la tête. Que de fois l'aurai-je entendu ce ‘vous seul’ ! Mes ennemis croient que je cède à la passion d'occuper la scène. Je soupire : Il faudrait des preuves. On n'a jamais de preuves. Moi, j'ai vu, dit l'homme. Je l'observe à la dérobée : je connais bien ce regard : celui de mon ami R., celui de ce prêtre de la Mission de France qui travaille dans la région de Constantine, le regard de ceux qui ont vu de leurs yeux, qui ne peuvent plus penser à rien d'autre ; toutes les fleurs du monde sont flétries pour eux... L'horreur de ce que j'ai entendu emplit encore la pièce. Cette musique du ciel n'est pas pour moi. Je suis comme un homme qui a pris part, sans le vouloir, à un crime et qui hésite à aller se livrer. »

Février 1957, Témoignage chrétien publie Le dossier Jean Müller, un rappelé en Algérie qui écrit dans une lettre à ses amis : « Nous sommes loin de la pacification pour laquelle nous aurions été rappelés ; nous sommes désespérés de voir jusqu’à quel point peut s’abaisser la nature humaine et de voir des Français employer des procédés qui relèvent de la barbarie nazie. » Jean Muller sera tué dans une embuscade.

Mars 1957, le Comité de résistance spirituelle animé par des prêtres de la Mission de France publie Des Rappelés témoignent, cent réalités d’une même horreur qui s’égrènent : « J’ai d’abord cru que c’étaient des chacals, c’était le gosse qu’on torturait », « Il faut apprendre à tuer, vous êtes ici pour ça... », « Des Oradours, nous en faisons tous les jours », « On ne sait plus si c’est un homme ou un femme qui crie », « Il faut absolument que je fasse partager à quelqu’un ma culpabilité. »

Avril 1957, Esprit publie le témoignage de Robert Bonnaud, « La paix dans les Némentchas. » « Si l’honneur de la France ne peut aller avec ces tortures, alors la France est un pays sans honneur. Un petit nombre de Français a été torturé ignoblement en Oranie, et des centaines d’Algériens le sont partout chaque jour. Et l’habitude de torturer, sinon les méthodes de torture, ne date pas de l’été 56, ni même de novembre 54. Elle date du moment où il y a eu en Algérie des indigènes et des forces de l’ordre, des bicots et des flics. »

5 avril 1957, Henri-Irénée Marrou, publie une Libre opinion dans Le Monde : « Oui, la grandeur française est en péril. Je m’adresse à tous ceux qui, comme moi, professeur, sont des éducateurs, qui, comme moi, ont des enfants et des petits-enfants : il faut que nous puissions leur parler, sans être couverts d’humiliation, d’Oradour et des procès de Nuremberg ; il faut que nous puissions relire devant eux les belles pages de nos classiques sur l'amour de la patrie, sur notre France, ‘patronne et témoin (et souvent martyre)’ de la liberté dans le monde. Oui, avant qu’on soit engagé plus avant dans le cycle infernal du terrorisme et des représailles, il faut que chacun de nous entende au plus profond, au plus sincère de son cœur, le cri de nos pères : ‘La patrie est en danger !’ »

Printemps 1957, Pierre Henri-Simon publie Contre la torture, on y lit : « Même si la torture d’un Arabe était payante, je dirais encore qu’elle est criminelle, qu’elle est intolérable comme une tache à l’honneur, et mortelle au sens où l’on dit qu’un péché est mortel : quelque chose de plus essentiel que la puissance s’en trouve atteint et détruit ; une défaite plus intime et plus irréparable que la destruction d’une armée est subie à jamais. »

13 mars 1957, le livre de Pierre Henri Simon suscite un éditorial d’Hubert Beuve-Méry dans Le Monde qu’il signe de son nom d’éditorialiste : Sirius : « Dès maintenant, les Français doivent savoir qu'ils n'ont plus tout à fait le droit de condamner dans les mêmes termes qu'il y a dix ans les destructions d'Oradour et les tortionnaires de la Gestapo. »

