L'histoire du symbole des trois flèches

L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede Pti'Mat » 20 Nov 2011, 11:28

Article des Redskins Limoges.

Clarifications et précisions concernant l'histoire et notre utilisation des trois flèches

Les trois flèches sont un des symboles que nous arborons sur notre site et dans la rue. Des camarades nous ont fait remarquer à plusieurs reprises que nous arborions un « symbole de la SFIO » et donc en profitent pour nous qualifier de « sociaux-démocrates ». Nous n'entendons pas nous justifier de l’utilisation des trois flèches par le présent article, mais apporter quelques précisions et quelques pistes de réflexion. Nous entendons dépasser et dénoncer le jugement manichéen des gauchistes : « méchant » ou « gentil », qui va de pair avec le jugement avant-gardiste qui attribue bons et mauvais points à tout va, tout en méconnaissant les contextes et l’histoire.

PS: il est vrai que cet article ne porte pas réellement sur la critique de la social-démocratie mais nos avis sur cette question n'en sont pas moins tranchés. Nous ne cautionnons à aucun prix la la vision et la stratégie de la social-démocratie et le réformisme via cet article, au contraire. Il s'agit uniquement d'une maigre fresque historique sans parti pris dans les courants modérés comme radicaux sociaux-démocrates. Nous n'avons pas pris l'initiative de la critique, simplement parce que ce n'est pas à nous de faire le bilan de l'échec des SPD et consor. Le bilan doit être tiré par les organsiations de classe. C'est pourquoi notre article peut paraitre ambigue concernant notre avis sur la social-démocratie. Nous ne reconnaissons dans notre utilisation des trois flèches que ce que nous marquons en conclusion.

Quelques points historiques et de contexte.

La grande famille du Socialisme se divise en plusieurs petites familles rassemblées autour de stratégies différentes pour arriver à la destruction du capitalisme et instaurer le socialisme et l'émancipation individuelle et collective du peuple. Deux grands groupes se font alors face : les « révolutionnaires » et les « réformistes » (nous nous attacherons d'abord à ces derniers).

Bien loin du cliché d'aujourd'hui où chacun qualifie de « réformiste » tout ce qui est plus modéré que ce qu'il pense, le réformisme historique est un véritable courant socialiste de transformation sociale et d'inspiration marxiste. Il a pour stratégie le passage au socialisme par étapes et dans un processus pacifique. Il entend ainsi éviter un affrontement avec la bourgeoisie. Cette vision de la construction du socialisme par étape a conduit les réformistes à privilégier la conquête des institutions, celles-ci devant se mettre au service de réformes destinées à réduire le pouvoir de la bourgeoisie au profit du prolétariat.

C'est pourquoi les partis et organisations se définissant aujourd'hui comme « révolutionnaires », « anticapitalistes », ou encore « d'extrême-gauche », mais qui en même temps se présentent sur une quelconque liste pour des élections, à commencer par l'échelle locale ou municipale, ne sont en aucun cas « révolutionnaires » : ils sont réformistes, au sens historique du terme. Le réformisme a échoué par son manque d'action pour faire naitre une contre-société prolétarienne. Pire, plus il s'est engouffré dans la collaboration avec la bourgeoisie libérale sur le plan institutionnel pour des alliances contre des forces plus réactionnaires sur le même échiquier, et plus son « socialisme » s'est transformé en libéralisme, pour tenter de créer un « capitalisme à visage humain ». C'est le cas aujourd'hui de tous les « partis socialistes » européens.

La vraie crise du réformisme intervient d'ailleurs en 1973 avec le coup d'Etat de Pinochet au Chili. Le président Salvador Allende et son parti socialiste authentiquement réformiste pensaient abattre le capitalisme par une succession de réformes mises en œuvre par l'Etat et appuyées par le peuple. Lors du coup d'Etat militaire, le gouvernement refusa de donner les armes au peuple et condamna ainsi son régime, et son peuple, au massacre et à la dictature.
Opposés à la stratégie réformiste, les « révolutionnaires », qui sont eux-mêmes divisés en plusieurs groupes selon deux configurations stratégiques et organiques : les révolutionnaires d'organisations politiques - partis (marxistes, libertaires) et les syndicalistes révolutionnaires (dont les Redskins Limoges se sentent les plus proches).

