Mujeres Libres, Espagne 36-39

Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Lila » 28 Mai 2017, 20:06

La question féminine dans nos milieux

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« On peut dire qu’au cours des siècles le monde masculin a toujours oscillé à propos de la femme entre les deux concepts extrêmes : la prostituée et la mère, l’abject et le sublime, sans s’arrêter sur ce qui est strictement humain : la femme. La femme comme individu ; individu rationnel, pensant et autonome. »

Dans cette série de cinq articles publiés entre septembre et octobre 1935 dans le journal Solidaridad Obrera, Lucía Sánchez Saornil, militante anarchiste, fait une critique de l’attitude de ses camarades hommes vis-à-vis des femmes. Elle y expose leurs préjugés machistes, incompatibles avec les aspirations libertaires qu’ils affichent. Elle s’y livre également à une réflexion — en avance sur son temps dans le contexte espagnol — sur l’émancipation des femmes et la révolution sociale qui, selon elle, dépendent l’une de l’autre. Ce texte permet de comprendre pourquoi quelques mois plus tard elle créera, en compagnie des militantes Mercedes Comaposada et Amparo Poch, la fédération révolutionnaire féminine Mujeres Libres, première organisation féministe prolétarienne autonome de son genre, qui sera rapidement forte de plus de 20 000 membres en pleine guerre civile.

- lire le texte sur le site : https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1411

- télécharger la brochure mise en page : La question féminine dans nos milieux - version page par page - PDF (626.7 ko) - 20p. A4 à transformer en brochure A5 : https://infokiosques.net/IMG/pdf/LuciaS ... A4-fil.pdf

- télécharger la brochure mise en page : La question féminine dans nos milieux - version cahier - PDF (623.8 ko) - Brochure de 20p. A5 prête à imprimer en recto-verso : https://infokiosques.net/IMG/pdf/LuciaS ... cahier.pdf

- version papier diffusée par Le Symbiote (Périgueux) : https://infokiosques.net/distro.php3?id_mot=120

https://infokiosques.net/spip.php?article1411
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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Lila » 30 Juil 2017, 20:07

ACKELSBERG Martha A.

La vie sera mille fois plus belle
Les Mujeres Libres, les anarchistes espagnols et l’émancipation des femmes

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En 1936, des groupes de femmes à Madrid et à Barcelone fondèrent les Mujeres Libres, organisation destinée à libérer les femmes du « triple asservissement à l’ignorance, en tant que femmes, et en tant que productrices ». Bien que cela ait duré moins de trois ans (leurs activités en Espagne connurent une fin abrupte lors de la victoire des forces franquistes en février 1939), les Mujeres Libres mobilisèrent plus de 20 000 femmes et développèrent un vaste réseau d’activités visant à accroître l’autonomie des femmes tout en construisant un sens de la communauté.

L’histoire de ma découverte de ces femmes et de leurs activités couvre de nombreuses années et de nombreux kilomètres, des explorations dans les archives ainsi que des conversations avec des militantes âgées. Je suis parvenue à comprendre la portée de leurs visions et de leurs réussites grâce à nos efforts communs pour communiquer au-delà des différences de culture, d’âge, de classe et de contexte politique. Nombre de ces femmes m’ont laissé entrer chez elles et ont partagé leur histoire ; j’ai essayé d’entendre leur langage et de prêter attention à la fois à ce qui nous rapprochait et à ce qui nous séparait.

Martha A. Ackelsberg enseigne les sciences politiques et les études de genre dans une université américaine de femmes, le Smith College. Elle milite depuis longtemps dans le mouvement des femmes et d’autres organisations pour le changement social. Outre le présent ouvrage, elle a publié des articles sur la théorie démocratique, la politique de la ville et les théories féministes. Un recueil de ses articles a été publié en 2009 chez Routledge (Londres et New York) : Resisting Citizenship : Feminist Essays on Politics, Community, and Democracy.

Traduction de l’anglais par Marianne Enckell et Alain Thévenet

http://www.atelierdecreationlibertaire. ... belle.html
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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Pïérô » 05 Oct 2017, 16:36

D’un anarchisme espagnol au féminin

■ Laura VICENTE
MUJERES LIBERTARIAS DE ZARAGOZA
El feminismo anarquista en la Transición
Mallorca, Calumnia edicions/Els oblidats, 2017, 120 p.

■ Hélène FINET (coord.)
LIBERTARIAS
Femmes anarchistes espagnoles
Paris, Nada Éditions, 2017, 256 p.

Deux titres intéressants sont consacrés, cette année, au féminisme anarchiste espagnol. L’un, en français, a paru en juin dernier chez Nada (Paris) ; l’autre, en castillan, vient de paraître chez Calumnia (Mallorca). En langue(s) espagnole(s), les livres concernant les femmes anarchistes sont déjà assez nombreux, qu’il s’agisse de témoignages individuels ou d’études sur des thématiques collectives. En langue française, nous disposons également de divers ouvrages de référence toujours disponibles. Un engouement certain accompagne cet aspect de la lutte anarchiste ibérique depuis sa réactivation au lendemain de la mort de Franco.

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Pour comprendre l’actuelle résurgence du féminisme anarchiste espagnol, il convient d’en connaître la généalogie. Le livre, très instructif, de Laura Vicente – Mujeres libertarias de Zaragoza. El feminismo anarquista en la Transición – couvre la période du retour à la démocratie après la mort de Franco : les années 1975-1982, dites de la « transition ». L’ouvrage a plusieurs vertus dont la principale est sans doute de relater comment le féminisme anarchiste s’est reconstruit en Espagne en rompant radicalement avec l’illusion d’un « anarchisme » essentialiste dont l’Espagne aurait été, par essence précisément, la terre de prédilection. Cette vue de l’esprit irradie toujours les florilèges internationaux. Au point que l’Espagne a fini par devenir fantasmatiquement synonyme d’anarchisme – et même, par comparaison, une sorte de toise à laquelle devrait se mesurer l’anarchisme partout ailleurs. Je caricature, bien sûr. Laura Vicente, qui participa à ce mouvement de reconstruction, s’exprime en connaissance de cause ; elle « théorise sa pratique » en dialogue avec ses compagnes de lutte du moment. Il y a, à l’origine de ce livre, un article précédemment publié dans Libre Pensamiento, une revue anarchiste espagnole contemporaine. La réflexion qui s’en dégage intègre donc les propres connaissances de l’auteur et la mémoire des protagonistes de cette reconstruction.

Sortir du traumatisme franquiste – un processus qui n’est pas encore achevé – ne releva pas de la magie. L’exil ne fut pas seulement extérieur, mais aussi intérieur. Cette puissante réalité subjective n’est pas effacée de nos jours. Ce fut très difficile, écrit l’auteur, car le franquisme avait construit un vide de référence. Le pays était comme momifié.

Contrairement à l’idée reçue qui voudrait que le féminisme anarchiste espagnol fût né en 1936, Laura Vicente reprend l’archéologie de ce mouvement qui commence, dit-elle, vers 1830 et s’inspire des utopistes français (exactement comme le féminisme en France à la même époque). Voilà une donnée rassurante qui court sur tout le livre : il y eut porosité internationale des mouvements sociaux et des pensées émancipatrices. Laura Vicente rappelle, par exemple, la place prépondérante que jouèrent, en Espagne, la libre-pensée et la franc-maçonnerie (une considération admise par d’autres historiennes du féminisme anarchiste d’Espagne). Elle cite aussi le néomalthusianisme, ancêtre de la libre disposition de leur corps par les femmes. Les quatre piliers de l’anarchisme féministe furent la défense de l’émancipation des femmes, la liberté, l’égalité des sexes et l’amour libre. Défile alors une longue liste de femmes anarchistes historiques antérieures à 1936, parmi lesquelles on peut au moins citer Teresa Claramunt (1862-1931). Elles sont au minimum internationalistes et libre-penseuses, et configurent un « féminisme ouvrier » (sic). Ensuite et ensuite seulement, on arrive aux années 1930. Un siècle de mouvements sociaux les a précédées !

