Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Pïérô » 30 Mai 2010, 13:04

Les féministes et la fête des mères, archives-page histoire

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Les féministes et la fête des mères.
" Fêtée un jour, exploitée toute l’année "
"Le torchon brûle" spécial Fête des Mères, un dossier archives sur http://re-belles.over-blog.com/pages/_l ... 10848.html


Page d'histoire sur http://pelenop.fr/?p=369

La fête des mères et la politique nataliste française.

« Fêter les mamans » est, aujourd’hui, un acte institué et banalisé. Ce sont les enfants qui offrent des cadeaux à leur mère : vestige de la politique de Pétain.

Mais la fête des mères est une journée dédiée, à l’origine, aux mères de familles nombreuses, honorées parce qu’elles repeuplaient la France. Les hommes, les politiques célébraient la femme parce qu’elle avait engendré pour « la patrie » ! On cantonnait les femmes à un rôle de mères, comme les franquistes l’ont fait en Espagne et les nazis en Allemagne.

Sous la III ème république, la France a connu un déclin des naissances. En 1896, le docteur Jacques Bertillon (propagandiste nataliste, fonde l’Alliance nationale pour l’Accroissement de la population française.

Parmi les actions et les manifestations de cette organisation, la fête des enfants est instituée. Mais bien plus que les enfants, c’était le « fruit des mères » qui est célébré.

En 1906, l’ Union fraternelle des Pères de Famille Méritants d’Artas (fondée en 1904 par Prosper Roche) instaure une médaille destinée aux mères de famille nombreuses : « La récompense du haut mérite maternel« .

En dépit des initiatives, la fête des mères ne devient pas un événement national.

En 1918, la fête des mères prend son essor, dans la ville de Lyon. Le 16 juin de cette même année, les lyonnais promeuvent la fête des mères comme une adaptation française du Mother’s Day. Mais ce n’est qu’un argument publicitaire car lorsqu’on voit l’affiche, il est évident que le but nataliste est la véritable raison de cette fête des mères. Lors de cette journée, n’étaient récompensées que les femmes fécondes en raison de » L’intelligence et le dévouement dans les soins donnés à leurs enfants« . Le Colonel Lacroix-Laval et Mr Auguste Isaac, tous deux fondateurs de l’Association La plus Grande Famille, étaient les investigateurs de cette journée lyonnaise.

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Le projet fut ensuite confié à l’Alliance Nationale, à la ligue « pour la vie » et la Ligue des Pères et Mères de Famille Nombreuse, afin d’être généralisé à tout le territoire français. Une première date a été arrêtée : le 15 août 1919, jour de l’Assomption de la vierge Marie.

Mais, en 1920, la date est décalée au 9 mai, jour où est remise la médaille de la famille française.


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En 1941, Pétain fait prendre à la fête des mères, un côté enfantin. Désormais, ce sont les enfants qui doivent célébrer leur mère en préparant des cadeaux, dans les écoles. Dans toutes les écoles françaises, les enseignants doivent faire apprendre un poème aux enfants et leur proposer un cadeau à offrir.


Ta maman a tout fait pour toi, le Maréchal te demande de l’en remercier gentiment.

Invente la surprise la plus belle que tu pourras, celle qui lui fera le plus grand plaisir.

Offre-lui des fleurs que tu auras cueillies…
ou un cadeau que tu auras fabriqué exprès pour elle…
Fais-lui un dessin aussi beau que tu pourras…
Fais un effort en classe pour rapporter de bonnes notes…
Ne te dispute pas avec tes frères et sœurs…
Va faire les commissions sans qu’elle te le demande…
Aide au ménage en souriant…

Apprends une jolie récitation…

Travail-Famille-Patrie.

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Avec la généralisation de la fête des mères, c’est la vision des femmes qui changent sous Vichy. Un Commissariat général de la famille est créé. Il anime des émissions de radio appelées » France-famille « .

En parallèle, une législation familiale est mise en place. On ne fête plus alors que les mères de famille nombreuse mais toutes les mères.

Les journaux féminins emboîtent le pas au gouvernement en incitant leurs lectrices à ne pas oublier leurs devoirs vis-à-vis de la Patrie. Le journal la Mode du jour écrit en juin 1941 : « Les temps sont révolus où la femme pouvait n’être qu’une poupée maquillée. La débâcle est venue, entraînant la souffrance, et la souffrance nous a appris à nous connaître. «

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En plus des affiches, des émissions de radios, des fascicules sont vendus pour « restaurer la famille française ». On peut y lire, concernant la mère française :

» Mères françaises, mères chrétiennes, mères héroïques et douces, ô nos saintes mères ! Vous étiez autrefois oubliées par un peuple insouciant qui ne songeait pas à vous rendre un hommage public. Il vous dédommage maintenant. Vous nous avez comblés de gâteries lorsque nous étions enfants : laissez-nous, à notre tour, vous gâter un peu en vous prodiguant les témoignages de notre ardente gratitude. Par la voix joyeuse de vos fils et de vos filles, c’est la France entière qui vous dira merci. » Abbé Thellier de Poncheville, l’ Amour maternel, 1941.

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Aujourd’hui encore, les enfants fabriquent des cadeaux à l’école, apprennent des poésies pour leur mère. La société patriarcale française s’illustre dans son incapacité à considérer les destins de chacun, de son peuple. C’est mépriser les femmes, les familles de continuer de fêter les mères. C’est mépriser , continuer à les célébrer parce qu’elles sont mères.

Une femme n’est pas qu’un utérus !


infos trouvées grace à mille babord http://www.millebabords.org/spip.php?article14329
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Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Pïérô » 18 Mar 2012, 12:43

8 mars, journée de mobilisation des femmes, histoire et signification

deux textes interessants sur la question

un texte d'Élisabeth Claude de 2003

Les " 8 mars " se suivent: mais quelle signification ?

Retrouver les origines de la Journée internationale des femmes n’est pas chose facile et plusieurs féministes s’y sont attelées.

Des faits incontestés

1910 : À Copenhague, Clara Zetkin propose aux participantes de la Deuxième conférence internationale des femmes socialistes que (…) " les femmes socialistes de tous les pays organisent tous les ans une "journée des femmes" qui servira en premier lieu la lutte pour le droit de vote des femmes ".

1911 : Des manifestations impressionnantes ont lieu dans un grand nombre de pays d’Europe et aux États-Unis. Dans la seule ville de Berlin, 45 meetings rassemblent plus de 40 000 participants et plus de 30 000 femmes défilèrent dans les rues de Vienne en Autriche.

1913 : Des rassemblements clandestins sont organisés en Russie, notamment à Saint-Pétersbourg.

1914 : Mary Richardson lacère de coups de couteau la statue de la Vénus de Vélasquez et déclare vouloir " détruire le portrait de Vénus, la plus belle femme de l'histoire mythologique, pour protester contre le gouvernement qui détruit Miss Pankhurst, le plus beau caractère de l'histoire moderne ".

1915 : Alexandra Kollontaï organise à Christiana, près d’Oslo, une manifestation des femmes contre la guerre et Clara Zetkin une conférence internationale des femmes, prélude à la conférence de Zimmerwald.

Le 8 mars 1917 (dans le calendrier géorgien, le 23 février), des femmes manifestent en Russie. " Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir… Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution " (Trotsky, Histoire de la Révolution russe).
Si Trotsky ou d’autres témoins insistent sur le caractère spontané et indiscipliné de cette initiative, d’autres s’en attribueront la paternité et l’organisation: " Le 23 février, à l’appel du comité bolchevik de Petrograd, les ouvrières descendirent dans la rue pour manifester contre la famine, la guerre, le tsarisme " (Histoire du parti bolchevik, cité par V. Michaut, Cahiers du Communisme, 1950).
Les articles qui seront consacrés à partir de 1920 à la Journée internationale des femmes ne feront pas souvent référence à cette grève des femmes en Russie mais donneront des versions variables à l’origine de cette journée et à sa signification, selon les besoins du moment et de l’organisation qui en parle.

En 1925, on se contente d’appeler les femmes à lutter contre le colonialisme et en 1932/1933 à se révolter contre le fascisme ; ou encore on les convie à envier le sort des femmes soviétiques, libérées par la Révolution d’Octobre (!).
Après la guerre, à partir de 1946, c’est de plus en plus aux mères que l’on s’adresse.

Le 8 mars 1949, on lit dans l'Humanité cet appel " aux Mères de famille, travailleuses, défendre la paix, c’est réclamer que tout soit mis en œuvre pour l’amélioration du sort des familles et des travailleurs ".