Création du symbole des trois flèches

Origine

Revenons donc à nos trois flèches. Même si on ne sait pas précisément d'où elles viennent, Serge Tchakhotine en a revendiqué la paternité. Ce menchevique (marxiste-réformiste russe) s'exile de Russie vers l'Allemagne suite à la prise du pouvoir par les bolchéviques (léninistes - révolutionnaires de parti). Membre du SPD (Parti Social-Démocrate Allemand), il en devient vite le théoricien pour ce qui est de la psychologie de masse. Il tient aussi ce rôle au sein de la classe ouvrière elle-même, car le SPD bien que réformiste était un authentique parti ouvrier. Il est le premier dans cette théorie à étudier et analyser le choc et l'influence psychologique que le nazisme a sur les masses via la symbolique (issue notamment des mythologies guerrières germanique, scandinave et romaine).

Évidemment, avant lui, des expériences similaires ont déjà été pratiquées au sein du mouvement ouvrier (notamment en Italie contre les fascistes de Mussolini). Des groupes prolétariens armés, les « Arditi del popolo », ont utilisé une symbolique ouvrière guerrière comme leur symbole de tête de mort ornée d'une couronne de laurier et le glaive rougeoyant entre les dents (symbole que nous avons également repris).

Serge Tchakhotine est donc l'un des initiateurs de la propagande moderne dans un contexte très tendu de guerre idéologique entre révolutions socialistes et réactions fascistes.
A partir du début des années 1920, l'Allemagne est plongée au cœur de la propagande nazie, copiée sur le modèle fasciste italien. Cette nouvelle propagande, issue du mouvement artistique « futuriste » italien, frappe les sens et empêche la réflexion critique d'individus immergés dans une symbolique paramilitaire (uniformes, défilés, drapeaux, hymnes, propagande guerrière antique...).

Tchakhotine est convaincu que si le prolétariat veut assurer la victoire finale contre le capital et son bras armé fasciste, il faut contrer Hitler et les nazis sur leur propre terrain : la sollicitation émotive des masses. C'est là que des symboles sont créés pour contrer les croix gammées et les autres symboles ésotériques nazis. Les trois flèches deviennent le plus populaire d'entre eux, car elles forment un symbole simple à faire, en ayant vocation à barrer de trois traits sur les murs la propagande nazie.
Dans le même élan, le SPD et le KPD (Parti Communiste Allemand) créent leurs propres organisations ouvrières d'autodéfense armée et paramilitaires : la Reichbanner et le Rotefrontkampferbund (« front de combat rouge ») comprenant de multiples sections locales et régionales coordonnées, comme le « Front d'Airain », pour se protéger des agressions.

C’est un succès immédiat. Les nazis commencent à subir des raclées dans les rues, les locaux syndicaux et prolétariens défendent chèrement leur peau face à leurs assaillants. Mais le Parti Social-Démocrate, bien qu'engagé sur ce terrain armé, maintient en parallèle sa vision réformiste malgré la situation grave qui est en train de se jouer. Les dirigeants refusent d'appliquer à l'échelle du parti les procédés de contre-propagande conseillés par Tchakhotine, isolant petit à petit les groupes ouvriers qui se battent dans la rue et laissant la victoire au nazisme mieux structuré et plus convaincu qu'une fois que les rues sont contrôlées c'est toute la société qui l'est.

Tchakhotine organisa avec ses propres ressources, contre l'avis de son parti, la propagande dans certaines régions d'Allemagne ; c'est là où les trois flèches furent les plus utilisées, par des sections dissidentes du SPD partisanes des conseils de Tchakhotine et de l'action armée. Comme il y avait encore en parallèle des élections, ce sont ces régions où le SPD fut largement devant le NSDAP (Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands).
Les trois flèches, devenues populaires dans le combat antifasciste, furent alors reprises et généralisées par le SPD pour maintenir les sections « opposantes » (celles fidèles aux préceptes de Tchakhotine) au sein du parti.

La signification

Bien que créées par un social-démocrate, les trois flèches n'ont pas été LE symbole de la social-démocratie, elles ont été imaginées pour pouvoir être utilisées massivement dans la rue par tout militant opposé au nazisme. Simples à faire et à comprendre, elles servaient à barrer rapidement la propagande nazie.

Outre cette vocation, elles avaient un sens particulièrement psychologique : leur orientation allait d'en haut à droite frappant en bas à gauche. Tchakhotine voulut sans doute créer ce symbole pour montrer à la classe ouvrière, et au peuple en général, qu'un pouvoir supérieur au nazisme, plus organisé, plus discipliné, pouvait l'anéantir.
Les trois flèches constituent donc un symbole guerrier marquant un combat frontal et violent, loin de l'image pacifiste du réformisme. On peut aussi y associer des mots d'ordres ternaires comme « Pain, Paix, Liberté », ou alors souvent arboré « Unité, Activité, Discipline », ou encore aujourd'hui avec notre mouvance « Liberté, Egalité, Solidarité ».