La victoire franquiste entraîna, comme principales mesures, l’abolition de toutes les lois de la Seconde République (sur l’avortement, la contraception, le divorce), le renvoi des femmes au foyer (Pétain aussi le tenta), l’interdiction de la mixité. Des mesures qui s’allègent à partir des années 1960 (Napoléon III avait également assoupli ses lois antisociales aux dernières années de son règne). En 1965 est convoquée la première Assemblée de femmes démocratiques ; en 1973 est fondé le Front de libération des femmes. En 1974 s’ouvre, à Madrid, le premier centre de planning familial. Lors des dernières années du franquisme, les femmes militantes se joignent à la lutte antifranquiste. Autant d’échos outre-pyrénéens…

La « transition » se caractérise par un retour à une législation démocratique adaptée aux standards internationaux en vigueur à l’époque en matière de contraception, de divorce et de droit à l’avortement. En 1977 surgit la première Coordination nationale des groupes féministes. C’est à partir de ce moment-là qu’apparaissent des divergences internes sur les objectifs à atteindre. Certains groupes accompagnent le processus démocratique « bourgeois » ; d’autres se tournent vers des fronts de lutte plus offensifs. Comme partout ailleurs dans le monde, le féminisme espagnol est à multiples facettes, mais nous n’en sommes pas encore au retour d’un féminisme de sensibilité anarchiste. À la fin des années 1970, l’Espagne connaît une phase de grande effervescence féministe irriguée par les grandes thématiques internationales. Ainsi, le fameux procès des « onze femmes » de Bilbao de 1979 rappelle, sur la question de l’avortement, celui de Bobigny en 1972. Le premier divorce légal est prononcé en 1981.

Femmes libres, le livre de Mary Nash [1], explosa sur la scène internationale comme un coup de canon. Il fut publié en France en 1977, deux ans après la première édition espagnole [2]. C’est donc une Irlandaise qui ouvrit la boite de pandore. Au départ, et pendant une décennie, le livre n’intéressa, en France, que les féministes. Il ne suscita que très peu d’échos, en revanche, dans le mouvement anarchiste français. En Espagne, il donna une impulsion à la création de groupes féministes libertaires. Laura Vicente ne cache pas qu’il agit même comme révélateur. En 1972, des Espagnoles en exil éditaient, du côté de Béziers, le bulletin Mujeres Libres de España en el exilio. À la mort de Franco, comme bien des anarchistes exilés, ces « femmes libres » historiques se rendirent à Barcelone. Parmi elles se trouvait Sara Berenguer (1919-2010). Dans ses valises, elle apportait de la documentation et les bases d’une reconstruction. Les premiers groupes de femmes libertaires se formèrent à la fin des années 1970 et, comme ailleurs, ils firent l’objet d’une grande circonspection de la part de leurs compagnons de la CNT, elle aussi en reconstruction. Les dernières rescapées de la révolution – Matilde Escuder (1913-2006), par exemple – vinrent renouer avec la jeunesse. C’est à Barcelone que parut, en 1977, le premier numéro de Mujeres Libres de l’après-franquisme. Le groupe du même nom qui en assura la publication essaima dans toute l’Espagne en autant de groupes locaux formant une coordination nationale.

Laura Vicente s’attèle plus précisément à l’histoire du groupe des femmes libertaires de Saragosse, le sien, fondé en 1980. La CNT de la région de la vallée de l’Èbre se reconstitua en 1976. En son sein, les femmes sont en pointe sur les revendications concernant la contraception et le droit à l’avortement. Des liens se renforcent avec la CNT en exil. Autre influence internationale de poids : la publication, en Espagne, en 1982, de Notre corps, nous-mêmes, produit en 1969 par un collectif de femmes de Boston. En 1980, le noyau des femmes libertaires de Saragosse quitte les locaux de la CNT pour rejoindre celui des ouvrières d’une entreprise métallurgique en grève. Elles adoptent officiellement la dénomination de Mujeres Libres à partir de 1981. D’après Laura Vicente, la transmission du patrimoine historique des Mujeres Libres de la révolution espagnole se heurta à deux obstacles majeurs : le peu de goût de la jeune génération, d’une part, pour les choses du passé – une idéologie de la table rase, en somme – et, d’autre part, les stigmates de l’autoritarisme dans lequel furent élevés, sous Franco, les acteurs de la reconstruction, autoritarisme qui ne les prédisposait guère à s’enthousiasmer pour le féminisme. Ici, une incise s’impose : en France – sans séquelles d’aucune sorte d’aucun franquisme « culturel » –, nos camarades hommes éprouvèrent des blocages similaires dans les années fondatrices du mouvement des femmes. En Espagne comme partout ailleurs, le concept de l’oppression spécifique des femmes eut du mal à s’imposer. C’est grâce aux féministes libertaires qu’il trouva sa place en milieu anarchiste espagnol. Pour l’anarchisme, nous dit Laura Vicente, le sujet de la rébellion est l’humanité. On y parlait d’ « humanisme intégral » – idée qui rappelle le « féminisme intégral » de Madeleine Pelletier (1874-1939).

L’ouvrage relate avec une grande précision le travail conceptuel qui s’élabora, au jour le jour, à travers les luttes et les pratiques féministes libertaires dans l’Espagne des années 1980 : l’indépendance, l’auto-estime, la sororité, toutes choses qui furent un « matrimoine » commun au féminisme international de ces années-là. Ce que l’auteur, reprenant une expression d’Emma Goldman, qualifie d’« émancipation intérieure ». Là encore, on sent aussi l’influence du féminisme international, et plus particulièrement le rôle qu’y joua le livre d’Elena Gianini Belotti [3]. Tout cela démontre, s’il le fallait, combien fut importante, dans le féminisme de cette époque, la dynamique internationale des mouvements et les liens de solidarité qui s’y tissèrent. Dans les années 1980, les thématiques débattues dans les groupes espagnols se rapprochent considérablement de celles des autres pays occidentaux : travail féminin, éducation, sexualité et histoire des femmes.

Les groupes féministes libertaires, à Saragosse comme ailleurs en Espagne, choisirent donc l’autonomie organisationnelle. Plusieurs groupes – de quartier, syndicaux, etc. – décideront finalement de fonder une coordination municipale. Parmi toutes leurs initiatives (manifestations, grèves, activités culturelles), je mentionnerai la rencontre entre les femmes libertaires de Saragosse et celles de l’Union des femmes sahraouis du Polisario, rencontre d’autant plus improbable que ces dernières soutenaient davantage la lutte de libération nationale, collective, que celle, spécifique, des femmes – notamment en matière de contraception.

La décrue du mouvement féministe libertaire fut provoquée, d’une part, par l’éloignement dans le temps de la dictature franquiste et, d’autre part, par l’intégration institutionnelle d’une partie des féministes. Comme en France, en somme, à la fin des années 1980. Là encore, nous sommes bien dans un rythme international.

Le livre de Laura Vicente constitue une contribution historique majeure à l’éclairage du féminisme libertaire en Espagne et aux difficultés qu’il a rencontrées dans sa renaissance.


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Au milieu des années 1980 fut créée, sur Radio libertaire, l’émission « Femmes libres » dont l’intitulé sonnait comme un hommage aux féministes anarchistes de la révolution espagnole de 1936. À partir de cette date des militants libertaires entreprirent plus sûrement, en France, de se réapproprier les travaux de Mary Nash, mais aussi ceux de Martha A. Ackelsberg [4], qui prolongeaient cette étude fondatrice. Des femmes de l’exil libertaire, comme Pepita Carpena (1919-2005), témoignèrent ; des célébrations furent organisées ; l’iconographie de la milicienne d’Espagne au front se répandit (après celle, très en vogue, de l’Algérienne au fusil). Lentement, en quelques décennies, le féminisme anarchiste espagnol devint la référence obligée qui effaçait tous les autres féminismes – y compris anarchistes –, partout ailleurs dans le monde. À la forclusion succédait ainsi la banalisation. Dans les années 1990, enfin, apparut l’usage du néologisme « anarchaféminisme ». Comme il y avait un anarchosyndicalisme, il y aurait désormais un anarchaféminisme. Je ne suis pas certaine que cela nous ait beaucoup avancé du point de vue de la pensée et de la pratique, mais la question reste ouverte pour la nouvelle génération.