1857: Le mythe des origines ?

C’est dans l'Humanité du 5 mars 1955 que la légende du 8 mars 1857 fait son apparition: " La journée internationale des femmes continue la tradition de lutte des ouvrières de l'habillement de New York, qui, en 1857, le 8 mars, manifestèrent pour la suppression des mauvaises conditions de travail, la journée de 10 heures, la reconnaissance de l'égalité du travail des femmes. Cette manifestation produisit une grande impression et fut recommencée en 1909, toujours par les femmes de New York. En 1910 (…), C. Zetkin proposa de faire définitivement du 8 mars, la journée internationale des femmes ".

En 1957, le même journal célèbre le centenaire de ce 8 mars: " Les ouvrières de l'habillement (…) s’en allèrent défiler dans les rues, comme des hommes, portant pancartes et banderoles ".
Faut-il croire Antoinette (mensuel des femmes de la C.G.T.), qui écrit dans son n°1 de mars 1964: " Ce sont les Américaines qui ont commencé, c'était le 8 mars 1857 (…) pour réclamer la journée de 10 heures, elles ont envahi les rues de New York " ? Ce journal ajoute en mars 1968: il s’agit du 8 mars
1857 et les ouvrières en grève " réclamaient déjà la réduction du temps de travail, l’augmentation des salaires et leur égalité pour un travail égal, des crèches et le respect de leur dignité ".

La version des " Pétroleuses ", en mars 1975, qui fixe aussi l’origine du 8 mars au 8 mars 1857, est-elle plus vraisemblable: " Une des premières grèves de femmes, opposant les ouvrières du textile à la police de New York, qui charge, tire et tue " ?

Des recherches entreprises, tant dans les livres d'histoire du féminisme, que dans ceux du mouvement ouvrier américain ou encore dans les quotidiens de l'époque, rien ne prouve l’existence d’une grève de femmes ce jour-là, ni d’une répression policière…
Un des arguments évoqués pour ne pas croire à une grève est que le 8 mars 1857 tombait un dimanche; cet argument n’est pas forcément convaincant:
ne venons-nous pas de voir une manifestation d’enseignants français un dimanche de janvier 1998 ?
Au XIXe siècle le droit de grève était tellement réprimé qu’on peut tout à fait imaginer une grève ou une manifestation ce jour-là.Ne s’agirait-il pas d’un " souvenir obscur qui se serait transmis de façon souterraine à travers des générations de militantes socialistes " ?

Le 8 mars 1857 n’est-il pas une reconstruction qui associe la date de 1857, choisie comme un hommage à Clara Zetkin, née cette année-là, et les ouvrières des tissages russes en grève en mars 1917 ?

Depuis les années 70, le 8 mars reprendra une place symbolique importante dans les luttes des femmes. Souvent, quand se crée un journal féministe le premier numéro est daté du 8 mars.
Quand une organisation veut montrer qu’elle se préoccupe de la place des femmes dans la société, elle profite du 8 mars pour sortir un numéro spécial de ses publications (ou y consacrer une page spéciale).

Le 8 mars 1982, à l’initiative du tout nouveau ministère des Droits des Femmes, va " se dérouler en France un nombre considérable de cérémonies, toutes destinées à glorifier, revaloriser (ou simplement rappeler) l’importance du rôle des femmes dans la société française ".

D’autres 8 mars verront les femmes manifester pour revendiquer la possibilité de circuler la nuit tranquillement, par exemple à Lyon, en 1997 la manifestation s’intitule " Prenons la nuit " ; en 1996, à Besançon les " Sorcières sans frontière ", à Poitiers, des femmes et des hommes du groupe Alexandre Berckman rebaptiseront les rues de la ville en les féminisant: Louise Michel et Emma Goldman y seront en bonne place!
Les manifestations se succèdent, en solidarité avec les femmes qui luttent dans tous les pays, des " Mères de la place de Mai " argentines aux femmes algériennes qui luttent contre l’intégrisme religieux et l'État qui tentent, chacun à leur façon, de les opprimer.

Cette recherche sur l'histoire du 8 mars - ici bien succincte - montre l’opacité permanente de l'histoire des femmes: si les femmes, leurs actions et leurs initiatives, étaient mieux prises en compte et reconnues, n'éviterait-on pas ce doute?
Cela montre aussi que la lutte des femmes et la lutte des classes ne concordent pas forcément: certaines établissent une hiérarchie entre les deux et veulent croire que la révolution économique contre le capitalisme balaiera des siècles de patriarcat ; d’autres essaient de soumettre la lutte des femmes à l’intérêt de leur organisation, les utilisant quand il y a une opportunité, les rejetant vers les fourneaux quand il n’y a plus besoin d’elles…

Faut-il ne s’intéresser qu’aux luttes des ouvrières et négliger les apports d’autres femmes aux révoltes contre toute forme d’aliénation et d’exploitation ?
Faut-il envisager que la lutte des femmes soit autonome ou faut-il se battre pour que femmes et hommes aient les mêmes droits dans les organisations et dans la société ?
Aujourd'hui, il est de toute façon important de se réapproprier une histoire de cette Journée internationale des femmes. En effet, pour de nombreuses personnes, il y a confusion avec la fête des mères (journée instituée par Pétain en 1941 pour repeupler la France).

On peut aussi noter une manipulation idéologique, parallèle à celle du 1er Mai: ce dernier n’est-il pas inscrit sur nombre de calendriers comme la fête du travail alors qu’il s’agit de la journée de solidarité internationale des travailleurs?

Finalement, malgré les doutes sur l’origine de cette journée, l’important n’est-il pas d’en profiter pour affirmer notre droit à l'égalité et à la dignité, pour affirmer nos revendications et manifester notre solidarité avec toutes les femmes en lutte dans le monde ?

Pour un 8 mars, Journée internationale de lutte de toutes les femmes !

Élisabeth Claude

Sources:
José Contreras, Anny Desreumaux, Christine Fauré, Liliane Kandel, Françoise Picq.
Une commémoration peut en cacher une autre: à propos de la Journée Internationale des Femmes. Histoire d’Elles, n°0, 8 mars 1977.
Liliane Kandel, Françoise Picq. Le mythe des origines, à propos de la Journée Internationale des femmes. La revue d’en face, n°12, automne 1982.
Rose Prudence, Françoise Picq. La légende du 8 mars: de l’agit'prop. Libération, 8 mars 1982.


http://1libertaire.free.fr/8-mars.html


un article dans le mensuel d'Alternative Libertaire de mars 2011 :

Mars 1911-mars 2011 : Un siècle de journées de luttes des femmes

Le 19 mars 1911, plus d’un million de femmes manifestent en Europe pour leurs droits, un an après l’appel lancé par la conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague [1] . Les revendications vont alors du droit de vote à la fin des discriminations au travail. En un siècle, les revendications ont évoluées, au moins certaines d’entre-elles. Mais cette journée de lutte a surtout subie une institutionnalisation, qui l’a transformée en « Journée de LA femme ».
Décidément, les femmes ont aujourd’hui un statut privilégié : entre la Saint Valentin et la fête des mères, toutes les occasions sont bonnes pour leur offrir fleurs, chocolat et lingerie fine… Elles oscillent alors entre objet sexuel et machine reproductrice. Et comme si cela ne suffisait pas, les institutions patriarcales leur ont même gracieusement accordé une journée rien que pour elles ; enfin rien que pour elle, LA femme : le 8 mars ! Autant de saintes journées où la réification des femmes est justifiée dans les médias, la publicité et… les institutions ! Cette nouvelle fête est pourtant le résultat de plusieurs décennies de récupération d’une journée initialement conçue comme une journée de lutte spécifique des femmes, leur permettant de s’approprier des revendications spécifiques.


Aux origines d’une journée…

Si l’on devait dater avec précision l’instauration d’une journée internationale de lutte pour les droits des femmes, il faudrait revenir à l’année 1910. A Copenhague, en parallèle du 8ème congrès de la IIème Internationale, se tient la conférence internationale des femmes. Sur la proposition de Clara Zetkin, la conférence décide d’organiser chaque année une « journée féminine de lutte pour les droits de la femme et pour la paix ». Clara Zetkin, née en 1857, avait participé activement à la fondation de la IIe Internationale. Elle s’y était distinguée notamment par l’importance qu’elle accorde aux droits des femmes et par sa volonté de développer un mouvement féminin socialiste. Elle avait fondé en 1891 le journal des femmes socialistes Die Gleichheit (« l’Egalité »). En 1907, elle était nommée à la présidence du secrétariat international des femmes socialistes. En proposant l’organisation de cette journée dédiée aux luttes des femmes, la militante allemande souhaite mettre au centre la lutte pour le suffrage et pour l’égalité professionnelle.