Malgré l'éloignement de Tchakhotine, dénonçant la passivité de la direction devant les évènements, le SPD s'est réapproprié le logo des trois flèches sur des affiches de propagande électorale, dont une célèbre où l'on voit une flèche frappant la royauté et l'empire, la deuxième le nazisme, et la troisième le marxisme-léninisme (plus exactement le stalinisme, même si le symbole marteau-faucille arboré n'est pas le symbole de Staline). Car il faut rappeler que Staline était alors à ce moment bien installé sur son trône autoritaire.

Concernant la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière)

A propos de la SFIO maintenant, qui arbora également les trois flèches dans les années 30 via les exilés socialistes et communistes allemands. Il faut savoir que ce n'est pas non plus la tendance la plus modérée de la SFIO qui importe et diffuse ce logo, mais la plus radicale, celle qui se définit comme marxiste mais anti-stalinienne.

Tchakhotine, après avoir quitté l'Allemagne, s'exile au Danemark, puis arrive en France au printemps 1934 où il adhère à la SFIO, dans la fédération de la Seine. C’est là qu’il rencontre Marceau Pivert et ses militants qui forment la tendance la plus radicale au sein de la SFIO. Ces derniers deviennent très vite adeptes des conceptions de Tchakhotine concernant l'autodéfense armée pour le prolétariat. La SFIO, très majoritairement réformiste, est mise devant le fait accompli suite à l'émeute fasciste de février 1934. Les pivertistes poussent à la création de milices ouvrières de défense et de services d'ordre armés. Les TPPS (« Toujours Prêts Pour Servir ») voient le jour suite à ça, ne respectant pas les directives du parti et se chargeant de nettoyer le département en attaquant les meetings, les défilés et les apparitions publiques de l'extrême-droite, aux côtés des jeunesses communistes et des militants de la CGTU. C'est d'ailleurs ce qui concrétisera en partie le rassemblement des différentes forces de gauche, en 1936, impulsé par les sections jeunes activistes antifascistes des différentes organisations se retrouvant lors d'actions coups de poing.

Le logo des trois flèches se généralise donc dans et par la Fédération de la Seine, qui signe avec ce symbole les affiches et les tracts sous influence de Marceau Pivert. Ce dernier crée en 1935 la tendance « Gauche Révolutionnaire » à l'intérieur de la SFIO et est élu dirigeant de la fédération départementale. Les trois flèches deviennent en France le symbole de la tendance pivertiste. Celui-ci dénonce la stratégie électorale du Front Populaire et préconise un Front fondé sur le combat social et les organisations ouvrières.

Suite à la victoire du Front Populaire en juin 1936, il exhorte Blum à rompre avec le capitalisme, mais ce dernier, réformiste, est méfiant vis-à-vis du monde ouvrier et de cette grève générale qui est en train de l'obliger à prendre directement les mesures sociales d'exception promises lors de sa campagne.

Déçu par la politique trop modérée de Blum, Marceau Pivert rompt avec la SFIO en 1937 et crée le PSOP (Parti Socialiste Ouvrier-Paysan). On peut trouver une certaine ressemblance avec le BOC catalan (Bloc Obrer y Campesino – Bloc Ouvrier et Paysan) créé par les Comités Syndicalistes Révolutionnaires espagnols, qui donnera le POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista – Parti Ouvrier d'Unification Marxiste). D'ailleurs, beaucoup de militants du POUM exilés d'Espagne suite à la défaite contre les franquistes rejoindront en France le PSOP de Pivert qui oscille entre marxisme anti-autoritaire et réformisme radical (sans compromis). Le parti sera interdit et dissout sous le régime collaborationniste de Vichy en 1940.

Notre utilisation aujourd'hui

Après ce petit côté historique des trois flèches, nous en arrivons donc à notre utilisation aujourd'hui.

Tout d'abord, les Redskins Limoges sont d'orientation révolutionnaire et anti-autoritaires. Seulement « d'orientation », parce que nous ne nous considérons pas comme une fin en soi. Nous n'avons pas la prétention comme d'autres collectifs ou groupes antifascistes de se revendiquer « anticapitalistes », tout simplement parce que ce n'est pas notre rôle.