27 mars 1957, le général de brigade Jacques Pâris de Bollardière se prononce dans L’Express sur l’usage de la torture, il est condamné à 60 jours de forteresse, le 7 mars il avait adressé au général d'armée Salan, commandant interarmées de la 10e région militaire (Alger) une lettre dans laquelle il demandait à être relevé de ses fonction : « Convoqué ce jour à dix heures par le général Massu, j'ai été obligé de prendre nettement conscience du fait que j'étais en désaccord absolu avec mon chef sur les méthodes employées. Il m’est donc impossible de continuer honnêtement à exercer mon commandement dans ces conditions. J'ai donc l'honneur de vous demander d'être immédiatement relevé de mes responsabilités. »

Le 29 mars 1957, Paul Teitgen, secrétaire général pour la police à Alger, écrit à son ministre Robert Lacoste : « En visitant le centre d’hébergement, j’ai reconnu sur certains assignés les traces profondes des sévices ou de tortures qu’il y a quatorze ans je subissais personnellement dans les caves de la Gestapo à Nancy... Je me suis efforcé dans la limite de mes fonctions, et par-delà l'action policière nouvelle menée par l'armée, de conserver — chaque fois que cela a été possible — ce que je crois être encore et malgré tout indispensable et seul efficace à long terme : le respect de la personne humaine. J'ai aujourd'hui la ferme conviction d'avoir échoué et j'ai acquis l'intime certitude que depuis trois mois nous sommes engagés non pas dans l'illégalité — ce qui, dans le combat mené actuellement, est sans importance —mais dans l'anonymat et l'irresponsabilité qui ne peuvent conduire qu'aux crimes de guerre... » Paul Teitgen, démissionnera le 12 septembre 1957.

18 mars 1957, presse et revues censurées, le livre devient le vecteur de la dénonciation de l’intolérable. Jérôme Lindon publie le pamphlet de Georges Arnaud et Jacques Vergès : Pour Djamila Bouhired puis, le 12 février 1958, La Question d’Henri Alleg. Jean-Paul Sartre dans Une Victoire fait le terrible constat : « Les Français découvrent cette évidence terrible : si rien ne protège une nation contre elle-même, ni son passé, ni ses fidélités, ni ses propres lois, s’il suffit de quinze ans pour changer en bourreaux les victimes, c’est que l’occasion décide seule : selon l’occasion, n’importe qui, n’importe quand, deviendra victime ou bourreau. ». La Question, premier de trente autres livres dénonciateurs, est saisie. [1]Le Livre Jean-Paul Sartre, signe avec François Mauriac, Roger Martin du Gard et André Malraux un Appel solennel au Président de la République dans lequel ils « somment les pouvoirs publics, de condamner sans équivoque, l’usage de la torture qui déshonore la cause qu’il prétend servir ».

Le 22 mai 1958, Les Éditions de Minuit font paraître L’affaire Audin de Pierre Vidal-Naquet. Travail d’historien au présent sur les faits, de l’arrestation aux sévices subis par Maurice Audin, il désigne nommément les tortionnaires, qui sont aussi ceux d’Henri Alleg, et conteste la thèse de l’évasion. Laurent Schwartz écrit dans sa préface : « Tous ceux, civils ou militaires, qui se sont mêlés à cette affaire sont des Français. Il nous arrive peut-être de croiser certains d’entre-eux dans la rue. Demain, protestant contre la torture ou défendant la liberté d’expression, nous risquons à notre tour d’être ‘interrogés’ comme le fut Maurice Audin – ou bien au contraire, d’être désignés, comme le sergent C...[2] pour jouer un rôle que nous n’avons pas choisi. Mais le jour où la Méditerrané aura cessé d’être le rempart à l’abri duquel les Français de la métropole peuvent encore juger l’affaire Audin en spectateurs, le jour où nous en serons tous devenus les acteurs volontaires ou forcés, ce jour-là, il sera trop tard pour parler. Nous n’aurons plus la parole. »

La guerre va encore durer quatre ans, la Ve République vacillera sous les coups des factieux, jamais ces voix et d’autres ne se sont tues, les 121 en témoignent.