Selon certain-e-s, cette journée internationale trouverait également son origine dans les manifestations des femmes américaines pour l’égalité (« Woman’s Suffrage Demonstration ») qui ont eu lieu le 28 février 1909. Pour d’autres, le choix de cette journée serait lié à la commémoration des grèves des ouvrières de l’habillement aux Etats-Unis le 8 mars 1857, mais il semblerait que cette référence soit plus de l’ordre de la légende que du fait historique. Quoiqu’il en soit, l’instauration par la conférence de Copenhague de cette journée internationale s’inscrit dans un contexte politique plus large où commence – entre autreS – à résonner la revendication d’égalité des droits civils et politiques.


…inscrite dans les mouvements révolutionnaires

D7s la révolution française, Olympe de Gouges rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Au cœur de la révolution française, elle lutte contre le sexisme des révolutionnaires pour faire entendre la voix des femmes. Elle ne se revendique d’ailleurs d’aucun autre parti que « celui de la cause des femmes ». Révolutionnaire convaincue, elle exige pour les femmes l’égalité politique, la liberté d’expression, la liberté sexuelle. Outre sa Déclaration des droits ? elle est restée célèbre pour avoir prononcé la phrase qui résume selon elle toute l’injustice qui est faite aux femmes : « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également le droit de monter sur la Tribune ». Elle sera guillotinée le 3 novembre 1793 pour avoir manqué aux vertus qui sont celles de son sexe et avoir « voulu être un homme d’Etat ».

Au début du XIXe siècle, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes avait commencé à se propager difficilement au sein du milieu socialiste par la voix de Flora Tristan. Elle avait repris à son compte l’idée de déclaration des droits de la femme qu’Olympe de Gouge avait présenté devant l’assemblée nationale en 1791, en tant qu’acte premier d’affranchissement. Pour elle la question de l’émancipation des femmes et celle de l’émancipation des travailleurs étaient indissolublement liées. Elle réclamait principalement l’égalité en matière d’éducation, de formation professionnelle et de salaire. Au-delà de la simple question des droits, ce que Flora Tristan réclame pour les femmes, ce sont des changements profonds : les femmes doivent créer leur propre 1789. Malgré cette conscience de l’oppression que subissent les femmes, Flora Tristan se heurte à la difficulté d’articuler luttes des femmes et luttes des travailleurs. Ainsi, ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui sont les sujets actifs de leur affranchissement et de la lutte pour leurs droits. Au contraire, c’est aux « prolétaires, hommes de 1843 » que revient la tâche d’affranchir les femmes en « proclam[ant] les droits de la femme ».

Une vingtaine d’année plus tard, un groupe de femmes parmis lesquelles figurent notamment Louise Michel et André Léo – futures actrices de la Commune de Paris – avait fondé la Société de revendication des droits de la femme. C’est à cette époque que des féministes ont analysé la place des femmes dans la société comme un fait de culture et l’inégalité entre les femmes et les hommes comme étant une fiction sociale, une invention humaine. Au moment de la Commune, les femmes sont de toutes les manifestations et émeutes, que ce soit en tant que cantinières, ambulancières ou combattantes. Cependant la revendication des femmes pour leurs droits n’est que peu portée, et ce malgré les responsabilités exercées par des femmes dans la révolution. D’ailleurs il faudra attendre le congrès de Marseille en 1879 pour qu’une résolution féministe, présentée par Hubertine Auclert, soit enfin votée par le mouvement ouvrier français [2].

L’instauration de cette journée du 8 mars en tant que journée internationale de lutte des femmes n’est donc pas un évènement isolé mais bien l’un des jalons de la lutte des femmes pour l’égalité.


Une journée révolutionnaire

Suite à la décision de la conférence de Copenhague, la journée internationale pour les droits des femmes est célébrée en Allemagne, au Danemark, aux Etats-Unis et en Suisse.

Dés 1911, un million de femmes européennes manifestent, notamment pour le droit de vote. Cette journée devient l’occasion dont vont se saisir les femmes pour faire entendre leurs revendications propres. Cette réappropriation par les femmes est particulièrement marquante dans la Russie des révolutions. En 1915, à l’initiative d’Alexandra Kollontaï, exilée russe en Norvège en 1915, est organisée une manifestation des femmes pour la paix. Les manifestations et grèves spontanées d’ouvrières le 8 mars (23 février du calendrier julien, alors utilisé en Russie) 1917 marquent le début de la révolution russe. Les travailleuses se mettent en grève dans les usines de textile. L’une des revendications principales de ce mouvement de grève concernait les difficultés d’accès à la nourriture. Dans les jours suivants, des milliers d’ouvriers se joignent à elles. Ces grèves signent la première journée de la révolution de 1917.

Les années qui suivent permettent quelques améliorations du statut des femmes (réforme du code de la famille, légalisation de l’avortement, débat sur la question du travail ménager…). Ce n’est qu’à partir de cette année que la date retenue sera définitivement le 8 mars. En 1921, cette date devient en URSS une journée fériée… lors de laquelle les hommes offrent des fleurs ou des cadeaux aux femmes de leur entourage ! Cette journée tombe peu à peu en désuétude, notamment du fait de la guerre et de son institutionnalisation progressive dans divers pays et par l’ONU. De journée de lutte pour l’égalité, on est passé progressivement à une « fête des femmes » qu’il faudrait célébrer chaque année.


Comment annihiler une journée de lutte ?

En 1975, les Nations Unies institutionnalisent cette journée en la transformant en « Journée de LA femme ». Une journée, sur trois-cent soixante cinq rappelons-le, où les femmes se voient offrir des cadeaux, où parfois même (avec un peu de chance) elles sont exemptées de tâches ménagères (il faut bien justifier les statistiques qui affirment que le partage des tâches est de plus en plus égalitaire…) Bref, de brèves « consolations » au regard de la réalité du quotidien des femmes qui devraient encore être redevables de cette journée fantoche qu’on leur accorde.

Dès le début des luttes pour l’émancipation et la libération des femmes, dans les années 1970, les féministes matérialistes revendiquent la nécessaire distinction entre LA femme et LES femmes. Elles affirment par ce pluriel une lutte contre l’idéal féminin créé par la domination masculine et le patriarcat qui veulent les enfermer dans des carcans essentialistes. Il s’agit par là d’affirmer que les femmes sont avant tout des sujets et non des objets, qu’elles sont plurielles et non identifiables à une entité féminine unique. LA mère, LA douceur, LA femme au foyer devenant des allèles au deuxième chromosome X. Il y a donc un enjeu politique lorsque les institutions nient le pluriel des femmes au profit d’un singulier qui sous entend que chaque femme doit se retrouver, s’identifier à cette image stéréotypée d’une femme « parfaite » (entendons parfaitement soumise). Tant que les femmes seront ou tendront à être cette FEMME que tous les magazines, médias décrivent et que l’on apprend à être dès la petite enfance, elles seront toujours le sol sur lequel les hommes marcheront vers leur réussite sociale, professionnelle et conserveront leur pouvoir et leur domination.

C’est contre cela que manifeste et proteste le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) au moment où l’ONU proclame l’année 1975 « année internationale de la femme ». Le MLF s’élève contre cette récupération des luttes transformées alors en « cause » (telle la lutte contre la faim dans le monde) par les dirigeants bien-pensants qui veulent montrer leur intérêt pour les femmes. Encore une fois, le patriarcat court à la libération de la femme, attendant sa médaille pour service rendu. Mais ce n’est pas ce que veulent les femmes, et dans le MLF elles luttent pour leur émancipation hors des cadres qu’on leur propose ou plutôt qu’on leur impose.


1975 : journée de lutte… contre l’institutionnalisation

Sur un autre champ de bataille, elles dénoncent l’existence d’un « Secrétariat à la condition féminine », conduit par Françoise Giroud qui n’aura ni les moyens, ni la possibilité de se battre réellement pour les droits des femmes et qui n’est donc qu’une façade de carton pâte pour sauver les apparences et soulager la conscience du pouvoir dominant.