Etre « anticapitalistes », c'est être organisés dans une structure de classe qui peut assumer et assurer la lutte de classes au quotidien avec comme objectif la destruction du capitalisme. Nous ne sommes qu'une petite structure informelle et activiste temporaire, notre but étant au travers de notre engagement dans les organisations de classe, de gagner celles-ci à la nécessité de s'organiser en force de combat massive antifasciste et de classe.

Nous nous sommes réappropriés le logo guerrier des trois flèches, non pas pour saluer les idées social-démocrates de Tchakhotine, mais pour saluer ses initiatives dans le domaine de l'autodéfense prolétarienne, parce qu'il est le premier à l'avoir structurée et propagée massivement. Nous revendiquons cet héritage des Arditi del Popolo et des formations prolétariennes d'autodéfense contre le fascisme et le capital ; il est donc important pour nous que les trois flèches ne tombent pas dans l'oubli et ne soient pas uniquement vues par l'apport réformiste de l'organisation qui se les est appropriées. Les trois flèches sont en dehors de l'idéologie de celui qui les a créées, un moyen simple, rapide et efficace de contrer la propagande fasciste et réactionnaire dans les rues.

De plus, les sections redskins/RASH qui utilisent le plus ce symbole aujourd'hui sont le RASH Bogota et le RASH Roma, largement composées de militant-e-s anarchistes, léninistes et marxistes-léninistes, c'est à dire opposé-e-s à la stratégie social-démocrate. On ne peut donc comparer l'utilisation des trois flèches aujourd'hui à de la propagande SFIO ou « social-démocrate ». Ces organisations se les sont appropriées à une époque donnée, les trois flèches sont tombées dans l'oubli, à nous aujourd'hui de les remettre au devant de la scène avec nos propres valeurs suivant les conseils de Tchakhotine en matière d'antifascisme.

http://redskins-limoges.over-blog.org/a ... 32319.html
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
http://redskins-limoges.over-blog.org/
Avatar de l’utilisateur-trice
Pti'Mat
 
Messages: 278
Enregistré le: 19 Aoû 2011, 15:51
Localisation: Limoges - Occitània

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede luco » 15 Déc 2011, 07:58

Je pense qu'il n'est pas inutile quand même, et sans remettre en cause l'utilisation des trois flèches par le mouvement antifa actuel, d'avoir un regard critique sur les théories de Tchakhotine.

Car en effet, voilà ce qui nous est dit successivement dans cet article (et à juste titre) :

Cette nouvelle propagande, issue du mouvement artistique « futuriste » italien, frappe les sens et empêche la réflexion critique d'individus immergés dans une symbolique paramilitaire (uniformes, défilés, drapeaux, hymnes, propagande guerrière antique...).


il faut contrer Hitler et les nazis sur leur propre terrain : la sollicitation émotive des masses.


Pour Tchakhotine donc, pour contrer la manipulation des masses par le fascisme et sa symbolique il faut... mettre en œuvre les même armes de manipulation au service... de l'anti-fascisme !

Or le projet d'émancipation individuel et social du socialisme libertaire s'oppose en tous points à celui, totalitaire, de soumission de l'individu à la collectivité. Et ce n'est pas une mince affaire dans le mvt ouvrier, que celle de tenter de mettre en cohérence les fins et les moyens. On sait ce qu'il est advenu des mouvements et régimes qui ont fait l'impasse sur cette nécessaire recherche de cohérence.

On peut aussi ajouter que quand les préconisations de Tchakhotine ont été mises en oeuvre (et elles l'ont partiellement été en France, il suffit de voir les photos de la SFIO des années 30 avec leurs uniformes etc.) elles n'ont pas eu d'effet notable ou mesurable, si ce n'est de renforcer la confusion entre mouvements et régimes autoritaires d'extrême-droite et "d'extrême-gauche" (redorant le blason à peu de frais du libéral pour incarner l'expression de la liberté individuelle).

On peut même dire, sans risque de se tromper, que dès qu'on voit des grands défilés martiaux en uniformes immaculés saluant drapeaux et effigies, on doit être assez loin du socialisme.

Appliqué à la lutte antifa contemporaine, même si j'approuve la multiplication des sites "antifas" reproduisant l'esthétique et les techniques de liens inaugurées (ou perfectionnées) par Zentropa et autres fafounets, je suis un peu inquiets de certains confusionnismes.
La technique des fafs est de faire feu de tout bois : Corto maltese, le straight-edge, un poète maudit du 19è, un groupe d'indus néo-nazi païen, un site à la gloire de jeanne d'arc la très chrétienne etc. On manipule, on instrumentalise, on mélange le tout et on tente de conquérir l'hégémonie culturelle par la droite de la droite. Bien.