Hélène Finet, coordinatrice de Libertarias : femmes anarchistes espagnoles, nous avait donné, il y a quelques années, un travail tout à fait novateur sur les femmes anarchistes argentines [5]. D’une autre trempe, ce nouveau titre manifeste une claire vocation de vulgarisation des connaissances déjà acquises en matière d’anarchisme espagnol au féminin. Hormis l’article de Dolors Marín sur les infirmières de Majorque, sur lequel nous reviendrons, on n’y fera, en effet, aucune découverte notable. Pourtant, ce livre est, comme celui de Laura Vicente, très instructif sur certains plans. D’abord, il illustre l’engouement non démenti et toujours actif pour l’Espagne anarchiste de 1936 [6]. Il traduit, par ailleurs, une avancée intéressante dans l’étude du féminisme contemporain, puisque trois contributions, et non des moindres, sont rédigées par des hommes. Voilà qui est nouveau quand on sait que ce genre de fantaisie n’avait pas cours dans le mouvement des femmes des années 1970 ! Cette ouverture nous prouve, et c’est une bonne nouvelle à mes yeux, que le féminisme n’est plus seulement, de nos jours, une affaire de femmes et que cela semble admis dans la représentation publique collective. La première contribution est de David Doillon, éditeur, qui retrace le portrait moral et la trajectoire sociale de Francisca Saperas (1851-1933), grand-mère d’Antonia Fontanillas (1918-2014). Cette étude, qui nous replonge dans l’imaginaire de lutte de la population ouvrière espagnole à l’aube du XXe siècle, renforce l’analyse de Laura Vicente (et d’autres historiennes féministes espagnoles) sur la maturation du mouvement social avant 1936, en Espagne comme partout. La seconde contribution porte sur Lucia Sánchez Saornil (1895-1970), l’une des fondatrices de Mujeres Libres. Nous la connaissions par les travaux que lui avaient précisément consacrés Antonia Fontanillas, et nous avions nous-même publié, il y de cela quinze ans, des poèmes d’elle, traduits et présentés par Dolors Marín et Guy Girard, dans la revue Chimères. L’auteur, Guillaume Goutte, avait déjà publié, en 2011, aux Éditions du Monde libertaire, une première version de son travail, mais cette nouvelle mouture permet de mieux saisir l’importance de cette féministe. Enfin, Joël Delhom, enseignant et troisième plume masculine de ce volume, nous offre, en clôture d’ouvrage et à partir d’une lecture approfondie de l’autobiographie « de la survie » d’Ana Delso [7] (1922), une belle contribution sur le parcours de cette femme anarchiste et ses incroyables pérégrinations d’exilée pendant la Seconde Guerre mondiale, les camps et le maquis.

Ce recueil nous propose, par ailleurs, une étude méthodologique qui, sans innover non plus à proprement parler, s’interroge sur ce que pourrait être une histoire des femmes. Dans cette perspective, Susana Arbizu et Maelle Maugendre puisent, ce qui est bienvenu, aux sources du féminisme historique : les travaux fondateurs sur l’histoire des femmes, autour de Michelle Perrot pour le dire vite, et ceux de Monique Wittig, qui fut une théoricienne de première importance du féminisme. C’est là une excellente méthode. Pour ce faire, les deux auteurs s’intéressent à un groupe très célèbre de l’anarchisme espagnol, Los Solidarios, qui comptait dans ses rangs quatre femmes dont il était impossible jusqu’ici de savoir quoi que ce fût. Les tentatives d’élucidation des deux auteurs suscitent en moi deux remarques. Premièrement : ce n’est pas forcément dans des faits d’armes que la contribution de ces femmes est à chercher. Deuxièmement : c’est plutôt du côté de l’histoire sociale et de ses sources habituelles – identité, naissance, métiers – qu’on trouvera de quoi étoffer davantage le portrait de ces quatre inconnues des Solidarios. Une histoire sociale où elles ne sont pas forcément identifiables, pour le dire simplement, comme femmes phalliques, mais comme femmes luttant pour leur émancipation individuelle, tâche qui ne relève pas toujours du spectaculaire. Malgré ces manques, cette étude pose des questions toujours brûlantes.

Deux autres contributions sont consacrées à la revue Mujeres Libres, éditée à Barcelone, dont treize parutions virent le jour entre 1936 et 1938. La première est signée Ana Armenta-Lamant Deu et traite de la prise en charge de la question de l’éducation féminine dans Mujeres Libres ; la seconde, signée Cristina Escrivá Moscardó et Rafael Maestre Marín, propose une sélection de poèmes de l’époque écrits par des femmes. Chacun de ces textes met l’accent sur la singularité de cette publication espagnole parue dans un contexte de révolution sociale. En matière d’éducation féminine, on se doit de nuancer ce point de vue. C’était là une thématique si classique de l’époque qu’on la retrouvait aussi communément traitée dans les publications anarchistes de divers pays que chez les féministes dites « bourgeoises ». Il faut, en effet, se souvenir que la question de la santé des femmes était au centre des préoccupations du néo-malthusianisme et du planning familial, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il n’est que de lire Francis Ronsin [8] pour s’en convaincre. Quant à celle de l’éducation des enfants, Nathalie Brémand, qui l’a étudiée de près [9], pourrait attester de la diffusion, entre 1830 et 1870 déjà, notamment en France et à coup sûr dans les pays nordiques, d’une foison d’expériences éducatives. Ces remarques attestent que ce livre, au demeurant tout à fait intéressant pour un lectorat non hispanophone, est sans doute un peu fragile du côté de l’insertion internationale de la problématique féministe dans l’ensemble du XXe siècle. Je suis loin de penser, quant à moi, que, hormis pendant la période révolutionnaire où certains fronts de lutte spécifiques ont été développés, l’ensemble des thématiques soulevées et concrétisées par les féministes anarchistes espagnoles ait eu quoi que ce fût de particulièrement singulier. On les retrouve partout dans le monde industriel avancé. Ce point me paraît d’autant plus important pour resituer l’anarchisme espagnol d’alors dans une double réalité : un ancrage évident dans la société espagnole de son temps et une perméabilité aux influences de l’extérieur, notamment à travers des échanges avec les révolutionnaires de divers pays, langues et continents.

On s’attardera pour finir sur l’article de Dolors Marín – « Femmes anarchistes, biographies de lutte et d’espoir » –, car il apporte au recueil, à travers le récit d’une expérience majorquine, une vraie note d’inédit. L’île de Majorque demeure une blessure ouverte au cœur de la révolution espagnole. Cet objectif stratégique important tomba, dès le début de la guerre civile, et avec l’aide de Mussolini, aux mains des franquistes. Majorque demeure l’un de ces lieux d’Espagne où les charniers du franquisme ont été recouverts de silence et où la mémoire républicaine peine, aujourd’hui encore, à se reconstituer. Avec cette contribution, Dolors Marín lui ouvre une fenêtre. À partir des récits et évocations de Lola Iturbe (1902-1990) – qu’elle a connue – et de Concha Pérez Collado (1915-2014) sur leurs compagnes de lutte disparues, on en arrive à ce journal, anonyme, d’une milicienne publié une première fois, en 1938, à Majorque. Et voilà dévoilée l’histoire de ces infirmières volontaires de la Croix-Rouge (aux mains des franquistes), sans doute torturées et violées, puis fusillées, et dont les restes n’ont toujours pas été retrouvés à ce jour. Cette étude de Dolors Marín élargit le champ de l’histoire des femmes espagnoles antifranquistes, et plus spécifiquement libertaires, en précisant : « Il faut signaler que si certaines femmes ont agi en tant que soldats, d’autres ont travaillé dans les services auxiliaires, comme cuisinières, blanchisseuses ou infirmières. Mention spéciale doit être faite à celles qu’on appelait les “miliciennes de la culture ” et à celles qui ont rejoint leurs fils ou leurs compagnons » (p. 200). C’est ainsi que l’on peut considérer que, s’il y eut bien des femmes au front, à tous les stades du front, même après que le Parti communiste espagnol ou des anarchistes eurent décidé de les en chasser, elles agirent aussi à l’arrière, dans les bureaux, en cuisine, comme secrétaires. Comme membres ou non de la CNT ou de Mujeres Libres. Cette contribution de Dolors Marín, qui prolonge certaines de ses études antérieures, est en congruence avec l’histoire générale des femmes de l’époque contemporaine, celle qui nous enseigne que, visibles ou pas, héroïnes ou pas, les femmes ont bien pris une part à tous les combats pour l’émancipation. Et, parmi elles, les libertarias d’Espagne, celle d’avant comme celles d’aujourd’hui.