Pierre Vidal-Naquet écrit dans La Raison d'État publiée en 1962 par le Comité Audin : « Comment fixer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé à son tour les citoyens ? » La reconnaissance de la responsabilité de l’armée et de l’État par le président de la République dans la mort de Maurice Audin, indissociable de celle de milliers d’Algériens et la nécessaire ouverture des archives nationales ouvrent sur cette exigence, elle ne doit pas se refermer : sinon « N’importe qui, n’importe quand... »


[1] Les livres saisis continuent à être diffusés comme livre ou sous forme de journal par Témoignages et documents puis Vérité-Liberté, deux publication semi-clandestines, ou sont réédités en Suisse.
[2] Dans la première édition de L’affaire Audin, comme de La Question, seules les initiales des tortionnaires sont indiquées.


https://blogs.mediapart.fr/nils-anderss ... le-silence
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Re: Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale .

Messagede bipbip » 20 Sep 2018, 16:35

Guerre d’algérie. « Jamais je n’aurais imaginé ce qui nous attendait »

Dans la foulée des publications de l’Humanité sur l’affaire Maurice Audin, un lecteur du journal a voulu lui aussi raconter les exactions commises par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Un témoignage courageux, qui rappelle que les plaies de cette sale guerre ne sont toujours pas refermées.

Il entend encore les cris des femmes dans la casbah. L’image d’un corps violé ne l’a pas quitté. Charles Castera a 84 ans. Militant communiste, syndicaliste à la CGT, lecteur de l’Humanité, il s’est manifesté au début de l’été après avoir lu les articles publiés cette année sur Maurice Audin (voir dossier sur humanite.fr). Il a souhaité contacter sa veuve, Josette Audin, puis a voulu témoigner à son tour. Comme l’avait fait Jacques Jubier en février dernier, relançant l’exigence de vérité sur les circonstances de l’assassinat par l’armée française de ce jeune mathématicien communiste, mais aussi sur les horreurs d’une guerre que l’État français n’a toujours pas reconnues. Charles, lui, n’a pas voulu garder l’anonymat. « De quoi aurais-je peur à mon âge ? »

... https://www.humanite.fr/guerre-dalgerie ... ait-660441
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Messagede bipbip » 23 Sep 2018, 15:05

Lancement du site, "Alger 1957 -, Des Maurice Audin par milliers"

Pour faire sortir des personnes "disparues" de l’oubli

Lancement du site,"Alger 1957 -,Des Maurice Audin par milliers"

"Au lendemain de la déclaration du président Macron reconnaissant que Maurice Audin a été torturé et tué par des militaires français, un site internet a été créé par l’Association Maurice Audin et notre site histoirecoloniale.net.

Avec le soutien de "l’Humanité", "Mediapart", "Politis", "Témoignage chrétien" et "El Watan", et des associations Mrap, LDH, Acca et Sortir du colonialisme. Il publie plus de mille notices individuelles de "disparus", appelle à apporter des compléments sur les cas présentés et à en communiquer d’autres."

>> Lancement du site, "Alger 1957 -, Des Maurice Audin par milliers"
http://histoirecoloniale.net/Lancement- ... liers.html

https://solidaires.org/Lancement-du-sit ... r-milliers
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Re: Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale .

Messagede bipbip » 23 Sep 2018, 16:01

témoignage

« J’appris que les morts qui ont été
nommés et comptés ne sont pas perdus. »
Alexis Jenni,
L’Art français de la guerre.

Après soixante et un ans, le Président de la République française a reconnu officiellement que Maurice Audin a été torturé par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile et que sa mort a été rendue possible par un système légalement institué qui a favorisé les disparitions. Pour tous ceux qui ont lutté depuis 1957 pour faire reconnaître la vérité, c’est une grande victoire — posthume pour l’historien Pierre Vidal-Naquet, le mathématicien Laurent Schwartz, les universitaires Madeleine Rebérioux et Gérard Tronel, engagés dans le Comité Maurice Audin (1957-1963) puis, depuis 2002, dans l’Association Maurice Audin.