Faire la même chose chez les Antifas me semble dangereux : quand de "la colonne de fer" (que je lis avec plaisir) on passe à "feu de prairie" et de là à "Kasama project" ou autre mao-niaiseries, on joue avec le feu. Tisser des alliances tactiques, ne pas être "sectaire" est une chose, mais contribuer à brouiller les différences de projet entre socialisme anti-autoritaire et saloperies pro-chinoises et staliniennes en les fondant dans le magma de l'anti-fascisme, me paraît contre-productif.
Avatar de l’utilisateur-trice
luco
 
Messages: 376
Enregistré le: 30 Déc 2008, 13:43

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede Pti'Mat » 15 Déc 2011, 18:30

Je suis d'accorrd avec toi et la critique nous l'avons faite. Il ne faut pas prendre cet article comme un puit de vérité historique mais plutôt comme une première pierre que l'on a voulu poser concernant cette histoire là, la réflexion autour de l'autodéfense prolétarienne et les moyens à mettre en place pour combattre sur tous les fronts l'extrème droite et le fascisme (dont ce fameux recours au symbolique qui est à mon sens aussi important que de les combattre physiquement et politiquement).
La réflexion doit également porter sur le dépassement des expériences passées, l'amélioration de cette stratégie vers nos valeurs. Car nombre de militant-e-s ouvriers-ères d'époque s'inquiètèrent de cette dérive paramilitaire éloignée de leur univers: au niveau de la pratique l'individu s'insère dans un ordre rigide, la raison décline au profit de l'instinct de lutte et de sentiment. Le fascisme n'est pas un adversaire comme les autres et ne se combat pas avec les mêmes armes. Cette dérive est la grande problèmatique que l'on rencontre inévitablement si on combat le fascisme.

Mais cette notion de "discipline", "paramilitaire", bref, l'aspect de soumission de l'individu au collectif est existant également dans le milieu libertaire, il n'y a qu'à regarder du côté des Arditi del Popolo à majorité anarchiste et syndicaliste révolutionnaire ou encore le Batallon de la mort dans les rangs de la FAI et CNT issu directement de l'aspect militaire arditi italien.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
http://redskins-limoges.over-blog.org/
Avatar de l’utilisateur-trice
Pti'Mat
 
Messages: 278
Enregistré le: 19 Aoû 2011, 15:51
Localisation: Limoges - Occitània

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede luco » 15 Déc 2011, 18:43

A vrai dire je ne sais pas si les Arditi del Popolo étaient si disciplinés que ça. Tu as des infos là-dessus ?

Moi ce qui me fait froid dans le dos, ce sont les "commandos de l'aube", ces commandos antifa qui venaient chercher chez eux les militants de droite et d'extrême-droite connus pour les fusiller sans autre forme de procès (comme le faisaient ceux d'en face évidemment). Il y a d'ailleurs eu des réactions anarchistes à cet état de fait, ainsi que pour les conditions des prisonniers.

La guerre même révolutionnaire ne doit pas tout permettre.

Tu n'as pas développé sur les liens entre sites libertaires, mL, maos...
Avatar de l’utilisateur-trice
luco
 
Messages: 376
Enregistré le: 30 Déc 2008, 13:43

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede Pti'Mat » 16 Déc 2011, 12:13

Concernant feu de prairie, avec qui je corresponds régulièrement, je peux affirmer qu'il n'y a aucune ambiguité à faire un front avec ce collectif. Ce n'est pas de l'affinitaire, cest politique, c'est le constat que des marxistes "autoritaires" sont parfois bien plus libertaires en pratiques que des anar ou libertaires auto-proclamés comme tel. Les camarades de feu de prairie (qui rassemble soit dit en passant des anar, des sans étiquettes et des marxistes tendance mao et léninistes) forme un des collectifs les moins sectaires et les plus ouvert que je connaisse. Au contraire de critiquer leur affinité idéologique, nous devrions tous et toutes prendre modèle sur eux. Ils citent sur leur site des textes de la FA, de la CNT, de AL etc... tous les sites libertaires ne peuvent en dire autant.

Feu de prairie veut justement contrer des sites comme zentropa en opérant la même stratégie à l'opposé, c'est un médias de relai de toutes les forces révolutionnaires, ce n'est pas une fin en soi. A partir de ce moment là je ne vois pas pourquoi pinailler sur les préférences idéologiques, eux ne font pas de différence ni de hierarchie sur le relai des infos intérèssantes.