Ces deux titres – qui offrent, l’un et l’autre, de copieux repères bibliographiques – contribuent, chacun à leur manière, à populariser cette histoire en cette année anniversaire de la fondation, en août 1937, de l’Agrupación de Mujeres Libres, qui compta jusqu’à 20 000 adhérentes.

Claire AUZIAS


[1] Mary Nash, Femmes libres. Espagne 1936-1939, Paris, La pensée sauvage, 1977.

[2] Mary Nash, Mujeres Libres. España 1936-1939, Barcelona, Tusquets Editor, « Acracia », 1975.

[3] Elena Gianini Belotti, Du côté des petites filles, Paris, Éditions des femmes, 1974.

[4] Martha A. Ackelsberg, La vie sera mille fois plus belle. Les Mujeres Libres, les anarchistes espagnols et l’émancipation des femmes, traduit de l’anglais par Marianne Enckell et Alain Thévenet, Lyon, Atelier de création libertaire, 2010. Ouvrage recensé dans À contretemps, n° 38, septembre 2010 et disponible ici http://acontretemps.org/spip.php?article309

[5] « “Ni dieu, ni patron, ni mari !” Militantes anarchistes en Argentine (1890-1930) », in : ¡ Viva la Social ! Anarchistes et anarcho-syndicalistes en Amérique latine (1860-1930), Paris/Saint-Georges d’Oléron, Nada Éditions, Éditions Noir et Rouge, Les Éditions libertaires, collection « América libertaria », 2013, pp. 29-49.

[6] À quand des livres sur les femmes anarchistes allemandes, suédoises, britanniques, italiennes, etc. ?

[7] Ana Delso, Trois cents hommes et moi ou Estampe d’une révolution, préface de Martha A. Ackelsberg, Éditions de la Pleine Lune, Montréal, 1989. Il existe de cette autobiographie une version espagnole (FAL, Madrid, 1998) et une version italienne (Zero in condotta, Milano, 2006).

[8] Francis Ronsin, La Grève des ventres. Propagande néo-malthusienne et baisse de la natalité française, XIXe-XXe siècles, Paris, Aubier, « Collection historique », 1980.

[9] Nathalie Brémand, Les Socialismes et l’enfance. Expérimentation et utopie (1830-1870), Rennes, PUR, 2008.

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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Lila » 24 Oct 2017, 21:37

Femmes libertaires, femmes en lutte...
femmes libres !


J'lai pas vu, j'l'ai pas lu mais j'en ai entendu causer. Mujeres Libres, à peine citée dans l'histoire des femmes, non reconnue comme composante du mouvement libertaire espagnol par les anars eux-mêmes.

Les auteurs d'ouvrages relatant la révolution espagnole, les militants essayant d'en rendre compte dans la presse anarchiste ont du mal à définir ce mouvement : propos déformés, lesbianisme nié (1), intellectuelles ou ouvrières...

Et pourtant, ce furent des milliers et des milliers de femmes qui s'émancipèrent et assumèrent la situation (2). Plus de 20.000 femmes s'ouvrirent comme des roses (3) à la construction de leur émancipation en termes économiques, sociaux, culturels, éducatifs, guerriers ou médicaux. Le tout dans l'enthousiasme de la jeunesse, de la liberté, au nom de la vie enfin réinventée.

Dès l'origine, les Mujeres Libres considèrent le féminisme comme un mouvement politique visant la prise du pouvoir car aucune organisation de femmes ne remet fondamentalement en cause le fonctionnement de l'État espagnol ou le capitalisme. Ayant comme contre-modèle le courant féministe bourgeois et réactionnaire très actif en Espagne au cours des années trente les initiatrices de Mujeres Libres, formées à la CNT ou aux Jeunesses Libertaires, créeront une organisation de femmes se considérant comme une des composantes du mouvement libertaire.

Sans qu'on le sache, une révolution féministe était en train de naître, de la même manière qu'entre tous nous faisions une révolution sociale (4). Triples victimes : du capital, du patriarcat et de l'ignorance disent-elles en parlant de l'oppression féminine. Nous pourrions ajouter un quatrième joug : celui de la reproduction dans la sphère politique de la hiérarchisation des fonctions. Le mouvement libertaire n'y échappera pas. Mujeres Libres subira de plein fouet désengagement, désintérêt, humiliation de la part des organisations anarchistes.

La chape de plomb du franquisme, le renouveau du féminisme des seventies, le silence tonitruant de l'anarchisme organisé ou non participent, chacun dans son domaine, à la méconnaissance de cet élan social, libertaire et féministe de ces milliers de compagnes espagnoles. En effet, Mujeres Libres chamboule les idées préconçues des hommes et des femmes quant à la révolution, la réforme ou "ce qui est bon pour le peuple". Ces femmes à peine alphabétisées (5) dérangent à la fois les tenants du patriarcat, les anars et semblent être ignorées des anarcha-féministes petites-filles de Simone de Beauvoir, de Simone Veil ou d'Emma Goldman (grosso modo héritières des courants intellectuels, citoyens et politiques du féminisme) méconnaissant les activités de leurs aînées qui ont inventé le premier mouvement lutte de classes de femmes de l'histoire ouvrière (6). Seules en Espagne, des compagnes se réapproprièrent, si ce n'est la méthode, du moins le nom. Une gageure !

Deux chercheuses universitaires, Mary Nash et Martha Ackelsberg ont ajouté leurs travaux à la voix quasiment inaudible de ces militantes libertaires : le mur de l'indifférence est lézardé. Un bon patchwork qui renoue avec l'origine de Mujeres Libres créée par une poignée d'intellos et d'ouvrières, toutes militantes syndicalistes libertaires...

En cette fin du XXème siècle, les vieilles compagnes bataillent pour l'extériorisation et donc la diffusion, la re-connaissance de leur mémoire collective. Et nous autres, au groupe Las Solidarias, nous nous en faisons l'écho. Avec émotion, en toute humilité, nous réapprenons leur et donc notre histoire, celle des non-dits, de la solidarité, d'un humanisme intégral, celle des découvertes !

Les femmes sortent de l'ombre

Un féminisme balisé à droite, au centre, mais ignoré par les populations ouvrières ou paysannes balbutie pendant ces années trente et s'épanouira pendant la révolution.

En 1932, l'Action Catholique Féminine déclare 38.000 adhérentes. 5.000 femmes madrilènes adhèrent à Aspiraciones, association religieuse antisémite, anti-communiste.

Les fêtes du Sacré-Cœur animées par des femmes en deuil sont offensives en 1932-33. L'extrême-droite utilise le vote des femmes instauré par la république. Les aristo-femmes tâtent même du cachot.