Le meurtre de ce jeune mathématicien de 25 ans, grossièrement maquillé en évasion, fut loin d’être un cas isolé. Ce fut l’un des nombreux cas d’enlèvement, séquestration, torture, suivis souvent de mort, produits, à Alger, de janvier à septembre 1957, par un véritable système de terreur militaire délibérément instauré et rendu possible par des dispositions législatives adoptées par les institutions de la République française. Algérien d’origine européenne, Maurice Audin s’était rangé, avec le parti communiste algérien, du côté de la lutte d’indépendance de ce pays, dans un moment où l’ensemble de la population autochtone d’Alger était la cible d’une terreur visant à la dissuader de faire ce choix et à la maintenir par force sous la domination coloniale.

Il y eut alors des Maurice Audin par milliers…

C’est massivement que des hommes et des femmes ont été enlevés, détenus au secret, torturés, et pour certains l’objet d’exécutions sommaires. La seule victoire des responsables de cette terreur, ces « seigneurs de la guerre aux terrifiants caprices », selon les mots de Jean-Paul Sartre dans L’Express, à la publication de La Question d’Henri Alleg, est l’ignorance par l’opinion française de son bilan humain véritable et des noms mêmes de ceux qui ne sont jamais réapparus. Comme pour toutes les répressions de masse en situation coloniale, le statut politique des Algériens autorisait à la fois le recours à des méthodes universellement réprouvées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et l’absence complète d’attention au nombre et à l’identité des victimes. « Français musulmans » colonisés, sous-citoyens racisés, tout juste sortis officiellement de l’indigénat et dénués d’une existence politique réelle, ils étaient collectivement suspects de complicité avec une « rébellion » qualifiée d’« antifrançaise ». Ils formaient une population dépourvue de recours judiciaire et politique et de moyens d’alerter une opinion française peu disposée à s’inquiéter de leur sort. Quelques cas ont eu un écho. Ceux de Maurice Audin, d’Henri Alleg et de l’avocat algérien Ali Boumendjel, connu de juristes parisiens, torturé et « suicidé » par ses geôliers. Mais pas les autres, restés des invisibles dont le sort n’est jamais devenu une « affaire française ».

Un vrai républicain, Paul Teitgen, secrétaire général à la préfecture d’Alger, tenta, selon les mots de Pierre Vidal-Naquet, de « comptabiliser les vivants et les morts, ou plutôt les survivants et les disparus ». Mais les « 3 024 disparus » qu’il dénombra dans l’exercice de ses fonctions ne sont qu’un ordre de grandeur plausible, le sort des personnes enlevées par l’armée lui étant largement dissimulé par les militaires.

C’est dans ce contexte qu’une archive publique devenue accessible en 2017, sur laquelle a travaillé Fabrice Riceputi, est importante. Ce fichier, conservé aux Archives nationales d’Outre-mer (ANOM) depuis la fin de la guerre d’Algérie, dans le fonds d’un service de la préfecture d’Alger, fournit des informations sur une partie conséquente de la masse anonyme des « humiliés dans l’ombre » — selon les mots de Paul Teitgen à Robert Lacoste —, de la Grande répression d’Alger, appellation préférable à celle, impropre, de « bataille d’Alger ». C’est la source essentielle qui nous permet de publier ici des données sur plus d’un millier d’Algéroises et Algérois dont nous savons trois choses : ils furent arrêtés au cours de l’année 1957 par l’armée française ; leurs proches réclamèrent aux autorités de connaître leur sort, très souvent en vain ; beaucoup furent torturés et certains ne reparurent jamais.