Concernant les commandos de l'aube, je ne connais pas, as-tu de la doc sur ça ?
Je ne suis pas sur mon PC pour te filer de la doc sur les arditi del popolo, par contre il y a un article sur le site redskins limoges sur ça, et sinon je peux te conseiller un très bon bouquin (en francçais) sur le sujet, c'est "Otretorrente" de Pino Cacucci aux éditions Christian Bourgeois.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
http://redskins-limoges.over-blog.org/
Avatar de l’utilisateur-trice
Pti'Mat
 
Messages: 278
Enregistré le: 19 Aoû 2011, 15:51
Localisation: Limoges - Occitània

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede SchwàrzLucks » 16 Déc 2011, 12:50

Ouais enfin c'est bien beau le coup de "l'unité entre tous les révolutionnaires" et ça peut s'avérer utile à certaines occasions puisque l'on est faible, mais de là à se fondre en un seul et même groupe c'est du n'importe quoi.

Pourquoi ? Tout simplement parce que, une fois que la révolution pointe son nez, on se rend compte que, si cette alliance a pu nous amener quelques partisans, on a aussi pu leur en ramener, on participe à les renforcer. Qui plus est, et on l'a déjà constaté à de moult reprises, en période révolutionnaire (voire plus simplement à la révolution), les autoritaires deviennent eux-mêmes les pires contre-révolutionnaires et n'ont donc plus rien à envier aux réacs du vieux monde.

Voila le problème qui se pose : renforcer ceux n'hésiteront pas à nous supprimer/à nous jeter/à se faire fossoyeurs de la révolution sociale une fois au pouvoir. Je trouve qu'il y a là un glissement dangereux. L'important c'est de s'implanter dans le mouvement prolétarien, de pousser vers l'unité des exploité-e-s face aux exploiteurs. Pas de ne faire qu'un avec des avant-gardistes qui, sitôt le pouvoir pris, soutiendront un nouveau régime d'exploitation.
Sans compter que, normalement, y a quand même des divergences de fond sur les méthodes à employer dans les luttes entre libertaires et autoritaires. Mais bon, après rien ne me surprend, j'ai déjà vu au cours du dernier mouvement étudiant des totos appeler à un "comité de lutte ouvert à tou-te-s et horizontal" où au final deux/trois grandes gueules "libertaires" marchaient sur la gueule de celles et ceux qui ne tenaient pas un discours assez révolutionnaire à leur goût. En gros, ce comité se résumait après une semaine à la présence de bolchos et de totos dont certain-e-s étaient qualifiables de mao-spontex.
SchwàrzLucks
 
Messages: 406
Enregistré le: 18 Oct 2010, 21:39

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede Pti'Mat » 16 Déc 2011, 13:28

Avant de penser à la révolution qui pointe, il faut d'abord réflechir aux stratégies, aux pratiques adéquates et massives qui lui permette de pointer son petit nez rouge.
A aucun moment il n'est question de se fondre en un seul et même groupe mais de communiquer entre collectifs et individus qui aspirent au même objectif, même si les moyens politiques sont différents pour y arriver. Plus on entretiendra la camaraderie au delà de nos chapelles et plus il sera facile pour le prolétriat de retrouver une conscience de classe homogène.

Si déjà tu réflechis au nombre de partisans que pourrait nous apporter un front commun alors tu ne vaut pas mieu que ceux que tu critiques. Le but ce n'est pas de faire du chiffre, des cartes, ce n'est pas le recrutement de moines-soldat, le but c'est la révolution, l'unification organique de la classe qui doit passer par le front unique des organisations prolétariennes.
Si des "partisans" (tu entends par là des militant-e-s anarchistes ?) rejoignent une orga concurrente "autoritaire" c'est déjà qu'il y a un problème à la base, il faut se remettre en question sur les stratégies et pratiques, peut être qu'elles ne sont alors pas adaptées et appropriées. Certes il n'y a pas de recettes pré-fabriquées, mais il y a des pratiques et stratégies pré-existantes qui permettent une certaine cohésion dans la lutte de classe, et si celà transparait sur le térrain, alors il y aura une influence massive, il y aura de la confiance, pas de raison de quitter l'orga et au contraire ça permettra à d'autres orga a fusionner dans cette stratégie, dans l'intérêt de la révolution.
Il n'y a pas que les "autoritaires" qui deviennent les pires contre-révolutionnaires, la trahison des révoltes prolétariennes ne sont pas l'apanache des communistes "autoritaires" ou des sociaux-démocrates, souviens-toi la collaboration des anarchistes au gouvernement espagnole bourgeois en 36-39... Si des contre-révolutionnaires ou des "autoritaires" prennent le dessus sur la masse c'est aussi qu'il y a un problème à la base, c'est que l'organisation à la base n'est pas assez cohérente pour provoquer l'émulation de la masse contre la réaction. Il y a donc tous ces aspects à réflechir et surtout à débattre entre camarades de différentes tendances, courants politiques. L'important ce n'est pas nous, l'important c'est l'émancipation du prolétariat et la libération du peuple. Le militant révolutionnaire doit être au service des classes populaires et non pas les classes populaires au service du militant révolutionnaire ou de l'orga politique révolutionnaire. Quand on a compris ça, mutuellement consenti, alors oui un front unique entre orga est possible, comme la révolution des Asturies en 1934.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
http://redskins-limoges.over-blog.org/
Avatar de l’utilisateur-trice
Pti'Mat
 