Dans cette ambiance, beaucoup pensent que ce sont les femmes de droite qui ont provoqué le changement politique de cette Deuxième République. Ces analyses, un peu simplistes, oublient l'abstentionnisme des anarchistes et des féministes, le départ des socialistes du gouvernement.

Sortir les femmes du moyen-âge où les ont maintenues la tutelle ecclésiastique et la misère sociale apparaît comme la toute première urgence pour les femmes républicaines, révolutionnaires et libertaires qui se consacrent à la santé, à l'enseignement, à la paix. Toutes s'abstiennent d'intervenir sur un terrain politique. Des féministes créent une revue Cultura integral y feminima (1933-36), une des premières voix à s'élever contre les camps de concentration nazis.

Petits perce-neige de la révolution quotidienne, au cours de la première apparition publique de la CNT à la foire du livre de Barcelone, des jeunes femmes vendent à la criée des ouvrages traitant de la maternité consciente (7). La revue Estudios, à l'avant-garde d'une campagne en faveur de l'éducation sexuelle et de l'émancipation féminine aura un tirage qui oscillera entre 65.000 et 75.000 exemplaires.

Avant 1936, seules deux femmes avaient leur permis de conduire à Barcelone. Malgré une législation favorable, il y eut très peu de divorces et le phénomène fut essentiellement urbain (8 mariages madrilènes sur 1.000) (8). Les ouvrières (surtout les célibataires) refusent les congés de maternité pourtant votés par un gouvernement "radical" ! À cette époque les femmes accouchent sur leurs lieux de travail. Beaucoup ont peur du licenciement ou de l'opprobre populaire quant à leur sexualité que l'obtention de congés de maternité mettrait en avant. Beaucoup redoutent un licenciement - la misère est telle que les femmes basques, andalouses, asturiennes organisent des marches pour obtenir du pain au cours des grèves libertaires de l'été 34 - et/ou l'opprobre social (qui peuvent être liés) générée par la demande de congés de maternité trahissant l'exercice d'une sexualité.

Suite au soulèvement des Asturies d'octobre 1934 qui vit une femme communiste, Aïda La Fuente, mourir la mitraillette à la main ; Margarita Nelken, militante du PCE, organise des meetings en France pour dénoncer la répression. La Pasionaria (basque et femme de mineur) participe à la création de Infancia Obrera pour sauver les enfants asturiens.

Les femmes de droite occupent le terrain politique et associatif alors que les républicaines se consacrent principalement à l'éducation. Le féminisme se divise, par delà des oppositions politiciennes (gauche-droite), essentiellement suite aux évènements d'Asturie. La classe ouvrière y voit les prémices d'un renversement sociétal. La droite tremble : les féministes "apolitiques et indépendantes" dans leur journal Mundo femenino (1921-1936) déplorent que trop d'énergumènes en jupes aient combattu et que les femmes de mineurs n'aient pas su retenir leurs hommes (9). Historiens, voire socialistes et anarchistes, pensent que les femmes sont instrumentalisées par l'Église, qu'elles sont trop esclaves d'un mode de pensée étriqué et représentent en tant que corps constitué un danger pour les valeurs républicaines (10).

Le terrain politique est officiellement perdu pour une gauche féministe. Soit parce que les hommes considèrent les femmes dans leur ensemble comme irresponsables, soit parce que leur organisation est assujettie au mouvement ouvrier organisé : du Komintern, en passant par le front antifasciste verrouillé par le PCE. Les femmes s'épanouiront sur le terrain qu'elles auront choisi au cours de ces années : celui de l'éducation, de la santé, de la formation, de la solidarité... Un terrain rompant définitivement avec une vision linéaire, manichéenne de la libération individuelle ou collective. Un terrain miné pour une vision centraliste de la révolte ouvrière. Un terrain globalisant les exploitations économiques et patriarcales où germera l'émancipation individuelle. Un terrain où s'épanouiront les Mujeres Libres !

Les femmes au boulot ou à la ronéo !

De 1936 à 39, elles conduisent les tramways et négocient avec le syndicat des transports de Madrid l'ouverture d'une auto-école pour remplacer les compagnons partis au front. Elles ouvrent des centres de formation professionnelle, apprennent à tirer et à sauter en parachute. Elles sont contraintes de mendier auprès des syndicats le moindre local, le moindre subside pour... socialiser les usines, construire à l'arrière ou au front la révolution sociale.

Mujeres Libres peut se résumer dans ce propos de Pepita Carpeña : Je n'avais pas été invitée, mais je les suivis. Pas invitée à la réunion cénétiste, pas invitée à décider du comment se battre, pas invitée à s'organiser. Et non seulement, les Mujeres Libres ont suivi l'action mais elles l'ont très souvent devancée. La petite couturière et ses compagnes construisent un mouvement social qui ne se contente plus d'alphabétiser mais éduque et forme politiquement des milliers de femmes. Elles créent des centres d'accueil pour les réfugiés. Elles organisent l'éducation des enfants. Elles ouvrent un centre de réinsertion pour les prostituées. Elles combattent la mainmise des staliniens sur les organismes féminins et de solidarité internationale (11). Elles donnent corps et sens à une véritable révolution culturelle et sociale. Et elles ne se sont pas trompées. En 1939, des groupes Femmes Libres existent dans plusieurs pays européens, leurs publications appellent les femmes à expérimenter une bisexualité. Elles se sentent capables de combattre au front, de participer à l'industrie de guerre, de gérer leur quartier... en l'absence des hommes.

L'effondrement de tous les ressorts de l'État, de tous les subterfuges de l'autorité, laissait les femmes livrées à leurs propres forces et contraintes à résoudre elles-mêmes les problèmes gigantesques de leur propre existence (12). La révolution les transfigure. En quelques mois Mujeres Libres, par nécessité, s'affranchit de la tutelle syndicale ou politique. Elle embrasera le cœur des femmes et aucune, malgré la souffrance, la mort, l'exil ne regrettera cette expérience.

L'anarchisme : une révolution copernicienne... malgré les anars !

Quel bilan en tirons-nous aujourd'hui ? Une vie pleine d'enthousiasme, de rêves et d'utopies vaut des milliers d'attentes, de faux-semblants. Quoi qu'ils ou elles en pensent : elle et il sont issus de la révolution culturelle libertaire.

Lui, en créant un atelier égalitaire, en redonnant sa dignité au paysan, en tissant une solidarité de classe dans le quartier, à une époque où l'on pouvait être emprisonné pour un simple coup de pied, où le moindre sursaut représentait une menace pour une Église inquisitoriale ou pour un patronat protohistorique. Il a redonné de l'espoir à la classe ouvrière, il a mis à bas le joug en substituant à la charité, la solidarité, en égalisant les fonctions, en mettant dans la rue culture, sport, promenade, livre, théâtre et musique.

Elle a suivi, s'est imprégnée de cette autonomie intellectuelle et combative, a réintroduit cette collectivisation de la vie dans la sphère domestique, l'a sexuée. Elle est devenue femme malgré et grâce au mouvement libertaire ! Ni l'une, ni l'autre n'ont eu le temps de s'en apercevoir. Nous, simples spectatrice ou lecteur le sentons entre les lignes, le prévoyons.

Le mouvement libertaire espagnol, en quelques années a su onjuguer au présent section syndicale, formation intellectuelle et culturelle, a doté la jeunesse d'espaces libertaires. Et c'est parce qu'elles sont anarchistes, que des Saornil, Comaposada, Poch y Gascon fonderont Mujeres Libres, parce que les femmes ne participent pas assez à la lutte syndicale ou sont prisonnières de l'ordre établi.

La majorité des hommes espagnols, paraît ne pas comprendre le sens de la véritable émancipation ou dans quelques cas préfère que leurs femmes continuent à l'ignorer (13). Dès 1936, le mouvement libertaire est ainsi interpellé et placé face à ses responsabilités : ajouter à ses propositions sociales et syndicales alternatives à l'exploitation économique des axes de réflexion, des principes sociétaux capables d'émanciper, de libérer, de construire les personnes dans leur globalité.