Librement consultables, environ 850 « fiches de renseignement » remplies entre la fin février et le début d’août 1957 sont ce qui subsiste du fichier du Service des liaisons nord-africaines (SLNA). En septembre 1958, selon un bilan statistique conservé, il en aurait compté 2 049. A ces cas, nous avons ajouté plus d’une centaine d’autres provenant de sources différentes. En particulier du « Cahier vert », publié dans Témoignages et documents en octobre 1959, puis la même année dans Les Temps modernes et aux éditions La Cité, à Lausanne. Et de l’ouvrage L’Affaire des enseignants d’Alger, édité en 1958 par le Comité de défense des enseignants, qui contient de nombreuses plaintes officielles d’européens, communistes ou chrétiens progressistes, victimes et témoins de tortures, en mars et avril 1957, dans l’un des principaux lieux de terreur, la Villa Sésini.

D’où les plus de mille notices individuelles que nous rendons publiques au lendemain de la déclaration présidentielle du 13 septembre 2018 au sujet du sort de Maurice Audin et de l’institutionnalisation de la torture durant la guerre d’Algérie. Ces notices portent sur des personnes enlevées et séquestrées à Alger, en 1957, dont les proches ont cherché à avoir des nouvelles et dont certaines ne sont jamais réapparues. Leur nombre ne manquera pas de s’accroître lorsque d’autres cas documentés nous seront signalés. Cette publication est aussi un appel à témoignages, notamment vers une mémoire familiale que nous savons encore vive.

Puisse ce site contribuer à rendre justice à ces personnes et à mieux faire connaître un pan d’histoire trop longtemps occulté.


http://histoirecoloniale.net/Lancement- ... liers.html
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Re: Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale .

Messagede Lila » 23 Sep 2018, 20:51

Affaire Maurice Audin. Déclaration à l’APS

Si la déclaration d’Emmanuel Macron, au sujet de l’arrestation, de la torture et de la disparition de Maurice Audin, est un immense pas pour la famille, et pour toutes celles et tous ceux qui, depuis cet événement, se sont mobilisés pour que le crime perpétré ce jour-là soit enfin reconnu par les plus hautes autorités de l’Etat, beaucoup d’autres devront être effectués pour que l’ensemble des crimes coloniaux soient qualifiés comme ils devraient l’être. Sur ce point, le président de la République et ses conseillers demeurent très en-deçà de ce qui aurait dû être déclaré. En effet, si E. Macron avait estimé, lors d’un déplacement à Alger en tant que candidat à l’élection présidentielle, que la « colonisation avait été un crime contre l’humanité » il s’est bien gardé de réitérer ses propos à cette occasion alors que les faits visés ressortissent bien à ce type de qualification. Rappelons donc au chef de l’Etat, l’article 212-1 du Code pénal français : sont considérés comme des crimes contre l’humanité, « la déportation (…) ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, la torture ou d’actes inhumains inspirés par des motifs politiques (…) organisés en vertu d’un plan concerté à l’encontre d’une population civile. » Pour ménager les militaires, la droite et l’extrême-droite, et sans doute aussi, une partie de son électorat, peut-être aussi pour éviter des procédures judiciaires, cette qualification n’a donc pas été employée alors qu’elle est parfaitement adéquate aux pratiques de l’armée française pendant la guerre d’Algérie et aux crimes commis antérieurement à partir du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, puis en Indochine, à Madagascar en 1947 et le 17 octobre 1961 à Paris. De ce point de vue, la déclaration du chef de l’Etat ne saurait satisfaire celles et ceux qui exigent, parfois depuis des décennies, que ces massacres soient reconnus par les plus hautes autorités de l’Etat.

Relativement à l’ouverture des archives, les propos d’E. Macron sont susceptibles d’interprétations diverses et l’avenir nous dira ce qu’il en est. En effet, il est écrit qu’une « dérogation générale (…) ouvrira à libre consultation tous les fonds d’archives de l’Etat qui concernent ce sujet. » Soit cela porte uniquement sur l’affaire Audin, et c’est alors singulièrement restrictif, soit cela concerne l’ensemble de la guerre d’Algérie, et la mesure est autrement plus importante. Reste que cet accès demeure le fait du prince. Qu’en est-il des archives relatives aux événements précités auxquels il faut ajouter le massacres de Thiaroye du 1er décembre 1944 et la guerre trop longtemps oubliée conduite au Cameroun entre 1955 et 1971 ? Rappelons qu’en ce domaine, et comparativement à d’autres pays comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, la législation française sur l’accès aux archives est une des plus restrictives et que beaucoup, par le passé, se sont vus refuser l’accès à certaines archives. Je pense en particulier au regretté Jean-Luc Einaudi sur les massacres du 17 octobre 1961.