Messages: 278
Enregistré le: 19 Aoû 2011, 15:51
Localisation: Limoges - Occitània

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede SchwàrzLucks » 16 Déc 2011, 14:34

Si déjà tu réflechis au nombre de partisans que pourrait nous apporter un front commun alors tu ne vaut pas mieu que ceux que tu critiques. Le but ce n'est pas de faire du chiffre, des cartes, ce n'est pas le recrutement de moines-soldat, le but c'est la révolution, l'unification organique de la classe qui doit passer par le front unique des organisations prolétariennes.


Partisans je parle dans le sens de partisans de notre solution, pas forcément de militant-e-s. Alors désolé je ne fais pas dans le relativisme et je pense effectivement qu'il est important de montrer les défauts de la "solution" autoritaire (et l'impasse qu'elle est) et d'affirmer nos désaccords quand aux moyens à employer pour aboutir au communisme. Pas question pour moi de militer pour le compte des léninistes, c'est clairement la solution de la révolution sociale ET libertaire qu'est la mienne, et je me vois mal faire dans un relativisme idiot qui mettrait solution léniniste et solution libertaire sur un pied d'égalité.

Bien entendu qu'il ne suffit pas de se dire "anar" pour ne plus risquer d'être autoritaire, j'en ai d'ailleurs parlé à la fin de mon précédent post en donnant un exemple, auquel on peut ajouter tes exemples historiques. Sauf que, comme dit précédemment, ces individu-e-s n'ont rien d'anarchiste si ce n'est qu'il s'en donne le nom.

A aucun moment il n'est question de se fondre en un seul et même groupe mais de communiquer entre collectifs et individus qui aspirent au même objectif.


Tu m'en vois rassuré. Mais avoue que le passage qui suit sous-entendait bien qu'il était une bonne chose que le groupe en lui-même soit composé de tous les courants :

"Les camarades de feu de prairie (qui rassemble soit dit en passant des anar, des sans étiquettes et des marxistes tendance mao et léninistes) forme un des collectifs les moins sectaires et les plus ouvert que je connaisse. Au contraire de critiquer leur affinité idéologique, nous devrions tous et toutes prendre modèle sur eux."

Pour les alliances suivant le contexte je suis d'accord.
SchwàrzLucks
 
Messages: 406
Enregistré le: 18 Oct 2010, 21:39

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede Pti'Mat » 16 Déc 2011, 16:32

"qu'il est important de montrer les défauts de la "solution" autoritaire (et l'impasse qu'elle est) et d'affirmer nos désaccords quand aux moyens à employer pour aboutir au communisme"

Oui, mais le meilleur moyen est de convaincre par la pratique. Si tu les traites d'abord comme des moins que rien, comme des ennemis, on ne peut convaincre les camarades de formation léniniste. On ne peut créer une phase révolutionnaire stable basée sur la rancoeur, le préjugé. Le meilleur moyen est donc bien d'être lier, communiquer, échanger, mutualiser, pour que petit à petit les accords apparaissent plus gros que les désaccords.
La question n'est donc pas de mettre sur un même pied d'égalité mais de pratiquer. Pour tout te dire, pour moi, niveau pratique, les orga anarchistes sont similaires aux orga léninistes: aucune capacité à mobiliser les travailleurs-euses. Mais le meilleur moyen est donc bien de proposer un cadre unitaire dépassant les faiblesses des orga politiques: c'est pour celà que j'ai choisi de militer dans le syndicalisme révolutionnaire, parce que celà me parait la solution pour dépasser l'impasse dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Je peux me tromper, seule la pratique décidera de l'issue. Une chose est sûr, dans le SR, les militant-e-s issu-e-s de formation léniniste comme libertaire sont sur le même pied d'égalité et adhèrent à la même pratique et stratégie: la philosophie de l'action et du térrain. L'idéologie, l'interprétation, c'est du passé. On peut être SR et être anar et/ou coco, l'idéologie eprso c'est le point de réflexion et de débat et le SR, le syndicat c'est la pratique.