La CNT ignore trop l'émancipation féminine, au contraire de la bourgeoisie ou du stalinisme qui utiliseront sans vergogne la législation libérale ou l'entrisme prolétarien (14). Ce double flux freinera l'expansion de Mujeres Libres en terme d'aides, de reconnaissances, d'expressions et sera le meilleur exemple de la libéralisation sociale des mœurs, de ce désir de justice sociale qui émergeront au cours de ce soulèvement social. Comment visualiser cet élan révolutionnaire de quelques mois seulement si ce n'est à travers, non pas l'effort de guerre, mais cette volonté d'émancipation sociale, de mutualisation des compétences qu'ont su porter Mujeres Libres. Non reconnue, à peine tolérée par le mouvement libertaire, Mujeres Libres en éduquant les femmes, en les intégrant à la construction d'une société plus égalitaire leur donne les clés de leur émancipation. Elle outille les femmes du peuple et pas seulement les libertaires. Et de fait les libère et se libère de la tutelle masculine.

Ce ne fut pas facile. Elles ont des salaires de misère, quémandent des locaux, des trésoreries. Elles s'organisent vite malgré le manque de moyens, les pressions, la peur. Elles deviennent très rapidement une force propositionnelle et analysent dans leurs rapports, leur congrès, les enjeux de la guerre, du pouvoir, des oppositions politiques et syndicales. Elles conjuguent pragmatisme, sauvegarde des acquis, renforcement des socialisations et collectivisations avec la construction d'une société plus libre (15). Elle se veulent une force féminine conscienteet responsable qui agira comme avant-garde de progrès pour que la femme puisse intervenir dans l'émancipation humaine, et qu'elle contribue... à la structure du nouvel ordre social (16).

Le mouvement libertaire, prisonnier de schémas patriarcaux restera sourd à leurs propositions : en 1938, l'assemblée générale plénière du mouvement libertaire refusa d'intégrer Mujeres Libres sous prétexte qu'une organisation féminine serait pour le mouvement un élément de désunion et d'inégalité, et que cela aurait des conséquences négatives pour l'essor des intérêts de la classe ouvrière (17) ! No comment...

En cela les hommes de la CNT, des Jeunesses Libertaires ont été des hommes de leur temps : de bons catholiques rationalistes, culs serrés et fils de leur Môman. Même aujourd'hui, les organisations anarchistes occidentales ont du mal à reconnaître les luttes anti-patriarcales ou l'appropriation des cultures populaires, comme fait émancipateur. Une hiérarchisation des revendications, une conception linéaire (nous pourrions dire masculine) de l'organisation renforcent les structurations patriarcales (le capitalisme en étant seulement un des aspects). Mujeres Libres aura eu le mérite de casser cette logique en étant à la fois organisation de classes et mouvement d'émancipation : chapeau !

Le timide appui qui nous a été accordé le fut toujours avec une lamentable condescendance (18). Il est évident qu'en 1936, les uns et les autres ne savent pas encore combattre la trilogie familiale malgré leur participation à la législation la plus libérale de l'époque (19). Nos compagnons ne voulurent pas nous reconnaître comme la branche féminine du mouvement libertaire, nous reçûmes cette offense avec stupéfaction (20). Cette reproduction des oppressions humaines, ce refus de prendre en compte la sphère domestique, cette peur de perdre un pouvoir, sont universels et toujours aussi actuels. La transformation des rapports sociaux deviendra certainement un levier révolutionnaire pour combattre sérieusement les inégalités humaines et économiques... le jour où nous les concrétiserons, où nous les vivrons comme nos compagnes ont tenté de le faire.

Mujeres Libres a essayé de réunifier le corps social. Il est regrettable qu'un déni collectif ait occulté de notre mémoire libertaire et féministe cette expérience unique. Même les historiennes ou les révolutionnaires ignorent l'exemplarité de ce mouvement : est-ce-à-dire que, malgré leur désir de globalisation, la dichotomie est toujours de rigueur ? Les uns (les anars) ont réellement combattu le capitalisme et ses structures oppressives (l'État) tout en ignorant les ressorts profonds des oppressions spécifiques (le patriarcat). Les autres (les féministes radicales) ont dénudé l'aliénation sexuée et ses cortèges oppressifs tout en conservant une organisation sociétale autoritaire. Il serait temps de coordonner, de reprendre à notre compte tous les outils capables de déstabiliser, de contrecarrer les aliénations humaines et leur corollaire - les oppressions économiques - dans des perspectives de recherches émancipatrices. Ce bouquin y participe : qui d'autre s'y colle ?

Du refus de l'émiettement à la féminisation de l'éthique libertaire

C'est un autre féminisme, plus substantiel, de l'intérieur vers l'extérieur, expression d'un genre, d'une nature, d'une complexité différente face à la complexité et à l'expression de la nature masculine (21).

Qu'on ne s'y trompe pas, Mujeres Libres est unique en tant qu'organisation libertaire. Elle appartient à la fois aux sphères syndicale, éducative, anarchiste, humaniste et féminine. Elle est partie prenante et autonome. Force centrifuge de transformation de la condition de la femme, elle lui offre un rôle actif dans la défense de la révolution sociale. Elle s'isole intellectuellement, de fait, de l'ensemble du mouvement libertaire tout en y participant. Anarchiste et anti-étatique sur les terrains féminins et humanistes, elle s'opposera systématiquement à leur assujettissement à la raison d'État ou au Komintern. Anarcha-syndicaliste, elle aura à cœur de construire une force féminine libertaire dans les usines. Anarchiste, elle construit des espaces de liberté. On se rendait compte que la liberté était nécessaire (22). Libres. Ils étaient libres d'inventer, de réaliser, de se battre et de permettre aux laissées pour compte de se découvrir. Le monde en s'émancipant se féminisait, s'ouvrait aux enfants (23). Ne mesurerons-nous pas les libertés publiques à l'aune du traitement de la marginalité (même si cette dernière est trop souvent majoritaire) !

Mujeres Libres transcendera la condition des femmes ouvrières et paysannes. En outillant la guerre sociale de compétences maternantes propres à la sphère domestique : soins apportés aux blessés, assistance aux réfugiés ou aux orphelins, création de dispensaires, de colonies... Mujeres Libres met à mal une vision linéaire de la révolution. Ces femmes ont concrétisé ou tenté de le faire ce pourquoi des milliers d'ouvriers, de paysans combattaient : la solidarité devint un ciment sociétal. Ainsi le féminin rejoint le masculin dans la mêlée révolutionnaire. Bravo !

La revue, les tracts appelleront autant les femmes à apprendre à tirer au fusil, à travailler en usine qu'à apporter toutes leurs compétences féminines en matière de solidarité citoyenne. Mujeres Libres a libertarisé la solidarité qui devient ainsi un acte fondateur d'une transformation sociale. Celles qui avaient fait des études, ignoraient l'humanisme, le sens collectif et la solidarité. Elles l'apprendront au contact des ouvrières, du peuple, dans lesgroupes de Mujeres Libres (24). Nous ajouterons, parce qu'elles ne le disent pas, le courage qui leur fallut collectivement et individuellement pour vivre pleinement leurs libertés (25).

En éduquant, en valorisant socialement, culturellement des femmes soumises à l'époux, à l'Église, Mujeres Libres donne sens à une révolution sociale et libertaire. Ce seront donc des femmes anarchistes qui à travers une Institution anarchiste révolutionnaire (26) formeront des milliers de femmes à leur propre émancipation et créeront ainsi les bases d'un féminisme populaire libertaire. Cette mise en acte devance leurs propres discours.