Dans moins d’un mois maintenant, le collectif pour la reconnaissance de ces derniers massacres se réunira, comme tous les ans, sur le Pont Saint-Michel pour exiger la reconnaissance de ce crime comme crime d’Etat et l’ouverture de toutes les archives. Le président de la République laisse croire qu’il est disposé à solder les comptes du passé criminel de la France en Algérie ; qu’il le prouve en faisant enfin une déclaration précise et circonstanciée sur ce qui s’est déroulé à Paris et en banlieue parisienne où les arrestations arbitraires, la torture et les disparitions forcées ont également été employées par des policiers et des harkis agissant sous les ordres du préfet de police de l’époque, Maurice Papon.

Olivier Le Cour Grandmaison


https://entreleslignesentrelesmots.blog ... on-a-laps/
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Messagede bipbip » 29 Sep 2018, 20:01

« Le Cahier vert expliqué », par Pierre Vidal-Naquet (1959)

« Le Cahier vert expliqué » est la post-face de Pierre Vidal-Naquet au livre Les disparus. Le cahier vert de Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé, publié à Lausanne en décembre 1959 aux éditions de La Cité, dirigées par Nils Andersson. Ce livre comprend 175 plaintes pour disparition après enlèvement par les militaires, recueillies à Alger en août 1959 par les trois auteurs, avocats du FLN. La plupart de ces cas de disparition datent de 1957 et avaient déjà été signalés à la préfecture d’Alger, au SLNA, par des proches. Une première série de ces plaintes avait été publiée dans Les Temps Modernes, n°163, dès septembre 1959, ainsi que dans Témoignages et Documents en octobre 1959. « Le Cahier vert expliqué » figure également dans le recueil de textes de Pierre Vidal-Naquet, Les crimes de l’armée française,Paris, Maspero, 1975.

en ligne : http://1000autres.org/le-cahier-vert-ex ... aquet-1959
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Re: Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale .

Messagede bipbip » 06 Oct 2018, 17:38

HISTOIRE D’UN FICHIER SECRET

La difficile recherche des personnes enlevées par l’armée française à Alger en 1957

Un fichier dissimulé par la préfecture d’Alger

Le 12 juin 1957, Me Maurice Garçon, personnalité en vue au barreau de Paris, secrétaire général de la Commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels, signe un rapport à celle-ci[1]. Cette commission avait été créée début mai par Guy Mollet, peu avant la chute de son gouvernement le 21 mai, en réponse aux graves accusations de pratique massive de la torture par l’armée française en Algérie. Niant énergiquement l’emploi de telles méthodes, indignes selon lui de « la patrie des droits de l’homme », le président du Conseil l’avait chargée d’enquêter en Algérie sur d’éventuels « abus et illégalités ». Alors que cette Commission était surtout un moyen de démentir les révélations qui se multipliaient depuis le début de l’année sur la pratique de la torture et autres exactions pratiquées par l’armée française en Algérie[2], Maurice Garçon a pris son rôle au sérieux. Il a enquêté à Alger, essentiellement auprès des autorités françaises, alors que l’opération militaro-policière commencée en janvier, baptisée « bataille d’Alger », et qu’il faut mieux désigner par les termes de « Grande répression d’Alger »[3], allait durer encore quatre mois[4]. Quand il signe ce rapport, la France est en train de se doter d’un nouveau gouvernement, présidé par Maurice Bourgès-Maunoury, encore plus répressif que le précédent. Le pouvoir à Alger est aux mains d’un gouverneur général et ministre résidant, Robert Lacoste. Celui-ci, en étroite liaison avec le commandant de l’armée française en Algérie, Raoul Salan, et les forces politiques les plus extrémistes issues de la communauté d’origine européenne d’Algérie, organise depuis le début de l’année — après avoir obtenu du gouvernement et du Parlement français le cadre juridique qui permet sa généralisation — une répression massive contre la population autochtone dite musulmane, dans le but d’éradiquer en son sein l’influence croissante du FLN.