"ces individu-e-s n'ont rien d'anarchiste si ce n'est qu'il s'en donne le nom."

Si l'anarchisme était une doctrine homogène, ça se saurai. De part mon expérience dans le milieu anarchiste, je peux dire sans trop me tromper qu'il y a autant d'anarchistes qu'il y a d'interprétation de l'anarchisme, au même titre que dans le marxisme et les dérives léninistes.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
http://redskins-limoges.over-blog.org/
Avatar de l’utilisateur-trice
Pti'Mat
 
Messages: 278
Enregistré le: 19 Aoû 2011, 15:51
Localisation: Limoges - Occitània

Re: L'histoire du symbole des trois flèches

Messagede bipbip » 19 Oct 2018, 20:49

Histoire et variations du logo antifasciste (1) : les origines

À l’occasion de la publication de notre traduction du livre sur l’histoire du mouvement antifasciste allemand, nous vous proposons d’en savoir plus sur le célèbre logo aux deux drapeaux, symbole de l’antifascisme un peu partout dans le monde. Bern Langer, dont nous avons traduit l’ouvrage, est en effet l’auteur de la version moderne (en 1989) de ce logo, initialement créé en 1932 (l’historique que nous vous présentons ici reprend de larges passages de son livre).

Alors que, le 11 octobre 1931, les forces national-conservatrices allemandes tentèrent d’intégrer dans une alliance commune (baptisée le Hazburger Front) le NSDAP d’Aldof Hitler, qui, quelques jours plus tard, faisait une démonstration de force avec la Marche des 100 000 SA à Brunswick, le Parti communiste allemand (KPD), le Parti socialiste allemand (SPD) et d’autres non-organisés tentaient de faire face à la situation.

Les trois flèches

En réaction au Harzburger Front, la Reichsbanner, le SPD, le Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund (ADGB), le Allgemeiner Angestelltenbund (Afa-Bund) et le Arbeiter Turn- und Sportbund (ATSB) formèrent le Front de fer le 16 décembre 1931. Son symbole était trois flèches (pour le SPD, la Reichsbanner et l’ADGB) qui partaient d’en haut, à droite pour aller vers le bas, à gauche.

En 1932, le KPD était un parti complètement stalinien, et une ingérence démocratique de la base sur la direction du parti était exclue. La naissance de l’Antifaschistische Aktion intervint plutôt dans le cadre du concept bien connu de politique de front uni, relatif à la fois au contenu et à la stratégie, selon la directive du Komintern, et elle ne marqua aucune rupture avec la ligne anti-socialdémocrate. La création de l’Antifaschistische Aktion correspondait donc clairement à une volonté manifeste des communistes de contrecarrer le Front de fer, et n’était pas au départ explicitement dirigé contre les nazis. Les communistes voulaient plutôt que la base du SPD tout autant que celle du NSDAP les rejoignent dans leur politique contre le système capitaliste. Il y eut ainsi des apparitions très démonstratives et des discours d’invités du SPD et de la Reichsbanner et, de temps à autre, des membres des SA firent des apparitions à la tribune et parlèrent de travail commun…

Création du logo aux deux drapeaux

C’est à ce moment que l’emblème avec les deux drapeaux, qui symbolisaient le KPD et le SPD (uniquement la base du SPD, pas le parti en tant que tel) inscrits dans une bouée de sauvetage avec l’inscription « Antifaschistische Aktion », apparut sur presque toutes les publications et dans toutes les manifestations du KPD. Les graphistes Max Keilson et Mal Gebhart, membres du Bund revolutionärer bildender Künstler Deutschlands (BRBKD), en étaient les auteurs. L’agitation politique menée par le KPD marcha à plein régime à partir de ce moment-là. À l’aide d’affiches, de journaux et de numéros spéciaux, le parti essaya de se poser en initiative riche de perspectives.

... http://lahorde.samizdat.net/2018/10/05/ ... -origines/
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 09:05


Retourner vers Histoire

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun-e utilisateur-trice enregistré-e et 4 invités