Dans un film détournant l’émission de Bernard Pivot sur Antenne 2 intitulée « Encore un jour et l’année de la femme, ouf, c’est fini ! » à laquelle était invitée Françoise Giroud devant se confronter à une horde de misogynes avérés et fiers de l’être, le collectif de vidéastes féministes Les Insoumuses affirme alors qu’ « aucune femme ne peut représenter les autres femmes au sein d’un gouvernement patriarcal quel qu’il soit » (Maso et Miso vont en bateau). Elles démontrent ainsi la nécessité d’une transformation totale de la société et de l’anéantissement du système patriarcal pour prétendre à une réelle égalité entre femmes et hommes.

Et la contestation contre cette parodie d’avancée sur les droits des femmes traverse les frontières. A Montréal, le même jour, des militantes (entre 300 et 400 féministes) se réunissent pour chercher et trouver des solutions aux inégalités entre femmes et hommes. Il ressortira de ce rassemblement une dénonciation de l’année internationale de la femme ainsi que de multiples revendications concernant l’égalité des droits entre hommes et femmes (« à travail égal, salaire égal ») ou encore la légalisation de l’avortement libre et gratuit et la création de garderies gratuites. De l’autre côté de l’Atlantique aussi, le partage des tâches et la libre disposition de son corps ne sont pas choses acquises.

Malgré ces protestations internationales, le gouvernement socialiste français suit exactement le même modèle et renomme le 8 mars en « Journée de LA femme » en 1982. Depuis, l’imaginaire collectif s’est habitué à l’idée que cette journée permettait aux femmes de ne pas faire la vaisselle… Une sorte de 1er mai pour des travailleuses non rémunérées… Et la lutte est passée par les trous de l’évier. Encore une fois, les femmes n’ont pas droit à la parole. Et encore une fois, il s’agit pour le patriarcat, de nous montrer qui domine. En occultant volontairement les origines du 8 mars, les institutions permettent aux médias et publicitaires d’en faire un outil commercial, appuyant encore et toujours le sexisme quotidien dont les femmes sont les cibles. Il en va de même au Canada, revendications et protestations passent à la trappe et la Journée officielle internationale de la femme prend pour thème, en 2003 : « Cyberfemmes : branchées sur la révolution numérique ! ». Nous sommes bien loin des luttes pour les droits des femmes, des slogans radicaux et des manifestations non-mixtes…


Le 8 mars, ce sont les femmes qui luttent !

Malgré ce qui a été fait de cette journée par les institutions nationales et internationales, il ne s’agit pas pour les féministes de l’ignorer ou de ne pas s’en servir. Au contraire en tant que féministes nous nous réapproprions cette journée comme une journée de lutte pour l’égalité.

Pour ce faire, point n’est besoin de fleurs et autres cadeaux ou de célébration condescendante de la féminité. Au contraire nous devons faire de cette journée une journée de lutte des femmes pour elles-mêmes afin de faire entendre nos revendications. Pas question d’en laisser le monopole à ceux qui veulent célébrer LA femme tout en nous assurant que l’égalité est déjà conquise. Le 8 mars, ce que nous célébrons ce sont les femmes qui luttent et celles qui ont lutté, celles pour qui le féminisme est un combat. Nous célébrons notre propre histoire.

C’est pourquoi le 8 mars nous descendrons dans la rue, pas seulement entre femmes, pour marquer notre volonté de nous réapproprier cette journée et l’espace public. Nous marcherons la nuit, pour ne plus nous faire marcher dessus. Si d’aventure quelqu’un voulait nous offrir quelque présent, des pavés feront mieux l’affaire que des chocolats.

Lorraine et Marie (Les Poupées en Pantalon), Strasbourg


[1] Voir « Mais au fait, pourquoi le 8 mars ? » dans Alternative libertaire n°193 de mars 2010

[2] Voir « 1879 : L’égalité hommes-femmes votée par le congrès ouvrier » dans Alternative libertaire n°188 d’octobre 2009.


http://www.alternativelibertaire.org/sp ... %20mars%20
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Re: 8 mars,journée mobilisation femmes,histoire et significa

Messagede digger » 18 Mar 2012, 14:49

La grève du 8 mars 1857 semble effectivement une légende (Wikipedia a encore frappé) et n’est mentionné dans aucun document sérieux.
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Re: 8 mars,journée mobilisation femmes,histoire et significa

Messagede Lila » 06 Mar 2016, 18:59

8 mars 1979 à Téhéran

Contrairement à ce qu’on entend trop souvent, la révolution de 1979 contre la dictature du Shah n’était pas une « révolution islamique », mais une révolution sociale, aspirant à la liberté et à l’égalité, contre la dictature monarchiste, que Khomeini, le clergé et leurs bandes d’assassins islamistes comme le Hezbollah ont réprimé pour assurer le maintien de l’ordre capitaliste.

Quelques rappels en images du 8 mars 1979 et des jours qui ont suivis où des centaines de milliers de femmes ont manifesté dans les rues de Téhéran et d’autres villes contre le port obligatoire du hidjab et pour l’égalité.

Photos et vidéos : https://sanscompromisfeministeprogressi ... a-teheran/
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Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 22 Jan 2017, 20:25

Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

De 1789 à la "Women's march" : quand les femmes battent le pavé

Retour sur quelques grandes mobilisations féministes qui ont marqué l'Histoire française et occidentale, alors que les femmes sont appelées à manifester pour leurs droits à Washington ce 21 janvier, au lendemain de l'investiture de Donald Trump.

La marche n'est pas un mode de manifestation classique pour les femmes. Il faut dire que l'appropriation de l'espace public par ces dernières n'est que très récente. Alors qu'un grand rassemblement pour défendre les droits des femmes est prévu le samedi 21 janvier à Washington, au lendemain de l'investiture de Donald Trump, nous revenons ici sur les quelques grandes mobilisations féministes qui ont marqué l'Histoire occidentale, et surtout l'histoire de France. Un voyage le poing levé, à travers quelques archives.

à lire : https://www.franceculture.fr/histoire/d ... nt-le-pave



Avant la "Women's March" anti-Donald Trump à Washington, ces marches de femmes entrées dans l'Histoire

Donald Trump est officiellement devenu le 45e président des Etats-Unis. En réaction à son investiture à Washington, des milliers d'Américains se sont rassemblés dans la capitale et d'autres grandes villes du pays pour protester contre l'arrivée du populiste et controversé milliardaire à la Maison Blanche.

Après des manifestations, parfois violentes, le grand rendez-vous des contestataires aura lieu ce samedi 21 janvier, lors d'une "Marche des femmes" autorisée par les autorités. Plus de 200.000 personnes ont annoncé leur intention de participer à cet événement né sur Facebook après un simple appel et qui a depuis fait tâche d'huile.

"Rassemblant des personnes de tous les sexes, âges, races, cultures et étiquettes politiques" inquiètes du discours et des intentions de Donald Trump concernant les minorités, cette marche n'aura pas que des revendications féministes. Le fait qu'elle ait été impulsée par des femmes rappelle en tout cas d'autres grands défilés d'initiative féminine entrés dans l'histoire, de la France à Israël en passant par l'Afrique du sud ou la Russie.

à lire : http://www.huffingtonpost.fr/2017/01/20 ... -histoire/
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 05 Mar 2017, 23:36

Mise au point historique et terminologique sur la Journée Internationale DES DROITS DES FEMMES

Parce que bon, le coup de la journée de la femme ça commence à bien faire!

Bon vu que ça commence à m'énerver de voir le #journeedelafemme
un petit rappel historique et une mise au point sur les termes...#8mars

Alors, pourquoi le 8 mars est-il la journée internationale des DROITS DES FEMMES
(parce que c'est comme ça qu'on dit!)#8mars

1) L’idée de faire une journée internationale est à la confluence des luttes féministes et de l’organisation internationale des travailleurs

2) Depuis le 19e sc, les relations étaient tout à la fois étroites et difficiles entre le mouvement ouvrier et le mouvement féministe

3 )Mais depuis les années 1880, les mouvements ouvriers socialistes reconnaissait comme importants les droits des femmes

4)En 1879, le congrès ouvrier de Marseille, sous l’impulsion d’Hubertine Auclert avait voté une motion en faveur de l’égalité des sexes

5) C’est en 1891 que le congrès de la 2eme AIT fait de même à Bruxelles

6)En 1910, sur la proposition de Clara Zetkin, l’AIT décide d’organiser 1 journée internationale des femmes. La 1ère a lieu le 19 mars 1911

7) Il s’agit de réclamer le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail.