Maurice Garçon indique dans ce rapport que les « sévices » infligés aux suspects lors des interrogatoires – il n’utilise pas le mot torture – sont, selon ses informateurs, « de notoriété publique » et il détaille les quelques plaintes déposées à Alger à ce sujet. Puis il en vient à ce qu’il qualifie de faits « d’une gravité encore plus inquiétante » : « Il nous a été signalé que des individus incontestablement appréhendés par les autorités civiles ou militaires n’avaient jamais reparus. » Et d’ajouter : « De là à dire qu’ils avaient succombé sous les sévices et qu’on avait fait disparaître le corps, il n’y avait qu’un pas. Le fait a été signalé si souvent et serait si grave qu’il ne convenait pas de laisser une pareille question en suspens2. » Dans ces phrases prudentes, on reconnaît l’écho atténué des accusations portées lors de son audition devant la commission par Paul Teitgen, le secrétaire général à la police de la préfecture d’Alger depuis l’été 1956, qui, découvrant l’ampleur de la torture institutionnalisée par l’armée et ses séquestrations arbitraires parfois suivies d’assassinats, tentait, vainement le plus souvent, de s’opposer à ces pratiques[5]. Celui-ci, dès le mois de mars 1957, avait informé le garde des Sceaux d’alors François Mitterrand du « fait que bien des hommes disparaissent sans laisser de traces. On enterre les uns avec de faux permis d’inhumer et l’on jette les autres à la mer, dans des sacs lestés, la face mutilée pour qu’on ne les reconnaisse pas[6] ». Dans une lettre de démission au ministre résidant Robert Lacoste, Teitgen avait explicitement dénoncé, le 24 mars, un « système » produisant des « crimes de guerre » identiques selon lui à ceux de la Gestapo[7]. Il dira plus tard avoir eu connaissance, dans le cadre de ses fonctions, de 3 024 de ces disparitions forcées[8]. Enfin, Me Garçon indique qu’une autre source peu suspecte de complicité avec la « rébellion », le procureur général Jean Reliquet[9], l’a informé du fait que le « nombre de disparus » signalé à la justice est « assez élevé ».

Maurice Garçon ne donne pourtant de ces nombreuses disparitions qu’un seul exemple avéré. Il ne peut encore connaître le cas de Maurice Audin, qui vient tout juste d’être arrêté, le 11 juin, et ne « disparaîtra » que le 21 juin. Le cas dont il fait état, exceptionnel, résulte d’une instruction judiciaire ouverte à Alger, du fait, si l’on ose dire, d’une erreur technique des militaires dans la dissimulation du cadavre, insuffisamment lesté[10]. C’est celui de Khaled Berouala. Appréhendé le 10 mai 1957, déclaré évadé par les militaires le 11, il a été fortuitement retrouvé mort le 13, dans un fut métallique rejeté par la mer près d’Alger, son corps réparti dans deux sacs et portant d’évidentes traces de torture. L’avocat souligne qu’il a fallu qu’il informe lui-même le juge d’instruction du fait que Berouala était mort alors même qu’il se trouvait très officiellement assigné à résidence, c’est-à-dire sous la garde et la responsabilité de militaires français, dans un camp.