De nombreux témoignages de ce livre refusent le label féministe opposé au masculin ou apparenté aux idéologies bourgeoise ou étatique. Ces femmes intègrent toutes leur émancipation à celle de la classe ouvrière et paysanne et la relient à celle de leurs compagnons. Elles se réclament de la complémentarité : L'apport de la femme est nécessaire parce que nous avions compris et encore maintenant qu'il ne pouvait y avoir de révolution sans convergence de lutte entre hommes et femmes (27). Elles abordent peu, sur un plan théorique, l'oppression patriarcale, mais en construisant au présent, malgré la guerre, une société plus juste, elles créent les conditions sociales et culturelles de son dépassement.

Dans Toda la Vida ou Libertarias, nous les voyons prendre conscience de leur oppression spécifique et intégrer leur révolte, leur volonté d'émancipation à la sphère politique. Espace qui fut interdit à leurs héritières des seventies qui durent se construire dans une schizophrénie organisationnelle : d'un côté le mouvement féministe, de l'autre les anars ou le syndicat. Au cours de ces années trente, ce sera le grand mérite du mouvement libertaire espagnol que de toujours, par-delà ses réticences, son opposition parfois viscérale, de fédérer les énergies sociales... quand elles ne remettent pas en cause son fonctionnement centraliste. En l'espèce Mujeres Libres a autoproclamé son attachement au mouvement libertaire.

Les cénétistes espagnols de 36 étaient-ils anars malgré eux (28) ?

Moins populaires et non intégrés à la lutte des classes, les mouvements a-patriarcaux contemporains rejoignent de fait l'analyse de Mujeres Libres sur la complémentarité, l'identité de genre, une appréhension masculine des espaces politiques, la valorisation publique des rôles féminins (29).

Féminisme ? Non, humanisme intégral !

Les postulats de Mujeres Libres furent et sont toujours uniques dans leur formulation, ils embrassent en effet la problématique féminine dans sa globalité (30).

Mujeres Libres s'adresse à chacune, en se voulant une composante autonome de la sphère libertaire. Et pourtant, les compagnes anarchistes ne sont pas toutes à Mujeres Libres. Malgré une sororité issue de la même expérience sociale, toutes les femmes libertaires ne participent pas à ce mouvement spécifique.

Elles ne sont pas toutes d'accord, elles n'ont pas eu le temps nécessaire d'y réfléchir (il n'y eut qu'un seul congrès). Federica Montseny, dans ses écrits, défendra les thèses universalistes, représentatives de l'asexualisation de l'éthique libertaire (31). Amparo Poch y Gascon liera son militantisme féministe à ses activités médicales (32). Lucia Sanchez Saornil co-fondatrice de Mujeres Libres, à la fois standardiste, poétesse et peintre est une figure emblématique du féminisme libertaire à la fois culturel et populaire. Elle écrira pratiquement tous les articles non signés de la revue, rédigera les rapports nationaux et participera activement à Solidarité Internationale Antifasciste.

Baignées par un rationalisme mettant le bien-être dans le giron du progrès technique et l'égalité sociale, une éthique de vie quasi ascétique, coincées par le poids de l'Église et de la famille, ces femmes ont fait ce qu'elles ont pu avec leurs compétences, leurs idéaux, les réalités sociales. Elles ont su transformer des inégalités, des dévaluations en outils révolutionnaires. Les femmes ne travaillent pas : elles ont donc tout leur temps pour se mettre au service de la révolution. Les hommes nous maintiennent dans nos rôles maternels, nous collectiviserons notre compassion maternante. Les compagnons nous retirent du front : nous serons solidaires à l'arrière.

Ainsi par l'action, est né cet humanisme intégral alliant luttes de classes, libération du patriarcat et solidarités inter-personnelles. Les femmes occupent le terrain abandonné par les hommes : la rue, les champs, l'atelier et... la culture. Elles parlent, écrivent, versifient, dessinent (33).

Au cours de ces trois années, tous les débats traversant le mouvement féministe contemporain ont été abordés : parité des travaux et des rôles sociaux, prise en charge par la collectivité des tâches domestiques, ouverture ou stratégie d'autodéfense des organisations politiques, universalité ou spécificité. En politisant la sphère affective (soutien aux femmes victimes de l'analphabétisme, de la prostitution, de la maternité, de la famille), Mujeres Libres a intégré à la lutte des classes des valeurs morales universelles et solidaires appartenant jusqu'ici au réformisme, à la religion ou à un problématique futur révolutionnaire ! En s'adressant immédiatement à l'ensemble des populations féminines et non aux seules militantes elles ont offert au mouvement libertaire une globalité jusqu'alors repoussée à des lendemains... qui déchantent. En quelques mois elles ont inventé, façonné, rêvé ce pourquoi les êtres humains luttent : des égalités sociales, des rapports humains transformés.

D'aucuns diront que vos revendications datent, qu'aujourd'hui elles ne se posent plus (pour quelques occidentales). D'autres s'arrêteront à la forme et vous renverront à l'histoire ou au rêve éveillé : vos actions n'ayant pas été à la hauteur de vos ambitions. Certains et quelques unes, comme moi, en vous découvrant, nous contextualiserons vos préoccupations partagées par des millions de femmes en matière d'éducation, de formation, de santé, d'indépendance économique, de travail social. Enjeux fondamentaux pour l'émancipation humaine que la mondialisation économique de la vie tente de transformer en marchandise !

Nous analyserons la vacuité de certains objectifs dits émancipateurs et toujours reproducteurs d'inégalités s'ils ne sont pas ébauchés ou réalisés.

Merci à vous ! Merci de vos combats passés, de ce travail de mémoires plurielles !

En vous laissant conclure : Les fondatrices de Mujeres Libres en Catalogne, sur la fin de leur vie, font confiance aux nouvelles générations pour poursuivre leur lutte jusqu'à la pleine libération de la femme, il reste encore beaucoup à faire pour y parvenir (34).

Thyde Rosell

Fille et nièce de militants cénétistes et des jeunesses mais qui n'a entendu parlé des Mujeres Libresque sur le tard.


NOTES

(1) Dans Le Combat Syndicaliste nE211, Miguel Chueca dans un article sur Mujeres Libres ne peut s'empêcher d'évoquer sans le nommer le lesbianisme de Lucia Sanchez Saornil, il préfère parler d'attirance pour les femmes. J'ai pourtant vérifié dans le dictionnaire ce mot existe. La route est longue, camarades !

(2) Interview de Suceso Portales dans De toda la vida . Des femmes libres dans la révolution espagnole.

(3) Interview de Sara Berenguer dans De toda la vida.

(4) Pura Perez. p 33.

(5) En 1930, 50 % des femmes sont analphabètes. La IIème République scolarise les garçons en vue de leur participation à l'industrie et alphabétise les filles réclamées seulement par les entreprises textiles, les tâches ménagères rétribuées ou pas, l'agriculture. En 1936/39, 4 % des femmes déchiffrent difficilement le castillan, maîtrisent les opérations de base.

(6) Pour la petite histoire, la traduction en français de Toda la Vida est une initiative de copines de la commission femmes de la FA ou de militantes de la Fédération Anarchiste. Une émission féministe sur Radio Libertaire a repris le nom de Femmes Libres.

(7) Témoignage de Lola Itturbe dans Toda la vida.

(8) D'après Inès Alberdi dans Historia y sociologica del divorcio en Espana.

(9) Cité par Danièle Bussy Genevois, histoire des femmes, XXème siècle, chapitre 6 p.177, Plon éditeur.

(10) En ayant gagné, nous avons perdu. Telle est la réalité. Reconnaissons que nous avons manqué de sens politique même si nous avons été en accord avec un postulat ( le droit de vote accordé aux femmes) de notre parti, El Socialista du 2 octobre 1931.

(11) Personne ne niera le courage d'une Pasionaria mais personne non plus ne niera l'instrumentalisation des organisations féminines par le parti qui n'aura de cesse d'exclure les femmes du POUM de toute initiative collective ou de nier toute démarche révolutionnaire : priorité est donnée à la lutte antifasciste et à l'annihilation de toute organisation sociale autonome capable de se substituer à l'État !

(12) Lucia Sanchez Saornil in CNT nE531.

(13) Extrait de Mujeres Libres n°1.