8 )En Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse, plus d'un million de personnes participent aux rassemblements

9)En 1913 et14, dans le cadre du mouv pacifiste, des femmes d'Europe organisent fin février ou déb mars des rassemblements contre la guerre

10)En 1917, en Russie, alors que 2 millions de soldats sont morts, des femmes choisissent de faire grève et réclamer « du pain et la paix »

11)Elles manifestent le 23 février dans le calendrier Julien, donc le 8 mars 1917 pour notre calendrier

12 )0r cette manifestation des femmes réveille en Russie un vaste mouvement bientôt révolutionnaire.

13)La foule désormais mixte réclame toujours du pain et la paix, mais aussi la chute du Tsar !

14)Le 10 mars la grève est générale. Les slogans sont de +en+ radicaux : « À bas la guerre ! », « À bas l’autocratie ! »

15) Le 11 mars le Tsar ordonne la répression. Elle est sanglante.

16) Dans la nuit, ds régiments traumatisés d’avoir tirés sur leur frères ouvriers se mutinent. les soldats fraternisent, arment les ouvriers

17) le lendemain les militants révolutionnaires appellent à former un soviet !

18)vous noterez dans cette photo un peu postérieure du soviet la présence de qq femmes

19 )Le 15 mars, le tsar abdique et le gouvernement provisoire accorde le droit de vote aux femmes!!!!

20)C'est en souvenir de cette 1ère journée de la Révolution que, le 8 mars 1921 est décrété en Russie « Journée internationale des femmes »

21) La journée est donc d’abord célébrée dans les pays ou les milieux communistes

22)Le 8 mars 1977, l’ONU adopte une résolution pour une « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale »

23) Journée également appelée par l'ONU… journée internationale de la femme…

24)Mais cette appellat° est contestée par les féministes qui y voient (de fait) une essentialisation de La faaamme (l’idéal féminin voyez…)

25)Et lui préfèrent toujours la dénomination originelle de Journée des droits des femmes

26) Tout ça pour dire
1- que dire journée Ineternationale des droits des femmes, c’est plus juste !

27) Et
2 – qu’en la fêtant on célèbre aussi le début de la révolution russse, et ça aussi c’est chouette non ?

28 ) Mais la révolution est un nom féminin non ? ;-)

Mathilde Larrere ‎


https://storify.com/LarrereMathilde/mise-au-point
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede bipbip » 21 Mar 2017, 16:40

Saint-Étienne mercredi 22 mars 2017

"Les ouvrières à l’épreuve du féminisme et du syndicalisme"

Conférence de Fanny Gallot, mercredi 22 mars 2017, 18 heures
Université Jean Monnet, Saint-Étienne, campus Tréfilerie, amphithéâtre E01
Entrée libre

Argumentaire

Comment les ouvrières se sont-elles situées par rapport au féminisme et au syndicalisme des années 1968 au très contemporain ? L’enjeu de cette conférence est de revenir sur ces questions à travers notamment les exemples de Chantelle (Loire-Atlantique) et de Moulinex (Basse-Normandie).

Dans les années 1970, tandis que les féministes cherchent à s’adresser aux ouvrières, comment ces dernières les reçoivent-elles ? Quelles sont alors les orientations des organisations syndicales comme la CGT ou le CFDT à ce sujet ?

Tandis que les deux confédérations marquent leurs distances vis-à-vis du féminisme qui se massifie alors, des militantes d’extrême-gauche établies en importent les idées et les pratiques à l’usine. Alors même que la plupart des ouvrières en rejettent l’appellation, notamment pour marquer leur appartenance à la classe ouvrière, dans le quotidien de l’usine les ouvrières échangent sur leurs vies privées, faisant de ces moments de travail des moments d’entraide et d’échange.

Par ailleurs, c’est également l’investissement syndical ouvrières qui sera abordé et notamment le choix qu’elles font le plus souvent de militer à l’usine plus que de prendre des responsabilités dans le syndicat.

Annonce GREMMOS

Fanny Gallot est maîtresse de conférence à l’Université Paris Est Créteil. Elle est l’auteure de l’ouvrage En découdre, comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, paru à la Découverte en 2015 et a coordonné avec Ludivine Bantigny et Fanny Bugnon un ouvrage intitulé Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes !, Le genre de l’engagement dans les années 1968 qui va sortir prochainement aux Presses Universitaires de Rennes. Ses recherches portent sur le travail au prisme du genre, le syndicalisme, les féminismes.

http://lenumerozero.lautre.net/Conferen ... ndicalisme
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 02 Juil 2017, 17:07

Andréa Dworkin

Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas !

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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 30 Juil 2017, 18:40

Kollontaï : la révolution, le féminisme, l’amour et la libertéTextes choisis et présentés par Patricia Latour, Le Temps des Cerises

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« Méprisée par tous, pourchassée par tous, mais secrètement encouragée, la prostitution, sous ses fleurs somptueuses mais empoisonnées, étouffe tout ce qui reste des vertus familiales. Recouvrant la société d’une sorte de limon pourri, elle empoisonne de son haleine fétide les pures joies de l’union amoureuse des sexes ».
La journaliste Patricia Latour a eu la bonne idée de faire rééditer des textes de la diplomate et penseuse communiste et féministe Alexandra Kollontaï.

Celle qui fut ambassadrice de l’URSS sous Staline a eu une pensée extrèmement intéressante et complète sur l’émancipation des femmes et des questions aussi taboues à l’époque que la libération sexuelle et l’égalité au sein du couple. Elle aborde -avec les mots et la théorie marxiste de l’époque, des thèmes qui sont toujours brûlants d’actualité, comme la prostitution et l’égalité dans les relations affectives et sexuelles.
Dans son texte « sur la prostitution », elle dénonce le stigmate qui porte sur les femmes en situation de prostitution et la société capitaliste qui ne s’en prend qu’aux prostituées des classes pauvres.
Comme pour l’égalité des sexes, elle lie donc l’émancipation de la prostitution à la lutte des classes et à la fin de la société bourgeoise, qui profite de la prostitution. Une position qu’il serait intéressant d’analyser plus avant tant on se dit que les abolitionnistes comme les réglementaristes pourraient se l’approprier.

"L’amour camaraderie"

Plus audacieuse et moins connue, dans « l’amour-camaraderie », elle évoque les relations au sein du couple en régime communiste. Elle les replace d’abord dans un contexte historique, de l’amour contrat à l’amour bourgeois en passant par l’amour courtois, puis dessine ce que pourrait être un amour défait du capitalisme, mais aussi des effets de la domination masculine. Et c’est là qu’elle est résolument moderne : cet amour-camaraderie, pour Kollontaï, doit renoncer à toute notion de possession, pour devenir un dialogue égalitaire et respectueux, qui prône l’égalité et doit éviter à tout prix la domination. Ce qui n’est pas sans rappeler les préceptes actuels d’une éducation à la sexualité libre, égalitaire et respectueuse.

http://www.prostitutionetsociete.fr/cul ... la-liberte
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 01 Oct 2017, 19:08

Lozen, combattante apache

Lozen (vers 1840 – vers 1887) est une combattante amérindienne, considérée comme une chamane, qui a participé à de nombreuses campagnes contre les Mexicains et les colons Américains.

« Plus brave que la plupart des hommes »

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Lozen nait dans les années 1840 au sein d’un peuple apache, les Chiricahuas, vivant au sud-ouest des Etats-Unis et dont font également partie les célèbres Cochise et Géronimo. Elle est la sœur cadette du chef de guerre Victorio, qui par la suite dira d’elle qu’elle est « sa main droite », « forte comme un homme, plus brave que la plupart d’entre eux » . On sait peu de choses sur sa jeunesse, si ce n’est qu’elle démontre rapidement ses talents au combat et qu’elle se refuse à se marier.

La tribu de Victorio et Lozen vit dans un réserve à San Carlos (en Arizona), où les conditions de vie sont particulièrement pénibles. Devenu chef de la tribu, Victorio emmène ses guerriers pour écumer la région et combattre l’armée américaine, et Lozen les accompagne. Réputée pour son aptitude au combat, elle est également considérée comme une chamane ; on la dit notamment capable de prédire le mouvement de ses ennemis à la bataille et de guérir les blessures. Intrépide, elle sait également insuffler le courage à ses compagnons. Un témoin raconte notamment comment elle a su, lors d’une fuite, inciter les femmes et les enfants de sa tribu à traverser le Río Grande en crue. Engageant son cheval dans les eaux du fleuve, carabine au dessus de la tête, elle sait trouver les mots pour les engager à se lancer à leur tour. Lorsque tout le monde a traversé sain et sauf, elle confie le groupe à une femme de la tribu avant de traverser à nouveau pour rejoindre les guerriers au combat.