S’il ne peut mentionner que ce seul cas, Me Garçon indique que ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en connaître davantage auprès des autorités d’Alger. Il a en effet demandé à la préfecture l’accès à un document dont on il a appris l’existence, vraisemblablement par Paul Teitgen : ce qu’il appelle une « liste » ou un « fichier » des personnes arrêtées et signalées comme « disparues ». Il déplore toutefois n’avoir pu obtenir d’y accéder, en raison de l’obstruction d’un représentant du préfet Igame[11], Serge Baret. Il a bien convoqué le fonctionnaire chargé du fichier, dénommé Rambaud[12], pour consulter ce dernier. Mais Rambaud ne put dire un mot. Car, raconte l’avocat, son supérieur, le directeur de cabinet du préfet, Pierre Bolotte[13], l’accompagna sans avoir été invité à le faire, s’exprima à la place de son subordonné et opposa, sans nier l’existence d’un tel fichier, un « refus poli » mais définitif à la demande de consultation. De fait, Pierre Bolotte indiquera fièrement dans une note à son préfet avoir évité ainsi d’alimenter davantage les protestations en métropole[14]. Maurice Garçon conclut son rapport en suggérant à la commission d’« exiger » elle-même un accès à ce fichier manifestement très embarrassant[15]. Cette dernière n’en fera rien.

Une terreur militaire délibérément organisée

Il convient ici de préciser le contexte[16] qui a conduit les autorités de la préfecture d’Alger à constituer ce fichier et à en refuser l’accès à la Commission de sauvegarde. En janvier 1957, par la volonté du gouvernement de Guy Mollet et en application des « pouvoirs spéciaux » votés par le Parlement en mars 1956, carte blanche a été donnée à l’armée pour « détecter et détruire » le FLN à Alger. Le gouvernement veut à tout prix mettre fin rapidement à l’implantation de ce dernier dans une ville qui est la vitrine mondiale de l’Algérie française, stopper ses attentats meurtriers[17] et les « ratonnades » qui s’en suivent très souvent, et empêcher par-dessus tout une grève politique de huit jours annoncée à la fin du mois de janvier par le FLN, dont la réussite démentirait aux yeux du monde et de l’ONU les succès prétendus de la politique gouvernementale de « pacification ».

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Re: Algérie, lutte indépendance, solidarité internationale .

Messagede bipbip » 22 Oct 2018, 19:51

L’affaire Audin dans l’Histoire

Nous publions en avant-première les bonnes feuilles relatives à l’affaire Audin dans l’ouvrage d’Alain Ruscio, "Les Communistes et l’Algérie. Des origines à la guerre d’indépendance, 1920-1962", à paraître aux Éditions La Découverte en février 2019. Ce chapitre retrace utilement les réactions et les mobilisations en France, où Pierre Vidal-Naquet a joué un rôle important, dans les mois et les années qui suivirent l’assassinat du jeune mathématicien membre du parti communiste algérien par les parachutistes français.

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Messagede bipbip » 26 Oct 2018, 20:56

« Je ne savais même pas pourquoi les Algériens s’étaient révoltés »

A 20 ans, Rémi, Georges, Gilles et les autres se sont retrouvés soldats, appelés au cœur de la guerre d’Algérie. Une guerre sans nom et sans visage, avec son lot d’atrocités et de crimes. A leur retour en France, personne ne leur a posé de questions : ni leurs femmes, ni leurs parents. Comme beaucoup d'autres ils se sont tus.
50 ans plus tard, c’est le déclic quand ils reçoivent leur pension d’ancien combattant. Impossible pour eux d’accepter cet argent pour des crimes qu’ils ont commis là-bas. Alors Rémi et ses amis, une bande de vieux paysans retraités du Tarn, fondent la 4ACG, Association des Anciens Appelés d’Algérie Contre la Guerre. Par ce biais, ils reversent leur maigre pension à des associations humanitaires en Algérie. Mais surtout, ils permettent à tout nouvel adhérent de raconter pour la première fois son histoire de la guerre d'Algérie. Des témoignages émouvants et pas militants, qui font la part des horreurs. Des récits durs et d'autant plus nécessaires pour lever les tabous sur une guerre qui n'a jamais dit son nom.

Un documentaire de Jane Birmant

à écouter : https://www.arteradio.com/son/61660266/ ... en_algerie
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