(14) L'Association des Femmes Antifascistes à laquelle adhèrent des députées est sous l'obédience de Dolores Ibarruti. Elle organise le travail des femmes en usine et l'aide internationale. L'Union des Muchachas (direction communiste) organise les femmes à Madrid et défend la ville assiégée.

(15) Par exemple : elles appelleront à l'embauche prioritaire des chômeurs (déjà formés) tout en créant des écoles professionnelles ou des brigades féminines de travail. Elles défendent l'égalité salariale tout en acceptant des sous-rétributions Elles défendent réellement les propositions et le fonctionnement de la CNT tout en construisant une force sociale féministe.

(16) Statuts.

(17) Cité par Mary Nash dans Femmes libres.

(18) Rapport de la fédération nationale Mujeres Libres aux comités nationaux du mouvement libertaire rédigé par Lucia Sanchez Saornil.

(19) La IIème république donne le droit de vote aux femmes, offre le divorce, reconnaît également enfant légitime ou adultérin. Montsenny, ministre de la santé, impose la loi sur l'IVG.

(20) Conchita Liano Gil.

(21) Voir Mujeres Libres nE1.

(22) Témoignage de Pepita Carpeña dans Toda la vida.

(23) N'oublions pas que parallèlement à l'émergence d'un mouvement féminin libertaire, partout fleurissaient des centres éducatifs tentant de libérer l'enfance de la tutelle étatique ou religieuse. Une étude approfondie pourrait peut-être faire émerger des parallèles, des constructions semblables et.pourquoi pas reproductibles au monde contemporain.

(24) Sara Berenguer.

(25) Le film de Vicente Aranda, Libertarias (1996), rend parfaitement compte du courage qu'ont eu toutes ces femmes pour s'émanciper de la tutelle familiale, religieuse ou organisationnelle et de leur combat pour sauvegarder leurs espaces de liberté contre les intérêts supérieurs de la guerre !

(26) Pura Perez.

(27) Témoignage de Sara Guillem dans Toda la vida.

(28) Attitude partagée par certains militants anarcho-syndicalistes contemporains. Pour exemple : Miguel Chueca dans Le Combat Syndicaliste nE212 rend compte de la publication du livre de Martha Ackelsberg sur Mujeres Libres et minimise les difficultés de Mujeres Libres à être reconnue par le mouvement libertaire (surtout ne pas toucher à la révolution). Martha Ackelsberg in Libre Pensiamento nE32 se satisfait d'une analyse historique de Mujeres Libres Ni l'une, ni l'autre ne relève pas en quoi l'organisation ne prend pas en compte les luttes émancipatrices, en quoi sa centralité idéologique est un rempart à la libération des personnes.

(29) Se reporter aux articles de Guillaume (groupe Durruti) Les anarchistes seraient-ils queer sans le savoir ?, Le Monde Libertaire 1210 et de Daniel Welzer-Lang Encore un effort camarades, Le Monde Libertaire nE 1208.

(30) Conchita Liano Gil.

(31) Mary Nash dans Femmes Libres résume ainsi la pensée de Federica Montseny qui participa aux travaux de Mujeres Libres mais qui divergeait avec elles sur la pertinence d'une organisation spécifiquement féminine : La solution au problème de l'émancipation des sexes se trouverait alors dans un auto-dépassement de l'individu qui lui permettrait d'arriver à créer un être humain nouveau.

(32) Elle fut la directrice del Case de la doña : centre de protection maternelle et infantile. N'oublions pas que les MST font des ravages et que la santé n'est pas un droit acquis pour tous. Elle écrira des textes sur la prise en charge collective de la santé dans les publications libertaires.

(33) N'oublions pas que peu maîtrisent le castillan. Son apprentissage est fondamental pour s'exprimer en public.

(34) Conchita Liano.


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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Pïérô » 03 Jan 2018, 12:32

Mujeres Libres: les anarchistes qui ont révolutionné la classe ouvrière en Espagne

À la fin de la Deuxième République, quelque 21 000 anarchistes ont formé le premier mouvement féministe radical de base populaire authentique en Espagne. Un des groupes précurseurs des revendications de la libération de genre, qui plusieurs années plus tard, sont toujours d'actualité.

... https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/ ... en-espagne
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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede bipbip » 16 Juil 2018, 19:03

Guerre d’Espagne : la parole aux femmes

Les hommes montent au front et les femmes aident à l’arrière : l’image est ancrée dans les représentations collectives. Mais lorsque ces dernières prennent les armes et font usage de la violence — malmenant ainsi la répartition patriarcale des tâches et leur condition de victime —, l’Histoire bafouille et opte trop souvent pour l’amnésie. Susana Arbizu, documentariste, et Maëlle Maugendre, historienne, ont participé à l’ouvrage collectif Libertarias, paru en 2017 aux éditions Nada : il s’emploie à rendre compte de la « spécificité de l’engagement des femmes anarchistes espagnoles » lors de la guerre civile remportée par Franco. Parler d’histoire, c’est bien sûr questionner le présent : au mois de mai 2018, le studio DICE annonçait la sortie prochaine du cinquième opus du célèbre jeu vidéo « Battlefield » ; une polémique éclata : le personnage principal de cette aventure, prenant place durant la Seconde Guerre mondiale, étant… une femme.

... https://www.revue-ballast.fr/guerre-des ... ux-femmes/
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Re: Mujeres Libres, Espagne 36-39

Messagede Lila » 05 Aoû 2018, 20:50

Pépita Carpeña sur ses compagnons syndicalistes : "Tu ne pouvais pas aller dans une maison si pauvre qu'elle soit où tu ne voyais pas une bibliothèque"

Pépita Carpeña, figure féminine et féministe de la guerre d’Espagne retrace dans un épisode de la collection "Mémoires du siècle" son enfance barcelonaise et ses engagements syndicaux, politiques et féministes

Pépita Carpeña, figure féminine et féministe de la guerre d’Espagne retrace dans un épisode de la collection « Mémoire du siècle » qui lui est consacré, son enfance barcelonaise et ses engagements syndicaux, politiques et féministes.

Pépita Carpeña grandit à Barcelone dans une société machiste et corsetée par les principes de l’Eglise. Sa famille est pauvre et la seule diversion des jeunes de l'époque est le bal. C’est là, qu’à 14 ans, elle rencontre des jeunes travailleurs engagés et qu'elle intègre la CNT - Confédération Nationale du Travail, une organisation anarcho-syndicaliste.

De cette époque elle dira "Là, j'ai appris vraiment, je les remercie ces hommes !". La culture, l’éducation sont mis en avant par ses compagnons :

Ils n'avaient pas de quoi manger mais tu ne pouvais pas aller dans une maison si pauvre qu'elle soit où tu ne voyais pas une bibliothèque.

Débute la guerre civile et ses camarades masculins rejoignent les contingents volontaires. "Moi aussi je voulais aller au front" se rappelle-t-elle. Son compagnon meurt au combat en 1938. De son engagement dans la guerre au côté des révolutionnaires anarchistes elle dit :

J'y ai cru fermement, j'étais jeune, pleine d'illusions.

Pendant la guerre, elle constate que "les femmes se sont épanouies". Les circonstances ont fait bouger la société et Pépita Carpeña, consciente de la nécessité de faire entendre leurs voix adhère au groupe féministe "Femmes Libres" et soutient les actions militantes de Federica Montseny contre la prostitution et pour l'avortement.

Puis c’est la débâcle pour les Républicains "une grande cohue, 500 000 personnes se sont retrouvées sur la route de Catalogne". Malade, Pépita quitte l’Espagne pour la France où elle résidera jusqu’à sa mort en 2005.

Par Philippe Esnault
Réalisation : Michel Bossuet
Mémoires du siècle - Pépita Carpeña, résistante pendant la guerre d'Espagne (1ère diffusion : 20/08/1996)

Podcast : https://www.franceculture.fr/emissions/ ... -maison-si
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