La quête de vengeance

Plus tard, lorsqu’une femme de la tribu accouche, Lozen l’accompagne seule à travers le désert pour la mettre à l’abri de la bataille dans une réserve d’Apaches. Elle doit chasser au couteau pour éviter de se faire repérer et voler des chevaux pour la mère comme pour elle, avant d’arriver à destination. A la réserve, elle apprend que son frère et ses hommes ont été encerclés et tués par l’armée mexicaine à Tres Castillos. Espérant sauver des blessés et des prisonniers, Lozen chevauche à bride abattue vers les lieux de l’embuscade, évitant les patrouilles ennemies. Elle rejoint une poignée de survivants menés par le chef chiricahua Nana. A ses côtés, accompagnés de quelques dizaines de guerriers à peine, elle combat pendant deux mois sans relâche pour venger la mort de son frère. Nana dit d’elle : « Bien qu’elle soit une femme, il n’y a pas de guerrier qui égale la sœur de Victorio ». Elle combat ensuite aux côtés de Geronimo jusqu’à ce que, épuisé, ce dernier se rende en 1886. Elle-même est faite prisonnière peu de temps après.

Emprisonnée en Alabama, Lozen meurt de la tuberculose en 1887.

Liens utiles
La fiche Wikipédia de Lozen
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lozen_%28 ... ndienne%29
Lozen, guerrière et chamane (Les culottées)
http://lesculottees.blog.lemonde.fr/201 ... t-chamane/

Bibliographie
Woman Warrior: The Story of Lozen, Apache Warrior and Shaman Aleshire, Peter. St. Martin’s Press, 2001
In the Days of Victorio : Recollections of a Warm Springs Apache, Eve Ball University of Arizona Press

https://histoireparlesfemmes.com/2016/1 ... te-apache/
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 08 Oct 2017, 21:54

Kate Millett, vue par Andrea Dworkin

"Kate Millett est née en 1934 à St Paul, dans le Minnesota et est décédée à Paris le 6 septembre 2017. Diplômée de l’Université du Minnesota en 1956, elle a travaillé comme professeure d’anglais au Barnard College et en tant que sculptrice. Elle a obtenu son doctorat à l’université de Columbia en 1970 et écrit une série de livres féministes radicaux, y compris des traités politiques et culturels et une autobiographie. Elle a réalisé le film Three Lives (1971) et a été active en politique féministe, militant pour l’Equal Rights Amendment aux États-Unis et pour les droits des femmes en Iran. Elle a vendu des arbres de Noël produits dans sa ferme et y a dirigé une résidence d’artistes. Son livre principal a été La politique du mâle (1970). Elle est réapparue sur la scène internationale avec The Politics of Cruelty (1994), une enquête sur l’usage de la torture à travers le monde. Parmi ses œuvres plus personnelles figurent Sita (1977), une histoire d’amour lesbienne, et Mother Millett (2001), le récit des dernières années de sa mère."

Extrait d’une anthologie de Dworkin, traduite par la collective TRADFEM, à paraître cet automne aux Éditions du remue-ménage et Syllepse

Le monde dormait et Kate Millett l’a réveillé. Betty Friedan avait écrit sur un problème qui n’avait pas de nom. Kate Millett a nommé, illustré, exposé et analysé ce problème. En 1970, Kate Millett a publié le livre Sexual Politics1. Les mots étaient nouveaux. À quoi tenait cette « politique sexuelle » ? Le concept était nouveau. Millett voulait « prouver que le sexe est une catégorie sociale ayant des implications politiques ». Elle a identifié la domination masculine dans les rapports sexuels, y compris dans la pénétration. Contestant le statu quo, elle a soutenu que : « Aussi discrète que puisse être actuellement son apparence, la domination sexuelle est sans doute l’idéologie la plus répandue de notre culture et lui fournit son concept de puissance le plus fondamental. »kate millet

la suite : https://tradfem.wordpress.com/2017/09/0 ... a-dworkin/
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede bipbip » 18 Nov 2017, 23:59

Les femmes en lutte dans les années 1968

La contestation des années 1968 permettent à de nombreuses femmes de participer aux luttes sociales et politiques. Ces mouvements de femmes permettent de remettre en cause les hiérarchies et les vieilles bureaucraties.

La question du genre est posée dans les révoltes des années 1968. Le rôle et les fonctions assignés aux femmes sont soulevés, dévoilés, critiqués. Les réflexions sur le genre permettent également de jeter un autre regard sur l’histoire. Les femmes participent également aux mouvements sociaux et historiques, loin d’une vision d’un universel masculin. Des historiennes dirigent le livre collectif Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ?

... http://www.zones-subversives.com/2017/1 ... -1968.html
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 19 Nov 2017, 19:46

Féminisme

Préface à l’anthologie d’Andrea Dworkin : Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas

Quand la jeune Andrea Dworkin publie son premier livre de théorie féministe, Woman Hating, en 1974, les « anciennes » – Kate Millett, Audre Lorde, Phyllis Chesler – saluent son ton « abrasif, extrême », sa « rapidité », sa « pureté », et une capacité unique à exprimer et à susciter la colère, toutes les colères. Colère de la victime, mais aussi colère de la femme-qui-ne-se-croyait-pas-victime-et-qui-se-reconnaît-pourtant-dans-la-photo-du-meurtre.

Car c’est de cela qu’il s’agit dans l’œuvre de Dworkin : du meurtre, de l’anéantissement des femmes dans la sexualité masculine.

Cette colère en provoque une autre : les hommes, toujours aux postes de commande des maisons d’édition, et parfois des voitures qui emmènent les conférencières féministes (c’est ainsi que Dworkin gagne sa vie), trouvent que trop c’est trop. Our Blood, son deuxième livre théorique, raconte dans l’introduction une partie de cet exil intérieur, de façon parfois comique. Les femmes de la maison d’édition, intéressées par le livre – recueil de conférences –, lui demandent un exposé : pendant qu’Andrea parle de « la réalité matérielle de l’appropriation du corps et du travail des femmes », des cadres en costume et cravate prennent des notes sans dire un mot. C’est l’arrêt du livre chez cet éditeur : un chef de département jette le manuscrit à la tête de la femme chargée de la collection. « Je n’y ai pas reconnu la tendresse masculine », dit-il. « Je ne sais pas, commente sobrement Andrea, s’il l’a dit avant ou après avoir lancé le livre à travers la pièce. »

Le viol1 toujours présent comme réalité ou fantasme dans la sexualité masculine ou plutôt patriarcale, car c’est l’idéal-type de ce que les gynécologues appellent « rapports », et qui hante tous les cerveaux, des femmes comme des hommes ; tel est le thème que Dworkin explore, expose, la thèse qu’elle développe tout au long de son œuvre.

Le viol est le modèle de la pornographie, et la pornographie révèle ce qu’est la sexualité masculine : à la fois effet et garante de la domination des hommes. « L’érotisme, c’est quand on force, lorsqu’il n’y a pas de consentement », disait un homme interviewé par Paris-Hebdo en 1980 (voir la couverture du n° 8 de Questions féministes, mai 1980)2.

De Woman Hating, où elle met en place ses thèmes, à Intercourse – « le livre le plus choquant jamais écrit par une féministe » (Germaine Greer) – en passant par Pornography  : Men Possessing Women, Dworkin n’a de cesse de mettre en évidence la réalité de ce qu’on appelle les rapports sexuels : il n’y a pas de « rapports » au sens où « rapport » implique une réciprocité et une mutualité. Ce que les hommes demandent aux femmes, c’est de consentir à leur propre humiliation, à leur propre anéantissement en tant que personnes ; non seulement d’y consentir, mais de le demander, et même d’y prendre plaisir, pour être « une vraie femme ». Car « être une femme » c’est être baisée par un homme ; mais être « baisée » (ou « baisé »), comme le langage familier ne l’ignore pas – et comme le langage universitaire l’ignore dès qu’il est question… de sexualité ! –, n’est pas une expression qui décrit mais une expression qui signifie.

Quand un homme dit « j’ai été baisé », ou « il me l’a mis bien profond », ou encore « j’ai été possédé », parlant d’un autre homme, ce qu’il veut dire, c’est qu’il a perdu dans la transaction ; pas perdu de façon loyale, mais grâce au mensonge ; l’autre a été plus habile que lui en tromperie, et l’a dominé. Et ce qu’il utilise comme métaphore pour signifier cela, c’est ce qu’il fait à sa femme, et dont il se vante. Quel que soit le sens que la femme donne à cet acte, quoi qu’elle veuille penser, puisqu’il a mis son pénis à lui dans son vagin à elle, et que ça s’appelle « baiser », cela veut dire qu’il a gagné, et qu’elle a perdu, qu’elle a été vaincue dans une compétition qui n’a pas pour enjeux des vaches ou des voitures, mais la hiérarchie des sexes.

Il faut avoir vu Dworkin debout derrière un pupitre commencer ses interventions sans introduction par la description la plus exacte qui soit d’une image pornographique, description qui suffit à en faire comprendre l’horreur. Cette capacité à dévoiler la lettre cachée, dans des conférences qui lui valent le nom de « la féministe éloquente » et dans son œuvre considérable – treize livres, voir la bibliographie en fin d’ouvrage –, suscite l’admiration ou la haine, ferventes dans les deux cas.

Quand Andrea Dworkin est morte dans son sommeil le 9 avril 2005, à cinquante-neuf ans, nous avons perdu une immense féministe, l’une des plus importantes de notre époque. L’une des plus complètes aussi : militante et théoricienne, autrice d’essais et de romans, mais aussi corédactrice avec Catharine A. MacKinnon d’une célèbre proposition de loi contre la pornographie. Et la plus brave d’entre nous.

On voudrait pouvoir donner à lire tout le travail d’Andrea Dworkin. Or si elle a été traduite en néerlandais, suédois, norvégien, hébreu, russe, espagnol, japonais et coréen, en 2017, seuls ont été traduits en français, et publiés au Québec, Pouvoir et violence sexiste et Les femmes de droite.

Ce que nous publions aujourd’hui est un recueil de textes courts, traduits par Tradfem, une collective de traduction. La première partie du recueil contient des textes autobiographiques et une fiction (« Premier amour ») ; la deuxième partie, des analyses d’un point de vue antinaturaliste et antiessentialiste ; la troisième partie, une sélection d’allocutions.

En dépit de leur taille modeste, on trouve dans chacun de ces textes la beauté du style, tant littéraire que politique, de Dworkin : elliptique, cru, d’une force redoutable car fondé sur une intégrité morale qui ne respecte aucune vache sacrée, ne reconnaît aucun intérêt supérieur à celui de l’humain.

Dworkin dépasse les limites de la décence ; elle juge notre système selon un seul critère, son adéquation ou non à la dignité des gens. Et pour elle, le système sexuel du patriarcat est incompatible avec la liberté et la dignité des femmes.

La sélection que présente ce recueil met à l’honneur les thèmes de Dworkin : la dénonciation du viol, de l’inceste, de la pornographie, de la prostitution. Ces quatre violences sont liées à ses yeux : la prostitution est un viol répété – on change de violeur, pas de femme ; l’inceste est le premier viol, celui qui conduit souvent à la prostitution ; la pornographie est le modèle de sexualité proposé aux jeunes, surtout aux jeunes hommes, qui leur apprend, s’ils ne le savaient pas déjà, à mépriser, à utiliser et à détruire psychologiquement les femmes, à les rendre incapables de juger les violences exercées contre elles comme « vraiment graves », puisque le reste de la société ne le pense pas, ne les défend pas.

Selon une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel3 de 2004, « 80% des garçons entre quatorze et dix-huit ans et 45% des filles du même âge déclarent avoir vu au moins une fois un film X durant l’année passée […] les garçons expriment une opinion plutôt positive à l’égard de la pornographie (54% disent que cela les amuse et les distrait, 34% que cela leur plaît et 16% que cela leur est utile), alors que les filles notifient leur aversion pour ce type d’images (56% disent que cela les dégoûte, 28% que cela les met mal à l’aise, 26% que cela les choque) ». Le combat commence tôt, et mal. Dans la pornographie il est explicité : la sexualité, c’est l’humiliation des femmes (et des hommes traités comme des femmes). C’est ainsi qu’on fait advenir une catégorie d’êtres humains qui sont très tôt définis comme humiliables et humiliés.

C’est ainsi que la définition de « l’acte sexuel », auquel les femmes ne peuvent pas échapper, confirme leur statut inférieur, qui justifie les rôles de servantes, d’assistantes, d’auxiliaires, de secrétaires, de caissières et autres postes subalternes auxquels elles sont « prédisposées » ; et réciproquement, ces rôles, auxquels on les prépare depuis la plus tendre enfance, corroborent et justifient la définition de « l’acte sexuel ».

En France en 2017, Marlène Schiappa, interviewée par une journaliste de Libération, parle de son livre Où sont les violeurs ; elle révèle que selon une note de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, « le viol est l’un des crimes les moins dénoncés à la police et à la gendarmerie ». Seules 13% des personnes se déclarant victimes ont déposé plainte. Pourquoi si peu ? Parce que les premières questions qu’on leur pose sont : « Qu’est-ce que tu faisais dans cet endroit ? », « Comment étais-tu habillée ? », « Est-ce que tu le connaissais ? » et… « Est-ce que tu as dit non de façon explicite ? ». Annie Ferrand, interviewée par une journaliste du Figaro Madame, confirme : « L’attitude de la société envers les personnes violées est profondément injuste à plusieurs niveaux. De très nombreuses femmes m’expliquent qu’elles ont été très mal reçues par les services de police. Il ne faut évidemment pas généraliser mais il est vrai que je ne compte plus les témoignages de refus de plainte, de pressions pour modifier ses propos ou les retirer, de sarcasmes et de moqueries. Faire valoir ses droits quand on a été victime de viol est un véritable combat de Sisyphe4. »

Et après cette épreuve – et les innombrables examens et interrogatoires qui suivent – seul un violeur sur 16 est finalement condamné. Marlène Schiappa rappelle que comme pour le harcèlement sexuel, « on a du mal à utiliser le mot de viol », et que « dans le traitement médiatique on utilise souvent des mots détournés, des euphémismes… non seulement des hommes ont assimilé que le corps des femmes était un bien public et qu’ils pouvaient en disposer comme bon leur semble, mais en plus les femmes considèrent parfois que c’est de leur faute… Il y a une forme de fatalisme ». Elle dit que « pour beaucoup (d’hommes) ce n’est pas quelque chose de condamnable… à un moment il faut dire aux hommes que c’est interdit. 71% des viols sont prémédités. L’immense majorité des viols est donc perpétrée par des hommes qui ont consciemment forcé une femme5 ».

Et le même jour, un prêtre pédophile reconnaissait à la télévision, parlant de dos et avec honte, que pendant des années, il ne s’était jamais demandé ce que les attouchements qu’il imposait à de jeunes garçons avaient comme conséquences destructrices pour ces enfants, il n’avait « jamais imaginé les ruines qu’il semait ».

En 1982, à New York, Adrienne Rich m’avait recommandé de rencontrer Dworkin, et je l’ai rencontrée. Je l’ai revue en Angleterre et à Paris. Nous avons correspondu, avec de longs intervalles de silence. J’ai essayé, sans succès, de faire publier en français Pornography, que Martin Dufresne avait commencé à traduire. En 1993, nous avons traduit et publié dans Nouvelles Questions féministes (n° 2), un de ses seuls articles libre de droits, « Israël : à qui appartient ce pays ?6 », pour qu’elle commence à être connue en France.

Dworkin possède à la fois le tempérament de la polémiste et la rigueur de la théoricienne. Son écriture, extrêmement travaillée, est unique. On peut, on doit la considérer comme l’une des grandes stylistes de la langue anglaise de ces cinquante dernières années. Sa volonté de ne jamais euphémiser la réalité lui vaut une réputation de mauvais goût et d’exagération. Comme on le sait, quand une féministe est accusée d’exagérer, c’est qu’elle est sur la bonne voie : les féministes du monde entier l’invitent à parler. En dépit des critiques, des boycotts – en particulier par toute l’édition étatsunienne, elle devra publier en Angleterre –, elle continue, année après année, à décortiquer l’abjection que constitue l’érotisation de la domination et de la soumission ; elle montre comment la consubstantialité entre sadisme et désir pour les uns, masochisme et désir pour les autres, transforme les scènes d’humiliation en scénarios « amoureux ».

Dworkin n’était pas une femme gaie : comment l’être quand on est habitée par la tristesse de constater que toute notre culture – y compris et peut-être surtout le domaine dit « affectif » – est fondamentalement pervertie7 ? Et qu’on s’est donné pour mission de le crier, d’ameuter les femmes, et les hommes de bonne volonté, pour la changer ? On lui faisait une réputation de dragon – réputation qui, à l’inverse de ses écrits, a traversé l’Atlantique ; j’ai découvert une femme douce, un être dont la bonté profonde transparaissait dans le sourire. Si elle se plongeait dans les eaux glauques de la pornographie, elle qui aimait par-dessus tout la beauté, ce n’était pas par goût, mais par devoir moral ; ce n’est pas seulement contre l’exploitation des femmes, mais contre toute atteinte à la dignité humaine qu’elle se sentait obligée de s’élever  ; la compassion – au sens étymologique du terme – pour les êtres était au principe de sa vocation, et non la haine, comme le disaient ses détracteurs.

Petite fille juive, elle avait cassé sa tirelire tous les mois pour planter des arbres en Israël ; elle avait imaginé ce pays comme l’exact contraire du New Jersey : comme « l pays des arbres et de l’égalité entre les sexes ». Bouleversée quand elle découvre à quarante ans la façon dont les femmes et les Arabes y sont traités, elle tentera de concilier sa tendresse pour Israël et sa déception en explorant le paradoxe de l’opprimé devenu oppresseur dans Scapegoat. Mais quand son pays réel, les États-Unis, occupe, détruit, torture et tue en Irak une fois de plus8, c’est une fois de trop pour Dworkin. Usée par les combats et l’hostilité des médias, elle ne pense pas plus qu’avant à se protéger, mais repart à la bataille, cette fois contre le nationalisme étatsunien. En commençant Writing America, elle voulait montrer comment chez les écrivain·es étatsunien·nes le genre est totalement lié à l’identité nationale ; comment l’idéologie à l’origine de la guerre contre l’Irak participe de la même logique de domination et de soumission que le genre. Writing America ne sera jamais terminé.

Et, contrairement aux avis des critiques – dont certaines féministes – qui la trouvaient trop pessimiste, qui croyaient ou voulaient croire que « les choses allaient s’arranger d’elles-mêmes », les choses ne se sont pas arrangées. En 1995, Dworkin exhortait une fois de plus les femmes à résister, à ne pas céder (voir le dernier texte du recueil). Les jeunes féministes en France et ailleurs, qui ont enfin pris le relais de notre génération, se rebellent avec une force renouvelée contre le harcèlement, le viol, le mépris, les coups conjugaux : contre la barrière de la « sphère privée » qui, censée protéger « l’intimité du foyer », garantit en réalité l’impunité des bourreaux en déniant aux femmes – et aux enfants – les protections du droit commun9 ; elles appuient leurs aînées dont les manifestations font libérer une « meurtrière de mari10 ». Elles s’insurgent pour recouvrer la dignité d’êtres humains que le patriarcat leur a déniée : car, comme le dit toute l’œuvre de Dworkin, pour défendre sa dignité, il faut d’abord en avoir une.

Christine Delphy, mars 2017


Notes de la préface :

1. Le viol est un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise (Articles 222-23 et suivants du Code pénal).

2. L’ensemble des huit numéros de Questions féministes a été publié en un seul volume sous le titre Questions féministes 1977-1980, en 2012, à Paris par les Éditions Syllepse.

3. http://www.csa.fr/Etudes-et-publication ... dolescents

4. Cécile Bertrand, « Pourquoi de nombreuses victimes de viol ne réussissent pas à parler ?», Figaro Madame, 27 février 2017. Annie Ferrand y est interviewée au côté de Muriel Salmona.

5. Héléna Berkaoui, « Viol : « À un moment, il faut dire aux hommes que c’est interdit” », Libération, 9 février 2017. En France, on estime qu’il se commet un viol toutes les sept minutes.

6. Texte disponible sur le site entreleslignesentrelesmots.

7. Voir le manuel de soumission Cinquante nuances de Grey, Paris, Jean-Claude Lattès, 2012.

8. D’abord en 1990, puis en 2003.

9. Christine Delphy, « L’état d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée », dans L’Ennemi principal, t. 2, Penser le genre, 3e éd., Paris, Syllepse, 2013.

10. Jacqueline Sauvage, qui, battue pendant quarante-sept ans, tue son mari en 2012. En 2016, ayant déjà passé quatre années en prison, elle est condamnée en appel à dix ans de prison ; grâce à une intense mobilisation féministe et populaire, elle est graciée quelques mois plus tard par le président de la République.


https://christinedelphy.wordpress.com/2 ... cedez-pas/
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede Lila » 19 Nov 2017, 21:53

Marie-Louise Giraud, « faiseuse d’anges »

Marie-Louise Lempérière, devenue par le mariage Marie-Louise Giraud (1903 – 1943), a été guillotinée en 1943 par le régime de Vichy pour avoir pratiqué 27 avortements.

L’aide à une voisine

Marie-Louise Lempérière nait au sein d’une famille pauvre le 17 novembre 1903 à Barneville, en Basse-Normandie. Assez jeune, elle est emprisonnée deux mois à Cherbourg pour vols et escroqueries. Par la suite, elle devient domestique, femme de ménage, puis blanchisseuse. Dans les années trente, elle épouse Paul Giraud, un marin avec qui elle aura deux enfants.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Cherbourg devient une base de la marine de guerre allemande, de nombreuses prostituées s’installent en ville. Marie-Louise leur loue sa maison, au mois ou à la passe, jusqu’à laisser son propre lit en cas d’affluence.

A la fin de l’été 1940, Gisèle, une voisine, lui demande de l’aide pour avorter, acte illégal à l’époque. L’avortement se déroule bien et Gisèle offre un phonographe à Marie-Louise pour la remercier. C’est le premier avortement consigné dans son dossier judiciaire. Le suivant aura lieu le 31 mai 1941, lorsque Marie-Louise aide à avorter Yvonne, une femme de prisonnier enceinte d’un homme de passage. Elle se fait alors rémunérer 1 000 francs.

Les avortements clandestins

Du fait de la guerre, de la séparation des couples, des privations alimentaires, les grossesses se font moins désirées et les avortements clandestins plus nombreux. Par la suite, Marie-Louise en pratiquera au moins vingt-cinq autres, pour 600 à 2 000 francs. En janvier 1942, un de ces avortements tourne mal et Louise meurt de septicémie.

Le 15 février de la même année, le régime de Vichy promulgue une loi faisant de l’avortement un crime contre la sûreté de l’Etat et le punissant de la peine capitale. En octobre 1942, Marie-Louise est dénoncée dans une lettre anonyme et arrêtée. Lors de son procès en 1943, devant un tribunal d’exception, Marie-Louise est présentée comme immorale et le réquisitoire de l’avocat général reprend les thèmes de la propagande de Vichy, associant l’avortement à une attaque contre l’état. Marie-Louise est condamnée à mort et Pétain lui refuse la grâce présidentielle.

Marie-Louise Giraud est guillotinée le 30 juillet 1943 dans la cour de la prison de la Roquette, à Paris. Elle est la seule femme exécutée par le régime de Vichy pour ce motif ; un « faiseur d’ange » sera guillotiné la même année.

En 1988, Claude Chabrol a adapté l’histoire de Marie-Louise Giraud dans son film Une affaire de femmes.


https://histoireparlesfemmes.com/2014/0 ... se-danges/
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Re: Luttes des femmes dans l'Histoire et en international

Messagede bipbip » 21 Nov 2017, 08:57

Conférence sur la place des femmes
Commune de Paris 1871

Noisy-le-Grand (93) jeudi 23 novembre 2017
à 14h30 Espace Michel-Simon, hall Jean-Marais, Esplanade Nelson Mandela

Par Claudine Rey, historienne et présidente de l'association des Amis de la Commune. Jeudi 23 novembre à 14h30, Espace Michel-Simon, hall Jean-Marais

Les femmes ont été nombreuses à participer à la Commune de Paris, pourtant peu de noms de communardes peuvent être cités. Quelle était la condition des femmes au XIXe siècle ? Comment participèrent-elles à cette période mal connue de l'histoire ? Qui étaient ces femmes caricaturées sous le nom de « pétroleuses » ? De leur investissement dès le premier jour de la Commune jusqu'à la répression qui s'abattra sur elles, la conférence exposera en quoi la Commune marque une étape importante dans l'émancipation de la condition féminine.

http://www.libertaires93.org/Commune-de ... emmes.html
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